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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 8 avril 1997

.0907

[Traduction]

Le président (M. Roger Simmons (Burin - Saint-Georges, Lib.)): Bonjour tout le monde.

Bonjour, Pierre.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Bonjour, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: À l'intention des nouveaux arrivants dans la salle, nous poursuivons notre examen des politiques sur le mauvais usage et l'abus de drogue. Nous avons le plaisir de recevoir ce matin le chef Barry King et ses collègues, représentant l'Association canadienne des chefs de police.

Chef King, veuillez avoir l'amabilité de nous présenter vos collègues. Si vous avez une déclaration liminaire, c'est parfait. Laissez-nous un peu de temps pour poser des questions.

Avant de vous donner la parole, je vous signale que trois membres seulement du comité sont présents, mais nous aimons croire qu'ils sont de qualité. Sérieusement, nos règles prévoient un quorum de trois membres pour entendre des témoignages, ce que nous faisons ce matin, par opposition à la prise de décisions - et c'est le nombre que nous avons. D'autres députés feront leur apparition dans le courant de la matinée. Ils ont d'autres engagements sur la colline. Mais, évidemment, tout ce que vous direz sera enregistré pour la postérité et, surtout, sera pris en compte lorsque nous passerons en revue les procès-verbaux aux fins de la rédaction de notre rapport.

Soyez le bienvenu, chef King. Vous avez la parole.

Le chef Barry King (président, Comité sur l'abus de drogue, Association canadienne des chefs de police): Merci beaucoup, monsieur le président, et bonjour à vous et aux membres du comité.

Notre comparution aujourd'hui résulte d'un effort de collaboration et d'un partenariat entre les chefs de police canadiens, la Gendarmerie royale du Canada et tous les membres de notre comité, lequel englobe le ministère du Solliciteur général, Santé Canada, le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies et d'autres. Nous avons scindé notre exposé en deux parties, de façon à couvrir tous les aspects.

Je suis le chef Barry King. Je préside le Comité sur l'abus de drogue, et ce depuis neuf ans. Je suis accompagné de Michel Perron, du cabinet du Solliciteur général - il est également membre de notre comité; du commissaire adjoint Ryan, de la Gendarmerie royale du Canada; et duSgt d'état-major Michel Pelletier, qui est chargé des programmes d'éducation sur la toxicomanie pour le Canada. Si vous le permettez, je vais demander au commissaire adjoint Ryan de commencer avec son exposé. Je présenterai ensuite l'autre moitié, et nous pourrons répondre à vos questions.

M. Terry Ryan (vice-président, Comité sur l'abus de drogue, Association canadienne des chefs de police): Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité, de nous avoir invités et de nous donner cette occasion de vous rencontrer et de vous faire cette présentation.

Les maux associés à la toxicomanie ont contraint la société canadienne à réaliser l'existence du problème et la nécessité de le confronter, de se sentir responsable de la lutte contre ce fléau, à défaut de pouvoir l'éliminer. Pendant longtemps, la relation entre l'abus de substances et d'autres problèmes sociaux n'était pas largement reconnue, de sorte que les solutions n'étaient pas reliées entre elles. On pensait que pour lutter contre la toxicomanie, il suffisait d'enrayer le trafic de drogue. Cependant, la demande de substances illicites est si forte qu'elle l'emporte sur la capacité de la police à réprimer le trafic et des solutions nouvelles sont nécessaires.

.0910

Les forces de police sont bien placées pour constater les dégâts infligés à la collectivité par la toxicomanie. Cette dernière est souvent la cause directe ou un facteur amplificateur des préjudices; de ce fait, la police est toute prête à consacrer des efforts considérables à la mise en oeuvre de solutions.

La Gendarmerie royale du Canada et l'Association canadienne des chefs de police reconnaissent qu'une approche équilibrée est nécessaire, qui englobe la prévention, l'éducation, le counselling, le traitement et la réinsertion, en sus de la répression. Certains des acteurs du problème de la toxicomanie auront besoin d'un accès à toutes ces solutions, tandis que d'autres ne réagiront qu'à une méthode donnée. Par exemple, les jeunes ont besoin d'être renseignés sur les dangers et les conséquences de l'abus de drogue, d'apprendre à reconnaître les problèmes qui mènent à la toxicomanie et de comprendre qu'il est tout à fait acceptable et nécessaire d'encourager un ami à se faire soigner. Il faut leur présenter des modèles pour guider leur comportement social. Les parents et les enseignants sont souvent les premiers modèles dont s'inspirent les jeunes et il convient donc de les sensibiliser et de les éduquer aussi.

Les employeurs ont la responsabilité d'offrir un milieu de travail sûr, qui favorise un mode de vie sain, par la formation et par l'offre de services de traitement et de réinsertion sociale. Parallèlement, ils doivent garantir la sécurité et veiller à ce que cette dernière ne soit pas compromise par des employés intoxiqués.

Les responsables de la santé doivent assurer que des services de counselling, de traitement et de réinsertion adéquats sont disponibles.

Les médias doivent mettre en vedette des personnes qui trouvent des solutions à leurs problèmes autres que le recours aux substances intoxicantes.

Les personnels des divers organismes confrontés aux problèmes de la toxicomanie doivent s'unir pour faire passer ces messages dans leur travail quotidien.

Ces organismes doivent dialoguer de manière continue pour assurer que leurs efforts et leurs messages coïncident et partager les solutions qu'ils mettent en oeuvre.

Les services de police canadiens ne croient pas que l'incarcération des consommateurs de cannabis soit une solution adéquate. Au contraire, ils sont pleinement partisans des solutions offertes par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et des alternatives judiciaires contenues dans le projet de loi C-41.

Les chiffres de Statistique Canada nous apprennent qu'il y a eu en 1994 et en 1995 une infraction de possession de cannabis pour deux policiers, au Canada.

La police estime que la solution passe par une collaboration autour d'une même table des représentants des services de santé, des travailleurs sociaux et d'autres participants, sur la base du modèle CAPRA de police sociopréventive. Une telle approche équilibrée permettra à la police de consacrer le maximum d'efforts à ses enquêtes sur les criminels endurcis qui se livrent au trafic et à l'importation de grosses quantités de drogue. L'éducation, le traitement ou la réinsertion ne représentent pas une option viable pour ces personnes.

La communauté policière condamne fermement les efforts visant à légaliser des substances actuellement prohibées, telles que le cannabis. Une fois la Loi réglementant certaines drogues et autres substances promulguée, il ne sera plus possible de relever les empreintes digitales ou de photographier les personnes condamnées pour possession de petites quantités de cannabis, pour leur usage personnel. Ces personnes n'auront plus de casier judiciaire et n'auront pas à subir les conséquences négatives d'un casier judiciaire. En outre, les consommateurs de drogue et les trafiquants qui vendent de la drogue pour financer leur propre consommation peuvent être soustraits au système de justice pénale par le biais des dispositions du projet de loi C-41.

Le gouvernement canadien doit faire savoir haut et fort qu'il entend recentrer la réponse au problème de la toxicomanie de manière équilibrée, le système judiciaire ayant la capacité de renvoyer les toxicomanes vers des organismes de santé. Il faut faire comprendre à la société que la toxicomanie n'est pas un problème relevant exclusivement de la police et de la justice, mais constitue plutôt un problème de société et que la société doit contribuer à la solution.

En outre, si le gouvernement canadien ne prend pas une position ferme sur la question, il transmettra aux jeunes Canadiens un message ambigu et les amènera à penser que l'abus de drogue est un comportement normal. Merci de votre attention.

Le chef King: Si je puis poursuivre avec mon exposé, monsieur le président, la toxicomanie représente un danger sérieux pour la santé et l'intégrité des individus dans le développement normal de notre société. L'abus de drogue inflige des coûts sociaux, économiques et politiques anormaux aux pays et les substances illicites telles que l'alcool, le tabac et les substances inhalées, consommées à l'excès, sont notoirement dangereuses pour la santé.

La lutte contre les drogues illicites doit faire partie d'une politique nationale globale et focalisée qui recouvre à la fois - et je le répète car c'est important - l'éducation, la prévention, la répression, le traitement et la réinsertion, menée avec des moyens adéquats et sous-tendue par une législation et des politiques au niveau national. Ces efforts doivent être accomplis en collaboration avec les provinces et territoires, particulièrement sur le plan de l'éducation, car c'est l'un des domaines où je pense qu'il existe une lacune à l'échelle du pays puisque nous n'avons pas la possibilité d'assurer l'éducation dans toutes les écoles avec les mêmes programmes.

.0915

Nous devons devenir partenaires dans la sécurité des collectivités. Nous avons une responsabilité partagée de faire en sorte que notre stratégie pour le Canada soit globale. Dans le cadre des initiatives de réduction des dommages, nous voulons répéter que l'ACCP rejette catégoriquement la légalisation de la marijuana ou de toute autre substance actuellement interdite, mais nous envisageons la décriminalisation et recherchons d'autres possibilités de façon à pouvoir progresser en faisant preuve de réalisme et travailler en partenariat comme nous le faisons depuis deux ans au sein de la nouvelle coalition PSP - soit Partenariat Santé-Police - de façon à comprendre nos responsabilités et points de vue respectifs et dégager, j'en suis sûr, quelques solutions efficaces.

Cependant, il ne faut pas oublier que le trafic de drogue est un fléau, qu'il permet à d'aucuns de réaliser de gros profits et qu'il faut faire en sorte que cette source de profits s'accompagne d'une responsabilité et de risques pour ceux qui s'y livrent.

