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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 30 mai 1996

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[Français]

Le coprésident (le sénateur Roux): À l'ordre! Je déclare la séance ouverte.

Nous avons devant nous, de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, M. Jacques Michaud, président, et M. Yvon Samson, directeur général. Nous avons aussi le nom de Mme Manon Henrie.

Une voix: Mme Manon Henrie est malade.

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Le coprésident (le sénateur Roux): Donc, vous venez nous entretenir de l'application de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles, si je comprends bien. Vous avez la parole pour présenter votre mémoire.

M. Jacques Michaud (président, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada): Monsieur le président, messieurs les membres du comité, la Fédération des communauté francophones et acadienne du Canada remercie le Comité mixte permanent des langues officielles de lui permettre aujourd'hui de lui faire part de ses observations concernant la Partie VII de la Loi sur les langues officielles, et plus particulièrement la mise en oeuvre de l'article 41.

Nous avons un texte, mais il n'est malheureusement pas disponible en anglais. Permettez-vous qu'on le distribue quand même?

Le coprésident (le sénateur Roux): Les membres du comité acceptent-ils que le document ne soit distribué qu'en français?

Il n'y a pas d'objections de la part d'autres membres? Parfait.

M. Michaud: Merci. Notre présentation se limitera à des constatations et commentaires au sujet du processus de la mise en oeuvre de cette Partie VII de la Loi. Nous proposerons également quelques idées ou pistes de solutions visant à bonifier le processus en cours.

En décembre 1995, pour faire un bref rappel, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada a comparu devant ce comité.

Vous vous souviendrez que l'essentiel de notre intervention était alors de vous faire part de nos observations à la suite de la première ronde des plans d'action soumis par les ministères et agences visés pour la mise en oeuvre de l'article 41.

À la même occasion, nous vous entretenions brièvement des obstacles que nous avions décelés au sein de ce processus de mise en oeuvre de cet article de la loi.

Comme vous le savez, la Partie VII de la Loi sur les langues officielles engage le gouvernement fédéral et des institutions à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu'à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne.

Elle traite ensuite de la coordination des objectifs de l'engagement en proposant certains paramètres concrets où diriger les actions du ministère coordonnateur, soit, selon l'article 43, le ministère du Patrimoine canadien.

Nous encourageons fortement ceux et celles qui ne l'ont pas déjà fait à relire le libellé de la Partie VII, qui est, à notre avis, l'expression d'une valeur fondamentale du pays et du rayonnement du Canada au niveau international.

Nous étions des vôtres lors de la comparution du commissaire aux langues officielles, Victor Goldbloom, mardi dernier. Il vous faisait alors connaître le contenu de son rapport sur la mise en oeuvre de cette partie de la loi.

La FCFA du Canada estime que les observations et recommandations émises dans ce document sont des plus cruciales. Nous espérons qu'elles sauront retenir l'attention des dirigeants et des dirigeantes du gouvernement actuel, en plus de se retrouver au coeur du programme des discussions de ce comité.

Voici quelques-uns de nos commentaires et constatations.

Depuis notre comparution, le ministère du Patrimoine canadien a enrayé le problème de distribution des plans d'action. Nous attendons avec impatience ces plans.

La FCFA du Canada s'est associée avec le ministère du Patrimoine canadien afin d'élaborer un plan de communication pour la mise en oeuvre de l'article 41. Cet outil contribuera, entre autres, à assurer que des actions précises soient déployées pour continuer à sensibiliser les ministères et les agences visés à l'importance de la mise en oeuvre de cet article de la loi.

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D'après nos analyses, confirmées entre autres par celles du commissaire aux langues officielles, la plupart des ministères et des institutions ne semblent pas connaître la nature et la portée de l'article 41. Pour ces derniers, la mise en oeuvre de l'article 41 se limiterait à l'offre de services dans les deux langues. Selon nous, il existe une incompréhension sur la signification de la dualité linguistique au Canada.

Le ministère du Patrimoine canadien n'a pas d'autorité directe sur les autres ministères et agences.

Nous observons, comme l'a souligné le commissaire, un manque de volonté politique d'assurer une véritable implantation de la Partie VII.

L'esprit de la loi, à l'article 41, stipule que les institutions doivent adapter leurs programmes, réviser leurs critères et adopter des mesures incitatives, particulièrement à l'égard des communautés en fonction de leurs besoins.

En plus, les institutions et les ministères se cantonnent derrière les critères actuels de leurs programmes, qui ne sont pas conçus pour les besoins de nos communautés. Ils ne font preuve d'aucune imagination pour créer et adapter des programmes pour contrer la détérioration graduelle des communautés francophones et acadiennes du Canada. Il y a un manque d'engagement pour intégrer les objectifs de l'article 41 à la mission et aux objectifs des ministères et agences visés.

On dénote un manque d'information et de formation des fonctionnaires responsables de la mise en oeuvre de la Partie VII. Il est déplorable que les consultations des communautés n'aient pas été le lieu pour définir les besoins, pour faire comprendre les enjeux et pour élaborer des solutions qui auraient permis au gouvernement de réaliser son mandat lié à la Partie VII.

On déplore le manque de priorités clairement établies, d'objectifs précis et de lignes directrices détaillées dans le contenu des plans d'action. Il y a absence d'un mécanisme de vérification des plans d'action des ministères et des institutions et d'imputabilité de ces derniers.

La mise en oeuvre est compromise dans plusieurs ministères et agences étant donné le peu de ressources financières et humaines affectées à la réalisation des objectifs de la Partie VII.

Pour la FCFA du Canada, il est important de rappeler que la mise en oeuvre de l'article 41 de la loi touche directement le processus de décision et de planification du gouvernement. On doit voir à ce que les décisions prises par les ministères et institutions visés soient axées sur le développement et l'épanouissement des communautés francophones et acadiennes, qu'il s'agisse de l'élaboration ou de la mise en oeuvre des politiques et des programmes fédéraux.

Autrement dit, les ministères et les institutions visés ne doivent pas attendre que les décisions soient prises à l'interne pour considérer la mise en oeuvre de l'article 41. Bien au contraire, il faut que les facteurs visant le développement et l'épanouissement des communautés francophones et acadiennes soient intégrés dans tout processus fédéral - les ministères et les institutions visés - de planification, de décision et d'évaluation.

