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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 18 février 1997

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[Traduction]

La présidente: Bonjour et bienvenue à cette séance du Comité de la justice. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-55 et du projet de loi C-254, un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par Mme Meredith.

Aujourd'hui, nous recevons les représentants de l'Union des employés du solliciteur général, et plus particulièrement Mme Lynn Ray, présidente nationale, et Vladimir Kozicki, agent de service. Je tiens à vous souhaiter la bienvenue, et en même temps, je vous présente mes excuses car ce matin je me suis trompée de salle. C'est une véritable manie chez moi, et je ne peux pas m'en débarrasser.

Je sais que vous avez un mémoire dont nous avons un exemplaire. Je vais donc vous demander de faire votre exposé après quoi nous passerons aux questions.

Mme Lynn Ray (présidente nationale, Union des employés du solliciteur général): Merci beaucoup, madame la présidente, et merci aux membres du comité d'avoir accepté de nous recevoir.

Comme vous l'avez observé, je suis accompagnée ce matin de Vladimir Kozicki, un agent de service à l'Union des employés du solliciteur général. Je suis présidente nationale de l'Union des employés du solliciteur général. Après notre déclaration d'ouverture, nous nous ferons un plaisir de répondre à toutes vos questions.

L'Union des employés du solliciteur général est l'organisme le plus important représentant le personnel du Service correctionnel du Canada. Au total, nous représentons plus de 14 000 membres dans tout le système canadien de justice pénale. Évidemment, 1 354 de ces membres sont des agents de gestion des cas qui travaillent en établissements et dans la communauté.

Le projet de loi C-55 va les gêner dans leur tâche qui consiste à protéger les Canadiens contre une libération prématurée des délinquants dangereux.

Ce qui nous inquiète, ce ne sont pas tant les répercussions légales du projet de loi - et beaucoup de témoins sont venus discuter de cette question devant le comité - ni les normes qui servent à déterminer ce qui constitue un délinquant dangereux. Nous ne protestons pas non plus contre la création d'une nouvelle catégorie de délinquants à contrôler. À notre avis, c'est aux Canadiens et à leurs législateurs de discuter du traitement des délinquants dangereux.

Ce qui nous inquiète, c'est que dans les conditions actuelles, le Service correctionnel du Canada n'a pas les ressources nécessaires pour surveiller cette nouvelle catégorie de délinquants à contrôler. De plus, le nouveau système de surveillance électronique des délinquants dans la communauté, un système qui doit être confié à des entrepreneurs privés, pourrait fort bien être un véritable désastre. Pour que le projet de loi C-55 ait la moindre efficacité, il va falloir changer la situation actuelle au SCC.

Nous ne demandons pas à votre comité de nous croire sur parole; pendant son étude, le vérificateur général lui-même a conclu que la réintégration des délinquants serait une source de problèmes. Par exemple, les agents de gestion des cas travaillent dans les établissements et il n'y a aucune norme pour le nombre de cas confiés à chacun. Il a fait observer que leur formation est insuffisante, puisqu'ils doivent apprendre en huit jours seulement la façon de formuler les recommandations de libération.

À cause du surpeuplement et du manque de personnel, les agents de gestion des cas passent énormément de temps à faire des fouilles et à exécuter d'autres tâches liées à la sécurité. La préparation des cas, cruciale pour la Commission nationale des libérations conditionnelles, souffre donc des retards. Il faut espérer qu'en dépit de ces retards, le travail est fait de façon satisfaisante, parce que les conséquences seraient et pourraient être désastreuses.

Dans la communauté, l'agent de gestion des cas est devenu aujourd'hui un agent administratif. Le système de gestion des délinquants est parfois un véritable cauchemar. Il s'effondre régulièrement. Dans la plupart des cas, les agents de gestion des cas passent autant de temps à remplir des rapports qu'à surveiller et réadapter les délinquants.

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Tous les délinquants ne sont pas des Clifford Olson, mais les agents de gestion des cas doivent constamment être vigilants dans la surveillance de leurs cas pour s'assurer qu'il n'y aura pas un autre Olson. Or, cela est impossible quand on est vissé devant un ordinateur. Et pourtant, le projet de loi C-55 envisage d'accélérer les semi-libertés pour les délinquants non violents. Autrement dit, un cas sera préparé dans les deux, peut-être trois mois qui suivent l'admission du délinquant dans le système. D'après le vérificateur général, on ne réussit déjà pas à faire face au nombre de cas actuels.

Pour compliquer encore les choses, le projet de loi envisage de prolonger la période de surveillance des délinquants de carrière jusqu'à 10 ans. Si l'on en croit le ministre de la Justice, la plupart de ces cas seront des délinquants sexuels. Ce sont les cas les plus difficiles à évaluer lorsqu'il s'agit de les libérer et de les surveiller dans la communauté. Il ne faut pas oublier non plus qu'on prévoit une augmentation de 50 p. 100 de la population carcérale canadienne au cours des 10 prochaines années.

En janvier, dans six établissements en même temps, les prisonniers ont été confinés à leur cellule. Donnacona au Québec, Drumheller en Alberta - ce sont des établissements qui ont explosé il y a quelques semaines. À Millhaven, Kingston, Ontario, le siège dure depuis le 21 janvier. Heureusement, aucun membre du personnel n'a été blessé. Les délinquants sont de plus en plus agités, ils en ont assez des cellules à deux occupants, et à côté de cela, le service espère libérer de plus en plus de délinquants dans la communauté.

Récemment, le commissaire nous a dit que le ministère avait l'intention de diminuer les effectifs par rapport au nombre de détenus. Mais en même temps, il nous a assuré qu'on n'embaucherait pas de nouveaux agents de correction. Cela ne peut signifier qu'une chose: il y aura plus de délinquants qui se retrouveront dans la rue. Au bout de quelques mois, les gens qui, à la porte de nos établissements, décident qui reste et qui part, seront débordés. Tôt ou tard, on libérera un délinquant qu'on n'aurait pas dû libérer. Si on ne réévalue pas soigneusement les ressources des agents de gestion des cas, il est fort possible qu'on libère un délinquant qui n'aurait pas dû l'être, et cela, longtemps avant la date de sa libération.

Enfin, on parle de mettre en place un système de surveillance électronique et de confier la surveillance de ces délinquants à des intérêts privés. En notre qualité de membres de la communauté, nous ne pouvons pas accepter qu'une compagnie privée, une compagnie qui n'est pas responsable directement devant le commissaire, devant le ministre et devant les Canadiens, soit responsable de surveiller les délinquants dans la communauté. Un contrat ne peut pas être annulé du jour au lendemain, surtout si l'une des parties décide de faire appel aux tribunaux.

Dans l'intervalle, le SCC serait forcé de faire ce qu'il aurait dû faire dès le début: faire le travail lui-même. La situation n'est déjà pas rose, le système s'est déjà détérioré d'une façon qui n'est pas acceptable et, depuis deux ans, le vérificateur général envoie des mises en garde au SCC.

