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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 15 avril 1997

.0915

[Traduction]

Le président (M. Roger Simmons (Burin - Saint-Georges, Lib.)): Comme nous avons le quorum, je déclare la séance ouverte.

Avant de vous présenter nos témoins de ce matin, je demanderais votre indulgence. Le sous-comité présidé par Mme Hickey a préparé son premier rapport. D'après notre procédure, le rapport doit être adopté par le comité plénier. Je vous rappelle que c'est une adoption pour la forme, puisque nous avons donné au sous-comité un mandat qui nous empêcherait de rouvrir le dossier. Il me faut donc une motion portant adoption du premier rapport du sous-comité présidé par Mme Bonnie Hickey, rapport qui deviendra le huitième rapport que notre comité plénier enverra à la Chambre.

M. John Murphy (Annapolis Valley - Hants, Lib.): Je propose cette motion.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Ce rapport est-il un rapport d'étape qui sera suivi d'autre chose?

Mme Nancy Miller-Chénier (attachée de recherche du comité): Le rapport porte sur le projet de loi C-47.

M. Paul Szabo: C'est celui qui porte sur les techniques de reproduction. Tout est terminé?

Le président: Adressez-vous à la présidente.

M. Paul Szabo: Notre comité aura-t-il le rapport en main avant de l'adopter?

Le président: Cela ne pose aucun problème. La présidente du sous-comité pourrait-elle nous donner des détails?

M. Paul Szabo: Monsieur le président, ce qui s'est passé...

Le président: Un instant. On est en train de m'informer.

M. Paul Szabo: Bien.

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Il s'agit d'un projet de loi qui a été renvoyé en comité, et le comité permanent a accordé les pleins pouvoirs à son sous-comité; le rapport de ce dernier nous est donc renvoyé...

Le président: Là-dessus, je m'étais trompé. C'est ce que nous avions toujours fait auparavant, mais le greffier vient de me faire savoir que ce n'est pas le cas pour ce projet de loi-ci: par conséquent, le comité peut débattre pleinement du rapport, s'il le souhaite.

La présidence est en ce moment saisie d'une motion portant adoption du rapport du sous-comité sur le projet de loi C-47.

M. Paul Szabo: La présidente du sous-comité m'a demandé ce qui posait problème. Ce qui pose problème, monsieur le président, c'est que je n'ai pas encore vu le rapport et que je ne sais même pas si le projet de loi a été amendé, ni si on se propose de l'amender, ni s'il a été renvoyé tel quel. Si on avait pu dire que le projet de loi était renvoyé au comité en recommandant qu'il soit renvoyé à la Chambre sans amendement, cela m'aiderait déjà un peu au départ. Mais je ne sais rien d'autre que le comité a bien fait son travail et que le projet de loi a été adopté. J'aimerais bien savoir ce sur quoi je dois voter.

Le président: Monsieur Hill.

M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Il y a quelques heures à peine, je parlais avec le député de mon parti qui siège à ce comité-ci, et ce député ne semblait pas savoir que le rapport serait déposé aujourd'hui et que nous en étions à l'étape de l'adoption. Après tout, le projet de loi a été adopté à l'issue des délibérations, hier. Je dois dire que je suis très surpris, pour le moins.

Le président: Madame Hickey.

Mme Bonnie Hickey (St. John-Est, Lib.): Monsieur le président, nous avons fait savoir au membre du Parti réformiste que nous allions entreprendre l'étude détaillée du projet de loi une demi-heure plus tôt que prévu. Nous avons averti son bureau, et il a eu suffisamment de temps pour s'organiser pour être présent ou pour se faire remplacer.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): J'ai été un peu dgue quand on a appris vendredi, dans nos circonscriptions, que le gouvernement présenterait ses amendements lundi. Je trouve que le projet de loi C-47 est très sérieux et, en conscience, je ne pouvais approuver le rapport sans étudier les amendements. J'ai donc exprimé ma dissidence.

.0920

Quant aux membres du Parti réformiste, ils n'étaient pas présents. Les représentants du parti au pouvoir et de l'Opposition officielle se sont tapé tous les témoins pendant trois mois. Or, il a fallu attendre M. le député qui devait venir présenter ses amendements à la dernière minute. Il devait y être à 17 h et quand nous sommes partis, il n'était même pas arrivé. Il faut quand même faire preuve d'un peu de sérieux. J'appuie donc Mme la présidente du sous-comité sur ce point.

[Traduction]

Le président: Je m'étais carrément trompé là-dessus. J'avais l'impression qu'il s'agissait d'une adoption pour la forme, et que la motion que j'avais demandée au début pouvait régler toute l'affaire. Ce n'est pas le cas. Puisque cette question peut être débattue, nous la laissons de côté et nous revenons à l'autre point qui est à l'ordre du jour, soit l'audition de nos témoins. Nous reviendrons plus tard au rapport en question. Entre-temps, pourrions-nous faire circuler des exemplaires du rapport?

Nous reprenons notre étude des politiques sur le mauvais usage et l'abus des drogues. Nous accueillons ce matin des représentants de l'Université de Montréal, de la Fondation de la recherche sur la toxicomanie et de l'Université de Toronto. Ce sont tous des témoins de grand calibre, et je ne sais lequel des trois voudra se jeter le premier à l'eau. Est-ce décidé? Puisque ce ne l'est pas encore, je vous souhaite à tous les trois la bienvenue. Nous espérons que l'un ou l'autre d'entre vous, ou tous les trois, voudra nous faire une brève déclaration.

Certains d'entre vous nous ont envoyé des documents. Je crois que le greffier vous a laissé savoir que nous ne distribuerions aux membres du comité que ce qui nous était envoyé dans les deux langues officielles et que ce qui n'était que dans une langue serait transmis à nos attachés de recherche pour les aider dans la préparation du rapport. Sachez qu'à moins que vos documents ne soient déjà dans les deux langues officielles, les membres du comité ne les ont pas sous les yeux.

Vous avez la parole.

Mme Denise Tompkins (Fondation de la recherche sur la toxicomanie): Peut-être devrais-je commencer. Je m'appelle Denise Tompkins et je travaille comme scientifique à la Fondation de la recherche sur la toxicomanie. Je veux d'abord vous parler de la pharmacologie ou de la biologie de l'alcool, et les deux autres témoins traiteront d'autres aspects.

Tout d'abord, une précision. Lorsque l'on parle d'alcool, c'est le terme utilisé de façon générale pour décrire la substance qui se trouve dans les boissons alcoolisées, soit l'éthanol. Mais il existe toute une série d'alcools, qui incluent notamment le méthanol. Étant donné que l'éthanol est le seul des alcools considéré comme suffisamment non toxique pour être utilisé dans les boissons alcoolisées, et que c'est celui qui est utilisé de façon généralisée, je vais me limiter à celui-là.

Les effets de la consommation d'alcool ne dépendent pas du type de boisson que vous consommez, qu'il s'agisse de bière, de vin ou de whisky. Tout dépend de la quantité de boisson que vous consommez à un moment donné. Des facteurs tels que les caractéristiques physiques de celui qui boit, c'est-à-dire s'il est homme ou femme, le type de gabarit et son métabolisme, sa consommation passée d'alcool et la façon et les circonstances dans lesquelles il le consomme vont tous influer sur les effets perçus par le buveur et influer sur les conséquences d'ordre pharmacologique de cette consommation.

Laissez-moi vous donner brièvement un exemple de la façon dont les situations peuvent modifier les effets pharmacologiques de la consommation d'alcool: si vous buvez de l'alcool dans un cadre social jusqu'à en avoir un certain niveau dans le sang, cela vous rendra peut-être plus sociable et plus loquace, mais si vous atteignez le même niveau d'alcool dans le sang dans un autre cadre, par exemple si vous êtes assis chez vous devant la télé, et s'il n'y a aucun autre stimulant autour de vous, vous pourrez ressentir des effets sédatifs ou une légère somnolence. Il est donc évident que la situation ambiante aura une incidence sur les effets de la consommation d'alcool.

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L'intensité dans les effets de la consommation d'alcool ne correspond pas au niveau d'alcool. Avec une concentration faible d'alcool dans le sang, vous devenez plus sociable et vous ressentez les effets de la désinhibition. Du côté physique, on constate une légère rougeur du visage et une légère augmentation des battements cardiaques. Plus le taux d'alcool augmente dans le sang, et plus on constate d'autres phénomènes, tels qu'une augmentation toujours plus grande des battements cardiaques, une hypothermie accrue, c'est-à-dire une augmentation de la température corporelle, un effet sédatif accru et une perte de coordination motrice. Plus cette concentration augmente, et plus il se produit dans le cerveau une dépression d'un nombre grandissant des fonctions du système nerveux central. Si l'on buvait suffisamment d'alcool, on pourrait finir par tomber dans le coma et mourir. Mais il faut évidemment que la concentration d'alcool dans le sang soit extrêmement élevée.

Comme je l'ai déjà dit, les niveaux d'alcool dans le sang nécessaires pour atteindre ces différents effets physiques dépendent des caractéristiques du buveur tels que son gabarit ou son sexe, et dépendent aussi de ses antécédents en toxicomanie. Nombre d'entre vous se rappelleront que lorsque vous avez commencé à consommer de l'alcool à l'adolescence, vous commenciez à ressentir les effets de l'ébriété après un ou deux verres, mais qu'après quelques années de pratique, vous étiez sans doute en mesure de boire beaucoup plus avant de commencer à ressentir le moindre symptôme. C'est ce que nous appelons la tolérance.

La consommation à long terme donne lieu à deux types de tolérance: d'abord, la tolérance métabolique, en vertu de laquelle certains enzymes de votre foie commencent à métaboliser l'alcool plus rapidement qu'avant, de sorte qu'il vous faut une plus grande consommation pour atteindre les mêmes concentrations d'alcool dans votre sang; et ensuite, la tolérance acquise, qui vous permet de vous adapter et de trouver des stratégies pour faire face à l'intoxication. Vous apprenez aussi comment cacher les symptômes.

La consommation d'alcool à long terme entraîne un certain nombre de problèmes dont l'un est la dépendance. Cette dépendance peut à son tour avoir plusieurs conséquences, non seulement pour votre entourage social mais également pour votre capacité à fonctionner normalement. L'alcool change de place dans la hiérarchie de vos activités et devient alors une priorité. La consommation à long terme d'alcool peut également être toxique pour vos organes, et c'est pourquoi on entend souvent parler de sclérose du foie et de toxicité cérébrale. Mais la plupart du temps, si l'on cesse de consommer de l'alcool même si on l'a fait à long terme, les dommages semblent être réversibles et le cerveau semble être en mesure de récupérer.