Il est impératif que le ministère du Patrimoine canadien revoie sa stratégie d'information et de coordination pour faire connaître aux ministères et institutions visés la portée de l'article 41 de la loi. Le contenu des plans d'action et la rencontre des organismes nationaux et des coordonnatrices et coordonnateurs des agences et institutions visés ont fait la preuve que les fonctionnaires fédéraux ne comprennent pas la distinction entre l'obligation de donner des services dans les deux langues officielles et l'obligation liée à la mise en oeuvre de l'article 41 de la loi.

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Comme moyen d'améliorer la coordination, la FCFA du Canada appuie catégoriquement la recommandation du commissaire aux langues officielles visant l'implication ferme de la part du Cabinet, et je cite:

Afin que le gouvernement canadien corrige les lacunes identifiées par plusieurs intervenants ou intervenantes dans sa stratégie, il doit démontrer sa volonté en donnant un nouvel élan pour une véritable mise en oeuvre de la Partie VII de la Loi. Il doit le faire en créant, au sein du Cabinet, le sous-comité dont il est question dans la recommandation. À l'instar du commissaire, le Cabinet assurerait ainsi une direction ferme pour la mise en oeuvre de la Partie VII, notamment en réaffirmant l'engagement du gouvernement canadien à atteindre les objectifs de la Partie VII et en démontrant combien il est important que ces objectifs soient atteints, en tant que symboles d'une citoyenneté canadienne solide, la même pour toutes les citoyennes et tous les citoyens, quel que soit leur lieu de domicile.

Il est intéressant de lire cette partie, parce qu'il y a à peine une heure, on entendait le premier ministre du Canada dire en Chambre que le français sera une langue de communication partout au Canada.

Le Cabinet devrait aussi: préciser la haute priorité que le gouvernement accorde à la Partie VII et indiquer clairement quelle importance les considérations relatives à la Partie VII doivent revêtir lorsque sont présentées au Cabinet des recommandations sur la répartition des ressources financières, ainsi que sur l'examen et la restructuration des programmes; veiller à la diffusion, à l'échelle de l'administration fédérale, de directives politiques claires sur le fait que toutes les institutions fédérales sont tenues, dans le cadre de leur mandat respectif, d'assurer la mise en oeuvre de la Partie VII; faire connaître les motifs pour lesquels le gouvernement continue de favoriser une mise en oeuvre vigoureuse de la Partie VII, de même que la justification sous-jacente pour ce qui est, premièrement, de l'importance de la dualité linguistique et, plus particulièrement, du fait que les communautés minoritaires de langue officielle constituent une composante essentielle dans cette valeur canadienne et, deuxièmement, de remédier aux désavantages particuliers dont souffrent les communautés minoritaires de langue officielle, en raison des inégalités du passé et des obstacles structurels qui les empêchent de participer à part égale à de nombreux programmes fédéraux.

La stratégie d'implantation de la décision du mois d'août 1994 doit aussi impliquer les organismes centraux du gouvernement canadien. Il est bien connu que les ministères ont tendance à attendre plutôt qu'à agir devant l'inconnu. La première ronde des plans d'action en est une preuve éloquente. Le gouvernement canadien exprime sa volonté dans les actions de ces organismes centraux. Ce sont ces derniers qui ont l'initiative de développer des mécanismes d'orientation et de contrôle lorsque le législateur a promulgué une loi.

Le Conseil privé, le Conseil du Trésor, le ministère du Patrimoine canadien, pour son rôle de coordination, le ministère de la Justice, le Centre canadien de gestion et la Commission de la fonction publique, pour leur rôle de formation des fonctionnaires, et Statistique Canada représentent à nos yeux de tels organismes centraux. Ces ministères et ces agences, en appuyant fermement la décision du mois d'août 1994, vont donner l'exemple à l'ensemble des ministères et des agences du Canada.

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En terminant, si l'un des fondements du Canada est la dualité linguistique, le gouvernement canadien n'a d'autre choix que d'envoyer un message clair à l'appareil gouvernemental. Il doit dire haut et fort que la mise en oeuvre, non seulement de la Partie VII mais de l'ensemble de la Loi sur les langues officielles, est une priorité gouvernementale et pourrait donner l'exemple en créant un sous-comité du Cabinet chargé de la mise en oeuvre de cette loi. Il doit inciter énergiquement ses organismes centraux à développer des mécanismes d'orientation et de contrôle pour la mise en oeuvre de la Loi sur les langues officielles.

La dualité linguistique doit se refléter dans la vitalité des communautés francophones et acadiennes partout au pays. La Partie VII de la loi engage le gouvernement canadien et toutes ses institutions, non seulement à promouvoir la pleine reconnaissance et l'usage des langues officielles du Canada à l'échelle de la société, mais aussi à appuyer activement le développement et l'épanouissement de ces communautés. Merci.

Le coprésident (le sénateur Roux): Merci, monsieur le président, pour cette communication brève et éloquente.

Avant de passer la parole à mes collègues, pourrais-je vous demander si, depuis votre dernière présence ici, vous avez constaté une amélioration de la situation, si la situation s'est maintenue à ce qu'elle était auparavant ou si elle s'est dégradée?

M. Michaud: Lorsque les communautés ont reçu cette annonce, il y a deux ans, elles y ont mis énormément d'espoir.

L'an dernier, c'est-à-dire au mois de décembre, on a indiqué que, dans cette première année, le mouvement avait été très lent. On ne peut pas dire en ce moment qu'on a accéléré énormément le mouvement.

Au sein des agences visées et des ministères, on semble encore mal comprendre. Il y a énormément de travail à faire, soit auprès des fonctionnaires, soit dans les régions pour s'assurer qu'un réel plan d'action pour l'épanouissement et le développement des minorités linguistiques au Canada soit mis en oeuvre.

Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Marchand.

M. Marchand (Québec-Est): Quand on lit votre texte et votre rapport du mois de décembre de l'année dernière, je crois, on peut se dire que tout reste à faire. Il y a peu de développements. Comme vous venez de le confirmer au président du comité, peu a été fait depuis l'annonce d'août 1994, et tout reste à faire.

M. Michaud: Il est assez difficile de dire que tout reste à faire ou que rien n'a été fait. Je ne crois pas qu'on pourrait honnêtement dire que rien n'a été fait.

Il y a certaines agences ou certains ministères qui semblaient avoir bien compris et voudraient bien faire le développement de certains plans ou de certaines actions. Je parle entre autres d'Industrie Canada, comme on l'avait fait lors de la dernière présentation, de Statistique Canada et de l'Office national du film, et il y a eu certains mouvements, encourageants pour nous, du côté de Développement des ressources humaines Canada.