Avant de rédiger le projet de loi C-55, on n'a pas suffisamment consulté les agents de gestion des cas, et pour autant que nous sachions, on n'a pas l'intention d'évaluer les ressources nécessaires à l'application de ces dispositions. Si le Parlement souhaite adopter le projet de loi C-55, il doit s'assurer que le Service correctionnel du Canada dispose des moyens nécessaires pour en faire une réalité. Nous prions instamment les membres du comité d'intervenir auprès du ministre et du commissaire et de s'assurer que le ministère engage les ressources nécessaires pour appliquer comme il se doit le projet de loi C-55.

Le vérificateur général a dit que les agents de gestion des cas étaient un groupe de professionnels dévoués et travailleurs, mais ils ne peuvent pas faire des miracles. La sécurité de nos communautés en dépend.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci.

Madame Meredith, dix minutes.

Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): Merci, madame la présidente, et bienvenue.

Vous me donnez l'impression soit de n'être pas d'accord avec le projet de loi C-55, soit d'y être en faveur à condition qu'on injecte des fonds supplémentaires dans le système pour s'assurer que le Service correctionnel du Canada dispose des ressources nécessaires pour remplir le mandat qui lui est confié par cette législation.

Mme Ray: Comme je l'ai dit, nous ne nous sommes prononcés ni pour ni contre le projet de loi, mais nos membres sont venus nous dire à de nombreuses reprises qu'ils ne seront pas en mesure d'exécuter les dispositions du projet de loi sous cette forme. En particulier, ce qui nous a inquiétés, c'est que le commissaire ait déclaré devant le comité qu'il ne demandait pas de ressources supplémentaires, qu'à son avis tout cela pouvait se faire avec les ressources actuelles.

Il y a quelques années, six ans je crois, je n'en suis pas sûre mais je pourrais faire des recherches, le commissaire avait réorganisé tout le service des agents de gestion de cas, et une proportion importante du travail qu'ils faisaient dans la communauté a été ramenée dans les établissements. Ces gens-là doivent porter deux, parfois trois casquettes, et s'occuper de sécurité, etc. En attendant, le nombre des agents dans la population et le nombre des agents de gestion de cas ont baissé considérablement.

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Mme Meredith: Autrement dit, ce sont les portions du projet de loi C-55 qui portent sur les délinquants à contrôler qui vous inquiètent le plus.

Mme Ray: Oui.

Mme Meredith: Vous n'avez pas vraiment parlé des parties qui portent sur les délinquants dangereux, mais ce qui vous inquiète, c'est ce projet de surveillance dans la communauté pour les délinquants à contrôler.

Mme Ray: Absolument. Nous pensons qu'il y aura un certain délai, mais à long terme, le nombre des cas confiés à chaque agent, qui est déjà très élevé dans la communauté à l'heure actuelle, beaucoup trop dans certaines régions, va augmenter encore plus.

Mme Meredith: Pensez-vous que les passages de ce projet de loi qui portent sur les délinquants à contrôler ont fort peu de chance de donner de bons résultats à long terme, ou du moins que les résultats ne peuvent être que limités? Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez du projet de loi C-55 en ce qui concerne la catégorie des délinquants à contrôler?

Mme Ray: Je ne comprends pas très bien ce que vous me demandez.

Mme Meredith: Compte tenu des ressources dont vous disposez actuellement, pensez-vous que le nouveau système ne peut pas fonctionner, qu'il peut fonctionner dans une certaine mesure, ou bien qu'il va donner d'excellents résultats?

Mme Ray: La haute direction a certainement décidé de faire ce qu'il fallait pour que cela fonctionne. Ce qui nous inquiète, c'est que les gens que nous représentons sont déjà surchargés de travail; ils sont loin d'être suffisamment nombreux, ils n'ont pas une formation suffisante, et ils ont très peu de normes pour les guider dans leur travail. Or, ce sont eux qui, d'une façon ou d'une autre, vont devoir appliquer ces dispositions. On finira par prendre des décisions au jour le jour, par éteindre les flammes ici et là au lieu de prévenir les incendies.

Mme Meredith: Je ne devrais peut-être pas vous mettre sur la sellette, mais si j'ai bien compris, la raison d'être de cette disposition sur les délinquants à contrôler, c'est que certaines personnes ne sont pas vraiment des délinquants dangereux, mais elles présentent tout de même des risques de récidive élevés. Ces gens-là seront donc mis sous surveillance, et au lieu de les désigner délinquants dangereux, avec cette disposition, ils seront désignés délinquants à contrôler. Le risque de récidive reste très élevé. J'ai l'impression qu'à votre avis il ne sera pas possible de les surveiller suffisamment dans la communauté, demain ou le mois prochain, pour protéger la société.

Mme Ray: Vous avez parfaitement raison.

M. Vladimir Kozicki (agent de service, Union des employés du solliciteur général): C'est tout à fait exact.

Mme Ray: S'il était possible, comme cela a été le cas avec certains projets, de surveiller de façon intensive les délinquants qui présentent un risque de récidive élevé, ce serait merveilleux. Le problème, c'est que nous n'avons tout simplement pas les ressources nécessaires. En fait, les agents de gestion des cas n'ont ni le temps ni la compétence nécessaires pour donner à ces personnes toute l'attention voulue.

Mme Meredith: Trouvez-vous que les individus qui présentent un risque élevé de récidive et qui avec le système de libération actuel sont relâchés lorsqu'ils ont purgé les deux tiers de leur sentence ou relâchés à la fin de leur peine - et dans ce second cas, il n'est plus possible de les surveiller - pensez-vous qu'ils sont actuellement suffisamment surveillés? Pensez-vous que la société est suffisamment protégée quand la loi oblige à libérer ces gens-là lorsqu'ils ont purgé les deux tiers de leur peine?

Mme Ray: Je ne suis pas certaine d'être bien compétente pour répondre à cette question. Je peux vous dire que nos membres qui travaillent pour le Service correctionnel du Canada font tout leur possible pour s'assurer que le système ne déraille pas. Cela dit, nous connaissons tous les causes célèbres des années passées, les incidents que nous aurions préféré ne pas voir, et que nous ne voulons certainement pas voir répéter à l'avenir. Le problème, c'est que les responsables sont déjà surchargés de travail, et dans le meilleur des cas, ils reçoivent une formation minime et le soutien dont ils disposent n'est pas suffisant non plus. Nous voudrions voir des améliorations dans tous ces domaines pour nous permettre de faire face à ces cas-là.

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Mme Meredith: Vous vous attendez à ce que la catégorie de délinquants à contrôler introduite par le projet de loi C-55 se traduise par une augmentation des libérations d'office, n'est-ce pas? Vous pensez qu'il y en aura beaucoup plus?

