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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 28 novembre 1996

.0935

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Il s'agit de la dernière séance du Comité des finances avant que nous ne déposions notre rapport à la Chambre des communes mardi prochain.

Nous sommes heureux d'accueillir le Centre national d'excellence, représenté parM. Pierre Bourdages, président de la gestion des forêts durables; M. George Connell, ancien président, Université Western Ontario; M. Bernie MacIsaac, président de GASTOPS Limited;M. Harry Rogers, directeur, Institut de robotique et de systèmes intelligents, et Mme Claudine Simson, présidente de MICRONET.

À titre personnel, je suis heureux de revoir Harry Rogers à Ottawa. Il a été un illustre fonctionnaire canadien. George Connell est un vieil ami de mes parents, de London, Ontario. Mes parents ont admiré son travail à la présidence d'une des universités où j'ai étudié. Je suis ravi de rencontrer les trois autres témoins.

Nous avons hâte d'entendre votre déclaration, après quoi nous vous interrogerons.

M. Harry Rogers (directeur, Institut de robotique et de systèmes intelligents, Centre national d'excellence): Monsieur le président, vous nous donnez une occasion en or d'exprimer nos points de vue et nous vous en sommes très reconnaissants.

Les cinq membres de notre formidable groupe ne prendront pas tous la parole. Nous avons trois porte-parole; les deux autres personnes sont là pour répondre aux questions qui suivront peut- être.

George Connell sera le premier. George dirige aussi le comité du président qui entreprend ce programme de communication dans le cadre du renouvellement du financement du CNE. Il sera suivi de Bernie MacIsaac, puis de Claudine Simson. Nous vous promettons que nos observations seront raisonnablement courtes.

Nous vous avons déjà distribué des documents, dont un intitulé «Des partenariats gagnants», une brochure jaune qui décrit le contexte du programme et son évolution, et un mémoire aux députés qui décrit les enjeux de la poursuite de cet important programme de recherche pour le Canada. Si vous avez besoin d'exemplaires supplémentaires, j'en ai en anglais et en français, que je serai heureux de vous distribuer.

Je cède maintenant la parole à M. Connell.

M. George Connell (ancien président, Université de Western Ontario, Centre national d'excellence): Bonjour. Je suis certain de parler au nom de tous mes collègues en disant que nous sommes ravis d'être ici.

Je crains cependant que des délibérations d'un comité dans une salle comme celle-ci ne permettent jamais de faire sentir l'enthousiasme que suscite une entreprise comme celle dans laquelle nous nous sommes lancés et j'espère que nous trouverons les mots justes pour vous faire comprendre que ce qui se passe dans ces réseaux de centres d'excellence est vraiment passionnant.

Nous vivons dans une période extrêmement fertile en découvertes scientifiques, mais aussi une période où les fruits de ces découvertes favorisent l'expansion industrielle du Canada. C'est ce qui nous pousse à manifester autant d'enthousiasme à l'égard de ce programme qui, à notre avis, constitue l'une des clés de l'avenir de l'économie canadienne.

Comme beaucoup d'entre vous le savent sans doute, il y a quatorze réseaux. Nous en représentons quatre mais nous sommes en réalité les porte-parole de tous les réseaux. Nous ne préconisons pas le maintien d'un réseau en particulier, mais bien la continuité du programme. Nous savons que certains réseaux disparaîtront avec le temps, mais nous espérons que de nouveaux seront créés. Nous pensons que l'ensemble du programme joue un rôle crucial et c'est l'ensemble du programme que nous vous demandons de maintenir.

Je tiens aussi à préciser que les quatre présidents de réseau présents ici aujourd'hui témoignent à titre bénévole. Nous agissons de façon désintéressée et ne tirons aucun avantage personnel de notre participation. Nous sommes ici parce que nous pensons que les réseaux sont utiles pour le Canada et que nous voulons vous communiquer notre confiance.

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Les réseaux sont des instituts sans murs. Ils sont dispersés d'un océan à l'autre. Les activités scientifiques se concentrent dans les établissements d'enseignement, mais les réseaux sont représentés dans 48 d'entre eux. Ce qui importe encore plus c'est que les applications de la recherche qui émane des réseaux sont encore plus largement répandues, car nous avons compté pas moins de 130 collectivités où les programmes des réseaux ont des répercussions importantes.

Nous oeuvrons dans de nombreuses disciplines. Il y a une concentration dans les sciences de la santé, puisque six réseaux sont reliés à la santé. Trois font de la recherche de pointe en informatique et en télécommunications. Nous en avons deux dans le secteur forestier, un dans celui des technologies du béton et un autre dans celui de l'enseignement à distance. Ils ont tous des caractéristiques particulières de grand intérêt et de grande importance, mais nous ne les examinerons pas en profondeur.

Nos partenaires comprennent 4 000 entreprises, dont la plupart des chefs de file canadiens dans le domaine de la R-D, 38 hôpitaux, de nombreux ministères des gouvernements fédéral et provinciaux, des organismes ainsi que des établissements sans but lucratif et des organisations internationales.

Nous insistons beaucoup sur notre programme de formation à l'intention des diplômés des deuxième et troisième cycles et de ceux qui font des recherches postdoctorales. Plus de 5 000 d'entre eux auront participé à nos réseaux à la fin de notre deuxième phase. Il s'agit non seulement de chercheurs très compétents mais aussi de chercheurs qui ont été formés uniquement dans un cadre mettant l'accent sur l'entrepreneurship, sur la création de richesse dans la société canadienne, et je pense que cela fera une énorme différence à l'avenir.

Je veux parler brièvement du rapport qualité-prix. Je crois que les réseaux sont une excellente affaire. Si vous me permettez de prendre l'exemple des recherches en génie protéique qui s'effectuent dans mon réseau, nous consacrons à notre programme environ 4 millions de dollars en crédits du CNE, mais si l'on tentait de mettre sur pied un programme semblable à partir de zéro, ce serait impossible parce qu'on ne parviendrait pas à rassembler autant de talents au même endroit. Et même si c'était possible, bâtir l'établissement et l'infrastructure qu'exige un tel programme coûterait au moins cinq fois plus cher.

Les réseaux utilisent l'infrastructure déjà en place dans les universités et dans d'autres établissements. De plus, grâce à la coopération - Bernie MacIsaac en glissera certainement un mot - il est possible de réaliser des économies considérables en immobilisations, parce qu'il n'est pas nécessaire de multiplier les établissements coûteux d'un bout à l'autre du pays.

Un autre atout remarquable des réseaux est l'ampleur des investissements qu'ils stimulent. Nous avons constaté chez les petites et moyennes entreprises canadiennes une forte croissance attribuable aux programmes scientifiques des réseaux. Dix-neuf nouvelles entreprises ont été créées durant la phase 2 et certaines d'entre elles prennent de l'expansion à un rythme assez impressionnant.

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Certains de ces avantages sont assez palpables à court terme. Nous pensons que les avantages à long terme des réseaux seront probablement encore plus grands, mais il est frappant de voir la rapidité avec laquelle certaines de nos inventions ont été saisies et commercialisées.

Je conclurai en disant que, selon moi, le programme des réseaux est l'outil le plus efficace inventé jusqu'ici pour exploiter les avantages de la recherche universitaire et les appliquer au développement industriel.

Le président: Pouvez-vous répéter?

M. Connell: Je crois que le programme des réseaux est l'outil le plus efficace inventé à ce jour pour exploiter les avantages de la recherche universitaire et les transformer en une activité industrielle. C'est un modèle canadien unique en son genre. D'autres pays s'y intéressent de près. Ce programme sera peut-être imité ailleurs, mais jusqu'ici, il n'existe qu'au Canada et semble particulièrement bien adapté à notre structure, à notre économie et à nos vastes espaces.

Je cède maintenant la parole à mes collègues et tout d'abord à Bernie MacIsaac.

M. Bernie MacIsaac (président, GASTOPS Limited, Centre national d'excellence): Merci de me donner l'occasion d'exprimer mon point de vue sur ces questions.

