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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi, 17 février 1997

.1903

[Traduction]

Le président: Bonsoir, mesdames et messieurs. Je déclare la séance ouverte.

Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous allons procéder à l'examen de l'article 14 de la Loi de 1992 modifiant la Loi sur les brevets, chapitre 2, Lois du Canada 1993. Le comité entame ses travaux en procédant à l'examen du projet de loi C-91 et, à cet effet, en entendant des témoins.

La greffière et le président ont indiqué les délais donnés aux témoins pour nous faire savoir s'ils veulent comparaître, et nous indiquer la date de présentation de leurs mémoires. Pour tout renseignement supplémentaire, veuillez vous adresser à la greffière, à la fin de la séance.

Ce comité est disposé à écouter toutes les opinions, car nous comprenons tous l'importance de cet examen. Le comité directeur s'est réuni et s'en est entretenu: tous les membres de ce comité comprennent l'importance des travaux qui nous attendent au cours des prochaines semaines. Nous écouterons des Canadiens de tous les horizons nous dire tout ce qu'ils jugeront nécessaire pour que nous comprenions pleinement les incidences de cette loi sur plusieurs questions importantes concernant la santé et ce secteur de l'économie.

Nous commençons nos travaux en donnant la parole à deux des ministres essentiellement responsables des questions liées au projet de loi C-91. Je souhaite la bienvenue à l'honorable David Dingwall, ministre de la Santé ainsi qu'à l'honorable John Manley, ministre de l'Industrie.

.1905

Nous avons également devant nous M. Andrei Sulzenko, sous-ministre adjoint de la Politique industrielle et scientifique. Comme je vois qu'il est sur la liste des témoins cela semble nous dire qu'il est présent.

Je vais d'abord donner la parole aux ministres, à commencer par le ministre Dingwall qui va faire la première allocution, suivi de M. Manley.

Monsieur Dingwall, vous avez la parole.

L'honorable David Dingwall (ministre de la Santé): Je vous remercie, monsieur le président, chers collègues.

La loi sur le tabac, que nous examinons ce soir...

Le président: C'est ce que vous faites pour vous divertir.

M. Dingwall: Monsieur le président, j'ai une excuse à vous présenter. Voilà un ou deux jours déjà que je ne me sens pas bien, et vous savez sans doute que je n'étais pas présent aujourd'hui à la Chambre, de telle sorte que la déclaration que je vais faire sera relativement courte. J'ai promis aux membres du comité de revenir pour parler plus longuement de certaines des questions qui touchent à la santé des Canadiens et à leurs préoccupations.

Votre comité a un important défi à relever. Quatre années se sont écoulées depuis la modification de la Loi sur les brevets par le projet de loi C-91. Le temps est maintenant venu de dresser l'inventaire. Cela revient à examiner ce qui s'est produit depuis l'adoption de la loi, en 1993, et de nous demander où nous voulons que notre politique sur les brevets pharmaceutiques nous mène à l'avenir.

Le gouvernement sollicite l'avis du comité sur le rôle du projet de loi C-91 dans la réalisation des objectifs de la politique canadienne en matière de brevets pharmaceutiques. Ces objectifs consistent à appuyer le développement de l'industrie pharmaceutique au Canada, veiller à ce que les médicaments brevetés soient vendus à des prix non excessifs, et faire en sorte que le Canada respecte ses engagements internationaux.

Le projet de loi C-91 comportait un certain nombre de dispositions que mon collègue, le ministre de l'Industrie, vous décrira en détail. Il vous incombera de les examiner d'une manière exhaustive, réfléchie et surtout, en pesant bien le pour et le contre.

Le gouvernement a à coeur que les Canadiens et les Canadiennes puissent s'exprimer sur ce projet de loi. Vous entendrez sans doute les témoignages de nombreux intervenants touchés par la loi. Chacun aura sa propre perspective et voudra soumettre ses propres questions et recommandations.

Je sais par expérience que les discussions du projet de loi C-91 ont souvent une portée considérable, et débordent sur des questions autres que celles ayant strictement rapport aux brevets et à la loi elle-même. Cela me paraît inévitable et, en fait, souhaitable si l'on considère le rôle important que jouent les produits pharmaceutiques dans le système des soins de santé de notre pays.

Ne soyez donc pas surpris de voir certaines personnes aborder ces autres questions dans leurs interventions lorsqu'elles comparaîtront devant le comité. J'espère que votre rapport reflétera fidèlement toutes ces questions.

L'an dernier j'ai commencé à examiner, avec mes homologues provinciaux et territoriaux, toute une série de questions touchant aux produits pharmaceutiques, notamment le prix des médicaments, la consommation pharmaceutique, la mise sur le marché des médicaments, l'éducation des consommateurs, le gaspillage des médicaments et la recherche-développement. Cette liste est loin d'être exhaustive mais il importe que nous concentrions notre attention sur ces questions.

Le projet de loi C-91 touche à un certain nombre de ces questions, et c'est donc avec un vif intérêt que j'entendrai ce qu'en pensent bon nombre des intervenants appelés à témoigner devant le Comité.

.1910

Comme je le disais tout à l'heure, monsieur le président, je compte revenir sous peu pour vous exposer plus en détail la perspective globale sur la santé. J'ai également demandé au Dr Robert Elgie, président du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, qui est responsable envers moi en ma qualité de ministre de la Santé, de comparaître devant vous pour vous fournir toute l'information nécessaire sur le Conseil, son rôle et son efficacité.

Vous voudrez peut-être également saisir l'occasion, monsieur le président... ce n'est pas à moi à guider les membres du comité, mais j'aimerais vous faire la proposition suivante. La plupart d'entre vous vous rappelez sans doute, les recommandations contenues dans le récent rapport du Forum national sur la santé, où il était question du coût des produits pharmaceutiques dans notre pays.

Le comité trouvera peut-être utile que je mette à sa disposition les documents d'information que ce Forum avait préparés aux fins de son rapport. Dans l'affirmative, monsieur le président, je demanderais, en votre nom, à ces représentants de comparaître devant vous pour discuter, avec les membres du comité des recommandations contenues dans ce rapport.

Monsieur le président, la tâche qui a été confiée au comité est importante, et c'est avec intérêt que j'attends de prendre connaissance des opinions de tous les intervenants et des conclusions et recommandations du comité.

Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir permis de faire cette brève déclaration. Je vous promets de revenir en vous apportant beaucoup plus de détails ainsi que certains documents que les membres de votre comité trouveront certainement utiles dans leurs délibérations.

Le président: Je voudrais d'abord remercier le ministre de la Santé d'avoir fait l'effort de venir alors qu'il ne se sentait pas bien. Je vous remercie de l'offre concernant le CEPMB; nous avons pris contact avec ses membres et nous espérons qu'ils pourront comparaître sous peu devant nous.

Nous serons également très heureux de recevoir la documentation que votre bureau voudra bien nous envoyer, sitôt que possible, et nous ne manquerons pas d'en tenir compte dans nos discussions.

Je vous remercie. Nous espérons vous revoir bientôt comme témoin et pouvoir examiner avec vous, en plus grands détails, les questions touchant la santé.

Monsieur le ministre Manley.

L'honorable John Manley (ministre de l'Industrie): Je vous remercie, monsieur le président et chers collègues.

[Français]

Je vous remercie de nous donner l'occasion de rencontrer le comité au moment où il commence l'examen parlementaire du projet de loi C-91, Loi modifiant la Loi sur les brevets.

Un des articles de ladite loi prévoyait un tel examen au bout de quatre ans. La loi est entrée en vigueur en février 1993 et nous avons maintenant l'occasion d'en étudier l'incidence en détail.

[Traduction]

Cet examen est très important, étant donné l'histoire du projet de loi. Il y a quatre ans les parlementaires ont réfléchi à l'incidence du projet de loi C-91, et ils s'interrogeaient avec inquiétude sur les conséquences, pour les Canadiens, de ce changement à notre régime de propriété intellectuelle. Aujourd'hui, nous pouvons en voir les effets réels et agir en conséquence.

Le projet de loi C-91 constitue la politique de base du Canada en matière de brevets pharmaceutiques, et cette politique a trois grands objectifs, comme vient de le rappeler le ministre de la Santé: soutenir le développement de l'industrie pharmaceutique au Canada, faire en sorte que les médicaments brevetés soient vendus à des prix raisonnables, et veiller à ce que le Canada respecte ses obligations internationales.

Pour le gouvernement, le défi consiste à réaliser ces objectifs en respectant un certain équilibre. Mais divers intérêts sont en jeu, intérêts souvent contradictoires à bien des égards. Permettez-moi d'en citer quelques-uns. Nos secteurs de fabrication des médicaments d'origine et des médicaments génériques sont vigoureux, et il s'y ajoute un tout jeune secteur biopharmaceutique en plein essor. Or la politique en matière de brevets a des répercussions importantes sur ces entreprises. Les fabricants de médicaments cherchent à tirer des bénéfices raisonnables de leurs investissements, tandis que les consommateurs réclament des médicaments moins coûteux, tout en voulant avoir accès à ceux qui viennent d'être mis au point. Nous avons choisi, en tant que nation commerçante, d'adhérer à l'ALENA et à l'ONC, ce qui, dans les deux cas, est à notre avantage, mais ces avantages entraînent certaines obligations.

.1915

S'il y a équilibre entre les objectifs de notre politique en matière de médicaments, ces objectifs se conjuguent pour assurer que nous avons un bon système de santé et une industrie pharmaceutique vigoureuse. Durant cet examen nous devrons nous demander si cet équilibre existe effectivement.

Au Canada l'industrie pharmaceutique investit beaucoup dans la recherche et le développement. Elle représente 1 p. 100 seulement des expéditions du secteur manufacturier, mais 10 p. 100 de la R-D industrielle. Sur les 100 entreprises qui dépensent le plus pour cette dernière,26 sont des sociétés pharmaceutiques.

Qu'est-ce qui constitue un bénéfice raisonnable pour ceux qui investissent dans la recherche de nouveaux médicaments? Comment répondre aux besoins de ceux qui proposent des médicaments de substitution à plus bas prix et à ceux qui souhaitent des solutions moins onéreuses?

Le projet de loi C-91 a été déposé en juin 1992. Il a donné lieu à un débat animé. D'aucuns redoutaient qu'il profiterait uniquement aux sociétés pharmaceutiques multinationales, et beaucoup pensaient que le prix des médicaments brevetés augmenterait pour les consommateurs et pour le système de santé. Ils craignaient que la nouvelle protection conférée aux brevets ne nuise à l'industrie canadienne des médicaments génériques, et que le Règlement sur les avis de conformité (ADC) ne repousse la commercialisation des médicaments génériques bien au-delà de l'expiration des brevets.