Des études effectuées récemment en Allemagne laissent entendre que les organes réagissent à la toxicité différemment selon que l'on est un homme ou que l'on est une femme, et que les femmes semblent souffrir plus que les hommes des effets de l'alcool sur le système nerveux central et le système cardio-vasculaire.

Je m'en tiendrai à cela.

[Français]

Mme Louise Nadeau (présidente, Comité permanent de lutte à la toxicomanie, Gouvernement du Québec; professeur agrégé, Département de psychologie, Université de Montréal): Je vais parler en français. Je vous remercie de m'avoir invitée.

Pour faire suite à ce que la Dre Tompkins a dit, reprenons les effets négatifs de la consommation d'alcool, mais sur le plan social. Certaines données nous indiquent qu'une ou deux consommations par jour ont des effets bénéfiques sur le système cardiovasculaire. De fait, à de telles doses, on observe très peu d'effets délétères ou négatifs dans la vie sociale.

Au niveau des intoxications, c'est-à-dire de la consommation, même isolée, de grandes quantités à l'occasion, tous les travaux en épidémiologie, notamment ceux du Dr Single et ceux qui sont menés par nos équipes du Québec, nous signalent qu'au Canada, les problèmes liés à l'alcool sont largement imputables aux intoxications, même chez des sujets qui ne sont pas dépendants. En somme, des personnes peuvent s'intoxiquer trois, quatre ou cinq fois par année et, au moment où elles s'intoxiquent, il y a des épisodes de violence et des problèmes de conduite avec facultés affaiblies.

En ce moment, un de nos soucis par rapport aux jeunes Canadiens est le fait que l'alcool peut entraîner des passages à l'acte. La Dre Tompkins nous rappelait les effets dépresseurs de l'alcool sur les centres de contrôle. Un jeune qui a des idées suicidaires et qui trouve que la vie n'a pas de sens peut passer à l'acte lorsqu'il est intoxiqué. De fait, c'est ce que les données du coroner au Québec nous indiquent. Les données sur les autochtones au Canada vont clairement en ce sens. Donc, il est important de comprendre que l'alcool a vraiment un effet catalyseur même chez des sujets qui ne font pas une consommation chronique d'alcool.

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Enfin, on parle des problèmes de dépendance. Dans ces cas, la famille est sérieusement affectée. On sait que la vie de ces personnes est structurée autour de l'alcool. Ce sont les soucis que nous avons sur le marché du travail quand un employé est alcoolique. Ce sont également les soucis que l'on a au niveau des problèmes de santé.

[Traduction]

Je passerai à l'anglais pour terminer.

Ce qui nous préoccupe, notamment, ce sont les hommes de 15 à 25 ans qui sont responsables des intoxications que j'ai décrites. Les groupes à risque élevé comprennent surtout des hommes. De plus, dans notre pratique clinique, nous avons réussi à déterminer que la seconde génération d'immigrants présente un risque plus élevé, sans doute parce que l'intégration d'un des enfants d'une même famille n'a pas été aussi fructueuse qu'on l'aurait souhaité. Ces enfants peuvent souvent être des candidats à une consommation d'alcool excessive.

Enfin, au sujet de la prévention, je vous renvoie aux recommandations du Forum national sur la santé. Les priorités du forum étaient les mêmes que celles que nous nous fixons dans ce domaine-ci: ce sont les enfants. Il est clair que si l'on regarde quelles sont les sources de la toxicomanie, il faut souvent se demander ce qui est arrivé à ces enfants entre l'âge de zéro et de cinq ans. La deuxième priorité, c'est la jeunesse. Elle forme une priorité en matière de santé et en matière de lutte contre la toxicomanie. Enfin, il est très clair que l'emploi est un enjeu de taille, surtout chez les jeunes et chez les chômeurs canadiens de 45 ans et plus.

Lors du forum, nous avons décrit dans nos documents les succès que l'on avait rencontrés au Canada dans la lutte contre la toxicomanie. Il est clair que certaines localités se sont organisées pour mener cette lutte. Prenons le cas d'Alexandra Park à Toronto: dans cette localité, les efforts communautaires ont permis d'éliminer les drogues - il y avait beaucoup de trafic de drogue là-bas - mais aussi d'éliminer l'alcoolisme. On se rend encore une fois compte à quel point l'action communautaire constitue une stratégie de taille.

Je vous renvoie donc au rapport du forum et je vous encourage à le lire à nouveau dans une perspective de lutte contre l'alcoolisme.

Si je devais vous faire une recommandation sur la scène canadienne, ce serait de maintenir le financement du Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, étant donné que ce centre est l'un des grands catalyseurs canadiens de cette lutte. Le gouvernement du Québec a oeuvré de concert avec le centre et le ministère de la Santé a investi dans l'étude qu'a faite le centre sur les coûts socio-économiques des toxicomanies. Le Comité permanent sur les toxicomanies constituait en cela une entreprise commune. Mais il en existe aussi bien d'autres. Le centre traduit une collaboration de longue date entre le Québec et cet organisme fédéral. Je ne puis que vous recommander fortement d'en maintenir la structure et le financement.

Le président: Monsieur Single.

M. Eric Single (témoignage à titre personnel): Merci. D'entrée de jeu, je me dois de vous dire que je comparais ici à titre personnel. J'ai donné au greffier des exemplaires de mon mémoire détaillé, que je ne prendrai pas la peine de lire, car ce serait beaucoup trop long: je me contenterai d'en faire ressortir les grandes lignes. Je vais vous parler aujourd'hui des coûts économiques de la toxicomanie au Canada. Étant donné le sujet de ce matin, je m'en tiendrai à l'alcoolisme. Lorsque j'ai entrepris cette étude, j'étais directeur de la politique et de la recherche au Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies. Depuis, j'ai perdu mon poste en raison de compressions budgétaires.

Au moment de la période des questions, je répondrai avec plaisir à ceux qui s'interrogent sur les autres activités du centre ou sur son profil statistique national, sa chambre de compensation, ou sur d'autres aspects encore.

Je reviens tout juste d'Australie, où j'ai évalué la stratégie australienne de lutte contre les drogues. Je crois qu'il est possible de tirer plusieurs leçons de cette expérience, et je vous en parlerai avec plaisir au moment de la discussion, si vous le voulez.

Pour l'instant, étant donné le peu de temps à notre disposition, je ferai suite aux remarques de mes deux collègues. Ce que j'aurais à dire corrobore à bien des égards ce que Louise a dit.

L'étude sur les coûts que j'ai effectuée constitue une entreprise de collaboration entre cinq gouvernements provinciaux subventionnaires auxquels s'est joint le ministère de la Santé, et auquel on a ajouté une subvention du Programme national de recherche et de développement en matière de santé, subvention accordée par des pairs, qui représentait environ la moitié du financement total.

.0935

Au départ, nous avons organisé deux symposiums internationaux et nous sommes entendus sur la méthodologie la plus appropriée à suivre dans le cadre de ces études, étant donné que les résultats divergents semblaient être dus aux différentes méthodes suivies par les chercheurs.

En utilisant ces lignes directrices choisies à l'échelle internationale, nous avons ensuite évalué le nombre de décès et d'hospitalisations, et les coûts économiques afférents, découlant de la consommation d'alcool, de tabac et de drogues illicites. Le nombre de jours d'hospitalisation et de décès attribuable à l'alcool a été évalué par la mise en commun des estimations des risques relatifs selon l'âge, le sexe et la province; autrement dit, nous avons essayé de déterminer le risque de développer une maladie donnée compte tenu de son âge, de son sexe et de son lieu de résidence. On peut dire que les paramètres étaient assez spécifiques, suivant la classification internationale des maladies.

Les estimations précédentes du nombre de décès dus à l'alcoolisme étaient bien moins précises. Il n'y avait pas de ventilation selon l'âge et le sexe. On prenait simplement l'estimation d'un comité d'experts par rapport à une grande maladie. Ainsi, dans les estimations précédentes, on y trouvait inclus 10 p. 100 des cancers. Même si le cancer du poumon n'est pas dû à la consommation d'alcool, 10 p. 100 des décès dus au cancer du poumon étaient néanmoins inclus dans les estimations. Vous voyez que c'était beaucoup plus précis, et ce à plus d'un titre.

Nous avons estimé à 6 701 le nombre de décès dus à l'alcoolisme au Canada, en 1992, ce qui est beaucoup moins élevé que le nombre relevé dans les estimations précédentes, même si l'on constate toujours que l'alcoolisme nous coûte très cher. En effet, un décès sur 30 est attribuable au Canada à l'alcoolisme. Et l'alcoolisme se traduit aussi par un nombre énorme de jours d'hospitalisation.

Lorsque nous avons précisé les ramifications de cet état de choses pour le système de soins de santé et les pertes de productivité dues à une mortalité prématurée et à la morbidité, nous avons évalué à 7,5 milliards de dollars le coût total, en termes économiques, de l'alcoolisme pour l'économie canadienne en 1992.

Nous avons comparé ces coûts à ceux établis dans des études canadiennes précédentes et dans des études effectuées outre-mer. Les chiffres sont un peu plus faibles que dans les précédentes études canadiennes, parce que les estimations de morbidité et de mortalité sont plus faibles; toutefois, lorsqu'on les considère en proportion du PNB, on constate qu'ils correspondent d'assez près à ce que l'alcoolisme coûte dans d'autres sociétés qui connaissent des niveaux de consommation semblables. Cela ne devrait donc être guère surprenant pour ceux qui connaissent le domaine.

Nous avons également effectué une étude de sensibilité en modifiant les hypothèses méthodologiques pour voir si cela changeait les résultats. Nous n'avons constaté qu'une seule différence importante, et ce, lorsque nous utilisions des taux d'actualisation différents pour tenir compte de la perte éventuelle de revenu chez les gens qui mouraient prématurément de l'alcoolisme.

Nous avons pu conclure de façon générale que l'alcoolisme coûte extrêmement cher en termes de maladie et de décès, et représente un coût économique élevé pour l'économie canadienne. Ces chiffres estimatifs sont néanmoins un peu plus faibles que les chiffres estimatifs établis préalablement.

Nous nous sommes également penchés sur les variations d'une province à l'autre. Soit dit en passant, le rapport compte 532 pages, et je ne l'ai pas inclus dans mon mémoire. Vos attachés de recherche voudront peut-être y jeter un coup d'oeil, car il intéressera peut-être ceux qui voudraient savoir ce que cela représente en coûts économiques, ainsi qu'en termes de maladie et de décès dans leur propre province. Il y a beaucoup de différence d'une province à l'autre, comme nous avons pu le conclure ailleurs dans le rapport.

