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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 7 novembre 1996

.1002

[Traduction]

Le président: Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous reprenons notre examen des sciences et de la technologie, et du «déficit d'innovation» au Canada.

Je vais maintenant accueillir nos témoins. Nous entamons une série de tables rondes sur la politique relative à la science et à la technologie au Canada. Comme notre programme est très chargé, justement parce que nous allons tenir une table ronde plutôt que d'accueillir des témoins en succession, nous allons essayer de commencer à temps pour donner à tout le monde la chance de s'exprimer.

Je vous encourage à nous exposer votre position d'emblée, après quoi nous pourrons approfondir les sujets que vous aurez abordés dans nos questions. Nous avons constaté que les membres du comité, qu'ils soient du côté de l'opposition ou de celui du gouvernement, se sont montrés très intéressés par les témoignages qu'ils ont entendus lors des séances précédentes, et nous ne sentons pas passer le temps.

Je sais que vous êtes tous des spécialistes dans vos domaines respectifs et que vous êtes des gens très occupés. Sachez que tous les membres du comité apprécient énormément que vous nous consacriez une matinée de votre temps. Nous sommes en phase d'apprentissage et, même si ce n'est pas la première fois que le Comité permanent de l'industrie traite de cette question, la dernière fois qu'il l'a fait remonte à assez longtemps. Nous voulons tous, je crois, essayer d'appréhender ce qu'il faut faire en matière de sciences et de technologie.

Aujourd'hui, plusieurs thèmes vous unissent et je suis certain que nous saurons ce qu'ils sont, d'ici la fin de la matinée. En général, je donne d'abord la parole aux témoins qui n'appartiennent pas aux ministères de tutelle, et je passe aux autres ensuite. Si vous êtes en groupe, j'apprécierais qu'un seul d'entre vous prenne la parole en premier.

Je vais inviter Gerry Turcotte, du Centre de recherches sur les communications à ouvrir notre séance de ce matin.

M. Gerry Turcotte (président, Centre de recherches sur les communications, ministère de l'Industrie): Vous m'aviez dit que vous alliez terminer par moi.

Le président: Comme je le disais, je préfère commencer par les témoins qui n'appartiennent pas aux ministères responsables, puis je donne la possibilité...

M. Turcotte: Mais j'appartiens à Industrie Canada, je suis du Centre de recherches sur les communications d'Industrie Canada.

Le président: Ah! Vous êtes d'Industrie Canada. Ce n'est pas clair d'après cela. Mais nous avons aussi un témoin du ministère de l'Industrie.

Eh bien, M. Carty, c'est à vous de commencer. Cela ne vous dérange pas?

M. Arthur Carty (président, Conseil national de recherches du Canada): Non.

Monsieur le président, honorables députés, je tiens tout d'abord à vous remercier de m'avoir fourni l'occasion de vous dire quelques mots aujourd'hui sur la stratégie fédérale en sciences et en technologie. Je suis très heureux que le comité ait pu prendre le temps de visiter le CNRC la semaine dernière. Ou était-ce la semaine précédente? Je ne sais plus.

J'ai été heureux de voir ce que j'appellerais la science et la technologie fédérale en action. J'ai eu l'occasion, alors, de vous entretenir des programmes et des orientations du CNRC et de vous donner notre point de vue à propos de certaines des questions sur lesquelles votre mandat vous amène à vous pencher. Celles-ci comprennent, entre autres, le problème que posent le choix et la promotion des technologies qui auront une importance particulière dans le prochain siècle, ainsi que le développement de ressources humaines hautement qualifiées pour les besoins d'une économie de plus en plus basée sur les connaissances et, enfin, les mesures prises par le Conseil national de recherches pour encourager l'esprit d'entreprise.

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M. Jacques Lyrette, vice-président du CNRC au Soutien industriel et technologique, a eu aussi l'occasion, plutôt cette semaine, de vous donner une vue d'ensemble de deux programmes importants du CNRC, soit le Programme d'aide à la recherche industrielle et le Réseau canadien de technologie, et de vous décrire, je crois, le rôle que ces programmes joueraient dans un système canadien d'innovation.

Vous avez donc déjà eu un aperçu de bon nombre d'activités du CNRC qui ont rapport avec la revue de la S-T que ce comité a entreprise. Je vais donc limiter mes observations à ces questions qui sont reliées au Plan d'action fédéral en S-T et à sa mise en oeuvre.

Le document Les sciences et la technologie à l'aube du XXIe siècle, qui a découlé de la revue de la S-T, souligne le rôle crucial du CNRC dans une économie axée sur les connaissances, et cela d'ailleurs constitue l'essentiel de ce document. Je tiens simplement à rappeler qu'il s'agit-là d'un thème qui a une forte résonance pour le CNRC et qui se retrouve dans la Vision jusqu'en 2001 du CNRC.

Au risque de répéter quelque chose qui a déjà été dit, permettez-moi de vous lire cette vision:

Comme vous le savez sans doute, le CNRC s'est lancé à fond dans l'élaboration du Plan d'action fédéral, notamment en dirigeant la préparation du rapport du Groupe de travail sur le développement durable et la création d'emplois. Mais nous avons également participé à d'autres groupes de travail.

Nous appuyons fortement les sept principes directeurs mis de l'avant dans le Plan d'action. Ces principes correspondent aux orientations que nous suivons déjà depuis un certain nombre d'années et ils reflètent le rôle que la science et la technologie peuvent jouer comme moteurs de la croissance économique.

Je ne veux pas m'attarder ici sur chacun des sept principes en question, mais je vais en mentionner deux qui sont particulièrement pertinents au CNRC: augmenter l'efficacité de la recherche effectuée avec un soutien fédéral, et prendre avantage des formules de partenariat. Je crois qu'il s'agit-là de deux éléments déterminants des sept principes en question.

La plupart des stratégies que nous avons conçues pour concrétiser la nouvelle Vision du CNR reflètent notre désir de rehausser l'efficacité, et les retombées commerciales et industrielles de nos recherches. Ces stratégies vont des choix stratégiques que nous effectuerons parmi les divers domaines de nos programmes de recherche, à l'accent que nous mettons sur les besoins des clients dans nos activités, en passant par l'optimalisation du transfert et de la commercialisation de nos technologies. Mais il est aussi question, pour nous, d'être davantage axés sur l'entreprenariat, de favoriser un meilleur accès à nos installations et à nos programmes et d'accorder plus d'importance aux résultats dans l'évaluation de notre rendement. Tout cela se retrouve également, je crois, dans votre mandat.

Actuellement, le CNRC a recours au partenariat dans la plupart des aspects de ces activités. Dans le monde d'aujourd'hui, c'est sans doute une lapalissade que d'affirmer que peu d'organismes disposent des ressources, des compétences, des installations ou du temps pour faire cavalier seul.

Nous nous sommes rendu compte que la recherche menée en collaboration avec les universités et le secteur privé, en plus de mobiliser des ressources humaines et financières pour résoudre les problèmes de recherche, se traduit par des synergies très utiles et constitue souvent la forme de transfert technologique la plus efficace. Je crois qu'il est bien connu, maintenant, que les mécanismes traditionnels de transfert technologique, suivant lesquels les laboratoires de recherche des universités et du gouvernement s'efforcent de diffuser leur technologie, et l'industrie, de son côté, l'examine de manière indépendante et essaie d'en profiter, ne sont pas très efficaces. Ce ne sont pas les mécanismes les plus efficaces qui soient.

En faisant participer les partenaires dès les premiers stades de la conception et de l'exécution de nos recherches, nous contribuons à assurer la pertinence de ces recherches et nous rehaussons les connaissances et les moyens techniques de nos partenaires du secteur privé, ce qui se concrétise souvent parce que je qualifierais de transfert technologique sur «ses deux jambes», autrement dit d'un transfert de connaissance et de savoir d'être humain à être humain. C'est là un aspect très important.

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Le travail en partenariat est devenu un cliché en quelque sorte de la communauté scientifique, mais il demeure une notion importante et un facteur critique dans le développement d'un système national d'innovation. Compte tenu de la structure industrielle particulière que nous avons au Canada, je dirais que le partenariat revêt une importance vitale pour aider le secteur privé à rehausser son investissement dans la R-D.

Les partenariats contribuent donc à combler ce que je qualifie de «pénurie en innovation stratégique», soit le manque de grands laboratoires de R-D industriels au Canada, se consacrant à la recherche à moyen terme. Nous ne comptons pas beaucoup d'entreprises qui investissent dans la recherche à moyen et à long terme. Les partenariats entre l'industrie, le gouvernement et l'université contribuent à générer davantage d'activités de ce type et à remédier aux lacunes. C'est donc un aspect très important, surtout au Canada.

Le Canada compte déjà plusieurs programmes et réseaux de partenariats qui connaissent une grande réussite, et il s'agit effectivement d'un de nos atouts. Par exemple, les réseaux et centres d'excellence provinciaux et fédéraux se sont révélés très efficaces. Au CNRC nous avons créé de nouveaux programmes visant des objectifs particuliers, comme le Programme de partenariat entre le CNRC, le CRSNG, l'industrie et les universités en vue de rehausser nos efforts déjà importants visant à appuyer la collaboration.

Permettez-moi de vous donner un exemple illustrant la façon dont ces collaborations et partenariats peuvent donner lieu à d'importants débouchés en matière de création d'emplois et de croissance économique. Il s'agit d'un exemple récent de programmes de recherche dans le domaine de la technologie des micropuces au silicium/germanium. Le CNRC est un chef de file mondiale dans la recherche sur les composantes microélectroniques au silicium/germanium, et nous disposons d'une capacité tout à fait unique en matière de production des micropuces au silicium/germanium. Cette technologie permet d'élargir considérablement la gamme des dispositifs microélectroniques au silicium et devrait nous permettre de gagner une part importante de marché dans les applications radio, satellite et sans fil.

Le système de dépôt de silicium/germanium par évaporation sous vide que nous avons au CNRC est la seule installation du genre au Canada, et c'est la seule installation du secteur public en Amérique du Nord. Aucune entreprise ni université ne pourrait, à elle seule, posséder ou assurer le fonctionnement d'une installation de pointe de ce genre. L'installation du CNRC a été spécialement conçue et mise en oeuvre dans le cadre d'un partenariat. Sa présence dans un laboratoire gouvernemental permet aux chercheurs de tous les secteurs de la communauté de la S-T d'y avoir accès.

Grâce à cette installation, le CNRC a réalisé avec succès des projets conjoints avec de grandes sociétés de télécommunication, et il effectue actuellement des projets impliquant plusieurs partenaires.

Qui plus est, dans le cadre du nouveau Programme de partenariat CNRC/CRSNG, nous avons lancé un programme de recherche auquel participe Gennum, Nortel, Mitel et l'Université Carleton. Toujours en utilisant cette installation, cet automne, le CNRC a essaimé une nouvelle compagnie appelée Silicon Germanium Microsystems Inc., dirigée par un ancien employé du CNRC. Cette entreprise est bien placée pour capturer une bonne partie du marché dans le créneau qu'elle occupe, celui des petites et moyennes entreprises. Elle compte actuellement cinq employés et elle présente un excellent potentiel pour connaître une croissance rapide, puisqu'elle a accès à ces installations uniques.

Comme vous pouvez le constater, le potentiel économique de cette installation et l'excellence de notre recherche dans ce domaine pourraient permettre au Canada de devenir un chef de file et de connaître une excellente croissance en matière d'innovation technologique dans le domaine du silicium/germanium.

Les partenariats vont au-delà de la recherche et s'étendent à d'autres programmes d'aide à l'industrie. Notre très efficace PARI, comme vous le savez, assure la prestation de ses services en partenariat avec un réseau d'autres organismes comprenant des organismes de recherche provinciaux, des associations industrielles et des bureaux universitaires de transfert de technologie.

Le réseautage a permis au PARI de répondre très efficacement aux besoins très variés des PME. Le réseau du PARI et du RCT qui, comme vous l'avez entendu est de taille relativement modeste, répond de manière exhaustive et multidisciplinaire à toute la gamme des besoins en technologie de l'industrie.

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J'ai dit plus tôt que je suis convaincu de la validité des principes qui sous-tendent la stratégie de S-T, mais nous ne devons pas perdre de vue que ce ne sont là que des principes. Ce qui compte bien davantage, c'est la manière selon laquelle nous avons traduit ces principes en gestes concrets. Les ministères ont répondu à ce défi en formulant une série de plans d'action, comme vous le savez, et nous sommes heureux que le ministre Manley ait demandé au CNRC de diriger le développement d'un plan d'action encourageant la coopération, la collaboration et la synergie entre les onze ministères et agences formant le portefeuille de l'Industrie.

Ce plan représente un investissement fédéral de 2 milliards de dollars dans les moyens de S-T, et il constitue 37 p. 100 des dépenses totales à cet égard. Outre qu'il définit 45 initiatives particulières de collaboration, il offre une nouvelle approche stratégique fondée sur la coordination des capacités particulières de chaque membre du Portefeuille et sur leur engagement commun par rapport à la même vision. Nous continuons de jouer un rôle de chef de file en vue d'assurer la coordination du plan et le suivi de sa mise en oeuvre.

J'aimerais vous donner un autre exemple concret de la façon dont nous avons procédé à cette fin - soit en assurant conjointement la prestation des programmes au sein du portefeuille de l'Industrie, en travaillant de concert avec les universités et l'industrie, en rendant nos installations plus accessibles, en transférant notre technologie plus efficacement et en produisant d'importantes retombées économiques grâce à nos activités de S-T.

Cet exemple est la récente annonce d'un investissement conjoint du CNRC et du BFDR-Q, afin de permettre la construction d'une aile d'incubation des entreprises, greffée à l'Institut de recherches en biotechnologie de Montréal. Cet incubateur nécessitera aussi d'importants investissements de la part d'un promoteur du secteur privé, qui construira et administrera cette installation. L'IRB a déjà convaincu de grandes multinationales de s'installer sur son site; une entreprise hollandaise, Bio-intermédiaire, a commencé la construction de ses installations et on s'attend à ce que d'autres entreprises l'imitent bientôt.

Le nouvel incubateur mettra des laboratoires et des bureaux à la disposition des partenaires et des clients du CNRC. Il s'agira souvent de petites entreprises travaillant en étroite relation avec les équipes de recherche du CNRC.

Ces initiatives contribuent au développement d'un rassemblement très dynamique d'équipes biopharmaceutiques dans la région de Montréal, ces dernières étant attirées par la possibilité d'interactions quotidiennes avec les scientifiques du CNRC et par un meilleur accès à ses installations de pointe. L'impact de ces initiatives commence à se faire sentir non seulement chez les entreprises directement concernées, qui améliorent leur position concurrentielle, mais aussi dans l'économie locale en général.

Malgré les caractéristiques positives des orientations actuelles de la politique du gouvernement en matière de S-T, ce comité a dégagé une faiblesse importante, soit celle des mécanismes de direction. J'aimerais vous en dire quelques mots.

Les activités fédérales en matière de S-T sont dispersées dans un grand nombre de ministères et d'organismes. Malgré des interactions importantes dans les activités courantes, comme par exemple les programmes de recherche complémentaires, il y a peu de coordination au niveau décisionnel et au niveau politique. Le manque de coordination et d'évaluation centrales des activités fédérales de S-T est au coeur du problème.

Les décisions sont parfois prises sans concertation, même si elles peuvent avoir une influence profonde sur d'autres activités gouvernementales ou sur le reste de l'infrastructure de S-T.

Je pense qu'on peut raisonnablement affirmer que, jusqu'à maintenant, les efforts visant à coordonner les activités fédérales de S-T ont consisté surtout à décrire et à observer les activités existantes - ils n'ont pas traité des vraies questions de direction à un niveau stratégique.

J'aimerais aussi faire quelques commentaires en réponse à la question posée par votre comité: «Qu'est-ce que le Parlement pourrait faire pour inciter le gouvernement à adopter une stratégie de S-T qui soit axée sur les résultats, qui soit imputable pour la S-T et qui dispose des bons outils pour évaluer les progrès de la stratégie?»

Lors de ma dernière rencontre avec vous, je vous ai décrit la façon dont nous mettons sur pied, au CNRC, un cadre d'évaluation de la performance exhaustif qui fournira des mesures quantitatives et qualitatives de notre rendement, dans toutes nos sphères d'activités. Nous dirigeons également un projet au sein du portefeuille au sein de l'Industrie visant à élaborer un cadre commun d'évaluation de la performance et à promouvoir les meilleures pratiques dans le domaine. Ce cadre sera aussi partagé avec les autres ministères et organismes à vocation scientifique par le biais de l'Initiative des partenaires fédéraux dans le domaine du transfert technologique que nous coordonnons également.

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Je conclurai sur une mise en garde. Quand on parle de résultats, il est facile de s'en tenir au court terme et de se contenter de décrire les activités et les outils que nous utilisons pour atteindre nos objectifs, plutôt que d'évaluer les objectifs mêmes et les retombées de ces activités. Je me permettrai de citer Albert Einstein qui a dit quelque chose à ce propos. Il a invité la communauté scientifique mondiale à la prudence: «Les questions humanitaires... doivent toujours demeurer la préoccupation principale de toutes les activités techniques... et nous ne devons jamais l'oublier en jouant avec nos diagrammes et nos équations.»

Notre objectif collectif, au Canada, doit être de créer de nouveaux emplois, de mettre sur pied de nouvelles entreprises, d'élaborer des produits et des services bénéficiant à l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens et permettant de bâtir une économie plus forte, fondée sur les connaissances et une économie fondée sur le savoir. Voilà, autrement dit, les résultats que nous devrions mesurer et si nous devions trop insister sur les processus et le côté administratif, plutôt que sur les résultats et les conséquences de nos activités, nous risquerions d'en subir les conséquences.

Pour terminer, je me permettrai de répéter ce qui, à mon avis, constitue aujourd'hui le plus grand défi de la science et de la technologie au Canada: la nécessité de réinvestir dans notre infrastructure de S-T. Le gouvernement reconnaît l'importance de la science et de la technologie comme forces motrices de la croissance économique et comme facteurs clés d'un développement économique fondé sur le savoir, dont le Canada a besoin pour réussir au XXIe siècle.

Mais nous nous devons d'agir en conséquence, autrement dit d'accorder une grande priorité à la science et à la technologie. Tout le monde, je pense, admet que le financement gouvernemental de la S-T a diminué de beaucoup au cours des dernières années, ce qui a donné lieu à une sérieuse érosion de notre infrastructure de S-T.

C'est vrai pour les universités, pour les laboratoires, pour les installations et les équipements qui, de plus en plus, sont désuets, tombent en panne ou dépassent leur durée de vie utile. C'est également vrai pour le CNRC où, en 1998-1999 par exemple, avec l'expiration du financement, notre programme PARI sera très nettement réduit. Certes, les coupures auront une incidence sur le soutien essentiel que nous pouvons fournir aux PME, elles qui sont la pierre angulaire de notre économie.