Pour ce qui est du Partenariat Santé-Police, c'est sans doute l'initiative la plus prometteuse que j'ai jamais vue dans mes 36 années de police, et plus particulièrement au cours de mes dix années de présence au Comité sur l'abus de drogues. Nous avons formé une coalition lâche avec le ministère de la Santé, le Solliciteur général et l'ACCP. Y participent aujourd'hui une dizaine de groupes qui se penchent ensemble sur des questions telles que la réduction des dommages, la relation entre réduction de l'offre et demande, la déjudiciarisation et la réduction des risques. Pourquoi? Parce que c'est une démarche de police sociopréventive qui correspond bien à l'orientation future du travail de police: les partenariats, le dialogue, le soutien mutuel et la compréhension par chacun du rôle et des responsabilités de l'autre. Deuxièmement, en ces temps d'austérité budgétaire, c'est ce qui est le plus rationnel. Troisièmement, les considérations sanitaires et sociales sont aujourd'hui inséparables des considérations judiciaires: nous sommes tous confrontés aux mêmes problèmes.

Pour ce qui est des limites de la répression, même si nous n'aimons pas le dire, nous savons que toute la répression du monde ne fera jamais disparaître le problème, si bien qu'il nous faut mettre en oeuvre conjointement trois ou quatre méthodes différentes.

Avec l'encombrement des prisons et des tribunaux, nous savons que nous ne pouvons pas simplement continuer à arrêter des gens et à les jeter en prison. Nul n'aura jamais les moyens de construire autant de prisons qu'il le faudrait, sauf peut-être certains de nos voisins du Sud.

Pour ce qui est de la réforme législative, une nouvelle loi va prochaine entrer en vigueur qui modifiera certaines de nos façons de travailler. Nous allons devoir remettre à plat virtuellement tous nos programmes. Cela représentera un coût énorme, non seulement sur le plan de la sensibilisation des policiers et de leurs partenaires, mais aussi du grand public...

Il ne suffit pas pour cela de publier des communiqués. Comme vous le savez sans doute, notre pays compte 17 000 écoles et c'est une tâche énorme que de toucher nos jeunes.

Comment le ferons-nous? Nous le ferons au moyen d'initiatives fédérales-provinciales et nous pensons que ces partenariats doivent être renforcés. Comme je le dis, il n'existe pas au Canada de ministère de l'Éducation nationale qui pourrait élaborer un programme et l'appliquer dans tout le pays. Les contraintes sont différentes selon les provinces et nous livrons régulièrement ces batailles. Nous aboutirons au moyen de bonnes politiques, de la coopération, de la communication, de la coordination et de la reddition de comptes.

Pour ce qui est du Comité sur l'abus de drogues de l'ACCP, nous nous sommes récemment dotés d'un nouvel énoncé de mission pour les années 97 à 2000 dont nous sommes très heureux: promouvoir des collectivités plus sûres et plus saines par un leadership proactif, en agissant au niveau de la prévention, de la répression et du traitement de la toxicomanie. Les valeurs que nous mettons en avant sont l'intégrité, la collaboration, l'innovation, l'inclusion et l'excellence. Notre nouvelle devise est «Partenaires pour des collectivités plus sûres».

À l'intérieur de l'ACCP, qui comprend 18 comités, notre Comité sur l'abus de drogues est en liaison avec six autres: ressources humaines; trafic; modifications législatives; prévention du crime; police autochtone et victimes de la criminalité. Tous ces éléments sont reliés entre eux et nous ne voulons pas que certains aspects tombent dans une faille.

Au plan extérieur, nous travaillons chaque année avec 19 autres organisations.

Pour ce qui est de notre action depuis 1989, nous avons élaboré des programmes. Nous avons déployé dans les 17 000 écoles du Canada, dans les deux langues officielles, de huit à dix programmes divers, au moins. Nous avons coparrainé le symposium national des maires des grandes villes sur la toxicomanie. Nous avons des vidéos qui s'adressent aux jeunes depuis le jardin d'enfants jusqu'à l'école secondaire; nous avons créé le Junior Jays Club, réalisé un vidéo qui s'adresse aux Autochtones ruraux intitulé On The Road To Recovery, et participé à diverses autres initiatives; par exemple, nous avons distribué trois millions d'exemplaires d'une bande dessinée Spiderman axée sur l'éducation antidrogue.

Des symposiums sur l'éducation antidrogue et la répression de la drogue ont été organisés au cours des trois dernières années afin d'isoler les problèmes communs et nous y avons invité des participants de tout le pays afin d'avoir une application uniforme non seulement de la lutte contre le trafic mais aussi des programmes éducatifs.

.0920

Vous avez demandé quelle est la qualité de la collaboration entre les autorités fédérales, provinciales et municipales. Nous avons assisté, au cours des dix dernières années probablement, à une amélioration très sensible, et même remarquable au cours des trois à cinq dernières années. Elle est le produit en partie de la nécessité, mais aussi d'une communauté d'intérêts qui nous permet de nous soutenir les uns les autres à l'intérieur de ce cadre.

En tant que coprésident du Partenariat Santé-Police, nous avons collaboré avec le Comité national d'action sur le SIDA à des programmes d'échange de seringues et nous avons adopté une résolution en faveur de cela. Nous travaillons également sur le projet du Réseau communautaire canadien de l'épidémiologie des toxicomanies, soit l'étude épidémiologique qui fait actuellement l'objet de six projets pilotes.

L'ACCP et la GRC, de concert avec les ministères de la Santé et du Solliciteur général, travaillent à un projet d'alphabétisme, tout juste finalisé, qui est une enquête à l'échelle du Canada visant à déterminer quelles approches nous pouvons utiliser pour communiquer efficacement avec les jeunes à risque. Nous venons d'en recevoir le rapport - désolé, nous n'avons que ce seul exemplaire, c'est ce gros classeur rouge. Nous avons réalisé cela de concert avec le Secrétariat d'État et Alphabétisation Canada. La phase suivante du projet consiste à déterminer l'outil le plus efficace pour toucher ces personnes.

Nous participons également à une étude sur les drogues et alcools illicites, avec le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies, qui est un complément de l'étude sur le coût économique de la criminalité, laquelle avait souffert d'un manque de statistiques sur l'application des lois. Cette lacune n'est de la faute de personne, ces chiffres n'étaient simplement pas disponibles. Nous cherchons aujourd'hui un moyen de les rassembler, afin que nous puissions dire en connaissance de cause si 30 p. 100, 40 p. 100, 70 p. 100 ou 80 p. 100 de la criminalité est liée d'une façon ou d'une autre à l'abus de substances. Nous avons fait appel pour ce projet à deux des meilleurs chercheurs du monde, qui viennent juste de se mettre au travail.

Une chose que je dois dire, au sujet de notre stratégie antidrogue ou notre financement, c'est que la difficulté à laquelle nous nous heurtons de plus en plus dès que quelque chose est mis en train, c'est le manque de crédits. Nous volons toujours Pierre pour donner à Paul.

L'Association canadienne des chefs de police n'a jamais contribué financièrement à ce genre de projets auparavant. Nous nous en remettions toujours au ministère de la Santé ou à celui du Solliciteur général. Mais nous avons dû contribuer nous-mêmes 5 000 $ et cet argent provient directement de nos cotisations. Nous jugeons ce travail important mais je ne sais pas pendant combien de temps nous pourrons continuer à faire cela. Mais ce n'est pas seulement une question d'argent, il faut aussi déclarer prioritaires les actions qui nous permettront de faire une différence à l'avenir.

Pour ce qui est de notre plan stratégique pour le Partenariat Santé-Police, nous organiserons ici, à Ottawa, une table ronde nationale à la fin du mois. Nous faisons venir 47 hauts responsables des services de santé et de police de tout le Canada. Ce sera notre deuxième table ronde en l'espace d'un an. Notre plan stratégique vise à confirmer quelle doit être la mission en matière d'éducation antidrogue, confirmer le message et déterminer qui doivent être les messagers, de façon à éviter les chevauchements et resserrer la collaboration, et ce d'un bout à l'autre du pays et non pas seulement dans des poches isolées.

Il y a encore un certain nombre d'autres problèmes. Vu le manque de temps, je ne les passerai pas tous en revue, sinon pour dire que nous avons actuellement de 30 à 40 programmes en place, si l'on englobe ceux visant la conduite en état d'ébriété, la toxicomanie, la vente aux mineurs, des choses de cette nature, à l'échelle du pays. Le problème avec la plupart d'entre eux, c'est qu'ils sont... Je ne dirais pas qu'ils sont dépassés, mais ils ont été créés il y a cinq, six, sept ou huit ans. Aujourd'hui, vu l'ampleur des moyens mis en oeuvre aux États-Unis, des programmes comme DARE... Vous avez tous entendu parler de DARE, mais je pourrais vous citer 15 programmes canadiens dont vous n'avez probablement jamais entendu parler, parce que nous n'avons pas la même capacité promotionnelle et le financement pour ce genre de choses. Nous voyons aujourd'hui des services de police se saisir de ces programmes américains, ce qui nous préoccupe en tant que Canadiens. Je ne pense pas que le message que nous veuillons transmettre à nos jeunes en soit un puisé dans un classeur que nous achetons aux États-Unis.

Voilà le genre de problèmes... Comme je le dis, nous essayons sincèrement de vous montrer la situation. Nous avons une perspective nouvelle aujourd'hui avec le PSP, et vous pouvez d'ailleurs nous voir assis ici côte à côte - le ministère du Solliciteur général et le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies derrière nous - et s'il est une supplique que je veux vous transmettre, c'est que nous avons besoin de cette indépendance de l'ACCP, qui joue un rôle d'organisation cadre et qui est une bougie d'allumage pour nous. Elle a la capacité d'effectuer les recherches, et le suivi et l'évaluation. On peut bien engloutir des fonds dans des programmes, mais nous réalisons aujourd'hui que si nous ne pouvons pas mesurer de façon fiable leurs résultats, pourquoi passer à l'étape suivante, à l'aveuglette?

Voilà notre présentation et nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Personne d'autre ne souhaite la parole à ce bout-ci de la table pour le moment?

Le chef King: Non.

Le président: Nous allons donc passer aux questions, en commençant avec Pierre.