J'aimerais parler de l'importance des réseaux comme moyen de convertir des connaissances en un produit utilisable qui finit par avoir une incidence sur l'économie du pays. Je crois que le niveau de vie du Canada est intimement lié au commerce international, et nous constatons de plus en plus que le commerce international repose de moins en moins sur les ressources et davantage sur la technologie et son intégration aux produits.

Je crois que nous devons continuer d'investir dans les connaissances. Les connaissances nous tiennent informés et sont un élément de presque tout ce que nous vendons. Je crois aussi que la conversion des connaissances fondamentales en produits est le travail des entreprises, mais l'acquisition de connaissances est une responsabilité publique, et les entreprises ne sont pas prêtes à s'y engager. Dans ce contexte, je pense que les réseaux de centres d'excellence constituent un élément extrêmement important du processus d'acquisition de connaissances et de conversion de ces connaissances en un produit.

Mon expérience dans le monde des affaires m'a appris que les connaissances prennent diverses formes: elles se retrouvent dans l'esprit de ceux qui font les découvertes, dans les rapports écrits et dans certaines applications concrètes de la recherche. Je pense que la plus importante des trois est le fait que la recherche réside dans la tête de celui qui l'effectue.

J'ai constaté également que la rapidité est essentielle pour exploiter toute forme de recherche. Il y a dans les bibliothèques une foule d'idées utiles qui n'ont jamais été exploitées. J'aimerais que vous vous représentiez l'entreprise comme un écosystème - vous lui donnez du savoir-faire, des produits, des clients et de l'argent et vous obtenez quelque chose qui grandit. Supprimez un de ces éléments et la pauvre en meurt. Il importe donc de se rendre compte que tous les éléments doivent s'imbriquer les uns aux autres au bon moment afin d'avoir une incidence sur l'économie.

Si vous faites valoir cet argument, et je crois qu'il est fondamental pour la croissance de l'économie, vous jetez une espèce de pont entre la recherche qui s'effectue dans les établissements publics et dans les universités et le genre d'entreprises que je représente. Les réseaux deviennent alors importants non seulement du point de vue des chercheurs mais aussi à cause du rôle crucial qu'ils jouent pour créer des liens entre les laboratoires et les entreprises.

Je crois aussi que les réseaux ont comme deuxième avantage de favoriser les échanges de vues. Même si je participe volontiers à des débats sur la façon dont nous inventons des choses, je ne crois pas que nous ayons la moindre idée des moyens que nous prenons pour y parvenir. Je ne crois pas que nous savons comment fonctionne le cerveau humain, mais nous savons que si nous donnons une foule d'observations à un esprit inventif, dont certaines qui proviennent de collègues, cet esprit a beaucoup plus de chances de créer quelque chose. L'avantage réel des réseaux est qu'ils permettent à ces personnes intelligentes d'échanger leurs observations. À partir de ces observations, d'autres feront naître des idées. Si l'on bâtit ensuite un pont entre les chercheurs et l'industrie, on a un modèle fonctionnel pour quelque chose qui apporte une contribution positive à l'économie canadienne.

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J'aimerais ajouter une autre remarque au sujet des avantages des réseaux. Si l'on jette effectivement un pont entre les entreprises et les laboratoires de recherche ainsi que les réseaux de recherche, les entreprises apporteront un éclairage différent et un point de vue différent sur le processus de la recherche. Ils lui donnent un sens. Ce n'est plus seulement un jeu de l'esprit pour les chercheurs, cela devient quelque chose d'utile, parce qu'un entrepreneur dira qu'il peut se servir de l'idée, qu'il peut en tirer un profit, et il fera des propositions pour faire avancer la recherche. Je le vois tous les jours dans les réseaux, tandis que la recherche isolée est en réalité une forme de jeu intellectuel.

Il y a un autre aspect que j'aimerais porter à votre attention. J'ai passé environ dix ans de ma vie à faire de la recherche. Je menais une existence des plus solitaires. Faire des essais pendant trois ans dans un laboratoire enseigne la débrouillardise, mais c'est un peu antisocial. Alors quand on sort de son laboratoire après une semaine d'isolement, on a envie de mordre tout ce qui bouge.

Les réseaux mettent les étudiants en contact avec des gens qui ont des points de vue différents. La plupart des étudiants contribuent à la recherche. Ils parlent ainsi régulièrement avec leurs collègues étudiants et professeurs, mais surtout ils parlent à des gens du milieu des affaires. Ils commencent à comprendre pourquoi ils font leurs recherches, leur rôle et, à la fin, ils sont beaucoup plus prêts à entrer dans un milieu d'affaires et à commencer à collaborer et à communiquer les résultats de leurs années de recherche de façon productive. Ne sous-estimez pas la valeur des réseaux dans ce genre d'activités et le fait qu'au bout du compte, ces gens sont prêts à entrer sur le marché, beaucoup plus qu'ils ne l'auraient été autrement.

En résumé, je crois que le programme des réseaux de centres d'excellence est le meilleur modèle que j'aie jamais vu pour mener des recherches efficientes. Je pense qu'il faut le protéger. Il faut qu'il continue. Si vous acceptez mon analogie avec un écosystème, il constitue un élément important de l'écosystème que nous appelons l'économie canadienne. Enfin, pour ce que cela vaut, j'ai rencontré des gens extraordinaires grâce aux réseaux et j'en ai beaucoup profité au plan personnel.

Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur MacIsaac. Madame Simson.

Mme Claudine Simson (présidente de MICRONET, Centre national d'excellence): J'aimerais parler d'un autre aspect des réseaux de centres d'excellence, soit l'importance de la formation de personnel hautement qualifié pour le Canada et la façon dont les réseaux atteignent cet objectif.

Je crois que l'industrie canadienne a besoin plus que jamais d'une main-d'oeuvre très qualifiée pour prendre et maintenir les devants dans l'économie actuelle, très compétitive à l'échelle internationale. À mon avis, les réseaux de centres d'excellence constituent un excellent moyen de former les jeunes. Ils fournissent aux étudiants de deuxième et troisième cycles, à ceux qui font des recherches postdoctorales et aux autres chercheurs du pays une formation et un enseignement pertinents pour l'industrie.

Nous mettons l'accent sur les secteurs qui ont le plus de chances de créer de la richesse au pays, soit la santé et la biotechnologie, la technologie de l'information, les ressources naturelles, les infrastructures et les ressources humaines. Comme l'a déclaré George Connell, à la fin de notre phase 2, en 1998, les réseaux de centres d'excellence auront formé plus de 5 000 étudiants au pays.

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Les réseaux de centres d'excellence constituent une grande source de talents pour les entreprises et les institutions canadiennes - les secteurs privé et public. C'est un moyen exemplaire, à l'échelle nationale, de combler les pénuries de compétences cruciales au Canada. Ainsi, trois de nos réseaux - l'Institut canadien de recherches en télécommunications, l'Institut de robotique et de systèmes intelligents et le réseau de la micro- électronique - fournissent une formation avancée à de jeunes diplômés qui font des recherches postdoctorales en technologie de l'information et en robotique, deux domaines où les ressources humaines qualifiées font grandement défaut au Canada.

En guise d'exemple, j'aimerais parler d'Ottawa, que nous appelons la Silicon Valley du Nord. Uniquement à Ottawa, il y a une pénurie chronique de personnel possédant les bonnes compétences pour occuper plus de 2 000 emplois dans le secteur de la technologie de l'information. Les réseaux de centres d'excellence nous aident à donner l'enseignement et la formation axés sur l'industrie dont a besoin la main-d'oeuvre de demain. Les réseaux contribuent nettement à endiguer l'exode des cerveaux vers le sud dont vous avez probablement tous entendu parler.

Dans les réseaux de centres d'excellence, nous créons des postes de stagiaires pour des chercheurs très intelligents et très talentueux, afin qu'ils restent au pays et qu'ils soient incités à poursuivre leurs recherches au Canada en partenariat avec l'industrie. Ces jeunes bourrés de talent resteront donc au Canada et seront prêts à travailler pour les partenaires dans l'industrie ou, ce qui est plus important encore, à créer leur propre entreprise au Canada et à créer aussi la richesse et les emplois dont nous avons besoin.