M. Kozicki: Ce sera aux tribunaux de décider s'ils veulent utiliser la disposition relative aux délinquants à contrôler. Lorsque le passage du Code criminel relatif aux délinquants dangereux est entré en vigueur il y a de nombreuses années, on s'attendait à une énorme augmentation, on s'attendait à ce que cette clause soit fréquemment invoquée. En fait, on s'est aperçu par la suite que ce n'était pas le cas, parce que la norme juridique était très élevée, et plusieurs provinces n'ont pas éprouvé la nécessité, ou n'ont pas pensé pouvoir convaincre les tribunaux de la nécessité de désigner un délinquant comme étant dangereux.

Seul l'avenir nous dira si les choses se passeront de la même façon avec la disposition sur les délinquants à contrôler du projet de loi C-55. Toutefois, si cette disposition a été invoquée, même dans de rares cas... nous trouvons déjà que le nombre de cas confiés à chaque agent de gestion des cas dans l'ensemble du système de réintégration des délinquants, en particulier dans la communauté, est déjà près du point de rupture. Si les tribunaux utilisent le moindrement la disposition sur les délinquants à contrôler, ce sera la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Malheureusement, comme vous le savez, cela pourrait avoir des conséquences désastreuses.

On peut prétendre que notre taux de récidive est le plus bas au monde... notre système fonctionne de façon assez satisfaisante. Or, cela est certainement attribuable, comme le vérificateur général l'a signalé, à la diligence et au professionnalisme des agents de gestion des cas, mais ces gens-là travaillent avec très peu de ressources, et ils sont forcés, en plus, d'accomplir des tâches qui ne sont pas les leurs.

Mme Meredith: Quand vous dites qu'ils ont très peu de ressources, de quoi auraient-ils besoin pour bien faire leur travail? De quoi parlez-vous?

Mme Ray: Le système de gestion des délinquants, par exemple, est un système très lourd, qui exige un personnel considérable. L'entrée des données dans le système est un très gros travail, et les responsables sont souvent forcés d'aller à la chasse aux données qu'on ne leur a pas communiquées. Bref, ils font aujourd'hui un travail de secrétariat. Ils passent beaucoup trop de temps devant leur ordinateur pour s'assurer que tous les points et virgules sont bien à leur place, et pendant ce temps-là, ils ne vont pas travailler activement avec les gens qu'ils sont censés surveiller.

La même chose est vraie à l'intérieur des pénitenciers. En plus de cela, les agents de gestion des cas sont souvent appelés à accomplir d'autres tâches que la gestion de cas, ils doivent s'occuper de ce système de gestion des délinquants qui est très lourd, qui n'est pas convivial.

Un beau matin, il y a quelque temps, je suis allée voir un agent et je lui ai suggéré d'ouvrir un dossier qu'on venait de lui confier. Nous avons commencé vers 9 h 30 du matin, et à midi nous n'avions pas encore fini d'entrer toutes les données de ce délinquant dans le système. Comme je n'y connaissais pas grand-chose et que je posais des questions, je lui ai probablement fait perdre du temps, mais ça représente tout de même beaucoup de temps, seulement pour ouvrir un dossier.

Mme Meredith: Quand vous parlez de ressources, vous parlez donc de ressources techniques, comme un meilleur programme d'ordinateur, ou bien voulez-vous dire des effectifs plus nombreux?

Mme Ray: C'est tout cela à la fois. Quand le programme d'ordinateur a été mis en place, une bonne partie du personnel de soutien a été éliminé ou a changé. Les agents de gestion des cas font actuellement tout leur travail de soutien. Il n'y a pas suffisamment d'agents de gestion des cas et leur charge de travail est telle qu'ils ne peuvent pas faire le travail intense - j'hésite à utiliser ce mot qui veut dire quelque chose de différent selon les personnes. Pour nous, la surveillance intense, c'est un programme particulier. De toute façon, les agents de gestion des cas auraient du mal à faire de la surveillance intense de délinquants dangereux quand ils ont tellement d'autres cas, et quand ils sont forcés de faire tout leur travail de soutien eux-mêmes. J'ai déjà expliqué que dans les établissements les agents de gestion des cas portaient plusieurs casquettes, ils s'occupent de sécurité, ils conseillent les détenus, ils font de la formation.

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Mme Meredith: Je ne veux pas m'appesantir sur ce point, mais à l'ère de l'ordinateur, il ne sert plus à rien de confier à un secrétaire un travail qui est facile à faire sur un terminal d'ordinateur. Les gens peuvent entrer ces informations au lieu de les écrire à la main pour que quelqu'un d'autre les transfère sur l'ordinateur.

Voilà donc un progrès technologique, mais si c'est de l'ensemble du système que vous parlez, si vous dites que c'est un système dépassé, qui ne fonctionne pas comme il le devrait, qu'il faut beaucoup trop de temps pour entrer les informations...

M. Kozicki: Le ministère vient de modifier son manuel de gestion des délinquants et plusieurs critères décisionnels ont été changés. Je ne me souviens pas des détails, mais on est passé de neuf critères à trois, par exemple, et le SGD n'avait jamais été changé. Il fallait toujours entrer les neuf anciens critères pour pouvoir prendre une décision.

Malheureusement, très souvent la main droite ne sait pas ce que fait la main gauche dans le système de gestion et de réintégration des délinquants. Voilà donc un des problèmes des membres de notre personnel qui doivent travailler avec un manuel qui dit une chose et un système d'ordinateur qui dit autre chose.

Mme Ray: La majeure partie du travail qui était jadis accomplie par le personnel de soutien, par exemple, ouvrir de nouveaux dossiers, etc., retombe maintenant sur les agents de gestion des cas. Autrement dit, dorénavant, ils font à la fois leur travail et le travail de soutien. Les ressources libérées grâce à la réduction du personnel de soutien ne se sont pas traduites par une augmentation du nombre des postes de gestion des cas.

La présidente: Je vous ai laissée parler car vos questions m'intéressaient. En avez-vous d'autres?

Mme Meredith: Peut-être au prochain tour.

La présidente: Monsieur DeVillers.

M. DeVillers (Simcoe-Nord): Merci, madame la présidente.

Je remercie les témoins d'être venus. Le message que vous nous apportez est particulièrement important. Toutefois, je constate que les problèmes dont vous parlez tiennent plus à l'administration du ministère qu'au projet de loi étudié par ce comité et au sujet duquel nous devons présenter un rapport à la Chambre. Vous avez dit que vous n'aviez pas pris position pour ou contre le projet de loi, mais vous semblez penser qu'il ne sert à rien d'adopter le projet de loi si on ne débloque pas les ressources nécessaires pour exécuter les fonctions supplémentaires prévues par le projet de loi. C'est bien votre position.

Mme Ray: Absolument, c'est tout à fait exact, et si nous avons demandé à comparaître devant le comité, c'est qu'il y a quelques années, certains projets de loi, et en particulier les révisions à la LSCMLC, avaient été adoptés, et à l'époque nous n'avions pas comparu devant le comité pour demander les ressources nécessaires. Depuis lors, nous en subissons les conséquences. Voilà donc notre motivation, et nous ne nous en excusons pas.