.0925

[Français]

M. Pierre de Savoye: Messieurs, j'ai apprécié votre présentation. Ce n'est pas la première fois que vous avez l'occasion de venir devant notre comité et j'ai toujours apprécié, dans vos présentations, cette approche bien équilibrée entre les mesures de répression que vous pouvez exercer et les mesures de prévention et d'assistance que vous pouvez prendre. Vous avez une expérience sur le terrain qui nous est précieuse et qui nous éclaire sur la manière dont les choses se passent «dans la rue», peut-on dire.

Cela dit, je remarque que dans vos présentations, vous indiquez d'une part que lorsque la Loi réglementant certaines drogues et autres substances sera en application, les condamnations pour possession de petites quantités ne se feront plus de la même façon puisque le projet de loi C-41 permettra de prendre des mesures alternatives. C'est certainement une des choses heureuses que ce comité a été en mesure de mettre en place, et votre collaboration à cet égard a été significative.

Je remarque cependant, et j'aimerais avoir une précision à ce sujet, que vous dites dans le premier texte:

[Traduction]

La communauté policière condamne fermement les efforts visant à légaliser les substances actuellement prohibées, notamment le cannabis.

[Français]

Par ailleurs, dans l'autre présentation, et je reviens au document qui nous a été distribué et non pas au texte qui a été prononcé, on dit au dernier paragraphe de la dernière page:

[Traduction]

[Français]

Est-ce que vous pourriez éclairer ce comité sur la distinction que vous faites entre la décriminalisation et la légalisation?

[Traduction]

Le chef King: À notre sens, nous avons tout d'abord des conventions internationales appliquées dans le monde qui n'autorisent pas, à notre avis, la légalisation. Légaliser signifie permettre la vente de ces drogues au même titre que des substances licites, avec des établissements agréés et tout le reste.

Par décriminalisation, nous entendons - et bien entendu, il y a quantité de définitions possibles - réellement l'atténuation des sanctions. C'est un éventail d'options tel que l'agent de police aux prises avec une affaire a maintenant le choix entre l'arrestation, la citation à comparaître, la déjudiciarisation, la verbalisation peut-être, qui est une méthode d'éviter un procès par le paiement d'une amende. Mais lorsque nous disons que des stratégies efficaces doivent être en place, ce qui compte c'est que l'agent de police à Elbow, en Saskatchewan, à 300 milles de la ville la plus proche, puisse disposer d'une méthode de déjudiciarisation efficace et peu coûteuse.

C'est l'une des difficultés que nous prévoyons. Si l'on va mettre globalement l'accent sur la déjudiciarisation, dans beaucoup de collectivités les moyens n'existent pas. Il y a probablement d'autres façons, telles que le recours à des groupes de bénévoles, une thérapie imposée par un tribunal ou des choses de cette nature. Nous sommes disposés à envisager ces méthodes car nous voyons leur avantage également.

Si vous regardez le nombre d'arrestations pour drogue effectuées, il y a toujours la crainte que la police ne fasse pas grand-chose d'autre que porter des accusations mineures pour possession. Eh bien, dans certains cas, l'accusation de possession est la seule façon de régler un autre problème.

Prenez certains des sans-abri de Vancouver, par exemple. Si la police n'avait pas la possibilité de procéder ainsi... parce que nous n'avons plus d'autre loi qui nous permette d'intervenir. Dans beaucoup de ces cas... et leur nombre est en recul. La GRC peut parler pour elle-même, mais elle vise à taper plus haut, et les municipalités privilégient la délinquance de rue.

Comme je l'ai dit, je pense que les accusations de possession aux fins de trafic sont en hausse et celles de possession simple en recul.

M. Pierre de Savoye: Je vous suis reconnaissant de préciser cette différence essentielle entre la légalisation et la décriminalisation. Je pense qu'il est très important que ces deux notions soient très bien comprises, car c'est là que réside en partie la solution.

J'ai relevé également que vous vantez le modèle CAPRA. Je ne sais pas de quoi il s'agit. Pourriez-vous m'en dire un peu plus?

Le chef King: Le commissaire adjoint Ryan va vous répondre.

.0930

M. Ryan: L'évolution intervenue au cours des dernières années dans le travail de police traduit tout un changement de philosophie. Nous l'abordons aujourd'hui sous l'angle de ce que nous appelons la police «sociopréventive», une approche cherchant à résoudre les problèmes, et c'est ce que nous appelons le modèle CAPRA.

En gros, il s'agit de travailler avec nos clients et nos partenaires au sein de la collectivité, non plus simplement pour mettre la main au collet de quelqu'un, comme nous le faisions par le passé, pour le traduire en justice et laisser les tribunaux s'en occuper. Il s'agit d'essayer de travailler avec la personne - et nous ne l'appellerons pas «l'accusé» mais c'est au moins le «suspect» ou ce que vous voudrez - pour travailler avec ses parents s'il s'agit d'un mineur, travailler avec l'école, travailler avec les services de santé et les services sociaux. Nous cherchons à déterminer d'abord quel est exactement le problème, pour aller à la racine du problème, et chercher ensuite une solution qui convienne tant à la collectivité qu'à l'intéressé.

C'est là où ce modèle de la police sociopréventive nous apparaît de grande valeur. Les modifications apportées à la législation et la possibilité de recourir à la déjudiciarisation, au lieu de simplement traduire quelqu'un en justice, sont l'ingrédient vital de cette approche.

On donne parfois des interprétations erronées de ce que nous disons. Sur le plan de la décriminalisation, nous sommes tout à fait opposés à la verbalisation exclusive. Nous ne voulons pas être contraints de seulement verbaliser. Nous aimerions que la verbalisation soit une option, car il n'y a pas grand-chose à espérer de certaines personnes et la verbalisation est alors la méthode employée.

Mais comme le chef King l'a mentionné, nous aimerions un éventail d'options afin que lorsque l'agent de police considère le problème et en discute avec la collectivité, avec les travailleurs sociaux, avec les tribunaux si nécessaire, on puisse choisir la méthode la plus appropriée dans une situation donnée.

M. Pierre de Savoye: Je vous remercie.

Vous dites également qu'une telle action équilibrée, le modèle CAPRA, permet à la police de concentrer le maximum d'efforts sur les enquêtes sur les gros trafiquants et l'importation de grosses quantités de drogue.

Dans votre autre mémoire, vous évoquez les bandes de motards et les guerres entre ces gangs. Je sais que notre ministre de la Santé a pris des mesures très conséquentes pour éviter que les parts de marché ne passent de telle compagnie à telle autre à coups de publicité, mais en même temps, les gangs de motards utilisent des bombes et d'autres méthodes pour augmenter leur part de marché. Manifestement, vous n'avez pas la capacité de mettre la main sur les gros bonnets, les caïds de la drogue.

À Saint-Nicolas, au Québec, par exemple, des gens connus de la police comme étant les vrais caïds de la drogue vendent leur marchandise aux gamins. Nous ne parlons pas là de cigarettes, mais de drogues dures. Manifestement, il est très difficile de les mettre derrière les barreaux et de les y garder.

Certaines approches sont préconisées en ce moment. Comment y réagissez-vous, selon votre perspective professionnelle?

M. Ryan: Je peux aborder cela sous différents angles, et particulièrement sous celui de la Gendarmerie royale du Canada. Pour établir le lien avec ce que nous essayons de faire au niveau de la rue, nous avons tout d'abord à la GRC près de 1 000 agents fédéraux affectés à la lutte contre le trafic de drogue. Ces 1 000 agents visent particulièrement l'échelon supérieur du trafic - autrement dit, ils ne s'occupent pas du travail de rue.

Par le biais de la police sociopréventive, nous essayons de donner la responsabilité pour la lutte au niveau de la rue à l'échelon municipal, aux agents de police municipaux et ruraux.

Cela nous permet d'utiliser ces 1 000 agents pour lutter contre le trafic au niveau supérieur, particulièrement au Québec et en Ontario et dans les grands centres, par la création de groupes de lutte auxquels collaborent la police municipale de Montréal, la Sûreté du Québec, la GRC et d'autres organismes partenaires, et c'est une approche qui donne d'excellents résultats.

.0935

La lutte contre le trafic est une tâche difficile. Il n'y a pratiquement pas eu d'augmentation des crédits pour le travail antidrogue depuis 1987, pas plus que pour le travail de sensibilisation. Nous reconnaissons les contraintes actuelles, vu la situation financière et les économies qui s'imposent etc. C'est pourquoi nous essayons une approche différente et concentrons ces 1 000 agents sur l'échelon supérieur du trafic.

À cet égard, le gouvernement a approuvé le 1er avril 1997 la mise sur pied de sections intégrées chargées des produits de la criminalité. Il s'agit d'une approche intégrée où la GRC, la police municipale, Douanes Canada, le ministère de la Justice, des comptables judiciaires travaillent ensemble dans un même bureau et mettent en commun toutes ces ressources pour cibler l'échelon supérieur du crime organisé, les gros trafiquants de drogue ou contrebandiers d'alcool, de tabac et autres. Avant le 1er avril, nous avions de telles unités dans trois villes du Canada - à Montréal, Toronto et Vancouver - et nous en mettons en place dans dix villes supplémentaires. Cela a grandement amélioré notre arsenal pour...

M. Pierre de Savoye: Mais il est toujours difficile de trouver les preuves, de relier les échelons supérieurs aux revendeurs de rue. Seriez-vous partisans d'une modification de la loi qui vous aiderait à relier les échelons supérieurs aux revendeurs de rue; une modification qui interdirait, mettons, les Hell's Angels ou la Rock Machine, par exemple?

M. Ryan: Il ne fait aucun doute que nous serions heureux de quelques modifications de la loi qui faciliteraient certaines approches proactives du crime organisé. Mais nous avons pleinement conscience des difficultés constitutionnelles et de l'obligation de respecter les droits des individus et de la société tout en agissant avec la plus grande fermeté contre le crime organisé et en réprimant en particulier les activités criminelles violentes telles que celles des gangs de motards. Donc, oui, nous voyons un très grand besoin de mesures législatives spéciales pour faciliter cela.