En résumé, je pense que nous devrions être fiers, en tant que Canadiens, de posséder un réseau de recherche vraiment national qui constitue un moyen fantastique de donner à la main-d'oeuvre de demain les compétences dont elle a besoin pour créer de la richesse et des emplois dans notre pays.

Merci.

[Français]

Le président: Merci. Y a-t-il des questions? Monsieur Bélisle, s'il vous plaît.

M. Bélisle (La Prairie): Je remercie les témoins d'être venus nous entretenir ce matin. Dans votre document, vous parlez de décision à point nommé. Vous nous dites que si le gouvernement mettait fin au programme ou prenait un certain temps avant d'en arriver à une décision, cela risquerait d'entraîner le départ prématuré des chercheurs actuellement associés au programme.

Je sais que les chercheurs sont très mobiles et que ce sont des gens très scolarisés, très bien formés qui, dans bien des cas, n'ont pas de difficulté à se faire embaucher ailleurs. Pourriez-vous nous donner plus d'information là-dessus? Tout cela est-il lié à la mobilité de cette main-d'oeuvre scientifique hautement formée? J'aimerais entendre vos réactions là-dessus. Est-ce que ce serait l'un des risques principaux d'une décision tardive du gouvernement?

Le président: Madame Simson.

Mme Simson: Pourriez-vous répéter la dernière partie de votre question?

M. Bélisle: Vous dites que, si le gouvernement tardait à prendre une décision, cela risquerait d'entraîner le départ prématuré des chercheurs actuellement associés au programme. Pourriez-vous nous donner plus d'information là-dessus? Y a-t-il eu des cas, dans le passé, où le gouvernement a pris un certain temps à réagir, ce qui aurait entraîné une perte de personnel scientifique associé à vos réseaux?

Mme Simson: La recherche au Canada est très importante et il faut retenir les chercheurs de talent. S'il n'y a pas suffisamment de fonds, de synergie entre les programmes et d'équipement afin d'axer la recherche sur les domaines importants, de haute pointe, les chercheurs de talent vont partir et aller dans des universités ou des industries qui ont une plus grande renommée.

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Si le gouvernement déploie ses moyens financiers dans les universités, dans les institutions, en créant le genre de réseau dont on parle aujourd'hui de façon à créer au Canada un environnement supérieur à n'importe quel environnement...

Le CNE est unique au monde. Je parle continuellement avec des gens de la communauté internationale, en Europe, en Amérique du Sud et aux États-Unis. Le modèle des CNE est perçu comme quelque chose d'unique, que certains pays que je peux vous citer, notamment la France et la Suisse, veulent copier. Cela leur donne un milieu d'incubation pour la recherche qui va créer des synergies, non seulement dans un domaine particulier comme la technologie de l'information, mais aussi entre les domaines, entre les divers secteurs.

Vous avez en ce moment, dans les CNE au Canada, des interactions fondamentales entre la biotechnologie et la technologie de l'information. Cela donne aux jeunes chercheurs de ce pays des horizons beaucoup vastes qu'avant, ce qui les aidera à rester. Mais si l'infrastructure n'est pas là pour créer cet environnement, ils vont partir.

M. Bélisle: Risqueriez-vous de les perdre au profit d'autres groupes canadiens ou de les voir quitter pour les États-Unis? Est-ce le danger?

Mme Simson: Est-ce qu'il y a d'autres Canadiens?

M. Bélisle: Risquez-vous de perdre ces chercheurs-là au profit d'autres groupes au Canada ou si vous risquez de les perdre au profit de groupes américains? C'est la question que je vous pose.

Mme Simson: Quand je parle de perte de chercheurs, je parle de la perte pour le pays.

M. Bélisle: Pour le Canada.

Mme Simson: Si des chercheurs vont d'une université à l'autre ou d'une industrie à l'autre, ça va. Je parle plutôt de partir directement du pays pour aller en Europe ou aux États-Unis.

M. Bélisle: Vous nous dites aussi que le programme a connu, dans sa forme actuelle, un grand succès, mais qu'on devrait mettre sur pied d'autres réseaux directement liés aux besoins économiques du pays. Vous mentionnez les marchés d'exportation. Avez-vous fait des études là-dessus? Avez-vous de l'information pour affirmer qu'on devrait se tourner vers la mise sur pied de groupes comme le vôtre qui se pencheraient sur les marchés d'exportation? Avez-vous des renseignements là-dessus? Y a-t-il des études là-dessus?

Mme Simson: Sur un réseau spécial pour les marchés d'exportation?

M. Bélisle: Oui, parce que vous en parlez dans votre document.

Mme Simson: C'est fondamental, parce que si vous comparez le marché canadien et marché de la communauté internationale, vous verrez que les revenus que vous pouvez générer au Canada sont relativement petits, dans n'importe quelle industrie. Donc, il faut s'efforcer d'avoir des revenus qui reviennent dans le pays, mais qui sont générés dans les autres pays. Je parle en particulier de la région de l'Asie-Pacifique, qui est très importante.

Donc, essayez de concentrer les énergies de manière à avoir une position clé, une position unique dans la communauté internationale, avec des produits et des services qui peuvent soutenir la concurrence. C'est fondamental, tout comme le genre de networking dont on parle en ce moment. Les différents secteurs dont nous nous occupons provoquent une énergie et une synergie entre eux, ce qui, en fin de compte, va créer plus d'énergie pour la concurrence internationale.

M. Bélisle: Vous nous dites aussi que l'engagement à long terme du secteur public, c'est-à-dire du gouvernement canadien, à assurer un financement de base continu, est une condition préalable pour inciter le secteur privé à investir lui aussi dans la recherche.

Des sommes d'argent vous ont été remises au cours des dernières années. Avez-vous une idée de l'effet multiplicateur, dans le secteur privé, des fonds qui ont été investis par le gouvernement fédéral? Quand le gouvernement fédéral investit un dollar, est-ce que cela entraîne un investissement de deux, trois, cinq ou dix dollars dans la recherche de la part du secteur privé ou si, finalement, chaque fois que le gouvernement fédéral investit un dollar, le secteur privé, lui, n'investit que 0,75$ ou 0,50$? Avez-vous une idée de l'effet multiplicateur?

Mme Simson: Je pourrais même aller plus loin. Je pense qu'un dollar de recherche donné par le gouvernement est multiplié par environ cinq par l'industrie, du point de vue de la recherche. Ensuite vous avez un autre financement de l'industrie pour le déploiement de cette recherche dans un produit ou un service. À ce stade, le financement de l'industrie est peut-être 50 fois plus grand que le dollar que le gouvernement a contribué.

Donc, vous avez un rapport de recherche de 1 à 10, mais un rapport de déploiement et de commercialisation de 1 à 50.

M. Bélisle: Merci, madame.

Le président: Merci, monsieur Bélisle.

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[Traduction]

Monsieur Rogers, s'il vous plaît, puis monsieur Connell.

M. Rogers: J'avais deux observations sur ces deux questions.

En ce qui concerne la seconde, à propos de l'investissement, à la page 8 de la brochure, le document jaune, des statistiques font ressortir que le programme a déjà créé 232 millions de dollars d'investissement extérieur lié à la commercialisation de nouvelles technologies. Ce montant se compare à des dépenses globales de 200 millions de dollars dans la phase 2 et à des dépenses de440 millions de dollars pour les deux phases, jusqu'ici. Ce ne sont que les premiers fruits des recherches qu'effectuent les réseaux. Que le secteur privé ait déjà investi 232 millions de dollars me paraît un excellent résultat, étant donné que la première phase a surtout été une période de démarrage pour de nombreux réseaux et que les réseaux n'ont pas vraiment commencé à donner des résultats importants avant la deuxième moitié de cette phase, soit après deux ans.