M. DeVillers: Je pense que c'est une bonne chose, mais si on considère le rôle de ce comité et les outils dont il a besoin pour préparer son rapport à la Chambre, cette discussion dépasse un peu le cadre de nos responsabilités actuelles. Ces informations sont très nécessaires, et il est bon que le comité soit prévenu, mais peut-être faudrait-il trouver une autre tribune, car nous ne sommes pas en mesure de formuler des recommandations dans un rapport. On nous demande de faire un rapport sur le projet de loi, mais je ne suis pas certain que notre comité puisse aborder ce problème. Cela dit, nous apprécions beaucoup les informations que vous venez nous donner.

M. Kozicki: Peut-être pas en tant que comité, mais en tant que députés, il est certain que vous avez plus de contacts avec le ministre que nous.

M. DeVillers: C'est la raison pour laquelle j'ai dit que ce message intéressant devait être soumis à une autre tribune.

M. Kozicki: Le Cabinet et le Conseil du Trésor pourront décider d'allouer des fonds ou de ne pas en allouer, parce qu'en réalité, il s'agit de dollars et de cents, d'une révision du budget et des ressources du ministère. Nous avions espéré qu'indépendamment de vos fonctions de membres de ce comité, vous pourriez faire part de nos préoccupations au ministère et au ministre.

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M. DeVillers: C'est une leçon que nous, législateurs, devons toujours garder présente à l'esprit. Il est inutile d'adopter des lois si, en même temps, nous ne fournissons pas les outils nécessaires à leur exécution.

Merci. C'est tout ce que j'avais à dire.

La présidente: Merci, monsieur DeVillers.

Vous avez une question?

M. Discepola (Vaudreuil): Oui. Je reviens à ce que Paul disait. J'ai lu votre mémoire avec beaucoup de difficultés, et j'ai essayé de faire une distinction entre les problèmes qui pouvaient être considérés comme des problèmes entre la direction et le syndicat et ceux auxquels nous pouvions trouver une solution dans le cadre de la législation. Je suis un peu déçu de constater que vous n'avez pas pris le temps de faire des observations concrètes et de prendre position au sujet du projet de loi.

Tout comme Paul, je considère que ces problèmes doivent être soulevés ailleurs. Quant à notre comité, dès le départ, il a bien posé la question. Lorsque le commissaire a comparu, les membres de l'opposition lui ont posé des questions pour s'assurer qu'on disposerait bien des ressources nécessaires. Vous avez dit la même chose. Par exemple, la disposition sur les délinquants dangereux n'a pas provoqué du jour au lendemain une avalanche de nouveaux cas nécessitant de nouvelles ressources.

Ce qui me préoccupe, c'est que chaque année le vérificateur général répète les mêmes préoccupations. Je vous remercie d'avoir porté ces préoccupations à notre attention, mais en même temps, je pense que vous devriez défendre votre cause auprès de vos supérieurs immédiats.

Mme Ray: Je peux vous assurer que nous défendons notre cause auprès de nos supérieurs immédiats, et même auprès du ministre. Ce n'est pas quelque chose de nouveau, nous l'avons déjà dit. L'ennui, c'est que les législateurs répondent à un besoin qui se manifeste dans la communauté, mais en même temps, ils ne donnent pas forcément aux ministères les ressources et les outils nécessaires. Quand nous avons appris que le commissaire et le ministre n'avaient pas jugé bon de prévoir des ressources supplémentaires, nous savions que cela aurait des répercussions dans le système, et nous avons jugé important...

M. Discepola: Mais le vérificateur général a dit également qu'à son avis on n'avait pas besoin de ressources supplémentaires. Il pense qu'il suffit de mieux utiliser les ressources actuelles, de mieux les canaliser. Quand vous voyez une région où un nombre très limité de cas utilisent un pourcentage X des ressources, et une autre région où pour le même genre de cas, il faut beaucoup plus ou beaucoup moins de ressources, voilà le genre de choses que le SCC devrait étudier de plus près.

Quand nous traitons les délinquants, quand nous adoptons une politique quelconque, comment se fait-il que souvent ça fonctionne mieux dans une région ou encore ça coûte beaucoup moins cher dans une autre. Dans ce climat de compressions financières, c'est malheureusement une chose à laquelle vous allez devoir vous habituer. Il va falloir que vous appreniez à mieux répartir les ressources dont vous disposez, au lieu de venir nous supplier de débloquer des ressources supplémentaires. Si nous cherchions à obtenir des ressources supplémentaires ailleurs, ce serait à peu près aussi utile que de se taper la tête contre les murs.

À propos de la surveillance électronique, là encore, vous semblez ne pas prendre position, vous vous contentez de défendre votre propre position, ce qui est probablement la chose à faire, puisque vous êtes ici. Quand vous dites qu'il ne faut pas privatiser, les offres de contrats pourraient s'accompagner de spécifications qui vous rassureraient. Encore une fois, c'est un simple outil de surveillance. Cela ne remplacera pas autre chose. Je ne vois pas comment le SCC serait affecté parce qu'en réalité, c'est la Commission nationale des libérations conditionnelles qui serait chargée de la surveillance de longue durée après l'expiration du mandat.

Mme Ray: Je peux vous assurer que nous avons bel et bien une position au sujet de la surveillance électronique, et nous sommes contre. Voilà plusieurs années que nous répétons cela, et je vais vous expliquer pourquoi. Nous avons vu des sous-traitants privés embauchés dans d'autres provinces et dans d'autres pays. Nous avons vu ce qui se passait. Ces sous-traitants privés embauchent des techniciens pour utiliser le matériel, et ces techniciens sont extrêmement compétents. Cela dit, ce ne sont pas des agents de gestion des cas, ce ne sont pas non plus des agents de la paix, et d'autre part, ils n'ont ni l'autorité ni le pouvoir d'exécuter des révocations et autres mesures nécessaires. En fait, c'est sur la base d'un calendrier que ces techniciens décident si un délinquant respecte ou pas les termes de sa libération. Normalement, si au bout d'une période de temps X on n'a pas reçu de signal ou on n'a pas eu de nouvelles de la personne surveillée, on doit téléphoner à l'agent de liberté conditionnelle ou encore prendre soi-même une décision en ce qui concerne la situation.

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Il s'agit donc, d'une manière générale, de personnes n'ayant aucune expérience du système de justice pénale. Ce sont des techniciens, et de très bons techniciens, sans aucun doute, mais ils prennent des décisions qui devraient être prises par les agents de gestion des cas qui ont la responsabilité des dossiers.

M. Discepola: Je ne pense pas que cette surveillance électronique supplanterait les responsables des décisions. Cette surveillance électronique sert uniquement à contrôler les déplacements des détenus. Ces dernières années, l'expérience montré que lorsque cette surveillance était exercée par des êtres humains, les résultats n'étaient pas toujours probants.

Mme Ray: Il y a quelques années des détecteurs d'intrusion périmétrique ont été installés autour de tous nos établissements. Il était prévu que la surveillance finirait par n'être plus assurée que par ces appareils sans aucune présence humaine.

