Madame la Présidente, c'est un plaisir encore une fois de prendre la parole à la Chambre à titre de député de Chilliwack—Hope, une circonscription où se trouvent de nombreuses réserves.
La nation Sto:lo et la nation Ts'elxwéyeqw font partie de ma région et elles jouent un rôle clé en partenariat avec la ville de Chilliwack et le district de Hope dans l'épanouissement de la collectivité. Dans un instant, je donnerai d'excellents exemples de réconciliation survenus dans les dernières années dans ma région.
Aujourd'hui, le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes s'est livré à des attaques partisanes à l'endroit du Parti conservateur. Évidemment, c'est le Parti conservateur, sous la gouverne de Stephen Harper, qui a présenté des excuses historiques aux anciens élèves des pensionnats indiens. C'était le 11 juin 2008.
Le gouvernement y était arrivé après beaucoup de travail en collaboration avec les dirigeants des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Ces groupes étaient représentés par des chefs et des dirigeants de partout au pays ici même sur le parquet de la Chambre des communes et à l'édifice du Centre. C'était un moment poignant pour tous les Canadiens.
Mon père, Chuck Strahl, était le ministre des Affaires indiennes, comme s'appelait le ministère à l'époque, et ce fut un grand moment de fierté pour lui au cours de sa longue carrière que de pouvoir prendre part à ces excuses où on reconnaissait les séquelles causées par les pensionnats indiens, un chapitre sombre de l'histoire du pays. Cela a été reconnu pour la première fois à la Chambre sous un gouvernement conservateur.
C'est le gouvernement conservateur qui a mis sur pied la Commission de vérité et réconciliation dans le cadre de l'entente relative au règlement concernant les pensionnats indiens. Cette commission a écouté les histoires de survivants partout au pays pendant sept ans. Elle les a écoutés raconter ce qu'ils avaient vécu et comment le système des pensionnats avait changé, à tout jamais, leur vie, celle de leurs parents et de leurs grands-parents et, dans bien des cas, celle des générations suivantes. Nous avons reconnu ce qui était arrivé et le fait que cela n'aurait pas dû arriver. Nous avons reconnu les torts à long terme que le système des pensionnats avait causés aux communautés des Premières Nations, des Métis et des Inuits d'un bout à l'autre du pays. Ce fut une étape importante.
La Commission de vérité et réconciliation a présenté de nombreuses recommandations, dont l'une est à l'étude aujourd'hui.
Je me souviens que j'étais le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires autochtones lorsque les 94 recommandations ont été présentées. Je m'en souviens parce que le sénateur Sinclair a remis à la Chambre ces 94 recommandations tout juste avant la période des questions. Quand les libéraux ont posé leur première question, ils ont indiqué qu'ils appuyaient les 94 appels à l'action sans même les avoir lues. C'est un fait.
Des élections se profilaient à l'horizon, et la ministre des Relations Couronne-Autochtones actuelle était alors la porte-parole des libéraux. Elle a affirmé que les libéraux étaient favorables aux 94 recommandations même s'ils ne les avaient pas lues. Cela témoigne de l'importance qu'ils accordaient à ce dossier. Dès le départ, tout était une question de symbolisme. Malheureusement, l'histoire se répète aujourd'hui.
Je suis ici depuis un bon moment et j'ai suivi le dossier. J'ai entendu un député libéral parler de symbolisme important, et du poids des mots. Nous pouvons nous pencher sur les mots qui ont été choisis, et je vais lire les changements proposés de nouveau. Le serment dit ceci:
Je jure fidélité et sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth Deux, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs et je jure d’observer fidèlement les lois du Canada, y compris la Constitution, qui reconnaît et confirme les droits — ancestraux ou issus de traités — des Premières Nations, des Inuits et des Métis, et de remplir loyalement mes obligations de citoyen canadien.
Si nous pensons vraiment que le choix des mots est important, alors le libellé du serment actuel est également important. Il tient déjà compte des éléments que nous voulons ajouter. La partie « y compris la Constitution qui », est déjà couverte par la partie « j’observerai fidèlement les lois du Canada ». Par conséquent, la modification proposée n'ajoute rien de concret.