M. Pierre de Savoye: Quelle a été votre expérience avec l'application des dispositions de la loi qui permettent de saisir les biens utilisés pour la commission d'un crime ou résultant de la commission d'un crime?

M. Ryan: Cela a donné d'excellents résultats dans les trois villes où nous avons les groupes de travail intégrés. La plupart des affaires sont actuellement en cours de jugement, mais je peux vous parler de Montréal. Nous avons mené des opérations combinées très réussies, qui nous ont permis de remonter la chaîne au sein des organisations criminelles. Nous sommes arrivés presque au sommet de certaines d'entre elles.

Comme vous l'avez déjà fait remarquer, il est extrêmement difficile de parvenir jusqu'au sommet et de localiser les avoirs. Cela exige des enquêtes très difficiles et longues, généralement dans d'autres pays, avec des répercussions internationales. Nous avons remporté quelques succès et nous espérons que l'expansion du programme en amènera d'autres. Depuis 1989, lorsque cette législation a été mise en place - je n'ai pas les chiffres avec moi - nous avons connu une croissance assez régulière des sommes confisquées.

[Français]

M. Pierre de Savoye: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Nous reviendrons à vous, si vous avez d'autres questions, mais je pense que Grant est impatient de parler à un policier qui ne l'a pas verbalisé pour excès de vitesse.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Chef King, vous avez parlé dans votre exposé de nouvelles lois. De quoi parlez-vous, précisément?

Le chef King: Du projet de loi C-8, une fois qu'il sera promulgué, l'obligation pour les juges de prononcer des peines lourdes ou d'indiquer leurs motifs lorsqu'ils ne le font pas, la possibilité dorénavant de procéder par voie réglementaire, au lieu de devoir modifier la loi à intervalles réguliers, ce genre de choses.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. Grant Hill: Oui. Mais puisque le projet de loi C-8 n'a pas encore été promulgué, je suppose que vous parlez là par anticipation.

.0940

Le chef King: Oui, mais nous pensons qu'il sera promulgué très prochainement et nous devons évidemment nous y préparer.

M. Grant Hill: Puisque le projet de loi a été dûment adopté, avez-vous une explication logique indiquant pourquoi il n'est pas encore promulgué?

Le chef King: Il y a toutes sortes d'autres priorités. Je ne peux vraiment pas parler au nom du gouvernement.

M. Grant Hill: Mais vous vous préparez et vous tablez sur la promulgation.

Le chef King: Oui.

M. Ryan: Je crois savoir que le retard de la promulgation est dû à la rédaction du règlement. Il me semble que le règlement doit être prêt au moment où le projet de loi est promulgué. Selon mes renseignements, le règlement est presque achevé.

M. Grant Hill: Chaque fois que nous avons des experts dans un domaine donné... Vous devez bien suivre ce qui se passe à l'étranger. Ma question est de nature très générale: y a-t-il un pays que vous pourriez citer qui possède une meilleure politique de lutte contre la drogue que celle du Canada? Je songe à des indications concrètes: moins de trafic ou un moindre pourcentage de toxicomanes. Y a-t-il un pays que vous pourriez nous citer en exemple?

M. Ryan: Je dirais que le Canada s'en tire probablement aussi bien que n'importe quel autre. Je ne vois pas vraiment de pays qui ne soit pas confronté au problème, ou à un aspect du problème, qu'il s'agisse d'un pays fournisseur ou consommateur, ou d'un pays par lequel transite la drogue. Je ne vois pas de pays qui ne soit pas touché par l'un ou l'autre aspect du trafic.

Il est intéressant de voir les changements intervenus dans la communauté internationale ces dernières années. Jadis, des pays comme la Colombie et l'Inde et quelques autres n'étaient pas tant des consommateurs de drogue que des producteurs. Mais au fur et à mesure que la consommation dans ces pays augmente, ils deviennent des partenaires plus actifs, davantage disposés à jouer un rôle très actif dans la lutte contre le trafic.

La situation a évolué considérablement au cours des dernières années, mais pour revenir à votre question - j'invite mes collègues à citer un pays qui mérite les louanges - pour ma part je n'en trouve tout simplement pas.

Le chef King: Je sais simplement, pour avoir assisté aux conférences de l'Association internationale des chefs de police pendant 18 ou 20 ans, que les mêmes problèmes se posent partout. L'Association internationale a une table ronde. Terry y représente le Canada.

Je pense que pour répondre à votre question il faudrait peut- être se demander quelles différentes expériences peuvent être tentées ici ou là pour éliminer un problème? La difficulté est que des gens vont citer comme modèle tel pays et réclamer que nous nous en inspirions. Mais cela peut reposer uniquement sur un article concernant un projet, sans que quelqu'un soit allé voir trois ou quatre années plus tard si ce projet n'a pas fait que déplacer le problème ailleurs.

Il y a différentes initiatives. Je dois dire que certaines choses faites dans des pays comme l'Angleterre et la Suède nous ont amenés à tirer notre tête du sable pour envisager d'autres options. Si nous voulons progresser, il ne suffit pas de réclamer plus de pouvoirs pour jeter tout le monde en prison, comme façon de régler le problème, car cela ne marche tout simplement pas.

Je suis d'accord avec Terry. Je n'ai pas visité tous les pays du monde, mais en parlant aux collègues étrangers je me renseigne sur ce qu'ils font d'intéressant.

Je dois dire que nombre d'entre eux se montrent très satisfaits de ce que nous faisons, particulièrement sur le plan de l'éducation. Je dirais que nous sommes en avance sur le plan de la proactivité, et ce depuis des années.

Regardez même le travail de proximité effectué par les bobbies anglais. Jusqu'à ces dernières années, ils n'allaient pas dans les écoles pour faire de la sensibilisation. Ils restaient sur le coin de la rue et parlaient aux gens dans les centres-villes ou dans les villages, mais le Canada est largement en avance, depuis au moins dix ou 15 ans, pour ce qui est d'un programme de sensibilisation soutenu.

M. Michel Perron (analyste principal en politique, Groupe responsable de la stratégie d'application de la loi, ministère du Solliciteur général): Si je puis ajouter un mot à cela, lorsque les policiers étrangers considèrent le Canada, ils le perçoivent comme très avancé sur le plan de la collaboration, du moins avec les responsables des services de santé et de traitement. Lorsque nous assistons à des réunions internationales, il est très rare de voir ces responsables assis autour de la table à discuter activement des types de projets et de programmes que l'on pourrait mettre en place.

De ce point de vue, monsieur Hill, je pense que le Canada est considéré comme très en avance.

M. Grant Hill: Effectivement, j'ai entendu des étrangers qualifier le Canada de pionnier. Je pense que les membres du comité doivent bien voir que nous ne sommes pas les cancres de la classe. Parfois, lorsqu'on entend tous les récits d'horreur, on oublie que nous avons quelques points forts.

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Enfin, si je puis vous poser encore une question, j'ai toujours de la difficulté à établir le point de séparation entre la consommation de drogue au niveau de la rue et le trafic. Où tirez- vous le trait? En tant que policier, comment faites-vous cette distinction?

Le chef King: C'est une combinaison de choses: il y a des considérations techniques et il y a ce qui s'impose dans certaines municipalités et certains lieux.

J'ai été pendant huit ans chef de la police de Sault-Ste- Marie, une ville frontière très isolée. Le travail de police y était très différent de celui que j'accomplis aujourd'hui comme chef de la police de Brockville. Auparavant, j'ai été surintendant de la police régionale de Peel. J'ai également fait la police de l'Aéroport international Pearson.

Toutes ces situations diffèrent. Dans certains cas, lorsque la politique officielle de votre service est de ne viser que les échelons supérieurs, la seule façon de le faire est de commencer au niveau inférieur de façon à acquérir suffisamment d'éléments qui permettent de remonter la chaîne, ce qui est un processus très long.

Ailleurs, vous pouvez mener des enquêtes parallèles - si vous voulez les appeler ainsi - ou des opérations de dépistage au niveau de la rue. C'est le cas des perquisitions dans les écoles et des lieux fréquentés par les jeunes. D'autres services travaillent alors strictement sur des cibles déjà connues et se cantonnent à ce niveau.

Terry pourra probablement vous en dire plus, mais il n'est pas facile de délimiter en disant que la police nationale sera responsable de ceci et les autres services responsables de cela. Il y a trop de chevauchements et de recoupements entre les paliers de ces réseaux.

M. Ryan: Permettez-moi de donner un complément de réponse. Je suis totalement d'accord avec le chef King: c'est extrêmement difficile. Les problèmes sérieux que peut connaître une petite ville comme Florenceville, au Nouveau-Brunswick, et ceux rencontrés dans les rues de Toronto sont tellement différents que les méthodes et approches doivent être totalement flexibles, afin que nos agents puissent réprimer le trafic dans les petites localités.

Nos 1 000 agents ont une mission clairement définie. Ils interviennent à partir de certaines quantités de drogue en jeu. Je ne connais pas les chiffres par coeur, mais ce sont des quantités différentes s'agissant du cannabis, naturellement, le seuil étant moindre dans le cas de l'héroïne vu la gravité de ce trafic.

Mais ce ne sont là que des chiffres repères, de toute façon. Au palier le plus bas, celui du petit revendeur posté à un coin de rue, c'est la police locale qui intervient. Nous nous occupons du palier au-dessus, celui du trafiquant qui introduit la drogue dans la province. C'est ce trafiquant qui dilue la drogue et approvisionne le revendeur de rue. Nous sommes déjà là au-dessus du palier de la rue, mais vous voyez que nous lançons notre filet pas mal bas.

Nous encourageons également nos agents à travailler au sein de groupes d'action avec les agents de répression de rue pour identifier les fournisseurs des revendeurs. Ils peuvent ensuite remonter la chaîne. Ils font donc un certain travail sur la voie publique comme point de départ d'une enquête, et ils remontent ensuite la chaîne.