Il y a du travail à faire. Il y a, selon nous, énormément de formation à faire auprès des gens qui doivent réaliser cette mise en oeuvre, c'est-à-dire nos fonctionnaires.

Il semble qu'on n'en est pas rendu au stade où ces gens ont compris la différence entre la Partie IV, où l'on parle de donner les services, et la Partie VII, où l'on parle de créer des plans pour l'épanouissement et le développement des minorités francophones, entre autres.

M. Marchand: D'après vous, quels sont les obstacles? Qu'est-ce qui empêche le gouvernement de faire du chemin dans l'application de la Partie VII? Vous parlez de l'incompréhension des hauts fonctionnaires dans certains ministères. Vous parlez aussi peut-être d'un manque de volonté de la part du gouvernement. Y a-t-il d'autres obstacles à part ceux-là?

M. Michaud: Je crois que l'élément le plus important est de s'assurer qu'on puisse dépasser ce manque de volonté.

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Par exemple, il y a l'élément d'imputabilité. Comme l'aurait dit le commissaire aux langues officielles, il faut avoir un organisme à un autre palier qui donne à ces agences et à ces ministères une orientation et il faut que ces ministères et agences soient imputables. C'est probablement l'élément le plus important de la solution.

M. Marchand: Donc, c'est une question d'imputabilité à une agence, un ministère ou un ministre. Qui, d'après vous, devrait avoir la responsabilité de l'application de la Partie VII?

M. Michaud: Dans notre mémoire, nous avons parlé d'un comité et on croit que ce comité devrait être rattaché au Cabinet pour qu'il ait de l'influence et la capacité d'évaluer et de recommander avec une certaine force des éléments de plans d'action qui permettront cette imputabilité des ministères et des agences gouvernementales.

On verrait bien, au sein de ce comité rattaché au Cabinet, des intervenants tels les ministères de l'Industrie, du Patrimoine canadien nécessairement, du Conseil du Trésor, du Conseil privé et du Développement des ressources humaines. Ce sont là des exemples de ministères ou d'agences gouvernementales qui pourraient avoir une influence sur les plans d'action, ce qui permettrait d'assurer l'épanouissement et le développement de la francophonie dans notre pays.

M. Marchand: Vous avez indiqué toute une liste de ministères et d'agences qui pourraient venir témoigner là-dessus devant notre comité. Évidemment, vous mentionnez le ministère du Patrimoine canadien, le Conseil du Trésor et le Conseil privé. Vous dites qu'il faudrait peut-être essayer de mettre sur pied ce genre d'agence au sein même du Conseil privé.

Le ministère du Patrimoine canadien a le rôle de coordonnateur. Il me semble que ce ministère a plus ou moins fait son travail. D'après vous, quel est ce rôle-là? Pourquoi est-il le coordonnateur? Pensez-vous que le ministère du Patrimoine canadien est en mesure de donner des directives aux autres ministères pour que la loi soit appliquée efficacement?

M. Michaud: Il faut comprendre - et je vais demander à Yvon de donner un complément à ma réponse - que le rôle de coordonnateur et celui de directeur ne sont pas les mêmes. Un ministère coordonnateur est au même niveau que les autres ministères ou les agences gouvernementales. Le détenteur de ce rôle peut donner un input sur la façon d'implanter dans les ministères ou les agences l'article 41 de la loi. Mais on ne donne pas à un coordonnateur la force nécessaire pour diriger les agences gouvernementales et les ministères ou les obliger à implanter des plans d'action. Donc, il n'a pas cette responsabilité ou ce pouvoir qui lui permettrait de diriger les ministères ou les agences. C'est pour cette raison-là qu'on donnerait ce rôle à un comité qui aurait le pouvoir nécessaire.

Yvon, voudrais-tu ajouter quelque chose?

M. Yvon Samson (directeur général, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada): Le rôle du ministère du Patrimoine canadien est de coordonner les autres ministères pour qu'ils puissent élaborer des plans. Il donne un encadrement à cela et il doit faire un rapport au Parlement sur les résultats. Il doit déposer, avec son rapport, les résultats atteints par les autres ministères. Il n'a pas cependant pas le rôle que pourrait jouer, par exemple, le Conseil du Trésor, qui est responsable de l'administration générale, de la gestion, des plans d'affaire, etc., au sein de l'appareil gouvernemental. Il ne peut insister sur certaines choses à l'intérieur de ces plans. Il peut simplement les encourager à intégrer ces choses aux plans.

Donc, le rôle de coordonnateur, c'est beau, mais ce coordonnateur n'a pas de «dents». Il n'est pas en mesure d'influencer la rédaction des plans.

.1615

M. Marchand: En ce qui a trait à l'argent, parce que vous parlez justement du financement de l'application des principes, d'après vous, le gouvernement a-t-il subventionné l'application de la Partie VII? Comment voyez-vous cela?

M. Michaud: Il y a certainement là une lacune.

M. Marchand: Peut-on dire que de l'argent a été consacré à l'application de la Partie VII ou si vous dites que vraiment, dans le fond, il n'y a pas d'argent?

M. Michaud: On ne peut généraliser et dire qu'il n'y a pas d'argent qui a été mis là-dedans, parce que certains ministères ou agences ont intégré dans leur plan annuel une stratégie pour répondre aux exigences de l'article 41. Mais ce n'est pas une majorité qui l'a fait. Donc, il y a énormément de travail à faire pour s'assurer qu'on a les ressources, financières ou humaines, qui vont permettre la mise en oeuvre de l'article 41.

Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur le sénateur Rivest.

Le sénateur Rivest (Stadacona): Pour ce qui est de la Partie VII, le rapport du commissaire, qu'on a examiné, et votre témoignage disent que cela ne marche pas fort. Il n'y a pas de boss là-dedans. Il y a eu la déclaration du premier ministre du Canada, il y a deux ans, en Acadie. Vous faites une très bonne description des choses: il y a un ministère qui coordonne et un autre, le Conseil du Trésor, qui à travers bien d'autres choses... Aujourd'hui, dans votre mémoire, vous suggérez une formule, mais il n'est pas possible que cela fonctionne. Il y a qu'une déclaration vague, sérieuse et sans doute de bonne foi du premier ministre, mais ce dernier a d'autres chats à fouetter.

