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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 12 décembre 1996

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[Traduction]

Le président: La séance du comité est officiellement ouverte.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, notre comité reprend son examen des sciences et de la technologie ainsi que du «déficit d'innovation» au Canada.

Je tiens à remercier les témoins d'être venus aujourd'hui. Nous avons décidé à la dernière minute de prolonger nos audiences cette semaine. Je sais que vous avez tous les trois des horaires très chargés et je ne vous dirai jamais assez combien nous sommes honorés que vous ayez pu venir avec un préavis aussi court.

Pour que vous voyez bien dans quel cadre s'inscrivent nos discussions, nous envisageons de déposer un rapport provisoire la première semaine au cours de laquelle la Chambre va se remettre à siéger, ce qui devrait être la dernière semaine de janvier ou la première semaine de février, pour indiquer au gouvernement ce qu'il devrait faire en matière de sciences et de technologie.

Nous avons demandé aux témoins cette semaine de tester nos idées et de mettre des propositions sur la table. N'hésitez pas, dans nos discussions, à nous suggérer ce que nous devrions faire. Nous sommes ouverts à toutes les propositions. Nous voulons redonner à la science et à la technologie la place qui lui revient au Parlement. Nous sommes ici pour écouter les témoins et pour faire en sorte que leurs idées soient prises en compte dans le débat public.

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Nous procédons d'une manière informelle. Nous demandons aux témoins d'exposer leurs idées le plus brièvement possible afin de laisser beaucoup de temps à la discussion. Nous organiserons ensuite les discussions sous la forme d'une table ronde en permettant aux députés d'adresser leurs questions à l'un ou l'autre des témoins sans dicter véritablement l'ordre des réponses. Ces questions pourront s'adresser directement à vous ou à un autre des témoins. N'hésitez pas à intervenir lorsque vous avez quelque chose à dire. Nous laisserons à chacun des députés la possibilité de parler et, contrairement à ce qui se passe d'habitude au sein du comité, nous ne suivrons pas un ordre strict lorsqu'il s'agira de savoir qui doit prendre la parole.

Je vais tout d'abord donner la parole au Dr Mustard. Le Dr Mustard est le président fondateur de la Fondation de l'Institut canadien de recherches avancées. Nous sommes très heureux d'accueillir un témoin aussi éminent. Dr Mustard, nous vous demanderons de nous faire un exposé et nous passerons alors à la suite.

Le Dr Mustard nous a remis un mémoire en anglais et je demanderai donc au comité la permission de le distribuer.

Le Dr J. Fraser Mustard (président fondateur, Fondation de l'Institut canadien de recherches avancées): Merci, monsieur le président. Je dois dire que vous avez reçu mon successeur mardi et je ne vais donc pas m'étendre sur le sujet.

Je vais vous dire quelques mots de ce que j'ai appris pendant les 14 années que j'ai passé à faire connaître notre institut dans tout le pays, ce qui m'a amené à oeuvrer avec des gens aussi divers que des parlementaires, des ministres et des représentants des gouvernements provinciaux, des industries, des universités et des groupes autochtones. Je me suis penché en quelque sorte sur toutes les cultures et toutes les régions du pays. J'ai pu instaurer une relation assez exceptionnelle avec ce pays et les gens qui l'habitent. C'est pourquoi mon organisation s'appelle le réseau des fondateurs. Elle regroupe un certain nombre de gens qui m'aident et qui appartiennent aussi bien aux différents gouvernements du pays, au secteur privé, aux syndicats, etc.

Je vais m'efforcer, en vous exposant la situation, de vous donner une idée d'ensemble. Je chercherai ensuite, si possible, à répondre directement à vos questions.

Ces diapositives visent simplement à nous faire comprendre - et il me faut baisser la lumière pour que vous puissiez dormir - que nous sommes en période de changement technologique.

Pourquoi est-ce que ça me paraît important? La femme de Donald Macdonald,Ruth Macdonald, aujourd'hui décédée, qui m'a aidé à mettre sur pied l'institut il y a 11 ans, s'était dite qu'il fallait que Donald, qui a présidé la commission royale, sache un certain nombre de choses au sujet de la science et de la technologie. Nous nous sommes rencontrés une journée entière - nous étions plus d'une trentaine - avec la commission et les attachés de recherche, et je peux vous dire que cette réunion a été un désastre. On aurait dire deux navires qui se croisent dans le noir. Nos interlocuteurs se refusaient à voir que nous étions dans une période de changement technologique accéléré et que la recherche et le développement avaient quelque chose à voir avec la croissance économique.

Il est absolument merveilleux de se retrouver devant un comité qui se pose les bonnes questions 11 ans plus tard. C'est peut-être lent par rapport à ce qui se passe dans le monde, mais je peux vous dire que lorsque Industrie Canada nous a dit dans un document rendu public il y a deux ans que nous étions dans une économie globale caractérisée par une révolution technologique éventuellement aussi forte que la révolution industrielle du siècle passé, nous avons fait un immense pas en avant dans la compréhension de notre pays. Je tenais simplement à vous le souligner et j'espère que tous vos collègues au sein du Parlement le comprennent bien.

Vous voyez dans cette diapositive que nous avons eu tout d'abord la révolution industrielle caractérisée par la vapeur. Nous connaissons bien ses effets. La deuxième révolution a consisté à remplacer la vapeur par l'électricité. Là aussi, nous en connaissons bien les effets. La troisième révolution, dans laquelle nous sommes, est celle de l'information; elle consiste à remplacer les neurones par des puces électroniques. Je précise que ce sont les systèmes à faible intelligence mis en place au sein de notre société qui ont rendu un grand nombre de choses possibles, depuis la génétique, par exemple, jusqu'au système de pilotage de l'aéronef qui m'a amené ici.

L'une des caractéristiques de ces révolutions, c'est que l'on est perdant si l'on ne fait pas les investissements qui s'imposent. Le problème, c'est qu'elles sont longues à s'installer. Elles ne se produisent pas sur un an ou sur dix ans. Nous savons que la deuxième révolution a mis plus de 40 ans pour produire véritablement tous ses effets, entraînant des répercussions complexes sur la société. Avec le recul, nous pouvons cependant tirer un enseignement car nous connaissons un pays qui n'a pas réussi à en tirer parti. Ce pays, c'est le Royaume-Uni.

Vous pouvez voir que la richesse par habitant au Royaume-Uni, en dollars de 1990 - tous les chiffres sont actualisés à cette date - met ce pays au 23e rang dans le monde aujourd'hui alors qu'il était premier en 1900. Il s'est retrouvé dans cette situation parce qu'il a omis de faire ce qui est peut-être le plus important dans ce domaine, soit d'investir en fait dans la nouvelle économie.

Ce qui est intéressant, c'est que Joseph Chamberlain - le père de Neville Chamberlain, pour ceux qui connaissent bien l'histoire du Parlement anglais - a, au cours d'une allocution prononcée en 1904, déclaré à l'intention des établissements financiers de Londres, qu'ils n'étaient pas les créateurs, mais les produits, de la richesse de la nation. C'est une chose importante à souligner dans ce débat. Ce serait un avantage énorme si les banques continuaient à investir dans l'économie, notamment dans la nouvelle économie.

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Cette déclaration de Chamberlain, selon laquelle le déclin de la Grande-Bretagne s'expliquait tout simplement par le fait qu'elle n'avait pas investi dans la nouvelle économie, est intéressante. Je ne vais pas reprendre en détail cette anecdote, qui est parfaitement attestée. Alors que nous sommes à un point tournant de cette période de transition, il vous faut absolument décider sur le plan politique quelles sont les structures qu'il nous faut mettre en place pour inciter nos capitaux à venir s'investir dans la nouvelle économie. N'entrez pas dans ce que Michael Porter appelle une économie axée sur la richesse. Pour moi, cela revient à jouer à la roulette russe. C'est le problème le plus difficile auquel notre société ait à faire face. La Grande-Bretagne en a pris conscience au début du siècle sans pouvoir cependant réagir.

J'illustrerai le problème en vous rappelant un argument économique néo-classique bien connu selon lequel les économies évoluent le long de cette ligne blanche en fonction des cycles de production - selon une nouvelle conception de la croissance économique que mon institut a largement contribué à faire accepter dans notre pays, je suis fier de le dire - en vous signalant qu'il vous faut faire bien attention, parce que tout n'est pas aussi simple.

Si votre économie se met à être axée sur la richesse - en l'occurrence, si vous investissez dans les marchés monétaires du monde entier - vous allez vous éloigner de la ligne blanche pour passer dans le vert. Si vous réussissez à investir, malgré ses incertitudes, dans la nouvelle économie, qui est axée à l'heure actuelle sur la science et la technologie, vous pouvez progresser vers le haut. La Grande-Bretagne est un exemple classique d'une économie qui a échoué. Ce pays était immensément riche et, par conséquent, il a pu subir les conséquences du changement mieux que nous ne pouvons le faire actuellement. Nous sommes en effet devenus une économie largement axée sur la richesse en raison des politiques suivies par les pouvoirs publics depuis 1975. C'est une question macro-économique, mais j'espère que vous en direz quelques mots.

En ce qui a trait aux conséquences, notre société est répartie en quatre quartiers que représentent ces petits rectangles. Selon les nouvelles conceptions de la croissance économique - je vous ai laissé sur la question des études publiées dans le cadre du programme de croissance économique de l'Institut, Romer, Lipsey, etc. Je suis fier de dire que Finances Canada les a même mentionnées il y a deux ans dans un de ses documents, qu'il serait peut-être bon que vous annexiez à votre rapport.

La case située en haut et à gauche représente les 25 p. 100 environ de la population canadienne qui travaillent dans le secteur des biens et des services commercialisés. C'est votre instrument de croissance économique. Sans lui, vous ne pouvez pas créer la richesse qui se répercute dans les autres secteurs.

Je vous rappelle que ceux d'entre vous qui opèrent dans le secteur des finances sont représentés dans la case située en bas et à gauche, celle des services dynamiques. Ainsi que l'a déclaré Chamberlain, vous n'êtes pas les créateurs de richesse; vous en êtes les produits. Par conséquent, s'il n'y a pas de croissance dans la case située à en haut à la gauche, il n'y aura plus finalement de croissance en ce qui vous concerne. Par conséquent, vous avez tout intérêt à faire en sorte que la case située en haut et à gauche enregistre une croissance. Nous n'avons pas pour l'instant dans notre pays les structures institutionnelles qui nous permettent d'y parvenir.

C'est dans la partie de droite que nous vivons et que nous travaillons pour la plupart, et nous dépendons du succès du quartier situé en haut et à gauche. Lorsque ce quartier échoue, les gouvernements ne disposent plus de l'assiette fiscale nécessaire. Ils n'ont plus les revenus suffisants. Par conséquent, ils doivent comprimer les dépenses dans les secteurs qu'ils subventionnent. Les coûts sont tout à fait évidents et les petits commerçants en subissent bien entendu les préjudices. Promenez-vous dans cette ville et vous vous en convaincrez.

Tout cela pour souligner un point extrêmement important: il faut que vos politiques mettent l'accent sur le quartier situé en haut et à gauche.

Avant son élection, un membre du gouvernement actuel est venu me voir. Il était très intrigué par cette question. John Godfrey et son personnel étaient en train de rédiger un document appelé le livre rouge. J'ai demandé à mes interlocuteurs de répertorier quelles étaient les petites entreprises dont l'importance était fondamentale pour la croissance économique et d'établir des distinctions. Cela n'a pas été fait. Je veux être sûr que vous compreniez bien ce point.

Avons-nous réussi à nous adapter à ce changement? La deuxième révolution technologique a débuté aux environs de 1975. L'une des façons d'envisager la question est de considérer notre dette extérieure - publique et privée - qui ressort de notre balance des comptes courants. Notre richesse équivaut à ce que nous produisons chaque année. Nos dépenses, c'est ce que nous consommons, plus nos investissements. La différente est donnée par la balance des comptes courants. Elle peut être négative ou positive, mais si elle reste constamment négative, il y a un problème.

Vous pouvez donc voir comment nous nous sommes comportés depuis 1975 et constater que le déficit cumulé de nos comptes courants est devenu de plus en plus grand parce que nous n'avons pas réussi à faire fonctionner la nouvelle économie. Nous avons soutenu notre produit intérieur brut en recourant à l'emprunt. La richesse de base globale de notre société a été maintenue grâce à l'accumulation d'une dette extérieure imposante. Notre pays a ainsi l'honneur d'avoir le plus fort endettement extérieur des pays du G-7. Nous dépassons même l'Italie. C'est un signe très important. Il nous montre que nous n'avons pas réussi à faire la transition en faveur de la nouvelle économie.

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Ce que je vous montre ici, c'est que nous avons accumulé une dette extérieure imposante, et c'est un symbole important. Je veux que tout le monde comprenne bien que ce n'est pas seulement une dette du gouvernement, c'est une dette publique et privée. Nous avons tous emprunté sans bâtir la nouvelle économie.

Vous vous demandez dans vos questions comment mesurer le cycle de l'innovation dans le secteur des sciences et de la technologie. Le meilleur critère de mesure pour l'instant, même s'il reste encore faible, c'est ce que l'on appelle la productivité d'ensemble de tous les facteurs de production. Vous trouverez cette notion dans les documents que je vous ai laissés. Vous voyez ici le Canada à gauche et vous constatez que notre productivité d'ensemble, pour tous les facteurs de production, est faible comparativement à celle des autres pays. Le seul qui soit en aussi mauvaise posture que nous, et c'est intéressant à constater, ce sont les États-Unis.

La productivité d'ensemble de tous les facteurs de production est un excellent révélateur des investissements qui sont faits dans le secteur des sciences et de la technologie ainsi qu'en matière d'innovation. Si vous voulez donc savoir pourquoi nous sommes tellement endettés et ce qui nous a mis dans cette triste situation, voilà donc quel doit être l'indicateur. Nous ne manquons pas de données. Pour évaluer notre réussite, c'est ce que je mesurerais et c'est ce que je ferais publier chaque année par le Parlement pour que tout le monde sache bien ce que cela signifie. On pourrait aussi le faire par région.

Si nous ne réussissons pas à créer cette richesse et à la faire circuler dans les différentes cases que je vous ai indiquées, c'est parce que la moitié inférieure de la population - c'est une étude récente de Statistique Canada - tirait le plus gros de son revenu du travail au début des années 1970. Aujourd'hui, voyez d'où elle tire ses revenus - des paiements de transfert.

Ça va jusqu'en 1992, mais comme il vous faut maintenant réduire les paiements de transfert, il n'est pas besoin d'être grand clerc pour comprendre que nous allons affecter bien des gens de toutes sortes de manière, ce qui nous ramène aux questions que vous évoquez aujourd'hui. On ne peut pas remédier aux problèmes si l'on ne se dote pas d'une nouvelle économie.

À l'autre bout de la chaîne, il y a la situation des jeunes. Vous voyez ici tout simplement l'évolution moyenne des revenus, par classe d'âge. Les personnes bien nanties de plus de 45 ans s'en sortent très bien, merci, mais il n'en est pas de même de celles de moins de 40 ans. C'est un problème très grave dans notre pays parce qu'il appartient à la population plus jeune de bâtir la nouvelle économie. Je voudrais que vous compreniez bien la puissance de ce phénomène qui nous vient du fait que notre société n'a pas réussi à prendre le problème à bras-le-corps au moment où s'est créée la Commission Macdonald il y a 11 ans, et nous payons aujourd'hui le prix de cette erreur.

L'une des principales tâches du gouvernement est donc de créer un climat favorable à l'apparition de nouvelles entreprises, sujet que vous vous êtes efforcés d'aborder dans vos questions. En second lieu, il ne faut pas non plus que cette stratégie soit mise en oeuvre indépendamment de celle qui consiste à maintenir un environnement sociable stable en présence de ressources qui diminuent. Cet argument en faveur de l'intégration figure dans mon étude et j'espère que les gouvernements en tiendront compte plutôt que de compartimenter ces différentes fonctions, ce qui se fait encore, j'imagine, au sein du Cabinet.

Que faire, maintenant... Eh bien, vous voyez tout bonnement ici que les dépenses en R-D faites par l'industrie au Canada - et cela jusqu'en 1992 - sont anémiques comparativement à celles d'autres pays. On l'a vu avec la productivité d'ensemble de tous les facteurs de production et on le voit encore ici. L'une des solutions consiste à remédier à ce problème et, pour ce faire, je voudrais entre autres que vous considériez l'un des arguments de Lipsey. J'ai ici son étude qui a été publiée par l'Institut C. D. Howe. Dick nous parle des failles de l'économie néo-classique et, pour la première fois, publie ses réflexions dans un journal.

Le problème est de taille lorsqu'on sait que vos instruments politiques sont maniés en grande partie par des responsables ayant une formation en économie néo-classique et non pas dans une économie axée sur les nouveaux facteurs de croissance. Je peux vous dire que le ministère des Finances de même qu'Industrie Canada ont bien évolué et ont publié des documents très pertinents en la matière. Si vous ne les avez pas lus, je vous conseille de les lire parce qu'ils revêtent une très grande importance pour votre mandat. J'ai laissé ici à votre personnel une série de documents. Ils résultent en partie des travaux effectués dans le cadre du programme de croissance économique de l'Institut.

