propose:
Que, de l’avis de la Chambre:
a) le gouvernement devrait
(i) condamner la haine anti-asiatique et toutes les formes de racisme et de discrimination raciale,
(ii) veiller à ce que l’ensemble des politiques et des programmes de lutte contre le racisme soient conçus pour remédier au racisme, à la discrimination, aux stéréotypes et aux injustices historiques et contemporains subis par les personnes d’ascendance asiatique,
(iii) mettre en évidence le racisme vécu par les personnes d’ascendance asiatique et les obstacles à l’inclusion qu’elles rencontrent, dans le cadre de consultations nationales sur le problème du racisme anti-asiatique;
b) le Comité permanent de la sécurité publique et nationale devrait mener une étude sur les crimes haineux et les actes motivés par la haine contre les Asiatiques dans tout le pays. (Affaires émanant des députés M-63)
— Monsieur le Président, aujourd'hui, j'ai le privilège de prendre la parole à la Chambre pour présenter la motion no 63 sur le racisme anti-asiatique, qui découle de la montée alarmante de la haine et de la discrimination envers les personnes d'origine asiatique.
Le 8 mai 2020, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a déclaré que « la pandémie continue de générer une avalanche de haine et de xénophobie; on désigne des boucs émissaires; on entretient la peur » et que « nous devons agir maintenant pour renforcer l’immunité de nos sociétés face au virus de la haine ».
Au cours des deux dernières années et demie, on a constaté une augmentation de la violence contre les Asiatiques dans le monde entier. Ciblés, raillés et menacés, des Asiatiques ont été frappés au visage, sont tombés dans le coma après avoir été roués de coups ou, dans le pire des cas, assassinés.
Les fusillades dans des salons de massage à Atlanta, en Géorgie, le 16 mars 2021, ont coûté la vie à huit innocents, dont six femmes américaines d'origine asiatique. Deux semaines plus tard, le 29 mars 2021, une agression anti-asiatique a eu lieu dans un café de Richmond, en Colombie-Britannique, où des insultes raciales ont été proférées à l'encontre du gérant que l'on a aspergé de café. Ces manifestations de haine sont renforcées par des conditions de vie difficiles pour les Asiatiques, notamment en raison de situations d'exploitation vécues au travail et de leur surreprésentation dans les emplois précaires et mal rémunérés.
Le Canada n'est pas à l'abri du virus mondial qu'est le racisme anti-asiatique. Un an après le début de la pandémie de COVID‑19, un rapport réalisé aux frais du gouvernement fédéral et publié par la section torontoise du Conseil national des Canadiens chinois a fait état d'une augmentation inquiétante de la haine envers les Asiatiques dans l'ensemble du pays.
Parmi les 643 attaques racistes documentées entre le 10 mars et le 31 décembre 2020, il y a des cas où des gens ont toussé ou craché sur des aînés et des cas d'agressions physiques contre des enfants, qui étaient les plus susceptibles de subir un traumatisme mental et émotionnel important. Selon le rapport, les personnes perçues comme les plus vulnérables, notamment les adolescents et les aînés, étaient plus fréquemment victimes de violence physique et, dans l'ensemble, la majorité des incidents ont été signalés par des femmes. En ce qui concerne les endroits où ces attaques racistes ont eu lieu, 49 % se sont déroulées dans des espaces publics tels que des parcs et des trottoirs, tandis que 17 % se sont produites dans des entreprises, surtout dans celles du secteur de l'alimentation comme les restaurants et les épiceries.
En 2021, la situation n'a fait qu'empirer. Selon un rapport de suivi, 943 cas de racisme anti-asiatique ont été enregistrés entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021, ce qui représente une hausse de 47 % par rapport à l'année précédente. Bien que les femmes continuent de signaler la majorité des cas, les attaques contre les enfants ont connu une augmentation stupéfiante de 286 % et les cas signalés par la communauté sud-asiatique ont grimpé de 318 %.
Ensemble, ces deux rapports nationaux brossent un tableau de plus en plus sombre des dures réalités du racisme auxquelles sont confrontés les Canadiens d'origine asiatique aujourd'hui.