J'ai déjà communiqué au comité quelques chiffres démontrant que le Canada traîne de l'arrière par rapport à ses partenaires du G-7 en matière d'investissement gouvernemental en S-T - il s'agit du document que je vous ai remis la semaine dernière - et je vous ai montré que les pays à croissance économique rapide sont ceux qui accroissent leurs investissements en S-T. Ces pays-là sont nos véritables concurrents sur les marchés internationaux.

Donc, un investissement en S-T est un investissement dans l'avenir de ce pays et de son économie, et le Canada ne peut se permettre plus longtemps d'y passer à côté.

Merci beaucoup. Excusez-moi d'avoir pris tant de temps.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Carty. Les questions que vous abordez, surtout celles touchant à la coordination de la recherche au sein du gouvernement et aux niveaux de dépenses sont, je pense, autant d'aspects sur lesquels les membres du comité voudront revenir au cours de la table ronde afin de s'en faire une meilleure idée.

Je tiens à préciser à mes collègues du comité que le M. Carty nous a fait remettre certains documents la semaine dernière. Nous allons veiller à ce que tout le monde en ait un exemplaire et reçoive également copies des documents d'information. Si nous avons besoin de plus d'exemplaires, nous vous en réclamerons.

J'aimerais à présent donner la parole à M. Weisenburger, de l'Institut agricole du Canada.

Soyez le bienvenu. Votre exposé n'est qu'en anglais. Avec la permission du comité, je vais le faire circuler. Merci.

M. Ronald Weisenburger (président, Institut agricole du Canada): Merci, monsieur le président. Messieurs les députés, mesdames et messieurs. Je tiens à vous remercier d'avoir donné la possibilité à notre organisme de participer à cet examen, surtout au nom du secteur agricole et agro-alimentaire, dans lequel je travaille. Nous nous sommes fixé pour ligne de conduite de limiter nos interventions à ce que nous connaissons, raison pour laquelle nous allons essentiellement nous limiter à ce domaine d'activités.

J'aimerais prendre quelques minutes pour vous parler de trois aspects. D'abord, j'aimerais vous entretenir de l'importance de la science et de la technologie pour l'agriculture et l'agro-alimentaire. Deuxièmement, vos chargés de recherche nous ont invités à vous parler un peu du plan adopté par Agriculture et d'Agro-alimentaire Canada en ce qui a trait à la science et à la technologie, et de faire le point à son sujet.

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J'avais d'abord pensé que je suivrais M. Morrissey, mais ce que je vais dire ne devrait pas le surprendre beaucoup.

Je conclurai sur certaines remarques brèves et spécifiques, au sujet des six questions que vous avez posées à propos du mandat.

Je ne vais pas m'en tenir strictement au texte de mes notes d'intervention. Je vais souligner certains points en partant du principe que tout le monde pourra lire le reste de notre document à loisir.

Tout d'abord, même si l'on reconnaît l'importance du secteur agricole et agro- alimentaire au Canada, nous nous devons de souligner qu'il reste moins de cinq cent milles agriculteurs dans ce pays, ce qui est très peu. En revanche, il faut souligner que plus de deux millions de Canadiennes et de Canadiens travaillent, directement ou indirectement, dans le secteur agricole et agro-alimentaire, quand on considère toute la chaîne de distribution, de l'exploitation jusqu'au point de vente.

Nos ventes sont à la hausse. Dans le document d'information, on peut lire que l'agriculture et les produits agricoles sont et demeurent l'un des principaux biens d'exportation et secteurs d'activités au Canada - pas uniquement à l'intérieur de nos frontières, d'ailleurs, mais au-delà aussi - et que nos résultats à l'exportation sont tels que nous avons de bonnes chances d'atteindre l'objectif global du gouvernement fédéral, soit de réaliser 20 milliards de dollars d'exportation de produits agro-alimentaires en l'an 2000.

J'ai l'impression que les agriculteurs de ce pays ont une certaine idée de la façon dont l'agriculture doit se pratiquer. On ne se rend pas compte de la place et de l'importance de la technologie, même au niveau le plus primaire de l'exploitation agricole. On peut penser à deux ou trois exemples.

Il y a, notamment, l'utilisation de certaines technologies comme l'Internet, qui permet d'obtenir de l'information. Internet est sans doute utilisé par un très grand nombre de gens, dans le milieu agricole, tout comme dans la population en général.

Par ailleurs, pour les agriculteurs qui sont en train de récolter leurs produits cet automne, il n'est pas inhabituel d'exploiter des équipements coûtant 500 000 $. Dans leurs machines, ils ont aussi la radio et le téléphone cellulaire qui leur permet de s'occuper des autres facettes de leur entreprise pendant les travaux des champs. On a tendance à oublier tout cela.

En agriculture, il est en général nécessaire d'investir beaucoup d'efforts pour adapter les technologies à ce genre d'usage.

J'ai aussi pris quelques notes au sujet du système de positionnement global et de son application. À l'origine, le GPS avait été mis au point pour des applications militaires, mais on lui a trouvé une nouvelle vocation, qui connaît un succès croissant dans le domaine de l'agriculture, car il permet de décider où il convient d'appliquer les fertilisants et les produits chimiques pour optimaliser la production agricole tout en réduisant considérablement les risques qu'une éventuelle surutilisation présenteraient pour l'environnement. Ainsi, il est possible d'appliquer la juste quantité de produit au bon endroit et au bon moment.

De façon générale, en agriculture comme dans bien d'autres industries primaires, on n'a pas assisté à une véritable augmentation des prix unitaires au cours des 30 dernières années, et il y a peut-être même eu une diminution. Afin de demeurer concurrentiels et de rester en affaires, les gens ont dû recourir à la technologie de façon intelligente, pour réduire leurs coûts d'exploitation. En revanche, relativement peu de choses ont changé du côté des prix pour favoriser les affaires. Quand les coûts augmentent en général, il faut devenir plus concurrentiel et limiter au minimum les coûts d'exploitation pour que les activités demeurent rentables et qu'on puisse rester en affaires.

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Ce phénomène a, en partie, donné lieu à des concentrations - la taille des exploitations augmentant - , mais plus important encore, la capacité de recourir à la technologie pour juguler les prix a été et continuera d'être, pendant longtemps encore, déterminante pour cette industrie.

J'ai certaines choses à vous dire au sujet d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada. Nous avons examiné le plan d'action élaboré par ce ministère pour instaurer notre stratégie. Voici les quelques remarques que je veux faire à ce sujet.

Nous nous rendons compte que le gouvernement se doit de réduire ses budgets. Cela étant posé, nous estimons qu'Agriculture et Agro-alimentaire Canada a fait de son mieux, et a sagement agi, pour maintenir la plus grande partie de ses investissements dans la recherche pendant cette période, ce à quoi nous applaudissons. Nous croyons que le ministère a ciblé son plan sur la bonne clientèle et que celui-ci va dans la bonne direction. S'il s'y conforme, cela sera parfait.

Plusieurs autres choses se sont produites. On est en train de mettre sur pied le nouvel organisme d'inspection alimentaire qui devrait permettre de réduire les dédoublements dans ce domaine. Cet aspect est un peu en marge de la question qui nous intéresse, mais le recours à la technologie devrait nous permettre de limiter encore plus les coûts unitaires des activités d'inspection autrement dit, elle devrait nous donner un coup de main.

Je tiens à faire une mise en garde parce que, pour tout vous dire, l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire a reçu des réactions mitigées. Malgré la collaboration de plusieurs groupes de différents ministères, le système, dans son ensemble, ne semble pas fonctionner de façon beaucoup plus efficace qu'avant - en fait, il n'est pas plus efficace. Donc, la collaboration n'est pas forcément synonyme d'efficacité.

Je vais conclure ce sujet, avant de vous parler plus spécifiquement de votre mandat.

Force nous est de reconnaître que les industries primaires sont, depuis longtemps, le point fort du Canada et qu'elles le seront encore dans l'avenir, même si nous nous enfonçons de plus en plus dans l'ère de l'information. Si nous parvenons à élaborer et à mettre en oeuvre ces nouvelles technologies et les autres, dans un climat de coopération entre l'industrie et le gouvernement et de plus grande conscience publique, nous demeurerons au nombre des chefs de file mondiaux, du moins dans le domaine de l'agriculture et de l'agro-alimentaire.

Je vais à présent vous dire quelques mots au sujet de votre mandat. Je suppose que vous allez ensuite me poser des questions à ce propos.

Mais, très rapidement, je voudrais vous faire part de quelques réflexions sur les industries et les technologies qui sont essentielles à la création de débouchés. D'ailleurs, je me suis déjà largement exprimé à point de vue en vous disant que le secteur primaire est un de nos principaux points forts. Pour ce qui est du secteur agricole et agro- alimentaire, les deux éléments les plus importants sont l'application et l'utilisation de technologies agricoles, de même que l'application et l'utilisation de la biotechnologie. Ce sont là les deux aspects les plus importants.

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Pour ce qui est du rôle du gouvernement en matière de promotion des technologies émergentes, nous recommandons, de façon générale - et je parle ici pour le secteur de l'agriculture - de maintenir un équilibre entre la recherche fondamentale et la recherche d'adaptation. Sinon, et à cause de la nature évolutive de l'agriculture, nous ne parviendrions pas à convertir les technologies de base en technologies véritablement utiles à l'industrie.

Par ailleurs, il convient d'abattre les obstacles qui nous barrent la route, comme les perceptions et les méprises du public quant aux produits découlant de ces nouvelles technologies; il n'appartient seulement au gouvernement de le faire, mais aussi à tous les secteurs.

Nous devons veiller à ce que les procédés administratifs gouvernementaux, dans le cas de l'industrie et des clients de l'industrie, soient efficaces et soient le moins possible un fardeau. Après la mise sur pied de l'organisme d'inspection, c'est maintenant chose possible, puisque nous disposerons d'un guichet unique.

Je crois que nous avons encore d'importantes étapes à franchir pour simplifier et rendre plus efficace le processus d'enregistrement des produits. On pourrait dire la même chose des brevets. Dans bien des cas, il faut beaucoup trop de temps et d'efforts pour parvenir à des résultats.

Pour ce qui est de la promotion de l'entreprenariat, le progrès le plus important qu'on peut envisager à long terme est sans doute la rationalisation des processus, dans toute la mesure du possible, afin de permettre aux entreprises de se lancer en affaires.

Il y a un aspect à propos duquel on ne sait pas grand chose, du point de vue de l'industrie: quels genres d'avantages fiscaux sont consentis aux organismes qui se lancent dans la recherche en hautes technologies. Je pose la question.

Dans quelle mesure répondons-nous aux besoins? J'estime que nous devons vraiment nous pencher sur cette question, parce que nous en sommes au stade où, à terme de sept ou dix ans, les gens de mon âge ne seront plus là, et nous sommes nombreux. Nous nous devons, en tant que membres d'une équipe et en tant que citoyens de ce pays, de remplacer un peu de l'expérience que certains d'entre nous emporteront avec eux quand ils sortiront du circuit.

Il nous faut, je crois, nous intéresser à nos établissements d'enseignement et à nos programmes de perfectionnement - qui s'adressent à ceux qui sont déjà passés par les établissements d'enseignement - , pour nous placer dans une solide position, pas seulement au cours des prochaines années, mais en vue du véritable tournant qui s'annonce à l'horizon 2003-2004 et au-delà.

Pour terminer sur ce que vous pourriez faire, en tant que responsables politiques, pour nous aider dans tout ce processus, nous vous recommandons trois choses, faciles à dire, mais pas faciles à faire.

D'abord, dépenser l'argent là où il faut. Nous devons accorder la priorité à la science et à la technologie si nous voulons nous retrouver là où il faut, au bout du chemin.

Par ailleurs - et en quelques mots seulement - il convient maintenant d'établir un véritable dialogue et une véritable consultation avec les différents intervenants, absolument partout au pays.

La véritable difficulté consistera à instaurer des mesures de performances efficaces et à recueillir des données, avant même d'entreprendre les plans établis, en vue de savoir plus tard si tout se déroule comme prévu. Mais alors, que devrons-nous savoir?

Tous les jours dans mon travail, je consacre un certain temps à formuler des mesures de la performance. Cet exercice devient particulièrement complexe dès qu'on aborde la propriété intellectuelle, mais nous nous devons au moins de réfléchir à ce à quoi nous voulons parvenir avant de mesurer quoi que ce soit.

Ce n'était là que quelques réflexions, jetées au hasard, mais j'espère que nous allons pouvoir rentrer dans le détail et avoir des échanges à ce sujet tout à l'heure.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Weisenburger. En attaquant toutes ces questions aussi directement, comme l'avait fait aussi M. Carty d'ailleurs, vous nous donnez une bonne idée de votre approche sur laquelle nous pourrons revenir. Plus vite nous pourrons engager la discussion avec les députés et plus les choses seront intéressantes pour tout le monde, mes collègues adhérant alors plus à toutes ces questions et se les appropriant, en quelque sorte. Voilà pourquoi nous essayons d'accélérer les choses autant que faire se peut.

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Eh bien, je crois que je vais donner la parole à M. Morrissey. J'ai cru comprendre que son exposé allait porter sur le même domaine que celui de M. Weisenburger.

Bienvenue au comité. Je vous en prie, vous pouvez commencer.

[Français]

M. J.B. Morrissey (sous-ministre adjoint, Direction générale de la recherche, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci de me donner l'occasion de me trouver parmi vous ce matin. Cela me fait plaisir de pouvoir partager quelques idées sur le rôle de l'État dans la recherche et le développement et la mise en application de nos découvertes.

[Traduction]

Monsieur le président, comme on vous l'a certainement déjà dit lors des séances précédentes, l'innovation est source de richesse. L'économiste Robert Solow, dont le travail sur l'innovation a été couronné par un Prix Nobel, a souligné que de 1909 à 1949, la croissance américaine a doublé, mais qu'un huitième seulement de cette croissance était attribuable à une augmentation du capital. L'innovation, conclut-il, a été la source des sept huitièmes, soit environ 90 p. 100, de la croissance américaine.

Comme vous le savez, monsieur le président, le Canada a été critiqué par l'OCDE pour son manque d'innovation et ses gains de productivité relativement faibles ces dernières années. Je trouve, cependant, que ces critiques sont très générales et qu'il est important de reconnaître l'apport de certains secteurs au Canada.

Dans une étude de 1992 intitulée Multi-factor Productivity for Canadian Agriculture, les auteurs Narayanan et Kizita concluent que, de 1962 à 1990, les secteurs primaires de l'agriculture et de la foresterie dominaient tous les secteurs industriels canadiens en croissance de productivité. En appliquant les conclusions de Robert Solow, on peut affirmer que les sept huitièmes de cette croissance proviennent de l'innovation.

Il ne faut pas trop s'en étonner, monsieur le président, quand on sait qu'en 1900, l'économie de ce pays était agricole à 80 p. 100 environ. Aujourd'hui, nous avoisinons les 3 p. 100.

John Oliver, de Dow Elanco, qui a comparu devant ce comité la semaine dernière, a avancé que l'âge d'or de l'agriculture canadienne est peut être encore à venir. Il a prédit que le prix des aliments pourrait aller jusqu'à doubler au début du siècle prochain et que le secteur agro-alimentaire canadien, si avancé dans les technologies agricoles, surtout en biotechnologie, serait très bien placé pour tirer avantage des lucratifs marchés internationaux.

La biotechnologie est probablement l'un des secteurs que M. Ozzie Silverman d'Industrie Canada avait à l'esprit, quand il a traité, devant le comité, de l'effet incroyable des technologies habilitantes sur une économie nationale. Il a parlé de «technologies capables de redéfinir la concurrence dans des industries entières et de créer de nouvelles industries».

Dans votre recherche des industries et des technologies cruciales, créatrices de débouchés économiques pour le Canada au siècle prochain, vous considérerez peut-être que l'agro-alimentaire et la biotechnologie sont des candidats de premier ordre. L'agro- alimentaire est un secteur pour lequel nous possédons les ressources naturelles et les compétences en R-D nécessaires pour innover et créer la valeur ajoutée.

Monsieur le président, je vais vous dire quelques mots sur le rôle de l'État en R-D. J'aimerais présenter au comité un document que j'ai rédigé sur cette question et qui s'intitule The Role of the State in Relation to R & D in Natural Resources. J'en ai remis des exemplaires à la greffière.

Je crois que deux points importants abordés dans ce document peuvent s'appliquer aux travaux du comité: d'abord, dans quel genre de R-D l'État devrait-il investir? Le rôle de l'État à l'égard de la R-D consiste à investir dans des travaux qui comportent des avantages importants pour la nation, mais que le secteur privé ne pourrait réaliser seul de manière rentable.

Deuxièmement, qui devrait payer? Là encore, notre document suggère une réponse. Des travaux non rentables pour le secteur privé peuvent devenir rentables si les coûts sont partagés entre l'État et le secteur privé. Cette formule évite à l'État de payer inutilement l'ensemble des coûts.

.1045

À partir de ces principes, j'aimerais vous donner un aperçu de la Direction générale de la recherche d'Agriculture et Agro-alimentaire Canada, et plus particulièrement de certaines des façons dont nous tentons de combler les lacunes de l'innovation. Nous nous sommes fixé pour mission d'améliorer la compétitivité des secteurs agricole et alimentaire canadiens. Nous faisons porter l'insistance sur la recherche qui profite à la nation, mais que le secteur privé ne juge pas rentable d'exécuter seul.

Notre direction générale évolue dans quatre grands domaines d'activité. D'abord, les ressources naturelles, avec la santé du sol; deuxièmement, la santé de nos cultures; troisièmement, la santé des animaux; et, enfin, la salubrité, la valeur nutritive et la qualité de nos aliments.

Si nous ne déployions pas d'effort de R-D dans ces domaines, il serait impossible ne serait-ce que de maintenir l'actuel niveau de productivité agricole dans notre pays. La nature renouvelle constamment son arsenal diversifié de menaces à nos cultures, un arsenal qui exige un ensemble constamment renouvelé de variétés végétales résistant aux maladies.

Pensons, par exemple, aux nouvelles souches de rouille du blé, qui font leur apparition à intervalles réguliers, et aux nouvelles variétés de blé résistant à la rouille que nous développons.

Pour ce qui est des partenariats, l'un des messages primordiaux de plusieurs présentations au comité aura été l'importance du partenariat pour l'innovation. Je crois que le professeur John de la Mothe, de l'Université d'Ottawa, a admirablement exprimé ce principe lorsqu'il vous a entretenus du processus d'innovation.

À Agriculture Canada, nous avons tenté d'intégrer notre clientèle à notre décision d'investissement en R-D. Pour cela, il faut d'abord partager l'information, afin de pouvoir prendre les mêmes décisions bien fondées, puis il faut un partenariat de R-D à financement conjoint pour partager les coûts et les avantages de la mise au point et de la commercialisation d'une innovation.