Dick nous parle cependant de l'économie néo-classique, dans laquelle on estime qu'il y a des facteurs de production, une fonction de production et une croissance économique. D'après lui, ce nouveau concept de l'innovation technologique, ce qu'il vous faut bien comprendre, cette case noire qui se rapporte à toutes vos questions, cette structure de facilitation, joue un rôle tout à fait clé. Il est indispensable de bien le comprendre, et les politiques micro-économiques que vous évoquez doivent faire en sorte que tout fonctionne bien dans cette case. Si vous êtes à la recherche d'indicateurs et de critères, c'est par là qu'il faut commencer si vous voulez véritablement mesurer la croissance économique, et je soutiens pour ma part que la productivité d'ensemble de tous les facteurs de production est l'un des critères que l'on peut utiliser. Il y en a d'autres dont on pourrait parler.

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La suite de l'histoire se passe ici. Qu'est-ce qui se passe à l'intérieur de cette petite case noire? Tout d'abord, son fonctionnement n'est absolument pas linéaire. Cela ressort d'un document très célèbre publié par un dénommé Kline. C'est une étude qui est sortie en 1986. Cela ressort aussi d'un document récent de l'OCDE. L'important, toutefois, c'est qu'il y a la recherche, un réservoir de connaissances et ensuite une stratégie industrielle tout en bas. Ce qu'il faut faire, lorsqu'on élabore une politique micro-économique, c'est maintenir un certain équilibre entre ces divers éléments, parce que si l'un des maillons est faible, l'ensemble ne peut pas progresser.

J'ai essayé de préciser à votre intention les principales faiblesses de notre pays, qui se situent tout en bas. Nous avons assez bien investi dans la partie du haut, au niveau de la recherche fondamentale et dans certains secteurs de la recherche appliquée, mais il ne faut pas faire de compressions de crédits, parce qu'après on ne peut pas reconstruire. Il faut nous attacher à renforcer cette ligne du bas.

Nous pouvons ainsi nous replacer dans un cadre légèrement plus simple. Si vous raisonnez en fonction de la diapositive sur la balance des comptes courants que je vous ai montrée, votre création de richesse se trouve dans les deux lignes du haut. Votre capacité de production totale correspond à l'ensemble de ce que vous pouvez produire. Ce que vous produisez, c'est votre richesse. Votre ligne correspondant aux dépenses allie la consommation à l'investissement. Il s'agit aussi bien du secteur privé que du secteur public.

Pour bâtir une économie sur l'innovation, il vous faut faire travailler ces éléments du bas. Si vous investissez au niveau de la consommation ou de la roulette fiscale, vous ne le faites pas au niveau de cette ligne du bas pour accroître votre véritable capacité de production ou la capacité totale de vos usines, et il vous faudra finalement emprunter pour maintenir votre niveau de vie, ce que vous ne pourrez pas faire indéfiniment. Il vous faut apprendre à créer de la richesse.

Pensez-y, la recherche fondamentale n'est pas une mauvaise chose pour notre pays; c'est un gage de qualité. Elle est en danger en raison de ce qui se passe dans les universités et de la compression des budgets publics. Le secteur de la recherche appliquée est difficile parce qu'il se partage entre les universités et les industries. Il n'est pas aussi solide qu'il pourrait l'être. Le secteur du développement des produits et des marchés se porte bien dans certaines entreprises comme Nortel, mais les difficultés sont grandes dans certains domaines. Certaines entreprises qui démarrent ont de véritables difficultés à obtenir un financement.

Il est important de bien comprendre que la recherche fondamentale est aléatoire. C'est l'une des raisons pour laquelle elle est financée par les fonds publics et elle revêt une dimension sociale. D'autres composantes de ces secteurs sont elles aussi très incertaines. L'incertitude est difficile à financer par des moyens financiers classiques et c'est pourquoi il est extrêmement important qu'il y ait un partenariat entre les gouvernements et l'industrie.

Lorsqu'on se penche sur la question, on voit que l'appui accordé par nos gouvernements à l'industrie est deux fois moins élevé environ que celui qu'accordent les États-Unis, par entreprise, aux entreprises de son secteur privé. Nous ne finançons absolument pas trop notre industrie. Des mécanismes comme celui du fonds de partenariat en technologie revêtent donc une grande importance pour aider ce secteur intermédiaire. Il faut bien le comprendre.

Les leçons qu'il faut en tirer, c'est que l'on ne peut pas accepter que des distorsions se produisent au niveau des investissements devant permettre de créer cette assise, parce que sinon des éléments vont disparaître et l'on ne parviendra pas à construire ou à reconstruire notre économie. En second lieu, nous sommes tombés tellement bas qu'il nous faut véritablement créer un partenariat stratégique entre le gouvernement et le secteur privé pour faire avancer les choses. C'est très important, et c'est ce que Dick Lipsey soutient dans son étude.

C'est un élément important. Y a-t-il quelques bonnes nouvelles à annoncer? Oui, effectivement. Mais tout d'abord, je veux vous montrer cette diapositive.

Elhanan Helpman, qui dirige le programme de croissance économique de l'Institut canadien, a rédigé une étude que vous n'avez peut-être pas vue, mais qui porte sur les conséquences, pour la croissance économique de notre pays, d'une augmentation de nos dépenses de R-D de l'équivalent de 0,5 p. 100 de notre produit national brut. Nous nous situons à environ 1,5 p. 100, ce qui est faible comparativement aux pays du G-7. Cela nous mènerait à deux pour cent.

Les effets à long terme sur la croissance économique sont considérables comparativement aux États-Unis, au Japon, à l'Allemagne, à la France et au Royaume-Uni, qui tous ont un niveau nettement plus élevé de dépenses en R-D par habitant. Si cela ne vous montre pas à quel point votre intervention est absolument fondamentale, rien ne le fera. Cela vous montre tout simplement qu'en votre qualité de parlementaires il vous faut faire comprendre à vos collègues toute l'importance de ce problème en vous dotant d'une capacité d'intervention à long terme, parce qu'il faudra au moins deux cycles politiques pour que tout soit véritablement en place. Il vous faut bien en avoir conscience lorsque vous établirez vos politiques.

À mon avis, c'est une information extrêmement significative pour votre dossier. Nous avons mis en place dans notre pays des structures d'innovation assez extraordinaires. J'ai eu beaucoup de plaisir à côtoyer certaines d'entre elles. Il y a des consortiums industriels; il y a PRECARN, un projet de recherche appliquée à un stade antérieur à la concurrence qui instaure une collaboration entre les différentes entreprises liées aux universités. C'est une aventure extraordinaire, qui est toujours en cours. On a obtenu des résultats assez exceptionnels et, si PRECARN ne vous a pas encore fait part de ses réalisations, il vous faut inviter ses responsables pour qu'ils viennent vous en parler.

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Vous connaissez CANARIE. PAPRICAN est un institut bien établi qui a eu beaucoup de succès dans le secteur des pâtes et papiers.

Les consortiums universitaires sont merveilleux. Les centres nationaux d'excellence ont déjà comparu devant vous. Essayez simplement d'amener les institutions canadiennes à collaborer à l'échelle du pays afin de mettre sur pied un système de diffusion des connaissances et de l'information qui ait des liens de plus en plus étroits avec l'industrie. Toutefois, les liens avec l'industrie ne sont pas faciles à établir et c'est là que se situe le véritable talon d'Achille.

Il y a les centres de développement régional: l'ASI en Colombie-Britannique et le CRIM au Québec; et il y a aussi les projets universitaires individuels comme celui de Waterloo. Même les laboratoires nationaux, comme le programme PARI, ont eu beaucoup de succès. Mon propre institut, dont j'ai laissé la direction à d'autres, a joué un rôle en participant à cette mise en place.

Si je vous dis tout cela, c'est parce qu'il n'y a pas beaucoup de parlementaires qui le savent alors que cela représente pourtant l'une des grandes forces de notre pays. Je dois vous dire que ces programmes dépassent les divisions régionales ou linguistiques. Ils fonctionnent, un point c'est tout. C'est un message important lorsqu'on parle du potentiel de notre pays.

Je vous présente maintenant la dernière diapositive. Le principal défi qu'il nous faut relever est celui que mon ami Lipsey appelle l'incertitude.

Je dois vous avouer que je siège au conseil d'administration de Ballard Power, que certains d'entre vous connaissent. Ce fonds de partenariat technologique est venu apporter sa contribution. C'est une technologie révolutionnaire, mise au point en Colombie- Britannique, qui va changer les systèmes énergétiques dans le monde. Même un tel fonds, à ce stade, présente un degré élevé d'incertitude. On ne peut tout simplement pas en faire une organisation d'envergure mondiale sans partenariat avec les gouvernements étant donné les énormes difficultés qu'entraîne l'intégration de cette technologie aux systèmes en place. Je n'entrerai pas dans les détails, mais je vous signale que l'on a des exemples de tels partenariats ayant fonctionné par le passé aux États-Unis.

AT&T a financé les laboratoires de Bell non pas à partir de ses bénéfices, mais au moyen d'une taxe directement appliquée aux abonnés, le gouvernement l'ayant autorisée à facturer à ses abonnés des frais de 1,5 p. 100 au titre de l'exploitation des laboratoires de Bell, de manière à remédier à une énorme part d'incertitude, ce qui a en grande partie permis indirectement d'alimenter le développement des laboratoires de Bell et ce qui s'est répercuté ensuite sur le financement de Bell Canada et de Nortel.

C'est un exemple. Tout a été désormais subdivisé. Les États-Unis devront penser à d'autres solutions s'ils veulent continuer dans cette voie.

Il y a aussi l'exemple de l'industrie pharmaceutique. À l'époque où je travaillais dans le secteur pharmaceutique, une entreprise allait par exemple mettre en oeuvre cinq projets aux débouchés incertains - les meilleures d'entre elles le faisaient - chacun d'eux leur coûtant éventuellement10 millions de dollars par an. Au bout de 10 ans, l'un de ces projets finirait par payer. Si c'était le cas, l'entreprise en commercialisait les résultats. De la façon dont les choses fonctionnaient, elle pouvait alors fixer le prix de son produit en raison de la protection que lui conférait son brevet. Elle fixait essentiellement son prix pour recouvrer le coût - si c'était effectivement une bonne entreprise - de tous ces projets aux résultats incertains. Elle avait donc les moyens de le faire.

Aujourd'hui, cependant, alors que l'on fait face à l'incertitude dans un grand nombre de domaines, il n'y a plus de règles automatiques. Il faut se fixer des objectifs précis dans chaque domaine et trouver les moyens de remédier à l'incertitude au cours du cycle d'innovation. C'est pourquoi le principe du partenariat est si important et c'est pourquoi il vous faut, en tant que gouvernement, adapter très soigneusement vos projets à des secteurs stratégiques compte tenu de leurs besoins.

Je m'en voudrais d'oublier de mentionner ce tableau, qui a été supprimé dans le document rédigé par Michael Porter au sujet du Canada il y a quelques années. C'est un tableau intéressant grâce auquel il a voulu nous signaler que le classement hiérarchique des avantages pour un pays apparaissait tout à fait fondamental. La signification de tout ceci à notre époque pour les parlementaires est la suivante: les multinationales à propriété nationale, dont le siège se trouve au pays et qui peuvent logiquement avoir des activités de fabrication à l'extérieur, sont les principaux moteurs d'une économie. N'oubliez donc pas que l'importance de la propriété et de l'exploitation locale est loin d'être négligeable. Porter l'a répété à satiété.

Pensez simplement à la lutte entre Nortel et AT&T au sujet de certains contrats au Moyen-Orient et aux pressions qu'a pu exercer par en-dessous le gouvernement des États-Unis pour en obtenir la signature.

Cette hiérarchie est importante et il faut donc que vos méthodes et que l'aide que vous apportez en matière d'investissement contribuent à la création de multinationales d'envergure mondiale opérant au Canada en favorisant le maintien d'une certaine capacité de production. Vous allez peut-être me répondre que ce n'est pas important et il y aura des gens pour vous soutenir. Toutefois, si vous voulez assurer la subsistance de cette entité géopolitique qu'on appelle le Canada avec les valeurs sociales que nous défendrons, il va vous falloir examiner en profondeur toutes ces implications.

Voilà qui conclut mon bref exposé. Si vous me le permettez, monsieur le président, je terminerai en donnant une réponse résumée à chacune de vos questions. J'en ai pour trois minutes.

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Le président: Allez-y.

Le Dr Mustard: En partant du haut de la liste, je pense que les programmes de nos centres nationaux d'excellence sont un moyen de définir où se trouvent les secteurs et les technologies dont l'importance est fondamentale. C'est dans ces secteurs que doivent intervenir les talents.

Quel est le rôle que doit jouer le gouvernement? La clé, c'est le partenariat, le gouvernement doit éliminer les incertitudes du financement et, au moyen de ses politiques, orienter intelligemment les investissements s'il le peut.

Quels sont les obstacles? Les structures qui facilitent cette opération restent incomplètes et les gouvernements peuvent remédier à cette situation. Les politiques fiscales ont un rôle important à jouer dans ce domaine. J'y ai fait allusion dans mon exposé. Revenu Canada est un obstacle sur la route qu'ont choisi de suivre les responsables de tous ces projets, et il vous faudrait peut-être remédier à cette situation.

Quatrièmement, il vous faudrait véritablement penser aux mesures à prendre pour améliorer le climat. Je pense que les consortiums nationaux que nous avons mis en place jouent un rôle considérable et, à mesure que sont distillés les capitaux à risque, dont on a aussi besoin pour promouvoir les centres nationaux d'excellence, on va peut-être voir apparaître des structures organisationnelles qui vont véritablement faire avancer les choses à l'avenir. C'est ce qu'il vous faut faire en privilégiant tout particulièrement les mesures incitatives et les moyens de récompense.

Dans quelle mesure les Canadiens ont-ils les qualifications exigées par les entreprises de haute technologie? Ils les ont acquises jusqu'à un certain point. Les centres d'excellence sont en fait assez bien parvenus à former de la main-d'oeuvre pour les besoins de l'industrie. Je suis sûr qu'ils vous ont présenté leurs chiffres. Ces chiffres pourraient d'ailleurs augmenter considérablement. Il y a d'autres stratégies qui permettraient d'y parvenir.

La sixième question est la plus difficile: comment s'adjoindre la collaboration du Parlement dans ce domaine? D'après moi, il vous faut en fait définir certains critères de rendement qui doivent être publiés chaque année et, à mon avis, le critère s'appuyant sur la productivité d'ensemble de tous les facteurs de production devrait figurer en bonne place. En second lieu, je pense que nous avons besoin d'un indicateur nettement plus pertinent qui nous permettrait de savoir dans quelle mesure nous réussissons à développer des secteurs qui font de la recherche et du développement de façon à les raccorder aux structures déjà en place. Les programmes du gouvernement devraient être évalués en fonction de leur efficacité sur ce plan et selon qu'ils parviennent ou non à développer ce potentiel dans les différentes régions et à l'échelle du pays.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, docteur Mustard.

Nous n'allons pas passer tout de suite aux questions. Je vais laisser la parole aux témoins suivants et les membres du comité pourront ensuite intervenir.

Je souhaite la bienvenue aux Drs Barry McLennan et Clément Gauthier, qui représentent la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé.

Dr McLennan, nous allons commencer par votre exposé. Nous passerons ensuite aux discussions de notre table ronde.

Le Dr Barry McLennan (président, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Merci, monsieur le président.

Mesdames et messieurs, je vous remercie d'avoir invité la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé, la CRBS, à comparaître devant votre comité. Vous avez devant vous des exemplaires de notre mémoire, dans les deux langues.

Je vais tout d'abord vous présenter très rapidement la coalition. La CRBS est un organisme à but non lucratif regroupant 16 facultés de médecine, quatre facultés de médecine vétérinaire et12 sociétés scientifiques des domaines biomédical et biologique comptant quelque 3 500 chercheurs.

Elle rassemble aussi 800 chercheurs cliniciens membres de l'Association des facultés de médecine du Canada, de la Confédération des facultés d'agriculture et de médecine vétérinaire du Canada, de la Fédération canadienne des sociétés de biologie et de la Société canadienne de recherches cliniques ainsi que 28 000 médecins spécialistes membres du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada.

La Fondation pour la recherche en sciences de la santé, qui opère au sein de l'Association canadienne de l'industrie du médicament, est membre associé de la CRBS. Le secteur bénévole est lui aussi représenté d'office au sein de la CRBS par l'intermédiaire de l'association Canadiens pour la recherche médicale.

La CRBS a deux objectifs clairs. Tout d'abord, elle fait la promotion d'une augmentation des crédits consacrés au Canada aux activités de recherches biomédicales, cliniques et en matière de santé et, en second lieu, elle s'efforce de mieux faire comprendre au public et aux représentants des gouvernements tout l'intérêt que représente la science lorsqu'il s'agit de faire progresser la société et d'améliorer la qualité de vie des Canadiens et de développer notre économie.

Monsieur le président, je vais aborder dans mon exposé chacune des six questions que vous nous avez posées.

Je commencerai par vous renvoyer à un article publié hier par le Globe and Mail. On y citait le premier ministre, qui a déclaré que ce ne sont pas les gouvernements qui créent les emplois dans notre économie moderne mondialisée mais qu'il leur appartient plutôt de créer les conditions devant permettre au secteur privé de le faire.

En répondant aux six questions posées par votre comité, je vais me pencher sur les moyens devant permettre d'établir les conditions évoquées par le premier ministre.