Je profite de cette occasion pour saluer les organismes qui ont soutenu cette recherche: Anakbayan Canada, le Chinese Canadian National Council for Social Justice, la section torontoise du Conseil national des Canadiens chinois, la Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, le Council of Agencies Serving South Asians, Elimin8Hate, Project 1907 et le Viet Collective for Community Justice.
Cela dit, il n'est pas nouveau pour les Canadiens d'origine asiatique d'être traités différemment. Les histoires qui se déroulent aujourd'hui ont comme toile de fond une histoire encore plus longue de racisme structurel et institutionnel au Canada. Qu'il s'agisse de l'Acte du cens électoral de 1885, qui interdisait aux Canadiens d'origine chinoise de voter aux élections fédérales, ou de l'internement de 21 000 Canadiens d'origine japonaise lors de la Seconde Guerre mondiale, les Canadiens d'origine asiatique ont été la cible de stéréotypes nuisibles et de lois discriminatoires pendant des siècles.
Les anciens combattants sino-canadiens qui se sont battus lors de la Seconde Guerre mondiale sont retournés chez eux seulement pour devoir ensuite se battre pour leur droit de vote. Leurs efforts ont porté fruit en 1948, quand les Canadiens d'origine chinoise et sud-asiatique ont enfin obtenu le droit de vote aux élections fédérales canadiennes, suivis par les Canadiens d'origine japonaise en 1949.
Même s'ils sont ici depuis des générations et qu'ils ont grandement contribué à l'édification du pays, les Canadiens d'origine asiatique sont traités comme des étrangers perpétuels, de façon flagrante ou non, et de façon délibérée ou inconsciente.
À compter de 1881, plus de 17 000 hommes chinois ont été amenés au Canada pour participer à la construction du chemin de fer transcontinental. Immédiatement après l'achèvement du chemin de fer du Canadien Pacifique, la Loi de l'immigration chinoise de 1885 a été adoptée, imposant une taxe d'entrée de 50 $ à tous les immigrants chinois arrivant au Canada. Cette nouvelle loi était la première à exclure l'immigration sur la base de la race et de l'ethnicité afin de préserver l'État colonial blanc dominant. La taxe d'entrée imposée aux Chinois allait augmenter, atteignant un maximum de 500 $ en 1903, soit l'équivalent de deux années de revenu pour un travailleur immigrant à l'époque. Au cours des 38 années où cette taxe a été imposée, 82 000 immigrants chinois ont au total payé près de 23 millions de dollars, l'équivalent estimé de 354 millions de dollars en 2021.
Il semble que du point de vue du gouvernement, la taxe d'entrée discriminatoire n'ait pas suffi à mettre un frein à l'immigration chinoise. Par conséquent, une mise à jour de la loi, la Loi de l'immigration chinoise de 1923, est entrée en vigueur le 1er juillet 1923. Aujourd'hui désigné le jour de la fête du Canada, le 1er juillet a été qualifié par la communauté chinoise de « jour de l'humiliation » au cours des décennies qui ont suivi. La Loi d'exclusion des Chinois, comme on l'appelle communément aujourd'hui, interdisait à pratiquement tous les immigrants chinois d'entrer au pays. Jusqu'à ce qu'on l'abroge 24 ans plus tard, en 1947, les personnes d'origine chinoise constituaient le seul groupe démographique visé par une exclusion totale.
Ce n'est là qu'une parmi plus de 100 différentes politiques par lesquelles on refusait systématiquement l'égalité des droits aux Chinois, les considérant comme inférieurs et les traitant comme des citoyens de seconde zone. Ils n'avaient pas le droit de voter, d'être titulaires de charges publiques ou de posséder des biens. D'autres lois ont été adoptées dans les provinces où vivaient les immigrants chinois afin de limiter leurs possibilités d'emploi et de logement, et imposaient de nombreuses autres restrictions, notamment la soumission à des contrôles aléatoires des documents d'immigration par la police.
Le plus difficile est sans doute qu'une génération de Chinois, majoritairement des hommes, n'aient pas pu retrouver leur famille, ce qui a entraîné un déséquilibre entre les sexes: 28 hommes chinois pour chaque femme chinoise au Canada. Alors que l'on incitait les Européens à immigrer au Canada en leur promettant des terres gratuites, la taxe d'entrée imposée aux Chinois et la Loi d'exclusion des Chinois ont empêché la réunification des familles chinoises.