Voici quelles sont les principales dispositions de ce projet de loi, qui a pris force de loi en février 1993:

1. La suppression des licences obligatoires;

2. L'introduction d'exceptions à la contrefaçon de brevets aux fins de l'approbation réglementaire et de l'emmagasinage;

3. L'adoption d'un règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité); et

4. Le renforcement des pouvoirs conférés au Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, le CEPMD.

Permettez-moi d'examiner plus en détail chacune de ces dispositions. En premier lieu, le projet de loi C-91 visait à remédier à l'une des anomalies de la législation canadienne de la propriété intellectuelle relative aux médicaments, en retirant aux fabricants de produits génériques la possibilité d'obtenir des licences obligatoires.

À ce jour, il reste possible d'accorder de telles licences dans de rares circonstances. C'est la Cour fédérale qui le fait aux termes d'un processus judiciaire, ou par le commissaire aux brevets aux termes d'un processus quasi judiciaire, pour remédier à des agissements abusifs. La plupart du temps, toutefois, les fabricants de médicaments d'origine peuvent compter sur des brevets de 20 ans, comme les inventeurs dans tout autre domaine technologique.

Il est à noter que les 20 années en question représentent un minimum au regard des obligations auxquelles le Canada a souscrit en signant l'Accord sur l'Organisation mondiale du commerce. En fait, nos principaux partenaires commerciaux, tels que les États-Unis, le Japon et l'Union européenne prévoient, pour les produits pharmaceutiques, une prolongation maximale de 5 ans des 20 années initiales, afin de tenir compte des retards causés par les mises au point et des approbations réglementaires qui demandent du temps.

Mais que signifie l'octroi de brevets d'une durée de 20 ans pour une société pharmaceutique établie au Canada, monsieur le président? Le Comité n'est pas sans savoir que cette disposition ne signifie pas que la société a l'exclusivité du marché pendant 20 ans, sans subir aucune concurrence. Il s'écoule généralement de 8 à 12 ans entre la mise au point d'un médicament et son approbation réglementaire, soit avant sa mise en marché.

La durée de la période d'exclusivité résultant de l'application du projet de loi C-91 varie d'un médicament à l'autre, et les estimations diffèrent considérablement sur ce point. Pour les fabricants de médicaments d'origine, la durée est en moyenne de 8 à 10 ans, tandis que pour les fabricants de médicaments génériques, elle est de 12 à 14 ans.

Le projet de loi C-91 a eu également pour effet d'introduire des exceptions à la contrefaçon de brevets, aux fins de l'approbation réglementaire et de l'emmagasinage. Cela permet aux fabricants de médicaments génériques d'effectuer le travail nécessaire pour être prêts à la mise en marché dès l'expiration d'un brevet. Les laboratoires pharmaceutiques peuvent alors commencer à fabriquer leur version du projet avant l'expiration du brevet qui protège pour le médicament d'origine et le soumettre ainsi à Santé Canada pour les tests obligatoires. Ils peuvent aussi constituer des stocks, toujours pour être prêts à commercialiser le produit sitôt l'expiration du brevet.

.1920

Je ferais remarquer aux membres du comité que les États-Unis sont le seul autre pays à prévoir une exception aux fins d'approbation réglementaire, et que seul le Canada en prévoit une pour constitution de stocks. Étant donné la longueur du processus d'approbation réglementaire, ces exceptions sont importantes pour les fabricants de médicaments génériques, qui doivent pouvoir distribuer leurs produits dès que les brevets pertinents sont arrivés à expiration.

Ces exceptions sont-elles raisonnables? Doit-on les assouplir, ou, au contraire les renforcer? Le comité aura l'occasion d'entendre des témoins et de tirer ses propres conclusions.

Le Règlement ADC (avis de conformité) est un autre élément du projet de loi C-91 qui a donné lieu à un vaste débat public. Un avis de conformité est le document par lequel Santé Canada certifie qu'un médicament respecte les normes de sécurité, d'efficacité et de qualité, et qu'il peut donc être commercialisé dans notre pays.

Le Règlement ADC, lie l'octroi d'un certificat de conformité à la situation des brevets protégeant le médicament.

Là les choses se compliquent un peu, monsieur le président, et je préviens les membres du comité, qu'ils subiront à la fin de mon discours, un petit examen pour voir s'ils m'ont attentivement écouté.

C'est sans doute dans le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation annexé, publié en 1993 par le ministère de la Consommation et des Affaires commerciales, que l'objet de ce règlement est le mieux expliqué. On y lit notamment qu'en général les recours judiciaires suffisent à régler les problèmes de contrefaçon de brevets, mais qu'en créant les exceptions dont je viens de parler, le projet de loi C-91 a supprimé un droit dont pouvaient se prévaloir les titulaires de brevets. Le REIR explique ensuite que le Règlement ADC est, et je cite:

Voilà comment les choses fonctionnent. Pour être protégé par l'avis de conformité, un titulaire de brevet doit soumettre à Santé Canada, une liste des brevets pertinents au produit d'origine, accompagnés de leur date d'expiration. Lorsqu'un fabricant de produits génériques demande un avis de conformité, il doit indiquer s'il accepte ou non cette liste. Si le fabricant de médicaments génériques est d'accord avec la liste, l'avis de conformité ne sera pas émis avant la date d'expiration du dernier brevet relatif aux produits figurant sur la liste. La demande du fabricant de médicaments génériques demeure confidentielle. Mais si le fabricant de médicaments génériques conteste la liste, il lui faut remettre au titulaire du brevet un avis d'allégation, lui révélant par là même l'existence de sa demande adressée à Santé Canada.

Le titulaire du brevet dispose alors de 45 jours pour engager une procédure judiciaire visant à empêcher le ministre de la Santé d'émettre un avis de conformité jusqu'à l'expiration des brevets figurant sur la liste. À ce stade, si le titulaire du brevet décide d'entamer une procédure judiciaire, le ministre de la Santé ne peut pas remettre d'avis de conformité au fabricant de médicaments génériques avant accord entre les parties, décision de justice ou écoulement de 30 mois, le premier des trois prévalant. Je vous avais prévenu que les choses allaient se compliquer.

La procédure judiciaire se déroule parallèlement au processus d'approbation de Santé Canada. Le délai d'attente de 30 mois imposé à Santé Canada dès lors que le titulaire entame une action en justice, et que certains qualifient d'injonction automatique, est un élément controversé du Règlement. Si le fabricant de médicaments génériques gagne sa cause, il peut commercialiser son produit une fois que Santé Canada a émis un avis de conformité. Si c'est le titulaire du brevet qui l'emporte, le fabricant de médicaments génériques doit attendre l'expiration du brevet avant de recevoir un avis de conformité et de commercialiser son produit, comme le stipule le Règlement.

.1925

[Français]

Il ne fait aucun doute que vous voudrez vous assurer de l'équité de ce règlement. Est-il vrai, comme certains l'affirment, que le traditionnel redressement par injonction possible au Canada ne suffit pas à régler les problèmes de contrefaçon de brevets pharmaceutiques? Ces exceptions, ou même la dynamique de notre industrie, justifient-elles le règlement?

[Traduction]

J'encourage le comité, dans son examen de cette disposition du projet de loi C-91, à examiner attentivement divers facteurs: le traditionnel redressement par injonction, qui est possible au Canada, suffit-il à remédier à la contrefaçon du brevet? C'est ce que nient, notamment, les fabricants de médicaments. Les fabricants de médicaments génériques affirment que les fabricants de médicaments d'origine appliquent le Règlement ADC à la légère, pour empêcher la commercialisation de produits qui ne sont pas en infraction avec des brevets. Le temps nécessaire à Santé Canada pour émettre avec célérité des avis de conformité, et le temps nécessaire aux tribunaux pour rendre des décisions, tous facteurs à examiner.

Vous n'ignorez pas que le Règlement ADC est à l'origine de bon nombre de litiges. Depuis l'entrée en vigueur de la loi, il y a quatre ans, plus de 103 procédures ont été entamées. Les tribunaux ont rendu une décision dans 30 de ces affaires, 22 ont été abandonnées et 51 sont en cours.

Il est manifeste que ce dilemme a bien des facettes. Si j'ai bien résumé le débat, vous entendrez certainement des avis opposés sur cet aspect controversé du projet de loi C-91. Il faut espérer, monsieur le président, que vous trouverez des solutions constructives pour résoudre ces problèmes épineux.

Le quatrième changement apporté par le projet de loi C-91 a été de renforcer les pouvoirs du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, le CEPMB. Le comité n'ignore certes pas que le Conseil réglemente les prix de lancement et l'augmentation annuelle des prix des médicaments brevetés, et qu'il s'assure que ces prix ne sont pas excessifs.

Avant l'adoption du projet de loi C-91, le CEPMB avait le pouvoir d'octroyer une licence obligatoire à une autre partie, pour compenser la pratique de prix excessifs par le titulaire d'un brevet. Le Conseil n'était pas autorisé à imposer des pénalités d'ordre pécuniaire. Le projet de loi C-91 lui a retiré le droit d'accorder des licences obligatoires; afin de renforcer l'autorité du Conseil, on l'a autorisé à imposer des pénalités, par exemple des amendes et la réduction des prix, pour compenser les revenus excessifs, lorsque le prix d'un médicament breveté dépasse les paramètres fixés dans les lignes directrices.

J'encourage le comité à entendre le CEPMB dès que possible, et je suis heureux d'apprendre, par le ministre de la Santé, que celui-ci comparaîtra très prochainement devant vous. Le comité voudra sans doute savoir si ces changements ont effectivement aidé le Conseil à remplir son mandat. Les pouvoirs de ce dernier sont-ils suffisants, ou faut-il les accroître? Les obligations relatives aux rapports à présenter conviennent-elles, ou sont-elles trop lourdes?

Monsieur le président, j'ai parlé des changements présentés dans le projet de loi C-91 comme étant des éléments intrinsèques à la loi. Le projet de loi a cependant eu une autre incidence importante, non prévue par la loi, mais corrélative.

Avant l'adoption du projet de loi, l'Association canadienne de l'industrie du médicament (ACIM), qui représente les fabricants de médicaments d'origine, a déclaré que si les lois sur la propriété intellectuelle protégeaient les efforts d'innovation de ses membres, ceux-ci continueraient de consacrer à la recherche et au développement 10 p. 100 de leur chiffre d'affaires et ils s'engageaient en outre à faire d'autres investissements.

Dans une lettre - que vous trouverez en annexe dans la trousse d'information - adressée à l'honorable Michael Wilson, la présidente de l'ACIM, l'honorable Judy Erola, exposait ces engagements. Le gouvernement ordonnait également une évaluation indépendante de ceux-ci, et vous trouverez également cette étude effectuée par Ernst & Young.

.1930

Monsieur le président, l'ACIM compte 62 entreprises membres, qui représentent la quasi-totalité des fabricants de médicaments d'origine. D'après le CEPMB, en 1995, les titulaires de brevets pharmaceutiques auraient consacré à la recherche 11,8 p. 100 de leur chiffre d'affaires. Dans le cas des membres de l'ACIM, ce pourcentage était légèrement supérieur à ce à quoi ils s'étaient engagés, soit 12,5 p. 100.