Vous nous demandez tout d'abord quel est le secteur ou la technologie qui offrent à la base le meilleur potentiel de croissance et d'emploi, et je vous répondrai que c'est le secteur de la recherche en matière de santé. Ce secteur a une très large assise et un énorme potentiel de croissance. C'est un secteur qui reste encore à défricher, c'est important. Ce n'est pas un secteur arrivé à maturité, saturé.

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La valeur commerciale des sociétés cotées en bourse qui oeuvrent dans le secteur canadien en pleine croissance des sciences de la vie - secteurs thérapeutiques, fournitures médicales et diagnostics, par exemple - dépassent actuellement les 11 milliards de dollars. Vous trouverez ce chiffre à la page 2 de notre rapport.

Un rapport publié en 1993 par les États-Unis nous indique que le secteur de la biomédecine et de la santé, suivi par le secteur des sciences naturelles, sont les plus aptes à obtenir des succès commerciaux, ce qui correspond au genre d'activité dont vous parlait le Dr Mustard. Pour ce qui est des besoins futurs de la biotechnologie au Canada, une étude commandée à l'automne 1995 par Industrie Canada et par Développement des ressources humaines Canada a démontré que les prévisions des besoins de personnel dans ce secteur passeront de 8 000 à 14 076 emplois en l'an 2000.

Ainsi, BiochemPharma a procuré 1 000 emplois au cours des 10 dernières années. Elle a actuellement la quatrième capitalisation sur le marché de toutes les sociétés de biotechnologie en Amérique du Nord. BiochemPharma au Québec, TerraGen en Colombie-Britannique et Vascular Therapeutics en Ontario ont une chose en commun. Elles ont toutes démarré grâce à une subvention du Conseil de recherches médicales du Canada. Elles ont commencé par investir dans la recherche fondamentale.

Laissez-moi maintenant vous montrer, mesdames et messieurs, de quelle façon les investissements dans la recherche créent un cercle vertueux de croissance et de développement. Je vous renvoie au tableau de la page 3 de notre document. Vous y voyez que les sociétés établies sont en bout de chaîne alors que les jeunes entreprises sont celles qui offrent le meilleur potentiel de création d'emploi. Il faut voir surtout que la recherche fondamentale, qui est à la base de la connaissance, est le facteur limitant du cycle. C'est la case qui se trouve en haut du cercle. C'est ce qui correspond à la recherche fondamentale, au facteur d'incertitude dont parlait le Dr Mustard. La recherche fondamentale est le principal facteur limitant de ce cycle, c'est aussi l'élément clé.

Pour répondre à votre deuxième question, monsieur le président, c'est au cours de cette étape à haut risque que le gouvernement doit jouer un rôle moteur. Je répète: c'est au cours de cette étape à haut risque que le gouvernement doit jouer un rôle moteur.

Comme on peut le voir dans le tableau de droite, des programmes précis comme les RCE, les réseaux nationaux de centres d'excellence, le Fonds de découvertes médicales canadiennes - et je pense que le Dr Stiller vous en a parlé récemment - ainsi que le programme de santé du Conseil de recherches médicales et de l'ACIM, ACIM étant le sigle de l'Association canadienne de l'industrie du médicament, sont en place à la suite de l'investissement qui a été fait au départ dans la recherche fondamentale par le gouvernement, ce qui est terriblement important. Autrement dit, tous ces programmes - les RCE, le FMDC et le programme de santé CRM-ACIM, suivent dans l'ordre chronologique un premier investissement fait par le gouvernement dans la recherche fondamentale. La recherche fondamentale doit venir en premier. C'est l'élément clé de l'ensemble du cycle.

J'insiste à nouveau sur le fait que le rôle du gouvernement est d'amorcer la pompe, d'investir dans la recherche fondamentale. C'est un rôle essentiel auquel le gouvernement ne peut échapper.

Je vais maintenant répondre à vos troisième et quatrième questions. À mon avis, le principal obstacle à la croissance économique et à la création d'emploi a été relevé par le Conference Board du Canada dans son rapport publié en septembre 1996. Le board a expliqué notre faible productivité par le manque d'appui apporté au Canada à la recherche et au développement. Pour stimuler la productivité, l'OCDE, dans le rapport intitulé Stratégie de création d'emploi qu'elle a publié en mai 1996, recommande que l'on augmente le soutien apporté par les pouvoirs publics à la recherche fondamentale, et principalement à la recherche universitaire, en raison de sa valeur de formation, en tant que moyen indispensable d'appuyer la politique visant à réduire le déficit.

Le Canada s'efforce de lever le deuxième obstacle, soit le déficit d'innovation, en recourant aux réseaux des centres d'excellence, un programme administré conjointement par les trois conseils subventionnaires, qui sont la pierre angulaire des RCE. Je sais que des exposés vous ont été présentés à ce sujet et je n'entrerai donc pas dans les détails.

Notre tableau de la page 3 illustre cette situation, et j'insiste sur le fait qu'il est indispensable de continuer à appuyer et à développer le programme des RCE si l'on veut remédier au déficit d'innovation. C'est une recommandation qu'a faite le Comité des finances de la Chambre des communes dans le rapport qu'il a publié il y a une semaine.

Face aux autres pays de l'OCDE, le Canada est passé de la quatrième à la douzième place en sept ans seulement. En tant que Canadien, c'est une situation qui me dérange. Cette baisse de notre compétitivité constitue le troisième obstacle.

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Je vous renvoie maintenant au graphique de la page 8 de notre document intitulé «Tendance dans les budgets pour la recherche en santé». Je vous fais remarquer que, depuis 1995, le Canada est en chute libre alors que nos concurrents ont augmenté leurs investissements dans la recherche en matière de santé. Notre courbe, celle du bas, s'écarte des autres, alors que les investissements faits dans le domaine de la recherche fondamentale en matière de santé par nos concurrents - les autres pays du G-7 - augmentent.

Vous remarquerez que le Japon, l'une des grandes puissances économiques, ne figure pas sur ce graphique. La raison en est bien simple. Jusqu'à une date récente, le Japon n'était pas un innovateur mais un adaptateur en matière de technologie. Les Japonais se sont rendu compte que les techniques de pointe étaient désormais directement commercialisées sur le marché et qu'il ne lui suffisait pas d'apporter de petites améliorations après coup pour garantir sa santé économique à l'avenir.

Le Japon se propose aujourd'hui d'investir 155 milliards de dollars des États-Unis au cours des cinq prochaines années dans la recherche fondamentale, la majeure partie devant être affectée à la recherche en matière de santé. Partant du principe que le réseau de recherche universitaire est en fin de compte le grand producteur de technologie, les États-Unis ont emprunté cette même voie et vont considérablement augmenter au cours des cinq prochaines années le budget du NIH, qui est l'équivalent aux États-Unis de notre Conseil de recherches médicales.

Le quatrième obstacle est représenté par la concurrence intense qui a lieu dans le domaine des investissements directs étrangers. Dans son rapport de septembre, le Conference Board nous révèle que le Canada n'est plus aussi bien placé dans le monde pour attirer directement les investissements étrangers. Nous sommes passés de la troisième à la huitième place au cours des six dernières années.

Je vous renvoie maintenant à la déclaration faite par Astra Pharmaceutical, qui confirme qu'il est essentiel de pouvoir disposer de scientifiques qualifiés en nombre suffisant pour attirer la R-D mondiale au Canada. La référence se trouve à la page 5 de notre mémoire.

J'aimerais vous montrer un article qui a paru dans la Gazette. Pour illustrer l'importance de ce problème, Astral a annoncé il y a un mois qu'elle avait l'intention de dépenser 300 millions de dollars jusqu'en 2004 à Montréal. Montréal a été choisie de préférence à quatre autres villes principalement parce qu'elle possède quatre universités offrant une main-d'oeuvre très qualifiée prête à être utilisée. Si nous voulons attirer les investisseurs étrangers, il nous faut instaurer un climat propice à la recherche au Canada.

Le dernier obstacle est celui des menaces que l'on fait peser sur le système de santé du Canada. Notre système de santé nous rend plus concurrentiel lorsqu'il s'agit d'attirer les investissements étrangers. Ainsi, notre système de santé permet à General Motors d'économiser quelque 750$ par véhicule et par travailleur en frais de santé. L'honorable Diane Marleau, ancienne ministre de la Santé, l'a exprimé en ces termes:

Le ministre actuel de la Santé, l'honorable David Dingwall, en a d'ailleurs tout à fait convenu lorsqu'il a déclaré en juin dernier:

Parmi les obstacles qui s'opposent à la naissance des nouvelles techniques, on peut citer une réglementation et une bureaucratie trop lourdes, qui gênent tout particulièrement les petites entreprises; le manque d'infrastructure de soutien; le fait que l'on n'a pas su capitaliser dans nos investissements en ressources humaines; enfin, le manque de coopération entre différents gouvernements. À titre d'exemple de réglementation et de bureaucratie excessives, savez-vous qu'il faut deux fois plus de temps pour faire homologuer un médicament au Canada qu'au Royaume-Uni?

Les institutions canadiennes d'enseignement supérieur ont lamentablement échoué lorsqu'il s'est agi de fournir une main-d'oeuvre hautement qualifiée. Cela s'explique par plusieurs raisons. Premièrement, il n'existe aucun plan national bien coordonné et avec des objectifs bien ciblés qui vise à fournir une main-d'oeuvre hautement qualifiée. Rien n'incite les universités à mettre au point des programmes nationaux. Il y a un manque d'appui à l'infrastructure et un sous-financement chronique, exacerbés récemment par les coupures dans les transferts fédéraux.

Une solution possible serait la mise sur pied d'un plan fédéral d'infrastructure qui fournirait des bourses pour appuyer des programmes innovateurs visant à former davantage de spécialistes ayant les qualifications techniques requises. Dans le secteur de la santé, on pourrait aussi étendre l'application du projet de formation pour les jeunes qui a eu beaucoup de succès - il s'agit là d'un partenariat entre le Conseil de recherches médicales et Développement des ressources humaines Canada. Les statistiques correspondantes sont exposées en détail dans notre mémoire.

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J'aborde maintenant la sixième et dernière question. Il y a trois ans, la CRBS a demandé aux milieux scientifiques qu'on mette en place une stratégie scientifique et technique intégrée à l'échelle nationale. Après de nombreuses consultations publiques auxquelles ont participé plus de 3 000 Canadiens, dont la moitié environ appartenant à l'industrie et l'autre moitié au milieu universitaire, le gouvernement a rendu publique en mars dernier la première stratégie fédérale du Canada en matière scientifique et technique.

Notre gouvernement doit assumer la responsabilité de l'application de cette stratégie scientifique et technique. Votre comité a un rôle majeur à jouer pour s'assurer de la bonne marche de cette opération. Ce plan d'action en matière scientifique et technique, pour ce qui est de son application à la santé, a principalement pour objet d'accroître l'efficacité de la recherche financée par le gouvernement fédéral.

Il est important de souligner que le mécanisme de révision des programmes au sein du gouvernement et nombre d'autres initiatives de gestion des dépenses ont tendance à se limiter aux enveloppes budgétaires d'un ministère ou d'un programme précis plutôt que de s'appliquer globalement à plusieurs ministères ou plusieurs programmes. On n'a pas examiné à fond et de manière systématique la possibilité de soumettre à un réexamen par les pairs ou à des appels d'offres une part significative des 3,5 milliards de dollars consacrés par le gouvernement à ses services scientifiques internes.

La CRBS recommande tout d'abord qu'une telle initiative soit mise en place afin d'améliorer le rapport coût-avantages de l'investissement public dans la R-D et de permettre de réorienter les fonds vers les secteurs prioritaires de recherche.

Nous recommandons en second lieu que votre comité tienne régulièrement des audiences sur la stratégie des S-T. Nous proposons que l'on ait recours à la méthode mise au point en 1994 en ce qui a trait aux priorités fédérales de S-T par le Conseil consultatif national des sciences et de la technologie. Nous proposons aussi que des conseillers extérieurs, qui sont membres des organismes consultatifs ministériels, soient invités à comparaître devant votre comité. Le grand défi que doit relever le Canada est d'inverser la tendance qui s'applique aux budgets de recherche en matière de santé. Comme l'indique le graphique I, le financement de notre recherche en matière de santé est en chute libre.

Cela nous amène à notre troisième recommandation, qui consiste à demander à votre comité d'exhorter le gouvernement à prendre, dans son budget de février 1997, des mesures de correction qui stimuleront la productivité du Canada et accorderont au CRM, au CRSNG et au CRSH des niveaux de financement concurrentiels par rapport à ceux des autres pays du Groupe des 7.

Dans notre quatrième recommandation, nous disons qu'il est urgent que votre comité, en collaboration avec le Conseil consultatif du premier ministre sur les sciences et la technologie, évalue l'incidence de toute nouvelle mesure de réduction du déficit ou de la dette sur le système de recherche du Canada et recommande les mesures de correction qui s'imposent pour garantir l'existence d'une infrastructure de recherche universitaire concurrentielle et efficace.

Pour terminer, la CRBS voudrait préciser un plan d'action entraînant la création d'emplois à forte valeur ajoutée et à faible coût dans le secteur en pleine expansion de la recherche en matière de santé. Notre proposition, qui est détaillée à la page 9, devrait permettre de créer plus de 1 600 emplois chaque année au Canada. Cette proposition, qui s'appuie sur le principe économique du potentiel de production, permettrait de créer plus de 32 000 emplois si elle s'étendait par ailleurs à d'autres conseils subventionnaires - CRSNG et CRSH.

Cette proposition permettrait par ailleurs d'enrayer la chute du secteur de la recherche en matière de santé, d'augmenter la productivité du Canada et de rétablir notre situation concurrentielle. Mesdames et messieurs, il serait catastrophique de ne pas prendre immédiatement des mesures. Le président du Conseil de recherches médicales du Canada, le Dr Henry Friesen, nous a avertis en ces termes:

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Je vous remercie encore, monsieur le président, de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à votre comité. Je vous invite sérieusement à tenir compte des recommandations et des propositions qui figurent dans notre mémoire.

Je vous remercie.

Le président: Merci. Je pense que les deux témoignages qui ont été fait ce matin devant notre comité nous invitent à réfléchir et à poser des questions pour savoir exactement ce que doit faire le gouvernement fédéral dans les secteurs liés à la recherche et à la productivité.

Monsieur Schmidt.

M. Schmidt (Okanagan-Centre): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie, messieurs, d'avoir comparu ce matin.

Il faut tout d'abord vous féliciter, je pense, de n'avoir pas hésité à vous en prendre au gouvernement en proposant qu'il modifie certaines de ses orientations actuelles et, plus particulièrement, qu'il renonce à diminuer les crédits consacrés à la recherche et au développement. Personnellement, je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point. Lorsque nous avons présenté notre budget de rechange, j'ai dû particulièrement me battre au sein de notre propre comité budgétaire pour m'assurer que cette partie du budget ne subirait aucune compression. Nous l'avons emporté en nous fondant sur nombre d'arguments que vous avez évoqués. C'est un simple aparté que je fais, indépendamment des questions que je veux vous poser.

Comment en êtes-vous arrivés, messieurs, à créer une coalition entre ces différents organismes? Je considère que c'est un exploit que devrait essayer d'imiter le gouvernement, parce que vous avez réussi à réunir l'agriculture, la médecine et d'autres secteurs alors qu'il me semble qu'au sein de l'administration chacun s'obstine à l'heure actuelle à défendre ses chasses gardées. Comment avez-vous réussi à mettre sur pied ce groupe?

Le Dr McLennan: M'accordez-vous une heure pour vous répondre?

Ce fut une bataille essentielle qui a été très gratifiante. Nous avons commencé il y a sept ans environ. Nombre d'entre nous étaient impliqués dans d'autres organisations, de manière très générale, très diffuse, et nous nous sommes rendu compte qu'il fallait privilégier le secteur de la santé. Je pense que c'est l'élément clé.

Ensuite, nous avons des gens très compétents au sein de la coalition, et en particulier leDr Clément Gauthier, notre directeur général, est passé maître dans l'art d'établir les règles de base et les grands principes. La coalition s'est efforcée de fonder son argumentation sur des faits, sur des éléments de preuve, et de présenter des stratégies et des propositions qui soient viables, sans se contenter simplement de demander davantage d'argent, mais en exposant de quelle façon nous pouvons produire de la richesse au Canada et, non seulement rectifier les tendances que je viens de vous exposer, mais aussi celles que le Dr Mustard vous a indiquées dans ses tableaux.

Notre nation n'a pas le choix. Je déplore, comme vous, j'en suis sûr, que notre courbe s'écarte des autres sur plusieurs points, qu'il s'agisse de l'évolution de la recherche en matière de santé ou de l'entrée des investissements étrangers. Nous devrions, nous pouvons, faire mieux. Il nous suffit d'agir.

M. Schmidt: Je suis très content que vous ayez identifié au départ un problème commun. Nous devons nous efforcer ensemble de le résoudre.

Vous nous dites que votre argumentation s'appuie sur des faits et sur des avantages économiques tangibles. S'il en est ainsi, il me semble que les faits doivent s'imposer, que ce soit à vous, à vos collègues, aux bureaucrates ou aux politiciens, parce qu'un fait est un fait. Il est insensible à la partisanerie politique.

