Monsieur le Président, je suis heureux aujourd’hui de prendre part au débat sur la motion parrainée par la députée du Nouveau Parti démocratique. J’ai siégé avec elle au Comité des affaires autochtones pendant un certain temps.
Je prends la parole parce que ce dossier m’est très cher. Je ne serais probablement pas ici si le Programme d'aide aux étudiants de niveau postsecondaire n’avait pas existé dans ma collectivité. Ma femme et moi avons été les premiers diplômés universitaires de nos familles ainsi que les premiers dans nos familles à terminer la douzième année. Si ce n’était du programme, honnêtement, je ne serais pas ici. La qualité de vie dont bénéficient aujourd’hui mes enfants et les autres membres de ma famille a une explication. Cette explication, c’est l’aide que j’ai eue du Programme d'aide aux étudiants de niveau postsecondaire.
Comme nos deux familles étaient pauvres et que nous grandissions dans des collectivités isolées du Nord, nous ne pouvions pas nous payer le luxe de suivre des études postsecondaires. J’ai l’impression de bien mieux servir mon pays et mes concitoyens en tant que Canadien productif parce que j’ai étudié et contribué à ce qui doit être fait pour améliorer encore notre pays.
Voilà ce que le Programme d'aide aux étudiants de niveau postsecondaire a fait pour moi, pour ma femme et pour mes enfants. Mes deux aînés fréquentent l’université eux aussi. Je sais qu’ils auront un succès éclatant et qu’ils continueront à servir leur collectivité, leur province et leur pays comme j’espère le faire moi-même en vertu de mon rôle de député à la Chambre des communes.
Quand je pense à ma situation et à ce qui se vit dans mon coin de pays, je sais que les aspirations de nombreux jeunes Autochtones, Métis et Inuits au Canada sont les suivantes: obtenir de l’aide et s’instruire, parce que nombre de mes concitoyens, qu’ils soient Autochtones, Métis ou Inuits vivent quotidiennement dans la pauvreté. L’éducation est la solution pour vaincre la pauvreté, comme l’a dit le secrétaire parlementaire, la députée de Nanaimo—Cowichan et bien d’autres députés.
Ayant grandi au sein d’une collectivité où la pauvreté est la norme, je peux constater une évolution. On commence à voir émerger une nouvelle réalité qui suppose une attitude positive, où les gens peuvent voir la lumière au bout du tunnel. Une des meilleures façons de faciliter l’atteinte de ce nouveau pinacle ou le niveau suivant, de sortir de la pauvreté, c’est de s’instruire.
Je conviens avec le secrétaire parlementaire que le système allant du jardin d’enfants à la 12e année est très important dans ce domaine, mais nous ne pouvons pas faire abstraction du niveau postsecondaire aujourd’hui. J’en parlerai un peu plus dans quelques instants.
Dans l’ensemble, les Autochtones vivent en marge de la société dans notre grand pays. J’aborderai très brièvement les trois phases modernes des relations entre les Autochtones et l’État, et j’expliquerai en contexte les raisons pour lesquelles le financement de l’éducation postsecondaire et le soutien des établissements sont essentiels aujourd’hui.
Entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et 1969, les peuples autochtones vivaient dans leurs collectivités. Le gouvernement savait que nous étions là, mais il ne réagissait jamais à moins d’une situation de crise. Et quand il y avait une crise, le gouvernement se limitait à des mesures ponctuelles. Il n’avait pas de vraies solutions à court, à moyen et à long terme. Rien que des réactions ponctuelles. Cela explique le nom de cette phase. Les relations entre les peuples autochtones et l’État se résumaient à des interventions ponctuelles en cas de crise.
Quelque chose a changé en 1969. L’étincelle qui a provoqué une remontée dans la communauté autochtone, c’est justement la question dont nous discutons aujourd’hui: l’éducation. Un livre blanc a été déposé en 1969. À part les passages que notre peuple n’a pas appréciés, ce document disait essentiellement que, pour devenir des membres à part entière de la société canadienne, nous devions accéder à l’éducation postsecondaire ou améliorer notre système d’éducation.