Il s'occupe beaucoup du plan B, comme vous le savez, mais il vous faut un plan A, comme il nous faut un plan A à nous aussi. Depuis ce temps-là, le premier ministre n'a plus rien dit et on est dans un marasme. Le commissaire, lui, est là pour activer les choses, recevoir les plaintes, épauler les communautés et en parler publiquement. Son rapport en témoigne. Il faudrait une autorité qui puisse dire à un ministre: «Faites cela».

C'est cela, le grand problème. En ce qui a trait au Bloc, manquez-vous parfois de questions en Chambre? Vous pourriez peut-être poser des questions là-dessus.

M. Marchand: On en a posé aujourd'hui.

Le sénateur Rivest: Bravo! C'est cela qui est la grande difficulté. La volonté est là. La Partie VII est là. On sait l'importance et l'intérêt pour les communautés minoritaires de cet aspect-là, et c'est à cela qu'on devrait travailler.

Monsieur le président du comité, je voudrais vous demander ce que vous en pensez. Nous sommes des parlementaires venant du Sénat et de la Chambre des communes et le président, lors de la séance de mardi dernier, je crois, a suggéré qu'en tant que membres du comité, au lieu de simplement poser des questions et déposer des rapport à la Chambre, nous pourrions faire quelque chose.

Nous pourrions proposer une résolution ferme axée sur la nécessité d'une volonté politique de nommer quelqu'un qui, comme on dit communément, calls the shots, et surtout qui est là pour voir à la réalisation et qui s'intéresse aux résultats.

On a l'impression qu'il y a une volonté politique qui existe. Le premier ministre est sans doute en faveur de cela. S'il y en a un qui est pour cela, c'est bien lui, mais il a d'autres choses à faire et personne, dans l'appareil gouvernemental, ne semble se préoccuper des résultats, sauf vous qui venez nous dire cela et sauf le commissaire qui le signale dans son rapport. Mais il n'y a personne qui attrape le ballon après cela. On reste pris entre deux chaises.

Souhaiteriez-vous que le Comité mixte permanent du Sénat et de la Chambre des communes sur les langues officielles fasse quelque chose pour aider la cause? Le comité pourrait par la suite, sans exagérer, voir si la Partie VII marche. Vous avez dit qu'il était important d'avoir un leadership. Ce genre de leadership vous aiderait-il?

M. Michaud: Sénateur, j'apprécie énormément vos commentaires, puisque c'est bien ce qu'on dit depuis le mois de décembre. On comprend bien qu'il y a des plans qui nous sont soumis, qui sont soumis au ministère du Patrimoine canadien, qui sont évalués par le commissaire aux langues officielles et par nous-mêmes aussi en ce moment. Mais on ne peut s'attendre à que le Cabinet évalue des plans d'action. Il a autre chose à faire que la lecture de 54 documents épais comme la Bible.

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On apprécierait énormément qu'il y ait un comité ayant des «dents», comme Yvon l'indiquait plus tôt, qui puisse dire à ces agences gouvernementales et aux ministères: «Vous ne faites pas du tout la mise en oeuvre de l'article 41». Seul un comité ou un groupe rattaché au Cabinet pourrait avoir la force nécessaire pour convaincre ces ministères et agences de bien répondre aux exigences de l'article 41.

M. Samson: Je crois qu'une résolution de la part du comité serait souhaitable.

Le sénateur Rivest: Ça ne marche pas, la «patente». Je dis cela un peu familièrement, mais vous comprenez ce que je veux dire.

Ce qui est le plus significatif, c'est l'insistance du commissaire, que vous avez vous-mêmes reprise. Ce que je trouve le plus révélateur, comme l'a également signalé M. Marchand, c'est que les fonctionnaires ne comprennent pas la différence entre la fourniture de services exigée dans la Loi sur les langues officielles et la Partie VII.

C'est une espèce d'atavisme. Ce n'est pas par mauvaise foi ou parce que je frappe à la mauvaise porte, mais parce que les lumières ne sont pas allumées. Excusez-moi, mais c'est comme cela.

On pourra faire venir Sheila quand elle sera revenue. J'imagine qu'elle reviendra au ministère du Patrimoine canadien et nous dire qu'elle coordonne. Mais ce ne sera pas assez. Il faut y aller.

Monsieur le président, je suis content de votre suggestion.

Le coprésident (le sénateur Roux): Je me permets de signaler à mes collègues du Sénat que la cloche sonne en ce moment. C'est une cloche de 15 minutes. Donc, à moins que nous ayons terminé nos débats à 16 h 30 , je me permettrai d'ajourner la séance pour 15 ou 20 minutes.

J'ai le nom de M. Allmand, et je me permettrai, avec l'assentiment du comité, de donner la parole à M. Leblanc en sa qualité de député, même s'il n'est pas membre du comité, à moins que quelqu'un y voit des objections.

[Traduction]

M. Allmand (Notre-Dame-de-Grâce): La dernière fois que le commissaire est venu devant nous, j'ai justement fait état des problèmes que vous soulevez aujourd'hui.

J'ai indiqué que, d'après mon expérience, il est très difficile pour un ministre d'imposer des plans ou de donner des ordres à d'autres ministres de son gouvernement qui sont sur un pied d'égalité avec lui ou elle. À mon avis, il s'agit non seulement de la partie VII, qui confère au secrétaire d'État, maintenant devenu le ministre du Patrimoine canadien, le pouvoir de coordination à cet égard, mais des parties IV, V et VI, qui confient au président du Conseil du Trésor une responsabilité analogue en ce qui concerne la langue de travail, le service au public et ainsi de suite.

J'ai dit que le seul moyen de faire en sorte que nous puissions compter sur la volonté politique dont vous parlez et qui est essentielle pour mener cette affaire à terme, est peut-être de la confier à quelqu'un qui peut exercer son autorité sur eux tous - c'est-à-dire le premier ministre - ce qui n'aurait rien d'inhabituel dans certains cas. Le premier ministre pourrait passer par les fonctionnaires du Bureau du Conseil privé, qui est d'ailleurs chargé dans les faits de la coordination des activités gouvernementales. Il me semble qu'il serait possible d'envisager une solution comme celle-là en raison de l'importance capitale de cette loi pour assurer l'unité canadienne et le traitement équitable des deux groupes de langue officielle.

Avez-vous déjà réfléchi à cette solution en particulier? Je sais que vous avez parlé de créer un comité. Je ne m'y oppose pas, mais il me semble que la seule façon de faire avancer les choses serait que la responsabilité en soit confiée au premier ministre, qui ferait bien sûr appel aux fonctionnaires compétents pour l'aider,

[Français]

que la loi soit modifiée. À ce comité-ci, nous pouvons préparer un rapport recommandant des amendements pour assurer la mise en oeuvre de la Partie VII et en confier la responsabilité au premier ministre, qui pourrait être aidé par le Conseil privé.