Aujourd'hui ces appareils sont toujours là, mais les gardes sont aussi toujours là. Comme tout autre appareil électronique, ces détecteurs ne sont pas sans défaut. Dans les Prairies, par exemple, l'alarme est régulièrement déclenchée par les herbes roulantes. Dans d'autres cas, ce sont de petits animaux ou des oiseaux. Ce que je veux dire...

M. Discepola: La mention de la surveillance électronique est très vague.

La présidente: Monsieur Discepola, parler en même temps ne mène pas à grand-chose.

Mme Ray: Merci. Je veux dire simplement que l'électronique n'est pas sans défaut. Venant s'ajouter au problème de la technologie, il y a celui de personnes qui ne sont pas spécialement formées et qui n'ont pas à rendre compte de ce qu'elles font.

M. Discepola: Merci.

La présidente: Merci, monsieur Discepola. Est-ce que vous...

Mme Meredith: Nos audiences concernent aussi le projet de loi C-254, Loi sur les délinquants dangereux. Il propose des prolongations de détention qui permettraient au Service correctionnel...

Quand vous savez qu'un de vos pensionnaires est un délinquant à haut risque et qu'il y a de fortes chances qu'une fois libéré il récidive et blesse grièvement ou tue quelqu'un, vous ne pouvez rien faire. Ce projet de loi d'initiative parlementaire permet au Service correctionnel d'identifier ces personnes pendant leur dernière année de peine et de transférer leur dossier aux responsables des délinquants dangereux.

Êtes-vous pour?

M. Kozicki: Oui, tout à fait. Comme nous le disons dans notre mémoire - et je me permettrai de le répéter - la façon de gérer le cas des délinquants dangereux... nous n'essayons pas de nous défausser sur personne, mais à notre avis, c'est une question qui doit être tranchée par les Canadiens - par les membres de la collectivité, et par les législateurs qui les représentent.

Vous avez sans aucun doute constaté la position ferme exprimée par l'opinion publique sur cette question. Nous sommes d'autant plus favorables à cette initiative que nos syndiqués sont en contact avec ces délinquants 24 heures par jour. Malheureusement, il arrive que des délinquants détenus ne soient pas jugés dangereux, alors qu'ils devraient probablement l'être. Quoi qu'il en soit, malgré ce problème, nous sommes certes tout à fait favorables aux propositions du projet de loi C-254.

Le problème c'est que la distance à franchir entre une très bonne idée et sa concrétisation dans la réalité est généralement très grande. Transformer la loi en réalité peut prendre longtemps. J'espère que les sonnettes d'alarme que nous tirons, suffiront.

Pour vous donner un exemple, il y a 4 600 postes d'agents correctionnels, des vrais postes, pas des années-personnes. Il y a actuellement 1 300 de ces postes qui ne sont pas comblés, et près de 1 000 d'entre eux qui sont comblés par des vacataires. Les vacataires ont exactement la même formation que les agents à plein temps, mais ils n'ont absolument pas ce sens de permanence et d'appartenance. Leur formation pratique est pour le moins limitée, car ils travaillent une semaine ici, peuvent ne pas avoir d'affectation pendant trois mois, puis retravaillent deux autres semaines là.

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Nous savons que dans certaines unités de pénitenciers à sécurité maximum, comme à Kent en Colombie-Britannique, toutes les équipes peuvent compter jusqu'à 50 p. 100 de vacataires.

Nous sommes donc tout à fait favorables à la détention prolongée des délinquants dangereux, de ceux qui ont été déclarés tels par les tribunaux. Cependant, les incarcérer dans des pénitenciers dont le personnel est inexpérimenté... Disons-le: c'est faire courir un risque à la collectivité.

Mme Meredith: Mais la collectivité ne se sentirait-elle pas plus en sécurité de savoir qu'au moins ils restent en prison...

M. Kozicki: Oui, tout à fait.

Mme Meredith: ... plutôt qu'en train de se promener dehors?

M. Kozicki: Il est préférable pour eux de rester incarcérés et surveillés, même de manière précaire, plutôt que pas du tout.

Cependant, il ne faudrait pas oublier, et c'est peut-être ce que nous essayons de faire comprendre, qu'une fois franchie la porte du pénitencier, et une fois admis dans le système, il faut s'occuper d'eux correctement. Autrement, on risque des incidents comme à Drumheller il y a à peine trois ou quatre semaines.

Mme Meredith: Certains témoins nous ont suggéré que si une personne n'est pas jugée dangereuse au moment de sa sentence, si ses actes n'ont pas été suffisamment graves pour justifier cette qualification, quelle preuve - je suppose qu'il faudrait une preuve - devrait vous permettre, ou à quiconque, de dire que cette personne qui n'a pas été déclarée dangereuse, lors du verdict, devrait l'être aujourd'hui?

En d'autres termes, qu'est-ce qui vous permettrait en tant qu'employé de cet établissement de déterminer que cette personne aurait dû être déclarée dangereuse? Pourquoi devriez-vous être en meilleure mesure que d'autres de vous en rendre compte?

Mme Ray: Pour commencer, il y a, et c'est à espérer, nos agents de gestion des cas qui passent beaucoup de temps avec ces gens.

En plus, ces délinquants ont souvent tendance à se livrer à d'autres activités inacceptables dans nos établissements. Souvent, il n'en est pas tenu compte au moment de prendre ces décisions. Ce sont des activités qui sont souvent sanctionnées à l'interne, ou pour être tout à fait franche, qui ne sont pas sanctionnées du tout parce que le système ne marche pas aussi bien qu'il le devrait.

Il reste que nous sommes les témoins du comportement de ces délinquants, et que nous pouvons plus ou moins prévoir leur réaction.

M. Kozicki: Dans une certaine mesure, le Service correctionnel, applique sa propre procédure judiciaire, quand des infractions sont commises à l'intérieur des pénitenciers, mais elles n'entraînent que des sanctions institutionnelles. Le même genre de délit à l'extérieur pourrait vraisemblablement entraîner des sanctions criminelles.

Selon votre projet de loi d'initiative parlementaire, si les tribunaux souhaitaient suivre un délinquant pendant une année pour déterminer si oui ou non, il devrait être déclaré dangereux, ces infractions institutionnelles, si elles ne sont pas prises en compte - et à notre avis, elles devraient être prises en compte - pourraient ne pas être enregistrées officiellement par des tribunaux comme des infractions criminelles.

Mme Meredith: Vous nous dites que si un détenu essaye de tuer un autre détenu, ou bat, ou poignarde un autre détenu, il n'est pas inculpé de tentative de meurtre?

M. Kozicki: Il arrive qu'il ne soit pas inculpé de tentative de meurtre. Je pourrais certainement par l'intermédiaire du ministère vous transmettre la liste des infractions qui déclenchent automatiquement la procédure judiciaire. Mais il y a beaucoup d'autres infractions, comme par exemple la possession de drogues, qui n'entraînent pas automatiquement une inculpation au criminel.