Avec votre permission, j'aimerais faire un bref commentaire supplémentaire en réponse à votre première question, concernant la rapidité de la décision. L'une des raisons qui nous poussent à demander au gouvernement de renouveler le programme ou d'examiner le renouvellement du programme à ce moment-ci est le fait que nous voulons avoir assez de temps pour planifier la suite avant que la phase actuelle ne prenne fin, soit le 31 mars 1998. Nous ne voulons pas perdre les réseaux qui veulent continuer ni empêcher la création de nouveaux réseaux et nous voulons nous assurer que le cycle permet d'intégrer les étudiants et le nouveau personnel compétent qui viendront se joindre à ces réseaux. Une coupure ou un manque de continuité accentuerait fortement le risque d'exode, qu'a évoqué Mme Simson.

Le président: Monsieur Connell, je vous en prie.

M. Connell: Avec votre permission, monsieur le président, en ce qui concerne le rendement sur l'investissement, il existe un rapport, une évaluation effectuée par le CNE. Le rapport a été rédigé par le groupe ARA. Il ne nous a pas été remis, mais vous l'avez peut-être vu. Je crois savoir que l'évaluation est très positive. Je suis heureux de vous le signaler.

Deuxièmement, l'Institut canadien des recherches avancées, l'ICRA, a réalisé des travaux. Son document de travail në 79, dont je n'ai pas de copie avec moi, contient des simulations économiques effectuées par le professeur Helpman, d'Israël. Ce professeur a découvert, grâce à ses simulations, que les possibilités de rendement sur l'investissement dans la R-D au Canada sont assez impressionnantes, plus élevées que dans n'importe quel autre pays du G-7. J'ai devant moi la lettre du professeur Safarian, de l'Université de Toronto, qui commente l'étude de Helpman. Il conclut qu'une augmentation des dépenses en R-D de seulement 0,5 p. 100 du PIB par rapport au niveau actuel, qui se situe à environ 1,4 p. 100 du PIB, ferait grimper le PIB canadien d'environ 17 p. 100 d'ici 2075. C'est bien loin dans le temps, mais il y aurait des hausses graduelles au cours de cette période.

Compte tenu des arguments que nous vous présentons, je crois qu'un investissement dans les réseaux de centres d'excellence serait probablement la façon la plus rapide et la plus certaine d'obtenir ce genre de rendement. Je vous laisserai une copie de sa lettre, si vous le voulez.

En ce qui concerne le choix des domaines de recherche, je pense que le génie du programme des réseaux est que personne à Ottawa n'est tenu de porter des jugements sur les meilleurs choix parce qu'il s'agit d'un programme fondé sur des concours. Si le CNE demande des propositions aux groupes de chercheurs d'un bout à l'autre du pays, vous pouvez être assurés qu'il y aura de nombreuses propositions très inventives.

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Dans mon propre réseau, le génie protéique 1, le consortium a été mis sur pied parMichael Smith, prix Nobel, qui a fait preuve d'un jugement fantastique, à mon avis. Il a rassemblé une soixantaine de nos meilleurs chercheurs dans le secteur du génie protéique. Ceux-ci ont dû ensuite se trouver des partenaires industriels - c'est-à-dire des personnes qui croient que le programme de recherche envisagé sera utile à l'industrie canadienne. Par la suite, les chercheurs ont dû présenter leur proposition dans le cadre du processus d'examen du CNE et prouver qu'elle était concurrentielle avec ce qui se fait de mieux. Je pense que c'est une bonne façon de s'assurer que les réseaux de centres d'excellence sont conçus et ciblés de manière à profiter au maximum à l'expansion de l'économie canadienne.

Le président: Monsieur Grubel, s'il vous plaît.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Merci, monsieur Peterson.

Bienvenue, mesdames et messieurs.

Ayant fait moi-même de la recherche, j'ai passé comme vous de nombreuses années rivé à un ordinateur ou le crayon à la main, quand il n'y avait pas encore d'ordinateurs. Je sortais moi aussi de mon bureau avec l'envie de mordre, déconnecté du monde extérieur.

J'appuie fortement toutes les bonnes causes que vous défendez, depuis les réseaux jusqu'à la formation accrue, en passant par l'éducation, la synergie entre les divers domaines, l'investissement dans la R-D - je pense que les arguments sont très convaincants. Mais vous ne vous contentez pas de défendre ces causes, vous défendez aussi la cause des réseaux de centres d'excellence.

J'aimerais me faire l'avocat du diable, puisque je suis un chercheur sans cesse confronté à ces idées nouvelles, et vous poser des questions que je suis habitué à poser en tant qu'économiste. Vous pouvez peut-être m'aider. Je me fais peut-être du souci pour rien.

Pour vous situer un peu, je vais vous décrire mon expérience. Quand je me suis intéressé à la recherche sur l'exode des cerveaux dans les années soixante-dix, que j'ai publié dans la revue Science, par exemple, j'ai découvert de nombreux programmes qui visaient à rassembler et à saisir de l'information bibliographique sur les recherches en cours. Il s'agissait essentiellement de programmes gouvernementaux. Mon nom figurait sur de nombreuses listes d'envoi et on me demandait d'inscrire mes travaux de recherche. Je recevais aussi de l'information sur ce qui se faisait ailleurs.

Tous ces programmes sont disparus - morts de leur belle mort à vrai dire - parce qu'ils n'étaient pas très utiles. Vous savez vous-mêmes qu'avant la création de vos réseaux, il en existait de très efficaces dans le monde. Il n'y en a pas qu'au Canada. Il y en avait deux qui se réunissaient deux fois par année à la Société royale, pas vrai? Nous avons le téléphone, le télécopieur, nos revues spécialisées, et nous allons à des congrès internationaux, nous avons des réseaux formidables.

Nous avons aussi des programmes de formation, des programmes d'enseignement. Au niveau local, il y a... Je me suis démené pour essayer de rassembler d'autres sociologues et d'autres chercheurs en sciences naturelles; ces groupes finissent tous en eau de boudin un jour ou l'autre. Nous investissons beaucoup dans la R-D, n'est- ce pas?

Si vous examinez votre partenariat, vous verrez qu'en réalité, les sommes que vous avez dépensées ont été retranchées d'autres programmes de réseaux de recherche. Ce que vous avez fait, c'est ajouter 12 ou 14 millions de dollars en frais d'administration.

Ma question est la suivante, et vous avez peut-être des réponses, M. Rogers affirme qu'il y a x centaines de millions de dollars en nouvelles entreprises et en nouveaux produits brevetés. Ces dépenses n'auraient-elles pas été effectuées de toute façon?

Quel est le résultat net de ces 14 millions de frais d'administration que vous avez dépensés, à l'aide de crédits qui auraient été consacrés à la recherche, de toute façon? Vous ne pouvez pas prétendre que la croissance résulte des 12 millions de dollars de dépenses administratives supplémentaires. Parce qu'il y avait déjà des réseaux, cette formation existait déjà, il y avait déjà une interaction entre les chercheurs universitaires qui voulaient s'enrichir en proposant à l'industrie reliée à leur domaine de recherche de s'allier à eux pour s'enrichir. Notre centre de recherche existait bien avant que vous n'entriez en scène.

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Alors, dissipez mon scepticisme et dites-moi que vous avez fait votre travail. Quel est le rendement net sur les 12 millions de frais d'administration supplémentaires que vous avez dépensés pour stimuler des dépenses qui se seraient effectuées de toute façon, afin d'atteindre exactement les mêmes buts? Quel est le rendement net plutôt que le rendement brut et les dépenses brutes? Suis-je assez clair?

Le président: Herb, vous n'avez rien compris. Si nous n'avions pas créé ce programme, le gouvernement ne pourrait pas pavoiser et se vanter de son immense succès.

M. Grubel: Je pense que c'était bien avant que vous ne soyez élu.

Le président: Monsieur MacIsaac.