Pour partager l'information, nous nous appuyons sur un comité consultatif axé sur la clientèle, pour l'ensemble de l'organisation.

En ce qui concerne le partage de la prise de décisions à l'égard des investissements, j'aimerais revenir sur un principe avancé par M. Chris Albinson, de Newbridge, lors de sa comparution devant le comité, le 24 octobre. Il vous a parlé de connectivité ou, plus précisément, de l'absence de connectivité entre les chercheurs du gouvernement et l'utilisateur final des connaissances ou de la technologie produite.

Je le cite:

Agriculture Canada a modifié son mécanisme de financement pour assurer le lien entre la recherche dans le secteur agro-alimentaire et les besoins de l'industrie. Un programme de partage des frais pour l'investissement a été mis sur pied par le ministre Goodale pour régler ce problème particulier, en faisant appel au fond existant.

Le principe en cause est simple. Si je veux un dollar de l'État, je dois trouver un dollar dans le secteur privé. Si je ne suis pas associé à un partenaire privé à qui l'innovation est déjà vendue, je n'obtiens pas l'argent du gouvernement. Ce sont les besoins du marché, ou les besoins imposés par le contexte, et non pas une planification centrale en matière de R-D, décidée par des bureaucrates, qui déterminent donc les décisions en matière d'investissement dans la R-D.

J'aurais un mot à dire à propos des grappes, monsieur le président. Lors de cette même présentation de jeudi dernier, M. Albinson a aussi démontré les avantages de ce qu'il a appelé le principe des «agglomérats» ou des grappes. Il a, pour cela, utilisé l'exemple de sa propre entreprise, Newbridge, pour montrer comment la concentration dans une région d'instituts animés des mêmes idées peut devenir un centre d'incubation pour l'innovation, grâce à des partenariats et à d'autres formes d'échanges.

À Agriculture Canada, au cours des dernières années, nous avons pris des mesures en vue de concentrer nos installations et notre expertise. Nous l'avons fait pour établir une masse critique d'expertises scientifiques dans chaque secteur de produit. C'est pourquoi, en réponse au budget de 1995, nous n'avons pas procédé à des réductions générales. Nous avons préféré éliminer les programmes peu prioritaires et concentrer les ressources à notre disposition dans des régions où des grappes se formaient, comme aux environs de Saskatoon, à Guelph et dans les banlieues de Montréal.

.1050

Je dirais trois choses en conclusion, monsieur le président. D'abord, le gouvernement fédéral a joué un rôle essentiel dans la réussite du secteur agro-alimentaire canadien. Comme je l'ai mentionné, il s'agit du secteur industriel qui a réalisé le plus de gains de productivité au cours des trente dernières années. Je crois que le secteur agro- alimentaire sera essentiel dans l'avenir et que la biotechnologie sera une technologie habilitante déterminante.

Deuxièmement, le rôle du gouvernement sur le plan des ressources fondamentales en R-D est clair et constant. Dans notre cas, il consiste à assurer la viabilité et la sécurité des sols, des cultures et des aliments.

Enfin, monsieur le président, grâce à des initiatives comme le programme de partage des frais pour l'investissement, le gouvernement trouve des façons de collaborer avec l'industrie, lorsqu'il faut partager les risques et les coûts, de sorte que l'entreprise puisse mieux se positionner afin de créer la richesse dans l'économie canadienne.

[Français]

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Morrissey, de ce survol des travaux effectués dans votre domaine. Nous reviendrons sur tout cela lors de la période des questions.

Monsieur Sulzenko, pourquoi ne passeriez-vous pas ensuite. Je donnerai la parole au représentant du ministère des Ressources naturelles après que vous nous aurez livré un bref aperçu de votre situation.

M. Andrei Sulzenko (sous-ministre adjoint, Politique industrielle et scientifique, ministère de l'Industrie): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est au printemps dernier que j'ai comparu pour la dernière fois comme témoin devant ce comité. J'étais alors directeur général chargé de l'examen de la S-T. Je suis maintenant sous- ministre adjoint, Politique industrielle et scientifique à Industrie Canada. Je partage, avec mes collègues, la responsabilité de veiller à l'application des résultats de l'examen de la S-T.

Le président: Autrement dit, vous mettez en oeuvre ce que vous avez prêché.

M. Sulzenko: Oui, je peux faire en sorte que l'on passe maintenant aux réalisations.

Le président: Vous êtes bien placé pour cela.

M. Sulzenko: Monsieur le président, mes remarques seront relativement brèves. Je sais que vous voulez que nous passions assez rapidement aux questions. Je vais revenir sur les commentaires de M. Morrissey et y ajouter certaines choses.

Je vais revenir sur la raison pour laquelle le gouvernement, et je crois ce comité également, insistent sur la S-T. Il est en fait principalement question d'améliorer notre performance économique. Comme on vous l'a dit à plusieurs reprises, l'OCDE parle de déficit d'innovation au Canada. Ce phénomène se manifeste de différentes façons. Je ne vais pas essayer de les couvrir toutes, parce qu'en fin de compte elles se ramènent toutes à la question de la productivité. MaisM. Morrissey en a parlé plus tôt.

La performance du Canada au cours des 15 ou 20 dernières années, en ce qui concerne ce que les économistes appellent le «facteur total de productivité», autrement dit l'effet combiné de l'ensemble de nos ressources et pas seulement de la main-d'oeuvre mais aussi du capital et du reste, cette performance, donc, accuse une courbe plate. Elle avoisine le zéro, pour ne pas dire qu'elle est à zéro. C'est un problème que nous avons en commun avec nos partenaires du G-7 et la plupart de nos partenaires de l'OCDE. Cette situation n'est pas unique au Canada. En fait, peu importe la façon dont on la mesure, en termes relatifs, notre performance a même été inférieure à celle de la plupart de nos partenaires du G-7.

L'une des principales questions que nous nous posons au sujet des recherches que nous effectuons, et pas simplement à Industrie Canada mais dans la fonction publique en général, consiste à savoir ce qui explique ce phénomène. Il est très important, sur le plan de la recherche, de déterminer si ce déficit est simplement cyclique. Nous savons que nous avons beaucoup investi, surtout dans les technologies de l'information, dans la plupart des secteurs. Nous n'avons pas perçu les résultats de cet investissement sur le plan de la productivité. Ou alors, ce problème est d'ordre beaucoup plus structurel, ce qui voudrait dire qu'il faudrait avoir davantage recours à des mesures d'ordre également structurel?

Je pourrais ajouter à ce que M. Morrissey a dit au sujet des résultats en matière de productivité dans le secteur agro-alimentaire, qu'ils sont en général meilleurs dans les secteurs primaires que dans la moyenne des autres secteurs au Canada. On n'a constaté aucune amélioration dans les secteurs manufacturiers et des services, à l'exception du secteur des communications, qui a connu des résultats relativement solides.

.1055

Donc, on constate d'énormes différences d'un secteur à l'autre. Mais, au bout du compte, c'est en fait le secteur privé qui sera responsable de l'amélioration de la performance en matière de productivité. Très franchement, au Canada, nous sommes actuellement aux prises avec une combinaison de lenteur à s'ajuster - par rapport aux autres pays - et, bien sûr, de performance relativement piètre en matière d'innovation, maintenant proverbiale.

Comme vous le savez, l'innovation concerne beaucoup plus que les technologies «dures». Elle se retrouve aussi sur le plan des ressources humaines et sur celui de l'aménagement organisationnel, notamment.

Mais nous n'attendons pas une réponse définitive. C'est un problème à long terme qui pose une énigme à bien des économistes dans de nombreux pays.

Le gouvernement a essayé de progresser sur plusieurs fronts et d'améliorer la performance du secteur privé. M. Carty vous a parlé du Réseau canadien de technologie. Les différents ministères ont adopté un certain nombre d'initiatives, de leur côté. Mon ministère, par exemple, administre le Programme de Partenariat Technologie.

L'autre dimension des efforts que nous déployons, et dont plusieurs de mes collègues vont parler aujourd'hui, touche à l'importance des liens avec le secteur privé, des partenariats avec ce secteur, de la commercialisation de la recherche et ainsi de suite.

Permettez-moi de faire brièvement le point pour vous au sujet de la mise en oeuvre de la stratégie de S-T. Selon moi, celle-ci s'articule en deux parties. La première vise à améliorer la prise de décisions au sein du gouvernement et la deuxième vise à améliorer la reddition de comptes au sujet de tout que nous entreprenons.

S'agissant de prise de décisions, plusieurs initiatives ont été prises. Je crois qu'on vous a récemment parlé de la première réunion du tout nouveau Comité consultatif de la science et de la technologie, qui s'est donc rencontré pour la première fois la semaine dernière.

Ce groupe est tout à fait emballé par son travail. Nous le rencontrerons le mois prochain dans le cadre d'une séance de planification. Par la suite, il rencontrera les ministres du Cabinet, au printemps, pour lui donner des conseils sur les grandes questions.

Donc, nous alimentons directement les réflexions de ce groupe. Par ailleurs, on peut raisonnablement affirmer que le Comité de la politique économique du Cabinet accorde de plus en plus d'attention aux questions touchant la science et à la technologie. Récemment, les ministres se sont rencontrés sur ce thème. À la fin de l'hiver ou au début du printemps prochain, ils envisagent de revoir les plans et les priorités des différents ministères.

Nous allons en outre étayer nos relations avec les provinces dans le domaine de la science et de la technologie. Il en a été récemment question lors de la conférence annuelle des premiers ministres, en août dernier. Le secrétaire d'État, Jon Gerrard, a rencontré les autorités provinciales pour parler de rapports bilatéraux en science et en technologie.

Très prochainement, nous donnerons suite - au niveau des fonctions publiques - , à la demande des ministres de resserrer le partenariat et la coordination.

Le fait que ce comité s'intéresse à ce point à la science et à la technologie nous aidera beaucoup dans notre processus décisionnaire au gouvernement.

Par ailleurs, pour ce qui est de la reddition de compte, nous avons entrepris un certain nombre d'initiatives. Certaines nous sont spécifiques, comme l'examen de Statistique Canada des indicateurs de S-T, qui, espérons-le, devraient s'avérer très utiles pour l'ensemble des ministères et des organismes gouvernementaux. Le Secrétariat du Conseil du Trésor est en train d'examiner les grandes questions touchant au personnel travaillant dans le milieu scientifique. Tous les ministères ont été invités à élaborer des indicateurs et des mesures de rendement, afin qu'il soit possible d'évaluer nos résultats.

.1100

Enfin, pour ce qui est du processus de reddition de compte au Parlement, nous l'appliquons bien sûr annuellement, tous les printemps, dans le cadre de l'examen des budgets des dépenses. Nous allons essayer, à cette fin, de faire une synthèse de la S-T.

Le vérificateur général, de son côté, aimerait sans doute beaucoup disposer d'un rapport de performance. Eh bien, nous allons préparer un rapport exhaustif sur les résultats en S-T au sein du gouvernement fédéral, fort probablement vers la fin de 1997, pour le déposer devant le Parlement.

Je vous remercie.

Le président: Merci.

À présent, du Centre de recherches sur les communications, nous accueillons M. Turcotte.

M. Turcotte: Tout d'abord, monsieur le président, je tiens à dire que je suis heureux d'être ici. C'est ma première comparution devant un comité parlementaire, dans mon nouvel emploi de responsable du Centre de recherches. Comme la plupart d'entre vous le savent, je viens de l'extérieur. J'ai été très heureux de travailler au contact de gens comme le M. Sulzenko et Art Carty, du CNRC, dans son nouveau rôle.

J'ai toute une pile de documents à vous faire remettre, mais je me contenterai d'aborder deux ou trois des principaux aspects.

Le Centre de recherches sur les communications, ou CRC, est l'organisme fédéral chargé de s'intéresser aux communications dans leur dimension commerciale. Cet organisme a en fait pris la relève du Secrétariat du Conseil consultatif national des sciences et de la technologie pour continuer de travailler dans le même axe que le modèle Lortie.

Ce modèle envisageait la façon dont nous allions parvenir à mettre les actifs fédéraux au service d'activités beaucoup plus commercial et beaucoup plus lié à l'économie. On nous a d'ailleurs conféré certains pouvoirs. À l'heure où nous parlons, nous tendons vers une formule de perception de droits. Il nous est maintenant possible de le faire.

Je vais m'appuyer, pour mon exposé, sur certaines des notes que j'ai ici. Nous avons des points forts. Il faut avoir des points forts, sinon, très franchement, il n'y aurait rien à dire au sujet de la S-T. Notre groupe fait de la R-D. C'est cela, sa force qui nous permet d'établir des liens avec d'autres, de nous livrer aux activités que nous conduisons et qui nous donnent le droit de parler.

Comme vous l'avez dit, Chris Albinson, dans une déclaration phare, a affirmé que ce sont essentiellement les grappes, ou les agglomérats qui permettent de parvenir au genre de développement économique à haute intensité, typique de mon industrie. Tout dépend des relations, de l'accès aux connaissances, de l'accès aux gens, de l'accès aux ressources. En fait, je recommande aux membres du comité de lire l'ouvrage de Jane Jacobs, intitulé Cities and the Wealth of Nations. Je le trouve excellent, ce qui est tout dire puisque je suis ingénieur.

Qu'est-ce qui fonctionne? Comme plusieurs d'entre vous le savent, j'ai été responsable de l'Institut de recherches d'Ottawa-Carleton pendant 12 ans et je suis intimement convaincu de ce que je vais vous dire, et cela, je le transporte avec moi, comme d'autres l'ont fait avant moi, au sein de la structure fédérale. C'est ça établir des liens, c'est rassembler, du mieux possible, des personnes ayant des intérêts divers, des compétences diverses, et c'est assumer un rôle de courtier dans les nouvelles relations, pour créer la richesse dans l'avenir.

Dans son ouvrage By Way of Advice, Massé, de SECOR, souligne que si l'on veut vraiment faire du développement économique, il ne faut pas instaurer une monoculture, comme dans le sens agricole du terme, mais multiplier les capacités. Il existe de nombreuses façons de procéder, de nombreuses approches, et l'on compte de nombreux intervenants. Il est question de créativité et de rattrapage en technologie, il est question de gens qui perçoivent un avantage à trouver de nouveaux produits, à créer, etc.

Donc, nous avons établi des liens - le CRC l'a commencé avant mon arrivée, je ne fais qu'aller un peu plus loin - à l'échelle nationale et à l'échelle régionale. Par exemple, nous avons établi des liens avec d'autres à propos de TRLabs. Il y a deux jours, j'ai signé un mémoire d'entente avec la Telecommunications Applications Research Alliance de Halifax, qui est le groupe de Brian Penney. Nous avons établi des liens avec des organismes de recherches provinciaux, comme l'Institut de recherches en télécommunication de l'Ontario, le TRIO. En fait, je siège à son conseil. Nous avons établi des liens avec des centres nationaux, comme l'Institut canadien de recherches en télécommunication, au conseil duquel je siège également. Il est installé à Montréal. Sur le plan régional, nous avons établi des liens avec mon ancien organisme d'appartenance, l'Institut de recherches d'Ottawa-Carleton.

J'estime que nous devons aller encore plus loin, ne pas simplement nous contenter de dire que nous avons conclu ce genre de partenariats, et tenir effectivement les rênes dans ce qui importe: les communications entre les gens, et amener nos partenaires à voir l'intérêt qu'ils ont à réaliser leur programme, pour que tout le monde en profite.

.1105

À l'échelon fédéral, nous travaillons en étroite relation avec le ministère de la Défense nationale et l'Agence spatiale canadienne. On trouve plusieurs activités intéressantes au CNRC, notamment le PARI. Nous collaborons étroitement avec nos partenaires fédéraux au transfert de technologie.

Sachez que nous avons signé 260 ententes formelles. J'ai demandé à mon Bureau du transfert de technologique de les recenser. Il est question d'accords, de licences, d'ententes de collaboration, etc. Tout cela obéit à une structure mais, en substrat, on trouve une philosophie qui consiste à essayer d'exploiter la véritable valeur du commerce, à savoir les relations.

Comment y parvenir? Eh bien, nous pouvons pour cela compter sur une compétence de base, sur une capacité, surtout dans le domaine des communications par satellite, des communications radios et d'autres domaines connexes, notamment le réseautage, etc. Cette compétence est essentielle. Le comité ne doit pas l'oublier. On doit savoir ce dont on parle avant de dire quoi que ce soit.

Deuxièmement, il est utile de vouloir mettre cette compétence en pratique. Nous appelons cela l'entreprenariat. Comment donc s'y prendre, pour instaurer ce climat dans des laboratoires fédéraux où l'on trouve des chercheurs désireux de se tourner vers le secteur privé, le secteur privé étant de son côté désireux de se tourner vers eux? La question est intéressante. La même chose est vrai dans le cas des universités. Comment parvenir à instaurer ce genre de lien qui ne découle pas d'une évolution naturelle.

Eh bien, nous pouvons nous appuyer sur toute une batterie de programmes. Nous sommes compétents en la matière. Dans le secteur des technologies, nous avons un Bureau de transfert de technologie qui assure les liens officiels. Et puis, nous entretenons des liens un peu particulier, comme le BADLAB et les laboratoires de développement, que deux de vos collègues ont visités il y a deux semaines.

Ils reconnaîtront qu'il est tout à fait emballant de rassembler les différents joueurs, de faire la démonstration d'une technologie, de poser des problèmes et de montrer qu'il est possible de leur trouver une solution. Nous travaillons en collaboration avec l'Institut de cardiologie. Nous entretenons des liens étroits avec différentes universités. Nous comptons environ 26 chercheurs en résidence, provenant de différentes universités.

En fait, j'ai été tout à fait ravi quand, dans la première semaine suivant mon arrivée, je suis entré dans une des salles de conférence où se trouvait un groupe de chercheurs. Je voulais simplement les saluer, comme à mon habitude, et là, je suis tombé sur Lot Shafai, de l'Université du Manitoba. Il a été enchanté de m'expliquer ce qu'il faisait dans nos installations, avec ses chercheurs qui appartenaient notamment aux universités McGill, Carleton et du Manitoba.

Comme je le disais, ça fonctionne. Ce que je veux dire, c'est que ce n'est pas le fait du président, c'est le fait de tout un organisme.

Plus tard, je suis allé à l'atelier et j'ai demandé aux gens qui s'y trouvaient s'ils entretenaient des relations avec l'Université Carleton. Ils se sont étonnés de ma question. Ils m'ont alors fait faire le tour de l'atelier pour me présenter au représentant de l'Université Carleton qui étaient en train de préparer une entente en vue d'appliquer un système de mesure à sa nouvelle technologie, le LMCS, dont il a été question lors de votre dernière rencontre.