Il y a une autre chose que je voulais mentionner, pour corroborer un commentaire de Louise. Non seulement le nombre de décès était un peu moins élevé que les estimations antérieures - il est encore très élevé - mais aussi toute la répartition épidémiologique des problèmes liés à l'alcool a changé, je pense, à cause de ces nouvelles estimations. Nous avons constaté que tandis que dans le passé, les maladies chroniques comptaient pour environ 75 p. 100 à 80 p. 100 des décès attribués à l'alcool, cela change maintenant considérablement. Les chiffres qui n'ont pas baissé étaient les estimations d'accidents reliés à l'alcool; je veux parler des accidents de la circulation et d'autres types d'accidents, ainsi que d'autres problèmes graves attribuables à l'alcool. Les problèmes graves comptent maintenant pour environ la moitié du nombre estimé de décès attribuables à l'alcool.

Cela ne signifie pas que les maladies chroniques associées à l'alcool ne constituent pas un problème significatif et important. C'est un problème important, mais les effets de la conduite en état d'ébriété et des accidents liés à l'alcool, ainsi que des problèmes graves résultant de l'ivresse, sont plus significatifs que nous l'avions réalisé dans le passé. Cela peut avoir des répercussions d'une portée considérable en ce qui concerne les politiques et les programmes.

Le président: Merci beaucoup.

Pierre de Savoye.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Mesdames, monsieur, merci de vos présentations. Vous nous confirmez ce que nous savons déjà d'une certaine manière. Vous le faites avec des chiffres plus précis obtenus au moyen de l'expérimentation, de la recherche. Oui, l'alcool crée des problèmes considérables sur le plan humain, sur le plan familial et sur le plan économique, et nous sommes ici d'une certaine manière pour tenter de trouver une solution.

.0940

Deux aspects ont souvent été abordés par des témoins qui sont venus nous donner leur point de vue. En ce qui a trait à la prévention, entre autres, les deux aspects sont, bien sûr, l'éducation, mais aussi l'amélioration du milieu social. D'aucuns et d'aucunes prétendent que des abus ponctuels d'alcool, comme vous le disiez, madame Nadeau, qui mènent à des excès de violence très limités dans le temps, mais très sérieux, ne constituent pas le problème lui-même, mais sont le symptôme d'un autre problème. Ils disent que l'éducation est sans doute un moyen de réduire les méfaits de l'usage abusif d'alcool, mais qu'il faut aussi s'attaquer à la cause première, qui pourrait être un milieu social stressant qui amène l'individu à faire un mauvais usage de diverses drogues dont, bien sûr, l'alcool.

Quelle expérience pourriez-vous partager avec nous à cet égard, madame Nadeau?

Mme Nadeau: Je vais répondre de deux façons. L'une des meilleures expériences au Canada est, bien sûr, celle du programme Nez Rouge. On se rappelle qu'au Québec, 60 000 bénévoles, durant la période de Noël, raccompagnent des personnes intoxiquées. Dans le cadre du programme Nez Rouge, on transporte parfois des gens intoxiqués d'un bar à l'autre. C'est un programme de raccompagnement dans lequel on travaille dans une perspective de neutralité. Tout ce que l'on veut, c'est que les personnes intoxiquées ne prennent pas le volant. On ne pose aucun jugement.

Ce programme a connu beaucoup de succès dans toute la province de Québec. C'est certainement l'un des meilleurs programmes de prévention qui existent. Je vous rappellerai que c'est un programme qui est fait dans une perspective de réduction des méfaits. On ne pose pas la question du bien-fondé ou du mal-fondé de l'intoxication; on cherche uniquement à prévenir les conséquences néfastes de l'intoxication.

Quant au deuxième modèle, c'est celui d'Éduc'alcool au Québec. Vous vous rappelez peut-être qu'au Québec, pour que l'industrie soit autorisée à faire de la publicité sur l'alcool, elle doit obligatoirement faire de la prévention. Le permis de publicité s'accompagne d'un projet de prévention qui est soumis à la Régie des alcools, des courses et des jeux. Dans le programme Éduc'alcool, on dit que la modération a bien meilleur goût. Dans ces contextes-là, par des actions préventives, souvent par du marketing social, parfois par des actions plus pointues dans les cégeps ou parfois en encourageant les jeunes à se faire accompagner de conducteurs qui ne boivent pas, on tente de s'assurer qu'il n'y ait pas d'intoxication.

On a une position très ferme: on encourage les gens à éviter le binge drinking, l'absorption de grandes quantités d'alcool à l'occasion. On cherche donc à établir un code et à exercer une pression sociale comme dans le cas de la conduite avec facultés affaiblies. Se saouler, s'intoxiquer, boire trop est jugé socialement inacceptable. C'est ce qu'on vise.

Je vous remercie de votre question.

M. Pierre de Savoye: Madame Tompkins, voudriez-vous ajouter à cela?

[Traduction]

Mme Tompkins: En ce qui concerne les commentaires au sujet du rôle important de la situation sociale, je pense que dans le passé, les gens ont toujours pensé que la consommation excessive d'alcool et beaucoup de cas de dépendance face à la drogue avaient un fondement génétique. Les données disponibles jusqu'à maintenant confirment, je pense, qu'il existe un facteur génétique associé à l'alcoolisme. Mais le simple fait d'avoir une prédisposition génétique ne signifie aucunement que vous aurez un jour un problème d'alcool. Il semble fort que la génétique et l'environnement jouent un rôle interactif très important, mais bien des gens qui en viennent à faire une consommation excessive d'alcool ne semblent pas avoir de prédisposition génétique.

.0945

Au cours de recherches effectuées sur des animaux, on a constaté que certains facteurs semblaient être particulièrement importants. Les processus de renforcement qui influencent la consommation d'alcool semblent être des facteurs comme le stress et l'environnement social en particulier, et nous pouvons constater la même chose sur les êtres humains. Je pense donc que le fait de changer l'environnement, ce qui modifierait les propriétés attribuées à l'alcool, contribuerait certainement à faire cesser la consommation excessive d'alcool.

M. Single: Je pense que vous avez posé une bonne question, qui fait ressortir ce qu'on a appelé les deux mondes des problèmes d'alcool: on a un problème de maladie chronique et de consommation chronique d'alcool, qui devient principalement manifeste chez les hommes, entre 35 et 55 ans; et il y a ensuite les problèmes d'ivresse aiguë, plus courants chez les jeunes, ou plutôt chez les jeunes adultes, mais c'est encore un problème jusque vers 35 à 40 ans, probablement. Dans le passé, on mettait peut-être trop l'accent sur l'aspect maladie chronique. Maintenant, nous reconnaissons de plus en plus que nous devons offrir aussi - il ne s'agit pas d'une solution de remplacement, mais d'une mesure complémentaire - plus de programmes comme Nez Rouge, et les autres types de programmes qui visent à résoudre les problèmes d'ivresse aiguë.

Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles on voit un mouvement dans la direction de la prévention: les niveaux de consommation diminuent, l'industrie en souffre, il y a des pertes d'emploi et pour ces raisons, on hésite à imposer d'autres restrictions quant à l'accès à l'alcool. Mais il y a aussi de nouvelles preuves montrant que la consommation modérée d'alcool peut avoir des effets bénéfiques.

Nous avons constaté dans notre étude, par exemple, qu'il y a plus de vies qui sont sauvées grâce à l'alcool que de vies perdues à cause de l'alcool. Malheureusement, le nombre de cas d'hospitalisation à cause de l'alcool était beaucoup plus élevé que le nombre de vies sauvées.

M. Pierre de Savoye: Je suis désolé. Comment cela se fait-il?

M. Single: C'est parce que l'alcool contribue à prévenir les maladies cardiaques et coronariennes chez ceux qui en consomment de petites quantités. Par conséquent, l'alcool sauve donc plus de vies, mais il s'agit de quelques années ajoutées à la vie de personnes qui sont déjà âgées, tandis que l'alcool tue des gens lorsqu'ils sont beaucoup plus jeunes. Par conséquent, les années de vies perdues sont beaucoup plus nombreuses que les années de vies gagnées. Nous devons donc nous efforcer de réduire le plus possible les méfaits de l'alcool, afin de pouvoir profiter des effets d'une consommation modérée et faible.

On a donc ce mouvement vers des mesures de réduction des méfaits, si je peux m'exprimer ainsi. Une foule de mesures innovatrices ont vu le jour ces dernières années. Des programmes de formation des serveurs se sont répandus au Canada, par exemple. Il y a des programmes comme Nez rouge, des stratégies de transport sans danger.

À Edmonton, le monopole provincial a décidé d'ouvrir l'un de ses magasins d'alcool à 9 heures du matin au centre-ville, avec la bénédiction de la Régie des alcools de la province. On a fait cela pour empêcher les clochards alcooliques de boire du cirage à chaussures et de l'alcool non potable, car ces substances empoisonnent. On a donc accru l'accès, comme mesure de réduction des méfaits, pour empêcher les empoisonnements. Cela ne résout évidemment pas le problème sous-jacent. Il faut faire davantage. Mais il faut avoir recours aux deux stratégies - les stratégies de réduction des méfaits lorsque des gens boivent trop, et les stratégies visant à s'attaquer aux problèmes sous-jacents.

Ces problèmes sous-jacents, comme vous l'avez dit, sont profondément enracinés. Un domaine dans lequel on ne fait pas encore assez de recherche et pour lequel on n'a pas suffisamment de programmes est celui du diagnostic double. Nous savons que beaucoup de gens qui souffrent de troubles mentaux ont aussi des problèmes d'alcool et que beaucoup de gens qui ont des problèmes d'alcool souffrent de troubles mentaux. Il existe certains programmes, mais on n'a pas vraiment apporté beaucoup d'attention à ce problème.

Le président: Grant.

M. Grant Hill: J'aime demander aux spécialistes qui comparaissent devant le comité s'il y a des pays qui font mieux que le Canada dans ce domaine. Je pose donc la question à chacun d'entre vous; pourriez-vous identifier un pays qui réussit mieux, et nous dire pourquoi?

Mme Nadeau: J'espère que je ne paraîtrai pas ridicule, mais l'une des choses intéressantes au Canada est le fait que le Québec a les lois les plus libérales en matière d'alcool et possède le taux le plus bas de problèmes liés à l'alcool. C'est donc en réalité un très bon exemple.

Pour faire de la publicité, l'industrie de l'alcool est obligée par la loi d'avoir des programmes de prévention. C'est une chose qu'on admire dans les autres provinces et dans la plupart des pays du monde occidental. Il y a donc des réussites intéressantes au Canada.

.0950

J'ajouterai que les pays scandinaves connaissent beaucoup de succès en ce qui concerne la conduite en état d'ébriété, mais le niveau d'intoxication est encore un problème important, de même que la contrebande d'alcool. Les pays consommateurs de vin peuvent nous donner des leçons en ce qui concerne la prévention de l'intoxication, même si l'on boit régulièrement dans ces pays. Je pense donc qu'il n'y a pas un seul pays qui réussit dans tous les domaines qui nous concernent, mais on peut certainement tirer des leçons de ce qui se fait dans d'autres parties du monde.