M. MacIsaac: Au risque de m'en prendre à des vaches sacrées, je vais vous contredire.

M. Grubel: L'occasion est excellente.

M. MacIsaac: L'une de mes observations au sujet du genre de recherches que vous faisiez et du cadre dans lequel vous travailliez et de celui dans lequel je travaillais moi-même est la liberté - et je dirais même l'abus de cette liberté, bien souvent - des chercheurs universitaires. Au Canada, rien n'oblige un chercheur à faire des recherches pertinentes ou à se creuser les méninges pour trouver quelque chose qui contribuera directement à son pays. Depuis que j'ai lancé mon entreprise, j'ai sillonné le pays pour trouver des gens compétents dans certains domaines et, deux fois, on m'a envoyé au diable, en me disant que ce genre de travail ne présentait aucun intérêt.

D'autres pays embauchent des chercheurs universitaires à environ 60 p. 100 du salaire et leur demandent d'aller chercher le reste par des contrats de recherche avec l'industrie. Le Canada ne le fait pas. Il en résulte, à mon avis, un isolement des universitaires, qui font souvent ce qu'ils veulent, sans que cela soit très utile. Ce qu'a fait le programme des réseaux de centres d'excellence c'est créer un nouveau cadre qui insiste pour que ces gens s'assoient à la table et proposent au moins de faire quelque chose ayant une possibilité de contribuer à l'économie.

Maintenant que j'ai cassé du sucre sur le dos des universitaires, j'aimerais tourner mon attention sur les entreprises. L'investissement privé dans la recherche est lamentable au Canada. Les entreprises quémandent sans cesse au gouvernement et elles ne veulent pour rien au monde délier les cordons de la bourse. Ce qu'a fait ce programme, plus que tout autre que je connais, c'est insister pour que les chercheurs du gouvernement ou des universités sortent un peu de leur cocon et pour que les entreprises sortent un peu du leur en exploitant la recherche. Je ne pense pas que vous puissiez braquer les feux sur le CNE à cette étape-ci de son évolution et chercher des preuves. Premièrement, vous avez enfreint un principe scientifique, puisque aucune autre expérience ne se déroule en même temps que la nôtre et vous n'avez donc aucun point de comparaison.

M. Grubel: C'est la science politique qui parle.

M. MacIsaac: Peu importe.

M. Grubel: Nous ne pouvons pas nous payer ce luxe. Il est néanmoins ironique que dans mon domaine - surtout en économique - je me fasse un tas d'ennemis lorsque j'affirme que vous vous amusez et que nous devrions parler des vraies réalités plutôt que de construire de beaux petits modèles mathématiques qui ne mènent nulle part. Alors, je suis d'accord avec vous, mais ma question demeure.

Nous avons aussi entendu des représentants du monde scientifique affirmer que l'un de nos objectifs les plus importants consiste à enrichir le bagage de connaissances de l'humanité, autrement dit, faire de la recherche fondamentale qui, par définition, n'a pas d'application immédiate. Allez dire cela à M. Einstein; dites-le à tous ceux qui ont fait des découvertes. Ils n'ont pas fait leurs découvertes parce que quelqu'un dans une usine ou une entreprise avait entrevu une application prometteuse. Je n'ai pas à discuter avec vous du pouvoir de la recherche fondamentale, que personne ne subventionne. C'est ce que devrait faire le gouvernement, subventionner la recherche fondamentale, pas la recherche appliquée et le développement.

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Ma question, et vous y avez répondu, est que ce que nous voyons, ce sont des résultats bruts, pas des résultats nets. Il n'y a aucune preuve du taux de rendement d'un investissement supplémentaire par le gouvernement du Canada.

Mme Simson: Je pense pouvoir répondre à certaines de vos questions.

Essentiellement, la question fondamentale que vous posez est quelle est la différence entre la recherche individuelle ou la recherche universitaire et les partenariats industriels et ce réseau?

M. Grubel: Pas vraiment, madame. Ce n'est pas ce que j'ai demandé. Vous avez mal compris ma question.

Mme Simson: D'accord. Alors, la question est quelle est la valeur du réseau, en soi?

M. Grubel: Non. Quel est l'avantage d'un réseau bureaucratisé, centralisé, par rapport à un réseau spontané, volontaire, qui existe dans le monde entier parmi les chercheurs?

Mme Simson: D'accord. Je peux vous donner deux exemples des avantages financiers que le réseau a procurés à la recherche. Le plus important, celui qui se constate dans tous les réseaux, est le fait que les industries et les universités se regroupent. Le principal problème de la recherche par le passé était le chevauchement de la recherche dans les universités canadiennes. En définissant les orientations générales et en mettant sur pied un réseau, on évite les chevauchements de la recherche et des ressources. Comme vous le savez, les universités ont leurs propres domaines de recherche. En se regroupant toutes, elles peuvent compléter les travaux de recherche des autres dans un domaine qui profitera peut-être à l'industrie. Les frais d'administration dont vous avez parlé peuvent être largement compensés par les chevauchements de la recherche qu'on évite de cette façon.

Le deuxième avantage de ces réseaux est que des partenaires du même secteur industriel collaborent. Je peux en témoigner personnellement. Tous ces partenaires de l'industrie, dont certains sont des concurrents, collaborent à des travaux de recherche préconcurrence et ils apportent une belle synergie au programme de recherche des universités. Ensemble, ils peuvent orienter l'université dans un sens qui profitera à toutes les industries de ce secteur.

Il y a aussi cette communauté dans les secteurs d'activité des centres d'excellence. Les partenaires de l'industrie imitent leurs concurrents. Si l'un d'eux investit, l'autre l'imite. Il y a donc des gens de l'industrie qui collaborent et qui investissent dans la recherche au pays. Le réseau permet cela.

M. Grubel: Madame Simson, je comprends tout ce que vous dites, mais vous ne répondez pas à ma question.

Michael Smith et tous ceux qui oeuvrent dans son domaine sont copains-copains depuis 30 ans. Ils se connaissent tous très bien. Ils connaissent tous les détails de leurs travaux, sauf quelques secrets compétitifs sur ce qu'ils font. Parfois, les chevauchements sont bons pour la concurrence. C'est pour cette raison qu'ils participent - parce qu'ils ont des façons différentes de voir le même problème.

Vos arguments ne me convainquent pas que les réseaux sans caractère officiel ne sont pas au moins aussi bons et, à bien des égards, supérieurs aux efforts centralisés, éloignés, visant à réunir des gens pour faire quelque chose qu'ils ne font pas spontanément.

Pour influencer votre réflexion la prochaine fois que vous viendrez témoigner, demandez à quelqu'un, peut-être un économiste, de vous expliquer la différence entre les chiffres bruts et les chiffres nets. Cet argent que vous avez pris et qui a été investi ailleurs, d'où venait-il? Si vous prenez de l'argent et ne l'affectez pas aux fins que vous avez décrites, si vous l'avez retranché d'une autre activité scientifique, ce n'est pas un gain net.

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J'ai dit ce que j'avais à dire et j'aimerais qu'on en reste là. Merci de votre attention.

Le président: Monsieur Bourdages.

M. Pierre Bourdages (président, Gestion des forêts durables, Centre national d'excellence): J'aimerais moi aussi contester les propos de M. Grubel.

Depuis 30 ans que je suis en affaires, il m'est parfois arrivé d'être tellement frustré par la recherche universitaire que je m'en suis éloignée. Il y a deux raisons à cela. Elles sont peut-être liées à mon expérience, mais je pense qu'elles peuvent être généralisées. À cause du contexte et du type de structure dans lequel s'effectue la recherche universitaire, les chercheurs doivent publier à tout prix. C'est la règle du jeu dans ce milieu.

Deuxièmement, les chercheurs universitaires avec qui j'ai travaillé ont eu tendance à terminer leurs travaux par une question plutôt que par une réponse. Cela facilite le financement de la prochaine étape d'un projet de recherche. Ce n'est pas négatif en soi, parce que cela nous force à repousser les frontières de la science, mais du point de vue du secteur privé, cela ne m'apporte aucune réponse.

Les centres d'excellence forcent les chercheurs universitaires non seulement à échanger de l'information après coup, ainsi que les résultats, pour faire avancer les recherches des autres, mais aussi à collaborer aux activités et au projet proprement dit: définition, protocole scientifique, collecte de données, analyse des données, discussions sur la valeur des données, regroupement des chercheurs de l'Université de l'Alberta et de l'Université Laval, par exemple, autour d'un même sujet, d'un même projet, collecte de données aux deux extrémités du pays et échange de ces données.