Je trouve tout cela très emballant. L'installation incubatrice fonctionne. Récemment, nous avons accueilli huit entreprises qui ont des liens avec le CRC. Voilà pourquoi nous y sommes. Nous allons continuer d'appliquer ce genre de mécanisme, parce qu'il est un véritable ferment.

Quant à l'avenir, nous allons élargir notre réseau. C'est là un aspect qui me passionne, comme je l'ai démontré.

Nous allons continuer à susciter le travail en collaboration, les partenariats et ce genre de chose. Nous allons continuer à exploiter des véhicules comme BADLAB, comme nous l'appelons, qui est en fait, contrairement à son appellation anglaise, un excellent laboratoire - et vous pouvez en prendre note - ainsi que le Centre Innovation pour parvenir aux résultats qui nous intéressent. Nous allons continuer d'explorer certaines possibilités, comme la mise en valeur d'une main-d'oeuvre hautement qualifiée.

Bien sûr, nous allons faire partie de certaines des initiatives fort intéressantes lancées parM. Carty, aux côtés de Mitel et d'autres. Aujourd'hui, nous rencontrons des universitaires. De plus, je rencontre régulièrement, par le biais de l'Institut de Recherches d'Ottawa-Carleton, les présidents des universités locales ainsi que les présidents des collèges.

Nous allons continuer de renforcer notre position à l'interne, au sein d'Industrie Canada, parce que nous sommes un centre de recherches rattaché à ce ministère. Voilà le genre de relations commerciales que nous entretenons. En outre, nous allons accroître notre visibilité, parce que j'estime que les gens font ce qu'ils voient faire par d'autres. L'un de nos problèmes, c'est que les gens ne savent pas ce qui se passe.

Bref, comment le gouvernement peut-il s'y prendre? Comme nous l'avons souligné, le gouvernement a un rôle absolument essentiel à remplir, celui de maintenir un noyau spécifique de compétences que le secteur privé ne serait pas en mesure de maintenir lui- même. Les secteurs de l'agriculture et de la biotechnologie sont deux bons exemples à cet égard.

Les capacités du type PARI, dont nous disposons, sont un autre bon exemple. M. Carty vous a cité le cas du silicium-germanium. C'est un domaine des plus intéressants. Je peux vous assurer que, sans le travail du groupe de Peter Dawson au CNRC, nous n'aurions pu jamais y prendre part. C'est un fait. Ça, je le savais avant. Nous devons essayer de soutenir les leaders du domaine qui feront le travail de fond et qui assureront les liens avec les universités.

.1110

Le principal problème que nous avons avec les universités, c'est leur vision à court terme. Elles sont toutes intéressées par les résultats du trimestre en cours. À cause de cela, nous n'effectuons presque aucun investissement dans les activités à plus de trois ans dans ce pays. Ça aussi, c'est un fait. Et c'est au gouvernement d'y remédier.

Très bien, j'en ai terminé.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Turcotte. Je suis sûr que l'enthousiasme avec lequel vous abordez votre travail est communicatif dans vos bureaux.

Steve Shugar appartient au Conseil de recherches en science naturelle et en génie du Canada, connu sous l'acronyme CRSNG.

Bienvenue parmi nous, peut-être pourriez-vous commencer par quelques remarques liminaires.

[Français]

M. Steve Shugar (directeur, Politiques et relations internationales, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada): Merci, monsieur le président. J'aimerais vous remercier de m'offrir l'occasion de vous rencontrer ce matin.

M. Brzustowski, le président du Conseil, a dû malheureusement aller à Edmonton hier soir et j'expliquerai pourquoi dans quelques instants.

[Traduction]

Quoi qu'il en soit, il m'a demandé de vous faire part de ses regrets, pour n'avoir pu comparaître devant le comité ce matin.

Bien sûr, les députés savent que la stratégie S-T du Canada est fondée sur des objectifs de création d'emplois et de croissance économique, de meilleure qualité de vie et, bien sûr, d'avancement des connaissances. En tant que membre du portefeuille de l'industrie, le CRSNG travaille d'arrache-pied à la réalisation de ces objectifs, en appuyant la recherche universitaire et la formation de chercheurs, et en encourageant les partenariats dont plusieurs de mes collègues ont déjà parlé ici, ce matin.

Nous aurons donc la présomption de supposer que les membres du comité seront d'accord avec nous pour dire que la recherche et la formation universitaire sont effectivement essentielles pour le Canada. Dans le contexte actuel, qui est celui d'une économie mondiale axée sur le savoir, nous ne parviendrons pas à maintenir notre qualité de vie, et encore moins à l'améliorer, sans effectuer de recherches et sans assurer la formation de nos chercheurs, dans nos universités.

Le CRSNG prétend investir de façon stratégique dans les capacités intellectuelles du Canada, dans les domaines de la science et de la technologie. Mais si nous affirmons cela, je suppose que quelqu'un voudra que nous le prouvions. Eh bien, dès qu'il y a investissement stratégique, il y a des résultats palpables. Et nous prétendons que les résultats de la recherche de haute qualité, sont souvent transférés à l'industrie canadienne, en font partie.

En collaboration avec l'industrie canadienne, nous développons un savoir-faire en matière d'utilisation des résultats de la recherche. Quand on se livre à ce genre d'investissement, on obtient un personnel hautement qualifié qui met ses compétences et ses connaissances au service de l'économie canadienne, compétences et connaissances qu'il transfère d'ailleurs dans son milieu de travail. Dans bien des cas, ces mêmes personnes lancent leurs propres entreprises.

Donc, et de façon plus précise, ce genre d'investissement se retrouve au niveau des ressources humaines. Dans un récent sondage que nous avons effectué auprès d'anciens titulaires de bourses du CRSNG, nous avons constaté que 98 p. 100 d'entre eux ont un emploi; un taux de chômage de 2 p. 100 n'est donc pas si mal que cela par les temps qui courent. De plus, 65 p. 100 de ces gens travaillent directement dans la recherche et le développement.

Dans le genre d'investissement stratégique dont je parle, relativement aux activités universitaires, il est forcément question de recherche fondamentale, qui est en fait la base de toutes les collaborations ultérieures. C'est un excellent contexte de formation pour les étudiants et une source d'idées nouvelles.

Si nous voulons pouvoir compter sur une économie forte et novatrice, nous avons besoin de nous doter d'une solide capacité de recherche fondamentale dans nos universités.

Le troisième résultat de toute cette activité que je tiens à mettre en exergue, est la commercialisation. Les programmes du CRSNG contribuent, plus que jamais par le passé, à mobiliser les chercheurs universitaires, la collectivité et l'industrie et ils permettent l'établissement d'une industrie réceptrice capable d'utiliser les résultats de la recherche au Canada.

Que se produit-il quand on effectue ce genre d'investissement. Eh bien, d'abord, on crée des entreprises. Selon le résultat d'un récent sondage, plus de 80 entreprises ont été créées grâce au résultat de recherche effectuée par des universitaires grâce aux subventions du CRSNG. À l'époque où nous avons effectué ce sondage, les entreprises en question employaient plus de 500 personnes et avaient un chiffre d'affaires totalisant plus de 500 millions de dollars par an.

Nous serons très heureux de remettre aux députés un exemplaire de cette publication concernant ce genre de renseignement.

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Nos chaires de recherche industrielle sont un autre programme très important du CRSNG qui contribue grandement à nous permettre de parvenir à ce type de commercialisation et à réaliser les activités de partenariat auxquelles le comité s'intéresse. Il s'agit de chaires de recherche industrielle de différents niveaux universitaires, autour desquelles se regroupent les universités, l'industrie et le CRSNG. Là encore, ce genre d'entreprise contribue grandement à l'amélioration des partenariats entre le monde universitaire et le secteur industriel.

En fait, si M. Brzustowski n'a pu se rendre à votre invitation ce matin, c'est parce qu'il est en train d'annoncer la création d'une telle chaire à l'Université de l'Alberta, chaire qui est financée par la société NOVA. Vous trouverez dans les dernières pages des notes que je vous ai fait remettre ce matin, des renseignements sur cette chaire et sur plusieurs autres à la création desquelles le CRSNG a participé.

Nous favorisons également l'instauration de partenariats pour la création de produits. Permettez-moi de vous donner un exemple de ce qui se passe quand on investit dans ce genre d'activité.

La phase II du Programme de réseaux de centre d'excellence, que vous connaissez maintenant a permis la conclusion de toute une série de partenariats. Par exemple, 48 universités et 405 entreprises ont participé à la phase II de ce programme fédéral très important. Plus de 3 500 étudiants aux cycles supérieurs et stagiaires en poste doctoraux sont formés dans un milieu alliant le contexte universitaire et le contexte industriel. Le secteur privé contribue au financement de cette activité. Jusqu'ici, les activités des réseaux ont donné lieu à 21 nouveaux brevets, 105 licences et 19 nouvelles entreprises, dans le cadre de la phase II.

Le milieu universitaire et le CRSNG comprennent très bien la situation financière dans laquelle se trouve le Canada. Nous comprenons que les budgets sont limités. Mais raison de plus pour effectuer des investissements avisés et de bien choisir ce que nous faisons.

Nous croyons, dans ce genre d'investissement, qu'il est nécessaire de trouver un équilibre entre la recherche qui fait progresser les connaissances et celle qui permet d'utiliser les nouvelles connaissances à des fins utiles. Nous ne devons pas négliger la recherche fondamentale dans nos efforts en vue de promouvoir l'utilisation des résultats de la recherche à des fins productives.

Certes, il est essentiel de mesurer la performance. Le vérificateur général en a parlé et il a publié plusieurs rapports à cet égard. Nous estimons que, après de gros efforts, le CRSNG a accompli d'excellents progrès dans l'élaboration d'outils destinés à mesurer la performance, si bien que nous sommes en mesure de dire si nos programmes nous permettent de réaliser les objectifs énoncés et de nous placer dans une situation où nous pouvons prendre des décisions éclairées quant à la façon de les modifier éventuellement.

Bref, monsieur le président et messieurs les députés, le CRSNG croit qu'il est nécessaire d'accroître les efforts de recherche entrepris au Canada. Il existe sans doute plusieurs façons, raisonnables, d'y parvenir. Cependant, nous tenons à attirer votre attention sur deux mesures qui, selon nous, sont très importantes et qui pourraient avoir des répercussions notoires sur le pays.

La première consiste à relancer le Programme des réseaux de centre d'excellence, qui avait donné d'excellents résultats, et dont les budgets seront coupés en 1998-1999. Le gouvernement sera bientôt appelé à trancher à ce sujet.

Deuxièmement, il est question de renforcer et de renouveler l'infrastructure de recherche canadienne. Qu'il soit question de bibliothèques dans les universités, de laboratoires, d'équipements scientifiques ou de réseaux de communication, ce comité a déjà été mis au courant, par les nombreux témoins que vous avez entendus au cours des dernières semaines, de l'état de délabrement de ces installations. Nous vous rappelons qu'il est impossible d'effectuer des recherches de pointe si l'on ne dispose pas d'installations de pointe.

Nous croyons que si toutes ces mesures sont prises, le Canada pourra combler son déficit d'innovation, qu'il pourra produire de nouvelles connaissances, compter sur des gens compétents sur les plans technologique et scientifique, et toutes les connaissances que nous produirons grâce à notre travail acharné pourront, effectivement, servir au bien général du pays.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Shugar.

Je vais à présent laisser la parole à notre dernier intervenant, le Dr Robert Hargreaves, du ministère des Ressources naturelles.

M. Robert Hargreaves (directeur, Laboratoires des mines et des sciences minérales, Secteur des minéraux et des métaux, Ressources naturelles Canada): Bonjour. Comme le diraient mes enfants, je ne suis pas très en voix aujourd'hui. Ma voix cassée ne sera pas très agréable à entendre, mais je vais m'efforcer de faire de mon mieux.

Comme tous ceux qui m'ont précédé, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à vous faire part de nos vues au sujet de la science et de la technologie ainsi que des lacunes de l'innovation au Canada. Il y aurait de multiples façons d'aborder cette question, mais je me limiterai, aujourd'hui, à parler de la contribution qu'apportent les laboratoires gouvernementaux sur les plans de l'innovation et de la compétitivité, et de certains des facteurs qui nuisent à cette contribution.

Les Laboratoires des mines et des sciences minérales, que je représente, font partie de Ressources naturelles Canada. À titre d'introduction, permettez-moi de vous dire d'abord quelques mots au sujet de la situation de Ressources naturelles Canada en matière de S-T fédérale.

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Ressources naturelles Canada est une organisation de science et de technologie. Environ75 p. 100 de ses ressources sont consacrés à la S-T. Quatre de ses cinq secteurs ont une vocation scientifique. Le Service canadien des forêts, le Secteur de l'énergie et le Secteur des minéraux et des métaux prônent le développement durable et l'utilisation rationnelle des ressources énergétiques, forestières et minérales du Canada et appuient la compétitivité de ces industries. Quant au Secteur des sciences de Terre, il fournit des connaissances géoscientifiques et géographiques sur la masse continentale canadienne.

Peu d'autres secteurs de l'économie ont un tel impact sur le bien-être économique et environnemental des Canadiens. Les ressources naturelles représentent 14 p. 100 du produit intérieur brut du Canada et 39 p. 100 de nos exportations. Les industries des ressources emploient directement quelque 750 000 Canadiens répartis dans plus de 500 collectivités, d'un océan à l'autre. Ressources naturelles Canada joue un rôle de premier plan dans l'acquisition et le transfert des connaissances expertes dont les Canadiens ont besoin pour mettre en valeur les abondantes richesses naturelles de leur pays.

L'innovation et la commercialisation sont les éléments clés de la stratégie de Ressources naturelles Canada pour gérer ses activités de S-T. Ce sont des piliers de notre Cadre de gestion de la S-T que nous venons d'établir pour relever les défis auxquels font face tous les ministères à vocation scientifique par suite de l'Examen des programmes de 1994. Ce cadre de gestion comporte une stratégie hautement ciblée qui assurera la bonne gestion de tous les programmes scientifiques du Ministère. Il nous donne aussi de meilleurs outils pour fixer nos priorités, mesurer les impacts et garantir que les retombées de nos activités profitent à tous les Canadiens.

Ici, je parle des plans d'entreprise que nous établissons pour tous nos programmes, de l'examen fréquent de nos résultats, des sondages auprès de la clientèle et d'autres mesures destinées à améliorer notre performance. Je précise également que si nous devons adopter pour philosophie d'optimaliser les répercussions de nos activités de S-T, et aboutir dans nos efforts, alors nous devrons obtenir de la haute direction qu'elle s'engage vis-à-vis de cette philosophie. À Ressources naturelles Canada, c'est chose faite.

D'aucuns reconnaîtront qu'au cours des 10 dernières années, les laboratoires fédéraux ont considérablement modifié leur orientation et leur mode de fonctionnement. Le recours accru aux partenariats de recherche-développement avec l'industrie a été l'un des changements les plus marquants, comme tout le monde l'a souligné jusqu'ici.

Il est toujours très difficile d'être le dernier à prendre la parole, parce qu'on a tendance à répéter ce qui a déjà été dit. Quoi qu'il en soit, il est bon de le réitérer, il est bon de le répéter sept fois.

Le partenariat est essentiel. Il aide à garantir que les travaux réalisés sont pertinents et adaptés aux besoins de l'industrie. De plus, l'industrie fournit habituellement une part des ressources nécessaires au projet. Les partenariats améliorent grandement les chances d'application commerciales du savoir-faire et de la technologie qui ont été développés et réduisent le nombre de technologies orphelines qui ne trouvent pas d'application.

Pour nouer un partenariat, il faut d'abord trouver une partie intéressée, puis la convaincre que l'on peut travailler ensemble de façon cordiale et efficace. Trouver un partenaire est donc un premier défi. Et il peut s'agir d'un défi de taille, car les gens de l'industrie et du gouvernement connaissent bien mal leurs besoins et leurs compétences mutuels.

Ces dernières années, de nombreux laboratoires fédéraux se sont rapprochés de leur clientèle, reconnaissant qu'ils doivent établir un meilleur dialogue avec leurs clients et accorder une plus grande importance aux besoins de l'industrie dans le développement et la priorisation des programmes de R-D.

En ce qui nous concerne - c'est-à-dire, les Laboratoires des mines et des sciences minérales du CANMET - nous essayons d'inciter toute l'organisation à prendre le «virage clients». Qui plus est, nous avons un groupe de développement commercial composé de huit membres - dans une division de 200 employés - , dont le mandat premier est d'établir des liens avec l'industrie, un peu comme le font les groupes de marketing de nombreuses entreprises, pour trouver des occasions de partenariat.

Nous coordonnons également des projets de R-D et, comme Gerry l'a mentionné, nous jouons le rôle de facilitateur et d'intermédiaire, même quand il arrive que nous ne possédons pas nous-mêmes les compétences voulues, et nous rassemblons alors autour de nous ceux qui peuvent nous les offrir.

De telles activités de liaison avec l'extérieur sont, à mon avis, essentielles à l'établissement de partenariats efficaces. Les laboratoires gouvernementaux ont déjà beaucoup progressé dans ce domaine, mais certains d'entre eux pourraient faire encore mieux, et il faut les inciter à le faire.

L'industrie aurait, elle aussi, intérêt à se montrer plus dynamique dans l'exploitation des compétences et des idées que recèlent les laboratoires gouvernementaux. Je n'ai pas de solution miracle à proposer, sinon de faire connaître les réussites des entreprises qui se sont engagées dans cette voie.

Je reviendrai brièvement sur cette question à la fin de mon exposé.

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Une fois le partenaire potentiel trouvé, il faut s'entendre sur les modalités. À cette étape, les discussions les plus vives portent généralement sur quatre points: les coûts, ou le prix, selon le côté de la barrière où l'on se trouve; l'échéancier, autrement dit la rapidité à laquelle on peut effectuer le travail et mettre la technologie en place; la responsabilité et l'utilisation de la propriété intellectuelle. Je vais commenter chacun de ces aspects tour à tour.

Pour ce qui est des coûts, étant donné leurs budgets réduits et les efforts qu'ils déploient pour adopter une approche plus commerciale dans leurs rapports avec l'industrie, les laboratoires gouvernementaux cherchent à obtenir - et ils l'obtiennent souvent - des arrangements financiers plus avantageux qu'il y a quelques années. En bout de ligne, toutefois, ils savent que la volonté de payer d'une entreprise varie en fonction de l'impact financier que le projet devrait avoir sur ses activités, et aussi des coûts et des risques associés à la commercialisation de cette technologie.

La négociation d'un échéancier réaliste pour le développement de technologies constitue un défi constant dans beaucoup de laboratoires. L'optimisme naturel des scientifiques du gouvernement, les aléas de la recherche et les nombreuses exigences du cadre gouvernemental se liguent souvent pour ralentir les projets. Néanmoins, nous sommes de plus en plus réalistes, attentifs et conscients de l'importance du temps dans le processus d'innovation.