Cela a amorcé la phase suivante. Les peuples autochtones en avaient assez d’être marginalisés. Ce n’est que récemment qu’ils ont été en mesure d’engager des avocats et de sortir des réserves pour faire des achats ou autre chose. Auparavant, ils avaient besoin d’un permis de l’agent des Indiens. Ils se souviennent tous du fait qu’ils n’étaient pas autorisés à voter jusqu’à tout récemment. En passant à la phase suivante, ils ont commencé à contester, à se défendre et à vouloir faire reconnaître leurs droits. Un élément important s’est produit en 1972. C’est la publication du document parlant du contrôle par les Indiens de l’éducation des Indiens.
Entre 1970 et le début des années 1990, il y a eu une phase des relations avec l’État qui s’est caractérisée par l’affrontement. Les peuples autochtones ont eu recours aux tribunaux pour faire reconnaître leurs droits et les protéger. Malheureusement, il y a eu les événements d’Oka et d’Ipperwash, qui ont été marqués par des pertes de vie. Cette phase allant du début des années 1970 au milieu des années 1990 n’a pas été très positive.
Toutefois, elle a permis d’éclaircir certaines questions. La Cour suprême, la Cour fédérale et les tribunaux provinciaux ont dit que c’était assez. Ils ont dit qu’il y avait une jurisprudence suffisante et assez de précédents pour que le gouvernement et les Premières nations, les Métis et les Inuits s’en inspirent pour entreprendre une nouvelle phase dans leurs relations. Ils ont dit à toutes les parties de se servir de ces moyens comme cadre pour définir de nouvelles relations entre le Canada et les peuples autochtones du Canada.
Avec la CRPA en 1993, nous avons commencé à voir se produire un peu de changement dans les relations tendues qui n’avaient été au début qu’une crise ponctuelle. C’était l’époque où on avait une attitude qui semblait vouloir dire: « Nous savons que vous êtes là, mais cela ne nous importe vraiment pas ». Ce fut une époque d’affrontement. Les années 1990 ont marqué le commencement d’une ère davantage axée sur la collaboration, en partie alimentée par la CRPA. Nous avons été témoins de la dévolution d’un plus grand nombre de programmes aux collectivités autochtones. Plus d’une centaine de tables de négociation pour l’obtention de l’autonomie gouvernementale sont apparues aux quatre coins du pays.
Ce à quoi nous avons assisté, des années 1990 jusqu’à maintenant, c’est à l’émergence d’un consensus à propos du fait que nous étions dans ce pays pour y rester et qu’il nous fallait travailler tous ensemble. Nous nous devions de faire fond sur les droits existants. Il nous fallait les situer dans le contexte canadien de manière à pouvoir vivre tous ensemble en harmonie comme Canadiens.
Pour avoir été chef au moment de la négociation de l’Accord de Kelowna, je puis vous dire que cet accord a été le point tournant dans cette relation. Les accords politiques signés entre les Premières nations, les Métis et les Inuits ont été des documents marquants dans lesquels on décrivait bien clairement la façon dont le gouvernement du Canada, dans ses relations avec les Premières nations, les Métis et les Inuits, devrait procéder pour discuter de questions d’intérêt mutuel, comme l’éducation postsecondaire, le logement, le développement économique, la santé et ainsi de suite.
Malheureusement, cette relation connaît maintenant un nouveau tournant, mais dans le sens inverse cette fois. Ce qui m’inquiète aujourd’hui, c’est que nous commençons à assister dans cette relation à un retour à la phase intermédiaire, une phase à laquelle personne ne souhaite revenir. Il est certain que les Premières nations, les Métis et les Inuits ne veulent pas retourner à cette phase, qui a été caractérisée par l’affrontement, après avoir versé leur sang, leur sueur et leurs larmes pour créer une relation où la collaboration était de règle.
L’objectif numéro un à atteindre avec la conclusion de l’Accord de Kelowna et d’autres accords politiques était de venir à bout de la pauvreté dans les collectivités autochtones. Ce devait être le problème le plus urgent auquel il nous fallait nous attaquer. Cela dit, je crains que nous ne soyons en train de reculer après avoir marqué tant de points.
Cela décrit un peu où nous en sommes, nous aide à voir ces choses dans leur contexte. J’aimerais maintenant vous parler des Autochtones eux-mêmes. J’ignore combien d’entre nous, les députés, sommes conscients que la moitié des Autochtones ont moins de 18 ans, en tout cas assurément moins de 20 ans. Dans les localités de ma circonscription, la moitié de la population a moins de 18 ans. Cela représente un potentiel que nous ne pouvons nous permettre de gaspiller, un potentiel qui, si nous mobilisons adéquatement cette jeune population, pourrait contribuer à vaincre la pauvreté, dont j’ai parlé plus tôt. C’est une population que nous ne saurions négliger impunément.