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J'ai de nombreux exemples de membres de notre syndicat qui, en effectuant une fouille, trouvent des articles de contrebande, en font rapport, comme ils sont censés le faire, et qui n'en constatent aucune conséquence au niveau du délinquant.

Mme Meredith: Lorsqu'il y a eu violence, lorsque le détenu manifeste un désordre de la personnalité - appelez-le comme vous voudrez - lorsqu'il y a violence contre un autre être humain, est-ce que ces délits sont ajoutés à son casier judiciaire?

Mme Ray: Non, je crois que c'est d'ailleurs une question que vous devriez poser au ministère au niveau de ses critères. Nous sommes alarmés par l'escalade d'agressions dont sont victimes nos collègues et qui, à l'extérieur, entraîneraient une inculpation pour voie de faits, mais qui n'entraînent rien à l'intérieur.

Le Service correctionnel a revu à la baisse les critères d'inculpation à l'interne. À un tel point que beaucoup d'agents considèrent que c'est une véritable farce. Ils ne font même plus de rapports car ils savent qu'ils n'aboutiront à rien.

Dans son incarcération précédente, le commissaire actuel m'avait laissé entendre que les gardes, les agents de gestion des cas et les directeurs étaient suffisamment payés pour prendre de temps en temps des coups.

Mme Meredith: À mon avis, le comportement d'un détenu pendant son incarcération peut être une indication de la raison pour laquelle il a commis le délit qu'il l'a mené où il est, ou de la vraisemblance que ce comportement cause de graves problèmes une fois relâché dans la société. Or, si personne ne s'en préoccupe, si ce n'est pas ajouté au dossier du détenu qui devrait être le reflet de la personnalité de cette personne que nous allons relâcher dehors, je m'interroge. Et je suis certaine de ne pas être la seule à m'interroger si, du moment de leur entrée en prison jusqu'à leur sortie, tout le monde se contrefiche de ce qu'ils peuvent bien faire entre les deux. Les conséquences de peines supplémentaires, d'inculpations criminelles qui prolongent la peine, ou qui le font de plus en plus ressembler à un délinquant dangereux...

Mme Ray: Ce sont précisément les craintes de notre syndicat, craintes exprimées par nos membres.

En fait, m'étant dernièrement rendue en Nouvelle-Zélande pour étudier leur système, j'ai été stupéfaite de constater que toute inculpation pour activité criminelle à l'intérieur d'un établissement est sanctionnée par les tribunaux. Ces inculpations, ces prolongations de peine, sont inscrites au dossier du détenu.

Ce n'est pas ce qui se passe chez nous; c'est ce que nous essayons de faire remarquer. C'est encore moins ce qui se passe chez nous si l'agressivité manifestée vise un membre du personnel. Il y a un manque grave du suivi du comportement du détenu.

Mme Meredith: Lorsque la Commission des libérations conditionnelles est saisie d'une demande de semi-liberté ou de libération conditionnelle totale, a-t-elle au moins un dossier où figurent ces infractions?

Mme Ray: Encore une fois, cela dépend de la régularité avec laquelle ces infractions sont inscrites ou non dans le dossier du détenu. Les agents de gestion des cas doivent pouvoir donner des explications sur tout ce qui figure dans ces dossiers. S'il n'y a eu ni inculpation ni sanction sous une forme ou sous une autre à l'interne, ils ne peuvent en faire état dans leur rapport à la commission car le détenu ou son représentant le contestera.

Mme Meredith: Il contestera avoir jamais rien fait ou avoir jamais été inculpé de quoi que ce soit?

Mme Ray: Exactement.

Mme Meredith: Par conséquent, il est innocent?

Mme Ray: Exactement.

Mme Meredith: Merci beaucoup.

La présidente: Merci, madame Meredith.

Y a-t-il d'autres questions?

J'aimerais vous demander une précision à propos de la loi du gouvernement sur les délinquants à haut risque afin d'être sûre de bien comprendre. Si vous arriviez à résoudre, entre autres, vos problèmes de ressources avec votre employeur, pensez-vous que les membres de votre syndicat seraient suffisamment formés et auraient les compétences nécessaires pour remplir le mandat de surveillance de ces gens dans la collectivité que vous confère ce projet de loi?

Mme Ray: C'est un problème historique. Si vous vous en souvenez, il est devenu très apparent pendant l'enquête de la commission. Il a refait surface un certain nombre de fois depuis.

Les agents de gestion des cas dans les établissements, par exemple, bénéficient d'environ huit jours de formation. La plupart du temps en étant simplement intégrés à des modules déjà existants. Nous n'avons rien contre ce genre de formation pratique, mais huit jours pour prendre ce genre de décisions et faire ce genre de recommandations... c'est un peu juste. Surtout quand il s'agit de personnes qui n'ont aucune expérience dans ce domaine et qui viennent tout juste de terminer leurs études. Il y a beaucoup de choses pour lesquelles une formation supplémentaire et complémentaire peut s'avérer nécessaire.

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Nous constatons régulièrement que les modifications apportées à la législation ne sont pas bien communiquées aux agents du Service correctionnel à tous les niveaux de service. Souvent, ils ne connaissent pas et ne comprennent pas les modifications ou les conséquences de ces modifications.

La présidente: Donc, vous dites - et ce n'est pas pour jeter de l'huile sur le feu - que vos membres ne peuvent pas être à la hauteur?

Mme Ray: C'est en partie ce que nous disons depuis le début; on manque de ressources. La formation initiale est acceptable, mais il n'y a depuis des années ni la formation permanente ni le perfectionnement nécessaires pour qu'ils soient toujours à la hauteur de leur tâche.

La présidente: Vous incluez aussi les agents de libération conditionnelle?

Mme Ray: Oui.

La présidente: Donc, vous dites que les agents de libération conditionnelle de Windsor, où j'habite, ne sont pas à la hauteur de leur tâche?

Mme Ray: Non, je dis que pour faire leur travail correctement avec tout le dévouement et toute la conscience nécessaires, il faut que ces agents de libération conditionnelle de Windsor consacrent une énorme partie de leur propre temps et de leurs propres ressources pour rester à la hauteur. Tout cela parce que leur employeur ne les y aide pas. Leur employeur leur offre le strict minimum de formation. Donc, toute personne consciencieuse doit puiser beaucoup plus dans ses propres ressources.

M. Kozicki: Le temps qu'ils passent à faire autre chose que ce qu'ils devraient faire en premier lieu, à savoir gérer les dossiers des délinquants.

La présidente: Vous voudriez qu'une partie des huit heures de travail qu'ils font par jour soit consacrée à de la formation?

Mme Ray: Par forcément tous les jours, mais je souhaiterais un peu plus de formation permanente. Depuis quelques années, il n'y a pratiquement aucune période de formation de prévue.

La présidente: Merci.