Que pensez-vous de cette suggestion?

.1625

M. Michaud: On vous remercie de cette suggestion. C'est justement ce dont on aurait besoin pour répondre à cette lacune qu'on vit depuis deux ans. Ce comité pourrait être composé du Conseil du Trésor, d'Industrie Canada, etc., mais il faut qu'il ait un lien direct avec le premier ministre ou avec le Cabinet afin qu'il ait une autorité sur les ministères et agences visés par l'article 41. On apprécierait énormément que ce comité fasse cette recommandation et présente une résolution à cet égard.

[Traduction]

M. Allmand: J'ai la conviction, conviction fondée sur l'expérience, qu'il faudrait plus qu'un comité de représentants du gouvernement. Vous avez parlé du manque de volonté politique. La volonté politique doit venir d'un personnage politique, soit un ministre, soit le premier ministre, mais quelqu'un qui détient son autorité du peuple. Il me semble que la seule personne qui pourrait bien faire les choses... Je sais que le premier ministre est un homme occupé, mais avec son autorité, il pourrait faire avancer ce dossier.

Je passe maintenant à un autre sujet. Pourriez-vous me donner des exemples des mesures qui selon vous, devraient être incluses prioritairement dans le plan d'action afin de réaliser les objectifs de la partie VII, tels qu'ils sont énoncés aux articles 41, 42 et 43? Si je vous demande des exemples de ce à quoi vous pensez, c'est que nous saurions alors quels pourraient être les ministres responsables.

Ainsi, l'extension de Radio-Canada et des programmes culturels sont prioritaires pour l'épanouissement des communautés de langue officielle.

Pourriez-vous me donner une idée des mesures que le gouvernement pourrait, selon vous, mettre en oeuvre - pas toutes les mesures qu'il pourrait mettre en oeuvre, mais celles auxquelles il faudrait accorder la priorité - et qui seraient nécessaires pour que vos communautés, les communautés que vous représentez, puissent non seulement survivre mais «s'épanouir» comme mentionné dans la loi?

[Français]

Le coprésident (le sénateur Roux): Monsieur Michaud, je suis désolé, mais il faut que j'aille au Sénat. Je ne sais pas si le sénateur Rivest va venir avec moi.

[Traduction]

Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, la séance pourrait peut-être se poursuivre sous la présidence de M. Marchand, même si nous n'avons pas le quorum. Si personne ne pose la question, je crois que nous pouvons poursuivre.

[Français]

Le sénateur Rivest: Cela dépend de la limite de temps qu'il va s'accorder.

Des voix: Ah, ah!

Le coprésident (le sénateur Roux): Nous reviendrons aussitôt que le vote sera pris. Merci.

Le vice-président (M. Marchand): Je vous cède la parole, monsieur Michaud.

M. Michaud: Vous avez donné un bon exemple, monsieur Allmand, en disant que la Société Radio-Canada était un moyen de communication essentiel pour que nous puissions nous voir partout au Canada. Vous savez sans doute qu'il y a des Canadiens qui sont plus isolés que d'autres. Donc, la Société Radio-Canada, en tant que moyen de communication, est un élément extrêmement important, et cette agence gouvernementale doit avoir un plan d'action qui va permettre une régionalisation du fait francophone partout au Canada.

En ce moment, on semble laisser entendre que Radio-Canada est une entité d'une région particulière du Canada, et on ne voit pas ce qui se fait à Saint-Boniface ou à Moncton. Ces gens-là ne se voient pas de façon pancanadienne au sein de cet élément de communication important.

En communication, il y a aussi tout ce qui est lié à Industrie Canada, comme l'informatique, l'Internet, etc. Il faut un plan pour assurer que l'élément francophone soit à la base de cette communication électronique. Actuellement, ce n'est pas évident, bien qu'on ait fait énormément de progrès.

La culture est aussi un élément extrêmement important pour l'identité...

M. Allmand: Il y a aussi le théâtre.

.1430

M. Michaud: C'est cela. Sans une formation sur le plan pancanadien, les francophones du Canada ne seront pas un élément stable sur le marché mondial. Donc, il faut s'assurer que Développement des ressources humaines Canada ait un plan pour assurer la formation de nos francophones sur le plan pancanadien.

Ce sont là des éléments importants pour nous.

On parle de tous ces plans-là pour s'assurer que la francophonie soit un élément économique stable pour le Canada si on veut garder la réputation internationale dont nous jouissons actuellement.

La francophonie doit devenir un élément de vente, une valeur ajoutée. D'ailleurs, c'est de ces priorités qu'on aurait discuté avec le ministère du Patrimoine canadien.

Le vice-président (M. Marchand): Merci, monsieur Michaud. Monsieur Leblanc, vous avez la parole.

M. Leblanc (Longueuil): On a beaucoup parlé de plans d'action, de politiques. On dit que le gouvernement a la volonté de le faire. On fait des déclarations. Ce qui m'a toujours surpris dans tout cela, c'est qu'on se donne peu de moyens pour réaliser tout ce qu'on dit.

Au Québec, quand on a promulgué la Loi 101, on a embauché environ 400 personnes pour la faire respecter et la promouvoir. C'est beau d'adopter des lois, d'avoir de la volonté, de faire des discours, mais si on ne se donne pas les moyens d'y arriver, on n'ira pas loin.

Après une douzaine d'années ici en tant que député, c'est encore ce que je constate quand je me promène au Canada. Le mois dernier, j'ai pris Air Canada à Toronto et j'ai posé une question à l'hôtesse qui m'a répondu en anglais. Je dis toujours: «Vous ne parlez pas français?» Elle répond: «Non, malheureusement». J'ai insisté: «Vous êtes censée parler français, car la loi l'exige. Je suis un francophone et j'ai le droit de me faire servir en français». Elle s'est excusée, mais elle était fâchée. Elle m'a quasiment envoyé chez le diable, comme on dit au Québec.

En ce qui a trait aux services du gouvernement fédéral, les deux langues officielles sont très peu respectées. Tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas un genre de moyen punitif...

Un sous-ministre est responsable de gérer son ministère et doit faire appliquer la Loi sur les langues officielles en ce qui a trait aux services. Tant qu'on n'aura pas prévu des punitions... Si, après plusieurs tentatives, on voit que les choses ne s'améliorent pas dans son ministère, ce dernier devrait être puni tout simplement, mis à l'amende. C'est un moyen, mais il y en a sûrement d'autres.