Mme Tompkins: Si je faisais une comparaison, je la ferais au niveau du financement de la recherche fondamentale. Pour comprendre dans quelle direction nous devons nous orienter, en ce qui concerne l'éducation, le traitement et la prévention, je pense qu'il faut toujours retourner à la recherche fondamentale.

L'un des pays qui est probablement le meilleur dans ce domaine est les États-Unis, où le gouvernement fédéral et d'autres organismes publics contribuent beaucoup au financement de la recherche fondamentale. On a pu ainsi faire des découvertes importantes. Par exemple, nous commençons à nous rendre compte du fait que nous ne devrions peut-être pas soumettre les alcooliques à des sevrages répétés, parce que nous risquons peut-être d'exacerber leur état plutôt que de les aider. Ainsi, dans le cas d'un alcoolique pour lequel on ne voit probablement pas de solution de rechange, il est préférable de réduire les méfaits de l'alcool et de le laisser en consommer une certaine quantité que de lui faire subir des périodes d'intoxication et de sevrage.

Une autre découverte qui a résulté du financement de la recherche aux États-Unis est que nous avons maintenant un nouvel agent pharmacologique appelé naltrexone, qui semble réussir très bien dans des essais cliniques. L'une des périodes pendant lesquelles les gens abandonnent le plus leur traitement est celle des deux à six premières semaines suivant le sevrage de l'alcool. On a alors des taux de rechute vraiment élevés. Nous essayons maintenant de mettre au point des médicaments comme le naltrexone qu'on pourrait faire prendre pendant les deux à six premières semaines de sevrage, afin d'aider à renforcer la détermination des gens, à réduire le besoin intense qui est souvent la cause de la rechute, à réduire les facteurs comme le stress et à enseigner aux gens des techniques d'adaptation.

Je pense donc qu'il y a des leçons à tirer de tout cela, mais la recherche est importante, si nous voulons élaborer des stratégies pour atténuer le problème.

M. Single: Je reviens tout juste d'Australie et cette expérience est donc fraîche dans mon esprit. J'ai étudié en détail ce qu'on a fait là-bas ces cinq dernières années pour réduire les problèmes dus à l'alcool, et j'ai appris qu'il y avait eu une faible diminution de la consommation totale, mais pas une diminution importante, et cela concorde avec des tendances qu'on a pu observer dans le monde depuis la fin des années 70. Un changement important est intervenu cependant, et c'est une baisse marquée des habitudes de consommation à risque - c'est-à-dire des cas de consommation élevée. C'est probablement dû à un certain nombre de facteurs. Personne ne pourrait vraiment en identifier un en particulier. Je pense que l'industrie a eu le mérite de lancer sur le marché une grande variété de produits à faible teneur en alcool. La plupart des étiquettes de bière là-bas, par exemple, montrent des teneurs en alcool différentes, allant de 0,9, 2,3, 3,5, jusqu'à la teneur la plus forte, qui est d'environ 4,2 ou 4,3. Ainsi, lorsque les gens sortent et savent qu'ils conduiront un véhicule, ils ont des choix.

Au Canada, l'industrie essaie aussi d'offrir plus de variétés, mais ces variétés n'ont pas vraiment connu le même succès qu'en Australie sur le marché. En Australie, les bières légères représentent maintenant une part très importante de la consommation de bière, soit plus de 20 p. 100. L'un des problèmes ici vient de notre structure fiscale, qui ne permet pas de fixer le prix des boissons de manière à encourager la modération. Essentiellement, la boisson plus forte coûte moins cher par unité d'alcool, alors qu'il faudrait que ce soit le contraire, à tout le moins. C'est le genre de mesure qu'on pourrait envisager pour encourager une consommation modérée.

Il y a un grand nombre d'autres sortes de programmes qui existent et qui sont fondés sur les principes de la réduction des méfaits. On y tient compte du fait que les gens continueront de boire. Les messages ne visent pas à interdire. On dit plutôt d'être prudent lorsqu'on boit, et d'autres conseils de cette nature. Les moeurs changent. Ici, par exemple, il devient de plus en plus inacceptable de conduire en état d'ébriété. Je pense qu'à long terme, nous devons investir dans des mesures de cette sorte.

Le président: Monsieur Single, pourriez-vous répéter cette thèse selon laquelle plus la boisson est forte, moins cher elle coûte ici?

.0955

M. Single: À l'heure actuelle, le coût par unité d'alcool est plus élevé pour les produits peu alcoolisés. Si vous voulez acheter une bière contenant 0,9 ou 0,5 p. 100 d'alcool, ce qui signifie que vous pourrez en boire dix sans consommer plus d'alcool que si vous buviez une bière de force régulière, de sorte que si vous conduisiez après avoir bu, votre taux d'alcoolémie ne pourrait même pas atteindre 0,5, ce qui représente une bonne mesure de prévention, vous devez payer au moins autant que pour une bière de force régulière, et parfois plus, si le produit est importé. D'autre part, les jeunes qui aiment boire de la bière plus forte que la normale, paient en réalité beaucoup moins par unité d'alcool. Dans un certain sens, ils sont récompensés. Un jeune qui a seulement un peu d'argent dans sa poche préférera acheter la bière à plus forte teneur en alcool, parce qu'il en obtiendra plus pour son argent.

Le président: Est-ce une bizarrerie du régime fiscal ou est-ce simplement dû à la façon dont on établit le prix de ces produits?

M. Single: Les deux facteurs entrent en jeu, mais il est évident que le régime fiscal y contribue. Il n'existe pas de différence significative dans la taxe en fonction de la teneur en alcool. Il y a un certain nombre de taxes différentes. Les taxes d'accise diffèrent dans une certaine mesure selon la teneur en alcool, mais ce n'est généralement pas le cas des autres taxes. Très souvent, les provinces comblent la différence entre les taxes, de sorte que le prix est le même en fin de compte.

Le président: Grant.

M. Grant Hill: L'un des problèmes auxquels nous faisons face - et ce n'est pas unique à l'alcool - est qu'on nous a dit à plusieurs reprises que les mesures d'application de la loi visant les drogues illicites constituent une perte de temps. Je regarde vos chiffres et je vois un coût énorme pour l'application de la loi concernant un produit légal, l'alcool. En termes relatifs, les coûts sont élevés également pour les drogues illicites.

Pouvez-vous établir un parallèle? Nous avons un produit légal qui présente d'énormes problèmes en ce qui concerne l'application de la loi, parce que c'est une substance intoxicante. Nous avons des produits illégaux pour lesquels l'application de la loi coûte également cher. Cela signifie-t-il qu'il serait préférable de s'attaquer avec moins de vigueur à l'application de la loi en ce qui concerne les produits illicites? Est-ce un argument valable, quand nous dépensons autant d'argent pour un produit légal?

M. Single: Les opinions diffèrent à ce sujet. Personnellement, je pense que les conclusions de l'étude sur les coûts sont neutres. Elles ne présentent pas vraiment d'arguments pour ou contre la légalisation de certaines substances.

Il y a des gens en faveur d'une réforme en matière de drogues qui aiment signaler que les coûts liés aux drogues illicites sont beaucoup moins élevés que ceux qui sont liés aux drogues légales; ils disent que c'est un problème de moindre envergure et que nous gaspillons cet argent en faisant appliquer la loi dans le cas d'un problème de moindre importance. D'autre part, certains disent que lorsqu'on légalisera un produit on aura des coûts élevés. On peut utiliser les conclusions de l'étude pour faire valoir des arguments dans les deux sens. Je pense que l'étude est vraiment neutre.

Si vous voulez vraiment étudier la question de la légalisation des drogues illicites, vous devez examiner plus que les seuls coûts économiques. Vous devez déterminer les avantages qu'on retire des 400 millions de dollars consacrés à l'application de la loi. Y a-t-il un effet de dissuasion? Quelle preuve a-t-on de l'existence d'un effet de dissuasion? Pour répondre à ces questions, il faudrait faire une étude très différente et avoir des données différentes.

M. Grant Hill: Enfin, j'aimerais que chacun d'entre vous me dise dans quelle mesure les brasseurs, les fabricants, les intervenants dans le secteur, coopèrent à des programmes comme ceux dont vous avez parlé: une réduction des prix pour les boissons à faible teneur en alcool... J'ai vu leur publicité dans laquelle ils disent qu'ils veulent qu'on boive de façon plus modérée, et j'ai vu les avertissements. Les membres de l'industrie coopèrent-ils à cet égard?

Encore là, vous pourrez peut-être tous me donner une réponse.

[Français]

Mme Nadeau: Au Québec, on a l'expérience d'Éduc'alcool. Selon la loi, les alcooliers doivent faire des programmes de prévention. Notre expérience démontre qu'au bout de quelques années de travail à Éduc'alcool, le niveau de conscience de l'industrie augmente. Cela se voit aux assemblées annuelles. On sent la motivation changer. Ce qui fut d'abord une obligation extérieure de se conformer à un règlement est devenu une motivation beaucoup plus intrinsèque, beaucoup plus intérieure d'éviter les abus.

Par ailleurs, on ne peut se cacher le fait que l'industrie de l'alcool est là pour vendre de l'alcool, pour faire de l'argent, et on ne doit jamais être aveuglé par le fait qu'elle souhaite à la fois faire beaucoup d'argent et faire le moins de dommage possible. C'est quelquefois incompatible.

.1000

[Traduction]

Mme Tompkins: En ce qui concerne la recherche fondamentale, les membres de l'industrie ont fait un effort considérable pour créer une fondation afin d'appuyer la recherche. Ils appuient deux types de recherche: premièrement, la recherche fondamentale, comme celle que je fais moi-même, et dans laquelle on examine les propriétés de l'alcool qui mènent à une consommation excessive, la possibilité de dépendance, la toxicité pour les organes et la différence dans ses effets sur les deux sexes. Deuxièmement, ils consacrent beaucoup d'argent à la recherche sur les facteurs qui peuvent pousser une personne à passer d'une consommation modérée à une consommation excessive. Je pense que cela montre une volonté de voir la modération comme une solution. Comme vous l'avez dit, cependant, je pense que leur participation est limitée par le fait qu'ils sont en affaires pour faire des profits, et qu'ils appuient la recherche jusqu'à un certain point.

M. Single: Je pense que le dossier de l'industrie à cet égard est quelque peu inégal. Ces entreprises reconnaissent cependant de plus en plus qu'il est dans leur meilleur intérêt économique de réduire les problèmes liés à la consommation de leurs produits, et elles ont pris à cet égard un certain nombre de mesures que j'estime valables. Elles ont appuyé la recherche. Elles ont parfois participé à des efforts pour résoudre le problème et elles ont collaboré dans une très grande mesure avec les organismes de santé publique. Je vois une tendance nette à cet égard.