En 1995 les fabricants de médicaments d'origine ont investi 624 millions de dollars dans la recherche et le développement. Ces chiffres ont augmenté depuis 1993, année où les titulaires de brevets pharmaceutiques ont investi 10,6 p. 100 de leur chiffre d'affaires dans la recherche et le développement, soit 503,5 millions de dollars en tout. Dans le cas des membres de l'ACIM, ce pourcentage s'établissait à 10,7 p. 100 en 1993. Vous trouverez toute cette information dans votre trousse.

En 1995 les fabricants de médicaments d'origine membres de l'ACIM, employaient près de 18 000 Canadiens, et plus de 3 000 d'entre eux occupaient des postes de pointe en R-D. D'après IMS Canada, ces sociétés ont fourni, en 1996, plus de 60 p. 100 des médicaments délivrés sur ordonnance. Si impressionnants que soient ces chiffres, ces sociétés sont loin d'être les seules intervenants dans le secteur pharmaceutique canadien.

L'industrie des médicaments génériques occupe elle aussi une grande place. Elle appartient surtout à des investisseurs canadiens et elle a connu une croissance considérable dans le cadre du régime des licences obligatoires. Les deux principaux laboratoires de médicaments génériques, à savoir Novopharm et Apotex, sont devenus des intervenants importants sur le marché international. Ils ont créé des emplois pour les Canadiens et aidé le régime des soins de santé en fournissant des médicaments génériques peu coûteux et de haute qualité. Il ne faut pas sous-estimer les avantages que ce secteur procure à notre population.

Le secteur des produits génériques demeure en plein essor, quatre années après l'adoption du projet de loi C-91. Les sociétés membres de l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques (ACFPP), qui représente la majorité de ces fabricants, employaient en 1995, 3 630 Canadiens, soit le double qu'en 1990. D'après IMS, les ventes de médicaments génériques se chiffraient, en 1996, à 973 millions de dollars, soit une augmentation annuelle supérieure, depuis 1993, à 25 p. 100. Toujours en 1996 les fabricants de produits génériques fournissaient 40 p. 100 des médicaments délivrés sur ordonnance au Canada, de telle sorte que le taux de pénétration des médicaments génériques comptait parmi les plus élevés du monde.

La R-D menée par les sociétés de produits génériques a également pris de l'ampleur. En 1993, d'après l'ACFPP, le secteur des médicaments génériques a dépensé 79 millions de dollars en R-D; deux ans plus tard ce chiffre passait à 127 millions de dollars.

[Français]

Cependant, la valeur d'une industrie canadienne des médicaments génériques vigoureuse ne se mesure pas seulement au nombre d'emplois et à l'augmentation des investissements. Il y a aussi l'effet bénéfique qu'elle a sur le système de santé. L'utilisation de médicaments génériques peu coûteux contribue à réduire les dépenses pharmaceutiques totales.

J'ai parlé des secteurs des produits génériques et des médicaments d'origine. Toutefois, je veux m'assurer que le comité comprend qu'il existe un autre secteur dans l'industrie pharmaceutique canadienne, à savoir un intervenant clé dont les intérêts étaient moins clairs quand le projet de loi C-91 a été adopté, car ce secteur en était alors à ses tout débuts.

[Traduction]

Il s'agit du secteur biopharmaceutique. Nous avons des données sur 64 entreprises participant directement à la mise au point de ce genre de médicaments. Ces PME novatrices appartiennent surtout à des investisseurs canadiens et comptent beaucoup sur la protection des brevets. L'an dernier elles employaient près de 4 000 Canadiens, dont près de 1 600 dans la R-D, domaine où le secteur a investi, en 1995, 251 millions de dollars.

.1935

En dépit de son jeune âge le secteur biopharmaceutique s'est rapidement affirmé sur le marché. Il attribue en grande partie au projet de loi C-91 sa capacité d'attirer des investissements. Ces intérêts doivent donc être également pris en compte quand on examine l'incidence des lois concernant les brevets pharmaceutiques.

C'est une question d'équilibre, monsieur le président. Pas seulement d'équilibre entre les intérêts des trois secteurs, mais du juste milieu à trouver entre l'édification d'une industrie compétitive et la limitation du coût des soins de santé. L'augmentation de ceux-ci inquiète beaucoup les Canadiens; le coût des médicaments en est une composante importante et, d'après IMS Canada, les ventes de médicaments par les fabricants, exclusion faite des majorations et des frais d'ordonnance, se chiffraient, en 1994, à 5,9 milliards de dollars.

L'argent que les Canadiens dépensent en médicaments est fonction de deux facteurs: le prix et l'utilisation. Le prix global des médicaments comprend celui des médicaments brevetés et celui des médicaments non brevetés. Le projet de loi C-91 concerne le prix des médicaments brevetés et c'est là le seul volet qui relève du CEPMB. Toute analyse de la fixation des prix des médicaments non brevetés doit nécessairement se faire avec les gouvernements provinciaux, puisque la Constitution leur donne compétence en la matière.

D'après Santé Canada et le CEPMB, les médicaments brevetés, si l'on exclut la majoration et les frais d'ordonnance, représentent environ 3,3 p. 100 du coût des soins de santé au Canada. Depuis 1988, les prix de ces médicaments ont augmenté en moyenne à un taux moindre que ceux de l'ensemble des médicaments, et moins que l'indice des prix à la consommation. Depuis l'entrée en vigueur du projet de loi C-91, en moyenne les prix des médicaments brevetés ont fléchi de1,75 p. 100 en 1995, après avoir baissé de 0,42 p. 100 l'année précédente.

L'utilisation des médicaments a elle aussi une incidence sensible sur les coûts des soins de santé. Cette utilisation, toutefois, n'est pas directement touchée par le projet de loi C-91. Comme il le disait dans ses remarques, le ministre de la Santé a pris plusieurs initiatives pour étudier en détail cette question.

Nous recherchons donc un équilibre entre les objectifs de ce secteur et ceux du régime des soins de santé que je viens d'évoquer, et nous voulons également nous assurer, dans le cadre de la politique canadienne sur les brevets pharmaceutiques, que notre pays respecte ses engagements internationaux. Nation commerçante, le Canada tire profit d'accords commerciaux tels que l'ALENA et l'OMC qui contribuent à la croissance économique en garantissant l'accès aux marchés mondiaux et en favorisant la concurrence. L'existence d'un régime de propriété intellectuelle compétitif à l'échelle internationale favorise, dans nombre de secteurs, la recherche-développement au Canada.

Ces accords énoncent certaines règles que le Canada et ses partenaires commerciaux doivent respecter. Notre capacité de modifier la législation des brevets est fonction de ces obligations. Nous devons accorder à tous les titulaires de brevets, pharmaceutiques et autres, une protection minimale de 20 ans. Nous enfreindrions nos obligations internationales si nous revenions au régime d'homologation obligatoire en vigueur avant 1993. Toutes recommandations doivent donc être examinées à la lumière de ces engagements internationaux.

Monsieur le président, chacun a son point de vue sur les conséquences du projet de loi C-91. Les questions sont complexes et, comme je l'ai montré ce soir, souvent assez techniques. Selon le point de vue, de légères nuances risquent de modifier considérablement l'équilibre recherché.

.1940

[Français]

J'espère que le comité se penchera sur les faits survenus au cours des quatre dernières années. Avons-nous établi un équilibre, un équilibre raisonnable? J'ai hâte de connaître vos points de vue sur la façon dont le projet de loi C-91 a influé sur les objectifs de la politique canadienne concernant les brevets pharmaceutiques et j'attends tout particulièrement vos recommandations.

J'aimerais vous laisser une trousse d'information qui contient des données factuelles sur le projet de loi C-91 et sur l'industrie. En outre, le personnel de mon ministère est à la disposition de tous les membres du comité pour tous les renseignements complémentaires dont vous auriez besoin. Il vous fournira un résumé complet de toute la recherche faite ou en cours ayant un rapport avec vos travaux. J'espère qu'il vous sera utile.

[Traduction]

Cela étant dit, monsieur le président, si l'on me pose même la question la plus insidieuse, je me ferai un plaisir d'y répondre.

Le président: Merci.

Avant de passer aux questions, je voudrais remercier encore une fois le ministre Dingwall. Je comprends que vous deviez vous absenter et vous allez revenir devant le comité apporter des réponses à nos questions.

[Français]

Monsieur Leblanc, vous êtes le premier cette fois-ci.

M. Leblanc (Longueuil): J'aurais aimé que M. Dingwall reste parce que j'aurais eu quelques questions à lui poser. Il est absent?

Le président: Il est malade et il doit partir.

M. Leblanc: J'espère qu'il aura de bons médicaments pour se soigner. Je veux tout simplement dire que le chargé de dossier pour le Comité permanent de l'industrie sera M. Pierre Brien. C'est pour cela qu'il se présente ici ce soir pour la première fois.

Monsieur le président, j'étais ici au moment où on a adopté le projet de loi C-22 et je tiens à vous dire que, pendant ce temps-là, le gouvernement conservateur était pris avec l'Opposition officielle - les libéraux - , qui a beaucoup travaillé pour empêcher qu'on augmente à 20 ans la durée des brevets pharmaceutiques.

Cela avait été une charge lourde pour le gouvernement d'alors, parce que les libéraux étaient vraiment contre le projet de loi C-22. C'est pour ces raisons que je serai très méfiant et que je serai un très bon chien de garde avec mon collègue, M. Brien, pour m'assurer que le gouvernement ne changera pas fondamentalement le projet de loi C-91.

J'aurais une petite question avant de passer la parole à mon collègue. On sait qu'au Canada, le temps nécessaire pour émettre une licence pour de nouveaux médicaments est passablement plus long qu'aux États-Unis et en Europe. Je me demande si le ministre a envisagé, au cas où le ministre de la Santé ne réussirait pas à émettre des licences plus rapidement, de prolonger de 20 à 23 ou 24 ans la période de temps pour garantir les brevets afin de compenser pour le temps que le Canada met pour émettre des licences comparativement aux États-Unis, à l'Europe et au Japon.

M. Manley: Premièrement, pour ce qui est du temps que prend le ministère de la Santé pour examiner les demandes de licences, j'aimerais bien que le comité pose ces questions-là au ministre de la Santé.

.1945

Du point de vue de l'Industrie, nous sommes évidemment en faveur d'un système efficace, mais le ministère de la Santé doit examiner les épreuves, tel que le prévoit la loi, pour déterminer l'efficacité d'un médicament, etc.

En ce qui a trait au prolongement de la période, il est vrai, comme je l'ai dit dans mon discours, que les autres pays ont un système de prolongement. Par contre, il leur manque peut-être le système efficace de réglementations qui existe ici. Donc, le comité doit entendre des témoins et discuter avec eux afin de pouvoir nous conseiller sur le meilleur équilibre à atteindre entre les intérêts de tous les Canadiens et Canadiennes.