Il a effectivement été question de 305 millions de dollars, mais, malgré tout le respect que je dois au secrétaire parlementaire, je m'inscris en faux contre ce qu'il vient de dire, en l'occurrence que l'argent pourrait être mieux utilisé. C'est possible, mais il n'y a même pas suffisamment d'argent pour répondre aux besoins actuels. Il va de soi que n'importe quel argent pourrait être investi de façon plus appropriée, mais il est important de noter que ce dont le secrétaire parlementaire et le gouvernement ne tiennent pas compte, c'est que le gouvernement n'a pas fourni l'infrastructure nécessaire pour assurer la cueillette des données selon les règles.
C'est pourquoi ces chiffres sont complètement farfelus. Les intervenants se les lancent mutuellement à la figure. La réalité, c'est qu'il n'y a jamais eu autant de jeunes gens qui ont besoin de soutien pour faire des études postsecondaires car, malheureusement, beaucoup d'entre eux vivent dans la pauvreté. Début de l'histoire, fin de l'histoire.
Par conséquent, nous avons besoin de ces investissements, ils ont besoin de ces investissements et le Canada a besoin de ces investissements, dès aujourd'hui.
Je m'inquiète également de certains des messages émanant du côté ministériel selon lesquels les peuples autochtones doivent assumer leur sort car ils en sont responsables. Je pense qu'il est essentiel de comprendre que les politiques du gouvernement, pas seulement celles du gouvernement conservateur, mais aussi celles du gouvernement précédent, ont forcé les Autochtones, en particulier les populations des Premières nations, à faire preuve de discrimination envers les leurs. Il y a effectivement de la discrimination entre ceux qui vivent dans les réserves et ceux qui vivent à l'extérieur des réserves, entre les hommes et les femmes, entre les enfants handicapés et ceux qui ne le sont pas, entre ceux qui, de naissance, ont un statut conforme aux règles d'appartenance définies par la Loi sur les Indiens et ceux qui ne jouissent pas de ce statut.
Ce sont ces politiques qui ont contribué à créer une image aussi négative, qui découle de l'incompréhension des gens. Le savoir, à petites doses, est dangereux, comme on peut le constater de l'autre côté de la Chambre. C'est la méconnaissance de la réalité qui pousse à pointer le doigt vers les Autochtones en disant qu'ils sont responsables de leur propre sort. C'est ce qui me préoccupe le plus.
Il faut comprendre qu'il y a des Autochtones dans tout le pays qui sont à la recherche d'un emploi, ou qui vont travailler le matin. Ils accompagnent leurs enfants à l'école, les inscrivent si possible à des activités sportives, dans une équipe de hockey. Ils paient leurs factures et tentent de faire ce que font quotidiennement les autres Canadiens.
Toutefois, les Autochtones s’inquiètent de leur avenir parce qu’ils ont incroyablement moins de chances de réussir que les Canadiens moyens à cause de la pauvreté qui les accable.
Ce qui me préoccupe, c’est que les médias et bien d’autres prétendent que les Autochtones sont les architectes de leur propre malheur. Ils vont trop loin quand ils affirment de telles choses. Ces gens-là font un amalgame entre la culture de la pauvreté et la culture autochtone. La culture de la pauvreté, elle, ne fait aucune distinction de couleur de peau. La pauvreté cause des ravages dans la vie des gens. Parfois, je suis préoccupé par les messages qui émanent d’un peu tous les secteurs de la société canadienne et qui confondent les deux en disant: « C’est de votre faute si vous vous trouvez dans cette situation. »
La bonne nouvelle en ce qui concerne les collectivités autochtones, c’est que le taux d’obtention de diplômes de 12e année n’a jamais été aussi élevé dans toute l’histoire du Canada et que les Autochtones dans tout le pays connaissent aussi le taux le plus élevé d’obtention de diplômes postsecondaires. Le taux de création d’entreprises, d'entreprises qui réussissent, dans les collectivités autochtones grâce à des entrepreneurs autochtones n’a jamais été aussi élevé. C’est inégalé.