Mais avec nos ressources limitées, et parce que nous devons veiller à nous concentrer sur les grands trafiquants interprovinciaux et internationaux, 1 000 agents disséminés à travers le Canada, ce n'est pas beaucoup. C'est pourquoi nous devons établir cette ligne de séparation. Pour ce qui est de la répression sur la voie publique, nous pensons que les municipalités doivent en assumer une partie du coût, de même que les provinces.

Le président: Andy Scott.

M. Andy Scott (Fredericton - York-Sunbury, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Dans votre exposé vous avez indiqué votre souhait d'un éventail de remèdes ou sanctions dans les cas de possession, mettons, de petites quantités de marijuana. Vous avez parlé de décriminalisation par opposition à la légalisation, et de verbalisation etc.

Je m'interroge. Dans votre esprit, dans quelle circonstance une infraction est-elle sujette à verbalisation, par opposition à une réaction plus robuste?

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Le chef King: Prenez une localité où l'agent de police connaît la personne. N'oubliez pas que les bases de données ne vont pas saisir toutes ces données d'un bout à l'autre du pays. Prenez quelqu'un qui est en possession d'une petite quantité, sans qu'aucune autre infraction ne soit en jeu à ce moment-là. Selon les circonstances - et je ne dirais pas que seule l'attitude de l'intéressé compte, mais c'est aussi un facteur - il faut bien voir que ce travail est en fait assuré par les agents de patrouille. Les agents de patrouille peuvent avoir trois appels en attente et ils doivent se rendre les lieux d'accidents. Ils ne peuvent pas consacrer énormément de temps à chaque cas, et c'est bien pourquoi nous avons des détectives qui font le travail plus suivi.

Pour vous donner juste un exemple, prenez la conduite en état d'ébriété aujourd'hui. Il faut à un agent entre deux heures et trois heures et demie pour traiter juste un cas de conduite en état d'ébriété, à cause de tous les formulaires à remplir et des tests à effectuer.

Donc, si la question est de savoir si les agents utiliseraient ce moyen, je pense qu'ils en seraient ravis. Ils l'utiliseront surtout dans les secteurs qui ne connaissent pas une vague d'infractions de ce type à ce moment-là. Imaginez une situation où la personne est prise en possession d'une petite quantité, mais juste à côté d'une école et qu'on la voie souvent dans ces parages.

M. Andy Scott: Voici pourquoi je pose la question. Il me semble qu'il existe une façon de réduire le caractère arbitraire de cela dans le contexte de... Vous avez parlé d'une école. Vous avez parlé d'une vague d'infractions. Il peut y avoir déjà un dossier et des faits antérieurs etc. Il me semble qu'il y a toutes sortes de précédents en droit - du moins, je suppose. Je ne suis pas juriste, mais je présume que l'on pourrait établir que dans le cas d'une première infraction, telle mesure est prise, mais que dans le cas d'une récidive ou de quelque infraction simultanée, telle autre mesure est appliquée.

Je me demande pourquoi il faut un éventail de mesures discrétionnaires au lieu que les mesures soient prescrites. Ma question revient à cela.

M. Ryan: À l'heure actuelle, si vous regardez la lettre de la loi, il n'y a pas réellement d'option. Comment les choses se passent-elles concrètement? Un agent de police tombe sur quelqu'un qui est en possession de drogue pour son propre usage. Il va peut- être détruire la drogue et ne pas porter d'accusation contre l'intéressé. Mais l'agent s'expose à des critiques ultérieures. Il pourrait y avoir des plaintes contre lui ultérieurement. Cela le met dans une situation très inconfortable. Souvent, il va porter l'affaire devant les tribunaux, car techniquement c'est la seule chose qu'il puisse faire. Le système judiciaire s'en trouvera d'autant plus encombré.

Mais supposons qu'il ait cet éventail d'options qui lui permet de quand même saisir la drogue et d'appliquer certaines procédures qu'il pourra justifier. Comme Barry l'a indiqué, il va considérer où la drogue a été saisie. Était-ce à côté d'une école? S'agissait- il d'un cas de conduite avec facultés amoindries? Était-ce dans une situation de violence ou de trouble de l'ordre public? À partir de là, avec ses partenaires, l'agent peut déterminer ce qu'il convient de faire dans ce cas particulier.

M. Andy Scott: Je pense que nous sommes à peu près d'accord. Je me demandais pourquoi on ne pourrait pas fixer une sanction moins sévère ou peut-être avoir un seuil plus bas, avec l'option d'une punition plus dure, au lieu que ce soit l'inverse.

Je me trompe peut-être, mais il me semble que la population avec laquelle je débats de cette question, et qui est marquée par une très forte diversité d'opinions, considère que... Disons que les drogues plus douces, la marijuana ou Dieu sait quoi, appellent une certaine réponse, alors que les drogues dures en appellent une autre. Est-ce une distinction légitime?

Je vais vous dire pourquoi c'est à mes yeux une distinction si importante. Je suis sorti de l'école secondaire en 1973 et je faisais donc partie du groupe cible de la campagne d'éducation qui a été livrée dans ce pays. C'était après la période hippie des années 60 et sa culture de la drogue etc. Ma génération a donc fait l'objet d'une campagne intense à ce sujet. Mais lorsqu'on assimilait ce qui apparaissait comme une drogue relativement douce aux drogues dures, cela nuisait à la crédibilité du message.

Il se trouve que mes parents ne buvaient pas d'alcool, mais s'ils l'avaient fait, j'aurais pu faire valoir que la consommation de marijuana ne différait guère de la consommation d'alcool sur le plan des effets sur le jugement etc. Je ne veux pas rouvrir ce débat, mais je m'en souviens vaguement.

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Par conséquent, lorsque les gens nous disaient que des choses terribles allaient nous arriver si nous faisions des choses à peu près similaires à ce que faisaient nos parents, par opposition à la prise d'héroïne... Se droguer à l'héroïne était très loin de ce que faisaient mes parents, du moins dans mon esprit. Je m'interroge donc: est-ce que la distinction entre marijuana et héroïne est fondée ou non?

M. Ryan: Je vais commencer.

De manière générale, nous n'aimons guère la distinction entre drogues dures et drogues douces. À notre point de vue, elles sont toutes néfastes. Nous sommes convaincus que l'une conduit à l'autre, et nous établissons donc un lien.

Encore une fois, si vous considérez les diverses responsabilités de la GRC face à l'abus de drogues, et l'attitude du public dans les petites localités, certaines de ces petites villes adoptent une ligne très dure. Elles exigent une réaction très musclée au cannabis, par exemple.

Lorsque je parle du cannabis et de ce qu'il est aujourd'hui par opposition à ce qu'il était en 1972 ou dans les années 60, il y a une très grande différence dans sa force, surtout à cause de la culture hydroponique. Le cannabis à l'époque avait un niveau de THC d'environ 4 ou 5 p. 100, au maximum. Mais aujourd'hui il n'est pas inhabituel de trouver une teneur THC de 27 p. 100. Il devient une drogue extrêmement puissante et, comme vous le savez, la culture hydroponique au Canada est en train de devenir un problème très sérieux.

En réalité, il y a une différence. Lorsque nous considérons l'héroïne et l'attitude du public à l'égard de l'héroïne, et lorsque nous considérons la cocaïne et l'attitude du public à l'égard de la cocaïne, il y a une différence d'attitude. Sur le plan de la répression - et encore une fois je parle là du niveau de la rue, des efforts que nous déployons au niveau de la rue - il y a très peu de différence dans notre approche de la possession simple. Mais s'agissant de la cocaïne et plus particulièrement de l'héroïne, ces drogues sévissent dans les grands centres et on n'en voit presque pas dans les petites agglomérations. Mais la cocaïne et le crack sont en train de se répandre beaucoup plus et la possession simple dans une petite localité est considérée comme quelque chose d'extrêmement sérieux.

Le chef King: Je reconnais pleinement que les expressions «drogues dures» et «drogues douces» n'ont jamais figuré dans mon vocabulaire et que je n'aime pas les employer. Mais si l'on considère cela sous l'angle de ce que voient les parents, de ce que voient les enseignants, de ce que voient les gens avec lesquels nous traitons de façon régulière - qu'il s'agisse d'envoyer des policiers prendre la parole dans des clubs philanthropiques dont les membres sont des gens d'affaires en même temps que des parents, des gens qui s'inquiètent lorsqu'ils trouvent quelque chose dans la chambre de leur enfant - je pense que la grande question c'est qu'une drogue douce, cela n'existe pas. Même si nous admettions que cela existe, je pense que la grande majorité des gens considéreraient qu'elle est la porte d'entrée à des drogues plus dures. Ce n'est pas tout le monde qui va être pris dans la spirale, mais si vous planez et que vous vous sentez bien, cet état devient plus difficile à atteindre après quelque temps, et vous chercherez alors quelque chose de différent.

Pour mener ce raisonnement un pas plus loin, si nous allégeons maintenant la répression sans une espèce de plan, sans une application axée sur le bon sens, alors nous aurons un nombre accru de consommateurs. Si nous décriminalisons aujourd'hui, le nombre de consommateurs augmentera demain. Il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour le savoir. Ensuite, et bien que je n'aie pas de chiffres pour le prouver scientifiquement, si le nombre de consommateurs s'accroît, il y a un potentiel très réel d'une poussée de la criminalité, d'une augmentation des coûts sociaux, et ainsi de suite et ainsi de suite.

Il est un autre aspect dont j'aimerais parler un instant. Vous avez demandé pourquoi nous n'aurions pas une norme, plutôt que le choix de simplement verbaliser. C'est parce que, dans virtuellement tout ce que fait la police, une certaine latitude est nécessaire, à moins que vous vouliez avoir des policiers bottés et vêtus de noir appliquer aveuglément la loi. Si nous voulons que la police puisse résoudre des problèmes, si nous voulons une police communautaire, il faut traiter les agents de la manière que nous essayons d'employer aujourd'hui: comme des personnes instruites. Ils ont reçu la formation voulue pour faire ce travail.