Les traités qu'on nous demande de reconnaître dans le projet de loi sont déjà intégrés dans les lois du Canada. On demande déjà aux néo-Canadiens d'affirmer qu'ils vont observer fidèlement ces lois. Bien franchement, le gouvernement tente d'utiliser des mots pour se donner bonne conscience au sujet de sa relation avec les Autochtones, car, à l'heure actuelle, cette relation continue d'être tendue.
Les libéraux prétendent que si les néo-Canadiens sont obligés de prononcer ces paroles, ce sera un symbole important pour les Autochtones. À mon avis, ce qui constituerait un symbole plus puissant aux yeux des Autochtones, ce serait que la Couronne respecte les lois ou les traités du pays. Depuis que je suis député et que je travaille dans ce dossier, je n'ai pas entendu beaucoup de chefs autochtones se plaindre du fait que les citoyens canadiens ou les néo-Canadiens n'observent pas fidèlement les traités. Cependant, je les ai souvent entendus dire que le gouvernement — la Couronne — ne remplit pas ses obligations en vertu de la loi.
Si nous voulons vraiment changer les choses, si nous voulons répondre aux préoccupations des dirigeants autochtones et des Autochtones eux-mêmes, c'est au gouvernement, à la Couronne, de respecter ses obligations et non aux nouveaux Canadiens de dire qu'ils confirment les droits ancestraux ou issus de traités des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Si le gouvernement prend cette mesure parce qu'il estime qu'elle est importante, c'est un peu du symbolisme mal placé.
Le gouvernement devrait plutôt se concentrer sur la recommandation numéro 93 de la Commission de vérité et réconciliation, qui porte sur l'éducation. L'un des héritages durables des excuses de 2008, c'est que la population connaît mieux l'histoire des pensionnats, de ce chapitre de notre histoire, et qu'elle sait qu'il faut en tirer des leçons.
Parallèlement, la recommandation numéro 93 demande au gouvernement d'accroître la portion consacrée à ce sujet dans la trousse d'information des nouveaux arrivants pour que les gens qui atteignent la dernière étape du processus, celle où ils prononcent le serment de citoyenneté, aient appris tout ce qu'il y a à savoir sur les diverses relations qui ont façonné notre merveilleux pays. Ce sont des éléments d'un tout, et cela vaut tant pour les deux peuples fondateurs que pour les traités autochtones. Le système des pensionnats, ce sombre chapitre de notre histoire, en fait aussi partie.
Ma crainte est la suivante: une fois que nous commencerons à dire qu'il faut observer toutes les lois, « y compris la Constitution, qui » — et le gouvernement dira probablement que cela n'arriverait jamais —, pourquoi ne pas en venir à dire « y compris la Constitution, qui comprend la Charte des droits et libertés »? Nous croyons tous en la Charte. Nous devrions l'inclure. Les néo-Canadiens devraient prêter serment à ce sujet, pour dire qu'ils observeront non seulement les dispositions législatives dans la Constitution, qui comprennent les traités, mais aussi la Charte des droits et libertés.
Que dire du fait qu'il y a deux langues officielles dans notre pays? Pourquoi ne pas inclure cela dans le serment? Tant qu'à aller plus loin que les lois pour inclure la Constitution, pour inclure les traités, qu'est-ce qui nous empêche d'élargir encore la portée du serment? Dire que nous observerons fidèlement les lois du Canada veut déjà dire tout cela.
Mon collègue de Yellowhead l'a aussi mentionné. Nous avons beaucoup entendu parler de réconciliation aujourd'hui. On nous dit que c'est l'objet du débat.
Comme je l'ai déjà dit à la Chambre et certainement dans ma propre collectivité, je crois que la réconciliation est un processus. C'est un cheminement. Ce n'est pas une destination que l'on atteint en cochant des cases sur une liste de vérification. J'ai l'impression que c'est ce que nous faisons aujourd'hui. Certains sont convaincus qu'en cochant cette case-ci, à savoir la recommandation 94, nous serons sur la bonne voie vers la réconciliation.