La question de la responsabilité pose des problèmes au gouvernement qui est très peu enclin à courir des risques. L'industrie doit généralement assumer la plus grande part des risques prévus, à assumer la part du lion des risques envisagés. Mais elle accepte habituellement de le faire, parce qu'elle s'attend à recevoir la part du lion en bénéfices.

La propriété intellectuelle est la quatrième pierre d'achoppement. Mais l'est-elle vraiment? Bien sûr, dans les politiques gouvernementales qui régissent la propriété intellectuelle développée par des fonctionnaires, on traite de l'utilisation de cette propriété. Mais la propriété de la technologie est, en soi, rarement génératrice de richesse. C'est plutôt l'exploitation commerciale de cette technologie qui crée des ouvertures, et nous avons une marge de manoeuvre considérable sur le plan de l'attribution des droits d'exploitation.

En fait, depuis que je travaille au gouvernement, je n'ai pas vu beaucoup de cas où la question de la propriété intellectuelle a carrément empêché la conclusion d'un partenariat. Il peut y avoir des discussions très animées, mais les négociations échouent rarement à cause de la question de la propriété intellectuelle. Cependant, la difficulté vient du fait qu'il faut parfois investir beaucoup de temps pour arriver à une entente, surtout avec un nouveau client, ce qui est compliqué par le fait que, dans l'industrie, les gens se disent que la propriété intellectuelle est une pierre d'achoppement, si bien qu'elle est un sujet de préoccupation constante.

Une fois que l'entente est conclue et que les parties collaborent dans le cadre d'un partenariat fructueux, quels résultats pouvons-nous obtenir? Eh bien, on s'attend souvent à ce que soient élaborés de nouveaux produits ou services qui auront des débouchés profitables, menant ainsi à la création de nouveaux emplois.

Dans des laboratoires comme ceux de CANMET - et sur ce plan, nous différons peut-être un peu du CNRC et d'autres laboratoires fédéraux - on s'attend plus souvent à des innovations sur le plan des procédés qui permettront d'accroître la productivité ou de réduire les coûts dans l'industrie. Ces innovations aident les entreprises canadiennes à demeurer concurrentielles et protègent les emplois existants.

Cette forme d'innovation est peut-être moins visible et moins excitante que les travaux menant à la création de nouvelles entreprises et de nouveaux emplois, mais elle prend tout son sens lorsqu'on songe aux nombreuses collectivités canadiennes qui ont été secouées par la fermeture d'entreprises locales qui n'étaient plus en mesure de soutenir la concurrence.

Vous vous demandez peut-être - et je vais vous répondre - où est la preuve tangible que les laboratoires gouvernementaux comme ceux de CANMET ont un impact majeur sur la compétitivité de leur client? Pour répondre à cette question, je dirai qu'en 1994, CANMET a réalisé, auprès de ses partenaires, une enquête portant sur 121 projets terminés. Ils représentaient en tout des investissements de R-D de 100 millions de dollars de la part de CANMET et de 264 millions de dollars de la part de ses partenaires. On a alors demandé aux partenaires de quantifier l'impact des projets sur leurs opérations.

Eh bien, ils ont répondu avoir enregistré des retombées totales de 3,2 milliards de dollars, en grande partie, comme je le disais, sous la forme d'une réduction des coûts et d'une augmentation de la productivité. Encore une fois, il s'agit-là des chiffres de l'industrie, et non des nôtres, et on les retrouve dans ce document, qui est public, et dont je pourrai vous faire remettre des exemplaires. Autrement dit 100 millions de dollars d'investissement en R-D rapportent 3,2 milliards de dollars à l'industrie. N'est-ce pas l'une preuve tangible que l'innovation rapporte?

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Je conclurai en revenant sur une question que j'ai déjà abordée: la recherche de partenaires. Nos succès - les retombées produites - sont peu connus, et les laboratoires gouvernementaux demeurent un secret bien gardé, sauf pour leurs partenaires les plus proches. Si nos réussites devenaient plus visibles, nous pourrions piquer davantage la curiosité de l'industrie et susciter un intérêt accru pour les partenariats avec le gouvernement. Le succès a beau être un outil promotionnel de choix, il est essentiel que nos scientifiques apprennent à mieux se vendre.

Le président: Merci beaucoup. Votre présentation a été très vivante.

Alors nous avons pour habitude de permettre à nos députés de poser des questions. Nous nous devons bien sûr de suivre certaines formalités, mais nous essayons de les garder au minimum. Nous ne faisons pas de pause et si l'un d'entre vous veut se détendre, ne vous gênez pas.

Par ailleurs, vous aurez peut-être envie de répondre à certaines questions. En général, nos membres adressent leurs questions, mais pas toujours. N'hésitez pas à indiquer à la présidence votre désir de répondre à une éventuelle question.

Monsieur Schmidt, voulez-vous entamer ce tour de table.

M. Schmidt (Okanagan Centre): Merci beaucoup, monsieur le président. Tout comme lors des trois dernières réunions que nous avons eues avec des témoins-experts, celle-ci aura été très instructive.

J'ai dû m'absenter pendant une demi-heure et j'ai raté une partie de la présentation. Je vous demande de m'en excuser. Par ailleurs, la semaine dernière, je n'ai pas pu visiter le CNRC, parce que je me trouvais dans un autre coin du Canada. Cependant, j'ai eu l'occasion de rencontrer les gens du CNRC avant cela. Je tiens à féliciter tous nos témoins pour leurs présentations.

Je vais vous poser deux questions. La première concerne l'exposé de M. Carty et la seconde celui de M. Shugar.

Pour ce qui est de la première présentation, celle du CNRC, j'aimerais demander à M. Carty de nous expliquer un peu plus en détail ce qu'il entend par l'infrastructure dont nous parlons. Il existe toute une diversité de façons d'utiliser l'infrastructure. Alors, j'aimerais vous demander de nous préciser ce que vous entendez exactement par l'infrastructure dont nous parlons.

M. Carty: Bien sûr, il s'agit-là d'un terme général. J'aurais peut-être pu répartir l'infrastructure en deux catégories. Il y a d'abord l'infrastructure physique, qui permet d'effectuer les recherches. Il s'agit des laboratoires, de l'équipement et même des bibliothèques, comme Steve Shugar l'a précisé. Ce sont des installations importantes, des installations nationales. Voilà ce qu'il faut entendre par infrastructure physique.

Puis, il y a l'infrastructure de soutien qui comprend les ressources nationales, par exemple les bibliothèques nationales dans lesquelles on peut obtenir les informations de nature scientifique et technique, comme l'Institut canadien de l'information scientifique et technique. Même si c'est un peu plus discutable, on pourrait également inclure, dans les programmes d'infrastructure destinés à soutenir la diffusion de la technologie, l'accès des entreprises à la technologie et même le soutien dont elles bénéficient pour ce genre d'accès et pour leurs travaux de développement. Voilà les deux catégories auxquelles je pense.

M. Schmidt: Effectivement. Je me demandais si vous englobiez les deux. Je suis heureux que vous ayez précisé votre pensée.

Mon autre question concerne la fonction de coordination dont vous avez parlé. Il semble qu'il existe un manque de coordination entre les divers ministères à vocation scientifique et technologique qui, je crois, sont au nombre de 13.

Souvent, chacun prend de son côté des décisions susceptibles d'avoir des répercussions sur la politique. En fait, il arrive que les décisions soient de nature politique, si bien qu'elles entrent directement en conflit avec des décisions prises par ailleurs. Dans d'autres cas, il est possible qu'elles soient prises en parallèle. Quoi qu'il en soit, tout cela donne lieu à des dédoublements.

Compte tenu des guerres territoriales auxquelles se livrent les fonctionnaires et les scientifiques, comment, de façon pratique, envisagez-vous une telle coordination?

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M. Carty: C'est bien sûr là une question à 100 millions de dollars et à laquelle il est difficile de répondre. Comme ils comptent plus d'années que moi au sein de la fonction publique fédérale, mes voisins pourraient sans doute vous donner leur point de vue à ce sujet.

Mais pour le moins, il faudrait disposer d'un mécanisme permettant d'échanger des informations dans tous les cas où les ministères sont appelés à prendre des décisions portant sur l'infrastructure S-T, avant même que ces décisions ne soient définitives, et cela, dans l'intérêt du milieu de la S-T au Canada. À ce moment-là, on pourrait vraiment parler de coordination des activités.

Je sais que, par le passé, il y a eu des périodes où la science et la technologie étaient regroupées sous un même toit. Au cours de l'année qui s'est écoulée, on a souvent entendu dire qu'il serait plus intéressant qu'une seule personne en soit responsable.

Certes, la complexité des différents mandats confiés aux ministères et la nécessité, pour les ministères, de décider de la façon dont ils vont s'acquitter de leur mandat n'aident pas.

Le président: Monsieur Morrissey.

M. Morrissey: La façon de coordonner les efforts dans une structure organisationnelle donnée est expliquée dans les ouvrages qui traitent de la gestion organisationnelle. On y fait état de quatre façons de gérer et de coordonner les organisations. L'une consiste à le faire par produit, l'autre par processus, l'autre par emplacement et la dernière au niveau des gens. Les deux façons les plus courantes consistent à intervenir au niveau des produits et au niveau du processus.

Le gouvernement du Canada a, pour l'instant, décidé essentiellement de le faire par produit. Toute la recherche agro-alimentaire se fait essentiellement en un endroit; la recherche forestière aussi, comme la recherche sur les poissons, sur les minéraux, etc. Il aurait été tout aussi facile d'organiser le tout par processus, autrement dit de regrouper la recherche sous un même toit. Je ne dis pas qu'une formule est meilleure que l'autre, c'est juste une question de choix.

Ce qu'il ne faut surtout pas perdre de vue, c'est qu'on ne peut appliquer simultanément les deux méthodes. Autrement dit, si l'on décide de mettre l'accent sur le produit, on ne peut pas revenir en arrière et l'on ne peut pas, dans le même temps, structurer le tout par processus. En revanche, si l'on a décidé d'intervenir au niveau du processus, on ne peut plus ensuite organiser les structures en fonction des produits.

Il n'y a pas à en sortir. Si vous avez tout organisé en fonction des produits, et qu'on demande à un ministre ou au premier ministre pourquoi il ne coordonne pas ou n'organise pas les structures en fonction des processus de R-D plutôt que des produits, il faut répondre qu'on ne peut pas faire les deux choses en même temps.

Deuxièmement, il convient de souligner que nous avons été témoins des gros efforts déployés depuis 1917, pour en arriver à centraliser la planification des nos résultats économiques. Devait-on investir dans l'industrie lourde, comme l'Union soviétique, ou dans l'agriculture ou ailleurs?

Ce que nous avons appris, je pense, c'est que cela n'a pas bien fonctionné. Il y a simplement trop de variables pour qu'il soit possible d'effectuer une planification centralisée. S'il n'est pas possible de prévoir les résultats économiques, comment peut-on envisager de planifier les moyens de parvenir à ces fins? La science n'est qu'un moyen de parvenir à des fins économiques.

Le président: Avant de laisser la parole à M. Sulzenko, je vous rappelle que vous faites face à trois députés de l'Ouest. Eh bien, sachez qu'il se trouve des loustics dans l'Ouest, qui prétendent que la recherche est organisée par emplacement.

M. Sulzenko: Ce n'est pas ce que j'allais dire, monsieur le président.

En réponse à la question du député au sujet du manque de coordination, je dirais que tout se ramène au nombre de paliers. Je pourrais vous citer les quatre principaux, mais il semble qu'il y en ait beaucoup plus de non officiels.

Pour parler un instant du portefeuille de l'industrie, il faut dire que c'est M. Carty qui orchestre tout l'exercice dans ce portefeuille. Il continue de s'occuper de 35 à 40 p. 100 de toutes les activités fédérales. Tout cela intervient dans ce portefeuille. Je suis certain que M. Carty pourrait longuement vous parler du nombre de projets que nous avons lancés. Il y en a une quarantaine de nature coopérative. Nous essayons, du moins à notre niveau, de réduire tous les dédoublements et les recoupements, mais aussi de créer des synergies. Voilà quel est le premier palier.

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Au deuxième palier, il y a les groupes de ministères qui se sont rassemblés, comme celui deM. Morrissey, celui de M. Hargreaves, Environnement Canada... j'ai oublié quelqu'un.

M. Weisenburger: Les Pêches.

M. Sulzenko: C'est cela, les Pêches. Tous ces ministères ont signé un mémoire d'entente portant sur leurs propres activités de recherches. Donc, ils assurent une véritable coordination.

Il existe un comité de la science des sous-ministres adjoints, que je coprésident avec un collègue du Conseil du Trésor, et grâce auquel nous allons assurer la coordination de certains grands dossiers scientifiques et technologiques que nous avons en commun. C'est là un autre niveau de coordination.

Enfin, il y a le Cabinet lui-même. Les changements que nous avons mis en oeuvre, dans le cadre de la stratégie, donneront régulièrement l'occasion au Cabinet de recueillir des renseignements afin de se faire une idée des activités en cours et d'être au courant des résultats, ce qui lui permettra de prendre des décisions éclairées quant aux orientations à adopter à partir de là, tout cela dans le cadre que nous a décrit M. Morrissey, qui continue de relever de la responsabilité de chaque ministère. Quoi qu'il en soit, les membres du Cabinet peuvent à présent tenir des débats informés sur certaines des grandes questions communes.

M. Schmidt: J'aimerais adresser mes autres questions à M. Shugar, qui concernent les liens entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée. Si nous employons deux mots, c'est bien qu'il y a deux réalités.

D'abord, la part du budget qu'il faudrait dépenser... On consacre environ 6 milliards de dollars du budget fédéral à la recherche et au développement, d'un type ou d'un autre, en science et en technologie. Eh bien, quel pourcentage de ce budget devrait-on dépenser en recherche fondamentale et quel pourcentage devrait-on investir dans la recherche appliquée? Je reconnais que les deux choses s'imbriquent, mais au bout du compte, les administrateurs devront choisir.

Sachant ce que vous savez, venant d'où vous venez, et puisque vous avez soulevé la question de la recherche appliquée et de la recherche fondamentale, comment répartiriez-vous les budgets?

M. Shugar: Merci de votre question. Il y a un autre petit hic qui vient compliquer la chose: au CRSNG, on ne parle plus de recherche appliquée. Nous avons décidé de parler de recherche fondamentale et de projets de recherche.

M. Schmidt: Peu importe le nom qu'on lui donne. C'est la même chose.

M. Shugar: Pour ne pas que les choses vous paraissent trop confuses, je vais m'en tenir à votre terminologie.

Eh bien, tout d'abord, il n'y a pas de réponse magique à votre question. Je vais vous expliquer ce que fait le CRSNG. La façon dont nous répartissons nos budgets entre la recherche fondamentale et les projets de recherche a évolué au fil des ans et au cours des dernières années, nous avons très certainement augmenté la proportion que nous consacrons aux projets de recherche.

La réponse réside sans doute un peu dans ce mot magique qu'est «équilibre». Comme je le disais au début, il n'y a pas de chiffre magique. Je pense qu'il faut sans cesse s'attarder à ce que l'on fait, examiner les résultats, comprendre l'environnement dans lequel on évolue, et effectuer les ajustements qui s'imposent.

Au cours du présent exercice financier, 1996-1997, le CRSNG dépensera environ 240 millions de dollars dans le domaine de la recherche fondamentale; du côté des projets de recherche, c'est-à-dire du type de recherches effectuées en partenariat avec l'industrie et les ministères, nous dépenserons 112 millions de dollars, et accorderons environ 55 millions de dollars de subventions aux étudiants sous la forme de bourses et de stages post-doctoraux.

Que cela représente-t-il par rapport aux 6 milliards de dollars de dépenses globales? Je ne pourrai vous aider à ce propos, et je ne suis même pas certain que qui que ce soit ait la réponse. Si vous avez 6 milliards de dollars - ce qui n'est pas le cas du CRSNG, mais ce serait bien - quelle est la meilleure façon de répartir ces fonds? Eh bien vous devez examiner ce que donne tout ce que vous faites et vous devez effectuer régulièrement des ajustements.

M. Schmidt: La raison pour laquelle je vous ai posé cette question, monsieur Shugar, est fort simple et je pense que vous y avez vous-même fait allusion. Sauf si l'on dispose d'une base solide de nouvelles connaissances, aucun de ces projets de recherche ne peut aboutir parce qu'il n'y a pas de base sur laquelle s'appuyer pour progresser.

Je reconnais aussi la position de M. Hargreaves, qui soutient qu'une grande partie des recherches que nous effectuons maintenant permet en fait de perfectionner ce qui existe déjà. Tous ces aspects sont fondamentaux et il arrive à l'occasion que les prétendus progrès soient réalisés grâce à une recherche désintéressée. Je comprends tout à fait les difficultés que tout cela pose.

Le président: Trois autres personnes veulent vous répondre. Je vais donner la possibilité àM. Bodnar de s'exprimer, après quoi je vous redonnerai la parole. Nous avons beaucoup de temps.

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M. Morrissey, je vous en prie.

M. Morrissey: Un certain Foster a rédigé un document intitulé Improving the Return on R and D: Measuring and Improving the Performance and Return on Research. Eh bien, dans ce document, on cerne la méthodologie. On y dit essentiellement que, quelle que soit la recherche que vous effectuez, qu'il s'agisse de recherche appliquée ou de projets de recherche, trois variables seulement interviennent.

D'abord, l'intérêt que présente la recherche. Rapportera-t-elle beaucoup pour le pays?

Deuxièmement, jusqu'à quel point est-elle réalisable? Elle peut être très intéressante, mais les chances d'aboutir risquent d'être minces. On touche en fait ici à l'avantage de la recherche, jusqu'à quel point est-elle intéressante, les retombées seront- elles importantes, sera-t-elle réalisable et quelles chances aura-t-on de parvenir au bout?

Intervient ensuite le coût. Si l'on ne récupère que 2 $ par 100 $ d'investissement, ce n'est pas bien, mais si l'on récupère 2 $ sur un investissement de 2 $, alors on a un retour de 100 p. 100, ce qui est très bon. Donc, on obtient un ratio coût-bénéfice. Dès qu'on analyse un projet de recherche, qu'il s'agisse de recherche fondamentale ou de recherche appliquée, et qu'on se demande, sur une échelle de 1 à 10, jusqu'à quel point celle-ci est intéressante, dans quelle mesure elle est réalisable pour le Canada, si elle va rapporter des bénéfices et ce qu'elle coûtera, on sait si on a affaire à un citron ou à un projet dans lequel il convient d'investir.