Les bonnes nouvelles ne manquent pas et j’aimerais que tous les députés prennent le temps de se renseigner sur ce qu’il y a de bon, parce qu’il est trop facile de mettre le doigt sur ce qui ne va pas. Quand on tombe dans la confusion des genres comme en faisant l’amalgame entre la pauvreté d’origine culturelle et la culture des Autochtones, on cause un tort énorme aux Autochtones et aux Canadiens en général. Il y a de bonnes nouvelles et il y a énormément de bonnes choses qui se produisent.
Où en est le Canada? Le pays est en plein boom économique dans de nombreux secteurs, mais surtout dans celui des ressources. Le plus souvent, c’est à proximité des collectivités autochtones que se déroulent les activités du secteur des ressources. L’activité économique offre des emplois qualifiés dans bien des domaines. Elle favorise le développement des entreprises. Quand le secteur des ressources se porte bien, le reste suit; les métiers, la formation professionnelle, la formation en gestion et bien d’autres types de formation sont offerts. Les mines et les autres secteurs d’exploitation des ressources ont alors besoin d’une main-d’œuvre qualifiée. On voit apparaître des partenariats dans des coentreprises, des partenariats en général et des entreprises individuelles. Il n’y a plus qu’à sauter sur les occasions qui se présentent. Il faut faire le point sur la situation actuelle et mobiliser les ressources nécessaires pour tirer profit de notre jeunesse.
Le Canada connaît une pénurie de main-d’œuvre. Les gens de la génération du baby-boom prennent leur retraite à un rythme alarmant. J’ai entendu dire qu’au cours des cinq prochaines années, la moitié des enseignants membres de la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants seront à la retraite. Les chiffres sont tout aussi impressionnants dans le cas des infirmiers et infirmières, des médecins et des gens de métier. Il suffit de voir combien il en coûte de nos jours pour se faire construire une maison à Saskatoon.
Nous avons une occasion inouïe et les circonstances sont des plus favorables. Le boom économique, la pénurie de main-d'oeuvre et la vitalité de la capacité financière du Canada tendent à indiquer clairement qu'investir dans l'éducation postsecondaire aura des retombées énormes au pays. Nous accroîtrions notre productivité et, ultimement, nous nous mettrions à éliminer la pauvreté.
L'investissement dans la formation postsecondaire des jeunes Autochtones est une façon d'investir dans le Canada, dans les provinces et dans les régions rurales. Ce qui est encore plus important, c'est que ce genre d'investissement nous permettrait de briser les reins de la pauvreté.
J'aimerais maintenant parler de l'aide financière offerte aux étudiants. Le secrétaire parlementaire a fourni des chiffres il y a quelques minutes. En 1996, on a imposé un plafond de 2 p. 100 au financement de l'éducation postsecondaire. Depuis, cette mesure a empêché des milliers d'étudiants des Premières nations de suivre une formation postsecondaire. En 2007 et 2008, au moins 2 858 étudiants, des étudiants des Premières nations en particulier, n'auront pas accès à du financement pour payer leurs études postsecondaires.
Depuis 2001, il y a 13 000 étudiants qui ont été touchés. Réfléchissons à ce que 13 000 jeunes, qui travailleraient et contribueraient à la productivité du Canada, feraient pour leurs familles, leurs collectivités et le pays. Malheureusement, bon nombre d'entre eux demeurent dans leurs collectivités à toucher des prestations d'aide sociale parce qu'il y a très peu d'emplois. L'inaction coûte cher.
D'après la Commission royale sur les peuples autochtones, d'ici 2016, le maintien du statu quo haussera les coûts du gouvernement de 47 p. 100. Cela représente un recul de la productivité canadienne. Si, au contraire, nous investissons, la productivité au Canada augmentera.
La réponse d'aujourd'hui est extrêmement décevante. En n'investissant pas pour assurer la réussite des jeunes des Premières nations, le gouvernement manque à ses obligations envers ces jeunes, qui veulent réaliser leurs rêves et suivre des études postsecondaires. Le gouvernement refile aux provinces certaines de ses responsabilités fiduciaires. Les établissements métis, inuits et des Premières nations connaissent beaucoup de succès, mais ils ont besoin d'investissements.
La réponse du gouvernement au rapport du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, intitulé « Notre priorité la plus haute: l'éducation postsecondaire des Autochtones au Canada », est extrêmement et absolument décevante. Je n'arriverais pas à exprimer en mots les appels téléphoniques et les lettres que je reçois de partout au pays. Les gens sont très déçus que le gouvernement abandonne ainsi nos jeunes.