J'ai 53 agents; je ne suis pas en leur compagnie 24 heures par jour. Terry en a 17 000. Nous voulons leur donner des options. Nous voulons leur donner une marge de manoeuvre pour résoudre ces problèmes. Nous avons des mécanismes de plainte s'ils le font mal. Nous avons des systèmes internes qui interviennent lorsqu'ils outrepassent leurs attributions, et je pense que c'est ce que veut la société. Qu'il s'agisse d'une contravention au code de la route ou d'un adolescent ramassé sur le chemin du retour parce qu'il a trop bu à un bal scolaire, je pense que les parents, les citoyens, demandent que l'on tienne compte des circonstances. On ne peut pas traiter tout le monde de la même façon.

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Le sergent d'état-major Michel Pelletier (coordonnateur national, sensibilisation aux drogues, Gendarmerie royale du Canada): J'aimerais ajouter un mot, monsieur le président.

Sur le plan de la sensibilisation visant à réduire la demande, je pense que vous constaterez une grande différence entre les tactiques d'épouvante utilisées dans ce domaine en 1972 et l'approche axée sur le mode de vie et la santé suivie aujourd'hui. Vous constaterez probablement que vos enfants sont beaucoup mieux informés des substances aujourd'hui. Avec nos partenaires des services sanitaires du Nouveau-Brunswick et d'autres provinces, nous aimerions englober également l'alcool et le tabac dans cette éducation, par exemple, en sus du cannabis et des autres drogues. Encore une fois, nous évitons de parler des drogues dures parce que nous ciblons notre auditoire dans les collectivités où nous travaillons en partenariat. S'il n'y a pas de problème d'héroïne à Fredericton, nous ne parlerons certainement pas de l'héroïne. Nous parlerons peut-être de l'alcool, du tabac et du cannabis.

Le président: Je vais donner la parole à M. Dhaliwal et j'aurais moi-même quelques questions ensuite.

M. Harbance Singh Dhaliwal (Vancouver-Sud, Lib.): J'ai quelques questions de nature générale. L'une porte sur le lien entre la criminalité et la toxicomanie et l'alcoolisme. Pouvez-vous me donner des statistiques sur la criminalité en général? Quel pourcentage est lié à l'abus de drogue et d'alcool? Si vous voulez combattre l'abus de drogues et d'alcool, il serait intéressant de savoir quels sont ces liens.

Le chef King: L'alcool est certainement un gros problème dans tout le pays.

M. Harbance Singh Dhaliwal: Avez-vous des pourcentages que vous puissiez associer à cela?

Le chef King: Non. J'ai mentionné tout à l'heure que nous collaborons avec le CCLT, le Solliciteur général et le ministère de la Santé à une étude qui vient compléter l'étude du coût économique du crime publiée l'an dernier mais qui ne contenait pas beaucoup de statistiques sur le Canada. Nous cherchons actuellement à déterminer les fractions de la criminalité attribuables à l'abus de substances. Nous avons un chercheur européen, ainsi qu'un autre de Montréal. Nous espérons, au moyen de projets pilotes, pouvoir évaluer ces chiffres déjà au niveau des services de police. Ces chercheurs vont effectuer des recherches à ce niveau, en sus de passer en revue la littérature. Ils utiliseront également les statistiques correctionnelles disponibles et les possibilités d'entretien qui existent à ce niveau.

Nous avons toujours dit - sans preuve scientifique, je l'admets - que de 60 à 80 p. 100 de la criminalité est attribuable à l'abus de substances, soit comme facteur motivant soit comme conséquence, qu'il s'agisse de chercher de l'argent pour acheter de la drogue ou de l'alcool ou qu'il s'agisse de délits commis sous l'influence de ces substances. Comme je l'ai dit, nous cherchons à pouvoir légitimer ces évaluations. Ainsi, nous aurons des chiffres solides à l'avenir, ce qui permettra de prendre des décisions mieux fondées.

Mais je peux vous dire que selon toute mon expérience d'agent de patrouille, de détective et d'administrateur, un pourcentage très important - qu'il s'agisse de violence familiale, de sévices à enfants, de vols à main armée, de cambriolages - présente ce lien de causalité, soit pour la personne impliquée soit parce qu'il y a quelque motivation à trouver de l'argent pour soi-même ou pour un ami.

M. Harbance Singh Dhaliwal: J'ai entendu dire que 75 p. 100 de la criminalité peut être attribuée à l'abus de drogue et d'alcool. À vos yeux, cela paraît plausible.

Le chef King: Pendant dix ans, j'ai dit de 60 à 70 p. 100, dans l'attente d'une étude pour confirmer le chiffre. J'ai l'impression que cette estimation s'avérera juste, voire un peu faible.

M. Ryan: Je souscris pleinement à ce que dit Barry, selon l'optique de la GRC. Nous attendons très impatiemment les résultats de cette étude car jusqu'à aujourd'hui nous n'avons aucune base scientifique sur laquelle asseoir des chiffres. Nous espérons que cette étude apportera la réponse.

M. Harbance Singh Dhaliwal: Je vais passer à ma question suivante. À votre avis, est-ce que l'abus de drogue et d'alcool est en recrudescence ou en baisse?

Le chef King: Selon mon expérience, celle d'une petite municipalité de 20 000 habitants, je dirais que jusqu'à il y a quatre ou cinq ans les chiffres de l'ARF, du moins pour l'Ontario, étaient en baisse. C'était le cas particulièrement chez les jeunes que nous avons commencé à sensibiliser il y a 10 à 15 ans et je pense qu'il y a là une corrélation. Mais avec le contrat social et les autres priorités, avec les modifications de mentalité, 101 choses, je pense que malheureusement les chiffres recommencent à grimper. Je dirais que l'alcool a toujours été un gros facteur parce qu'il est disponible, il est légal et il suffit aux jeunes de s'en procurer ou d'amener un ami à en acheter pour eux.

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Je ne suis pas un expert en ce domaine, mais je pense que certains jeunes ont l'impression d'appartenir à une génération perdue. Lorsqu'ils sortent de l'université, ils constatent qu'il n'y a pas d'emplois pour eux. Ils se disent qu'ils auraient probablement mieux fait d'arrêter les études après la dixième année et de s'installer quelque part où ils auraient trouvé un emploi tout de suite. Un autre problème sont les ravages de la crise économique. Beaucoup partent dans une autre ville et puis doivent réemménager avec leurs parents arrivés à l'âge de 30 ans parce qu'ils ne trouvent pas d'emploi. Je pense que tous ces facteurs poussent les gens à boire.

Comme je le dis, si nous devenons trop laxistes vis-à-vis des drogues, très vite la bouteille de bière ne suffira plus. Des gens qui s'abstenaient auparavant vont vouloir essayer d'autres drogues. Je pense que nous sommes parvenus au point où la courbe ne baisse plus et commence à remonter. Regardez le nombre de jeunes qui ne peuvent pas retourner aux études parce qu'ils n'ont pas gagné d'argent pendant l'été. Il y a beaucoup de désespoir dans la société.

Je dirais que si notre économie recommence à tourner, comme nous l'espérons, s'il y a une augmentation des emplois disponibles et si certains de ces autres problèmes sociaux trouvent remède, alors je pense que nous pourrons confronter les problèmes et trouver les solutions.

M. Ryan: Je pourrais peut-être ajouter quelques mots à cela. Je suis pleinement d'accord. C'est affligeant lorsque les statistiques commencent à montrer une recrudescence éventuelle de la consommation, particulièrement dans le cas du cannabis.

Si vous regardez les effets positifs des programmes de sensibilisation au tabac, et la diminution du nombre de fumeurs, et les effets positifs des efforts déployés à l'égard de l'alcool et de la conduite en état d'ébriété, vous verrez qu'il s'agissait là de programmes éducatifs classiques. Notre impression est que l'on pourrait obtenir les mêmes résultats à l'égard de la drogue. Mais il faut que ce soit un effort continu, sans faille aucune. Il faut toucher chaque groupe d'âge, de manière continue.

Une multitude de facteurs peuvent contribuer à cette évolution. On peut espérer qu'il ne s'agit là que d'un phénomène passager. Mais nous voyons la nécessité d'une forte poussée en faveur des programmes éducatifs et le maintien de l'élan acquis.

M. Harbance Singh Dhaliwal: J'ai une dernière question concernant la question abordée par mon collègue, M. Hill, à savoir l'expérience des autres pays. Vous avez dit qu'en Inde le nombre des consommateurs est très faible, mais qu'il est peut-être en hausse. Pourriez-vous nous en dire un peu plus?

M. Ryan: J'ai pas mal voyagé et assisté à des conférences internationales sur la toxicomanie. À plusieurs de ces conférences, on a relevé une augmentation de la population de toxicomanes dans un certain nombre de pays. Un pays pouvait être producteur et non consommateur, mais à cause de la disponibilité de la drogue sur place, il se met également à en consommer. Ensuite, les autorités de ce pays peuvent constater par elles-mêmes les ravages. Prenez la Colombie. Pendant des années, la Colombie était un fournisseur de drogue et pas du tout un consommateur, si bien que ce gouvernement ne pouvait voir les ravages de la drogue sur sa propre population. Mais une fois que les effets deviennent apparents sur la population locale, en sus de la collectivité internationale, il en résulte un changement d'attitude à l'intérieur du pays à l'égard de la répression et de la coopération internationale.

M. Harbance Singh Dhaliwal: Dans les deux exemples que vous avez donnés, je crois savoir que les drogues étaient assez facilement disponibles et à un bas prix. Est-ce exact?

M. Ryan: De quel pays parlez-vous?

M. Harbance Singh Dhaliwal: Je parle aussi bien de l'Inde que de la Colombie. Je sais qu'en Inde la drogue est facilement disponible à très bas prix parce qu'elle pousse directement dans les champs autour des villages. Le profit en Inde est très faible comparé au Canada et aux États-Unis, par exemple.