Je pense qu'il faut reconnaître que ces entreprises ont offert aux consommateurs une plus grande variété de produits, comme les boissons à faible teneur en alcool. Les campagnes préconisant une consommation responsable sont excellentes, je pense, vraiment bien conçues, sans complaisance, et il ne s'agit aucunement d'une publicité à peine voilée pour un produit, comme certains d'entre nous dans le secteur de la santé publique l'avaient craint.

Ces entreprises ont parfois fait des choses que je n'approuvais pas, comme par exemple le lancement de la bière à forte teneur en alcool, par l'un des grands brasseurs il y a quelques années. Mais en général, on voit nettement, je pense, qu'elles tendent de plus en plus à ne pas seulement participer au problème, mais à participer aussi à la solution.

Mme Nadeau: Permettez-moi d'ajouter que quand on travaille dans ce domaine, le secteur des boissons alcoolisées est un partenaire.

Le président: Nous allons donner la parole à John Murphy, puis à Paul Szabo.

M. Ian Murray: Merci de vos exposés, fort concis.

Vous parliez, Louise, d'une étude examinant les liens entre la jeunesse, le chômage et l'alcool. Pourriez-vous m'en parler un peu plus longuement.

Pourriez-vous me donner des renseignements sur le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, Denise? Je crois savoir qu'on lui a accordé une subvention de 500 000$, subvention qui n'est peut-être que pour un an. Vous faites beaucoup de recherche sur ce sujet, mais vous ne faites pas partie de ce groupe, et j'aimerais en savoir davantage là-dessus.

Enfin, Eric, vous pourriez peut-être nous dire quelles leçons vous avez tirées de l'expérience de l'Australie à propos du lien entre la jeunesse, le chômage et l'abus d'alcool.

Je vous remercie.

Mme Nadeau: Vous nous demandez s'il existe des études portant directement sur le lien entre chômage et augmentation de la consommation d'alcool? À ma connaissance, il n'en existe pas, mais quand vous examinez quels sont ceux qui sont admis à un traitement pour troubles liés à l'alcool, vous constatez que le niveau de chômage est extrêmement élevé, et ce, depuis un certain temps déjà. C'est là que l'on voit le lien.

Nous savons également, d'après les données canadiennes, que le niveau d'intoxication est beaucoup plus élevé pour les gens à faible revenu que pour les riches; c'est ce qui ressort de toutes les données canadiennes. Oui, il est vraiment à craindre que si le désespoir social se répand, on aura davantage recours à l'alcool: c'est une sorte de logique interne. Voyez, par exemple, le cas des pays de l'Europe de l'Est où la longévité diminue considérablement et où l'on s'enivre de plus en plus. Je ne sais pas s'il y a effectivement un lien de cause à effet, car d'autres facteurs doivent entrer en compte, mais l'alcool en est certainement un.

Quant au Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, le gouvernement fédéral lui a effectivement accordé 500 000$, et ce financement doit être renouvelé, mais n'oublions pas que ce centre a vu son budget réduit de 66 p. 100, si je ne me trompe, et qu'à un certain moment il était sur le point de fermer, avant que ne soit octroyée cette subvention. Eric, pour cette raison, s'est retrouvé sur la liste des gens à licencier. Cette menace subsiste toujours encore pour les membres du conseil d'administration.

.1005

Mme Tompkins: J'ai demandé à Louise de vous répondre sur ce point, parce que je ne sais pas grand-chose là-dessus.

En ce qui concerne le financement de la recherche sur l'alcoolisme, l'étude que j'ai entreprise est financée, en fait, par la Fondation de la recherche sur la toxicomanie, qui est un organisme provincial, unique dans sa composition, en ce sens qu'il englobe une vaste panoplie de spécialités. En recherche fondamentale, on étudie les neurotransmetteurs du cerveau mais pour étayer cette recherche il faut des études épidémiologiques. Cette fondation est unique, en ce sens que nous collaborons les uns avec les autres. Nous travaillons avec des cliniciens et pouvons essayer de reproduire chez les animaux les problèmes qu'ils rencontrent.

Nous venons de voir sabrer notre financement de 30 p. 100. Une grande partie des fonds attribués à notre recherche proviennent du Conseil de recherches médicales du Canada, qui lui aussi a subi des compressions de fonds. Autrefois, nous obtenions une grande partie de nos fonds du National Institute of Health des États-Unis, qui souvent considère le Canada comme une sorte de prolongement et qui ne nous a pas vraiment traités en étrangers, mais au fur et à mesure qu'ils voient s'amenuiser leur propre budget, ils répercutent sur nous cette diminution. D'une façon générale, toutes les recherches dans ce domaine ont vu, au cours des dernières années, leur financement faire peau de chagrin.

M. Single: Quant au chômage, Denise a raison, à ma connaissance, il n'y a pas eu d'études individuelles, mais une analyse écologique, faite aux États-Unis par un économiste du nom de Harvey Brenner, a examiné les tendances générales, dans ce pays-là, entre les taux de chômage et le nombre de décès par cirrhose. Fait intéressant, il a constaté un effet différentiel: à court terme, il y avait augmentation mais à plus long terme - deux ans ou davantage - il y avait diminution. Cela montre probablement qu'au niveau individuel, lorsque les gens sont mis au chômage, l'anxiété et la tension qui en résultent les amènent à boire davantage, mais à plus long terme l'argent à dépenser en boissons alcooliques leur vient à manquer. Vous avez donc un effet différentiel entre le court terme et le long terme.

On n'a pas fait, que je sache, d'études sur la jeunesse. Nous savons, bien entendu, que les enfants des rues et autres ont des taux de consommation extrêmement élevés ainsi que des problèmes d'alcoolisme et de consommation de drogues illicites, de sorte que les résultats ne nous surprendraient pas.

En Australie, on insiste beaucoup sur l'éducation et, de même qu'ici, on a des études d'évaluation dont les résultats ont été assez équivoques et qui ne montrent pas une influence considérable des programmes d'éducation.

Personnellement, je suis en faveur de faire une grande place à l'éducation. Même si les résultats ont été assez équivoques, c'est un bon investissement dans l'avenir que d'investir beaucoup dans l'éducation des jeunes en matière d'alcoolisme et de toxicomanie. Cette éducation amène certains changements d'attitude, mais on ne voit pas que cela se répercute, de façon sensible, sur le comportement. Si les résultats semblent peu convaincants, c'est que l'étude, de par sa méthodologie, connaît des limites, dont la principale est qu'il n'est pas possible de faire un suivi à long terme. Je n'en pense pas moins que c'est une bonne chose que d'investir dans l'avenir en assurant une bonne éducation, dans les écoles, en matière de consommation de drogue et d'alcool.

Mme Nadeau: Je voudrais faire un commentaire. Le programme Iduc'alcool» nous a valu au Québec, la visite de gens de la Suède. Ce que nous avons appris d'eux, c'est que tout programme d'éducation doit, en réalité, avoir des liens avec la culture. Ces Suédois auraient voulu tirer les leçons du succès de Iduc'alcool», mais leur pays, depuis longtemps, a des ligues anti-alcooliques, ce qui n'est pas le cas au Québec. Vous vous souvenez sans doute que la seule région d'Amérique du Nord qui n'a pas connu la prohibition a été le Québec, où nous avons toujours eu des lois plus libérales. Nos programmes de prévention s'alignent, en fait, sur cette tradition de lois plus libérales.

Il est essentiel de comprendre qu'un programme de prévention qui donne satisfaction dans une région du Canada ne peut pas nécessairement être transplanté ailleurs et y donner des résultats aussi satisfaisants. Les Suédois ne peuvent certainement pas adopter un programme comme Iduc'alcool», en raison d'une longue tradition de règles et lois très strictes, et une libéralisation ne déboucherait que sur une augmentation des abus. C'est pourquoi il faut vraiment bien comprendre que ce qui vaut pour l'un ne vaut pas nécessairement pour l'autre, même dans notre propre pays.

Le président: Nous allons maintenant donner la parole à Paul Szabo, puis à Herb Dhaliwal.

M. Paul Szabo: Je vous remercie, monsieur le président.

.1010

Je veux aborder deux questions, dont la première porte sur les chiffres. Dans ce domaine peu importe qui procède à l'analyse, tous reconnaissent que les conséquences de l'abus d'alcool sont tels que nous devons nous en préoccuper et y travailler sans relâche.

Cela dit, je suis, comme beaucoup d'autres, étonné de la différence des chiffres obtenus. C'est ainsi que nous venons de terminer l'examen d'un projet de loi sur le tabac, à propos duquel Santé Canada nous a affirmé qu'environ 40 000 personnes meurent chaque année de maladies causées par le tabac. Alors que le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies, dans son étude la plus récente, affirmait qu'il s'agissait de 33 000 personnes. C'est là une différence considérable.

Dans l'avant-dernier de ses rapports, le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies déclarait que 19 000 personnes sont mortes d'abus d'alcool. J'ai acheté ce rapport, qui était long de 250 à 300 pages, et je l'ai parcouru: d'un bout à l'autre, c'était une analyse. Mais dans le rapport ultérieur qui a été publié en juin dernier, il n'y avait plus 19 000 décès dus à cette cause, mais 6 701. Je me demande vraiment comment on peut passer de près de 20 000 à 6 000. Cette étude, beaucoup plus volumineuse, et que j'ai également achetée, contient des pages d'analyse. Tout me donne à penser que le chiffre réel est de 6 701, mais il ne l'est pas, en fait: cela n'a rien à voir avec le décompte de cas réels, mais avec des exercices d'arithmétique et de statistique.

Je n'entends vraiment pas indiquer, dans notre rapport, que les chiffres, en raison du changement, sont indicateurs de progrès. C'est cela qui m'inquiète, monsieur le président

En réalité, la Police provinciale de l'Ontario, dans son récent rapport - basé sur des données allant jusqu'à 1994 - s'inquiète de ce que les progrès réalisés dans la dernière décennie, qui a vu une diminution des problèmes liés à l'alcool, des arrestations pour conduite en état d'ébriété et des décès consécutifs à l'abus d'alcool, ont donc été remarquables, mais qu'il y ait ensuite eu plafonnement: les anciennes méthodes ont perdu de leur efficacité, nous ne pouvons plus utiliser les mêmes clichés, invoquer les mêmes raisonnements, il nous faut vraiment faire preuve d'imagination et inventer de nouvelles méthodes.

C'est là le message qui doit passer: ne nous laissons pas enfermer dans le piège des chiffres.