Je me demande pour quelle raison l'interprétation des faits devient différente selon qu'elle est la vôtre ou celle de certains bureaucrates. Pourtant, les faits devraient s'imposer d'eux-mêmes si, comme vous le dites, ce sont eux qui ont mené à la création de votre coalition. Quelle est la différence entre la façon dont vous traitez les faits et celle dont les traite le gouvernement?

Le président: Docteur Gauthier.

Le Dr Clément Gauthier (directeur général, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Je vous remercie.

La différence, à mon avis, c'est qu'au sein de la coalition, nous avons pu... n'oubliez pas que la coalition est l'un des rares organismes au Canada qui permet de rassembler les recherches effectuées par les entreprises, les universités et les différents organismes. Le Canada en a d'ailleurs largement bénéficié sur le plan des investissements effectués dans notre pays par des entreprises étrangères.

Pour en revenir au véritable problème qui se pose à l'extérieur de la coalition, nous avons réussi à remédier à l'absence de communication. Nous avons beaucoup appris, par exemple, en échangeant régulièrement des informations avec les entreprises, les universitaires et les médecins. Par conséquent, tous ces groupes qui dispensent en commun des services au sein des centres de santé universitaires, dans le cadre des politiques établies par le gouvernement fédéral et les provinces, sont véritablement en contact les uns avec les autres et peuvent échanger leurs idées, ce qui constitue une amélioration.

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Ce qui manque, je pense, au sein de la fonction publique... et c'est en fait l'objet de notre quatrième recommandation puisque nous proposons en substance que votre comité comble le fossé qui existe entre les ministères en organisant régulièrement des audiences sur les progrès réalisés dans le cadre de la stratégie de S-T en invitant des conseillers venus de l'extérieur. À la suite de la stratégie de S-T, la plupart des ministères se sont dotés d'organismes consultatifs et ont nommé des conseillers externes.

Je vous ai réservé la primeur de la nouvelle: j'ai été invité à devenir l'un des conseillers extérieurs d'Environnement Canada et je me ferai un plaisir dans six mois ou dans un an de venir vous faire part de mes conclusions en ce qui a trait aux améliorations mises en place et au suivi de la stratégie de S-T. Ce sera un moyen pour les parlementaires de combler le fossé en matière de communication avec les ministères, fossé qui existera toujours.

C'est systématique, et je pense que le Dr McLennan peut en attester. Chaque fois que nous discutons d'un sujet quelconque avec Industrie Canada, par exemple, nous revenons deux semaines plus tard pour retrouver encore plus de portes fermées et nous nous apercevons que les responsables ne se parlent pas et ne savent pas ce qui se passe dans le reste du système.

En outre, le point de vue des fonctionnaires est certes important, mais il vous faut aussi avoir l'avis de ceux qui subissent ces politiques, ceux qui travaillent sur le terrain, qui dispensent effectivement les services et qui dépendent de l'application de ces politiques, tout en consultant les fonctionnaires. Il est donc important pour vous de combler ce fossé en vous appuyant sur des conseillers extérieurs.

Le Dr Mustard: J'aimerais faire une observation et replacer votre question dans un cadre plus large.

Certains d'entre nous sont déjà des anciens. Il y a bien longtemps que l'on parle de l'importance de cette question dans notre pays sans que rien n'ait été fait. Je vous ai parlé de la commission royale Macdonald, c'était il y a 11 ans seulement.

Les Canadiens ont besoin de mieux comprendre dans l'ensemble ce qui détermine véritablement la croissance économique et la création de la richesse. C'est une chose mal comprise. Tant que l'on ne prendra pas cette résolution, la question ne sera pas évoquée dans le cadre envisagé ici par mes collègues. Ceux d'entre nous qui travaillent dans le secteur des sciences et de la technologie le comprennent bien et en sont profondément conscients. Toutefois, en raison du fait, et j'ai essayé de vous l'expliquer, que l'on est parti dans notre pays du principe économique que la science et la technologie n'avaient pas d'importance, ce qui a été dit en substance par la commission royale Macdonald, nous ne faisons que commencer à comprendre qu'il faut effectivement avoir des idées pour créer de la richesse. Cela fait partie de cette révolution technologique extraordinaire.

Pour répondre à votre question, en tant que parlementaires il vous faut faire tout en votre possible pour que vos collègues et les gens de vos circonscriptions le comprennent. Si l'un quelconque d'entre nous peut aider à le faire comprendre aux gens de votre circonscription, c'est sur ce point qu'il faut agir.

Je tiens simplement à vous rappeler que si l'on prend, par exemple, les habitants de Cap Breton - car j'ai des contacts avec le Cap Breton - il suffit de réunir la population dans la caserne de pompiers d'Inverness et d'exposer la question pour qu'elle soit comprise. C'est à nous de le faire parce que les médias ne font pas bien leur travail.

Le président: C'est une excellente observation. En tant que politiciens, nous comprenons parfaitement que c'est bien beau de parler avec des gens comme vous en ces lieux mais qu'il faut aussi faire participer l'ensemble des Canadiens au débat.

M. Schmidt: J'ai une autre question à vous poser. J'aurais des choses à ajouter sur la question, mais j'aimerais passer à un autre sujet. Cela se rapporte à la stratégie du Canada en matière scientifique. Je pense que c'est le Dr Mustard qui en a parlé.

La question précise que je veux vous poser est la suivante: quelle doit être la stratégie du Canada à votre avis?

Le Dr Mustard: Je pense qu'il vous faut tout d'abord en revenir à ma réponse. Il vous faut mieux faire comprendre à la société quels sont les véritables facteurs qui déterminent la croissance économique et le rôle que joue en la matière l'innovation dans les sciences et la technologie. Il vous faut faire bien attention dans notre diapositive à ce que Michael Porter a appelé une économie axée sur la richesse pour que nous ne nous sentions pas obligés de cesser d'investir dans le domaine incertain - et mes collègues en ont évoqué les principales caractéristiques - de la recherche.

Je vous répondrai donc qu'il vous faut avant tout agir par l'intermédiaire de votre ministre des Finances et des politiques macro-économiques de manière à essayer de modifier l'assiette fiscale de notre pays afin de récompenser les investissements qui sont faits dans les domaines incertains et de pénaliser, par exemple, mon fonds de pension qui m'engraisse et m'enrichit en jouant sur les marchés financiers internationaux.

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Des voix: Oh, oh!

Le Dr Mustard: C'est un choix politique difficile, mais tout à fait essentiel.

Une voix: Absolument essentiel.

Le Dr Mustard: D'ailleurs, le Royaume-Uni est l'exemple classique du pays qui n'a pas su faire ce choix et qui l'a payé très cher. Nous pouvons en outre vous montrer les effets pernicieux de cette politique sur la santé des populations, effets que n'arrivent pas à compenser les soins de santé.

Ensuite, si vous réussissez à améliorer cette compréhension d'ensemble - ce qui doit vous amener à faire venir les médias dans vos circonscriptions, et je soutiens que vos administrés sont prêts à vous aider sur ce point - il vous faudra ensuite mettre en place les politiques micro-économiques dont vous ont parlé mes collègues, et vous occuper de cette case noire dont Lipsey parle si bien dans son étude. Je vous ai laissé ici une copie de l'étude de l'institut C. D. Howe.

Dans la case dont parle Lipsey, vous allez créer les infrastructures qui vous permettront d'agir. Ce doit être la grande priorité de la politique gouvernementale. Il vous faudra vérifier ensuite que cette case noire fonctionne bien. Il ne faut pas que ce soit un secteur isolé d'Industrie Canada. Il faut que cela fasse partie du ministère des Finances et d'autres ministères. Faites en sorte qu'il y ait une coordination entre tous vos ministères pour que chacun s'intéresse à la question, car chacun des intervenants a un rôle à jouer.

Laissez-moi vous donner un exemple extrême auquel vous n'avez peut-être pas pensé. Étant donné l'échec enregistré par notre économie, nous avons au Canada de plus en plus de gens qui présentent des risques. Ce sont souvent des mères et leurs enfants. Si vous vous penchez sur le rendement des enfants scolarisés, vous verrez que des enseignants des écoles publiques de notre pays qui vont vous dire qu'il peut y avoir jusqu'à 30 p. 100 des enfants dans leurs classes qui ne peuvent plus faire face à la situation. Leur comportement et leurs capacités cognitives laissent à désirer et l'école n'y peut pas grand-chose.

Nous savons que ces facteurs vont se répercuter sur la capacité d'apprentissage en sciences et mathématiques, par exemple, dans notre réseau scolaire. Nous savons que la qualité du capital humain avec lequel on va finalement doter en personnel nos entreprises de haute technologie va en souffrir. Il est faux, à mon avis, de penser que votre action est différente de celle de vos collègues dans les secteurs de la santé et des ressources humaines; il faut que toutes ces choses soient mieux intégrées parce que cela forme un tout.

Laissez-moi appuyer cet argument par une observation historique très importante. L'un des meilleurs spécialistes de l'histoire économique - parce qu'il fait des choses que j'aime - travaille à l'Université de Chicago. Ce n'est pas Milton Friedman. Fogel a procédé à une analyse de ce qu'a fait la révolution industrielle en Grande-Bretagne pour améliorer la qualité de la population et il en est arrivé à la conclusion que 50 p. 100 de la croissance économique de la Grande-Bretagne due à la révolution industrielle a consisté à améliorer la qualité de la population. C'est un chiffre extrêmement important.

Donc, lorsqu'on parle d'apprentissage et de capital humain, il faut penser à toutes les étapes du développement humain et à la manière d'aborder, pendant cette étape de transition, les énormes difficultés d'ajustement qui vont tout particulièrement toucher les jeunes enfants. Je peux vous dire une chose: ce peuvent être pour vous d'excellents alliés pour faire l'apologie de la science et de la technologie si vous les faites participer à vos discussions.

Le président: Je vais maintenant donner la parole à M. Murray.

M. Murray (Lanark - Carleton): J'ai l'impression que le Dr Mustard avait prévu ma question. Lors de son examen du déficit d'innovation, notre comité a eu la chance d'entendre une série exceptionnelle de témoins. Les témoins de ce matin ne font pas exception. Je pense que nous allons tous sortir de ces séances gonflés à bloc et prêts à faire quelque chose, mais nous allons aussi nous heurter à un obstacle politique majeur, qu'a évoqué le Dr Mustard.

Pour vous donner un exemple, le Dr Mustard nous parlait d'adapter les projets du gouvernement à des secteurs stratégiques, ce qui me fait penser à l'investissement que nous avons fait récemment dans Bombardier et à la levée de boucliers à laquelle le gouvernement a dû faire face sur un plan politique pour un investissement effectué essentiellement dans le cadre d'un programme de recherche et de développement. Comme beaucoup de députés de la base, j'ai dû essuyer beaucoup de critiques. La population n'arrivait pas à comprendre pourquoi nous avions pris cette décision.

On l'a dit, voilà des années que l'on se demande comment faire avancer les choses dans notre pays dans le domaine de la science et de la technologie et cela remonte bien avant la commission royale Macdonald. On peut remonter, si vous voulez, au rapport Lamontagne. Pour ce qui est de ma propre expérience, j'ai travaillé pendant 11 ans chez Northern Telecom et je me souviens queWalter Light, quand il en était le président, disait à peu près les mêmes choses dans ses discours que ce que l'on dit aujourd'hui. Ce n'est donc absolument pas nouveau.

La seule chose qui me fait espérer, c'est que nous en sommes aujourd'hui dans notre pays à un stade où les gens cherchent en fait, si vous voulez, une «nouvelle vision des choses», pour pasticher George Bush. Nous en sommes peut-être au même stade que lorsque nous avons construit le chemin de fer. Nous sommes peut-être sur le point de réaliser un grand projet. Il est possible que notre pays ait suffisamment envie d'être visionnaire pour adopter un projet qui nous mènera à la croissance économique. Il est possible que ce qui s'est passé l'autre soir dans la rencontre avec le public à Radio- Canada soit un exemple de ce qui arrive lorsque l'avenir des gens semble bouché.

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Ma véritable préoccupation, c'est comment faire, en tant que politicien dans une démocratie - à condition peut-être de ne pas tenir compte du fait qu'il faut deux cycles politiques pour y parvenir - pour que les médias soient de notre côté. Je vous le répète, les témoins qu'a déjà entendus notre comité sont des personnes remarquables. Les médias seraient aussi impressionnés par vous que nous le sommes en vous écoutant mais, en dépit de tout l'appui que je ressens dans la population, rien de ce qui ne concerne pas les besoins immédiats des gens ne peut retenir l'attention.

Il est intéressant de constater dans le graphique sur les revenus que les personnes âgées ont des revenus bien plus élevés. C'est une évolution qui s'est interrompue il y a quelques années, il me semble, mais je ne me rappelle pas quand. De nombreuses personnes âgées sont très préoccupées aujourd'hui parce qu'elles constatent que l'argent qu'elles ont épargné ne produit pas les mêmes intérêts et le même rendement qu'au cours des années précédentes. Ce sont des préoccupations très immédiates. D'après ce que je peux voir, les gens âgés n'ont aucunement envie que notre pays se lance dans une nouvelle orientation en investissant dans la science et la technologie.

Ce que je dis n'est pas nouveau. J'ai tout simplement du mal à voir comment mettre la population de notre côté.

Qui doivent être les porte-parole si les politiciens sont moins crédibles que d'autres? Je pense qu'il est très important que nous intervenions sur ce point. Avez-vous d'autres commentaires à faire sur la question?

Le président: Nous allons donner la parole au Dr Mustard et nous passerons ensuite aux autres témoins.

Le Dr Mustard: J'ai quelque expérience de la question que vous évoquez. Ces dernières années, j'ai travaillé avec mes collègues dans ces secteurs et j'ai souffert de l'impossibilité de faire véritablement comprendre le problème et d'avoir une réponse à peu près cohérente.

Lorsque nous avons lancé le projet canadien à la fine pointe de la recherche, l'un des objectifs était de s'attaquer de front à ce problème. Telle que vous l'a vaguement décrite Steve Dupré, il s'agit là d'une institution à la fois nationale et internationale chargée d'aborder les problèmes complexes et de mobiliser des gens de talent pour le faire.

Après l'expérience catastrophique de la commission royale Macdonald, j'ai entrepris délibérément de créer un programme sur les conditions présidant à la croissance économique parce que je considérais que les milieux économiques ne prenaient pas véritablement conscience de l'importance de cette question.

En termes d'enseignement universitaire et de politique publique, c'est un problème très grave. Heureusement, Dick Lipsey était disposé à se lancer dans ce travail, non sans avoir un peu peur d'être harcelé par ses collègues, parce que lorsqu'on essaie de faire comprendre quelque chose de tout à fait fondamental, tels que les facteurs qui déterminent en fait la croissance économique - par opposition aux cycles de production - on oblige les gens à changer leur manière de penser. Voilà pourquoi je vous ai très rapidement exposé cette question ce matin.

Je vous ai laissé une série de documents, publiés par Industrie Canada et par l'institut, qui abordent en fait la question. Il m'apparaît absolument fondamental qu'en tant que citoyens de ce pays vous compreniez bien la question. J'ai harcelé les universités pour m'assurer que tous les diplômés d'université ou d'un collège comprennent bien quels sont les facteurs qui déterminent la croissance économique parce que, sinon, on ne peut pas obtenir les engagements dont nous parlons.

Je peux vous dire, après avoir parlé avec des gens appartenant à différentes collectivités du pays, y compris probablement avec vos administrés, que les gens n'ont aucune difficulté à comprendre le problème s'ils ont réussi à le replacer dans le cadre plus large que je vous ai rapidement exposé ce matin. C'est pour nous une obligation. Si vous le désirez, nous pouvons vous fournir les documents qui vous permettront d'informer les gens de votre circonscription.

Si vous le faites, vous aurez alors une bonne chance de faire avancer le projet, parce que les gens ont peur que notre pays ne réussisse pas à créer et à redistribuer une richesse suffisante. Les gens s'effraient devant la détérioration de notre tissu social. Les gens réagissent à des symptômes alors qu'ils ont besoin d'un diagnostic. Ce qu'il vous faut donner, c'est un diagnostic. C'est pourquoi j'ai parlé de diagnostic et de traitement dans mes observations de ce matin. Il est absolument indispensable que vous évoquiez franchement la question.

J'étais il y a deux semaines à Sudbury et j'évoquais la situation générale. Que doit faire une ville qui tire sa prospérité de l'exploitation des ressources naturelles face aux changements évidents qui se profilent dans ce secteur pour les 20 ou 30 prochaines années? Nous en avons parlé, mais je n'ai pas abordé le problème isolément. Nous avons parlé de l'intégration du milieu social, de la structure sociale, des enfants, de la nécessité de bâtir une nouvelle économie et du partenariat qui pourrait s'instaurer avec le gouvernement. Les gens n'ont vu aucune objection à ce que l'on envisage ainsi le problème. Ils l'ont accepté.

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Je pense que, comparativement à ce qui se passait il y a 10 ou 15 ans, la volonté d'apprendre est très grande dans l'ensemble de la collectivité. La grande difficulté pour vous est de faire passer le message.

Pour ce qui est de l'affaire Bombardier, je suis de l'autre côté de la barrière puisque je siège au sein du conseil d'administration de Ballard Power Systems, qui a reçu un certain appui, à juste titre d'ailleurs. Laissez-moi cependant vous dire quelques mots au sujet de cette histoire parce que c'est une question d'attitude au Canada.