Nous allons lever la séance. Notre prochaine réunion commence à 11 heures, dans cette salle et par satellite. Je ne suis pas un génie de la technologie, mon employeur ne me laisse pas de temps pour me former.

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La présidente: Nous sommes prêts à recommencer.

Bonjour, Vancouver. Je m'appelle Shaughnessy Cohen et je suis la présidente du Comité de la justice. Nous sommes ici où il fait très froid et nous venons tout juste de voir par votre fenêtre passer un bateau et j'exige de savoir quelle température il fait à Vancouver.

M. Eric Caton (président, JEMTEC Inc.): Il fait à peu près 8oC.

La présidente: C'est la même chose à Windsor, en Ontario, où nous ne sommes pas.

M. Caton: Pour nous, il fait froid.

La présidente: Je souhaite la bienvenue à Jim Cairns, analyste des établissements des Services correctionnels du ministère du Procureur général de la Colombie-Britannique et Eric Caton de JEMTEC Inc.

Soyez les bienvenus, messieurs. Je sais que vous avez quelques mots pleins de sagesse à nous communiquer et ensuite nous aurons beaucoup de questions à vous poser.

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M. Caton: Je pourrais peut-être vous poser une question. Nous avons 15 minutes, mais est-ce 15 minutes pour les deux ou 15 minutes chacun?

La présidente: Je ne sais pas qui invente ces règles. Prenez autant de temps qu'il vous faudra et ensuite nous vous poserons des questions. Faites simplement comme bon vous semblera.

M. Caton: Très bien. Jim va commencer, puis je vous dirai quelques mots sur la technologie.

M. Jim Cairns (analyste des établissements, Direction des services correctionnels, ministère du Procureur général, province de la Colombie-Britannique): J'ai décidé de faire le plus bref possible et de ne vous dire que quelques mots sur les raisons qui ont incité la Colombie-Britannique à opter pour la surveillance électronique et la manière dont nous nous en servons. Je laisserai ensuite Eric vous parler des aspects techniques.

J'ai pensé vous donner un maximum de temps car je suis certain que vous avez des questions très précises à nous poser. Pour être certain de vous donner les renseignements que vous souhaitez obtenir et non pas vous parler simplement de ce qui nous intéresse, nous allons essayer de vous donner le maximum de temps pour les questions.

Un des objectifs principaux de la Direction des services correctionnels de la Colombie-Britannique est d'offrir une série de programmes en milieu ouvert et en milieu carcéral pour répondre aux besoins en matière de sentence des tribunaux et pour protéger le public. C'est une des raisons pour lesquelles la Colombie-Britannique a un taux d'incarcération relativement faible. Notre Direction offre une série d'alternatives efficaces, novatrices et proactives aux peines traditionnelles d'incarcération.

La direction estime que les délinquants doivent être placés dans le milieu le moins contraignant et le plus économique possible tout en respectant les besoins de la sécurité du public. La majorité des délinquants ne sont pas violents et n'ont pas besoin d'être placés dans un milieu contrôlé. La surveillance électronique est une forme d'incarcération pour certains délinquants qui présentent un risque de récidive faible. Elle fait appel à des moyens technologiques et à une surveillance humaine et permet aux délinquants de purger leur peine de prison chez eux. Grâce à cela, ils peuvent conserver un emploi, poursuivre leur éducation, rester dans leur famille, faire du travail communautaire, et le cas échéant, profiter de programmes communautaires qui sont souvent moins coûteux et plus efficaces.

Légalement, c'est aux termes d'une permission de sortir que ces personnes peuvent purger leur sentence à la maison. Le programme de surveillance électronique, que nous appelons EMP en Colombie-Britannique, a été mis en place à Vancouver en août 1987 sous forme de projet pilote. Depuis lors, le programme a été étendu à toutes les régions de la province et il y a en permanence environ 350 délinquants qui en profitent.

Lorsque nous élaborions le programme en 1987, nous avons mis sur pied une commission consultative de citoyens pour nous aider à régler les problèmes qui devaient l'être. Nous avons invité les membres de plusieurs organismes communautaires et judiciaires, comme la John Howard Society, l'Association pour les libertés civiles de Colombie-Britannique, Mothers Against Drunk Driving (MADD), Citizens United for Safety and Justice, la Société Elizabeth Fry et l'Armée du Salut. Nous voulions avoir l'opinion de la communauté sur ce qui, à l'époque, était une façon très innovatrice et peut-être controversée de traiter les gens sous garde.

Le programme a aujourd'hui été étendu à toutes les régions de la province, et cela depuis 1991, à l'exception de régions très isolées où cela n'aurait pas été économiquement viable. Cela dit, le programme existe dans certaines régions assez éloignées. Nous avons signé des protocoles avec la GRC qui se charge de la surveillance locale et des vérifications à domicile, qui font partie des modalités du programme. Des agents de correction font des visites surprises pour voir ce qui se passe. Ce n'est pas seulement de la surveillance électronique.

Sur le plan des chiffres, pendant l'année financière 1995-1996, il y avait en moyenne chaque jour 303 contrevenants qui participaient au programme, soit une augmentation de 5 p. 100 par rapport à l'année précédente. Cela représentait environ 15 p. 100 de la population totale des détenus. Plus récemment, pendant les neuf premiers mois de 1996-1997, la moyenne était de 340, ce qui représente une augmentation de 12 p. 100 par rapport à l'année dernière. Et une fois de plus, en pourcentage, c'est environ 15 p. 100 de la population carcérale.

Il nous est arrivé d'avoir plus de 400 adhérents au programme, et nous voudrions atteindre une proportion de 20 p. 100 de la population carcérale.

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Quant aux coûts du programme, en 1995-1996, une journée de surveillance électronique coûtait 42,06 $, contre 128,63 $ pour la garde en général, à l'exclusion du programme de surveillance électronique. La différence est donc de 86,57 $ par jour. Là encore, c'est un chiffre théorique car on n'économise pas vraiment cette somme-là pour chaque journée où une personne fait partie du programme. Mais si on défalquait ce chiffre, on aurait 9,5 millions de dollars d'économies pour la direction. Ce ne sont pas vraiment des économies car nous n'économisons pas cet argent en fin de compte, mais nous ne l'avons pas dépensé non plus.

Quant aux coûts marginaux, on a 10 $ par jour dans la communauté et 20 $ par jour dans un établissement. C'est une économie bien moins importante, mais là, c'est une véritable économie. Si nous n'avions pas un système de surveillance humaine, le chiffre serait encore moins élevé, mais en Colombie-Britannique, nous estimons que c'est un élément clé du programme, et par conséquent, nous maintenons ce niveau-là.