Si vous vous projetez dans l'avenir, vous pouvez chiffrer tout l'exercice puis, à rebours, calculer la valeur actuelle. Cela, c'est essentiel. C'est ce que nous essayons de faire dans chacune de nos études. En nous livrant à ce simple exercice, nous écartons un grand nombre de projets, et je pense que cela répond à votre question de savoir s'il convient d'entreprendre une recherche fondamentale ou une recherche appliquée. Quand vous tenez compte de tous les coûts de l'opération pour toute la période sur laquelle s'étend l'investissement, et que vous faites intervenir les bénéfices que vous rapporterez au pays, quand vous rassemblez le tous et que vous le chiffrez, vous êtes en mesure de comparer des pommes avec des pommes, et peu importe qu'il s'agisse d'un projet s'échelonnant sur un an ou sur 21 ans, on ramène tout au dollar actuel et on peut faire les comparaisons qui s'imposent.

En revanche, plus on se projette loin dans l'avenir et plus on court de risque, à cause de la plus grande incertitude. Le secteur privé a tendance à se garder loin des projets à longue échéance, simplement parce qu'ils sont plus risqués, qu'ils présentent plus d'inconnus, et il s'intéresse beaucoup plus aux projets à brève échéance, parce qu'il est beaucoup plus facile de prévoir ce qui va se produire l'année prochaine. Donc, tout cela nous ramène à la question de savoir s'il faut se lancer dans des projets à long terme ou dans des projets à court terme. Eh bien, nous devons faire ce dont le pays a besoin et ce dont le secteur privé ne veut pas se charger. Nous dressons une liste de tous les projets et nous ne gardons que ceux pour lesquels les chiffres sont intéressants. Certains aboutiront peut-être au bout d'un an, d'autres au bout de 21 ans, mais grâce à ce système on ne se pose plus la question de savoir si c'est de la recherche fondamentale ou de la recherche appliquée.

Le président: Monsieur Carty.

M. Carty: Je crois que tout ce débat, et la dichotomie apparente qu'il y a entre recherche fondamentale et recherche appliquée, est source de division. Cela ne sert à rien et nous devrions nous arrêter là.

Je ne sais si beaucoup sont au courant du débat qui a lieu aux États-Unis, le Congrès à majorité républicaine ayant sauté sur le mot «appliqué» et ayant décidé qu'il est synonyme de subventions à l'industrie et qu'il ne faut plus l'utiliser. La National Academy of Sciences américaine a abandonné les qualificatifs «pure» et «appliquée», dans le cas de la recherche, pour ne plus décrire la recherche dont elle s'occupe que par l'expression «science et technologie fondamentales».

Le président: Voilà qui a été très utile, de même que la remarque de M. Shugar qui nous a expliqué comment il s'y prenait.

Chers collègues députés, je crois que nous devrions nous intéresser à ces questions de définition au moment de la rédaction de notre rapport et nous verrons alors s'il y a une façon de contourner le problème. Mais tout cela nous a été fort utile.

Monsieur Turcotte, un dernier mot à ce sujet.

M. Turcotte: Je vais vous demander de bien vouloir m'excuser, parce que ce que je vais vous dire, je le fonde sur mes dix années d'expérience dans l'industrie. Nous parlons, je crois, du processus d'innovation, qui est essentiellement chaotique. On ne peut rien garantir. Le seul élément de différenciation est ce qu'on appelle une «main-d'oeuvre hautement qualifiée», la capacité de trouver les débouchés. Or, pour trouver un débouché il faut être sûr de ce dont on parle.

Les Canadiens ne produisent qu'un faible pourcentage de toute la technologie utilisée dans le monde. L'industrie fait son argent en mettant en oeuvre la technologie qu'il faut pour produire des services et des produits concurrentiels qu'elle écoule sur les marchés mondiaux et qui lui rapportent. L'essentiel, ici, consiste à connaître ce que vous évaluez, afin d'être en mesure de le réaliser. À ce propos, on peut songer à l'exemple de Bombardier et de la technologie de l'acier inoxydable qu'elle a repris d'une compagnie japonaise - Kawasaki - , pour se retrouver face à face celle-ci et remporter le marché à New York.

Voilà ce qui est important: mettre la main sur ce qui répond à des besoins particuliers en fonction des circonstances du moment. Cela exige une certaine compétence. Il s'agit d'une grande habilité qui demande une bonne compréhension des principes de base.

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Le président: Monsieur Bodnar.

M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Merci, monsieur le président.

M. Sulzenko nous a parlé de la productivité or, la productivité n'est pas vraiment en augmentation au Canada, malgré tout ce qui se passe. Dans le secteur agricole, un secteur cher à mon coeur parce que je suis de l'Ouest, elle est nulle.

Quand on parle de productivité dans le secteur agricole, on a affaire à deux grands secteurs d'activités: la production céréalière et le reste. De façon générale, les producteurs céréaliers ont toujours évolué dans un marché concurrentiel, malgré la présence de la Commission canadienne du blé, qui n'est qu'un organisme de mise en vente.

Par ailleurs, il y a tous les autres secteurs, régis par les offices de commercialisation et où la productivité est contrôlée et volontairement limitée à certains niveaux pour protéger les prix et certains membres qui ont la chance de bénéficier de quotas. C'est là que l'innovation est importante.

Est-ce qu'un tel système, qui s'articule autour d'offices de commercialisation, du contrôle de la production, du contrôle de l'offre et d'une productivité réduite, est néfaste pour l'innovation? Un tel système freine-t-il la R-D?

Le président: Monsieur Weisenburger.

M. Weisenburger: Voilà une question fort intéressante. Je suppose que vous comparez là l'industrie laitière et l'industrie avicole canadiennes avec ce qui se passe dans le reste du monde.

J'ai constaté que les gens qui travaillent dans ces industries ont tendance à être très axés sur le profit, tout comme nos concurrents. Dès lors, peu importe ce qui se passe du côté de la gestion de l'offre, quand on en arrive au niveau de l'exploitation agricole, axée sur les profits, on se rend compte que les gens sont très novateurs. Je suis sûr que si l'on considérait notre industrie laitière, au niveau de l'exploitation, et si l'on examinait la façon dont les choses évoluent, surtout chez les nouvelles exploitations, on se rendrait compte que ces gens-là sont sacrément concurrentiels à l'échelle internationale.

Il en va de même pour les élevages de volailles, et j'ai pu le constater dans mes déplacements à travers le monde. Les éleveurs de poulet à griller sont relativement rentables, quand leurs exploitations tournent, mais ce sont les temps morts dans le cycle de production, quand les poulaillers ne sont pas pleins, qui leur coûtent le plus.

Mais plus intéressant encore, je pense qu'on n'est pas aussi concurrentiels aux étapes du traitement et de la conservation de la volaille, qu'à celle de l'exploitation.

Le président: Monsieur Morrissey.

M. Morrissey: D'après les données dont je dispose, le secteur de l'élevage est au moins aussi productif que celui de la production végétale. Autrement dit, la productivité a augmenté au moins aussi rapidement dans ce secteur que dans celui de la culture.

Deux raisons peuvent expliquer cela. D'abord, le programme d'enregistrement du rendement permet, depuis la Seconde Guerre mondiale, de mesurer quels animaux croissent ou produisent le plus au Canada. C'est ainsi que nous avons pu précisément où se trouvent les meilleurs gènes. Quand les Russes ont inventé le système d'insémination artificielle, ils nous ont transféré une technologie qui nous a permis de multiplier ces gènes et de les répartir très largement et très rapidement à l'échelle du Canada. C'est ainsi qu'on a assisté à une croissance rapide de la productivité dans le secteur de l'élevage.

La question qui se pose consiste à savoir comment cette nouvelle richesse a été redistribuée ici. Mais cela, c'est autre chose.

Le président: Merci, monsieur Morrissey.

Je n'ai pas encore mentionné Peter Hall, pour le procès-verbal, et je lui adresse maintenant mon mot de bienvenue. N'hésitez pas à contribuer à cette table ronde, si vous le désirez.

M. Peter Hall (directeur général adjoint, Stratégies et planification, Direction générale de la recherche, ministère de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire): Merci, monsieur le président. Mais je suis ici pour appuyer M. Morrissey.

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M. Weisenburger: J'aurai un petit commentaire à ajouter, très vite. Je cherche des chiffres, mais si je me rappelle bien, dans le secteur bovin, ou plus précisément dans celui du naissage-élevage, je crois que la productivité par vache a augmenté plus vite que les gains de productivité enregistrés dans le secteur de la production végétale. Donc, pour confirmer ce queM. Morrissey a dit, nous ne nous sommes pas débrouillés si mal que cela.

Je crois d'ailleurs que c'est un peu ce que j'ai dit au début, à savoir que, de façon générale, comme les prix agricoles n'ont pas vraiment augmenté, les gens ont été contraints de faire preuve d'innovation et de s'adapter pour limiter leurs coûts. Donc, en général, cela s'est traduit par une réduction des coûts unitaires de production.

M. Bodnar: Et le secteur de l'élevage de bovins est entièrement ouvert, tout comme celui des céréales.

Mais ce qui me chipote... S'agissant de productivité, on peut appliquer cela au secteur de la production laitière, quand on songe à toutes les provinces canadiennes qui ont une vocation essentiellement agricole - et encore une fois cela nous amène dans l'Ouest - et qui sont largement exclues de la production de produits comme le lait industriel, une province assurant à elle seule près de la moitié des quotas, même si les autres provinces agricoles ne peuvent pas se lancer dans ce genre de production... Je veux parler ici de production laitière. Dès qu'il est question de produits contrôlés, nous ne pouvons pas, dans certaines provinces, nous lancer sur ce genre de marché, et donc nous ne pouvons pas non plus augmenter notre volume à l'exportation pour ces mêmes produits.

Je pense à cela parce que j'ai cru comprendre que, récemment, le Canada n'a pas été en mesure de conclure un contrat portant sur la vente de poulets à des pays asiatiques, parce que notre production était insuffisante et que nous ne pouvions donc pas répondre à la demande de ces pays qui, bien sûr, s'adressent à des fournisseurs réguliers comme les États-Unis.

Bénéficions-nous vraiment de l'action des offices de commercialisation, ou, au contraire, ces offices ne freinent-ils pas l'innovation au Canada et la productivité dans ces secteurs d'activité?

M. Weisenburger: Quand on se livre à un survol du secteur agricole, pas uniquement dans l'Ouest, mais sur l'ensemble du territoire canadien, on constate que ces deux pôles de raisonnement sont l'objet d'importantes divisions sur le plan des philosophies et des croyances. Je pense que tout cela se ramène à la philosophie des producteurs individuels. Cela leur convient-il de faire de leur mieux pour obtenir un certain produit et s'en remettre à quelqu'un d'autre qui se chargera de le commercialiser, ou veulent-ils participer à toutes les étapes et développer leurs propres marchés? Je crois qu'on est, très généralement, en train de constater que la nouvelle génération d'agriculteurs et de professionnels de l'agriculture opte pour la dernière solution. Ceux de la génération précédente apprécient la sécurité que leur confère le fait de s'en remettre à quelqu'un d'autre qui s'occupe de la commercialisation pour eux.

La question qui, selon moi, est la plus importante dans le secteur agricole, c'est qu'il faut permettre aux innovateurs de développer et de commercialiser leurs produits. C'est très important et, bien que je le souhaiterais, je n'ai pas de réponse précise à vous fournir à ce sujet.

M. Bodnar: Mais ce dont je voulais parler concerne la productivité, et non la commercialisation. Je voulais parler de productivité, favoriser par des offices ou autres, mais d'une productivité ouverte... Et bien sûr je voulais parler aussi de commerce interprovincial, qui semble être inexistant dans la plupart de ces secteurs d'activités. Le commerce semble plus facile entre certaines parties du Canada et d'autres pays qu'entre les provinces canadiennes. Il semble qu'il existe plus de barrières entre les provinces qu'entre le Canada et d'autres pays.

M. Weisenburger: Eh bien, si vous voulez revenir là-dessus, comme je l'ai dit à propos de la productivité et de l'application des sciences et de la technologie, j'estime que nous sommes sans doute en meilleure posture pour faire face aux changements que le pensent la plupart des gens.

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Autrement dit, je pense que l'industrie laitière et l'industrie avicole en particulier, mais aussi, dans une certaine mesure, l'industrie céréalière - parce qu'il ne faut pas négliger son action, même si elle vend par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé, dans l'Ouest - ont la capacité de produire de façon concurrentielle, d'être novatrices et de trouver de nouveaux produits. Je crois que les membres de cette industrie seront en parfaite posture pour faire face à la musique, quand les changements se produiront.

Le président: Merci.

Avant que je ne donne la parole à M. Murray, les scientifiques que vous êtes peuvent-ils me dire si le gouvernement s'est déjà officiellement demandé si le cadre réglementaire n'est pas préjudiciable à la recherche, au désir d'effecteur des recherches et d'accroître la productivité? A-t-on déjà envisagé d'effectuer une telle analyse; en a-t-il déjà été question?

C'est peut-être quelque chose que nous pourrions mentionner en passant, dans notre rapport. C'est là un aspect auquel je n'ai jamais pensé avant.

Peut-être que M. Sulzenko pourrait nous faire part de ses remarques.

M. Sulzenko: Monsieur le président, pour en revenir sur ce que je disais plus tôt à propos de la productivité, d'après les données que nous disposons, données très préliminaires... Vous vous souviendrez sans doute de m'avoir entendu vous dire que le secteur des ressources s'est, en général, mieux débrouillé que le secteur de la fabrication et celui des services. Cependant, on constate d'importants écarts au sein même de ce secteur.

Le secteur de l'agriculture, dans son entier - non pas un secteur divisé comme vous le suggériez - a connu une croissance moyenne d'environ 1,5 p. 100 par an, ce qui n'est pas mauvais quand on la compare au 0 p. 100 des secteurs de la fabrication et des services.

Pour ce qui est de l'indice total de productivité, le secteur des pêches évolue dans la même fourchette. L'exploitation forestière ainsi que les secteurs du pétrole et du gaz, accusent une moyenne d'environ 2 p. 100. Pour le secteur minier, elle est de 3,5 à 4,5 p. 100.

Donc, il y a eu d'importantes variations sur le plan des performances dans le secteur des ressources au cours des 10 dernières années, ou à peu près. Dans le cadre de notre programme général de recherche sur toute cette question de la productivité, nous allons aller au-delà de ces chiffres pour analyser la chose à l'échelon infrasectoriel. Mais d'ici à formuler une politique pour tout cela, c'est une autre affaire.

Le président: Monsieur Weisenburger, un bref commentaire à ce sujet.

M. Weisenburger: En réalité, c'est là une des raisons pour lesquelles, dans mes remarques liminaires, j'ai indiqué où nous nous en trouvions par rapport à notre mandat.

Nous estimons qu'on ne peut parler d'innovation tant que celle-ci n'est pas en place et qu'elle n'a pas été appliquée. La science ayant servi à élaborer la technologie dans un premier temps fait partie de l'équation, mais, pour qu'il se passe quelque chose dans ce pays, comme dans n'importe quel autre pays d'ailleurs, il faut pouvoir s'appuyer sur une réglementation établissant la façon et le moment d'appliquer la technologie en question.

Et nous devons veiller à rationaliser le plus possible cet aspect du processus. Nous devons absolument et résolument protéger l'intérêt et la sécurité du public, dans les décisions que nous prendrons quant à la façon et au moment d'appliquer les technologies nouvelles; mais nous devons le faire le plus rapidement possible pour demeurer dans la course.

Une fois la technologie au point, on a accompli une étape importante de tout le cheminement, mais on n'est certainement pas arrivé au bout.

Le président: Monsieur Morrissey.

M. Morrissey: Monsieur le président, j'ai cru comprendre qu'un des pays phares en matière de déréglementation dans le monde, au cours des quelques dernières années, n'a pas, en fait, pratiqué de déréglementation, les autorités de ce pays s'étant simplement assurées qu'elles disposaient d'un processus réglementaire concurrentiel n'induisant pas de décalage par rapport à leurs principaux partenaires commerciaux, mais assurant tout de même la sécurité, la pureté, la capacité et l'efficacité des produits.

L'industrie de la biotechnologie nous a déclaré qu'elle ne veut pas d'un règlement qui ne garantirait pas la sécurité, la pureté, la capacité et l'efficacité des produits, parce que les consommateurs ne leur permettraient pas de vendre leurs produits dans de telles conditions et que les pays concurrents ne leur permettraient pas de les écouler sur leur territoire.

Quant à moi, la question de la réglementation est très importante, parce que nous ne pourrons favoriser l'investissement en R-D, dans quelque secteur que ce soit, s'il n'est pas possible, au bout du compte, d'enregistrer le produit pour le protéger contre la concurrence.

Le président: Merci.

Monsieur Murray.

M. Murray (Lanark - Carleton): Merci, monsieur le président.

J'étais en train de penser au fait que la productivité des vaches a augmenté et que celle de l'homme est demeurée la même. Peut-être devrions-nous nous entretenir avec les vaches.

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Des voix: Ah, ah!

M. Murray: Veuillez excuser cette désinvolture, mais...

J'aimerais que nous en revenions à la question des grappes. Messieurs Morrissey et Turcotte en ont parlé et je suis convaincu qu'elles sont importantes. M. Turcotte a cité le livre de Jane Jacobs, Cities and the Wealth of Nations.

Soit dit en passant, je pense que le déclin de la ville de Montréal est en partie dû au fait que le gouvernement du Québec ne s'est pas rendu compte que l'activité économique est ce qu'elle est. Il faut voir ce que les politiciens peuvent faire pour favoriser la recherche et le développement scientifiques au Canada, tout en étant conscient que nous avons un point de vue assez paroissial.

Je ne m'adresse à personne en particulier à ce sujet. Je me demande simplement si, dans le passé, le gouvernement n'est pas intervenu dans la formation de ces grappes. Par exemple, moi qui suis député de la région de la capitale nationale, je me rappelle le drame qu'a provoqué le déménagement de l'Agence spatiale, décidé par le gouvernement précédent.

Je me demande si nous avons retenu les leçons du passé et si nous ne devrions pas plutôt que d'intervenir, nous ranger de côté pour permettre à ces grappes de se mettre en place d'elles-mêmes, pour ne soutenir ensuite que les gagnants.

Gerry, pourquoi ne commenceriez-vous pas?

M. Turcotte: Eh bien, tout d'abord, je crois que c'est précisément ce que dit Jacobs. Elle dit que chaque fois où ces grappes ont été «planifiées», c'est-à-dire quand on a attiré une grande entreprise et que tout a semblé réussir - parce qu'on était parvenu à se doter d'une capacité de fabrication ou autre, et que des services se sont mis en place par la suite - , elles ont échoué ensuite sur les marchés mondiaux... Tous les marchés sont cycliques et évoluent au rythme de l'arrivée de concurrents. Mais dans la plupart des cas qu'elle cite, les régions ayant subi ce processus tendent à perdre leur dynamisme.