Je dirais que la situation actuelle constitue l'une de ces occasions où ce qui se passe à la Chambre va fondamentalement à l'encontre de ce qui se passe dans le vrai Canada. Bien franchement, nous l'avons vu chez les manifestants qui ont tenté de bloquer un projet énergétique; il s'agit de leur principal objectif. À de nombreuses manifestations, nous pouvons voir des banderoles où il est écrit que c'en est fini de la réconciliation. Des Mohawks en Ontario aux Wet'suwet'en en Colombie-Britannique, il y a des Autochtones qui désapprouvent les projets et ils manifestent contre les actions du gouvernement.
Aujourd'hui, nous pouvons débattre ainsi, nous exprimer comme nous le faisons à la Chambre, qui est un lieu très sûr où parler de la réconciliation, un environnement très stérile. Cependant, c'est une tout autre histoire qui commence à se dégager à l'extérieur du Parlement. Les communautés et les dirigeants autochtones se sentent délaissés par le gouvernement, qui affirme sans cesse, comme nous l'avons encore entendu mardi, qu'il n'y a pas de relation plus importante que celle qu'il entretient avec les peuples autochtones.
Est-ce conforme au bilan du gouvernement? Je dirais que ce n'est absolument pas le cas. Le bilan du gouvernement dans le dossier des peuples autochtones témoigne plutôt d'un profond manque de respect. Nous l'avons constaté à de nombreuses reprises. Je pense que les Canadiens se souviendront très bien de deux cas, et je voudrais en évoquer quelques autres.
Il y en a un dont on se souviendra très clairement. Il est survenu à l'extérieur de la Chambre des communes, un lieu où des règles régissent notre conduite. Nous sommes tous députés. Nous ne pouvons même pas nous appeler par notre nom. C'est ainsi que les choses sont structurées ici, à la Chambre. Cependant, lorsque nous sortons de cette enceinte et que nous sommes confrontés à la réalité, notre façon d'y réagir est beaucoup plus révélatrice.
De nombreux Canadiens se souviendront du jour où le premier ministre a prononcé un discours devant un groupe d'avocats et de donateurs bien connus, des donateurs du Parti libéral qui avaient donné le montant maximal à son parti. Pendant son discours, le premier ministre a été interrompu par une jeune Autochtone qui aurait très bien pu faire référence à la recommandation de la Commission de vérité et réconciliation sur l'eau potable. Ce jour-là, elle a parlé de Grassy Narrows. Elle a dit que le premier ministre avait promis qu'il y aurait là-bas une installation de traitement de l'eau, qu'il y avait du mercure dans l'eau et que la population était en train de mourir.
Le premier ministre s'est moqué ouvertement d'elle en lui disant: « Merci de votre don. » C'est ainsi qu'il a réagi, à l'extérieur de l'espace protégé que lui procure la Chambre, lorsqu'il a été confronté à la réalité d'une manifestante autochtone. Il l'a remerciée de son don, pendant que des donateurs fortunés qui n'ont jamais eu à se soucier de l'accès à l'eau potable riaient à gorge déployée dans une salle d'un hôtel du centre-ville. C'est ce qu'il a fait lorsqu'il a été confronté à cette situation.
Puisque nous parlons de réconciliation, je sais à quel point les communautés autochtones de ma circonscription, en Colombie-Britannique, étaient fières de voir une Autochtone être nommée ministre de la Justice — une première — dans le Cabinet fédéral de 2015. Elle était une ancienne chef régionale de l'Assemblée des Premières Nations pour la Colombie-Britannique. Elle avait défendu des dossiers autochtones pendant des années dans ma province. Nous n'étions pas toujours en désaccord; d'ailleurs, lorsque j'étais secrétaire parlementaire, sous le gouvernement conservateur, elle était généralement là pour me dire comment on pouvait mieux faire. C'était une dirigeante aussi respectée que son père.
Nous avons vu la réaction à la Chambre quand elle a décidé de tenir tête au premier ministre. Elle a été sommairement démise de ses fonctions de ministre de la Justice. Elle a été humiliée. Je me rappelle bien que l'ancien député de Mission—Matsqui—Fraser Canyon, Jati Sidhu, a dit qu'elle ne savait rien, qu'elle ne faisait que suivre les directives de son père. Il a fait preuve de condescendance envers une avocate, une ministre de la Justice et une procureure générale.