La vraie question que je voulais aborder a été soulevée par Mme Nadeau. C'est le syndrome d'alcoolisme foetal.

[Français]

Madame, le 16 octobre dernier, le ministre de la Santé et le président de la Société canadienne de pédiatrie ont fait connaître leur position concernant le syndrome d'alcoolisme foetal. Ils ont annoncé que la décision la plus sage pour les femmes était de s'abstenir de consommer de l'alcool durant leur grossesse. Pourriez-vous préciser quelques initiatives pour appuyer cette recommandation?

Mme Nadeau: Plusieurs initiatives ont été prises au Canada. Parmi les plus intéressantes, il y a certainement celle du Crabtree Corner, à Vancouver. Au tout début, on avait un programme visant la prévention du syndrome d'alcoolisme foetal, mais ce programme est rapidement devenu un lieu de travail mère-enfant. C'est cela qui est important.

Plutôt que de s'intéresser uniquement à la consommation d'alcool, on s'est aperçu qu'une fois que le petit était là, le plus important était de préserver la relation entre la mère et l'enfant. Lorsqu'on a rencontré les 50 experts sur cette question au Canada, les pédiatres, notamment de la Colombie-Britannique, nous ont rappelé que le principal problème était la séparation d'un enfant handicapé de sa mère parce que cette dernière avait trop bu. Il y a là une multiplicité de bébés avec le syndrome d'alcoolisme foetal. Au Canada, très peu de femmes boivent durant la grossesse. Cependant, parmi celles qui boivent durant la grossesse, il y en a qui ont deux, trois ou quatre enfants. Quant à moi, c'est cela, le principal problème.

.1015

Par ailleurs, je vous rappellerai que les données actuelles indiquent que lorsque la femme consomme à faibles doses, par exemple un verre de vin par repas, il n'y a pas de cas de syndrome d'alcoolisme foetal connus.

Par ailleurs, au cours de cette même rencontre, on a constaté que certaines femmes ayant consommé de l'alcool pendant les trois premières semaines de la grossesse, sans savoir qu'elles étaient enceintes, paniquaient et demandaient un avortement.

Donc, il est très important qu'il y ait au Canada une information précise et exacte. On ne veut pas que les femmes responsables ayant un conjoint, qui sont les plus susceptibles de mener à terme des Canadiens qui vont contribuer à la société, se fassent avorter parce qu'elles ont bu et qu'on a fait de la désinformation.

Par ailleurs, il faut reconnaître que les femmes en détresse... Je pense à ce cas dramatique au Manitoba, l'été dernier. Il faut s'interroger sur les terribles conséquences de la séparation des mères et des enfants. Dans ces circonstances, les femmes retombent enceintes le plus rapidement possible pour se donner un autre bébé. Ces femmes-là n'arrêtent pas de boire.

L'une des recommandations du forum était justement les visites à domicile auprès des femmes les plus pauvres. On tenait un langage politically correct: comme société, on doit soutenir ces femmes en détresse qui ont tellement de difficultés à être parents. Cette chose s'appliquait clairement au syndrome d'alcoolisme foetal, mais on ne pouvait et ne voulait le dire, et c'est bien ainsi.

Je dois ajouter, pour être honnête, que c'est un problème qui frappe principalement les communautés autochtones.

[Traduction]

Le président: Voilà un peu plus d'une heure que nous entendons ces témoins - c'est ce que nous avions prévu - mais nous avons encore quelques autres questions au programme, chers amis. J'ai deux intervenants qui veulent prendre la parole. S'il ne s'agit pas de questions de très grande importance, je propose de mettre fin à cette audition de témoins mais s'ils y tiennent, je suis disposé à leur donner à chacun le temps d'une brève intervention. Harb, puis Joe.

M. Harbance Singh Dhaliwal (Vancouver-Sud, Lib.): Je serai très bref, monsieur le président.

Les témoins nous ont dit qu'il n'y avait pas de mal à boire un peu d'alcool, et je me demandais ce qu'ils entendaient au juste par cela, s'ils pouvaient préciser ce qu'est une faible consommation d'alcool. On a également dit auparavant que dans certains cas une légère consommation d'alcool a un effet bénéfique et, là encore, j'aimerais que vous nous définissiez ce que vous entendez au juste par là.

Mme Nadeau: Puis-je répondre à cette question? Vous pourrez toujours me reprendre, Eric.

Il y a quelques années les médecins du Royaume-Uni ont fait une déclaration avec laquelle un grand nombre d'entre nous sont d'accord. Ils prennent la boisson de 10 grammes et la convertissent en 13 grammes, ce qui est la consommation moyenne d'une boisson au Canada et représente un maximum de 11 boissons par semaine pour les femmes, et de 17 pour les hommes. Ce qui est vraiment important, c'est que l'intoxication - c'est-à-dire une grande consommation à la fois - efface tous les effets bénéfiques de l'alcool. Nous entendons donc par là une ou deux boissons de 13 grammes par jour, réparties également sur toute la semaine, compte tenu du fait que l'intoxication ou ivresse en annule les bénéfices.

Mes collègues ne seront peut-être pas d'accord avec moi. Aussi suis-je tout à fait disposée à en discuter.

Mme Tompkins: Je voudrais juste faire une remarque sur le fait de s'enivrer. Une des raisons pour lesquelles vous annulez les effets bénéfiques de l'alcool, c'est que lorsque la consommation s'élève dans votre organisme, elle adopte d'autres voies métaboliques qui créent des sous-produits toxiques pour le corps humain. Ce sont ces sous-produits qui intoxiquent les organes et causent, par exemple, la cirrhose du foie. La consommation dont parlait Louise est répartie sur la semaine, car on ne veut pas pousser l'organisme dans des voies métaboliques qui engendrent les sous-produits toxiques.

.1020

M. Single: Je voudrais faire une petite correction. Je n'ai jamais dit, ni entendu dire qui que ce soit, que l'absorption à un faible niveau de boisson ne comporte aucun risque. Ce que nous disons, c'est qu'à faible niveau il y a des effets bénéfiques sur la santé, ce qui n'exclut pas les risques. Même à raison de deux consommations par jour, il y a risque, par exemple, pour une femme de faible foie ou pour un jeune qui n'a pas l'habitude de boire, par exemple quand on conduit ensuite. Les risques ne sont donc pas exclus, même à faible niveau il n'y a pas de sécurité complète.

Des lignes directrices ont été établies en divers lieux, en général par des autorités médicales. C'est ainsi que la Fondation de la recherche sur la toxicomanie et le Centre canadien de lutte contre l'alcoolisme et les toxicomanies ont publié, il y a deux ans, des lignes directrices que je peux vous envoyer, si vous le voulez. Elles sont actuellement en cours de révision et seront sans doute légèrement modifiées et améliorées. Elles se rapprochent des quantités mentionnées par Louise: 14 consommations par semaine pour les hommes et 10 pour les femmes, en précisant bien que vous ne pouvez prendre toutes ces consommations le samedi soir, qu'il y a également une limite quotidienne, et autres avertissements.

C'est là un domaine où l'on a fait beaucoup de recherche et où il y a constamment mise à jour. On essaie de faire comprendre aux gens quelles sont leurs limites, comment ils peuvent tirer avantage d'une consommation modérée et réduire au maximum les risques - sans pour autant jamais les éliminer - associés à la boisson.

M. Harbance Singh Dhaliwal: Monsieur le président, j'examine ce tableau des alcools, et je suis frappé de constater qu'avec un verre de spiritueux vous absorbez 8,9 grammes d'alcool, alors qu'avec un verre de vin vous en absorbez 13,4 grammes, cela d'après ce tableau. Je ne comprends pas très bien la raison de cette différence.

Le président: De quel tableau s'agit-il?

M. Harbance Singh Dhaliwal: Ce que cela veut dire, je pense, c'est qu'un verre de spiritueux contient 8,9 grammes d'alcool, alors qu'un verre de vin en contient 13,4 grammes.

M. Single: Il s'agit d'un petit verre, d'une once seulement, et non de 1,5 once. On veut dire par là aux gens de ne pas trop lever le coude quand ils se versent de l'alcool.

M. Harbance Singh Dhaliwal: J'en conclus qu'il n'y a pas de mal à boire un verre de vin par jour, d'après ce que vous me dites.

Mme Nadeau: Non, si vous n'êtes pas diabétique, et le diabète n'est pas la seule maladie pour laquelle une consommation, même minime, d'alcool augmente les risques. C'est pourquoi on ne peut édicter de règles générales, et on ne devrait pas traiter l'alcool comme un médicament.

Le président: Harb, voilà une nouvelle qui doit vous consterner, mais pendant que vous la digérez, je vais demander à Joe de...

[Français]

M. Joseph Volpe (Eglinton - Lawrence, Lib.): Le témoin vient de répondre à la question que j'avais déjà préparée. Je l'en remercie.

[Traduction]

Le président: Vous n'avez donc pas d'autres questions?

M. Joseph Volpe: Non. Je voulais simplement m'exprimer en français, ayant constaté l'impression que M. Szabo a faite sur Mme Picard. Moi aussi, je voulais l'épater.

Le président: Si la chose vous a surpris, imaginez combien elle a surpris Szabo.

[Français]

Mme Pauline Picard: Monsieur le président, j'aimerais le féliciter pour son bon français. C'est un bel effort.

[Traduction]

Le président: Cet homme-là a des talents cachés.

Merci beaucoup. Je voudrais remercier les témoins pour cet échange de vues très intéressant. Merci de nous avoir consacré de votre temps. Nos attachés de recherche prendront peut-être contact avec vous lors de la préparation du rapport. Merci beaucoup.

.1024

.1026

Le président: Nous allons, d'ici quelques instants, revenir au projet de loi C-47. John Murphy a déposé une motion, que nous allons examiner dans un instant, mais j'attends un éclaircissement de mon ami Grant Hill.

Est-ce que vous attendez encore votre collègue, ou est-ce que vous restez?

M. Grant Hill: Mon collègue est en route.

Le président: Keith Martin a été le représentant du Parti réformiste au sous-comité qui étudiait le projet de loi C-47; nous lui devons donc d'attendre son arrivée avant de passer à la question du projet de loi.

Entre-temps, j'aimerais consulter le comité, si vous le permettez.

[Français]

Mme Pauline Picard: Monsieur le président, je ne vois pas pourquoi nous attendrions plus longtemps. Nous les avons attendus hier. Ils se sont présentés trop tard. À quoi sert-il d'attendre? Le sous-comité avait toute l'autorité voulue pour procéder à l'étude article par article, comme il avait été entendu préalablement.

Comme je vous l'ai dit, nous avons entendu des témoins pendant trois mois. Jamais les membres du Parti réformiste n'ont été présents. J'étais la seule représentante de l'Opposition officielle. Jamais les membres du troisième parti ne se sont présentés.