Cependant, je pense qu'il y a très peu de moyens, dans l'exercice de la gestion gouvernementale, qui feront en sorte qu'on réussira à améliorer les services en français à travers le Canada.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais je pense que c'est au niveau des moyens qu'il y a des problèmes. On en a parlé plus tôt et je pense qu'il faut vraiment trouver des moyens. On a beau avoir la volonté, quand on ne prend pas les moyens pour qu'elle se réalise, on ne va nulle part. C'est ce qui arrive de toute façon.

M. Michaud: C'est la base d'un des arguments qu'on présente, de même que le commissaire des langues officielles qui, dans l'un de ses rapports de cette année, faisait le bilan sur les services de langue française au sein de certains ministères fédéraux.

C'est déplorable de voir qu'il y a un manque de volonté. D'ailleurs, c'est presque insultant de voir certains fonctionnaires s'obstiner à dire qu'ils n'ont pas à développer ou à assurer l'épanouissement du fait français au Canada.

Pourtant, la Partie VII le précise très bien. On doit offrir le service et non pas seulement le dire. Le service doit permettre l'épanouissement et le développement du fait français au Canada. Ce n'est pas tellement évident que les fonctionnaires l'ont compris.

Il faudrait cultiver cet esprit afin qu'on comprenne ce qu'on veut dire par l'épanouissement et le développement du fait français au Canada. Il faut donner aux fonctionnaires une formation pour qu'ils puissent bien remplir leur mandat.

.1635

M. Leblanc: Vous parlez encore de sensibilisation. Personnellement, je pense que ce n'est pas suffisant. On vit dans un continent nord-américain anglophone, où il y a 300 millions de personnes qui vivent en anglais. Si on veut protéger la langue française en Amérique du Nord, il faut plus que des beaux discours. Il faut vraiment y mettre des dents.

Il faut faire comme on a fait au Québec. Et même au Québec, on a beaucoup de difficulté. Même si on a pris de grands moyens, on a beaucoup de difficulté. On ne blâme pas la communauté anglophone de cela. On vit dans un continent anglophone et c'est très difficile. Donc, il nous faut des moyens très solides si on veut maintenir cela, ou bien on décide d'abandonner. Si on décide de ne pas abandonner, il faut se donner les moyens de faire avancer les choses.

M. Michaud: Je crois que c'est ce comité-ci qui aura à élaborer un plan d'action ayant des dents. Ou encore, si vous voulez poursuivre votre idée de punition, est-il possible de punir certains ministères ou dirigeants?

M. Leblanc: Des gens qui ne respectent pas la loi?

M. Michaud: Oui. Donc, il y a cette possibilité-là et c'est pour cette raison qu'on voudrait que ce comité qui serait rattaché au Cabinet ait des dents, un plan d'action, des critères et des moyens de forcer les ministères et les agences liés par l'article 41 à agir de bonne foi et de façon constructive.

M. Samson: Je vais abonder dans le même sens que vous. Étant francophones hors Québec, on vit la situation que vous avez vécue à Air Canada en ce qui a trait à la Partie IV, qui traite des services aux clients dans la langue de leur choix.

La loi a 25 ans. Elle a été modifiée sensiblement en 1988. Des règlements très explicites ont été élaborés en 1990 par le Conseil du Trésor. Mais encore, comme le commissaire l'a souligné,60 p. 100 des Canadiens ne reçoivent pas activement les services en français. Soixante pour cent après 25 ans, c'est beaucoup de gens qui n'obtiennent pas les services lorsqu'ils les demandent.

Donc, je comprends très bien votre frustration et le commissaire peut utiliser certaines dispositions de la loi qui lui permettent d'aller en cour fédérale, par exemple pour forcer certains ministères à prendre la loi au sérieux.

Il y aurait peut-être lieu de regarder les mécanismes pour voir comment on pourrait leur donner le mordant nécessaire.

Le vice-président (M. Marchand): Si vous me le permettez, je vous poserai quelques petites questions et ferai quelques petits commentaires.

M. Leblanc disait qu'une chose qui pourrait aider la situation serait de punir certains ministères parce qu'ils ne répondent pas aux exigences de la loi.

Je vous ferai remarquer que certaines provinces, encore aujourd'hui, ne respectent pas la Constitution canadienne. Le gouvernement fédéral a beaucoup de difficulté à encourager certaines provinces à rencontrer les exigences de la Constitution canadienne.

Cependant, quand on parle de l'application de la Partie VII, on parle d'une juridiction entièrement fédérale.

Donc, le gouvernement a tous les pouvoirs nécessaires pour s'assurer que la Partie VII est appliquée. Mais, comme vous dites, il y a un manque de volonté et un manque d'argent.

Vous dites qu'il y a de l'argent, mais c'est évident qu'il n'y en a pas assez. Les communautés francophones sont assoiffées et la situation est vraiment difficile.

Je reviens à l'idée de M. Allmand. Je pense que ce qu'il a dit plus tôt est la chose la plus brillante qu'on puisse suggérer.

L'imputabilité ou la responsabilité ne peut être donnée à un ministre, parce qu'un ministre ne peut pas imposer sa volonté à d'autres ministres. C'est très difficile.

Un sous-comité du Cabinet, comme vous le suggérez, deviendrait un peu fantôme et pourrait disparaître dans les rideaux de la scène.

.1640

Dans le fond, pensez-vous que, pour que les choses débloquent, on devrait demander au premier ministre lui-même de venir à ce comité pour se prononcer officiellement et solennellement sur l'application de la Partie VII et s'engager à contribuer une somme claire et précise?

Selon vous, le premier ministre devrait-il venir et dire que le gouvernement va consacrer à cela telle somme d'argent?

M. Michaud: Malheureusement, je suis ignorant de certains éléments du processus gouvernemental qui pourraient me permettre de dire qu'on pourrait consacrer à cette loi un certain montant d'argent. À un moment donné, on avait avancé le chiffre de 50 milliards de dollars.

De toute façon, il faut avoir une déclaration. On a la déclaration de 1994, qui n'est pas accrochée à un système d'imputabilité. Le comité pourrait-il nous donner un plan détaillé de la façon d'évaluer l'imputabilité des ministères ou des agences? Peut-être pourrait-on alors dire: «Non, je regrette, ce ministère ou cette agence ne répond pas aux critères d'évaluation».