Deuxièmement, les réseaux vont aussi frapper à la porte des industries pour leur demander si elles ont besoin d'information ou si des questions restent sans réponse et si elles sont disposées à financer le projet. L'industrie a indiqué qu'elle investira dans un projet s'il est possible de trouver des réponses à ses questions. Les chercheurs universitaires, de concert avec l'industrie, trouvent des réponses qui font avancer la science et la technologie au Canada.

M. Grubel: Prouvez à des sceptiques comme moi que les 16 millions de dollars supplémentaires ou n'importe quelle autre somme supplémentaire ont rapporté autant. La recherche se faisait par le passé, elle continue de se faire et elle continuera de se faire sans tout cela. Valait-il la peine de dépenser cette somme? C'est la seule question que je pose. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites.

Le président: M. Rogers veut répondre et M. Duhamel veut un éclaircissement. Nous devons voter dans quatre minutes environ.

Monsieur Duhamel, vous ne voulez qu'un petit éclaircissement. Après cela, nous interromprons nos travaux et reviendrons ensuite.

M. Duhamel (St. Boniface): Monsieur le président, serait-il possible de nous pencher dans une séance ultérieure sur nos dépenses par rapport à celles d'autres pays et sur les résultats? Je pense que les gens seraient intéressés et que cela pourrait éclairer ce débat assez intéressant.

J'ai tendance à être extrêmement favorable aux réseaux et je crois en cette synergie, mais c'est peut-être une question que nous pourrions soulever. Ce serait un projet de recherche intéressant.

Le président: Merci.

Brièvement, monsieur Rogers.

M. Rogers: Je pense que M. Grubel cherche le coût marginal. Je vais vous rappeler deux faits. Premièrement, 232 millions de dollars de financement extérieur n'auraient pas été investis sans ce programme, un point c'est tout. Aucun autre cadre institutionnel ou cadre d'investissement relié à la recherche n'aurait pu y parvenir. Voilà le premier fait.

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Deuxièmement, il est de notoriété publique que, dans la recherche isolée, environ deux projets de recherche sur 100 aboutissent à des découvertes qui sont commercialisées. Le taux de réussite dans un programme comme le nôtre jusqu'ici est de 130 produits sur environ 300 projets réalisés par les quatorze réseaux. C'est un taux de rendement incroyable, même à une étape aussi peu avancée, comparativement au six produits sur 300 projets qui auraient résulté de la recherche isolée classique.

Le président: Ce n'est pas mal. M. Rogers devrait obtenir le contrat.

M. Grubel: C'est le genre d'information que vous devriez fournir et je pense que vous devriez demander à un économiste sceptique de vérifier ces chiffres.

M. Duhamel: Demandez donc à un athée de parler de Dieu.

M. Grubel: Et je ne cherche pas de contrat.

Le président: Je prie les témoins de nous excuser. Accepteriez-vous que nous allions voter en vitesse et revenions poursuivre la discussion? Pouvez-vous attendre?

Un témoin: Pas de problème.

Le président: Merci beaucoup.

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Le président: Pouvons-nous passer maintenant aux questions de Mme Whelan?

Mme Whelan (Essex - Windsor): Merci beaucoup, monsieur le président.

Au début de l'exposé, il a été question de l'exode des cerveaux et aussi d'environ 2 000 postes vacants à Ottawa. J'espère que quelqu'un pourra m'expliquer ce que nous faisons pour réduire cet écart et combler ces postes à Ottawa tout en empêchant l'exode des cerveaux. Quelqu'un peut-il donner des explications à ce sujet?

Ce que vous faites est très important. La recherche et le développement sont extrêmement important au Canada, surtout la recherche fondamentale. Je m'inquiète un peu que nous connaissions l'existence de ces emplois et ne réussissions pas à diriger les étudiants vers eux.

Mme Simson: Je faisais allusion au fait que 2 000 emplois nécessitent des compétences particulières et qu'il n'y a pas assez de diplômés des universités canadiennes pour combler ces postes actuellement. Il y a une espèce de décalage entre le système d'enseignement actuel et le nombre d'étudiants nécessaires dans les bons domaines, possédant les bonnes compétences pour obtenir ces emplois.

Mme Whelan: Je comprends, mais nous avons entendu des témoignages selon lesquels nos diplômés qui pourraient occuper ces postes s'en vont aux États-Unis ou dans d'autres pays. Est-ce parce que les emplois canadiens ne sont pas assez stimulants?

M. Bourdages: Les chercheurs sont habituellement motivés par la curiosité intellectuelle. Ils veulent faire avancer les connaissances. Si le financement de la recherche en général n'est pas renouvelé au Canada, les chercheurs risquent de ne pas se sentir en sécurité. Quand le financement du projet sera épuisé et qu'il n'y aura plus de programme ni de financement, cette insécurité sera telle que les chercheurs tenteront de trouver ailleurs une terre fertile pour faire avancer les connaissances.

Malheureusement, nous perdons les meilleurs éléments, ceux qui ont une envergure internationale, une réputation internationale et qui sont mobiles. Ils peuvent aller n'importe où dans le monde - en Europe, aux États-Unis ou ailleurs. Ce sont eux que nous perdons. Nous perdons rarement les plus jeunes, ceux qui sortent à peine de l'université, parce qu'ils n'ont pas cette envergure. Nous perdons les chercheurs de haut calibre, parce qu'ils sont mobiles et connus.

Une voix: Et parce qu'ils permettent d'obtenir beaucoup de subventions.

M. Bourdages: Oui, ils permettent d'obtenir beaucoup de subventions. Ce sont eux que nous perdons, malheureusement.

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Il est donc important que le financement des réseaux de centres d'excellence soit renouvelé afin que les chercheurs puissent envisager l'avenir avec confiance, en sachant que le programme sera renouvelé, que le financement viendra et qu'ils peuvent lancer des projets - des projets de trois ou cinq ans - avec une certaine certitude de pouvoir les réaliser et les mener à terme.

Le président: Monsieur MacIsaac.

M. MacIsaac: Je voudrais renchérir sur ces propos.

Deux aspects de l'exode des cerveaux sont extrêmement dérangeants pour quiconque veut vivre au Canada. Il y a d'abord l'exode des chercheurs eux-mêmes vers d'autres régions du globe parce qu'ils veulent principalement explorer les connaissances et en créer. Mais un autre facteur tout aussi dérangeant est l'exode des cerveaux chez nos jeunes diplômés, qui vont dans l'industrie et découvrent qu'ils réussissent assez bien à créer des entreprises. Ils s'éloignent alors de la recherche.

Les réseaux offrent un certain espoir de jeter le genre de ponts qui doivent exister entre le milieu des chercheurs et celui des affaires, afin que le niveau d'activité dans le secteur de la recherche ainsi que le niveau d'activité dans les entreprises restent assez élevés pour que ceux qui y travaillent veuillent rester chez nous.

J'aimerais ajouter une dernière observation. Elle s'adresse à nous, en tant que nation, je suppose. J'aimerais beaucoup que vous la preniez très au sérieux. Nous sommes le seul pays au monde, je crois, qui ne fait aucune propagande pour essayer d'encourager les Canadiens à être Canadiens.

Quand vous vous allez en Extrême-Orient sur les ailes de Malaysian Airlines ou de Singapore Airlines, vous recevez une revue dont les six dernières pages contiennent une foule de renseignements sur ce qui se passe en Malaisie, comment l'économie grandit, à quel point c'est un pays emballant à visiter et un pays emballant pour ceux qui veulent faire des affaires. Comparez cela aux six dernières pages d'En Route d'Air Canada et vous verrez la différence: on y trouve habituellement six pages de publicité sur des produits japonais et taïwanais.

Nous ne faisons rien pour encourager les Canadiens à être Canadiens et à le rester. Nous devons faire plus d'efforts en ce sens.