Elle dit, comme vous le savez - à moins que ce ne soit Marcel Masse qui le dise - qu'une petite région au centre du Québec, comptant 10 000 habitants ou à peu près, est parvenue à incuber quatre entreprises de classe internationale. Le seul élément commun que je trouve dans toutes les réussites de ce genre d'entreprise. C'est l'attitude des gens. Je crois que tout réside dans l'attitude, comme vous le savez, parce que nous en avons parlé avant. Voilà pourquoi je me sens tellement associé à toute cette poussée en faveur de l'entreprenariat et aux efforts qu'on déploie pour essayer d'aider nos jeunes - et certains de nos concitoyens plus âgés, comme nous-mêmes - étant entendu qu'il faut leur offrir des possibilités plutôt que leur poser des problèmes.

Nous avons trop souvent tendance à nous concentrer sur les problèmes. Des problèmes, il y en aura toujours. Nous devrions nous attarder beaucoup plus aux débouchés, investir les marchés et nous attaquer à la concurrence. Soit dit en passant, c'est ce que nous avons fait quand nous avons bâti ce pays, c'est à ce genre d'attitude qu'on le doit.

Je crois qu'il s'agit-là d'un problème sérieux. Je suis tout à fait en faveur du Réseau scolaire canadien et de projets du genre - autrement dit du genre de chose que fait le CRSNG quand il jette des ponts entre les particuliers et l'industrie et qu'il laisse les choses s'organiser d'elles-mêmes. Le cas échéant, les choses sont moins structurées, le processus est plus chaotique, mais c'est aussi ma nature. Je pense que si vous étudiez honnêtement la chose de près, vous vous rendrez compte que la solution est là.

L'économie mondiale la plus dynamique demeure l'économie américaine, à tous points de vue. Les Américains ont, beaucoup plus que nous, une philosophie du style «vivre et laissez vivre». Ils ont leurs défauts, et nous pourrons en parler si vous le voulez, mais au-delà de tout, ils croient que n'importe qui peut faire n'importe quoi. Donc, ils sont beaucoup plus solides dans leurs croyances que nous.

Mais je puis vous affirmer, en me fondant sur mon expérience personnelle, que nous sommes tout aussi bons qu'eux. Et cela, je le sais. Alors, pourquoi ne les affrontons- nous pas un peu plus de face? Je pense qu'il nous suffit d'insister un peu plus pour créer les attitudes qui s'imposent, l'attitude du style «oui, je peux y arriver» qui a présidé à l'édification de ce pays.

Le président: Monsieur Sulzenko.

M. Sulzenko: Industrie Canada, en collaboration avec le Conseil national de recherches du Canada et le ministère de la Diversification de l'Économie de l'Ouest a effectué une étude des grappes dans quatre provinces de l'Ouest. Je crois savoir qu'elle sera très prochainement publiée. Dès qu'elle le sera, c'est-à-dire dans les quelques semaines à venir d'après ce que je crois savoir, votre comité aurait tout intérêt à la consulter. Peut-être aurez-vous le temps de le faire dans les limites de votre échéancier.

En outre, le député a parlé de Montréal. En fait, Montréal a quelques grappes très importantes, comme dans le secteur de l'aérospatiale et dans le secteur pharmaceutique, pour n'en citer que deux.

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Encore une fois, le gouvernement a joué un rôle déterminant, car il a permis à ces grappes de se développer à un rythme sain et d'en venir à représenter une importante partie de toute la R-D industrielle conduite au Canada.

Je ne me lancerai pas dans une polémique au sujet de Montréal avec le député, mais je crois qu'il y a encore des points forts dans ces secteurs.

Le président: Monsieur Carty.

M. Carty: Certains d'entre vous savent peut-être que je suis chimiste et même chimiste spécialisé dans les agglomérats.

M. Turcotte: Qu'est-ce qu'un agglomérat?

M. Carty: Eh bien, j'allais vous l'expliquer, parce que je pense que c'est très intéressant. Un agglomérat est un agrégat d'atomes d'un type particulier. On ne peut parler d'agglomérat qu'en présence de liants, de liens unissant les atomes entre eux. Il est toujours possible de réunir des atomes, mais sans liant, sans liens, il n'y a pas d'agrégat. Eh bien, le liant est un élément déterminant de la grappe ou de l'agglomérat industriel.

Il faut instaurer des liens, abattre des obstacles pour que les différentes entités puissent interagir et acquérir une certaine synergie grâce à cette interaction.

Le président: Avez-vous une question à poser, monsieur Murray?

M. Murray: M. Shugar parlait de l'état de délabrement des installations de recherche. Le gouvernement devrait-il intervenir à ce sujet, étant donné que les ressources sont limitées? Est-ce qu'il devrait appartenir au gouvernement de définir, par exemple, à quelle université il doit destiner des fonds pour améliorer les installations de recherche?

Récemment, nous avons vu l'exemple de l'Université Carleton qui a décidé de se spécialiser un peu plus, ce qui est sans doute la voie de l'avenir pour plusieurs universités canadiennes. Comment pourrait-on décider de répartir des budgets entre les différentes universités, pour leur permettre d'améliorer leurs installations?

M. Shugar: Eh bien, vous constaterez que le gouvernement fédéral intervient déjà au sujet des universités par le truchement du CRSNG. Par exemple, ne serait-ce que pour le matériel scientifique, le CRSNG, au nom du gouvernement fédéral, a déjà financé une soixantaine d'universités partout au Canada.

La décision de savoir qui obtient quoi est fondée sur le système d'examen par les pairs, sur la solidité des propositions et sur la qualité des demandeurs de fonds voulant acheter l'équipement. Donc, le gouvernement peut avoir recours à des organismes, comme les conseils subventionnaires du CRSNG, le Conseil de la recherche médicale et le Conseil de recherches en sciences humaines, qui suivent en permanence ce qui se fait dans les universités et qui fournissent des fonds.

Je crois que le mécanisme est déjà en place et que, si la volonté est là, on peut faire quelque chose pour corriger cette situation. D'ailleurs, nous avons déjà commencé. Le problème, c'est que, à notre avis, nous n'allons pas aussi loin que nous le devrions, comme dans les années quatre-vingt par exemple.

M. Murray: Est-ce parce que nous n'avons pas assez d'argent ou est-ce parce que nous devons encore plus nous spécialiser?

M. Shugar: Il ne fait aucun doute que plusieurs universités au pays commencent à penser de la sorte. Vous avez cité le cas de Carleton. Certaines universités à Terre- Neuve ont connu des temps très difficiles ces dernières années quand elles ont, en quelque sorte, fait du ménage et qu'elles ont envisagé de se spécialiser.

Donc, cela se produit constamment. Quant à savoir si le gouvernement fédéral devrait ou non intervenir, c'est sans doute là une question qui sort de mon domaine de compétence. Il est évident que si vous financez une partie des coûts, vous aurez voie au chapitre.

Je vais vous donner un tout petit exemple du genre de chose qui se produit au CRSNG dans le cadre de notre propre programme de financement d'équipement scientifique.

Au fil des ans, différentes universités nous ont adressé des demandes pour acheter des pièces d'équipement importantes. À plus d'une reprise, nous avons rencontré les demandeurs pour leur signaler que l'université X, Y ou Z, dans la même région, évoluait dans le même domaine. Nous leur demandions alors de replancher et de nous resoumettre une proposition permettant d'utiliser de façon plus efficace et plus rentable les sommes limitées dont nous disposons.

Donc, cela s'est déjà produit et on s'est retrouvé avec le genre d'agglomérats que vous connaissez, par exemple.

M. Murray: Vous avez dit que 98 p. 100 des anciens stagiaires post-doctoraux du CRSNG ont un emploi. Savez-vous combien d'entre eux sont employés au Canada et combien le sont à l'étranger?

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M. Shugar: Une grande partie des anciens boursiers des deuxième et troisième cycles ont trouvé des emplois à l'extérieur du pays. On parle de 15 ou 20 p. 100 d'entre eux. Pour nous, cette proportion est trop élevée. Nous avons demandé à ces gens s'ils avaient l'intention ou le désir de revenir un jour au Canada. Une grande partie d'entre eux aimeraient pouvoir revenir au Canada, s'ils pouvaient y trouver un emploi.

M. Murray: Merci beaucoup.

Le président: Deux autres participants veulent intervenir, M. Morrissey puisM. Weisenburger.

M. Morrissey: J'ai deux remarques à faire, l'une sur le financement des infrastructures et l'autre sur les grappes.

À Agriculture Canada, nous sommes passés d'un système où nous payions les intrants, autrement dit où nous versions des salaires à des gens pendant 30 ans, à une formule où nous payons en fonction des résultats. En d'autres mots, nous disons aux gens que nous pouvons leur verser de l'argent, à condition qu'ils récupèrent quelque chose au bout du compte. Et nous avons constaté, grâce à cette insistance placée sur les résultats plutôt que sur les intrants, que bien des aspects, comme ceux touchant aux bâtiments, sont résolus d'une façon tout à fait nouvelle.

Par exemple, nous cohabitons avec un service de la fonction publique du Québec dans notre immeuble de Saint-Hyacinthe. Nous sommes aussi sur le point de faire la même chose dans un immeuble de la province de l'Ontario, à Guelph, parce que cela nous revient moins cher que de nous en faire construire un.

Ma deuxième remarque concerne les grappes. J'ai beaucoup aimé l'analogie au liant qui maintient tous les morceaux ensemble, à ce ciment environnemental qui retient les morceaux. J'ai l'impression que ce liant agit pour quatre raisons: la proximité des marchés au moment de la soudure; la présence de main-d'oeuvre, une industrie informatique, une source de personnel hautement qualifié; la disponibilité des matériaux sur place ou l'accès aux fonds nécessaires pour enclencher le tout. Donc, il y a les marchés, la main-d'oeuvre et l'argent.

Vous vouliez savoir si le gouvernement a aidé ou entravé la mise sur pied des grappes. D'un point de vue purement nombriliste, j'estime qu'il a aidé les grappes, pour nous. Les réductions effectuées en 1995 nous ont contraints à admettre que nous ne pouvons plus tout faire nous-mêmes. Nous le savions déjà, nous l'avions lu dans les cartes en 1995. Jusqu'ici, nous avons réduit nos effectifs de 1 000 personnes. En fait, nous avons déplacé 400 employés d'un laboratoire à un autre, dans des régions où il y a des grappes, dans le dessein de profiter de l'expérience des autres.

Par exemple, à Saskatoon, avec le Conseil de recherches scientifiques du Canada, nous ne pratiquons pas nous-mêmes le séquençage des gènes. Nous ne le faisons tout simplement plus. Il y a là un laboratoire, juste au coin, qui a tout l'équipement voulu et qui est doté d'un personnel spécialisé. Nous lui confions ce travail à contrat. Nous achetons le service. D'un autre côté, nous assumons certaines tâches qu'il ne pourrait sans doute pas remplir lui-même. C'est ainsi que nous sommes devenus interdépendants. Comme nous manquons d'argent, nous ne pouvons pas nous permettre de faire autrement.

Le président: M. Weisenburger, puis M. Shugar et enfin M. Hargreaves.

M. Weisenburger: Pour en revenir à la question de la désuétude de l'équipement, je dirais que rares sont les organisations qui se sont dotées d'un plan pour remplacer ou rénover leur équipement de façon régulière. En fait, avec la réduction des budgets au cours des dix dernières années, on a constaté que dans bien des endroits, les coupures ont consisté à ne plus remplacer ou à ne plus rénover le matériel.

Ma remarque vous semblera peut-être radicale, mais nous devons généralement nous dire que nous sommes bien mieux lotis avec 90 personnes bien équipées, travaillant dans de bonnes conditions, qu'avec 100 qui sont sous-équipées. On parviendra à une meilleure productivité avec ces 90 personnes et l'on pourra toujours investir le reste de l'argent pour bien les équiper et leur permettre de travailler correctement.

Le président: Monsieur Shugar.

M. Shugar: À propos de toute cette question des grappes et de ce que le gouvernement fédéral devrait ou ne devrait pas faire, je tiens à souligner qu'au-delà de l'important travail de regroupement des gens et de la création des liens qui s'imposent, dont M. Carty a parlé, le gouvernement fédéral a mené à terme une expérience très intéressante qui a consisté à rassembler des grappes virtuelles, par le truchement du Programme de réseau des centres d'excellence. Ainsi, dans un pays qui s'étend sur des milliers de milles, on a pu, d'un côté, permettre aux gens de demeurer dans leurs régions, d'y effectuer de la recherche et d'enseigner, grâce à la création de liens à longue distance, et, d'un autre côté, mettre sur pied ce genre de grappes sans avoir à déplacer effectivement les gens. Cette expérience très importante menée par le gouvernement a été réussie.

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Le président: Docteur Hargreaves.

M. Hargreaves: Je veux vous dire deux mots de la façon dont on parvient, dans nos laboratoires, quotidiennement, à contribuer à toute cette notion d'agglomérations, de constitution de grappes. Quand nous gérons des projets et des programmes en fonction des impacts recherchés et que nous devons aborder de front le problème de diffusion de la technologie - et pas seulement celui de sa mise au point - , on est contraint de déterminer quels seront les partenaires du consortium qui seront chargés de diffuser les technologies qu'on met au point.

Il est évident que l'industrie minière ne fabrique pas la plupart des produits qu'elle utilise. Elle les achète. Par conséquent, afin de mettre au point la technologie dont nous avons besoin dans les projets que nous entreprenons en collaboration avec l'industrie minière, nous devons choisir les entreprises de consulting, les entreprises qui fourniront la technologie. Donc, nous devons prendre part au processus de diffusion.

Cela revient à dire que nous invitons tous ces gens-là à s'intégrer au consortium. Pour eux, le coût est relativement faible, mais les retombées peuvent être importantes. Ils conseillent leurs clients, et ils établissent avec eux des liens qui déboucheront sur de nouvelles ventes.

Il n'est pas très difficile de convaincre les gens de contribuer au concept de grappes, à l'étape du projet et du programme. Comme je le disais plus tôt, une telle participation est la garantie qu'au bout du compte le transfert technologique aura lieu.

Le président: Monsieur Schmidt.

M. Schmidt: J'aimerais revenir sur les autres points soulevés plus tôt. Je tiens à aborder cette question devant toutes les personnes présentes ici ce matin, parce que je crois que vous avez sans doute tous la possibilité d'intervenir. Il était, je crois, question de la formule que nous a citée M. Morrissey il y a juste un instant: attractivité multipliée par faisabilité, divisée par les coûts.

Cette formule suppose qu'on peut ramener la faisabilité et l'attractivité à des chiffres. Il est toujours possible d'exprimer les coûts par des chiffres... Mais cela non plus ce n'est pas toujours possible. J'aimerais savoir comment donc vous parvenez à chiffrer ces trois éléments de la formule. Voilà pour ma première question.

La deuxième, plus importante, est celle qui m'intéresse par-dessus tout, touche à ce qu'on pourrait appeler une partialité a priori voulant qu'on débloque des fonds pour certaines régions qui, dès lors deviennent plus intéressantes pour les autres investisseurs.

Par exemple, il est peu probable qu'on effectue des recherches dans les sciences de la vie, sauf si le gouvernement ou qui que ce soit d'autre était prêt à dire que c'est ce qu'il faut faire et que, si l'on doit s'intéresser à des industries de haute technologie on devra se tourner vers celles qui sont spécialisées en science de la vie, ou encore, si vous préférez, en agriculture, en structure génétique et dans ce genre de chose.

J'aimerais donc que vous me disiez dans quelle mesure on peut favoriser la recherche désintéressée en présence d'une partialité intrinsèque, dès le début, relativement à l'orientation à donner à la recherche? Bien sûr, la même chose est vrai pour les projets de recherche.

Le président: Monsieur Morrissey, voulez-vous commencer?

M. Morrissey: Je comprends bien ce que vous voulez dire, monsieur Schmidt. Vous voulez savoir comment on peut chiffrer tous ces éléments ce qui, en soi, implique un degré de certitude que nous n'avons pas. Eh bien, vous avez tout à fait raison. Nous avons recours à des chiffres subjectifs. Le chiffre lui-même peut paraître objectif, mais il est fondé sur un raisonnement subjectif.

Nous avons constaté que cette façon de procéder supprime une partie des argumentations que nous pourrions avoir quant à la destination à donner à notre financement. En en discutant, nous en venons au moins à adopter un langage commun, que nous comprenons. Deuxièmement, nous parvenons à dégager les trois principes communs qui nous réunissent, ou que nous avons eu par le passé. Nous parvenons ainsi à rendre transparentes toutes les variables de la problématique.

Nous avons constaté qu'on pouvait y arriver de deux façons. D'abord, on peut prendre chaque variable et la noter sur une échelle de 1 à 10. Elles sont purement subjectives, mais au moins on présente aux autres le raisonnement subjectif que l'on tient. Eh bien, il est étonnant de voir à quel point on parvient à s'entendre sur le fait qu'on a affaire à une recherche relativement risquée, présentant des chances de succès très minimes, ou encore que la recherche a été déjà effectuée quatre fois auparavant, et que c'est le même processus qu'on se trouverait à répéter. Nous sommes à peu près certains de ce qu'il peut en coûter de mettre au point une nouvelle variété de blé. Il faut environ 10 ans et cela, nous le savons d'expérience.

Nous avons aussi chiffré ces choses, ce qui est encore plus subjectif. Le marché auquel on songe pourrait fort bien ne plus exister dans 10 ans.

Donc, la façon la plus intéressante de procéder consiste sans doute à coter le projet sur une échelle de 1 à 10, car elle nous permet de nous entendre sur les termes du raisonnement. Parce que nous refaisons cet exercice tous les ans, même si l'on parvient à des informations s'assortissant de chiffres très subjectifs, au moins, on est tenu de les examiner tous les ans, de les modifier et d'intervenir plus tôt dans le cas des projets douteux qu'on ne l'aurait fait autrement.

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Le président: Merci.

Je pourrais peut-être passer à monsieur...

M. Schmidt: Quelqu'un d'autre veut-il répondre à cette question?

Le président: Excusez-moi, je ne veux pas vous presser.

M. Schmidt: Je pensais que ma question retiendrait l'attention de plus d'une personne.

Le président: Parfait, passons à M. Weisenburger.

M. Weisenburger: Je vais reprendre là où Brian s'est arrêté. La démarche dont il vous a parlé est utilisée depuis plusieurs années, si ce n'est explicitement, du moins implicitement, dans l'examen des applications de recherche. Dans mon lointain passé de troglodyte, quand j'étais plus près de l'univers de la recherche que je ne le suis aujourd'hui, c'est tout l'exercice d'évaluation des avantages potentiels par rapport aux chances de succès qui constituait le travail le plus délicat, mais sans doute aussi le plus intéressant.