C'était là la véritable opinion que le gouvernement avait d'elle lorsqu'elle a dit la vérité, ce qui a mené à son expulsion du Cabinet, puis du parti. Je me souviens également de Jane Philpott, l'une des ministres des Services aux Autochtones qui a fait le plus de choses durant son mandat. Elle a été elle aussi expulsée du Cabinet et du Parti libéral pour avoir dit la vérité au premier ministre.
Je veux parler d'autres façons dont les libéraux ont manqué de respect envers les communautés autochtones. Nous savons que, au sein de la communauté des Wet'suwet'en, 20 chefs des Premières Nations et leurs conseils, 9 chefs héréditaires et, d'après l'un de ces chefs héréditaires, 85 % des habitants du territoire appuient le gazoduc Coastal GasLink, et que le gouvernement n'est pas allé leur parler. En fait, les libéraux parlaient plutôt de dialoguer avec les personnes souhaitant mettre fin à ce projet qui favoriserait la prospérité économique de la région.
Je me souviens également des participants d'Aboriginal Equity Partners. Leur histoire est l'une des plus grandes tragédies des cinq dernières années. Ils détenaient une part de 30 % dans le projet d'oléoduc Northern Gateway. Ils avaient travaillé avec la société. Je crois que 31 Premières Nations et communautés métisses avaient conclu un accord avec celle-ci qui leur aurait permis de tirer des bénéfices de 2 milliards de dollars.
Or, d'un simple trait de plume, le premier ministre a privé les communautés en question de cette prospérité économique. Quand nous avons demandé si les libéraux avaient consulté les communautés, le premier ministre a répondu qu'il n'était pas obligé de les consulter parce qu'ils annulaient un projet. Le gouvernement n'a même pas envisagé que l'annulation de ce projet nuirait à la prospérité économique des Premières Nations et des communautés métisses.
C'est ce qui est arrivé aujourd'hui avec le projet Teck Frontier. Je sais que de nombreux libéraux ont passé la journée à se réjouir que Teck Frontier ait décidé d'abandonner ce projet, un projet associé à 7 000 emplois, à 20 milliards de dollars de développement économique dès le départ et à 70 milliards de dollars de recettes fiscales pour tous les gouvernements. Les libéraux s'en réjouissent, mais ils ne mentionnent pas que 14 Premières Nations viennent d'être privées d'un débouché économique à cause du gouvernement. Elles voient cette chance partir en fumée parce que le gouvernement a créé un environnement absolument impossible. Cela me rappelle le pipeline Énergie Est. Les libéraux avaient dit, alors, que l'entreprise avait tout simplement pris une décision. C'est vrai: elle avait finalement pris la seule décision que lui laissait le gouvernement. Après avoir vu le processus réglementaire et les règles du jeu changer à de multiples reprises, elle a finalement conclu qu'elle ne pouvait pas faire des affaires dans de telles conditions.
Il est particulièrement tragique que, parmi les gens qui ont perdu espoir et ont vu des chances s'envoler, certains souffrent d'une pauvreté et de conditions sanitaires que nous n'accepterions jamais dans nos collectivités. Le gouvernement semble accepter que des Premières Nations doivent simplement continuer de vivre dans la pauvreté, que les projets économiques que le secteur privé souhaite réaliser avec elles en partenariat n'en vaillent pas la peine. En fait, le gouvernement est prêt à tout pour détruire ces possibilités économiques.
Encore une fois, il s'agit d'un projet de loi symbolique qui vise à rassurer le gouvernement au sujet de son programme de réconciliation. Sur le terrain, les Canadiens constatent eux-mêmes à quel point le programme de réconciliation du gouvernement ne fonctionne pas et à quel point il est incapable de trouver un juste équilibre dans le cadre de ses partenariats économiques et environnementaux. Pour le gouvernement, trouver le juste équilibre signifie qu'il n'y a ni développement économique ni retombées économiques pour les Autochtones qui ont pris le temps de se consulter étroitement.
C'est un changement au serment qui n'est pas nécessaire. Bien franchement, le gouvernement a conçu ce projet de loi pour se donner bonne conscience parce que son processus de réconciliation est un échec. Nous ne pouvons pas l'appuyer.