Nous avons au sein de notre conseil un administrateur du Royaume-Uni qui est pourtant tout à fait dans la ligne de Thatcher. Il était stupéfait de constater le manque d'intérêt du gouvernement du Canada dans ce qui constitue une technique de transformation de l'énergie. C'est une technique révolutionnaire. Il était tout aussi stupéfait de voir que le gouvernement du Canada ne comprenait pas ce qui se passait dans ce domaine et quelle en était l'importance.

Heureusement, on a remédié à la chose. L'accord de partenariat passé entre le gouvernement du Canada et Ballard vise à éliminer une partie de l'incertitude au moment d'aborder l'étape suivante d'un long cycle de développement de cette technique afin de pouvoir la commercialiser.

C'est tellement important que si l'on réussit à asseoir cette technique au Canada, notre pays en retirera d'énormes revenus à l'avenir, mais il faut attendre encore cinq ou 10 ans. Le niveau d'incertitude est considérable et c'est pourquoi ce partenariat m'apparaît comme un excellent investissement stratégique du gouvernement. S'il échoue, c'est parce que le marché ne remplit pas ses promesses, et le gouvernement reprend son argent, mais il faut se doter de ce type de capacité.

Laissez-moi souligner une chose. Les statistiques nous révèlent que l'appui accordé par notre gouvernement à l'innovation dans les entreprises reste inférieur de moitié par entreprise à celui des États-Unis. Nous sommes encore loin de prendre les mêmes engagements en raison des attitudes que vous avez évoquées au sujet de Bombardier, par exemple.

Toutefois, si vous faites comprendre cela à la population, elle prendra conscience de cette importance. Le personnel de Ballard ne s'engraisse pas; ce sont les spéculateurs qui s'engraissent et il vous faut bien faire cette distinction.

Le Dr McLennan: J'ai plusieurs réponses à faire en commençant par celle-ci, qui se rapporte entre autres à la question posée par M. Schmidt.

Nous sommes au stade de la formation. J'ai dit ce matin que nous avions plusieurs segments de la population à sensibiliser.

Je ne voudrais absolument pas que l'on pense que la faute en incombe uniquement aux politiciens ou au gouvernement. Nous avons nous aussi été négligents dans les milieux de la recherche et dans le monde universitaire. Nous ne sommes pas allés suffisamment dans nos collectivités locales répéter avec suffisamment de conviction que l'investissement dans la recherche était important.

Nous avons besoin de le faire, et nous commençons à le faire. Je dois vous avouer que notre confrérie a été négligente sur ce point. Nous nous attendions à ce que le contribuable finance la recherche dans notre pays et nous laisse agir à notre guise. Cela nous ramène à votre question,M. Schmidt, à savoir pourquoi il est si difficile de faire comprendre aux gens qu'il nous faut investir dans la recherche fondamentale, amorcer la pompe.

C'est difficile, parce qu'on n'en voit pas immédiatement les avantages. Si nous ne continuons pas à investir dans la recherche fondamentale, lorsque je serai un octogénaire nous n'aurons pas de nouvelles thérapies médicales ou de nouveaux traitements étant donné que la recherche n'aura pas été faite.

Il faut du temps pour passer de l'idée à l'application, concevoir le produit, appliquer la thérapie, fabriquer l'appareil médical, etc. Il y a toute une série d'étapes ici. C'est très difficile à comprendre pour les politiciens parce qu'ils ont tendance, comme quelqu'un l'a dit ce matin, à prendre les années quatre par quatre et non 10 par 10 ou 15 par 15. Il faut 10 ans et 250 millions de dollars pour mettre un nouveau médicament sur le marché.

Le Dr Mustard nous a parlé d'incertitude. Disons que l'on investisse dans une centaine de projets. Il y a peut-être une centaine de projets qui sont en cours à l'heure actuelle. Seul l'un d'entre eux va probablement déboucher sur un produit commercialisable.

Il nous faut capitaliser sur ce projet, bien entendu, mais sans laisser de côté les 99 autres idées parce que, même si elles ne sont pas toutes commercialisables, elles font avancer la connaissance et produisent de la richesse. Je considère que notre pays a fait preuve de négligence en ne tenant pas compte de cela.

Regardez la manchette publiée samedi dernier par le Globe and Mail: «Les raisons pour lesquelles David a quitté le Canada». Ce document est parfois poignant. Pourquoi le Globe and Mail consacre-t-il trois pages entières à cette histoire? C'est parce que c'est absolument fondamental pour le sujet qui nous occupe. Si nous perdons - c'est ce qui se passe à l'heure actuelle - nos meilleurs cerveaux en faveur d'autres pays, ce sont eux qui vont alors venir nous faire concurrence. Ils vont produire de la richesse ailleurs alors qu'ils devraient le faire ici. Nous devons conserver nos cerveaux au Canada, et nous en avons les moyens.

Vous n'avez pas eu le temps de lire notre proposition, bien entendu, mais je vous répète que nous avons fait une proposition dans le secteur de la santé qui, d'après moi, est un secteur qu'il nous faut en fait privilégier parce que son assise est étendue et parce qu'il offre un grand potentiel.

Il faut voir que tous les mécanismes sont déjà en place. Nous avons à l'échelle du pays une structure de centres de santé universitaires prête à aller de l'avant. Nous avons des structures administratives nous permettant, par l'intermédiaire des conseils subventionnaires, de faire accorder des subventions par les pairs et de superviser l'opération de manière à rentabiliser au mieux l'argent investi dans la recherche. Nous avons chez nous les outils, et l'industrie le sait dans le monde entier.

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Avec une part de trois pour cent seulement à l'échelle mondiale, le Canada n'est qu'un petit intervenant, pourquoi l'industrie voudrait-elle investir chez nous? Elle le fait parce qu'elle sait que nous avons des gens compétents. Nous avons des chercheurs de talent. Nous devons maintenir ce cadre pour que l'on investisse au Canada. Nous devons capitaliser sur cet atout.

Je vous réfère à notre proposition de base. C'est une stratégie devant permettre de créer rapidement des emplois à forte valeur ajoutée et à faible coût.

Dans l'intervalle, monsieur le président, nous devons continuer à sensibiliser notre population, nos collectivités locales. Avec mes collègues, je prendrai le temps d'aller voir ces collectivités pour leur dire à quel point c'est important.

Je vous remercie.

Le président: Docteur Gauthier.

Le Dr Gauthier: J'aimerais répondre à la question soulevée par M. Murray, à savoir ce que vous pouvez faire en votre qualité de parlementaire pour améliorer la situation.

Il se trouve que je suis le fils d'un député qui a siégé 19 ans au Parlement. Il représentait une circonscription du nord-est de la province du Québec, celle de Roberval.

D'abord, je dois vous dire que les députés gagneraient beaucoup en crédibilité s'ils prenaient le temps de comprendre ce que nous essayons d'expliquer ce matin. Il s'agit d'un élément déterminant pour notre futur économique, sur les plans de la croissance et de l'emploi au Canada.

Deuxièmement, je crois qu'une partie du cynisme que nos compatriotes affichent à votre égard tient au fait que les débats actuels manquent de substance. Je veux dire que les gens sont sans doute fatigués d'entendre toujours les mêmes choses et de toujours tourner en rond, alors même qu'ils constatent le déclin du mode de vie au Canada.

Nous proposons une nouvelle façon d'envisager la chose, de faire face aux défis qui nous attendent et de transformer ce qui est essentiellement une situation très triste en une opportunité. Si les députés voulaient prendre le temps d'éduquer les Canadiennes et les Canadiens, nous serions disposés à les aider dans cette tâche. C'est ce que nous essayons d'ailleurs de faire en nous présentant devant vous et en publiant des articles dans les pages «affaires» des quotidiens nationaux. Et nous y réussissons très bien.

Mais à présent, nous avons besoin que vous nous renvoyiez la balle. Ce comité pourrait jouer un rôle déterminant en offrant une tribune où nous pourrions parler de toutes ces questions.

Vous avez consacré beaucoup de temps aux règlements touchant au système bancaire, dans l'ancienne économie, ainsi qu'à tout ce qui s'y rattachait mais, comme le disait le Dr Mustard, ce n'est pas vraiment là que se trouve la véritable source de richesses pour notre économie nationale.

Ce qui importe maintenant dans la nouvelle économie, c'est la connaissance. Le ministre des Finances l'a déclaré l'an dernier quand il a comparu devant le Comité des finances. C'est là la voie qu'il convient d'adopter, et c'est ce que vous devriez faire.

Ainsi, les députés pourraient gagner beaucoup en crédibilité. Ils feraient preuve de vision en expliquant cette réalité. Ils pourraient mettre leur personnel au service de leurs électeurs, dans leurs circonscriptions.

Nous pourrions faire équipe avec vous pour cela, et nous nous réjouirions de le faire.

Le président: M. Schmidt veut intervenir brièvement, après quoi je donnerai la parole àM. Godfrey. Nous aurons beaucoup de temps, monsieur Murray, pour revenir sur d'autres aspects.

M. Schmidt: Il y a certaines choses que je ne peux m'empêcher d'aborder.

D'abord, monsieur Gauthier, vous serez sans doute content d'apprendre que notre comité est parvenu à sensibiliser le milieu bancaire qui emploie désormais des spécialistes de l'industrie de l'information. Je ne crois pas que cela suffit, mais les banques emploient ce genre de personnes ce qui est déjà un important progrès.

Par ailleurs, vous avez parlé de la nécessité d'instiller un peu de substance dans les débats et de faire du positionnement. Eh bien, monsieur le président, je crois que nous allons bientôt avoir l'occasion rêvée de faire nos preuves sur ce plan, à l'occasion de l'examen du projet de loi C-91 concernant les produits pharmaceutiques. Je crois que nous pourrions avoir ce genre de débat de substance que vous réclamez même si, comme vous le savez, il risque de graviter beaucoup plus autour des positions politiques que des questions de fond.

J'estime donc qu'il est très important que nous reconnaissions tous à quel point les chercheurs et ceux qui veulent vraiment nous faire comprendre que nous devons tenir un débat de fond, que cet aspect joue un rôle déterminant sur les plans de la croissance et du développement économique... plutôt que de nous préoccuper de nos propres intérêts et de questions très temporaires, ne concernant que le très court terme.

Le Dr McLennan: Puis-je enchaîner sur ce qui vient d'être dit, monsieur le président?

Le président: Oui.

Le Dr McLennan: Vous serez peut-être intéressés de savoir que j'ai porté une casquette différente, il y a dix ans, à propos des projets de loi C-22 et C-91.

Une voix: Surprise, surprise!

Le Dr McLennan: Surprise, surprise!

Et, effectivement, je me réjouis de prendre part à ce débat que je juge très important. Il y a des arguments pour le pour et pour le contre. Nous avons hâte d'entamer ce débat et je puis vous garantir que la CRBS envisage déjà de rédiger un document de principes.

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Le président: Nous vous donnerons la possibilité plus tard de revenir sur ce sujet.

Monsieur Godfrey, je vous en prie.

M. Godfrey (Don Valley-Ouest): Je dois vous dire qu'il m'est agréable de retrouver mon ancien patron, Fraser Mustard. Je me réjouis aussi de revenir à mon ancien comité, c'est un peu comme si je me retrouvais chez moi.

Ce que j'ai surtout retenu de la réponse donnée à la question de Ian Murray, c'est la façon d'éduquer les gens et de nous éduquer nous-mêmes. J'ai l'impression que l'amorce même de cette réponse tient dans la façon dont nous percevons l'articulation de l'innovation. Je pensais que les deux modèles proposés par Fraser, qui sont essentiellement dérivés de la théorie de Dick Lipsey - autrement dit le modèle néoclassique et le modèle sans structure - sont au centre de toute cette question. Tant que les parlementaires que nous sommes ne se seront pas fait une idée claire de la façon dont tout cela fonctionne, nous n'aboutirons à rien. On ne peut pas vraiment parler de déficit d'innovation tant qu'on n'aura pas défini la nature et l'origine de ce déficit.

Je m'adresse ici en fait au Dr Mustard, plus qu'à n'importe qui d'autres. Pour présenter cela de façon dramatique, sans trop simplifier la chose, quand vous dites que les caractéristiques du premier modèle... il y a des intrants qui se rattachent à la fonction production et à la performance économique. Or, selon moi, la seule chose qu'on retrouve à la rubrique production, pour un économiste néoclassique, touche essentiellement à l'hypothèse voulant que c'est au marché de décider. Autrement dit, il faut laisser faire le marché, il faut s'écarter du chemin, il ne faut pas faire obstacle, il faut favoriser des conditions équitables pour tous, ne pas émettre de faux signaux et ainsi de suite. Il s'agit d'un modèle très simple qui domine actuellement à Finance Canada.

L'autre modèle est beaucoup plus complexe, parce que ce que vous appelez la fonction production est désormais une structure de facilitation ou «boîte noire». Nous avons là affaire à tout un ensemble de composantes qui, collectivement, constituent un système. Il ne s'agit pas d'une activité aléatoire. Il ne s'agit pas simplement d'un ensemble de décisions touchant au marché. Tout cela ne tient pas uniquement au hasard. Il s'agit d'un système, d'une structure. Ce n'est pas très bien connu, mais c'est quelque chose qu'on peut envisager intentionnellement. Tout se tient et tout est lié à un niveau bien supérieur à celui d'un seul secteur. En d'autres mots, comme le disait le Dr Mustard, il s'agit d'un système sociétal. On y retrouve tous les autres intrants liés à la qualité du système d'éducation lequel, en fin de compte, a une incidence sur la qualité des gens qui travaillent dans le système.

Peut-on résumer cette structure de facilitation? Si vous voulez vraiment qu'on parle du déficit d'innovation, alors je crois qu'il faut opter pour le modèle sans structure. Sinon, il n'est plus question d'intervenir et on laisse alors le marché décider. Est-il utile ou envisageable de formuler tout cela d'une façon qui soit accessible tout en demeurant authentique? Est-il utile ou envisageable de parler de «boîte noire» ou de structure de facilitation à l'heure de la concurrence, puisque c'est de cela dont il s'agit, de parler de systèmes nationaux d'innovation - ces formules sont-elles utiles? - d'une équipe Canada? Quoi qu'il en soit, cela veut dire qu'on a affaire à d'énormes quantités d'éléments, et si l'on parvenait à les regrouper d'une façon logique - si l'on pouvait déterminer là où se trouvent les déficits, si l'on pouvait en déterminer la nature et savoir là où le bât blesse - on serait beaucoup mieux loti que si l'on s'en remettait simplement au marché. Nous avons ici affaire à deux approches fondamentalement différentes.

Fraser.

Le Dr Mustard: Bon élève.

M. Godfrey: C'est ce que nous appelons, à la Chambre des communes, une question à rallonge.

Le Dr Mustard: D'abord, si vous n'en avez pas encore pris connaissance, je recommanderais à tout le monde de lire le document de Pierre Fortin et d'Elhanan Helpman, rédigé pour Industrie Canada. Tous deux sont membres du programme de croissance économique de l'institut. C'est le document le meilleur et le plus simple sur la croissance économique et l'innovation endogène, deux aspects dont vous parlez. On y énonce un certain nombre de principes très fondamentaux que je vous inviterais à reprendre dans vos recommandations. Je ne m'y attarderai pas, parce que vous pouvez vous-même lire le résumé et tirer vos propres conclusions.

Il a également le document le plus récent de Lipsey, rédigé pour le compte du C. D. Howe Institute, dont je vous ai fait remettre un exemplaire. Pour la première fois, Dick admet l'échec de l'économie néoclassique. Rappelons qu'il a rédigé des textes didactiques sur l'économie qui font référence en Amérique du Nord et au Royaume-Uni.

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Dick est très dur au sujet de l'échec de l'économie néoclassique et quand un type comme lui s'en prend publiquement à cette théorie, je peux vous dire que vous disposez, en tant que parlementaires, d'un puissant instrument vous permettant de contrer tous ceux qui ne voudraient pas emboîter le pas à Dick, lequel est d'ailleurs appuyé sans réserve par des gens comme Romer et Helpman, qui comptent parmi les plus éminents économistes du monde.

Vous devriez y consacrer un peu de temps. Je suis prêt à me mettre à votre disposition. Si un groupe de parlementaires veut passer un peu de temps pour appréhender cette question, nous nous organiserons pour vous y aider. Je ferai appel à mon collègue, Peter Nicholson, pour nous aider dans cette tâche, monsieur le président.

John vient de soulever une question qui a une énorme importance. Si nous ne la comprenons pas, vous ne parviendrez pas à progresser. Mes collègues qui sont assis à ma gauche pourront vous expliquer de façon nette et sans détour pourquoi cela est important, mais tant que vous ne replacez pas cette question dans un contexte plus large, vous ne parviendrez pas à faire passer le message, parce que vous avez affaire à des structures institutionnelles, à des économistes travaillant pour les banques, etc., qui n'en sont pas encore là. On en est encore au contenu de la rubrique «Report on Business» du Globe and Mail, qui en est encore loin. Je tiens donc à insister sur l'importance de la question de John.