Mme Whelan: Je suis d'accord. Ce que vous faites dans vos centres d'excellence est très important. Je ne pense pas que nous nous vantions assez, surtout dans le domaine de la recherche médicale.

Je ne cesse d'entendre de la bouche de gens avec qui je discute dans divers établissements de recherche, surtout en Ontario, que notre recherche médicale est supérieure à ce qui se fait aux États-Unis, parce que nous n'excluons aucune classe sociale. Tous les Canadiens ont accès à notre régime de santé, tel qu'il existe actuellement, et pour cette raison, notre recherche est de qualité supérieure. Je ne pense pas que nous réussissions très bien à le faire savoir au reste du monde.

Le président: Monsieur Rogers.

M. Rogers: J'ai une brève observation sur les emplois en haute technologie à Ottawa et sur la difficulté de les combler.

À l'Institut de robotique et de systèmes intelligents, une petite partie du programme porte sur des stages à l'intention des étudiants. Des diplômés universitaires travaillent dans l'industrie.

Certaines compétences en technologie de l'information sont plus nombreuses dans l'Ouest que dans l'Est. Je vais vous donner l'exemple d'une activité que l'on appelle l'exploration en profondeur de données.

Des entreprises du secteur de la haute technologie d'Ottawa sont en train de mettre au point et de perfectionner des produits dans ce domaine. Ils ne peuvent trouver de diplômés sur place, alors nous avons réussi à faire venir en stage des étudiants de l'Ouest canadien - ceux qui cherchent une expérience plus diversifiée que celle qu'ils pourraient acquérir à Regina ou Calgary. Ces étudiants décident parfois de rester à Ottawa à la fin de leur stage.

Cette fertilisation est une activité des centres d'excellence qu'aucun autre mécanisme ne peut mener aussi efficacement, à ma connaissance.

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Le président: Merci, madame Whelan.

Monsieur St. Denis, avant que vous ne commenciez, j'allais suggérer, puisque nous sommes juste à côté, de poursuivre jusqu'à ce que la sonnerie s'arrête.

Nous devrons nous absenter une fois de plus, pour aller voter. Je suis désolé. Je ne sais pas si vous pouvez rester ou non. Sentez-vous libres de partir si vous ne pouvez pas rester. Si vous pouvez attendre, nous reviendrons une quinzaine de minutes après la fin de la sonnerie. Nous reviendrons si vous le voulez.

Monsieur St. Denis.

M. St. Denis (Algoma): Merci, monsieur le président.

Merci d'être venus.

L'un des problèmes qui a été soulevés à l'une de nos tables rondes - désolé, je ne me souviens plus par qui, mais je pense que c'était probablement quelqu'un qui fait de la recherche universitaire - est celui des connexions, des liens entre les chercheurs universitaires, les chercheurs de l'industrie, les étudiants, et le fait que, en règle générale, ces liens n'existent pas au Canada.

Je pense que ces réseaux peuvent effectivement déclencher ou promouvoir des liens généraux dans le milieu de la R-D au pays, parce que, si je comprends bien ce que vous faites, vous êtes reliés. Vous commencez dans un secteur et vous bâtissez un réseau qui fait exactement cela.

Je me demande si certains d'entre vous pourraient m'expliquer comment vous êtes reliés. Est-ce par Internet? Par le téléphone? Par des conférences? Comment optimisez-vous les possibilités qu'offre le réseau d'échanger et de vous stimuler les uns les autres? Quelle expression emploie-t-on pour décrire l'utilisation des idées de quelqu'un d'autre pour faire avancer les siennes?

Je pense que les leçons que nous pouvons tirer de ces réseaux peuvent influencer les liens entre toute la R-D qui s'effectue au pays.

M. Connell: Je peux peut-être décrire brièvement ce qui se passe dans le réseau des centres d'excellence en génie protéique. Je pense que la clé des liens qui existent dans ce réseau est un colloque annuel de trois jours qui rassemble tout le monde; c'est- à-dire tous les chercheurs, tous les diplômés d'université, tous les boursiers qui font des études postdoctorales, tous les intéressés chez nos partenaires industriels, et parfois aussi des visiteurs. C'est une occasion très importante pour les échanges personnels. Tous les étudiants qui participent présentent leur projet et peuvent en discuter avec Michael Smith, Michel Chrétien ou n'importe quel autre participant.

Je pense que ces liens personnels se poursuivent ensuite. Durant le reste de l'année, il y a évidemment des déplacements, mais le courrier électronique devient extrêmement important ainsi que tous les autres moyens de communication.

Le réseau repose surtout sur quatre établissements d'enseignement, à Vancouver, Edmonton, Toronto et Montréal. Il y a des satellites ailleurs. À chacun de ces endroits, un symposium hebdomadaire rassemble des gens issus de nombreux départements et établissements différents, très souvent pour entendre un conférencier invité qui oeuvre au sein du réseau, mais dans une autre ville.

Nous avons aussi organisé l'an dernier, mais je suis certain que nous renouvellerons l'expérience, une journée d'information à l'intention de l'industrie. Nous avons choisi ce que nous considérions comme les huit idées les plus prometteuses, dont certaines sont déjà protégées par des brevets. Nous avons demandé de présenter un exposé aux membres invités, dans ce cas-ci, l'industrie biopharmaceutique. C'était très réussi. Si j'avais été investisseur, j'aurais signé sur-le-champ un contrat avec presque n'importe qui. Les idées étaient tellement et tellement. Cette journée a déjà eu des retombées assez importantes. Je pense que nous l'organiserons tous les ans.

Le président: Merci.

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M. St. Denis: En tant que représentant du public, puis-je visiter un site Internet pour découvrir ce qui se passe dans votre réseau et pour voir quels renseignements y sont échangés?

M. Connell: Oui, notre réseau a une page d'accueil et je pense que la plupart des réseaux en ont une maintenant.

M. St. Denis: Alors, même des jeunes du secondaire qui font des projets en sciences peuvent découvrir ce que vous faites en aquaculture, par exemple. S'il y avait un programme d'aquaculture, je pourrais me renseigner sur ses activités.

M. Connell: C'est exact, encore qu'il s'agisse parfois de renseignements confidentiels. Chacun des membres du réseau doit signer une entente de non-divulgation, mais il nous arrive aussi de parler de questions qui ne sont pas confidentielles, c'est évident.

M. St. Denis: D'accord, merci.

Le président: Madame Chamberlain.

Mme Chamberlain (Guelph - Wellington): D'abord, je voudrais vous dire que j'appuie vraiment votre programme. Franchement, je pense que c'est une démarche visionnaire, alors j'espère que nous songerons sérieusement à continuer le financement.

Pouvez-vous me raconter quelles sont vos plus belles réussites?

Une voix: C'est une question-piège.

Mme Simson: Je pourrais en décrire une dans le réseau que je représente, soit le réseau de la micro-électronique. De nouvelles entreprises très prospères ont été créées par des chercheurs qui ont réalisé des projets de recherche concertée réunissant l'industrie et des universités. Cinq nouvelles entreprises de haute technologie ont été créées au cours des deux dernières années parce que des membres de l'industrie et des universitaires ont uni leurs cerveaux pour les créer. C'était très beau à voir. Ce n'était pas l'industrie toute seule, mais les deux groupes ensemble, ce qui était très beau.

Mme Chamberlain: Merci.

Le président: Madame Brushett.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président.

J'ai beaucoup aimé votre témoignage de ce matin. Je suis coprésidente du groupe de travail du Premier ministre sur la commercialisation de la recherche scientifique, dont le but consiste à accroître le nombre de brevets qui franchissent les étapes commerciales et deviennent des applications commerciales grâce au développement, afin de créer des emplois au Canada.

Vous avez parlé des contacts entre les gens, de l'isolement que provoque la recherche. Les Canadiens nous ont indiqué clairement que nous devons avoir des contacts directs pour discuter de la recherche et régler les problèmes.