M. Ryan: Mais tout dépend de l'état dans lequel se trouve la drogue, car dans beaucoup de pays le raffinage n'est pas effectué dans les champs ou même au niveau local. Le raffinage se fait ailleurs, par étapes, jusqu'au produit final. Une partie revient peut-être dans le pays, mais la plus grosse partie quitte le pays et ne revient jamais.

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Il y a différents types de consommation. Vous pouvez mâcher la feuille de cocaïne, par exemple, et cela représente un niveau de consommation à l'intérieur d'un pays. Mais elle n'a pas le même impact que plus haut dans la chaîne, après raffinage. C'est le type de consommation dont je parle.

Une fois que le raffinage commence à être effectué dans le pays et que la drogue plus pure revient au niveau de la rue, vous voyez les dégâts. Dans beaucoup de pays il y a une acceptation sociale de la consommation de drogue à un certain niveau, parce que c'est une coutume séculaire. Mais je parle ici du raffinage sur place et de la vente des produits raffinés. Je ne connais les prix au niveau de la rue des drogues raffinées dans aucun pays.

M. Harbance Singh Dhaliwal: Beaucoup de gens font valoir que si on éliminait les profits du trafic de drogue, cela réduirait le facteur criminalité, et il y a des mécanismes possibles pour cela. Une partie énorme des crimes sont commis parce que les drogués ont besoin de 500 $ par jour pour alimenter leur toxicomanie. Qu'en pensez-vous?

Le chef King: Pour cela, il faudrait légaliser toutes les drogues, parce que si vous ne le faites pas, il sera toujours possible de tirer profit des drogues illégales, et les gens sont humains. Comme je le dis, il y a une escalade d'une drogue à l'autre.

M. Harbance Singh Dhaliwal: N'y a-t-il pas quelque chose d'intermédiaire, plutôt que la légalisation totale? N'y a-t-il pas quelque façon pratique d'encadrer ces toxicomanes?

Le chef King: Il y a différentes possibilités et des expériences sont en cours dans différentes parties du monde. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous disons qu'il y a un besoin sérieux de recherche. Il ne suffit pas que vous lisiez un article dans le journal ou que nous lisions un article dans un magazine ou assistions à une conférence et ayons une discussion de 20 minutes.

Au Canada, si nous voulons continuer à avancer et être à l'avant-garde, nous devrons faire des recherches sérieuses et fixer des règles de base strictes. Si nous allons essayer quelque chose, faisons-le ensemble, au lieu qu'une partie du gouvernement décide une chose et qu'une autre partie ait à ramasser ensuite les pots cassés. Il faut travailler de concert pour tenter de faire une différence avec quelque chose qui fonctionne bien.

M. Ryan: Si je puis ajouter quelque chose, l'alcool et le tabac sont des substances réglementées et nous consacrons de grosses ressources au Canada au trafic illégal d'alcool et de tabac. Ce sont toujours des produits illégaux, avec les profits et les coûts associés à ce statut. Je ne pense pas qu'une légalisation ou qu'un marché de la drogue résoudrait le problème du tout. Cela ne ferait que créer d'autres niveaux, d'autres marchés, d'autres règlements, d'autres fournisseurs et d'autres marchés noirs, et vous auriez quand même un marché réglementé et un marché noir, parce que l'offre existera.

J'ai eu l'occasion d'aller en Suisse lorsque le «Parc des aiguilles» existait, où l'usage de la drogue était libre. La Suisse essayait de mettre sur pied un système de fourniture de drogue et de création de lieux où les toxicomanes pouvaient venir avec leur drogue et la consommer sous supervision. C'était le spectacle le plus dégradant que j'ai jamais vu de ma vie, lorsque je suis allé au «Parc des aiguilles» dans le district Lentin, en Suisse. La première chose que j'ai vue était un homme avec les pantalons baissés qui essayait de trouver une veine dans sa jambe. Une fille d'environ 19 ans avait pris une surdose et le personnel médical essayait de la ranimer. Plusieurs personnes qui déambulaient n'avaient plus de circulation dans leurs bras et leurs jambes. C'est le spectacle le plus dégradant que j'ai jamais vu. C'était une expérience de libre consommation de drogue et elle a été un échec.

M. Harbance Singh Dhaliwal: Merci beaucoup.

Le président: J'aimerais juste dire aux membres du comité, avant de poser mes questions, qu'une fois que nous aurons terminé avec les témoins, j'aimerais qu'ils restent encore cinq minutes environ. Nous avons une motion dont nous devons décider avant de partir.

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Vous avez fait état à quelques reprises ce matin de la «pénurie de ressources». C'est toujours un problème dans toute organisation, me semble-t-il. La façon de le résoudre est soit d'obtenir davantage de crédits, soit de mieux déployer les ressources dont vous disposez.

L'une des choses qui m'a toujours frappé - et je l'ai vu encore il y a quelques jours, en roulant un soir sur le Queensway... Pour autant qu'il existe des accidents routiniers, celui-là en était un. Quelqu'un avait manifestement embouti la voiture qui précédait. Je passais dans l'autre sens, mais j'ai vu deux voitures un peu cabossées, et autour six voitures de police. Je me suis souvent demandé dans quelle mesure cela est nécessaire et dans quelle mesure il ne s'agit pas simplement de profiter du spectacle, comme les badauds vont voir un incendie dans le quartier.

Pourquoi autant de voitures de police? Est-ce juste une coïncidence? Mais ce n'est pas la première fois que je vois cela. Ou bien, je vois deux agents de police pour donner une contravention pour excès de vitesse, ce genre de choses. Le déploiement: êtes-vous assurés de faire le meilleur usage de vos ressources en matière de répression de la drogue et dans d'autres domaines?

M. Ryan: Je suis pleinement d'accord avec ce que vous venez de dire. Lorsqu'on voit le nombre de voitures de police sur les lieux d'un accident, il faut se demander ce qu'elles peuvent bien faire là. Je sais que dans beaucoup de provinces canadiennes, la police n'est plus tenue de se rendre sur le lieu d'un accident de voiture lorsqu'il n'y a que des dégâts matériels et pas de blessures et qu'il n'existe pas de danger. Les choses sont en train de changer, mais on voit encore des cas où cela arrive.

Pour ce qui est de l'utilisation des ressources, comme vous le savez, la GRC a connu une grande restructuration ces dernières années, avec de profondes coupures. Nous avons tout fait pour éviter que les coupures ne touchent les premières lignes et pour qu'elles portent surtout sur les services de soutien, les services administratifs et financiers etc., de façon à laisser les premières lignes intactes. Mais cela a été très difficile à faire.

Au niveau fédéral, avec les 1 000 agents de répression du trafic de drogue disséminés à travers le Canada, sans augmentation depuis 1987 mais avec des changements technologiques, des méthodes de transport, d'importation et de trafic nouvelles, les effets de la charte sur nos façons de travailler, toutes ces complications, nous avons bien du mal à ne pas perdre de terrain, avec les ressources dont nous disposons. Avec l'importance accrue que nous essayons d'accorder à l'éducation, à la prévention et au traitement, à tout le travail dans ce domaine sur le modèle de la police sociopréventive... tout cela exige plus de ressources que les méthodes anciennes, car il faut avoir en place tous les systèmes qui sous-tendent ce travail. Cela exige plus de ressources.

Nous avons toujours eu pour position que nous ne pouvons consacrer nos ressources à la prévention et à l'éducation au détriment de la répression. Il faut de nouvelles ressources pour cela. Nous avons effectué quelques ajustements, mais nous sommes très prudents. Nous procédons à quelques ajustements en ce moment en Colombie-Britannique où nous affectons neuf agents au programme de sensibilisation. Mais nous craignons qu'en détournant les ressources de la répression, nous ne ferons qu'ouvrir les vannes de la drogue dans le pays et qu'il faudra ensuite des années et des années pour revenir où nous sommes aujourd'hui. Une cargaison de navire débarquée sur la côte est du Canada, une fois qu'elle arrive dans les rues - je songe aux cinq tonnes saisies en Nouvelle- Écosse en 1994 - équivaut à 21 millions de doses de cocaïne.

Il faut disposer des ressources voulues. Je pense que nous les utilisons de notre mieux, à l'intérieur des limites qui nous sont imposées.

Le président: Pour passer à un autre sujet, chef King, est-ce que vous consommez de l'alcool?

Le chef King: Oui.

Le président: Cela m'intéresse dans le contexte de ce que vous disiez au sujet de la différence entre drogues dures et drogues douces et de l'escalade qui vous fait passer de la drogue douce à la drogue dure. Pourquoi buvez-vous de l'alcool?

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Le chef King: Je suppose que c'est une espèce de détente qui s'accompagne d'une pression sociale. C'est ce que font la plupart de nos amis. Si nous allions à une réception ce soir, la majorité d'entre nous boiraient probablement un verre.

Le président: Si vous réécoutiez vos deux dernières phrases, vous verriez que c'est exactement la même explication que donnent beaucoup de gens qui consomment de la drogue.

Le chef King: Je ne sais pas si je suis d'accord avec vous là- dessus.

Le président: Ils le font parce que leurs amis le font.

Le chef King: Cet aspect peut-être, mais je pense qu'un certain nombre probablement... Si vous êtes consommateur d'héroïne, je ne pense pas que vous ayez commencé par là, vu son coût. Je pense que vous commencez avec autre chose et qu'ensuite, parce que vous n'obtenez plus l'effet désiré, ou pour d'autres raisons, que ce soit sous la pression de pairs ou de vendeurs comme nous en avons à Vancouver, qui donnent l'héroïne à des gamins afin de les tenir et de les utiliser ensuite comme transporteurs... Si vous pouvez acheter une bouteille de bière pour 2 $, je ne pense pas que vous allez payer 25 $ pour une dose.

Le président: Chef, je n'aborde pas cela d'un point de vue particulièrement moraliste. J'ai été élevé dans une petite secte protestante qui me disait que j'irais en enfer si je touchais de l'alcool. Lorsque je suis arrivé à l'âge d'essayer, je n'ai pas aimé cela, et c'est pourquoi je n'en bois pas. Lorsque j'étais jeune, je n'ai pas eu l'occasion d'essayer de la drogue, et maintenant j'ai trop peur pour le faire.