Quand on pense au petit tableau I du document de Elhanan Helpman, que je vous ai montré, tableau qui montre l'effet d'une augmentation de 0,5 p. 100 de R-D sur la croissance économique, on se rend compte qu'il s'agit d'un document extraordinaire. Cette formule est tellement fondamentale pour nous permettre de parvenir à une augmentation de 16 p. 100 de notre richesse, par rapport aux9 p. 100 ou aux 10 p. 100 des autres pays, que je ne vois pas pourquoi vous n'y sautez pas carrément dessus. Le premier ministre parle de création d'emplois. Eh bien voilà la réponse à ce problème. Si vous n'adoptez pas cette formule, vous ne pourrez générer le flux de revenus qui vous permettra de générer des emplois.

Mes collègues vous ont mentionné un domaine qui présente un potentiel énorme. Il y en a d'autres - et j'espère qu'ils ne m'en voudront pas de vous le signaler - que je connais bien et qui marchent déjà au Canada.

John vous a également dit que vous devez comprendre ce qui est à l'intérieur de la boîte noire. Vous devrez passer un peu de temps pour cela.

Je vous ai montré une diapositive, une diapositive fantastique, expliquant le processus d'innovation complexe de M. Kline. J'ai rencontré le professeur Kline à Stanford, il y a environ dix ans; c'est alors qu'il m'a montré ce tableau. Au bout d'une heure, j'avais un virulent mal de tête; lui, était capable de naviguer dans ce tableau portant sur la recherche fondamentale - la recherche appliquée, les fonctions de production et de développement - comme seul un ingénieur très intelligent ayant travaillé dans l'industrie peut le faire. Il vaut la peine de prendre le temps de comprendre ce tableau, parce que toutes les politiques micro-économiques que vous envisagez s'y rapportent. En fait, il représente la fameuse boîte noire. Mais je ne vous l'expliquerai pas aujourd'hui.

Donc, John, vous avez raison quant à l'importance de cet aspect. La bonne nouvelle c'est que, par rapport à la situation d'il y a dix ans, nous pouvons à présent compter sur un contingent beaucoup plus important de gens qui le comprennent. Il y a les fonctionnaires d'Industrie Canada etPeter Nicholson m'a dit que même les gens des Finances comprennent ce...

M. Godfrey: Allons donc! Incroyable!

Le Dr Mustard: C'est Peter qui me l'a dit. Je ne puis vous dire si c'est vrai ou faux.

Quoi qu'il en soit, il nous suffit de nous appuyer sur ces joueurs. Nous devons collaborer avec eux pour générer l'effort collectif nécessaire à l'avancement sur ce plan.

Je réitérerai l'importance de la question posée par John et je dirai qu'il s'agit là d'une base sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour faire progresser les choses. Si vous parlez de cette question de la boîte noire au grand public non initié, celui-ci n'éprouvera aucune difficulté à comprendre. Il pourra comprendre pourquoi c'est important.

Les enseignants peuvent comprendre ce concept. Nous nous sommes livrés à une expérience. Nous avons retenu le sujet dont je vous parle aujourd'hui pour le tester sur des élèves du secondaire. Eh bien, ils sont à même de le comprendre et ils en viennent même à changer d'attitude envers la chose.

S'il n'en tenait qu'à moi, je pousserais beaucoup plus dans ce sens, parce que j'ai abandonné du côté des universités. Je répugne d'ailleurs à le reconnaître. Mais si vous pouvez amener les élèves du secondaire à comprendre cette réalité, imaginez le potentiel dont vous disposez pour faire avancer la société tout entière. Nous avons, au Canada, les moins de 30 ans qui sont très en colère, qui en a assez de nos générations.

Le président: Si la personne qui a posé la question me le permet, j'aimerais poursuivre dans la même veine.

Nous avons essentiellement retenu de notre travail à propos du Régime de pension du Canada que, dans nos communications, nous pensions que nous avions affaire à des gens qui étaient sur le point de recevoir leur pension. Nous n'avons jamais pensé à ceux qui n'en sont pas encore là, qui ont encore trente ans à attendre et qui craignent que le RPC n'existe plus quand leur tour viendra. Si le gouvernement doit parler de sécurité économique, nous ne devons plus envisager notre auditoire de la même façon.

Pour ce qui est du milieu scientifique, je me dis que nous avons un petit groupe de parlementaires qui peuvent toujours se creuser la cervelle. Comme le disait M. Murray, comment pouvons-nous nous y prendre pour amener nos collègues du caucus à s'intéresser à ce dossier? En ce qui vous concerne, de votre côté, - et nous partageons vous et moi le même bagage - je sais qu'il y a des problèmes dans votre milieu, mais, pour l'essentiel, vous êtes en prise avec la réalité. Quelle est l'étape suivante? Il n'est pas question de se tourner simplement vers le grand public. Comme vous le disiez, Dr Mustard... faut-il commencer par s'adresser aux élèves du secondaire? Dans une stratégie de communication, préciserions-nous que nous devons nous concentrer sur les élèves du secondaire, ou sur un autre groupe? De façon pratique, quelle est l'étape suivante qui doit présider à l'ouverture de ce débat?

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Le Dr Mustard: Eh bien, je me fonde sur l'expérience plutôt inhabituelle de quelqu'un qui s'adresse à des groupes très variés, à l'échelle du pays. Nous sommes en pleine explosion de l'autoroute de l'information et quelques-uns d'entre nous ont essayé de réunir différents intervenants représentant des collectivités aussi diversifiées que Montréal, Port-au-Port, à Terre-Neuve, la Saskatchewan - le Conseil tribal de Meadow Lake, et Edmonton.

Je prends le temps de rencontrer tous ces gens-là pour discuter avec eux de l'intégration plus large de ce sujet. Ils accueillent fort bien le cadre que nous proposons, mais ils doivent pouvoir accéder à un système d'information qui leur permettra d'intégrer toutes les questions touchant à la croissance économique, à la science et à la technologie ainsi qu'aux qualités fondamentales de la société.

J'ai soutenu auprès de certains de vos collègues du gouvernement et du Bureau du premier ministre qu'ils devraient capitaliser sur ce que nous avons fait à Winnipeg, il y a un an. Nous avons rassemblé les représentants d'un peu plus d'une douzaine de collectivités canadiennes qui tentent d'appréhender ces changements socio-économiques complexes. Je vous replace tout cela dans un contexte plus large, parce que j'estime que c'est ainsi qu'on peut faire passer le message.

Auparavant, tous ces gens ne se seraient jamais rassemblés parce que des barrières linguistiques et politiques les séparent; si nous y sommes parvenus, c'est parce que nous ne représentons pas le gouvernement. J'ai demandé aux gens du Bureau du premier ministre pourquoi ils n'ont pas recours à l'autoroute de l'information pour amener ces collectivités à se parler entre elles, puisque cela leur permettrait ensuite de verser leurs informations sur le système. Voilà quelque chose que vous pourriez faire et qui est incroyablement puissant. Cette réunion s'est déroulée dans votre circonscription de Winnipeg.

Nous n'avons pas fait de bruit autour d'elle et je n'ai fait que franchir une petite étape de plus pour la rencontre d'Edmonton, qui a été organisée par le responsable de la Edmonton Community Foundation, qui se trouvait être l'ancien chef de police d'Edmonton. Quel type extraordinaire... je l'avais vu à la télévision quand il était encore chef de police. À l'époque, il soutenait que le problème de la délinquance et de la criminalité juvénile prend ses racines avant l'âge de 5 ans. Je m'étais dit alors: nom de nom, quand on a un chef de police qui peut faire cela...

Plus tard, je me suis rendu compte que la même personne avait pris la direction de la Edmonton Community Foundation. Il a rassemblé autour de lui tous les chefs de file de la collectivité, dont le président de PCL, une des plus grandes entreprises de construction multinationales. Tous sont résolument engagés à bâtir la nouvelle économie, à maintenir à Edmonton des multinationales de classe internationale, mais de souche locale - ce qui est le cas de PCL - et à commencer à corriger les problèmes sociaux liés au changement.

J'estime que nous avons une possibilité inouïe d'y parvenir et le gouvernement du Canada peut jouer un rôle en la matière en ayant recours à l'autoroute de l'information pour créer des liaisons et verser l'information dont les gens se serviront d'une façon qui peut s'avérer des plus utiles. Je suis certain qu'on pourrait y parvenir et j'ai proposé au ministre de la Santé d'utiliser ce drôle de réseau, mais il n'a pas encore répondu à mon invitation.

Le président: Revenons-en à M. Godfrey. Veuillez excuser cette intervention.

M. Godfrey: J'ai été plutôt absent de ce comité auquel j'appartiens vraiment. Je pensais simplement qu'à cette étape... c'est tellement stressant de revenir, pour un ancien président. On se sent comme un visiteur de l'au-delà qui viendrait s'intéresser aux idées du comité.

Il m'apparaît qu'à ce stade des délibérations du comité, il importe d'organiser l'information sous une forme s'apparentant à celle d'un diagramme de câblage exposant la façon dont on estime que les choses fonctionnent. Il est très utile de pouvoir s'appuyer sur des modèles de substitution présentant la façon dont les gens expliquent l'articulation des choses.

Je pense que le modèle sans structure permet non seulement de disposer de cadre de compréhension plus large, mais également d'embrasser des possibilités de nature stratégique du genre de celles dont vous parliez plus tôt, parce qu'elles en découlent naturellement. On part du principe que si l'on réunissait tous les morceaux, à l'échelle du pays, et si l'on dépoussiérait tous les actifs sur lesquels on peut compter, on pourrait aller encore plus loin en procédant suivant un objectif, et d'une façon dirigée - non pas par nous, mais sous l'impulsion de l'effort entrepris. Si nous parvenions au genre de consortium que ces messieurs recherchent, on aboutirait alors à un projet de société, si je puis ainsi dire. Donc on aurait un projet de société.

Le Dr Mustard: J'espère que votre comité pourra rencontrer certaines personnes clés de Statistique Canada et que vous pourrez vous en faire des alliés pour établir des points repère qui vous permettront d'évaluer votre progression.

Le président: Vous en avez déjà parlé plus tôt, et j'en ai pris bonne note. Nous avons déjà tenu deux réunions. Nous accueillons régulièrement les représentants de ces ministères qui se montrent très enthousiastes. Ils viennent juste d'entamer certaines de leurs études de base. Ils sont très désireux de poursuivre dans ce sens et ils nous ont fourni certains renseignements. Nous avons eu une très bonne discussion de nature technique à ce sujet, et je vous confirme que j'ai pris bonne note de votre remarque.

Je vais à présent donner la parole à M. Lastewka, qui est vice-président du comité et qui effectue des recherches indépendantes sur la commercialisation de certains travaux entrepris en science et en technologie. Monsieur Lastewka.

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M. Lastewka (St. Catharines): J'ai beaucoup aimé l'intervention des témoins de ce matin. J'estime que vous avez plusieurs fois visé juste. J'étais en train de transmettre une de nos recommandations à mon collègue, qui siège aussi au comité spécial du premier ministre.

Je me propose de vous entretenir de deux aspects qui m'agacent depuis le début de ces délibérations. Il y a d'abord la question qu'a soulevé M. Godfrey. Chaque fois que nous avons accueilli des témoins ou que nous avons eu des réunions en privé, il a beaucoup été question du fait qu'il faut vraiment comprendre le système. On parle alors de topographie et quand j'ai posé des questions sur les procédures et le système de recherche et de développement en science et en technologie au Canada, je me suis fait répondre que je ne devrais pas employer de tels mots que je devrais plutôt parler de «tissu national en recherche et développement».

M. Mustard a fait certaines remarques sur le système, notamment. Nous devons, d'une façon ou d'une autre, parvenir à l'expliquer un peu mieux aux Canadiennes et aux Canadiens. Il nous faut comprendre que si tous les gens n'ont pas deux diplômes universitaires, ils doivent cependant comprendre le système, parce que nous les aidons de bien d'autres façons. Ce sont eux qui récoltent les fruits de l'arbre, mais ce sont eux aussi qui sont prompts à nous critiquer quand nous dépensons de l'argent que ce soit pour les universités, les laboratoires gouvernementaux ou dans différentes entreprises et sous différentes formes d'investissement.

Vous avez dit que nous nous sommes très loin derrière certains pays en termes de dépenses, mais quand je demande aux témoins si quelqu'un peut m'aider, en ma qualité de député, à expliquer cela à mes collègues... supposons que nous aurions dû l'expliquer lors de l'assemblée publique de l'autre soir avec le premier ministre, organisée par la CBC. Qu'auriez-vous montré à ces gens?

Le Dr Mustard: Vous me posez la question?

M. Lastewka: Oui.

Le Dr Mustard: Eh bien si je puis allumer mon projecteur, je vais vous montrer un petit tableau qui s'est avéré être un excellent instrument didactique. Mon ami Dick Lipsey a contribué à sa conception.

On y voit le secteur de la société qui est l'instrument de création de richesse primaire. Un résident de Sudbury peut comprendre ce tableau, parce que le coin supérieur gauche représente Falconbridge et Inco. Si Falconbridge et Inco ferment, toutes les autres composantes ici seront touchées. Il fait état des aspects que nous baptisons de création de richesses primaires. Adam Smith, lui, parle de main-d'oeuvre productive.

Soit dit en passant - et mes collègues assis à ma gauche ne vont pas m'aimer pour cela - Adam Smith dit des médecins, dont je fais partie, qu'ils sont des laquais improductifs. Pour lui, le système de soins de santé - qui apparaît à droite sur la diapositive - dépend du fonctionnement du secteur primaire. Nous en avons maintenant d'abondantes preuves au Canada, parce que notre échec du côté gauche a réduit notre base de richesse nationale, ce qui rend difficile le maintien des acquis du côté droit.

Vous pourrez présenter ce tableau à des fonctionnaires et vous verrez qu'ils l'intègrent, qu'ils le comprennent. Vous pourrez faire la même chose avec des enseignants et vous parviendrez au même résultat, mais il vous faudra un peu plus de temps. Nous ne parvenons pas vraiment à admettre que les nouveaux concepts de la croissance économique donnent en fait raison à Adam Smith et qu'il existe bel et bien une fonction de création de la richesse primaire dans la société.

Vous pourrez passer beaucoup de temps sur ce tableau avec vos auditoires et vous verrez que les gens s'y retrouvent. Ils se rendent compte pourquoi le coin supérieur gauche est important, et ils sont capables de faire la différence entre le travail effectué dans le coin supérieur gauche et celui réalisé par les gens du coin inférieur gauche, comme ceux des institutions financières qui jouent avec l'argent mais qui ne font pas vraiment progresser la richesse du pays, parce qu'ils n'ont pas investi dans les activités du coin supérieur gauche.

Je tenais à vous montrer cela, parce que nous nous sommes rendu compte que c'est un instrument très utile pour amener les membres de nos auditoires à comprendre le contexte de ce dont nous parlons.

Je me demande si cela vous a été utile. Voulez-vous que je clarifie un peu la chose?

.1140

M. Lastewka: Effectivement. C'est là une amorce. Dans notre effort visant à comprendre notre système global de recherche au Canada - notre système d'innovation - je rencontre de plus en plus de gens qui posent des questions à ce sujet et j'essaie de trouver une façon simple de leur expliquer ce dont il retourne.

Le Dr Mustard: Il en découle - et mes collègues à ma gauche pourraient mieux vous en parler que moi - qu'on s'achemine vers une économie qui n'est plus fondée sur l'objet, mais sur l'idée. Il y a là une différence importante et les gens peuvent la saisir. Qui dit idées dit création d'idées, flux d'idées et utilisation d'idées, ce qui nécessite le fameux contenu de la boîte noire dont Dick Lipsey parle. Je vous ai montré l'illustration de la façon dont cela fonctionne selon Kline.

Il est important que les gens comprennent que ce processus n'est pas linéaire. Il est interactif et il est capital de comprendre cela. Nortel ne serait pas là si l'entreprise n'avait pu articuler sa recherche suivant un système interactif dynamique. Les gens peuvent comprendre ce phénomène quand on utilise des exemples, appropriés aux différents auditoires.

Vient ensuite la question de savoir comment on peut maintenir cela et comment on peut permettre l'émergence de structures institutionnelles en vue de favoriser ce genre d'interactions. Les gouvernements peuvent concevoir les systèmes, mais il est également possible que des privés mettent les systèmes sur pied quand on crée l'environnement voulu pour cela. On peut donc mentionner toute une série d'exemples permettant d'illustrer ce mécanisme. Je vais vous citer celui avec lequel je suis le plus en résonnance, le cas de Ballard Power Systems. L'entreprise part simplement de membranes, les recouvre de platine, les empile et les soumet à un processus d'hydrogénisation et d'oxygénation. Cela produit de l'électricité, un peu d'eau et un peu de chaleur, et le processus est non polluant.

Dès qu'on explique tout ce qui entre en ligne de compte, comme l'acquisition des membranes, faites d'un matériau répondant parfaitement à ce genre de besoin, les gens commencent à voir ce dont il s'agit. Quand on leur explique le rôle du platine en tant que catalyseur on aborde la question des réactions chimiques et la façon dont le tout se déroule. Si les gens comprennent, on leur explique alors les principes d'ingénierie, comme l'utilisation de la puissance et sa transformation en énergie synectique. C'est ainsi qu'on peut propulser à l'hydrogène un gros autobus. C'est donc en citant des exemples réels et en expliquant ce qu'il faut faire pour parvenir là où l'on est...

Nous pourrions mieux nous y prendre pour raconter ce genre d'histoires. Mes collègues pourraient vous citer quelques très bons exemples touchant aux sciences biologiques. Mais nous n'avons pas vraiment pris le temps de raconter tout ce qui se passe aux gens pour leur permettre de comprendre.