Hier, nous avons entendu deux témoins. Les témoignages ont été beaucoup moins longs que prévu. Nous ne savions pas à quel moment le troisième parti allait se présenter. Aurions-nous dû attendre jusqu'à 17 h 30, jusqu'à 18 h?

Je trouve que Mme la présidente avait l'autorité qu'il fallait pour procéder. Elle l'a fait. Pourquoi encore attendre les doléances du troisième parti? Il est 10 h 30 et le député n'est pas encore ici ce matin. Je ne comprends pas la raison de cette situation.

[Traduction]

Le président: Précisons quand même les choses: lorsque j'ai parlé d'attendre, je pensais que nous attendrions trois à cinq minutes pour donner au député le temps d'arriver de la Chambre. Compte tenu du fait que nous avons une autre question que nous pouvons rapidement examiner, l'attente n'est vraiment pas longue, et je le faisais uniquement par politesse envers les intéressés.

Je voulais vous poser une question sur le rapport dont nous sommes saisis, c'est-à-dire la question qui nous occupe actuellement. Pour toute une série de raisons, il est difficile de décider comment procéder: tout d'abord - sans vouloir trop m'aventurer pour prédire quand les élections auront lieu - nous savons tous qu'elles pourraient être déclenchées avant que notre rapport soit terminé. Autrement dit, à en croire les augures, mardi dernier pourrait fort bien être notre dernière réunion avant les élections, ce qui ne nous donnerait pas le temps de terminer le rapport.

.1030

Nous vous avons fait distribuer une ébauche confidentielle, un résumé des mémoires présentés et des témoignages entendus jusqu'à ce jour. Je vous ai demandé de le parcourir parce qu'en principe, deux ou trois possibilités s'offrent à nous: nous pouvons demander au personnel d'entamer l'examen des recommandations et il serait possible de préparer un rapport intérimaire... Toutefois, pour ma part je préconiserais que nous nous abstenions de choisir pendant encore une semaine le temps de savoir où nous allons. Si des élections sont déclenchées entre-temps, nous pourrons laisser toute la question en suspens en espérant que le comité qui nous succédera reprenne le flambeau et termine le rapport.

Je crois quand même que l'on doit se rendre compte que si les élections ont bel et bien lieu entre-temps, je ne pense pas que nous ayons le temps de produire quelque rapport que ce soit, intérimaire ou autre. Si toutefois il n'y en a pas avant l'automne, alors nous aurons tout le temps voulu pour effectuer notre travail. Il me semble donc que nous devrions patienter encore une semaine, ou plutôt entendre les témoins que nous devons accueillir la semaine prochaine puis aviser. D'ici là, nous aurons une meilleure idée de la situation.

Je vous recommande donc de parcourir l'ébauche de document mais d'attendre environ une semaine avant de vous prononcer. C'est tout au moins ce que je propose, à moins que vous n'ayez une directive beaucoup plus précise à me donner.

Joe, désirez-vous intervenir à ce propos?

M. Joseph Volpe: Monsieur le président, votre proposition me paraît tout à fait sensée et fort sage. Toutefois, j'aimerais peut-être pousser la discussion de cette question un peu plus loin.

Après avoir feuilleté le document, il me semble qu'il consiste en une liste des témoins et au résumé de certains des témoignages. S'il n'y a pas d'inconvénients à ce que ce comité demande à la présidente de nous distribuer un résumé d'un rapport intérimaire, cela renseignerait la Chambre sur le travail présentement effectué par le comité et lui permettrait de savoir où nous sommes rendus... J'ignore si le Règlement de la Chambre nous y autorise toutefois. Quoi qu'il en soit, si le premier ministre décidait alors d'interrompre les travaux du comité, nous en aurions au moins terminé une partie.

En conséquence, pouvons-nous demander s'il nous est loisible de procéder ainsi en vertu du Règlement de la Chambre? Si ce l'est, tant mieux. Dans le cas contraire, alors je pense qu'il faudrait suivre votre proposition, c'est-à-dire continuer à travailler quitte à ce que nos travaux soient suspendus par le déclenchement des élections.

Le président: En réponse à cela, mardi prochain, nous pourrions présenter un rapport intérimaire mais qui ne contiendrait pas de recommandations. Voyons d'abord comment cela pourrait se faire. Si nous prenons une telle décision mardi prochain, alors il faudra que nous préparions ledit rapport intérimaire et le présentions à la Chambre. Cela prendra un certain temps, et il se pourrait bien que des élections soient déclenchées trois ou quatre jours après notre prise de décision. Il n'y aura donc peut-être pas assez de temps même pour un rapport intérimaire.

En second lieu, rappelez-vous que selon les usages parlementaires, une fois que la Chambre est dissoute, toute cette question et les travaux du comité mourront au Feuilleton, et il faudra recréer le même comité au cours de la législature suivante. C'est pour cela que je disais à l'instant espérer que le comité qui nous succédera reprendra le flambeau et terminera le rapport.

M. Joseph Volpe: Vous avez tout à fait raison, monsieur le président, si vous me permettez de vous interrompre. Si je me suis permis de faire une proposition, c'est précisément parce que je pensais aussi à ce que vous venez de souhaiter, qu'un comité ultérieur poursuive le travail que nous avons entrepris. À mon avis, un rapport ne ferait que résumer ce qui a déjà été effectué. Par conséquent, si un comité ultérieur devait reprendre notre travail là où nous l'avons interrompu, fort de notre lancée, il disposerait au moins de quelques points de repère sans se sentir nécessairement obligé d'adopter notre orientation.

Le président: Joe propose qu'on demande à nos adjoints de nous préparer un rapport intérimaire que nous pourrons étudier mardi prochain, dans l'intention de le soumettre à la Chambre au plus tard à la fin de la semaine prochaine. Êtes-vous d'accord pour qu'il en soit fait ainsi? Il s'agirait d'un rapport intérimaire et d'étape qui ne comporterait pas de recommandations.

M. Paul Szabo: J'ai eu l'occasion de parcourir ce que nous avons ici, et il s'agit certainement d'un résumé de certains témoignages. Cela dit, vous conviendrez sans doute qu'il y a certains différences.

.1035

Étant donné que les délibérations des comités sont imprimées et publiées dans leur intégralité, j'hésite à proposer un rapport qui ne serait qu'un autre résumé des témoignages. Il me semble que cela crée une situation assez malencontreuse car j'ai effectivement certaines recommandations à faire et j'ai aussi certaines préoccupations au sujet des témoignages d'au moins deux personnes. Or j'aimerais bien pouvoir annexer cela à un rapport.

Monsieur le président, si des élections devaient être déclenchées à la fin de ce mois, je ne me sentirais pas à l'aise d'apposer ma signature au bas d'un document que j'estime imparfait. Je préférerais que nous nous contentions de résumer les idées et les avis des autres en soulignant le fait qu'il ne s'agit pas des idées du comité. Cela nous permettrait de contourner le risque qu'on prenne ce genre de résumé pour les idées du comité.

Le président: Y a-t-il autre chose? Grant.

M. Grant Hill: Il ne fait aucun doute que si un nouveau comité est mis sur pied, il voudra certainement réexaminer certaines des données. Si je me reporte à ma propre expérience, on va même faire revenir les témoins pour les entendre en personne. Cela dit, je pense que ce serait aller trop loin que de résumer tout ce que nous avons appris jusqu'à ce jour. Il me semble que nous devrions nous abstenir de fournir ce genre de rapport intérimaire si des élections étaient déclenchées.

Le président: Très bien. Il n'y a pas d'unanimité sur la question.

Revenons au projet de loi C-47. Rappelons-nous ce qui a été fait à son sujet. Le comité a renvoyé ce texte législatif à un sous-comité, dont Bonnie était la présidente et qui comptait un représentant de tous les partis qui siègent ici. Ce comité a fait son travail, il a donc examiné le projet de loi et proposé certains amendements, il nous en fait rapport aujourd'hui et nous recommande de faire rapport du texte amendé à la Chambre.

Il y a donc deux possibilités qui s'offrent à nous. Nous pouvons adopter le rapport du comité, qui sera le huitième rapport que nous déposerons à la Chambre, et c'est d'ailleurs ce que propose la motion de John Murphy dont nous sommes saisis. L'autre possibilité est de procéder à l'étude article par article, ce qui, bien sûr, a déjà été fait en comité. Sur le plan formel, toutefois nous avons le choix de le faire ou pas.

Je vais vous donner mon avis. À moins que pour des raisons de procédure ou que quelqu'un puisse me prouver que le travail a été bâclé par le comité ou n'a pas été effectué de la façon conforme, ce genre de choses... À mon avis, nous devrions adopter ce rapport. Si toutefois quelqu'un pouvait me démontrer que le travail a effectivement été bâclé, alors mon devoir envers le comité serait de produire un document acceptable avant qu'il ne soit envoyé à la Chambre. Il faudrait toutefois que quelqu'un puisse me démontrer cela hors de tout doute, autrement, je le répète, nous devrions adopter le rapport. Nous ne devrions pas envisager de refaire ce qui a déjà été fait en comité car il me semble que nous pouvons supposer que le travail a été bien fait et avec la participation de tous les intéressés.

Je vais permettre quelques brèves interventions relatives à la motion d'adoption du rapport. Keith Martin.

M. Keith Martin (Esquimalt - Juan de Fuca, Réf.): Selon l'avis que j'ai reçu hier, nous devions commencer l'étude article par article à compter de 17 heures. Or je suis arrivé peu de temps après 17 heures, et le projet de loi avait déjà fait l'objet de l'étude article par article qui n'avait pris que quelques minutes seulement. Je ne pense donc pas qu'on l'ait étudié de façon satisfaisante en si peu de temps.

Le projet de loi soulève beaucoup d'inquiétudes et on estime qu'il faut l'amender davantage afin qu'il représente mieux les témoignages entendus par le comité. J'estime qu'il faudrait donc l'étudier article par article.

Le président: Pauline, Joe, Bonnie.

[Français]

Mme Pauline Picard: Je vais laisser ma place à Mme Hickey. Je ferai un commentaire par la suite.

[Traduction]

Mme Bonnie Hickey: Merci, Pauline.

.1040

Monsieur le président, pour revenir à ce que disait mon collègue du Parti réformiste, je pense que nous avons fait tout ce que nous pouvions pour qu'il participe, lui ou un autre député de son parti, à l'étude article par article hier.

Je ne me souviens pas d'avoir remarqué une participation très fervente aux travaux du comité de la part des réformistes, en tout cas rien qui me laissait entendre que ce parti s'intéressait vivement à la question. Cela dit, nous avons demandé aux membres présents hier si nous pouvions aller de l'avant. Nos adjoints ont fait tout leur possible pour qu'un représentant du Parti réformiste se joigne à nous mais aucun n'est venu. M. Martin est bel et bien arrivé après 17 heures, c'est-à-dire après l'étude article par article. Or nous avions déjà adopté le projet de loi avec le consentement de tous les membres présents.