Tout cela étant dit, j'ai toujours eu de la difficulté à voir la distinction entre les drogues dont nous parlons ce matin et cette drogue appelée alcool. J'ai beaucoup de mal. C'est pourquoi je vous ai posé la question. Il me semble que... Et c'est mon point de vue personnel. C'est moi, non pas le président, mais moi, un membre du comité, qui vous expose son point de vue et j'aimerais connaître votre réaction.

Il me semble que c'est blanc bonnet, bonnet blanc, que l'alcool et les drogues sont deux façons, comme vous dites, de planer. Il me semble que l'on peut bien passer de l'un à l'autre. J'ai du mal à voir pourquoi nous tolérons l'un et non l'autre.

Le chef King: La seule réponse que je puisse raisonnablement vous donner est que l'un est légal et que l'autre ne l'est pas. C'est ce qu'a décidé la société et c'est ce qu'ont décidé nos législateurs et, tant que les lois n'auront pas changé, nous, les professionnels de la police devrons les appliquer.

Le président: Nous comprenons bien, mais si vous êtes ici, c'est en partie parce que nous sommes les gens, autour de cette table qui, avec d'autres, pouvons modifier la loi. Ce que j'aimerais entendre, outre les aspects légaux, c'est une raison de traiter les deux différemment. Est-ce que nos lois sont inégales dans ce domaine?

Le chef King: Dans une certaine mesure, oui, et j'ajouterais que si vous essayiez d'interdire l'alcool, aucun politicien du pays ne serait réélu, tellement serait grand le tollé.

C'est un peu comme nous. Nous avons des quarts de travail de 12 heures dans la police, qui sont une excellente chose pour les femmes et les familles de nos agents. Nos agents passent beaucoup de temps chez eux. Cela ne nous a pas facilité les choses sur le plan administratif.

Vous avez probablement entendu parler de Toronto. La police essaie de revenir aux quarts de huit heures, ce qui signifie que les agents auront à travailler 70 jours de plus par an. Il va y avoir une levée de boucliers. Et ce ne seront pas seulement les agents qui vont protester, ce seront également les familles et tous les autres.

Malheureusement, il est parfois extrêmement difficile de revenir en arrière.

Le président: Oubliez donc l'aspect politique. Peut-être aucun de nous ne devrait-il être réélu, mais c'est une autre histoire.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Terry, dites-nous, à votre avis, avons-nous une loi inégale? Faudrait-il placer les mêmes restrictions sur l'alcool que sur les drogues?

M. Ryan: Tout d'abord, je dirais que deux torts ne font pas un bien. Si vous remontez en arrière dans l'histoire, à la prohibition et Dieu sait quoi, nous avons déjà vécu tout cela avec l'alcool.

Au sujet de l'alcool, je vois une chose. Je sais qu'il est réglementé et que, dans une certaine mesure, nous savons ce que c'est et ce qu'il peut faire. Nous en connaissons maintenant les répercussions sur la santé. Même avec l'alcool clandestin et les produits illégaux et tout le reste, nous savons dans une certaine mesure quels en sont les effets.

Tandis que pour les drogues, qu'il s'agisse de la marijuana, de l'héroïne ou de la cocaïne, les effets... Certaines sont des dépresseurs, d'autres sont des stimulants. Il y a une telle diversité d'effets. On ne connaît pas tout l'impact médical des drogues. Même avec le cannabis, les gens peuvent décrire exactement l'effet d'une cigarette de cannabis.

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La police et la société en général n'ont pas d'outil pour combattre la conduite sous l'effet de drogue. Par exemple, il n'y a pas de loi qui nous permette de prélever des échantillons de sang. Nous n'avons pas les techniques voulues pour déterminer combien une personne a pu consommer ou comment elle y réagit. La société ignore quantité de ces choses.

Beaucoup de gens peuvent exprimer des avis médicaux. Je ne suis pas qualifié pour le faire, mais d'après mon expérience et d'après les entretiens que j'ai eus et les conférences auxquelles j'ai assisté, mon impression personnelle et mon expérience sont qu'il n'y a pas de comparaison entre les effets de l'héroïne, de la cocaïne et d'autres drogues et l'alcool.

Le Sgt d'état-major Pelletier: J'aimerais rappeler une chose au sujet de la réduction de la demande et de la sensibilisation. L'alcool y est considéré également comme une drogue. Dans nos campagnes auprès des jeunes, nous parlons de l'alcool et du tabac aussi bien que des drogues de rue.

Ce qu'il faut éviter de faire lorsqu'on parle aux jeunes, c'est envoyer des messages équivoques. On semble resserrer la corde autour du tabac, mais de la desserrer en même temps autour du cannabis. Donc, dans nos efforts visant à réduire la demande, nous devons traiter l'alcool et le tabac, et surtout l'alcool, comme des drogues, au même titre que les autres drogues de rue.

Le président: Chef, allez-y.

Le chef King: Nous voulons rapidement vous transmettre quelques recommandations, dont nous espérons qu'elles vous seront utiles, et nous pourrons vous en remettre le texte à la fin.

En premier lieu, aux fins de la réduction de l'offre, des ressources supplémentaires sont requises. Cela fait dix ans qu'il n'y a virtuellement pas eu d'augmentation du personnel affecté à ce travail au Canada.

Deuxièmement, la réduction de la demande. La prévention et l'éducation n'ont bénéficié d'aucune hausse de crédit depuis 1987, en gros, et ces programmes exigent une forte main-d'oeuvre. Certains comportent 17 visites successives à une même école.

Sur le plan de la formation, en raison des départs à la retraite anticipée et de la rotation massive du personnel dans la Fonction publique et également dans la police, nous devons maintenant recycler des agents de police pour aller dans les écoles et en former de nouveaux, et il faut espérer que le système éducatif va former ses propres enseignants afin qu'ils puissent participer à ce travail.

Sur le plan de la recherche, comme je l'ai dit, il y a un besoin de recherche suivie à l'appui de la prise de décisions. Notre programme doit impérativement être évalué. La semaine dernière encore, le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies a congédié tout son personnel, hormis le directeur exécutif. C'était notre seule liaison et notre seule coordination nationale.

Pour ce qui est d'une stratégie nationale sur l'abus de substances, à laquelle je sais que vous réfléchissez, il faut conserver une stratégie bien financée et bien réfléchie pour assurer à l'avenir la sécurité des collectivités. Nous aimerions y travailler de concert avec vous, et non pas séparés de vous.

Vous qui êtes représentants des citoyens de ce pays, aidez- nous à vous aider, car nous sommes prêts à le faire. Il faudrait officialiser le PSP, le Partenariat Santé-Police, qui n'est pour le moment qu'une coalition lâche, et l'intégrer à la stratégie.

Le dernier point est l'impact de la législation. Il faudra déployer des efforts monumentaux pour faire passer le message à travers le Canada lorsque le projet de loi C-8 sera promulgué, car il change énormément de choses. Comme je l'ai dit, il ne suffit pas de quelques communiqués à la télévision. Tous ces éléments sont indissociables.

Nous ne venons pas seulement réclamer de l'argent; nous disons que si nous voulons progresser, si nous voulons avoir des résultats, alors nous avons besoin d'aide sous certaines formes.

Le président: Je vous remercie, chef, ainsi que vos collègues, de nous avoir fait part de vos vues ce matin. Cela nous est très utile. Au moment de la rédaction du rapport, nous vous contacterons peut-être de nouveau - et lorsque je dis «nous», j'entends les personnes qui font le travail ici: le greffier et les chargés de recherche.

Merci beaucoup d'être venus.

Ne partez pas, John Murphy. Nous avons grandement besoin de vous.

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Le président: Bon, si nous pouvons faire quitter la salle aux policiers, nous allons faire ce que nous sommes réellement venus faire, à savoir adopter la motion.

Vous savez peut-être que le projet de règlement relatif au projet de loi sur le tabac a été déposé la semaine dernière et envoyé à notre comité. Je suppose que nous allons l'étudier la semaine prochaine. Nous n'en avons guère eu le temps cette semaine, avec la réception supplémentaire, ce soir, des députés français etc., et nous nous attaquerons probablement au règlement sur le tabac la semaine prochaine.

Deuxièmement, en ce qui concerne le dîner et la réception de ce soir, le comité se réunit à 17 heures. Je crois savoir que certains d'entre vous ne pourront être là, mais la plupart des membres ont dit qu'ils y seraient. Si vous devez modifier vos plans dans un sens ou dans un autre, veuillez nous le faire savoir, car nous recevons un certain nombre d'invités français et nous aimerions avoir un nombre raisonnable de députés présents. C'est le cas jusqu'à présent, puisque huit députés ont dit qu'ils seraient là. Mais s'il y a des changements, veuillez le faire savoir au greffier.

Le comité de Bonnie sur le projet de loi C-47, vu le nombre de témoins qu'il faut faire venir de diverses régions du pays, a besoin de fonds supplémentaires et j'aimerais donc une motion pour approuver un budget supplémentaire de 35 000 $, à soumettre au Sous-comité du budget du comité de liaison. Encore une fois, ce montant sera entièrement consacré à la comparution de témoins sur le projet de loi C-47.

M. John Murphy (Annapolis Valley - Hants, Lib.): Je propose la motion.

Le président: Quelqu'un veut-il en délibérer? Sommes-nous prêts à voter?

La motion est adoptée

Le président: L'autre renseignement que j'aurais dû vous donner est que nous n'avons pas encore la réponse concernant la comparution du ministre, M. Dingwall, hormis qu'ils y réfléchissent. Nous n'avons pas encore de date, Pierre. Dès que nous saurons quelque chose, nous vous le dirons. Y a-t-il autre chose?

Nous avons une table ronde sur l'alcool mardi matin, dans une semaine. Je vous revois ce soir à 17 heures.

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