Je ne sais pas si on peut demander au premier ministre d'y accrocher un montant d'argent ou encore si on s'exposerait à beaucoup de critiques en disant: «Oui, la mise en oeuvre de l'article 41 devrait nous coûter 50 milliards de dollars». Je ne connais pas assez bien l'appareil du gouvernement fédéral pour répondre à cette question.

Yvon, veux-tu ajouter quelque chose?

Le vice-président (M. Marchand): La chose est grave, parce qu'on coupe actuellement dans les programmes aux francophones hors Québec. On a coupé, je pense, 40 p. 100 des fonds alloués aux Fransaskois, par exemple, et j'ai eu vent, tout récemment, que l'ACFO, en Ontario, avait subi une coupure assez draconienne. C'est regrettable.

Il y a toujours une limite! Évidemment, on est dans une époque de compressions budgétaires et, en même temps, on dit que la survie des francophones hors Québec ou des communautés francophones au Canada est prioritaire et essentielle à la survie du Canada.

Il faut aller chercher de l'argent quelque part. Donc, il me semble que le gouvernement doit s'engager. Autrement, il faudra mettre à la poubelle tout espoir de survie des francophones, tout espoir que la Partie VII puisse être appliquée. Il faut engager des sommes, ne pensez-vous pas?

M. Samson: Oui. Lorsqu'on regarde les chiffres au niveau des langues officielles, on voit qu'ils se sont toujours maintenus 0,04 p. 100 du budget fédéral. Mais lorsqu'on regarde les budgets qui sont accordés aux organismes qui interviennent, qui ont la gouvernance des communautés francophones, on voit que, depuis quatre ans, ils ont chuté. C'est maintenant rendu à 0,0017 p. 100 du budget fédéral. Il faut avoir les moyens, mais je ne suis pas certain qu'on les ait à l'heure actuelle. On est même en décroissance assez prononcée.

Le vice-président (M. Marchand): Merci. Je cède la parole à M. Allmand.

[Traduction]

M. Allmand: Oui, merci.

Je veux simplement vous signaler que, même si la partie VII s'applique surtout aux domaines de compétence fédérale, il convient de noter qu'aux termes des alinéas 43d) et e), le gouvernement fédéral doit aider les gouvernements provinciaux à donner à tous les Canadiens la possibilité d'apprendre le français et l'anglais. Puis, il est précisé que le gouvernement fédéral doit encourager les entreprises, les organisations patronales et syndicales, les organismes bénévoles, etc., à réaliser les objectifs de la partie VII, qui concernent la dualité linguistique du Canada. La loi dispose ensuite que le gouvernement fédéral peut prendre des mesures en ce sens auprès des gouvernements étrangers.

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Ainsi, même si la partie VII traite surtout des domaines de compétence fédérale, elle précise que le gouvernement fédéral, par l'entremise du secrétaire d'État, l'actuel ministre du Patrimoine canadien, doit accorder soutien, aide et incitatifs aux gouvernements provinciaux, au secteur privé - aux entreprises et aux autres organisations - et même aux pays étrangers pour que la dualité linguistique du Canada soit reconnue et soutenue.

Je voudrais, pour ma part, savoir ce qui a été fait pour mettre en oeuvre les alinéas d), e), f) et les autres.

Cela m'amène à l'autre point qui a été soulevé.

Notre comité n'est pas en mesure de sanctionner les ministères ou les ministres qui ne font pas preuve de beaucoup de dynamisme quand il s'agit de mettre en oeuvre la partie VII, mais nous pouvons certainement les mettre dans l'embarras. Je me souviens que notre comité a déjà par le passé, quand le commissaire aux langues officielles a nommé certains ministères qui manquaient sérieusement aux obligations que leur conférait la loi - les forces armées en l'occurrence, la GRC et certains autres départements - , convoqué les ministres et les hauts fonctionnaires à témoigner devant le comité et à venir s'expliquer publiquement.

Nous les avons, dans une certaine mesure, mis dans l'embarras du fait qu'ils n'avaient pas respecté la loi. Ainsi, nous ne pouvons pas les emprisonner ni leur imposer une amende, mais nous pouvons certainement leur rendre la vie difficile. Je propose que, lorsque le comité sera au complet, nous examinions le rapport du commissaire aux langues officielles et ses études ultérieures afin de déterminer quels sont les ministères qui ne s'acquittent pas de leurs responsabilités.

Certains sont plus fautifs que d'autres. Je peux peut-être vous poser la question. N'est-ce pas qu'il y a certains ministères qui répondent beaucoup mieux que d'autres aux besoins des minorités francophones, tandis que d'autres manquent sérieusement à leurs obligations? Le commissaire l'a signalé à quelques reprises, mais vous avez peut-être vous-même une certaine expérience de la question.

M. Michaud: Il est assez évident qu'il en est ainsi. Industrie Canada est un de ces ministères; nous tenons ce ministère en haute estime pour ce qu'il a fait jusqu'à maintenant.

[Français]

La réalisation du plan n'est pas tout à fait la même chose que la planification. C'est lent, mais on connaît la planification et on apprécie l'effort. Maintenant on comprend que les communautés francophones et le gouvernement, particulièrement Industrie Canada, auront à travailler conjointement.

M. Samson: Le Conseil du Trésor a même voulu se faire exempter. L'ACDI l'a été dans le passé et on n'a pas vu d'autres plans depuis. On peut vous en nommer d'autres. D'ailleurs, dans notre rapport du mois de décembre et celui du commissaire, on fait une évaluation des plans et on montre comment quelques-uns manquent de volonté politique.

M. Michaud: J'aimerais répondre à ce premier commentaire de M. Allmand, qui parle de l'alinéa 43c) ou d), où on parle...

M. Allmand: Et e) et f)...

M. Michaud: ... d'encourager les provinces et les territoires...

M. Allmand: Encourager et assister.

M. Michaud: C'est cela. Une fois que la décision serait prise par les provinces ou les territoires de s'engager à offrir, par le biais de la Fédération canadienne, les services dans les deux langues officielles, on irait les aider à bien dispenser ces services. Je pense plus particulièrement à un outil de base que toute communauté devrait avoir: l'éducation.

L'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés indique bien que les membres de la Fédération canadienne, les provinces et les territoires devraient adhérer à l'article 23. Encore aujourd'hui, trois de nos provinces n'y adhèrent pas.

.1650

C'est sincèrement un problème pour nous de penser qu'on doit aller convaincre ces gens de dispenser des services équitables en santé, en formation professionnelle et ainsi de suite.