Je ne vois aucune raison de prolonger cette étude davantage. J'estime qu'il faut renvoyer le tout à la Chambre, comme nous en avions convenu hier lorsque nous avons levé la séance, tout au moins comme nous l'ont dit tous ceux qui étaient présents hier.

Le président: Le greffier pourra peut-être m'aider ici. Quand le sous-comité a-t-il été avisé de l'étude article par article?

Le greffier du comité: Vendredi matin vers 10 heures, j'ai téléphoné aux membres afin de les aviser que nous allions nous réunir lundi pour l'étude article par article.

Le président: À quelle heure lundi? Lorsque vous avez appelé vendredi, avez-vous précisé à quelle heure commencerait l'étude article par article?

Le greffier: J'ai dit aux membres que nous nous réunissions à 15 h 30, et qu'après les témoignages, nous passerions à l'étude article par article.

Mme Bonnie Hickey: Immédiatement après les témoignages.

Le président: Est-ce bien cela qui s'est passé?

Le greffier: L'avis de convocation précisait l'heure du début de l'audition des témoignages et celle de l'étude article par article.

Le président: À quelle heure devait avoir lieu l'étude article par article?

Le greffier: À 17 heures.

Le président: Quand avez-vous commencé cette étude article par article?

Le greffier: Je pense que c'est entre 16 h 45 et 16 h 50.

Le président: Quand l'avez-vous terminée?

Le greffier: Je pense qu'il était 17 h 10.

Le président: C'est bien. Deux autres personnes doivent intervenir, Pauline et Joe.

[Français]

Mme Pauline Picard: De toute façon, j'appuie ce que Mme Hickey vient de dire. Les commentaires que j'avais à apporter, je vous les ai dits plus tôt. Comme notre présidente du sous-comité, on a senti un intérêt du troisième parti, le Parti réformiste, tout au long de cette étude du projet de loi. J'ai de la sympathie pour le troisième parti, mais lorsqu'on s'intéresse à une étude aussi sérieuse, on se présente au moins pour entendre les témoins.

Le Parti réformiste ne s'est présenté que la semaine dernière. Jusque-là, jamais aucun membre du Parti réformiste n'avait rencontré les témoins. Hier, les choses se sont passées plus rapidement qu'on s'y attendait. En effet, j'ai été la seule à poser des questions aux deux témoins qu'on avait sur vidéo. Même à 17 h, le représentant du Parti réformiste n'était pas là. On ne pouvait pas supposer qu'il arriverait 15 minutes plus tard. Il était 17 h 15, monsieur Martin, quand le comité a mis fin à ses travaux.

Qu'est-ce qui pouvait nous dire que vous étiez intéressé à participer à l'étude article par article, alors qu'à 17 h 15, vous entriez dans la salle? J'ai même remarqué l'heure, parce que je trouvais cela dommage pour vous. Voici ce qui s'est passé. Comme le gouvernement a déposé les amendements et que je n'en avais pas pris connaissance, on a procédé à l'étude article par article et j'ai exprimé ma dissidence, parce qu'en toute conscience, je ne pouvais être d'accord sur des articles que je n'avais pas examinés.

Comme j'avais les amendements, ce n'était pas la peine d'en faire lecture, parce que j'avais l'interprétation française. Donc, à chaque article, j'ai exprimé ma dissidence. Les choses se sont passées beaucoup plus rapidement que si on avait posé des questions. C'est ce qui s'est passé.

.1045

[Traduction]

Le président: Joe.

M. Joseph Volpe: Monsieur le président, si vous le permettez, j'ai quelques points à soulever.

Si on s'interroge à savoir si le sous-comité a effectué son travail de façon méticuleuse et conforme aux règles de la Chambre, je crois pouvoir répondre oui sans l'ombre d'un doute.

Cela faisait depuis le mois de juin dernier que le comité et le public se penchaient sur le projet de loi. Il n'y a donc pas eu de précipitation. Les audiences ont commencé sept mois après le dépôt du projet de loi et sept mois après qu'on ait demandé à tous les intéressés et à tous les intervenants de nous faire part de leur avis sur la question. En outre, cela faisait suite à une année de consultations publiques ayant porté sur les interdictions qui ont précédé le projet de loi.

Le sous-comité a fait de grands efforts pour entendre les témoignages de tous ceux qui voulaient être entendus. Je me souviens même que certains témoins, d'abord exclus de la liste, y ont été ajoutés, bien qu'on leur ait d'abord dit que d'autres témoins représentaient leurs points de vue et que, de toute façon, certains d'entre eux s'étaient déjà adressés à chacun des membres du comité en particulier. On peut donc en conclure que le comité et chacun de ses membres ont tout fait en leur pouvoir pour obtenir la participation du public.

Lors de certaines de nos réunions, on a assisté à des échanges assez vifs entre les témoins et les membres du comité. Je dirais pour ma part que certaines des questions posées par des membres du comité étaient carrément agressives si on me passe l'expression. Chacun s'est efforcé de bien faire comprendre sa position et on s'est donné la peine de bien expliquer certaines des questions.

Le comité a repris ses travaux au moment où la question du clonage a donné une toute nouvelle dimension au projet de loi C-47. Comme je vous l'ai dit il y a quelques instants, monsieur le président, la question était du domaine public, tant dans le projet de loi que dans le feuillet explicatif, depuis le mois de juin dernier. Il n'y a eu aucune tentative de faire les choses à la hâte ou d'écarter certaines considérations. Et je pense que certains membres du sous-comité ici présents aujourd'hui seront d'accord avec moi.

Il y a quelques questions pertinentes. Premièrement, c'est un projet de loi très court. Chaque article a fait l'objet d'un débat. En fait, tous les témoins qui se sont présentés et ont parlé d'un article ou d'un paragraphe particulier du projet de loi. Ce fut un débat très précis. Par conséquent, vous pouvez voir que les amendements le sont aussi. Ils visent les questions qui ont été soulevées. Ce n'est donc pas surprenant que l'on ait pu adopter les amendements très rapidement.

Les questions plus larges étaient celles qui mettaient les sympathies et les intérêts du public d'un côté et les intérêts du domaine de la recherche de l'autre. Cela aussi a été réglé par un amendement précis. Le projet de loi visait à garantir que le grand public n'aurait aucun doute quant à la position du gouvernement sur la commercialisation des nouvelles techniques de reproduction. Le projet de loi a accompli cela, et je pense que le comité en était effectivement convaincu après avoir entendu tous les témoins qui désiraient comparaître.

J'invite instamment le comité à reconnaître d'abord et avant tout que le sous-comité n'a pu faire son travail que correctement et selon les règles, ce qui est le cas, et deuxièmement, que le projet de loi mérite notre appui à cause de sa substance. Il n'est pas nécessaire pour le comité plénier de le revoir article par article une autre fois.

.1050

Le président: Keith.

M. Keith Martin: Il y a toute une série d'amendements qui devraient être présentés.

Pour ce qui est de savoir si l'étude article par article de ce projet de loi s'est faite de façon appropriée et équitable, à mon avis, ça n'a pas été le cas. Selon l'ordre du jour, on était censé y procéder peu après 17 heures, mais le comité est passé à l'étude article par article avant cette heure, et cela s'est fait extrêmement rapidement. Les événements à la Chambre m'ont empêché d'assister à cette séance du comité, mais cela ne concerne pas ce comité.

Des amendements doivent être présentés par des gens comme le Dr Baird, l'auteur du rapport de la commission royale d'enquête, ainsi que d'autres personnes. Ces amendements doivent être présentés afin de rendre le projet de loi représentatif du point de vue des témoins que nous avons entendus.

La manière d'entendre les témoins ou la qualité des personnes que nous avons entendues, ne me pose aucun problème. Je pense que cela a été fait de façon juste et équitable. Cependant, on n'a pas tenu compte des représentations faites par ces personnes dans ce projet de loi, et je pense que nous devons l'étudier article par article afin de pouvoir présenter ces amendements ici même. S'ils ne sont pas présentés ici, ils le seront à la Chambre.

Le président: J'en ai entendu assez, et je suis prêt à rendre ma décision. Mais avant de le faire, il faut se souvenir que lorsque le sous-comité - et même le comité - entreprend ses travaux, le quorum n'exige pas que tous les partis soient présents. Tous les partis sont au courant de ce qui constitue un quorum.

Cela m'amène à mon deuxième point. Si vous, en tant que membre de n'importe quel comité ou sous-comité, désirez vous assurer de ne rien manquer parce qu'une décision sera prise en votre absence, vous devez vous souvenir qu'une fois l'heure de convocation établie, par exemple, 15 h 30, en présumant qu'il y a quorum, la séance peut se dérouler sans vous, ce qui est tout à fait dans les règles. Donc, le comité était dûment constitué à 15 h 30 et a poursuivi ses travaux.

Vous devez également vous souvenir que nous avons tous des horaires compliqués ici et que nous essayons tous d'avoir le don d'ubiquité. Je comprends très bien que Keith avait un engagement à la Chambre. Je présume qu'il le savait d'avance et qu'il aurait pu facilement prendre des dispositions pour prendre la parole à un autre moment ou pour que quelqu'un d'autre siège à sa place au comité, parce qu'il ne pouvait pas être aux deux endroits en même temps.

Je suis convaincu que les délibérations du comité se sont déroulées selon les règles et que ce dont nous sommes saisis maintenant est un rapport en règle du comité et une motion recevable d'adoption de ce rapport.

Avant de mettre la question aux voix, ce que j'ai l'intention de faire dans quelques instants, permettez-moi de dire qu'en affirmant que le greffier et le président et d'autres ont agi selon les règles, il faut se souvenir qu'il n'y avait pas de hâte. Quel que soit le besoin d'amendements maintenant, il n'y avait pas de hâte au préalable. Le greffier n'a reçu aucun amendement au préalable, que ce soit du Parti réformiste ou du Bloc québécois. Il est possible que des amendements s'imposent, mais l'adoption du rapport n'empêche rien puisque nous avons encore l'étape du rapport. Alors quiconque veut présenter des amendements a encore la pleine possibilité de le faire.

Cela dit, je mets donc la question sur le rapport aux voix. S'il n'est pas adopté, nous passerons à l'étude article par article dès maintenant. S'il est adopté, vous pourrez toujours présenter vos amendements à l'étape du rapport.

John propose que nous adoptions le rapport du sous-comité sur le projet de loi C-47.

La motion est adoptée

Le président: La séance est levée jusqu'à mardi prochain.

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