Vous allez vous pencher sur les intérêts des compagnies pharmaceutiques, sur la politique industrielle et aussi sur la question d'avoir des médicaments génériques aussitôt que possible et sur celle du délai pour les brevets. Donc, j'attends les recommandations du comité.

Le président: Monsieur Brien, vous avez dix minutes.

M. Brien (Témiscamingue): Monsieur le ministre, vous avez dit qu'il y avait trois clés dans ce dossier-là: le développement de la structure industrielle, l'accès à des médicaments de qualité à prix abordables et la conformité aux obligations internationales.

Quand vous parlez des obligations internationales, souhaitez-vous qu'on vous fasse des recommandations en vue de s'aligner sur les standards internationaux, ce qui dépasse les obligations qu'on a dans le cadre actuel de l'ALENA et de l'Organisation mondiale du commerce? Souhaitez-vous qu'on donne une protection qui soit semblable à celle de nos compétiteurs économiques, c'est-à-dire les États-Unis et les pays européens?

M. Manley: Je vais essayer d'expliquer les limites des recommandations que je pourrais prendre en considération. Nous avons des engagements internationaux et nous considérons que ces traités sont bénéfiques pour le Canada. Nous allons donc respecter nos engagements, avec un minimum de 20 ans.

On ne peut réduire la période à 15 ans, par exemple. On ne peut la réduire, mais on peut la prolonger. Depuis l'adoption du projet de loi C-91, le Canada a déjà un système plus fort que ce qui était requis par le traité du GATT.

.1950

M. Brien: La réglementation comporte deux éléments. On permet une production avant l'échéance du brevet, mais en contrepartie, la réglementation interdit la vente du produit avant l'échéance du brevet. Ces deux choses-là sont liées.

Pour vous, la réglementation fait-elle partie des engagements internationaux? Êtes-vous d'avis que la réglementation ne peut être modifiée sans qu'il y ait violation des accords internationaux?

M. Manley: La capacité de manufacturer les produits pharmaceutiques avant l'échéance des brevets, qui joue en faveur des compagnies de médicaments génériques, et la réglementation, qui est en faveur des compagnies internationales, ne sont pas prévues dans les engagements internationaux. Donc, il est possible d'abolir des règlements. Il ne s'agit pas d'un engagement international.

M. Brien: On aimerait que vous ou votre ministère nous éclairiez sur des chiffres contradictoires qui nous seront donnés. Quand vous avez parlé de la protection effective des brevets, vous avez parlé de 8 à 10 ans dans le cas des médicaments d'origine et de 10 à 12 ans pour les médicaments génériques. Nous aimerions savoir ce que le ministère de l'Industrie dit à ce propos.

M. Manley: J'aimerais que vous posiez des questions aux deux groupes, lorsqu'ils seront arrivés, afin de voir pourquoi il y a une différence entre les deux. Pour nous, il est un peu trop tôt pour déterminer cela parce que nous n'avons pas assez d'expérience avec le système de 20 ans.

Le président: Monsieur Brien, avez-vous une question très courte?

M. Brien: Monsieur le ministre, s'il vous est difficile d'évaluer, à votre ministère, imaginez combien ce sera difficile pour nous, membres du comité. On n'arrivera pas à une réponse très précise là-dessus.

M. Manley: Monsieur Brien, depuis trois ans, j'ai entendu plusieurs argumentations sur certains aspects du projet de loi C-91 et il est toujours difficile à déterminer qui a raison. C'est pourquoi nous sommes bien payés comme députés. C'est à nous de décider.

[Traduction]

Le président: Monsieur Schmidt, est-ce vous qui commencez pour le Parti réformiste?

M. Schmidt (Okanagan-Centre): Oui, monsieur le président, merci. Je voudrais vous présenter le Dr Grant Hill, qui est membre du comité.

Le président: Bienvenue au comité.

M. Schmidt: Je voudrais partager mon temps avec lui pour cette première intervention.

Le président: Je vous en prie.

M. Schmidt: Tout d'abord, j'ai pris note de cette étude de Ernst & Young, qui nous semble très intéressante, et je voudrais vous demander, monsieur le ministre, si vous pourriez indiquer au comité comment vous définissez la R-D.

M. Manley: Comment je définis cette activité ou comment Ernst & Young la définit?

M. Schmidt: Non, je sais que Ernst & Young reprend la définition de l'ACIM. On s'est contenté de rassembler les chiffres pour voir s'ils donnaient un résultat arithmétique, ce qui est bien sûr le cas. Mais la recherche et le développement comportent un certain nombre de facettes, dont certaines correspondent à la recherche fondamentale, si l'on veut, qui est motivée par la curiosité, et d'autres concernent le développement, et il y a bien sûr aussi les tests cliniques, qui sont indispensables pour obtenir la licence du ministère de la Santé.

M. Manley: Vous voulez sans doute dire, monsieur Schmidt, que nous devrions faire une distinction entre les différentes catégories de recherches. C'est peut-être vrai, mais pour être précis, cette étude visait à obtenir au moins un point de vue objectif indiquant si les obligations qui figuraient dans la lettre de l'ACIM à Michael Wilson, ont été honorées. Comme c'est précisément ce qu'a évalué l'étude, il convenait à ses auteurs d'utiliser une définition très vaste.

.1955

À mon avis - et je suis un simple avocat fiscaliste - j'aime bien les définitions de la recherche scientifique et du crédit d'impôt pour le développement expérimental qui figurent dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Si vous voulez dire que les sociétés devraient faire davantage de recherches d'un type particulier, j'accueillerais volontiers un tel commentaire.

M. Schmidt: Non, monsieur le président, mon propos est légèrement différent.

Dans votre introduction, monsieur le ministre, vous nous avez dit qu'il s'agissait d'un nouvel engagement, et j'en suis donc venu à la conclusion que ces compagnies ne faisaient pas autant de recherche autrefois qu'elles en font actuellement.

Autrement dit, il s'agit de recherche supplémentaire. Mais il me semble très clair qu'une compagnie qui effectue des tests cliniques et qui fait la recherche nécessaire pour obtenir une licence ne fait pas de la recherche nouvelle; il s'agit d'activités de routine. On doit donc se poser la question suivante: ces montants ne sont-ils pas comptabilisés deux fois, c'est-à-dire une première fois lors de la demande du certificat nécessaire à l'obtention de la licence... et une deuxième fois, vous dites qu'elles ont consacré 10 p. 100 de leur chiffre d'affaires à la recherche, alors qu'en fait elles n'ont rien fait de tel. En réalité, elles n'ont consacré que 10 p. 100 de leur chiffre d'affaires à une recherche qu'elles auraient effectuée en partie de toute façon, donc il ne s'agit pas d'un nouvel engagement, alors que c'était, je crois, l'intention des modifications de 1992.

Ai-je raison? Est-ce bien ce que vous comprenez également?

M. Manley: La référence que nous avons demandée à Ernst & Young de vérifier concerne l'engagement qui figurait dans la lettre qui vous a été distribuée. Voilà véritablement l'objet de l'étude.

M. Schmidt: Moi, je vais bien au-delà de l'étude.

M. Manley: Ce n'est pas à moi qu'il faut demander si cet engagement était suffisamment fort, étant donné que les compagnies sont de toute façon obligées de faire de la recherche. Est-ce que j'aimerais qu'on fasse davantage de R-D au Canada? Oui. Est-il évident que les compagnies font plus de recherche en laboratoire qu'elles ne sont tenues d'en faire? C'est sans doute la tendance, et elle apparaît sur les chiffres sur les investissements.

De toute évidence, les compagnies ont fait les investissements qui devraient déboucher sur la recherche dont vous parlez. Il y a eu également d'autres investissements, notamment en vertu d'engagements pris envers le CRM. Est-ce que j'aimerais qu'il y en ait davantage? Certainement.

M. Schmidt: D'accord.

Le président: Monsieur Hill, voulez-vous prendre la parole?

M. Hill (Macleod): Merci beaucoup.

Monsieur le ministre, je vous ai entendu dire que notre comité était lié par nos obligations internationales. Un observateur cynique vous dirait que dans ce cas, notre étude n'y changera pas grand chose.

À mon avis, il y a deux autres éléments qui vont dans le même sens. Le choix du moment de la réunion d'aujourd'hui, juste avant le budget, me semble intéressant. Je pense par ailleurs que nous allons bientôt avoir des élections, et il me semble difficile que notre étude puisse être terminée avant.

Je remarque également que lorsque vous étiez dans l'opposition, votre parti du moins, s'était fortement opposé au projet de loi C-91. Pensez-vous que son point de vue était alors mal informé ou opportuniste?

M. Manley: Puis-je appliquer les mêmes qualificatifs à votre question?

Le président: Allez-y, monsieur le ministre.

M. Manley: Tout d'abord, monsieur Hill, je suis désolé d'avoir dû modifier la date de cette comparution, mais on m'a confié différentes tâches pour mercredi après-midi, ce qui m'a obligé à demander au président s'il pouvait m'accueillir un peu plus tôt en début de semaine. Si vous le voulez, je vous invite à cette conférence de presse qui me préoccupe. J'ai demandé un changement de date parce que j'ai des responsabilités que je vais assumer, qui découlent du budget, et c'est pourquoi j'ai demandé à comparaître ce soir.

En ce qui concerne l'étude proprement dite, la loi adoptée au Parlement en 1993 prévoit qu'elle doit intervenir dans les quatre ans qui suivent son adoption. Vous pourrez demander àM. MacDonald pourquoi on a choisi quatre ans. Contrairement à lui, je ne faisais pas partie du comité et je n'ai pas participé aux discussions à ce sujet. Il se trouve qu'on a opté pour un intervalle de quatre ans. On savait depuis quatre ans que la date tomberait ce mois-ci, et voilà.

.2000

Le président: Merci. Monsieur Hill.

M. Hill: En ce qui concerne précisément le changement de point de vue, je voudrais vous soumettre deux citations très explicites. Voici ce qu'a dit le ministre de la Santé, que j'espérais pouvoir interroger directement. Je cite:

C'est tout un cadeau que les sociétés multinationales ont reçu du Père Noël, c'est à dire du gouvernement... Pour payer ce cadeau, ils ont dû prendre l'argent de tous les simples citoyens...

Ainsi, en vertu du projet de loi C-91, les multinationales qui veulent d'abord et avant tout aller chercher jusqu'à notre dernier dollar pourront facilement atteindre leurs objectifs. C'est injuste.

C'était dans le hansard du 10 décembre 1992.

Récemment, au cours d'une réunion de l'ACIM, il a déclaré - et je cite:

Il s'agit bien du même parti, mais son point de vue est diamétralement opposé. Pouvez-vous m'expliquer cela?