L'une des grandes questions qui reviennent sans cesse - et vous y avez fait allusion avec votre écosystème, avec les liens - est comment faire participer l'entrepreneur? Quelles techniques employez-vous? On a répondu à une question posée par Herb Grubel au sujet de la valeur des réseaux. Plutôt que de procéder au petit bonheur comme on le faisait auparavant, il y a une façon plus organisée, plus systématique de faire participer l'industrie. Nous incitons l'industrie à devenir un nouveau partenaire économique, mais elle s'est plutôt fait tirer l'oreille par le passé et n'a pas beaucoup financé la recherche.

Alors, comment attirez-vous les entrepreneurs? Il me semble y avoir des capitaux à profusion, beaucoup de recherche fantastique, mais elle est souvent bloquée par les brevets, par exemple. Comment établir le lien et l'amener à franchir plus rapidement les diverses étapes, sans qu'elle soit entravée par des brevets, la propriété intellectuelle et les liens?

M. MacIsaac: Puis-je commencer à répondre? Je pense que la plupart des réseaux de centres d'excellence - en tous cas certainement celui que je représente - forcent cette participation. Autrement dit, si vous voulez participer à des travaux de recherche dans le cadre d'un réseau, vous devez vous trouver des partenaires industriels.

Le réseau que je représente a aussi un autre volet, appelé PRECARN. C'est une association d'entreprises canadiennes, qui fonctionne exactement de la même façon. Si vous voulez présenter une proposition pour faire des travaux de recherche qui s'approchent de la commercialisation, vous devez trouver un partenaire industriel et des universitaires faisant partie du réseau et vous assurer sans l'ombre d'un doute de ne pas faire double emploi avec quelqu'un d'autre.

Je pense que les encouragements... D'ailleurs, je le répète régulièrement à nos réunions, je considère que cette association industrielle avec le réseau est l'équivalent d'un investisseur qui a du capital de risque à placer et qui a un peu perdu la boule. Il est prêt à investir...

Mme Brushett: C'est du capital patient, afin de franchir l'étape du développement.

M. MacIsaac: Exactement. Mais cela signifie aussi qu'il y a un énorme encouragement économique pour une entreprise prête à se joindre à cet effort, parce que la seule façon de tirer un jour avantage de cette technologie dans son entreprise et de l'intégrer à ses activités c'est de s'assurer d'avoir accès aux cerveaux dont j'ai parlé il y a un moment ou qu'ils travaillent pour soi. Franchement, le programme des réseaux de centres d'excellence force cette participation.

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Mme Brushett: Alors ce chercheur devient un employé de l'entreprise. C'est une retombée secondaire?

M. MacIsaac: Le premier produit des réseaux, le produit le plus fondamental est un bassin de diplômés bien formés, habitués au processus de la recherche concertée et qui veulent travailler dans ces entreprises.

C'est le premier pas. L'entreprise se demande s'il vaut mieux obtenir le rapport ou son auteur? Il vaut mieux obtenir l'auteur parce que l'entreprise obtient ainsi non seulement les connaissances mais aussi une personne extrêmement souple qui peut ensuite trouver des débouchés, en fonction de son expérience pertinente pour l'entreprise.

C'est ce pont, en train de se construire entre le milieu universitaire et l'industrie, qui est absolument fondamental.

Mme Brushett: Je suis d'accord. Mais les universités qui ne sont pas reliées actuellement ont du mal à mettre leurs chercheurs en contact avec les entrepreneurs. Il s'agit de capital de risque. Il en faut beaucoup. Les investisseurs ne sont peut-être pas très patients, mais ils ont beaucoup de capital à investir. Mais comment faites-vous le lien?

M. MacIsaac: Je crois qu'il ne faudrait peut-être pas supposer que les investisseurs qui ont du capital de risque s'intéressent aux questions dont nous avons discuté aujourd'hui. Ils veulent que leur capital rapporte dans deux ans et c'est parfois très difficile.

Mme Brushett: Je voudrais apporter un éclaircissement. Le Fonds de découvertes médicales canadiennes, par exemple, examine actuellement les possibilités d'investissement dans les universités. Il y a des investisseurs.

M. MacIsaac: D'accord.

Le président: Merci, madame Brushett.

M. Bourdages: L'un des défis que doivent relever les réseaux de centres d'excellence consiste à faire sortir les chercheurs universitaires des universités et à les amener dans le vrai monde. Notre réseau, et la plupart des autres, je crois, a des règles et des lignes directrices très claires afin que les projets de recherche concertée soient financés, mais pas les projets isolés. Supposons que vous avez un partenaire industriel. Plus il y a de partenaires, plus les chances d'obtenir du financement sont élevées.

Mme Brushett: Supposons que je sois un chercheur dans un réseau de centres d'excellence. M'incombe-t-il à moi qui souhaite effectuer tels travaux de recherche de cogner aux portes pour trouver un partenaire industriel?

M. Bourdages: C'est un moyen.

Dans notre cas, nous avons un Comité de planification de la recherche, où siègent les universités, les gouvernements et des industries. Ce comité choisit les projets. Alors si le chercheur peut proposer avec ses partenaires un projet de recherche concertée au Comité de planification de la recherche, il trouvera un partenaire industriel par ce mécanisme. Il peut aussi aller frapper aux portes. Beaucoup le font.

Mme Brushett: Est-ce qu'une grande partie de ces travaux de recherche aboutissent dans des entreprises américaines?

M. Bourdages: Très peu.

Mme Brushett: J'ai posé des questions mardi dernier à l'un de nos centres. Les résultats de la recherche s'en vont parce qu'une fois de plus nous n'en sommes pas propriétaires. Le gouvernement a financé la recherche, mais elle traverse la frontière parce que personne n'est intéressé au Canada.

Le président: Pardonnez-moi, madame Brushett. Je ne sais pas si la guillotine va nous couper le cou, mais je pense que nous ne devrions pas retenir nos invités plus longtemps. Nous devrions conclure.

Nous poursuivrons ces discussions et ces questions, mais au nom des membres de tous les partis, j'aimerais vous remercier pour un exposé fantastique et pour le travail remarquable que vous faites.

Madame Brushett, veuillez continuer.

Mme Brushett: Au sujet de la propriété, je pense que le gouvernement est confronté à un vrai dilemme en ce qui concerne le financement de la recherche et qui est propriétaire des brevets. Nous ne réussissons pas toujours à «exploiter» cette recherche - je ne sais pas trop quel autre mot employer pour créer des emplois au Canada. Quelle est la solution?

M. Rogers: Les lignes directrices du CNRSG prévoient des avantages pour le Canada dans le cas du programme des réseaux de centres d'excellence et elles insistent sur l'exploitation au Canada. Mais elles reconnaissent aussi qu'en l'absence d'une capacité de réception, s'il a été démontré qu'on s'est vraiment efforcé de trouver un partenaire canadien, alors, dans certaines circonstances, il peut être permis de collaborer avec des promoteurs étrangers. Mais, cette collaboration est réglementée elle aussi afin de s'assurer qu'il y a un avantage résiduel pour le Canada.

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M. MacIsaac: J'ai une observation et une suggestion à ce sujet. Géographiquement, le Canada mesure 200 milles de large et 4 000 milles de long. Il est collé sur la frontière américaine. Vous ne pouvez pas nier que la plupart de nos marchés se trouvent aux États-Unis. Vous ne pouvez pas nier que la plupart de nos liens se font en direction nord-sud.

Je suis confronté régulièrement à ce problème. Ma réponse à n'importe quel partenaire américain est que s'il investit dans mes travaux, j'investirai moi aussi. Dans la mesure où une entreprise canadienne a une possibilité d'exploiter les résultats, j'ai toujours constaté que les échanges de technologie et d'argent se font à part égale entre le Nord et le Sud.

Je ne crois donc pas que le Canada devrait s'isoler. Je pense que si nous savons comment nous y prendre, nous profiterons énormément de ce genre de lien.

Mme Brushett: Nous aimerions seulement en tirer quelques emplois de plus.

M. MacIsaac: Je comprends, mais je pense que vous y parviendrez si vous procédez de cette façon.

Mme Brushett: Merci.

Le président: Merci, madame Brushett.

Encore une fois, félicitations aux témoins. Merci beaucoup.

La séance est levée.

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