M. Allmand: À l'alinéa 43d), on dit que le gouvernement fédéral doit assister et encourager les provinces à offrir des services provinciaux et municipaux en français et en anglais.

M. Samson: Mais on diminue les ressources financières, et les ententes fédérales-provinciales de ce type-là sont en décroissance. Donc, il n'y a pas de moyens et de ressources, à l'heure actuelle, pour atteindre ces objectifs-là. Un virage à cet égard serait essentiel.

Le vice-président (M. Marchand): Avant de vous accorder la parole, monsieur Leblanc, je voudrais faire un petit commentaire. Si M. Allmand est d'accord avec moi, on pourrait convoquer le premier ministre au comité. Je serais le premier à soumettre cette suggestion au comité directeur. Si vous m'appuyez, monsieur Allmand, je suis sûr et certain que nous aurons à convoquer le premier ministre ici, au comité. Lui-même pourrait répondre à certaines questions ayant trait à l'application de la Partie VII.

Monsieur Michaud, si le premier ministre venait au comité pour répondre à certaines questions sur les langues officielles et s'engageait à contribuer une somme d'argent pour l'application de la Partie VII, ne pensez-vous pas qu'il y aurait certaines choses qui seraient prioritaires?

M. Allmand vient tout juste de parler de certaines dispositions de la loi qui exigent que certains services soient dispensés dans les deux langues officielles, mais il y a quand même des urgences. Le feu est pris quelque part au Canada, mais où? J'aimerais que vous élaboriez là-dessus.

M. Michaud: Si vous suggérez qu'on demande au gouvernement canadien de consacrer des ressources financières, ma réponse est oui. On dirait qu'il faut identifier prioritairement la culture, l'industrie et l'économie. Ce sont des éléments très importants pour nous, et il y a aussi l'éducation, qui est un outil de base pour n'importe quel regroupement communautaire culturel. Ces éléments sont prioritaires pour nous.

Le vice-président (M. Marchand): Monsieur Leblanc, vous avez la parole.

M. Leblanc: Plus tôt, quand je parlais de prendre des moyens ou de punir, je voulais dire que lorsqu'on embauche un sous-ministre pour gérer un ministère, ce dernier doit suivre des règles. Je pense que cette loi fait partie des règles qu'il doit suivre. C'est dans cet esprit que je dis que ce sous-ministre est responsable de son ministère, puisque c'est lui qui doit gérer le ministère. Que je sache, il n'est jamais arrivé, au cours de l'histoire, qu'un sous-ministre ait été démis de ses fonctions parce qu'il n'avait pas respecté la Loi sur les langues officielles.

On n'est pas obligé d'investir des sommes énormes quand on est vraiment décidé à se donner des moyens pour faire respecter une loi. Ce n'est pas toujours une question d'argent. Il s'agit juste de dire à un sous-ministre qui ne respecte pas la loi: «Écoute, tu n'as pas respecté la loi. Cela fait plusieurs fois qu'on a des reproches à te faire à cet égard. Si tu t'entêtes, eh bien, mon cher ami, tu vas perdre ton emploi».

C'est dans ce sens-là qu'il faut prendre les moyens. C'est beau de faire des discours et d'avoir la volonté politique, mais il faut se donner les moyens nécessaires. On a les instruments qu'on veut se donner. Il n'y a rien de plus facile que de dire à quelqu'un: «Si tu ne respectes pas la loi comme gestionnaire principal, comme sous-ministre, tu vas perdre ton emploi». Mais je n'ai jamais entendu dire qu'on avait exigé cette chose d'un sous-ministre et qu'il avait perdu son emploi parce qu'il ne s'y était pas conformé.

.1655

M. Allmand a été ministre pendant un certain temps. Il l'a peut-être déjà fait, mais je ne le sais pas. Moi, je n'ai jamais entendu parler de cela et je n'ai jamais vu cela.

Souvent c'est le contraire. C'est le sous-ministre lui-même qui cherche toujours des moyens de passer à côté parce que c'est moins compliqué, parce que c'est embarrassant.

On a tout ce qu'il faut pour le faire, mais il ne faut pas juste le dire. Il faut avoir la volonté de réaliser ce qu'on dit et ce qu'on écrit.

M. Michaud: J'ajouterai tout simplement qu'en tant que contribuable et représentant de plus d'un million de contribuables au Canada, j'abonde dans cette direction. Je dirais: «Si tu n'es pas capable d'exécuter ton travail, de rencontrer les exigences du poste, on peut facilement te remplacer».

Une voix: Pourquoi pas?

Le vice-président (M. Marchand): Avant de terminer, je vous poserai une dernière question, monsieur Michaud. Mardi de la semaine prochaine, le commissaire sera devant le comité.

Nous allons lui demander quels sont les ministères les plus délinquants, quels seraient les besoins les plus urgents si le gouvernement mettait de l'argent là-dedans et s'il est d'accord qu'on devrait d'abord et avant tout parler au premier ministre pour que ce dossier puisse déboucher.

Y a-t-il des questions que vous aimeriez qu'on lui pose mardi prochain pour aider à faire débloquer l'application de la Partie VII?

M. Michaud: L'élément le plus important pour nous est de s'assurer qu'il y ait un mécanisme qui va permettre l'imputabilité des ministères et des agences visés par l'article 41.

Oui, nous voudrions la création, dans les plus brefs délais, d'un processus qui permette l'imputabilité. C'est l'objectif principal à faire valoir au premier ministre.

M. Samson: On apprécie les rapports systémiques du commissaire, du genre de celui qu'il a fait en ce qui a trait aux services au public, etc.

Le commissaire peut faire des recommandations au Parlement et son rôle est de recommander aux députés ce qui devrait être fait dans certaines circonstances, auprès de certains ministères ou agences qui n'arrivent pas à remplir leurs obligations.

Vous avez parlé d'un rapport ou d'une résolution ferme de la part du comité aux deux Chambres. On aimerait savoir quand vous pourriez présenter une telle résolution dans le but de faire avancer le dossier de la Partie VII.

Vous pourriez peut-être demander au commissaire s'il a d'autres suggestions.

Le vice-président (M. Marchand): Je n'ai pas d'autres questions. Je vous remercie beaucoup, messieurs Michaud et Samson. Encore une fois, on s'excuse du retard attribuable, évidemment, aux sénateurs. Il y a deux problèmes au Canada: les langues officielles et le Sénat.

La séance est levée.

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