M. Manley: Vous avez vous-même donné l'explication. Dans l'intervalle, il s'est écoulé plus de quatre ans. Au cours de cette période, nous avons contracté d'importantes obligations internationales lors de l'Uruguay Round et dans le cadre de l'ALENA. En outre, le secteur biopharmaceutique a connu des changements spectaculaires, comme je l'expliquais dans ma déclaration d'ouverture, et son statut était tout à différent en 1992.

Quand vous avez affaire à un tel changement dans les circonstances, vous traitez le dossier qui vous est soumis. Je sais que vous vous intéressez à l'assurance-maladie et à la santé. Nous avons des obligations internationales. Pensez-vous que nous devrions renier nos obligations internationales pour rétablir l'octroi obligatoire des licences? Si tel est votre avis, il est intéressant, mais est-ce vraiment ce que vous demandez?

M. Hill: On se croirait de plus en plus à la période des questions.

Le président: Monsieur Hill, vous avez droit à une dernière intervention avant que votre temps ne soit écoulé. Voulez-vous faire une dernière intervention rapide?

M. Manley: Monsieur Hill, je considère que nous sommes ici pour parler de la révision du projet de loi C-91. Nous avons certains paramètres. Vous pouvez contribuer positivement à cette révision, mais vous pouvez aussi citer des extraits de 1992. À vous de choisir. Compte tenu de nos obligations internationales, j'ai essayé de vous indiquer les limites de ce que nous pouvons faire.

Comme je l'ai expliqué à M. Brien, on peut dire, rétrospectivement, qu'en adoptant le projet de loi C-91, le gouvernement précédent n'a pas simplement honoré les obligations que comportait le projet de loi C-91, il est allé au-delà, notamment en ce qui concerne la date d'entrée en vigueur. Le choix de cette date pouvait avoir des conséquences financières considérables. Il a décidé que l'abolition de l'octroi obligatoire des licences entrerait en vigueur à la date du dépôt du rapport Dunkel aux négociations de l'ONC à Genève. Cela n'a jamais fait partie de nos obligations, mais c'était le choix du gouvernement. Je n'ai pas le loisir de revenir là-dessus, mais c'est toujours un point de référence très pertinent en ce qui concerne l'extrait que vous avez cité. On peut prendre cela comme point de départ pour améliorer la loi.

Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Monsieur Lastewka.

M. Lastewka (St. Catharines): Merci, monsieur le président et merci, monsieur le ministre, d'être des nôtres ce soir. J'ai beaucoup apprécié votre exposé, vous nous apportez une information précieuse.

J'aimerais vous interroger sur trois sujets.

Le premier concerne les obligations et les engagements de l'ACIM qui découlent de notre approbation du projet de loi C-91. D'après ces tableaux, ou d'après la page où vous mentionnez l'étude Ernst & Young, j'ai l'impression que cinq des six objectifs ont été atteints. Est-ce bien le cas?

.2005

M. Manley: Pouvez-vous me dire à quelle page vous faites allusion, de façon que je puisse...

M. Lastewka: Malheureusement, le texte n'est pas paginé, mais c'est à la page 1, 2...

M. Manley: Est-ce que c'est dans ce document?

M. Lastewka: C'est cela, dans le document Ernst & Young.

M. Manley: Vous parlez du tableau?

M. Lastewka: Oui.

M. Manley: Et vous demandez si les compagnies ont rempli tous leurs engagements sauf un?

M. Lastewka: Sauf celui-ci.

M. Manley: Lequel? Je crois que c'est celui du CRM.

M. Lastewka: C'est exact.

M. Manley: C'est dans le rapport Ernst & Young?

M. Lastewka: Avez-vous à ce sujet de l'information dont vous pourriez nous faire part?

M. Manley: Oui, nous avons de l'information à ce sujet.

M. Lastewka: D'après le tableau, il devait y avoir un certain nombre de partenariats de soutien à la recherche et à la formation dans les universités et les instituts spécialisés, pour un montant de200 millions de dollars sur cinq ans. Les contributions effectuées jusqu'à maintenant sont de l'ordre de 78 millions de dollars.

M. Manley: Il y a également de l'information à ce sujet dans le plus gros document. Je ne suis pas certain de comprendre exactement ce que vous demandez. Voulez-vous savoir s'il y a eu une mise à jour dans les contributions de l'ACIM au CRM?

M. Lastewka: C'est exact. Ces chiffres remontent au milieu de 1996.

M. Manley: Je vois à quoi vous faites allusion, mais je crois avoir vu une mise à jour qui remonte à la fin de 1996. Nous allons voir si nous trouvons ce chiffre...

M. Lastewka: Parfait. On pourra le communiquer au comité.

On a déjà débattu à quelques reprises des approbations de médicaments, M. Schmidt a posé une question à ce sujet, et il semble qu'on aille d'un extrême à l'autre en ce qui concerne les délais. En est-il de même dans les autres pays et pourquoi le délai d'approbation de Santé Canada est-il si long? Je sais que le ministre est parti parce qu'il est malade...

M. Manley: Oui, je crois avoir trouvé la réponse. À la page 8 de la trousse d'information, vous trouverez une mise à jour au 31 décembre 1996, qui indique un montant de 120,2 millions de dollars. Pourquoi le délai est-il plus long au Canada qu'aux États-Unis? Encore une fois, il faudrait poser cette question au ministre de la Santé, qui est responsable de la révision de l'octroi des licences.

M. Lastewka: D'accord. Ma troisième et dernière question est la suivante - et je vais la partager avec mon collègue, s'il me reste du temps, monsieur le président. Le projet de loi C-91 a été approuvé au début de 1993, et l'OMC a été approuvée quelques neuf mois plus tard, je crois. Pouvez-vous nous donner des précisions sur les facteurs qui, à cause de la création de l'OMC, ont une incidence sur le projet de loi C-91, et qui n'étaient pas prévus auparavant?

M. Manley: C'est tout d'abord l'obligation, qui figure aussi bien dans la convention sur l'OMC que dans l'ALENA, de mettre un terme à l'octroi obligatoire de licences, sauf dans les circonstances très exceptionnelles dont j'ai parlées dans mon exposé, et deuxièmement, le délai minimum de20 ans de protection de tous les brevets, et non pas uniquement des brevets pharmaceutiques. Avant de contracter ces obligations en vertu de l'ALENA et de la convention sur l'OMC, nous n'étions pas assujettis, par exemple, à ce délai de 20 ans sur les brevets et nous pouvions appliquer notre régime d'octroi obligatoire des licences.

M. Lastewka: Donc pour l'essentiel, depuis que nous avons signé l'ALENA, il n'y a pas eu d'obligation supplémentaire dans le cadre de l'OMC à part les éléments qui ont été supprimés...

M. Manley: C'est exact, les deux vont de pair.

M. Lastewka: Merci.

M. Manley: La seule différence, c'est que l'ALENA est entrée en vigueur avant l'OMC.

M. Lastewka: Merci.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Monsieur MacDonald, vous avez partagé votre temps de parole, et il vous reste donc un peu moins de cinq minutes.

M. MacDonald (Dartmouth): Merci beaucoup, monsieur le président.

Pour répondre à la question du député de l'opposition - et je vais poser la question au ministre - avant cette révision, on avait mis en place un mécanisme dans la loi, après en avoir débattu, pour faire en sorte qu'on puisse réviser les engagements pris par l'industrie pour voir s'ils avaient été honorés et pour faire le point sur les prix des médicaments brevetés au Canada. Je signale aux membres du comité que c'est pour cela que nous sommes ici, car la loi a été adoptée il y a quatre ans. C'est peut-être à cause de mon amendement qu'on a retenu le délai de quatre ans. Je ne sais pas si je dois en demander pardon.

.2010

Monsieur le ministre, j'ai quelques questions à vous soumettre. J'ai beaucoup travaillé au projet de loi C-91 et aux questions de prix des médicaments brevetés. Il faut dire qu'à l'époque, on ne s'était pas mis d'accord sur le GATT et le gouvernement travaillait en fonction de ses droits et de ses obligations aux plans interne et international. Mais avec l'avènement du GATT et de l'accord subsidiaire TRIP, on a vu que le principe de l'octroi obligatoire de licences n'était pas conforme au contexte international ni aux exigences de l'OMC.

Donc, même si parfois il me répugne de l'admettre, je dois reconnaître que le régime de l'octroi obligatoire de licences a fait son temps. Mais il faut dire, monsieur le ministre - et j'aimerais avoir votre avis à ce sujet - que l'on continue à discuter d'un certain nombre de questions, parfois litigieuses, concernant les activités des fabricants de médicaments brevetés et non brevetés au Canada. Comme on devait s'y attendre, il y a eu des plaintes concernant l'avis de conformité et certains règlements, dont on s'est demandé s'ils ne favorisaient pas les comportements contestables au sein de l'industrie et s'ils avantageaient véritablement le consommateur. On a donc posé un certain nombre de questions, que je voudrais reprendre aujourd'hui, en espérant qu'il en sera tenu compte au cours de la révision.

Monsieur le ministre, je voudrais vous poser précisément la question suivante: Compte tenu de cette structure de révision, y a-t-il des sujets que vous aimeriez aborder en particulier, de façon que nous puissions organiser en conséquence la convocation des témoins? De toute évidence, ce rapport Ernst & Young sera pour nous un document fondamental et peut-être serait-il bon, monsieur le président, que l'on fasse venir ici quelqu'un de la firme Ernst & Young qui pourra répondre à nos questions concernant les conclusions tirées par les auteurs de l'étude.

Je voudrais interroger le ministre sur l'avis de conformité et sur certaines questions connexes, comme celle du formulaire national - je sais que cela ne relève pas de son ministère, mais c'est une question d'intérêt public - les questions de couleur, de forme et de dimension et les éventuels changements au sein du CEPMB. Pensez-vous que le comité doive examiner des questions de ce genre, de façon qu'à la fin de nos travaux, nous puissions faire des recommandations qui ne soient pas limitées au projet de loi, mais qui couvrent au contraire l'ensemble des questions de santé qui découlent du projet de loi, le CEPMB et le prix des médicaments brevetés et non brevetés au Canada?

M. Manley: Tout d'abord, je dois dire que je m'inquiète de l'étendue des connaissances de ce député, monsieur le président, car il épluche ce dossier depuis de nombreux mois. Au départ, nous occupions des sièges voisins à la Chambre, mais malheureusement, je suis devenu sourd de l'oreille gauche et je n'entendais plus ce qu'il disait, mais il en connaît un rayon sur le sujet.

Je pense que le comité pourrait utilement se saisir des questions qu'il a mentionnées. De toute évidence, le Règlement sur l'avis de conformité arrive en tête sur la liste des plaintes que m'ont adressées les fabricants de médicaments génériques. J'ai signalé que ce règlement avait suscité de nombreux litiges. Malgré ma formation d'avocat, je n'ai jamais été favorable aux litiges que l'on doit soumettre à un juge. C'est très bien que les avocats aient du travail, mais s'il faut aller devant le juge, c'est généralement le signe que la loi n'atteint pas son objectif.