J'estime donc que les deux enjeux principaux sont les suivants: comprendre où se trouve la source de création de richesse primaire, et expliquer la façon dont on peut y parvenir et le temps qu'il faudra pour cela. Je vous ai juste cité l'exemple du gros autobus propulsé à l'hydrogène. Cela permet d'attirer l'attention, même quand on imagine le premier ministre au volant.

M. Lastewka: Je suis heureux que vous ayez parlé de la nécessité de raconter ce qui se passe, parce que c'est là le thème de ma prochaine question.

L'année dernière, plusieurs de mes collègues et moi-même avons essayé d'accorder le plus d'attention possible à ce qui s'est dit lors de la Semaine nationale des sciences et de la technologie. Tout au cours de cette semaine, je n'ai pas passé plus d'un jour dans la même région. Eh bien, j'ai constaté qu'on n'a fait que peu de promotion, qu'on n'a distribué que peu d'information et qu'on a peu renseigné le public sur la science et la technologie. M. McLennan, je pense, a dit que nous devons faire un meilleur travail en matière d'information du public. Et il faut le faire au niveau des provinces, parce que les gens pensent à leur province et à leur collectivité, et à tout ce qui se passe, mais ils doivent savoir ce qui dont il en retourne dans le domaine de la science et de la technologie à l'échelle du Canada pour comprendre ce qui se passe dans leur région.

Vous avez dit que les politiciens raisonnent par tranches de quatre ans, et je le comprends. Quand j'étais en campagne, il y a trois ans - bientôt quatre - et que je parlais d'environnement, de technologie et d'avenir, ou encore que je parlais de recherche et de développement, je prêchais dans le désert. Mais tout de suite après les élections, c'est incroyable l'appui qu'on m'a apporté au sujet des sciences et de la technologie et le désir que les gens m'ont exprimé de recevoir des subventions, même les universités.

Que prévoyez-vous de faire pour informer le public ou pour réfuter certaines informations, comme celles parues dans le Globe and Mail qui a publié trois pages sur l'état misérable de notre pays et sur les raisons expliquant le départ de certains de nos cerveaux à l'étranger, plutôt que de fouiller un peu plus la question et d'expliquer que nous devrions investir?

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Le Dr McLennan: Merci, monsieur le président.

Pour en revenir à votre première question, si vous me le permettez, vous vouliez savoir ce que je montrerais dans les réunions publiques. Vous vouliez savoir ce que je dirais aux gens. Eh bien, tout d'abord, je leur montrerais ce tableau. Les résultats d'un sondage publié, je crois, par le ministère des Finances en août dernier et montrant tous les aspects qui préoccupent les Canadiennes et les Canadiens avec, en tête de liste, l'éducation suivie de la santé.

Deuxièmement, je leur montrerais ce tableau. Je poursuivrais en parlant d'éducation. Et si vous m'autorisez une petite digression, sachez que je trouve excellente l'idée voulant qu'on utilise Internet. Tous les jeunes Canadiens de moins de 25 ans, et surtout ceux de moins de 20 ans et sans doute ceux de moins de 10 ans, savent se servir d'un ordinateur. Ils comprennent l'Internet et ils peuvent accéder à n'importe quoi en quelques minutes seulement.

J'ajouterai, monsieur le président, que la CRBS a une page d'accueil. Nous nous en servons comme véhicule de communication. Nous y versons toute notre documentation, nos études et nos rapports. Nous nous en servons pour évaluer la façon dont nous communiquons avec le milieu, avec nos parties prenantes et ainsi de suite. Je ne puis qu'appuyer ce que le Dr Mustard a dit. J'estime qu'il s'agit-là d'un mécanisme qui devrait être beaucoup plus utilisé par le gouvernement, par le milieu de l'enseignement et par l'industrie en vue de communiquer les bénéfices de la R-D.

Je vais revenir à ce tableau. Nous devons améliorer notre culture scientifique au Canada. Nous n'avons pas tous besoin d'être des scientifiques, mais nous devons éduquer le grand public quant aux avantages de la science, qu'il s'agisse de recherche biomédicale ou de recherche sur la science du comportement, afin d'essayer, par exemple, d'expliquer aux jeunes femmes qu'elles ne devraient pas fumer. Vous avez vu les données récentes sur la mortalité par cancer du poumon chez la femme. Le tableau fait ressortir un écart de 20 ans entre le moment où une victime du cancer commence à fumer et celui où elle décède. Ce n'est là qu'un exemple.

Je vais en revenir à l'argument de la production de richesse. Il ne revient pas à l'industrie d'assumer toute la recherche fondamentale. Elle ne le peut pas et elle ne le veut pas. L'industrie poursuit un programme précis. Je vais en revenir au point clé, c'est-à-dire au fait qu'il incombe au gouvernement de favoriser ce genre d'environnement, de maintenir l'environnement nécessaire à la R-D, de maintenir l'environnement permettant la création de PME et l'élimination de la paperasserie imposée par les règlements.

Pour ce qui est du décalage dont vous parliez, il faut jusqu'à cinq ans de recherche avant qu'une PME soit lancée. Puis, il y a un nouveau décalage - de deux à trois ans - avant que l'entreprise ne prenne de l'expansion et il faut attendre encore plus longtemps pour qu'elle parvienne à maturité. On voit donc qu'il y a un cycle et cela permet aux gens de comprendre que, lorsqu'on investit dans la recherche, on n'obtient pas de résultat en une année, et qu'il faut attendre quatre peut-être même cinq ans. Il faudra peut-être même dix ou quinze ans, mais il faut passer par là. Il faut effectuer ce genre d'investissement pour se rendre compte qu'il y a un certain potentiel au bout du chemin.

Au Canada, par le passé, nous avons bien sûr créé beaucoup de richesses, parce que nous avions une économie fondée sur les ressources naturelles. Mais tout cela est fini. La nouvelle technologie s'appelle connaissance et information et, comme nous vous l'avons dit ce matin, plusieurs secteurs sont concernés.

Nous avons, j'espère, été très clairs au sujet du secteur de recherche médicale. Il y en a d'autres, j'en conviens, mais je pense que le secteur de la recherche médicale est celui où nous pouvons intervenir et apporter certains changements pour capitaliser sur nos investissements. Nous pouvons capitaliser sur l'investissement que nous avons effectué dans notre jeunesse, par le biais de la formation. Si on leur donne des emplois, ils deviendront des contribuables et ainsi de suite. Mais il y a plus que cela encore. Nous retirerons les bénéfices de la recherche. Voilà ce que je dirais lors des forums politiques.

Le président: Dr Gauthier.

Le Dr Gauthier: Pour répondre à votre question d'un point de vue pratique, je dirais qu'en 1988, j'étais un des membres fondateurs du Comité consultatif sur la sensibilisation du public à la science de la Société royale du Canada. Nous avons collaboré, principalement avec Industrie Canada, à la mise sur pied de la Semaine nationale des sciences et de la technologie et à toute cette série d'événements.

Je demeure convaincu de l'importance qu'il y a de sensibiliser le public au sujet de la science, ce dont vous avez également parlé. Je suggérerai ici que la meilleure façon de s'y prendre, pour être authentique et concret, consiste à rencontrer les électeurs, dans vos milieux, dans vos collectivités.

Pour prendre un exemple concret, servons-nous de ce qui se passe en biotechnologie - comme à BiochemPharma, au Québec, mais ce pourrait être aussi le cas de Vascular Therapeutics de Hamilton, en Ontario - afin de montrer comment ces entreprises ont évolué. Quel panier de cerveaux ont-elles dû avoir pour attirer des investisseurs, pour élaborer des produits ou des services, pour en arriver à réaliser des bénéfices et pour créer des emplois? Quelle est la meilleure façon de s'y prendre. Dans tous les cas, il faut citer des exemples qui parlent pour ceux et celles qui vous écouteront, pour les gens du coin, pour qu'ils se rendent compte qu'il y a des histoires à succès et qu'il est possible d'aller plus loin à partir de là.

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Deuxièmement, je ne crois pas que le grand public soit très loin de comprendre l'importance, par exemple, de la science et de la technologie en matière de création d'emplois.

J'aimerais revenir sur le sondage dont a parlé le Dr McLennan et qui a été publié par le ministère des Finances en août dernier. L'autre question importante de ce sondage se présentait sous la forme d'une question à choix multiples. Les gens étaient invités à préciser, parmi six choix, l'initiative qui était la plus susceptible de créer des emplois au Canada. Vingt-huit pour cent des répondants ont choisi l'investissement en science et en technologie, plutôt que l'investissement dans l'infrastructure, dans la construction ou dans le reste.

Ils ont donc l'impression que c'est un domaine important et c'est une bonne base sur laquelle vous et nous pouvons nous appuyer. La question qui se pose consiste à savoir comment nous pouvons, en fait, les amener à comprendre la relation entre la science, la technologie et la croissance économique? Mais ils ont, a priori, l'impression que la science et la technologie sont importantes, c'est du moins ce que démontre ce sondage.

Pour les répondants, la santé et l'éducation viennent bien sûr au premier rang de leurs préoccupations, mais ce que je vous dis, c'est que nous devons nous adresser à l'échelon local.

Grâce aux importantes découvertes effectuées dans notre secteur et dans d'autres, les gens s'emballent facilement et les médias répercutent ce genre de message. Mais ils oublient de dire qu'il y a un lien entre ces grandes découvertes et les dessous des mécanismes de financement, et ils ne précisent pas pourquoi ce lien est fondamental pour l'économie. L'exercice de communication est incomplet. Voilà ce que je veux dire par là. Il manque un chaînon.

M. Lastewka: Je ne veux pas induire les témoins en erreur. Je viens d'un domaine de la science et de la technologie et si je continue à poser cette question pour savoir ce que vous faites, ce que votre organisation fait afin de communiquer le message... Personnellement, je n'ai pas de difficulté à faire passer ce message dans ma région. Je cite des cas sur lesquels j'ai travaillé pendant 30 ans à General Motors.

Mais j'ai l'impression que de nombreuses organisations viennent me dire qu'il incombe au gouvernement de communiquer ce genre de message, ce que je ne crois pas. Personnellement, je crois que ce rôle nous revient à nous tous du domaine de la science et de la technologie. Voilà l'écart dont je...

Le président: J'ajouterais, parce que cela vient juste de me frapper... je venais juste de rentrer des États-Unis, après un voyage qui n'a pas été très coûteux, quand j'ai entrepris ce travail au comité. Là-bas, j'ai constaté que dès qu'on parle de science et de technologie les gens demandent quand ils peuvent sauter dans le train. Au Canada, au contraire, on craint de se voir confier une telle tâche.

Voilà une attitude différente dont on ne parle pas. Les journaux ne titrent pas - et je vais vous citer là un exemple facile: «Les banques s'intéressent à une nouvelle façon prometteuse de traiter le papier»; on lit plutôt «2 000 emplois de perdu dans le secteur bancaire». Donc, aucun d'entre nous ne sait comment composer avec le genre de crainte qui se dégage du débat.

Cela, je crois, nous ramène à ce que vous avez dit à propos des sondages d'opinion publique. Les gens croient effectivement dans l'investissement en science et en technologie. On s'adresse à des personnes convaincues. Mais on perçoit aussi la peur que suscite le spectre du chômage. Naturellement, les gens qui se lancent dans un domaine pensent qu'ils vont continuer dans cette voie. Personnellement, je crois que le public a l'impression qu'il n'a pas toujours gagné des entreprises en science et en technologie. Voulez-vous dire quelque chose à ce sujet?

Le Dr McLennan: Pourquoi est-ce que tous ces jeunes sont tellement en colère contre nous? Je ne les blâme pas. Le Dr Mustard estime qu'ils blâment ma génération et celle de mes parents pour ne pas s'être occupées de la boutique. Ils craignent que le Régime de pension du Canada ne disparaisse, qu'ils n'auront plus de sécurité vieillesse, qu'on leur fera tout payer et ainsi de suite. Eh bien, nous sortons de deux décennies où tout le monde s'est tourné vers le gouvernement en tendant la main, où nous nous sommes endettés de façon inconsciente, comme quelqu'un l'a dit plus tôt, et nous nous en rendons compte maintenant.

Effectivement, les jeunes doivent maintenant s'occuper de leur propre régime de retraite et du reste. Je comprends qu'ils puissent être frustrés. Je comprends qu'ils puissent être en colère contre nous. Mais nous devons profiter de cette situation maintenant et leur montrer comment nous pouvons parvenir à renverser cette tendance et à produire de nouvelles richesses au Canada.

Nous avons la possibilité de le faire et nous avons les outils voulus pour cela. Parlementaires, chercheurs et intellectuels doivent faciliter le processus. Nous pouvons compter sur un panier de gens très compétents au Canada. Nous devons maintenant travailler ensemble pour renverser la vapeur. Le potentiel est là.

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Le président: Les autres membres du comité m'en voudront-ils si j'enchaîne sur deux ou trois choses?

Si le gouvernement fédéral recommandait l'instauration d'un programme d'éducation nationale - avec un petit «e», étant donné les préoccupations des provinces - visant à promouvoir la science et la technologie, pensez-vous que d'autres y adhéreraient? Si le gouvernement fédéral investissait son argent, croyez-vous, en vous fondant sur votre propre expérience, que les grandes entreprises comme Nortel contribueraient également pour que nous fassions passer cette question à l'avant plan, pour l'ensemble des Canadiens? Rien ne sert à ce que le gouvernement fédéral se lance seul dans cet effort de promotion et rien ne sert que nous publiions un rapport dans lequel nous taperions sur les doigts des institutions d'enseignement provinciales. Nous ne ferions que rétrograder. Alors, comment devons-nous nous y prendre pour promouvoir cela?

Commençons par le Dr Mustard.

Le Dr Mustard: Si vous me le permettez, je pense que l'instrument dont vous parlez pourrait être légèrement différent de ce que vous proposez. Selon moi, et d'après l'expérience que j'en ai, les gens peuvent comprendre la situation et s'y retrouver quand on leur explique la façon dont, historiquement, les nations ont créé leur richesse, et le rôle qu'ont joué la science et la technologie dans les périodes de changements technologiques profonds et étendus, ce qui est en train de se produire. Vous pourriez commencer par des programmes au secondaire. Si vous établissiez ensuite un lien avec l'influence profonde que cela a eu sur la santé et le bien-être des peuples, les gens comprendraient. Vous pourriez ensuite structurer la boîte noire parce que vous disposeriez déjà des crochets grâce auxquels vous auriez arrimé les jeunes et les membres d'autres générations.

Je crois qu'il est justifié qu'une telle question soit inscrite au programme des écoles secondaires et je me suis d'ailleurs entretenu avec plusieurs conseils scolaires à ce sujet. Je ne pense pas que vous puissiez imposer cette tâche aux provinces, mais vous pourriez intervenir par le biais de groupes nationaux dont, je pense, le mien ferait partie. Voilà quelques-unes des façons d'enclencher ce processus. Dès que cela se retrouverait au programme des écoles secondaires - et un grand nombre des éléments très importants seront abordés dans les dernières années - on aurait une incidence sur les parents, par l'intermédiaire des élèves.

Si vous avez recours à l'autoroute électronique, si vous rendez possible la diffusion de l'information par ce moyen - il y a Rescol, une base très importante qui vous permettrait de pénétrer le réseau - , vous pourrez, je crois, parvenir à d'excellents résultats. Je pense que cette forme d'éducation aurait une incidence très importante sur la société, parce que les enfants influenceraient les parents et que les parents influenceraient les grands- parents. En revanche, quand on s'adresse directement aux parents, on se rend compte qu'ils sont un peu fermés. Les enfants devraient, eux, parvenir à ouvrir un peu l'esprit de leurs parents.

Je sais que la possibilité est là et qu'elle est très prometteuse. Je pense que c'est la seule façon dont le gouvernement fédéral peut travailler avec des groupes nationaux capables d'agir en la matière. Cette façon de procéder pourrait permettre de renverser certains obstacles politiques et de faire avancer votre programme.

Le président: La dernière question que je veux vous poser touche un concept que M. Dupré aborde dans son mémoire, et que nous n'avons pas exploré. Le temps est-il venu pour un comité comme celui-ci de recommander une solution d'envergure à ce problème? Devrait-on, par exemple, nous tourner vers une fondation importante et lancer le gouvernement sur un nouvel axe majeur en recherche? Devrait-on éviter d'en faire un prolongement à un programme existant et ne devrait-on pas plutôt proposer au public une nouvelle fondation dotée ayant pour vocation de susciter un intérêt national en science et en technologie et d'attirer des partenaires qui se chargeraient d'administrer le programme?

J'ai une question double à vous poser. Si nous recommandions d'investir plus d'argent dans la science et la technologie au Canada, en reconnaissance de la thèse que tout le monde nous a présentée - et qui a pris la forme de votre tableau, Dr McLennan, au sujet du déclin de l'investissement et ainsi de suite - devrons-nous intervenir sous la forme d'un prolongement des aménagements institutionnels existants? Ou alors, devons- nous décider, en partie, d'investir certaines sommes par le truchement d'une nouvelle coalition, revêtant la forme d'une fondation, le gouvernement fédéral mettant ainsi son argent à disposition; mais devrions-nous alors agir un peu différemment de ce que nous avons fait dans le passé? Si vous aviez 200 ou 300 millions de dollars, est-ce que vous instaureriez une fondation pour faire les choses un peu différemment, ou est-ce que vous remettriez cette somme au CNRC, aux universités, à tous ceux qui travaillent sur le terrain parce qu'ils savent comment utiliser les 200 millions de dollars supplémentaires?