Je vous conseillerai simplement de vous lancer dans des recherches à haut risque, surtout si les avantages potentiels sont particulièrement élevés, uniquement quand il est possible de combler les attentes, en partie ou en totalité.

Je suis donc d'accord avec Brian il y a bien un élément de subjectivité dans les deux choses dont il a parlé. Mais je crois, de façon très générale, que si nous voulons aller de l'avant, nous devrons accepter un certain écart entre les bénéfices potentiels d'une recherche et les risques relativement élevés qu'elle pourra présenter. Les grands progrès de l'humanité sont dus à la réalisation de l'inattendu.

Le président: M. Shugar, puis M. Turcotte et enfin M. Carty, qui aimeraient dire quelque chose.

M. Shugar: Monsieur le président, je vais essayer de focaliser mes remarques, parce que j'ai l'impression que nous pourrions continuer sur ce sujet pendant des heures. On pourrait élaborer bien des systèmes pour évaluer un projet de recherche ou un domaine de recherche, certains chiffrés, d'autres pas. Mais ce que je voudrais que vous reteniez, c'est qu'en fin de compte, tout se ramène à l'exercice d'un bon jugement. Peu importe le genre de système mathématique quel vous pourrez imaginer, au bout du compte, vous aurez besoin d'un groupe de personnes de bon sens.

Je viens juste de rentrer d'une conférence internationale, qui s'est déroulée en Italie, sur toute la question de l'évaluation de la recherche. Eh bien l'une des conclusions à laquelle les représentants de plusieurs pays sont arrivés, c'est que peu importe le système qu'on élabore, il faut pouvoir compter sur des collègues éclairés pour, en fin de compte, prendre ce genre de décisions.

Quant à l'autre question, celle de la focalisation ou de la partialité de la recherche, parce que tout dépend de là où l'argent se trouve, sachez que le CRSNG participe à ce genre d'exercice. Comme nous appuyons la recherche dans environ 25 disciplines, nous sommes toujours confrontés à une question difficile, celle de savoir combien d'argent on doit investir dans les sciences de la vie par rapport à l'ingénierie. Encore une fois, les décisions que nous prenons font intervenir le jugement humain des personnes présentes autour de la table, mais le genre de renseignements sur lesquels nous nous fondons touchent à la qualité de la recherche dans la discipline en question, aux projections de l'offre et de la demande en personnel hautement qualifié dans le domaine, aux coûts de la recherche et aux arguments que les collectivités font valoir à la table quant aux avantages que le Canada pourra éventuellement retirer si l'on investit plus d'argent pour soutenir telle ou telle discipline.

Ce matin, je crois que nous avons entendu bien des échanges à propos de l'importance des gens dans les partenariats et dans la réalisation de la recherche. Eh bien, je tiens à souligner que les gens sont tout aussi importants à l'étape de la prise de décision.

Le président: Monsieur Carty.

M. Carty: Je ne sais pas si je vais ajouter beaucoup à ce que M. Morrissey et Steve Shugar ont déjà dit, mais s'agissant des risques et des retombées potentielles, j'ai constaté que plusieurs organismes de R-D se servent d'un graphique pour situer les risques le long d'un axe et les retombées le long de l'autre axe. On peut faire cela sur un repère orthonormé à quatre cadrans. Dans le cadran supérieur droit, on retrouve bien sûr les risques et les résultats élevés. En bas à gauche, on a les risques et les résultats inférieurs, à plus court terme. Je crois que c'est là un modèle que les organismes de R-D devraient s'efforcer de suivre.

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Malheureusement, force est de constater que dans la plupart des pays développés, le secteur privé opte pour des entreprises présentant peu de risques, étant facilement réalisables et permettant de réaliser très vite des recettes. Il ne s'intéresse presque exclusivement qu'aux résultats nets.

Aux États-Unis, par exemple, vous avez assisté au démembrement des laboratoires AT&T Bell. Vous avez vu que des entreprises comme Amoco et Mobil n'effectuent plus de recherches à long terme, et Du Pont a effectué des coupures. Nous avons là tous les signes dangereux d'un secteur privé qui adopte une attitude étapiste en matière de technologie plutôt que de faire de grandes enjambées.

Certains signes tendent à prouver, et même des économistes sont d'accord, que c'est là une mauvaise philosophie. Les grandes entreprises se feront prendre à ce jeu, parce qu'elles ne pourront pas éternellement continuer à progresser à coup de 25 MHz. Il faudra bien qu'elles aient recours à de nouvelles technologies.

Je ne sais pas si cela peut ajouter quoi que ce soit au débat, mais sachez que je suis d'accord avec l'évaluation de la performance.

Le président: Monsieur Turcotte.

M. Turcotte: J'aimerais ajouter une chose. Nous ne devons jamais oublier que même la recherche qui n'aboutit pas fait tout de même avancer nos connaissances. Autant que je sache, Edison s'y est repris à 1 000 fois avant que son ampoule ne fonctionne.

Le président: Monsieur Hall.

M. Hall: Je pourrais peut-être ajouter un élément à la formule de Brian: il faut ajouter la dimension temps à l'attractivité, à la faisabilité et au coût. Je crois que cela a directement trait au mandat du comité, qui consiste à combler le déficit d'innovation. La formule peut être grandement modifiée si l'on met moins de temps à mettre au point et à transférer la technologie. Je crois que les chiffres s'en trouveraient nettement changés.

Plus précisément, si vous considérez que la recherche est un instrument permettant de résoudre les problèmes, disons, par exemple, que vous recherchez une nouvelle variété de végétaux exempts de toute maladie, le temps qu'il vous faudra pour mettre cette variété au point affectera grandement les données de la formule. Je tenais simplement à le souligner.

Le président: Monsieur Shepherd.

M. Shepherd (Durham): Merci. Je vais adresser ma question à M. Morrissey. J'en suis encore à la façon dont sont organisées la science et la technologie au Canada.

Vous avez dit que la structure organisationnelle est articulée autour des produits. Nous avons beaucoup parlé d'établissement de priorités dans la recherche. Nous avons parlé de biotechnologie, de communications, etc. L'emploi d'une structure organisationnelle par produit est-il cohérent avec l'établissement de priorités? Est-ce que la science et la technologie font l'objet d'un exercice d'établissement des priorités à l'échelon gouvernemental?

Tout à l'heure, M. Shugar nous a dit que dans son organisation, on formulait toute une série de jugements sur une vaste gamme de domaines scientifiques. M. Carty, quant à lui, nous a dit que nous devrions être plus focalisés. Y a-t-il une incohérence entre l'établissement des priorités et la façon dont l'industrie de la science et de la technologie est organisée à l'heure actuelle?

M. Morrissey: Si je comprends bien la question, il a toujours été question d'établir des priorités par produit. Autrement dit, il faut se demander ce qu'on veut mettre au point? S'agit-il d'un produit alimentaire ou d'une fenêtre? Au CRSNG, si je puis citer cet exemple, nous octroyons des fonds aux études ou aux projets en fonction des résultats envisagés de cette étude ou de ce projet.

On nous adresse des soumissions portant sur la réalisation de telle ou telle étude et présentant les résultats visés. Le produit qui nous intéresse est en fait le résultat de l'étude que nous finançons. Regardez ce qui se passe au Japon et en Allemagne à présent; j'ai l'impression que ces deux pays renoncent de plus en plus à financer le processus de recherche, selon lequel on versait un certain budget aux universités ou aux laboratoires gouvernementaux et qui permettait de construire des édifices, d'engager du personnel et de ne plus avoir de compte à rendre avant 30 ans.

Eh bien, ces deux pays essaient de briser cette culture pour passer à un financement axé sur les résultats, formule selon laquelle le financement du projet est limité dans le temps. Le résultat de la recherche peut être une connaissance donnée, connaissance qui profitera à tout le monde, où il pourra s'agir d'un gadget, mais dans tous les cas il est question de financer les extrants et non plus les intrants.

Je ne perçois pas vraiment de conflit dans la façon dont les choses se font au Canada. J'ai l'impression que nous accordons surtout notre financement en fonction du produit. Personnellement, j'estime que c'est sans doute là la meilleure manière de procéder, parce qu'au moins on sait ce qu'on obtiendra au bout du compte.

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Si je puis faire une autre remarque au sujet de cette petite formule, je dirais qu'elle nous permet de raisonner beaucoup plus que de chiffrer le tout.

Pour en revenir à votre commentaire, monsieur Schmidt, nous trouvons très utile, dans notre travail fondamental - notre travail sur l'environnement, par exemple - que nos scientifiques qui étudient la durabilité du sol et de l'eau se prononcent et nous disent que telle ou telle chose sera désavantageuse pour nous, parce que nous, nous ne voyons pas les répercussions qu'un projet pourrait avoir sur leur travail. Nous avons constaté que certains produits environnementaux portant sur la durabilité des sols ou la pureté de la nappe aquifère d'Abbotsford récoltent des notes assez élevées. Cela s'explique assez facilement, quand on y songe un peu. Tout ce que nous produisons dans les prairies, par exemple, dépend de la fertilité et de la santé des sols, des cultures et des animaux. Ce sont donc ces éléments qui sont en bas de la pyramide des besoins et qui récupèrent le gros des avantages.

Quant à savoir qui doit prendre cette décision, fondée sur un jugement - quels que soient les mots qu'on emploie pour la décrire - nous en sommes venus à la conclusion que, dans la mesure du possible, ce doit être le client, que celui-ci appartienne au monde social, au monde environnemental ou au monde industriel.

Nous avons tenté de partager la formule au milieu en nous disant que chacun investirait une partie des fonds en fonction de son évaluation des projets. Pour ce qui est de l'attractivité, c'est l'industrie qui investit, parce qu'elle connaît mieux le marché que nous. Pour ce qui est de la faisabilité, c'est probablement nous qui sommes les mieux placés sur le plan scientifique et qui pouvons soutenir notre jugement avec nos dollars. Nous nous réunissons ainsi autour de la table pour parler de ce que nous connaissons le mieux et pour le soutenir en investissant plutôt qu'en argumentant, et c'est ainsi que nous partageons les coûts.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Une dernière question de M. Shepherd.

M. Shepherd: Peut-être que ma question n'était pas très claire. Nous allons choisir les domaines dans lesquels nous pouvons réussir. Nous n'allons pas embrasser tous les aspects de la science et de la technologie. Je vois ici une subvention accordée au titre de l'amélioration, sur le plan écologique, des poteaux et des traverses de chemin de fer, et j'essaie de voir comment tout cela s'inscrit dans vos priorités nationales en matière de recherche et de développement. Est-ce cohérent? Chantons-nous tous le même hymne?

Le président: Monsieur Carty.

M. Carty: Je vais essayer de répondre à la question de M. Shepherd en m'y prenant sous un angle différent. J'estime qu'afin de disposer de programmes de recherche ciblés revêtant une certaine importance sur les plans de la richesse et de la prospérité pour le pays, nous devons pouvoir nous appuyer sur une large base. Il est crucial de disposer d'une base de recherche en milieu universitaire qui soit excellente et suffisamment importante pour jouer un rôle. Une fois cette base de qualité établie - et je pense que nous l'avons dans les universités au Canada - il est possible de prendre les décisions stratégiques en matière d'investissement dans certains domaines déterminant pour l'économie.

Les réseaux de centres d'excellence, les centres provinciaux d'excellence le font déjà, et le CNRC a décidé d'axer ses activités sur des domaines technologiques essentiels à la production de richesse. Donc, les deux choses ne sont pas incohérentes. Selon moi, elles sont tout à fait logique.

Le président: Monsieur Shugar.

M. Shugar: Je tiens à vous faire remarquer qu'on peut envisager toute cette question sous différents angles. On ne doit pas non plus oublier que les universités ont une fonction et un mandat particuliers à remplir, différents de ceux des ministères et de l'industrie. Si je suis d'accord avec le principe général voulant qu'il est important d'établir des priorités et de focaliser l'action, on pourrait également soutenir qu'il est important de veiller à ce que les secteurs des sciences naturelles et du génie de nos universités canadiennes possèdent certaines forces. Cela ne revient pas à dire que nous trouverons, dans chaque université, un chercheur qui touchera à tous les aspects d'une discipline donnée.

C'est cela que je voulais dire, je voulais souligner que la focalisation et l'établissement des priorités dans le contexte universitaire n'a rien avec voir avec ce qui se fait dans les autres secteurs. Au CRSNG, la focalisation consiste à nous assurer que nous ne finançons que les recherches de la meilleure qualité, ce qui veut dire que nous ne subventionnons que la moitié environ des chercheurs pouvant prétendre à recevoir notre aide, dans les domaines des sciences et du génie.

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Et si nous ciblons notre action c'est que, dans le cadre de nos programmes de partenariat et de nos programmes de projet, l'industrie doit contribuer financièrement aux projets que nous finançons. Cela fait suite à ce que M. Morrissey a dit: le fait qu'une entreprise soit disposée à investir dans la recherche est révélateur de ses priorités.

Je pense donc que la réponse varie légèrement, selon le type de recherche ou de discipline auquel on s'intéresse.

Le président: M. Morrissey.

M. Morrissey: Monsieur le président, je vais reprendre l'analogie de la traverse de chemin de fer. Encore une fois, si je comprends bien, on se demande pourquoi on effectue des recherches pour mettre au point des traverses de chemin de fer qui soient sans danger pour l'environnement. Selon moi, la recherche a pour objet de favoriser le bien-être des Canadiennes et des Canadiens, dont la richesse n'est qu'un aspect.

Je retiens de cet exemple des traverses de chemin de fer que si l'on se lance dans des entreprises pouvant présenter des dangers pour l'environnement, et si l'on porte effectivement atteinte à l'environnement, on risque de se mettre hors de la course soi- même. À long terme, on peut finir par se ruiner. Si, dans le cas des traverses de chemin de fer, la recherche n'est pas, également, utile sur un plan économique, on risque de s'exclure du marché à court terme. Selon moi, il s'agit-là d'un bon exemple de développement durable. On s'intéresse au développement pour créer de la richesse, mais on veut qu'il soit durable pour demeurer en affaires le plus longtemps possible.

Merci, monsieur le président.

Le président: M. Murray a une question très précise à poser à quelques membres de notre panel.

M. Murray: Je ne sais si l'un d'entre vous pourra y répondre. Connaissez-vous l'âge moyen des chercheurs dans les laboratoires fédéraux? Je me demande si l'un de vous en a une idée.

Je ne voudrais pas qu'on s'y attarde trop. Si je vous pose cette question, c'est que nous avons subi une certaine pression de la part des laboratoires gouvernementaux pour plusieurs raisons au cours des dernières années, surtout parce qu'il semble que les choses évoluent considérablement plus vite maintenant dans le domaine de la science et de la technologie. Ce n'est pas comme dans la période de l'après-guerre, les laboratoires gouvernementaux ne semblaient pas, alors, subir le même genre de pression de la part du public pour faire la preuve de leur rendement ou de ce qu'ils produisaient.

Je me demandais également si les laboratoires gouvernementaux continuent d'attirer des jeunes, puisque l'industrie est en mesure de mettre la main sur la crème des diplômés des meilleures écoles. Je me demandais si vous aviez noté un vieillissement des effectifs de chercheurs dans les laboratoires gouvernementaux.

Le président: M. Carty d'abord, puis M. Morrissey.

M. Carty: Deux choses. D'abord, il est vrai que la plupart des laboratoires gouvernementaux ont beaucoup recruté dans les années 60 et au début des années 70, et que plusieurs de ces gens prennent maintenant leur retraite.

Je pense qu'au cours des dernières années il s'est produit d'importants changements dans la répartition entre les employés à temps plein et ce que j'appellerai notre «effectif d'employés occasionnels». Cet effectif est constitué de gens qui apportent du sang neuf à l'organisation. Ils n'y restent pas forcément longtemps. Il peut s'agir d'étudiants ou de stagiaires de niveau post-doctoral ou encore de chercheurs invités. Il est certain qu'à l'heure actuelle ce volant de temporaires est nettement plus élevé que par le passé. En fait, alors que l'âge moyen de nos employés permanents a sans doute augmenté, celui de nos employés temporaires a certainement diminué.

Le président: Monsieur Morrissey, sur le même sujet.

M. Morrissey: Monsieur le président, je suis certain que la tendance à laquelle nous assistons se retrouve dans d'autres organisations scientifiques gouvernementales. D'après le graphique à barres de répartition des scientifiques par groupe d'âge, la fourchette se situe maintenant entre les 35 et 55 ans. La répartition plus fine, dans les sous-groupes d'âges de 35 à 55 ans, est à peu près la même.

Ce qui a changé au cours des dernières années, c'est que les épaulements de chaque côté ont disparu. Il est très rare que nous trouvions, dans notre personnel permanent, des employés de moins de 35 ans ou de plus de 55 ans. Cela est attribuable au budget de 1995. La plupart des gens de plus de 55 ans sont tout simplement partis et le dégraissage nous a empêché d'embaucher à une époque où nous mettions des gens à pied, 1 000 personnes dans notre cas. On ne peut pas débaucher et embaucher en même temps.

Ce qu'a dit M. Carty, du CNRC, a bien traduit ce qui s'est produit dans notre cas. Comme nous avons dû effectuer des coupures d'environ 30 millions de dollars, mais que nous récupérons la même somme dans le cadre de ce programme de partenariat. En d'autres termes, le personnel qui nous revenait à environ 30 millions n'est plus là, mais comme nous continuons à recevoir de l'argent pour effectuer des recherches en partenariat et que nous engageons des gens à cette fin, dans le cadre de contrats à durée limitée de un à quatre ans, nous nous sommes retrouvés avec un important contingent de scientifiques à contrat.

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Par exemple, à notre laboratoire de Sainte-Foy au Québec, nous avons un effectif permanent d'environ 95 personnes. À ce nombre, il faut en ajouter environ 90 qui sont employées à contrat, dont 40 sont des étudiants de niveau doctoral ou post-doctoral - nous sommes juste à côté de l'Université Laval - et une cinquantaine d'autres qui nous arrivent grâce à ce genre de contrats de partage de frais à l'investissement. Nous avons beaucoup de jeunes scientifiques, mais le régime d'emploi a changé.

Le président: Merci beaucoup.

Je pense que je vais m'exprimer au nom de tous les membres du comité en disant que cette période passée avec vous - près de trois heures - a été très utile. Nous apprécions énormément d'accueillir des gens comme vous, scientifiques de formation ou ayant consacré leur carrière au travail des scientifiques.

Nous essayons de mettre sur pied un groupe de parlementaires appréciant ce que vous faites. Personnellement, j'ai passé 15 ans à enseigner ce qu'on pourrait modestement appeler la science maîtresse, je veux parler des sciences politiques.

J'apprécie énormément la contribution que vous apportez à ce pays. Encore une fois merci. J'espère que notre rapport permettra de faire progresser un peu ce débat.

La séance est levée.

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