Dans le cas présent, j'ai remarqué que le nombre de litiges était très élevé au cours de l'année qui a suivi l'adoption du projet de loi, et que par la suite, il a diminué. Mais je vous invite à considérer les motifs des litiges pour voir s'il n'y aurait pas moyen de modifier le règlement pour le rendre plus efficace, quitte même à l'abolir totalement.

.2015

Comme je l'ai dit dans ma réponse à M. Brien, le règlement vise essentiellement à assurer un juste équilibre. Si l'on admet l'application d'un brevet de 20 ans et qu'on autorise les fabricants de médicaments génériques à stocker leurs produits dans certaines circonstances, il est essentiel, pour les fabricants de médicaments d'origine, que les produits génériques stockés n'arrivent pas sur le marché avant la fin de la durée légale du brevet. C'est une question d'équilibre. Parallèlement à cela, tous les Canadiens ont intérêt à ce qu'au moment de l'expiration du brevet, les produits génériques moins coûteux soient disponibles le plus rapidement possible.

Nous avons donc essayé de parvenir à un juste équilibre. Si le délai de 30 mois empêche la vente d'un produit qui n'est plus protégé par un brevet, il faut en déduire que le règlement est défectueux, et qu'il faut l'améliorer.

Puis-je terminer avant de succomber à l'extinction de voix, monsieur le président? Des deux ministres, je ne sais plus très bien qui est le plus malade.

La question du formulaire national, comme vous dites, ou de «pharmacare», comme l'appelle M. Dingwall, a été abordée par le Forum national sur la santé, et c'est une question très importante. C'est peut-être l'occasion d'économiser des montants considérables dans le système des soins de santé. Je suis sûr que le ministre de la Santé reviendra sur ce sujet lorsqu'il comparaîtra de nouveau devant le comité. La question de la présentation des médicaments a été soumise aux tribunaux, et je n'en parlerai donc pas. Mais si le comité veut se pencher sur les questions de taille, de forme et de couleur des médicaments dans le contexte de son étude, je tiendrai volontiers compte de son point de vue parallèlement à celui des tribunaux.

En ce qui concerne le CEPMB, il est intéressant de constater que la réglementation des prix en Europe, par exemple, s'étend à tous les médicaments d'ordonnance, et pas seulement aux médicaments brevetés. Comme je l'ai mentionné, je ne suis pas certain que la Constitution nous en donne le pouvoir; cependant, vous voudrez peut-être examiner la question de la capacité du conseil à documenter l'information et à la publier?

Le président: Merci, monsieur le président, et merci, monsieur MacDonald.

[Français]

Monsieur Brien.

M. Brien: Monsieur le ministre, il est assez clair qu'une fois la protection de 20 ans accordée, le débat ne s'arrête pas là. Vous l'avez dit et même vos collègues convertis aux avantages de la protection sur les brevets parlent maintenant de la période de 20 ans comme d'un minimum. Donc, le débat va plutôt porter sur la réglementation.

Or, vous venez de dire que vous n'aimez pas que beaucoup de problèmes juridiques entourent l'adoption d'une loi. Je partage en partie votre avis. Pourtant, là où il y a de l'argent, il y a des avocats. Et il y en aura, peu importe la réglementation adoptée.

S'il n'y avait pas de règlements de liaison, il y aurait quand même énormément de cas portés devant les tribunaux parce que si un produit est copié et que sa copie est mise en marché alors qu'il est breveté, des procédures judiciaires seront quand même prises pour établir qu'il y a violation d'un droit et pour déterminer le versement en dommages et intérêts. Donc, on ne peut être à l'abri, peu importe le système adopté, des débats juridiques qui peuvent entourer ces questions-là et qui impliquent énormément d'argent. Est-ce que vous êtes d'accord sur ça?

M. Manley: Oui, mais il faut aussi prendre en considération qu'il n'y a pas, dans les juridictions européennes, de réglementation comme nous en avons ici. Par contre, ils utilisent d'autres méthodes. Les sociétés internationales disent que notre système de droit ici, au Canada, n'est pas adéquat en ce qui concerne le droit d'injonction pour protéger les brevets, surtout parce qu'il y a ici très peu d'acheteurs. En effet, les régimes pharmaceutiques des provinces demandent en général qu'on choisisse le produit générique, quand il en existe un.

Est-ce que les cours sont adéquates? Si c'est le cas, on n'a pas besoin d'une réglementation. Si ce n'est pas le cas, on a besoin d'une réglementation, mais cela entraîne la tenue de procès devant les cours. C'est un problème qui se pose au comité.

.2020

M. Brien: Donc, si je vous comprends bien, si l'injonction interlocutoire est efficace, vous souhaitez quand même que la période de 20 ans soit une protection efficace et respectée et qu'il n'en découle pas un système de violations avec dommages et intérêts en bout de ligne.

M. Manley: Évidemment, selon les compagnies internationales, la possibilité d'une injonction n'est pas adéquatement contenue dans notre droit.

M. Brien: Parlons maintenant de la surveillance des prix, que vous avez désignée comme un enjeu. De toute façon, on creusera cette question au cours du débat. Le Conseil surveille les prix des médicaments brevetés, mais nous n'avons pas, en parallèle, de surveillance pour le prix des médicaments génériques. Or, on sait qu'au Canada, c'est une industrie dominée principalement par deux joueurs majeurs qui contrôlent près de 80 p. 100 du marché.

Surveiller les prix est utile lorsqu'on se trouve en situation de monopole ou d'oligopole. C'est ce qui se passe pour les produits brevetés. C'est une situation de monopole. Est-ce que vous souhaiteriez, pour assurer une bonne protection des coûts du système de santé, qu'il y ait aussi une surveillance accrue du prix des médicaments non brevetés qui se vendent sur le marché?

M. Manley: Comme je l'ai dit à M. MacDonald, c'est aussi une chose sur laquelle le comité voudra peut-être se pencher. En Europe, le système de réglementation des prix s'applique à tous les médicaments d'ordonnance. Ici, au Canada, le droit de déterminer les prix revient aux provinces, bien que nous ayons le droit constitutionnel de légiférer sur les brevets. C'est pourquoi le Conseil ne s'occupe que des prix des produits pharmaceutiques brevetés. Si les provinces voulaient reconnaître au gouvernement fédéral le droit de réglementer ces prix - si vous voulez le proposer - , on pourrait peut-être étudier la question.

M. Brien: Il est tard dans la journée, mais il est bien tôt pour rêver, monsieur le ministre.

Des voix: Ah! Ah!

M. Brien: J'ai une dernière question rapide. Vous faites allusion aux montants que consacrerait l'industrie générique à la recherche et au développement. Malheureusement, il s'agit de compagnies privées, donc de chiffres non vérifiables. Avez-vous simplement pris leurs données telles quelles ou vous êtes-vous dit, finalement, que les montants qu'ils déclarent ont dû être vérifiés et que vous pouvez les présenter comme des données objectives plutôt que comme des données de l'association?

M. Manley: Je croyais que tous les chiffres cités dans notre document comportaient la source dont ils proviennent.

M. Brien: Justement, c'est l'association qui est la source. Donc, ce ne sont pas des données que vous avez vérifiées.

M. Manley: Oui, c'est ça. La seule vérification objective a été faite par Ernst & Young.

[Traduction]

Le président: Monsieur Mayfield.

M. Mayfield (Cariboo - Chilcotin): Merci beaucoup. Monsieur Manley, lorsque le projet de loi a été adopté il y a quatre ans, il a suscité certaines attentes. On s'attendait plus particulièrement à ce que le nombre de médicaments disponibles augmente par suite de la recherche. On s'attendait par ailleurs à ce qu'il y ait peut-être davantage d'emplois qui seraient créés.

Dans un rapport, publié il y a environ 10 jours, j'ai lu que sur les 81 nouveaux médicaments introduits sur le marché au Canada en 1995, 34 étaient ce qu'on appelle des «extensions de gamme», habituellement de nouvelles posologies. Quarante-cinq autres n'offraient qu'une amélioration modérée, ou aucune amélioration, ce qui fait qu'il n'y a eu en fait que deux percées réelles. L'année précédente, 1994, a été très semblable. Sur les 64 nouveaux médicaments mis sur le marché cette année-là, seulement trois se classaient dans la catégorie des nouveaux médicaments.

En ce qui concerne les emplois, les fabricants de produits pharmaceutiques et l'industrie des médicaments génériques semblent dire qu'environ 5 000 nouveaux emplois ont été créés. Si l'on compare ces statistiques à celles de Statistique Canada, selon le journaliste, le secteur des produits pharmaceutiques a perdu 1 500 emplois entre 1991 et 1995.

.2025

Or, vous avez dit que nous n'allions certainement pas revenir en arrière et modifier la loi pour raccourcir la durée des brevets. Me direz-vous quelles autres solutions pourraient aider notre comité à recommander des façons de répondre aux attentes dans ces deux domaines seulement, par exemple.

M. Manley: Je vous remercie de vos questions. Je vais répondre d'abord à votre dernière question, au sujet des emplois, puis je répondrais à celle concernant les nouveaux produits.

L'impact sur les emplois est une question qui est à mon avis très importante. On me dit qu'il y a eu une réduction à la suite d'une restructuration internationale dans le secteur pharmaceutique. Au Canada, naturellement, le secteur biopharmaceutique a connu une croissance importante. En 1992, ce secteur était presque inexistant alors qu'aujourd'hui on estime qu'il emploie 4 000 personnes. Il s'agit d'un secteur important, et sa croissance au Canada est loin d'être assurée. C'est un domaine qui a besoin d'attention, qui a besoin des ressources d'institutions comme le CRM - de bonnes connaissances scientifiques provenant des universités - ainsi que la protection des brevets, comme ils vous le diront, je pense.

En ce qui concerne les emplois en général, je suis convaincu - et je vous l'ai déjà dit en ce qui concerne d'autres secteurs - que si nous créons des emplois à valeur ajoutée élevée qui sont fréquemment caractérisés par la R-D intensive, la technologie de pointe, cela permettra au Canada de créer la richesse au XXIe siècle. Nous estimons que pour chacun de ces emplois, trois ou quatre autres emplois seront créés au pays, en nous basant sur le fait qu'il s'agit de bons emplois, ou d'emplois bien rémunérés. Lorsqu'on parle d'emplois dans un secteur, je ne pense pas que l'on puisse se baser sur une période, même si elle est aussi longue que quatre ans, pour dire que cela indique une tendance à la baisse. Je pense qu'il faut avoir plus de perspective. Je suis convaincu que si nous sommes résolus à créer des emplois à valeur ajoutée élevée, on en récoltera les avantages dans l'avenir.