Collectivement, ces politiques ont gravement affecté le développement social et économique de la communauté chinoise au Canada pour les décennies subséquentes, laissant un impact durable et un traumatisme générationnel permanent. L'abrogation de ces lois xénophobes, l'obtention du droit de vote et l'adoption de la Loi sur la citoyenneté canadienne de 1947 ont été les premières étapes de la réparation des torts historiques subis par les Canadiens d'origine asiatique. Les restrictions fondées sur la race et l'origine nationale n'ont pas été complètement éliminées du système d'immigration canadien avant 1967. La libéralisation des politiques d'immigration a marqué un tournant pour les tenants d'une vision plus équitable pour notre pays.
L'an prochain marquera le 100e anniversaire de la Loi d'exclusion des Chinois, une tache dans l'histoire de notre pays qui nous rappelle que nous devons réfléchir à la réalité de la haine envers les Asiatiques, qui est encore bien vivante aujourd'hui. La motion que je présente est un appel à l'action concerté visant à condamner la prévalence accrue du racisme envers les Asiatiques, qui est devenu monnaie courante pendant la pandémie de COVID‑19.
Depuis le début de la crise sanitaire mondiale, les Canadiens d'origine asiatique sont plus que jamais la cible de harcèlement xénophobe, de stéréotypes racistes et de slogans haineux qui ont même été repris par des personnalités. En réponse à cette situation, des manifestations ont eu lieu un peu partout au pays, notamment l'an dernier au square Nathan Philips, devant l'hôtel de ville de Toronto, en guise de soutien au mouvement visant à contrer ces odieuses formes de haine.
La diversité des participants était la preuve que les Canadiens d'origine asiatique ne sont pas seuls à lutter contre cette vague croissante de racisme envers les Asiatiques et qu'il existe une solidarité permettant d'instaurer des changements durables grâce à des programmes d'équité, à des initiatives et à la prévention des crimes haineux. Les Canadiens sont conscients qu'il est de notre responsabilité d'intervenir et de prendre des mesures contre le racisme envers les Asiatiques qui s'installe au Canada et ailleurs dans le monde. Voilà pourquoi il est important de faire front commun avec tous les Canadiens contre toutes les formes de discrimination, de haine et de xénophobie.
Les gestes racistes et les propos qui alimentent la méfiance et la division n'ont pas leur place dans une société inclusive. Pour bien des membres de la communauté asiatique, les manifestations de solidarité, comme les rassemblements qui ont eu lieu récemment, ont un effet libérateur qui leur permettent d'exprimer les craintes qu'ils ressentent ces temps-ci. Il y a quelque chose de rassurant dans le fait de voir des alliés répondre à l'appel à la lutte contre le racisme.
Avec la motion M‑63, je demande au Parlement de convenir que:
a) le gouvernement devrait
(i) condamner la haine anti-asiatique et toutes les formes de racisme et de discrimination raciale,
(ii) veiller à ce que l'ensemble des politiques et des programmes de lutte contre le racisme soient conçus pour remédier au racisme, à la discrimination, aux stéréotypes et aux injustices historiques et contemporains subis par les personnes d'ascendance asiatique,
(iii) mettre en évidence le racisme vécu par les personnes d'ascendance asiatique et les obstacles à l'inclusion qu'elles rencontrent, dans le cadre de consultations nationales sur le problème du racisme anti-asiatique;
b) le Comité permanent de la sécurité publique et nationale devrait mener une étude sur les crimes haineux et les actes motivés par la haine contre les Asiatiques dans tout le pays.
Il ne fait aucun doute que toutes les formes abjectes de racisme envers les Asiatiques font partie de l'histoire du Canada, mais les Canadiens ont maintenant le choix de décider si la haine jouera un rôle dans notre avenir collectif. Je demande au Parlement de se joindre à moi pour appuyer cette motion audacieuse, mais nécessaire, en cette période cruciale pour les Canadiens d'ascendance asiatique de partout au pays.