Est-ce que quelqu'un a une réponse toute faite?

Le Dr Mustard: Pouvez-vous m'expliquer ce que vous voulez dire par «fondation»?

Le président: Je me demande s'il ne faudrait pas adopter une action symbolique que nous soutiendrions par nos deniers, une action qui nous amènerait à nous engager ou à nous réengager envers la recherche fondamentale.

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Personnellement - et je n'exprimerai que mon point de vue - je ne suis pas convaincu que nous devrions en revenir aux aménagements institutionnels actuels. J'entretiens certaines réserves à propos de quelques-uns d'entre eux, mais je n'en parlerai pas pour l'instant, si cela ne vous dérange pas.

Alors, nous disons-nous qu'il se trouve des gens qui sauraient exactement que faire de 200 ou 300 millions de dollars et qui sauraient comment promouvoir la recherche fondamentale? Il est possible que nous n'ayons pas à passer par un prolongement des conseils subventionnaires ou par'Industrie Canada ou encore par les politiciens siégeant au comité de l'industrie, mais il y a une façon de s'y prendre et peut-être que nous devrions en trouver une nouvelle.

Le Dr McLennan: Je vous mettrais en garde relativement à la création d'une autre fondation, si je comprends bien le type d'institution dont vous voulez parler. Prenez notre cas: nous avons un nombre incroyable d'excellents projets scientifiques, des projets qui ont été évalués impartialement, par des experts du monde entier. Les gens disent qu'il faudrait les financer, mais nous n'avons pas l'argent pour le faire.

Donc, je ne pense pas que la solution consiste à créer une autre fondation et à instaurer un autre programme gouvernemental. Je crois que nous devrions faire deux choses. Nous devons financer cette fameuse pompe de la recherche fondamentale dont je ne cesse de parler. Ce doit être là notre premier grand souci et c'est le seul rôle que le gouvernement peut jouer. Laissons ensuite le soin aux spécialistes d'utiliser cet investissement dans la recherche fondamentale pour faire ce qu'ils ont appris à faire.

Vous savez, nous venons de consacrer 18 ou 24 mois, au Canada, à revoir la science et la technologie. Nous avons tenu des réunions locales, des réunions provinciales et le tout a été couronné par une réunion nationale. Nous avons formulé une stratégie que plusieurs comités du gouvernement ont adoptée. Dans ses deux ou trois derniers rapports, le Comité des finances de la Chambre des communes a repris l'essentiel de nos observations. Au risque de me répéter, je tiens à rappeler que le plan de jeu existe sous la forme du plan d'action S et T. Ce que nous devons maintenant faire, c'est le mettre en oeuvre puis en suivre l'évolution, plutôt que de mettre sur pied une nouvelle fondation.

L'investissement dans la recherche fondamentale donne naissance à des PME et permet de créer des emplois. Il permet de restaurer notre tissu social qui s'est détérioré, comme nous l'avons dit. Il permet aussi de restaurer notre compétitivité. Voilà les principaux éléments sur lesquels nous devons nous concentrer.

Le deuxième volet de votre question touchait à l'éducation. Comme nous l'avons dit ce matin, nous devons collaborer pour renseigner nos compatriotes sur ces idées, sur les liens entre l'investissement, la recherche, la connaissance et la création de richesse. Si nous voulons être concurrentiels et demeurer un des pays du G-7, nous devons produire de nouvelles richesses. Nous sommes, je pense, tous d'accord sur ce point. Mais comment nous y prendre? Eh bien, nous devons exploiter les outils dont nous disposons. Nous devons avoir recours au grand nombre de jeunes compétents. Nous devons leur trouver des emplois pour qu'ils demeurent au Canada, afin qu'ils y produisent de la richesse.

Je crois que nous disposons des outils voulus. Le gouvernement doit maintenant éliminer certains des obstacles dont nous avons parlé ce matin. J'ai été très impressionné par les témoignages des responsables de PME qui se sont succédé au cours des dix-huit derniers mois... Ils sortaient des tableaux et nous disaient, supprimez une partie de la paperasserie, supprimez une partie des règlements, vous nous étouffez. La PME ne dispose pas des ressources voulues pour composer avec toute cette réglementation. Les gens veulent s'adonner à leurs affaires et essayer de créer des richesses.

Nous devons supprimer certains de ces obstacles et, ce matin, nous en avons mentionné plusieurs qu'on pourrait effectivement éliminer. J'ai parlé de celui qui entrave l'industrie pharmaceutique. Je me rends compte que je touche ici à certaines sensibilités, mais ce n'est qu'un exemple; il est un fait qu'il faut beaucoup plus de temps au Canada qu'aux États-Unis ou au Royaume-Uni pour approuver un nouveau médicament. Pour accélérer le processus, nous pourrions adopter des solutions simples.

Nous ne devons pas oublier que le Canada est un petit joueur à l'échelle internationale dans le domaine de l'industrie pharmaceutique. Je n'ai fait que citer un exemple. Pourquoi les gens viendraient-ils investir au Canada? S'il y en a qui veulent investir au Canada, alors on pourrait toujours débattre de la où ils devraient le faire. Dans l'ouest du Canada, nous estimons qu'ils devraient investir à l'ouest de la frontière du Manitoba, mais cela, c'est un problème propre à notre pays. Mais avant tout, amenons-les à investir au Canada. La situation s'est nettement améliorée sur ce plan et c'est sans doute parce que nous avons rendu les règles plus équitables en restaurant les brevets et ainsi de suite.

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Le président: Dr Mustard.

Le Dr Mustard: Votre question m'intrigue. Si j'interprète le mot «fondation» dans le sens d'innovation institutionnelle et que vous voulez savoir si la création de structures institutionnelles permettrait à la boîte noire de fonctionner, je vous répondrai par l'affirmative. Il faudrait envisager ces structures institutionnelles de sorte à tenir compte des organismes qui s'engageraient à verser un financement dans ce domaine. C'est extrêmement important. Je pense que le Fonds canadien de découvertes médicales est un exemple de ce genre d'innovation. Le CNRC y participe par le truchement de ses membres du milieu des affaires.

Si vous voulez savoir ce qui est vraiment sorti de tout le travail de défrichage effectué au Canada, je dirais que le Fonds de découvertes médicales canadiennes est un exemple. Precarn en est un autre. Precarn est un consortium d'industries, de fonds provinciaux et de fonds fédéraux qui donne des résultats. Ce n'est peut-être pas tout à fait une fondation, mais c'est une structure institutionnelle intéressante qui semble fonctionner par-delà les obstacles politiques et linguistiques qui se dressent parfois sur notre chemin au Canada. Il est important de reprendre ce que vous avez dit, à savoir que nous sommes un petit pays et qu'un petit pays a plusieurs façons intelligentes d'avoir recours à sa petite population pour se doter d'un avantage concurrentiel dans ce domaine.

Si vous pensez à l'avenir des centres d'excellence, permettez-moi de vous dire une chose. Il y a dix ans, les universitaires ne collaboraient absolument pas entre eux. Ce simple objectif stratégique qui consistait à les regrouper leur a permis de définir et de mettre en commun des secteurs présentant un potentiel. Il s'agit d'un fonctionnement ascendant. Soit dit en passant, je viens de répondre à votre première question. Cela nous montre où se trouvent les opportunités: il n'est pas besoin de trop fouiller. Les débouchés sont là, parce que les gens sont là.

L'appui du gouvernement fédéral a été essentiel pour en arriver à ce stade. Vous n'entretenez pas assez de véritables partenariats avec les gouvernements provinciaux et ceux que vous avez conclus avec le secteur privé ne sont pas aussi solides qu'on pourrait le souhaiter, mais cette situation reflète la faiblesse de la base industrielle.

Par conséquent, vous voudrez peut-être envisager une structure institutionnelle permettant d'accroître la capacité de l'industrie, de l'amener à être un véritable partenaire dans cette aventure. Une «fondation» pourrait convenir à cela. Vous pourriez créer une structure, s'assortissant d'aménagements fiscaux particuliers qui permettraient à l'industrie d'adhérer et d'affecter des fonds, des fonds qui seraient versés dans cette structure fiscale à condition que chaque partenaire s'engage envers le programme.

Voyez-vous où je veux en venir? Je voulais en arriver à une sorte de structure d'incitation.

Tout d'abord, quand j'ai entendu votre question, j'ai pris le mot «fondation» dans le sens conventionnel et j'étais plutôt contre. Mais si vous me permettez de vous en parler en tant qu'innovation institutionnelle, j'estime que cela vaut la peine de poursuivre dans ce sens, sur la base de ce qui s'est déjà fait au Canada. Vous parviendriez ainsi à unifier un grand nombre de forces.

Si vous voulez que nous en reparlions plus tard, je pourrais faire appel à d'autres personnes et à mes collègues ici présents, pour voir comment nous pourrions réaliser la chose.

Le président: Les gouvernements disposent de temps en temps de gros montants à investir, mais il ne s'agit alors pas d'engagements financiers permanents. Une fois les engagements financiers supprimés, nous avons éprouvé beaucoup de problèmes et nos relations avec les autres en ont souffert. Si l'on peut contribuer, mais de façon irrégulière, comment peut-on structurer la chose sans tout bousculer, notamment le processus de création?

Je vais donner la parole à M. Murray.

M. Murray: J'ai une question très brève à vous poser au sujet du tableau portant sur les tendances budgétaires dans le domaine de la recherche médicale. Ma question s'adresse au Dr McLennan ou au Dr Gauthier. Ce tableau comprend-il la recherche effectuée par les laboratoires pharmaceutiques, ou n'est-il question que des subventions du CMR?

Le Dr Gauthier: Il est question que de financement public dans tous ces pays.

M. Murray: Autrement dit, au Canada, la recherche médicale pourrait...

Le Dr Gauthier: La recherche est financée par le CMR et le NIH aux États-Unis, par exemple. C'est la même chose dans les deux pays, quand on compare des pommes avec de pommes.

M. Murray: Mais on me dit que, en fait, nous pourrions avoir une augmentation, quand on voit ce que les laboratoires pharmaceutiques ont fait au cours des dernières années.

Le Dr Gauthier: On parle de recherche fondamentale. L'industrie pharmaceutique, elle, investit principalement dans la phase III, celle de la recherche appliquée et dans la phase IV, la recherche clinique. Nous parlons ici du financement accordé à la recherche universitaire, sous la forme de fonds publics, dans chacun des pays. Par exemple, le NIH alloue des fonds sur la base d'une évaluation impartiale. Le CMR fait la même chose. L'industrie ne se mêle pas des évaluations impartiales. Elle a sa propre façon d'évaluer le respect de ses objectifs qui sont beaucoup plus liés à la recherche appliquée qui, je le rappelle, correspond ici à l'intérieur du cercle. Il s'agit strictement de financement public de la recherche universitaire.

Le président: Monsieur Lastewka.

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M. Lastewka: Je veux explorer un peu plus avant la question des réseaux de centres d'excellence dont Fraser a parlé. Nous avons recueilli beaucoup de bonnes réactions à leur propos, puisqu'ils ont permis de rapprocher plusieurs universités et d'amener les intervenants concentrer davantage leur action.

Voici ce dont le président et moi-même avons parlé: Comment peut-on aller au-delà d'une période de quatre ans et comment peut-on investir dans la recherche pour ne pas constamment repiocher dans nos poches? Nous devons redresser la situation vis-à-vis de cet investissement, mais nous devons aussi éviter de replonger la main dans la poche, parce que sinon nous devrons payer et nos enfants devront également payer. Nous cherchons des façons d'y parvenir.

Le Dr Mustard: Je pense que vous devez vous montrer à la fois audacieux et prudent et vous pouvez vous faire une assez bonne idée de ce qui vous attend. Afin que notre pays dispose d'une base dans l'avenir, il doit se préparer à accroître annuellement sa richesse de x pour cent pour parvenir à une telle capacité, et il vous faudra exprimer la chose en résultats nets, que vous mettrez ensuite de l'avant. Il y a dix ans de cela, quand nous avons essayé de proposer la chose, il n'était pas possible d'obtenir un tel engagement parce que, pour parler sans détour, la structure consultative du gouvernement niait le rôle de la science et de la technologie.

Mais si le ministère des Finances se préoccupe vraiment de croissance économique - et, soit dit en passant, je ne sais pas qui constitue le gouvernement du Canada, parce que je ne vois pas vers quoi il s'oriente - si vous voulez vraiment que nous nous dotions d'une capacité favorisant la croissance économique dans l'avenir, dans les domaines dont mes collègues ont parlé, vous devrez prendre un engagement à long terme en matière d'investissement. Vous n'y parviendrez pas autrement et c'est là le fond du problème que vous devrez exposer aux gens. Il n'est pas simplement question de donner à un groupe de gens revêtus de blanc la chance de faire quelque chose en amateur. Ce que vous devez en fait créer, c'est une infrastructure pour l'avenir et si vous n'êtes pas disposés à effectuer ce genre d'investissement, il n'y aura pas d'avenir.

M. Lastewka: Comme le président l'a dit plus tôt, à la Chambre des communes, très peu de députés ont réellement participé au secteur de la science et de la technologie au cours des dix ou vingt dernières années.

Le président: Dr Gauthier, voulez-vous ajouter quelque chose à cela?

Le Dr Gauthier: L'engagement à long terme en matière d'investissement dont vient juste de parler le Dr Mustard est très important. En fait, il est même fondamental.

Le problème auquel nous sommes en fait confrontés, en pleine période de réduction des dépenses par le gouvernement fédéral, c'est que, par exemple, quand on s'adresse aux fonctionnaires de Santé Canada pour défendre la cause du CMR, quand on leur explique le genre de problèmes auxquels nous sommes confrontés, ils ne compatissent absolument pas avec notre position, à cause des coupures encore plus importantes qu'ils subissent dans leur ministère. Autrement dit, les activités auxquelles nous nous livrons ne sont pas évaluées au mérite, pas plus au regard de ce qu'elles représentent en matière de santé pour les Canadiens qu'en matière d'économie, mais les projets sont évalués en fonction de la taille respective des réductions au sein de la fonction publique et hors de la fonction publique, ce qui est extrêmement regrettable.

Vous ne pourriez pas vous appuyer sur pire fondation pour savoir où investir. Voilà essentiellement pourquoi nous devons pouvoir compter sur un organisme distinct et ce comité serait une excellente tribune à cette fin, parce qu'il permettrait de regrouper les arguments de toutes les parties. C'est là l'essentiel de notre recommandation que nous vous soumettons, à savoir qu'il faut réévaluer ou évaluer les investissements qui se chiffrent à 3,5 milliards de dollars pour le fédéral, essentiellement sur la base d'une évaluation impartiale et de propositions compétitives, tout comme nous le faisons avec les budgets plus restreints des conseils subventionnaires.

Par exemple, le budget du CMR n'est que de 240 millions de dollars et quand on songe qu'une somme de 3,5 milliards de dollars pourrait ne pas faire l'objet d'une évaluation impartiale et n'obéir à aucun processus compétitif, force est de se dire qu'il faudrait parvenir à un certain équilibre et s'appuyer sur un système d'équivalence pour savoir qui fait quoi et quels sont les coûts et avantages dans tous les cas, tant pour la recherche extérieure financée par les conseils que pour la recherche interne. Cela apporterait un peu de lumière sur l'importance respective des projets et sur la façon dont ils peuvent permettre de répondre aux objectifs nationaux pour chacune de ces activités.

C'est là une des recommandations que nous avons formulées ici. Cela n'a jamais été fait. Lors de l'examen de la science et de la technologie, j'ai animé trois rencontres régionales et j'ai fait partie du groupe des animateurs de la réunion nationale. Eh bien, je puis vous affirmer que dans les deux cas, à St. John's et à Montréal, où j'ai animé l'atelier sur la science fédérale, les participants ont exprimé sans détour l'avis qu'il faut tenir compte de ce budget de 3,5 milliards de dollars et que quelqu'un devrait examiner l'ensemble des enveloppes, plutôt que de s'intéresser à la même, et s'attarder à l'ensemble du programme pour que nous retirions le maximum de notre investissement.

C'est ainsi qu'il faut procéder, d'une façon ou d'une autre, et ce comité serait un excellent endroit pour commencer à assurer le suivi de la stratégie de la science et de la technologie, d'une façon concrète.

Le président: Eh bien sur ces mots, je vous remercie. Cela convient-il aux autres membres du comité?

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Je veux remercier nos trois témoins. Comme vous avez pu le constater, nous vous avons questionné de façon très prudente parce que nous essayons de passer au crible certaines de nos recommandations et de les tester sur nos interlocuteurs. Ainsi, votre comparution aujourd'hui, à la fin de cette séance, est particulièrement importante à nos yeux et j'apprécie le temps et l'effort que vous y avez investis. Normalement, notre rapport devrait commencer à refléter certains des aspects que nous avons abordés aujourd'hui, tant en ce qui concerne le volet analyse que le volet opérations courantes. Vous nous avez donné à beaucoup réfléchir, en nous apportant un point de vue différent. Merci.

La séance est levée. Joyeux Noël à tous.

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