En ce qui concerne les nouveaux produits, on parle parfois de brevets «reconduits», c'est-à-dire qu'il n'y a eu aucune nouvelle percée, et aucun changement important apporté au produit qui est breveté, mais seulement des changements mineurs. Ce jugement-là est laissé à la discrétion du commissaire aux brevets qui examine une demande de brevets. Il y a des dispositions. J'avoue que je suis loin d'être un avocat spécialiste des brevets, mais je sais que pour qu'un brevet soit accordé, il faut qu'il s'agisse d'un produit nouveau, innovateur et considérablement différent. La loi le prescrit. Le commissaire aux brevets détermine si une demande répond ou non à ces critères. Il n'y a aucune raison pour qu'au Canada nous n'ayons pas notre part de nouveaux produits pharmaceutiques innovateurs et, naturellement, de nouveaux produits biopharmaceutiques.

Le président: Monsieur Mayfield, une très courte intervention s'il vous plaît.

M. Mayfield: Si vous me le permettez, j'aimerais enchaîner sur cette même question.

Lorsque cette mesure législative a été introduite sous le gouvernement précédent, les raisons invoquées par ce dernier étaient davantage de recherche, davantage d'emplois, de médicaments et de profit. J'aimerais que vous répondiez à la question suivante, si vous le pouvez, monsieur: si ces avantages ne se concrétisent pas - ils ont demandé un incitatif et ils l'ont eu - y a-t-il un moyen autre que de revenir à une période de protection plus courte, pour montrer que nous ne sommes pas satisfaits des progrès accomplis, si cela s'avère être le cas?

.2030

M. Manley: Comme je l'ai dit, la période de protection de vingt ans n'est certainement pas négociable, car je pense que les avantages importants que nous retirons des accords commerciaux font en sorte qu'il est peu probable que nous choisirons de ne plus participer. Même si nous pensions que cela était préférable dans ce dossier, le Canada dépend beaucoup trop du commerce pour prendre une telle position face au reste du monde, même si nous ou certaines personnes le voulaient.

Mais la réglementation ne fait pas partie de nos obligations internationales. Les engagements qui ont été pris lorsque le projet de loi C-91 a été adopté peuvent facilement être examinés à la lumière de la situation actuelle pour essayer de les améliorer ou de les étoffer davantage.

Comme M. Brien l'a déjà laissé entendre, on vous demandera peut-être de rétablir la durée des brevets ou de les prolonger. Comme M. MacDonald l'a dit tout à l'heure, il y a d'autres questions qu'il faut examiner. Certaines s'articulent autour de la Loi sur les brevets comme telle, mais d'autres sont liées à toute la gamme des questions qui en découlent, qu'il s'agisse de l'assurance-médicaments, de la taille, de la forme et de la couleur, ou des questions liées à l'utilisation du médicament. Certaines de ces questions pourraient devenir pertinentes au cours de vos délibérations et mener à des suggestions ou à la prise d'autres engagements.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

[Français]

Monsieur Patry, avez-vous des questions?

M. Patry (Pierrefonds - Dollard): Monsieur le ministre, lors de l'adoption du projet de loi C-91 en 1993, il y avait seulement deux joueurs très importants: les compagnie de médicaments d'origine et les compagnies de médicaments génériques. Dans votre exposé, vous nous avez parlé du secteur biopharmaceutique, qui n'était pas vraiment présent en 1993.

Ces compagnies du secteur biopharmaceutique sont-elles satisfaites de la loi actuelle? Est-ce que les dispositions de la loi actuelle sont bien adaptées à ces produits pharmaceutiques ou biopharmaceutiques qui dépendent d'innovations au niveau des procédés biotechnologiques plutôt qu'au niveau des produits eux-mêmes?

M. Manley: Les représentations que j'ai reçues du secteur biopharmaceutique semblent jusqu'ici appuyer les dispositions du projet de loi C-91. J'attends que ce groupe vienne ici pour vous expliquer ce qu'il fait en matière de recherche et de développement et vous faire part de ses plans pour l'avenir et de ses points de vue sur le projet de loi C-91 ainsi que sur les autres questions soulevées ce soir.

M. Patry: Merci.

Le président: M. Leblanc.

M. Leblanc: J'ai été six ans au pouvoir et je sais que le rôle des comités qui entendent des témoins est quand même assez important. Je sais aussi que souvent le gouvernement a déjà pris sa décision avant que le comité ne commence à entendre des témoins. Sachant cela, je demande au ministre présent s'il croit que la période de quatre ans qu'on se réserve avant de réviser les règlements sur les brevets pharmaceutiques est suffisante pour justifier la venue d'investisseurs qui s'installeront au Canada pour développer de nouveaux médicaments ou s'il faudrait prolonger cette période pour sécuriser les investisseurs. Ce laps de temps m'apparaît passablement court, sachant qu'on a besoin d'environ 10 ans pour développer un médicament, mais les règlements peuvent changer. Le gouvernement se garde le privilège de les changer tous les quatre ans. Est-ce sécurisant pour un investisseur qui veut s'installer au Canada? Je suppose que le gouvernement a déjà une bonne idée de ce qu'il doit faire à cet égard.

.2035

M. Manley: Évidemment, c'est mon ami M. MacDonald qui est à la source d'une révision à tous les quatre ans. La situation internationale et nos engagements internationaux ont changé depuis 1993 et nous avons changé de façon radicale notre système de brevets pharmaceutiques. Nous avons introduit des systèmes tel celui des réglementations et augmenté le pouvoir du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. À la lumière de nos quatre années d'expérience, nous pourrions procéder à une évaluation de ces aspects du projet de loi C-91. Il est peut-être un peu trop tôt pour le faire en raison du cycle d'affaires limité et pour bien évaluer des questions comme celle queM. Mayfield vient de soulever au sujet des emplois dans le secteur. Je crois qu'il s'agit d'une question à long terme. C'est aussi le cas des produits innovateurs qui n'ont pas été développés à cause de ce projet de loi. Je crois toutefois que nous pouvons tenir une discussion assez utile avec l'information que nous avons à ce jour.

M. Leblanc: Monsieur le ministre, vous avez dit que c'était le ministre de la Santé qui devait émettre des licences pour la commercialisation d'un nouveau produit. Vous vous en êtes remis au ministre de la Santé, mais je vous pose à nouveau la question. Si le ministre de la Santé continue de prendre autant de temps à émettre une licence, est-ce que vous êtes prêt à prolonger de 20 à 22 ou24 ans la durée des brevets?

M. Manley: Je suis conscient de votre longue expérience du côté du gouvernement, mais je dois vous avouer que je n'ai pas encore pris une décision quant à la prolongation des brevets. J'aimerais entendre les recommandations du comité. J'aimerais aussi vous souligner, comme je le faisais dans mon discours, l'importance du secteur générique au Canada. On parle de compagnies canadiennes qui ont fait de la recherche et du développement ici, au Canada, et qui jouent un rôle de plus en plus important dans le monde. Il est nécessaire d'équilibrer les intérêts. Il est très important, comme je l'expliquais à M. Mayfield, que le Canada suive une politique de création d'emplois à valeur ajoutée dans le secteur de la recherche et du développement. Ce sera le moyen de créer au Canada la capacité de générer des richesses pour le XXIe siècle. Comme dans les autres secteurs de droit, il faut diviser les intérêts. Nous avons étudié des projets de loi sur le droit d'auteur et sur d'autres aspects de la propriété intellectuelle; c'est toujours une question de division. C'est une zero-sum game. J'aimerais bien recevoir vos conseils.

.2040

[Traduction]

Le président: Merci.

M. Volpe, M. Schmidt, puis M. Ianno. Si quelqu'un a une dernière intervention à faire, vous pouvez peut-être me le signaler. Tous les autres pourront ensuite poser une dernière question très rapidement.

Monsieur Volpe, allez-y.

M. Volpe (Eglinton - Lawrence): Merci, monsieur le président.

Je suis encouragé par le genre de questions que nous avons entendues mais je voulais faire un ou deux commentaires, car on a déjà soulevé des questions au sujet de l'accélération du processus d'approbation. On a fait allusion à Santé Canada et à ses procédures. Malheureusement, le ministre n'est pas présent, mais je pense que tous les députés ici autour de cette table reconnaissent que Santé Canada a pour première obligation de s'assurer que tout produit mis sur le marché est tout d'abord sans danger pour le consommateur et ensuite, qu'il est efficace.

Si certains députés ici autour de cette table veulent laisser entendre que Santé Canada raccourcit le processus d'approbation sans tenir compte de ces deux obligations, alors je ne pense pas que le ministre de l'Industrie approuverait lui non plus. Mais si cela rallonge le processus d'approbation, je pense que tous ici seraient heureux de savoir que Santé Canada prend actuellement toutes les mesures nécessaires pour s'assurer que la durée du processus, tant pour les produits brevetés que pour les médicaments génériques - en fait, pour quiconque est associé à ce secteur - est raccourcie le plus efficacement possible. Je pense qu'il importe pour nous de ne pas l'oublier.

Je veux porter la question à l'attention du ministre car je pense que c'est une question d'harmonisation de nos objectifs - et je suis encouragé par ce qu'il a dit un peu plus tôt lorsqu'il a reconnu - que peu importe nos objectifs industriels, il faut également tenir compte des coûts pour le consommateur et pour certains de nos autres programmes, notamment nos programmes de soins de santé. J'espère que le comité abordera également cette question.

Puisque la question a été soulevée à quelques reprises, je tiens à signaler au ministre le grand succès des entreprises biotechnologiques et biopharmaceutiques qui ont vu jour depuis quatre ou cinq ans. Il semble qu'elles aient surgi de nulle part. C'est presque comme Jason et les Argonauts qui couraient après la toison d'or et tout à coup quelqu'un saupoudre un peu de poudre magique et les guerriers apparaissent de nulle part. Ces entreprises ont dû avoir un incitatif particulier. Quelque chose a dû causer cette ruée folle, cette heureuse ruée folle, sur la scène industrielle et scientifique canadienne.

Ce soir, on nous a dit que ces entreprises avaient investi plus de 250 millions de dollars. Les investissements des sociétés de médicaments génériques et de médicaments brevetés sont loin d'avoir investi autant, proportionnellement ou en chiffres absolus, dans la recherche fondamentale. D'après vous, monsieur le ministre, est-ce le projet de loi C-91 et le Règlement sur les brevets ou la Loi sur les brevets qui encourage cette industrie innovatrice? Ou est-ce une série d'autres programmes et stimulants du gouvernement, sans doute sous l'égide d'Industrie Canada, qui a encouragé ce phénomène? Si c'est le cas, pourriez-vous nous en parler afin que les membres du comité puissent faire la part des choses?

Le président: Je ne sais pas comment on peut diviser cinq minutes en deux après cela, mais vous pourriez peut-être dire ce que vous avez à dire pour donner aux autres la chance de poser également leurs questions.

M. Manley: Vous me dites de ne pas prendre trop de temps pour répondre. Vous êtes poli, au moins.

Je voudrais dire que c'est l'élection d'un gouvernement libéral en 1993 qui a...

Des voix: Bravo, bravo!

M. Manley: Tout d'abord, j'imagine que les représentants du secteur biopharmaceutique vont comparaître et vous pourrez alors leur poser la question à ce moment-là. Je pense que ce secteur offre des perspectives très intéressantes de croissance et d'emploi pour l'avenir au Canada. Mais comme pour bon nombre de ces choses, la question n'est pas simple. Ils pourront juger l'importance du projet de loi C-91, mais je pense qu'il ne conviendrait pas d'isoler ce facteur.

Le fait est que la recherche biopharmaceutique est en plein essor dans le monde. Il s'agit d'un nouveau domaine de croissance. Le Canada n'occupe pas la première position au monde, mais il est parmi les principaux pays. En raison des nombreux investissements que nous avons fait pendant de nombreuses années et grâce à une bonne infrastructure universitaire et étant donné que nous avons attiré beaucoup de gens intelligents - M. Michael Smith a remporté un prix Nobel pour son travail dans des domaines connexes - il s'agit d'un secteur qui est de plus en plus essentiel à une croissance importante.

.2045

Nous constatons que la biotechnologie a des répercussions dans de nombreux autres domaines avec lesquels nous n'aurions jamais pensé auparavant qu'elle puisse avoir un lien. Cette recherche va continuer à prospérer, non seulement dans le domaine des produits pharmaceutiques mais même dans des domaines comme les télécommunications et les ordinateurs.

Je suis désolé de ma longue réponse. Je sais que vous m'aviez déjà averti. Mais il y a des choses très intéressantes qui se passent à l'heure actuelle. Tout cela contribue à la croissance, mais d'après les instances qu'ils m'ont présentées, ils vous diront que la protection des brevets est l'un des critères qui leur permettent de faire de la recherche ici au Canada.

Le président: Merci, monsieur le ministre et monsieur Volpe.

Monsieur Schmidt.

M. Schmidt: Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, je crois vous avoir entendre dire que la période de protection de 20 ans des brevets n'était pas négociable.

M. Manley: C'est exact.

M. Schmidt: J'aimerais maintenant vous demander plus précisément ce qui est négociable? En d'autres termes, êtes-vous prêt à négocier tous les autres éléments contenus dans cette loi et dans le Règlement? Est-ce la seule chose qui ne soit pas négociable? En d'autres termes, notre comité fait-il réellement un travail honnête auquel vous pourrez donner suite?

M. Manley: Je ne voudrais certes pas faire de commentaires sur l'honnêteté du comité, mais comme je l'ai dit à M. Leblanc...

M. Schmidt: Si nous faisons un travail honnête, allez-vous écouter nos recommandations?

M. Manley: Je vais certainement écouter vos recommandations, mais je ne peux vous garantir de les accepter. J'examinerai leur logique à la lumière de tous les autres facteurs dont je dois tenir compte, mais je me réjouis du fait que votre comité entendra des témoins, dont bon nombre avec lesquels je me suis fréquemment entretenu ces trois dernières années et demie et dont j'ai eu l'occasion de mettre le témoignage à l'épreuve en les interrogeant. Je suis impatient de voir le consensus auquel vous arriverez pour faire des recommandations. J'ai passé une liste en revue avec M. MacDonald et j'ai constaté qu'il y avait toute une gamme de questions que vous deviez examiner. Certaines d'entre elles, notamment celles qui concernent spécifiquement la Loi sur les brevets, relèvent de ma compétence, de telle sorte que ce sera à moi d'y donner suite.

M. Schmidt: Très bien. Est-ce que cela signifie alors que vous n'allez pas influencer le travail de notre comité de quelque façon que ce soit ni changer, ni modifier son orientation, le débat ou les conclusions auxquelles il arrivera?

M. Lastewka: Je le jure devant Dieu!

M. Manley: J'ai passé beaucoup de temps à préparer mes remarques de ce soir. J'espère que j'ai déjà influencé vos travaux.

Le président: Monsieur Ianno, une dernière question.

M. Ianno (Trinity - Spadina): Merci, monsieur le président.

Monsieur le ministre, vous avez dit que la politique du Canada concernant les médicaments brevetés répond à trois objectifs. Naturellement, nous comprenons l'objectif concernant les prix. Cependant, pour honorer nos obligations internationales et pour appuyer le développement du secteur pharmaceutique au Canada, je serais curieux de savoir comment on peut mettre sur pied un secteur concurrentiel sans s'éloigner du protectionnisme. Si l'on considère que tous les secteurs veulent être traités équitablement, pourquoi le secteur de produits pharmaceutiques est-il traité différemment par le système judiciaire lorsqu'il y a litige concernant les brevets, étant donné que le fardeau de la preuve incombe aux fabricants de produits génériques plutôt qu'aux titulaires de brevets?

M. Manley: Voyons si j'ai bien compris votre première question. Vous me demandez comment on peut mettre sur pied une industrie dans un contexte qui exclut le protectionnisme.

M. Ianno: Oui, si on tient compte de nos obligations dans le cadre de l'ALENA et de l'ONC et si on songe à l'industrie de la culture qu'emploie un million de gens, et la pression provenant du marché international et si l'on considère ensuite le secteur pharmaceutique d'un point de vue différent, vu que les multinationales demandent une protection spécifique. Pouvez-vous nous expliquer la différence?

.2050

M. Manley: Essentiellement, dans bon nombre des secteurs de la technologie de pointe, le Canada doit avoir un avantage concurrentiel comparatif. Nous nous sommes essentiellement éloignés du protectionnisme, particulièrement lors de la récente ronde d'accords commerciaux - et cette semaine il y aura une ronde de négociations importantes dans le secteur des télécommunications sous les auspices de l'ONC. Ce n'est tout simplement pas une approche que le monde industrialisé, et dans une grande mesure à l'heure actuelle, les pays en développement adoptent pour améliorer leur rendement économique.

Dans ce secteur, comme dans les autres secteurs de haute technologie, l'avantage comparatif pour le Canada est, oui, en partie que nous avons adopté le régime de protection des brevets, mais franchement, tout le monde l'a actuellement. M. Leblanc voudra sans doute faire valoir que nous devons l'élargir pour être plus concurrentiels dans ce cadre législatif. Mais ce secteur s'appuie sur le fait que nous avons d'excellentes universités et beaucoup de gens très intelligents capables d'effectuer les travaux de R-D nécessaires. Nous avons au Canada un régime public de soins de la santé qui nous offre des possibilités d'achats, ce qui est très important pour mettre sur pied une industrie canadienne.

Je pense que ces avantages - je suis certain que vous pourrez en trouver d'autres - assureront que l'industrie canadienne des soins de la santé - pas seulement les produits pharmaceutiques, mais les appareils, le savoir-faire dans la gestion des soins de la santé... Ce sont des biens et des services exportables également.

Le marché canadien n'est pas négligeable, car nous sommes un pays riche, mais en comparaison des marchés mondiaux, notre marché est petit. Nous pouvons avoir une grande influence sur les marchés mondiaux, et lorsqu'on envisage les questions d'emploi et de croissance économique, je pense qu'il faut en tenir compte dans l'équation. Nous n'avons pas besoin du protectionnisme, nous avons besoin d'avoir accès aux marchés, car si on nous donne accès, avec les compétences que nous avons nous pourrons gagner.

Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, c'est une question dont vous allez beaucoup entendre parler. Dans mon allocution, j'ai tenté de vous donner, de la façon la plus neutre possible, les raisons pour lesquelles le Règlement ADC a été introduit, c'est-à-dire qu'étant donné les exceptions pour constitution de stocks et aux fins d'approbation réglementaire, on a pensé que - et ces exceptions n'existent pas, par exemple, dans le système européen - il était nécessaire de trouver un autre moyen de s'assurer que la durée du brevet était pleinement respectée.

On discute à l'heure actuelle pour savoir s'il s'agit d'une durée de 20 ans ou plus. Lorsque le projet de loi C-91 a été présenté, nous avons demandé si c'était 20 ans et plus ou 20 et moins. C'est20 ans. La question est maintenant de savoir comment s'assurer qu'à l'expiration de la période de20 ans, le public a accès aux produits génériques, car le prix sera moins élevé.

Franchement, dans tous les domaines de propriété intellectuelle, un brevet est une limite imposée à la concurrence. Dans les pays industrialisés, nous avons décidé qu'il valait la peine d'accorder un tel monopole parce que cela encourageait la recherche et le développement. Autrement, les gens ne seraient pas encouragés à faire de la RD, car après avoir dépensé beaucoup d'argent pour mettre au point un produit, il serait immédiatement volé par d'autres et utilisé à profit. Par conséquent, il s'agit du même argument que dans le débat sur le droit d'auteur.

On a donc intérêt à exploiter le produit de cette R-D en général dès que le brevet prend fin. De la même façon, si on a une loi sur les brevets, il faut qu'elle s'applique jusqu'à l'expiration du brevet. La question est donc de savoir quel est le meilleur mécanisme pour le faire. En Europe, ce sont les tribunaux, purement et simplement, si quelqu'un commet une contrefaçon de votre brevet, vous le traînez devant les tribunaux.

Eh bien, le gouvernement précédent a conclu qu'au Canada cela n'était pas adéquat, qu'en fait on allait mettre essentiellement en place une procédure en vertu de laquelle lorsqu'on avait franchi la longue série d'événements que j'ai décrits, si une poursuite était intentée... Essentiellement, il y a une injonction jusqu'à ce que les tribunaux règlent la question.

.2055

Les exceptions suffisent-elles à justifier une telle chose? C'est un des domaines choses sur lesquelles je m'attends à ce que le comité me donne des conseils. Ce que nous vous avons déjà dit c'est que oui, ces choses sont négociables, et, personnellement, j'estime qu'une loi ou un règlement qui entraîne de nombreux litiges n'est généralement pas une bonne loi.

Voilà donc un point de départ.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Voilà qui montre bien que je ne devrais jamais laisser à M. Volpe et M. Manley lancer une période de questions et réponses dans un comité.

M. Schmidt: Bien dit, monsieur le président.

M. Manley: Monsieur le président, vous avez tout simplement de la chance que M. Dingwall soit parti.

Le président: Au nom du comité, je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'être venu. Je remercie également vos collègues et les hauts fonctionnaires qui vous accompagnaient.

J'aimerais aviser les membres du comité que notre prochaine séance aura lieu le jeudi 20 février à 9 h 30. Nous n'examinerons pas le projet de loi C-91. Monsieur Mayfield, vous avez demandé qu'on entende la Commission canadienne du tourisme. Ses représentants seront ici jeudi matin, séance qui est prévue depuis longtemps.

J'aimerais que les membres du comité se réservent du temps libre cette semaine au cas où nous pourrions entendre des témoins au sujet du projet de loi C-91; si ce n'est possible, d'ici la fin de la semaine, nous vous préparerons une liste de témoins, et à la rentrée après le congé parlementaire nous poursuivrons notre étude et nous commencerons à entendre des témoins dont la liste est longue.

Encore une fois merci, monsieur le ministre.

La séance est levée.

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