Enfin, j'aimerais parler de la catégorie de délinquants auxquels le programme est réservé. C'est une option qui tient à la catégorie. La décision n'est pas prise par les tribunaux. Les délinquants sont condamnés à un programme de garde par le tribunal et la décision de les placer dans ce programme particulier est laissée à la discrétion de la direction des services correctionnels sur la base de la catégorie à laquelle les détenus appartiennent. Les gens qui adhèrent au programme sont d'abord triés et les critères que nous recherchons sont les suivants: volonté de respecter les conditions du programme; une sentence généralement inférieure à six mois, bien que nous envisagions aussi la possibilité pour des peines plus longues; absence d'incidents violents dans le passé criminel du candidat; aucun délit sexuel; le candidat ne doit pas représenter une menace apparente pour la communauté; il doit avoir des engagements constructifs dans la communauté, par exemple sur le plan du travail, de l'éducation, de la participation à des programmes de traitement, de responsabilités pour la garde d'enfants, ce genre de choses. Enfin, le candidat doit être évalué de façon positive dans la communauté.

Comme je l'ai dit, tous les candidats sont évalués avant d'adhérer au programme. Grâce à cela, notre taux de réussite est de 94 p. 100. Dans ces circonstances, on considère que c'est un succès si le candidat parvient à la fin du programme sans avoir été réemprisonné, sans avoir contrevenu aux conditions. Le taux de réussite est de 94 p. 100 pratiquement depuis le début, et il n'a pas changé. Cela témoigne de la qualité du tri effectué par notre personnel.

Dans la majeure partie des cas, les délinquants qui sont renvoyés dans les centres de détention n'ont pas respecté les interdictions relatives à l'alcool ou aux drogues dans leur permis de sortie. Parmi les autres raisons, on trouve des violations de couvre-feu et des problèmes domestiques.

Je vais m'arrêter là et demander à Eric de vous parler des aspects technologiques, après quoi nous répondrons à vos questions. Merci beaucoup.

La présidente: Merci. Allez-y.

M. Caton: Je vais vous parler de la technologie utilisée actuellement au Canada, et m'assurer, en particulier, que vous comprenez bien les limites de cette technologie. Ensuite, nous pourrons peut-être discuter des autres options qui ont été retenues dans diverses provinces et dans les territoires. Enfin, je parlerai de la surveillance permanente des individus dans la communauté.

Pour commencer, la raison d'être de la technologie, c'est qu'elle permet de faire plus avec moins. Grâce à cette technologie, on a besoin de moins d'agents, et il en coûte moins cher de surveiller le même nombre de personnes. Cette technologie, c'est tout d'abord un transmetteur qui est fixé autour de la cheville du client et qui transmet à une distance d'environ 150 pieds à un appareil de surveillance, qui est en fait un récepteur-composeur. C'est un appareil qui se trouve dans la maison du client et qui est branché sur une ligne téléphonique et sur une prise de courant normale de 110 volts. On n'a pas besoin de modifier les installations téléphoniques ou électriques existantes. Cela fonctionne dans 99 p. 100 des foyers où c'est installé. La seule modification qui s'avère parfois nécessaire, c'est dans les maisons où il y avait encore des fils de téléphone fixes, et où on doit installer une prise RJ-11, c'est-à-dire une prise téléphonique normale en plastique transparent.

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Ces deux appareils ont des dispositifs antimodifications qui nous avertissent si la personne sectionne l'appareil fixé à sa cheville ou l'enlève d'une autre façon ou encore si elle débranche le récepteur de la prise électrique ou de la prise téléphonique. Même chose si elle essaye d'ouvrir le boîtier avec un tournevis pour voir ce qu'il y a à l'intérieur. Dès que l'appareil est rebranché sur la ligne téléphonique et qu'il communique avec l'ordinateur central, nous apprenons tout cela.

Dans ce cas particulier, l'ordinateur central se trouve dans un immeuble des services correctionnels en Colombie-Britannique et il enregistre toutes les allées et venues de chaque personne. Chaque personne a un couvre-feu qui lui est propre, et tant qu'elle respecte ce couvre-feu, il n'y a pas de sonnerie d'alarme. Dès que les conditions prévues sont enfreintes, des conditions qui ont été convenues avec les services correctionnels, par exemple en cas de retour tardif, une sonnerie d'alarme est lancée par diverses méthodes, mais ici en Colombie-Britannique, il s'agit d'un système de radio messageries. Un agent reçoit un message radio qui le prévient que la personne n'est pas rentrée. Lorsque la personne revient, l'agent est prévenu, et à ce moment-là, il peut la contacter et déterminer pour quelle raison elle était en retard.

Cette technologie contrôle les présences et les absences. Elle permet à un seul agent de s'occuper d'un grand nombre de clients et de prendre des mesures uniquement lorsque l'un d'entre eux n'observe pas les conditions de son couvre-feu.

Cette technologie de base comporte plusieurs compléments, dont je vais vous parler rapidement. Il y a un appareil de contrôle mobile. Je ne l'ai pas ici aujourd'hui, mais c'est en fait un receveur portatif que l'agent de correction emporte dans son véhicule et qui lui permet, simplement en passant devant le lieu de travail, ou en passant devant le lieu d'une réunion AA, de s'assurer que le délinquant se trouve bien là où il doit être, sans devoir l'interroger devant d'autres personnes. D'une certaine façon, cela évite les situations embarrassantes.

Il y a aussi un détecteur d'alcool à distance qui est utilisé en Ontario, mais non en Colombie-Britannique. Il est installé dans la maison du client et dès que celui-ci rentre du travail, par exemple, l'appareil le prévient et il doit se livrer à une série de tests, en mettant l'appareil contre sa bouche, en soufflant dedans, pour confirmer qu'il n'a pas bu. Il y a plusieurs tests qui permettent de s'assurer que c'est bien le client qui subit le test et non pas sa femme ou ses enfants. Ce sont des tests de vérification de la voix.

Il y a un deuxième système distinct, un système de vérification de la voix. C'est différent du système de détection de l'alcool, et là, ce n'est pas électronique, à l'exception du téléphone du client. On crée un modèle de la voix du client. Une fois que celui-ci est censé être chez lui à cause de son couvre-feu, par exemple le soir, lorsqu'il est rentré du travail, un ordinateur lui téléphone et lui demande de prononcer certains mots. Le client répète ces mots au téléphone et grâce à un procédé breveté, cela confirme que le client est bien la personne qui répond au téléphone. Ce système n'est pas utilisé au Canada actuellement, mais on s'en sert à plusieurs endroits aux États-Unis.

Il y a un autre système qui n'est pas utilisé au Canada, mais qui existe dans plusieurs États américains. Il s'agit d'un système d'intervention, en cas de violence familiale. C'est le système que nous appelons JurisMonitor. Il fait appel à plusieurs technologies et permet de s'assurer que les ordonnances de séparation entre une victime et la personne qui la harcèle sont bien respectées.

Voici comment cela fonctionne: un appareil semblable à ceux dont j'ai déjà parlé permet de faire de la surveillance électronique. Cet appareil est placé sur le harceleur et permet de savoir s'il est chez lui ou pas. Il doit respecter un couvre-feu. La victime a dans sa maison un deuxième récepteur-composeur, et si le harceleur s'approche à environ 500 pieds de sa maison, un appel parvient automatiquement à la police et à un centre de contrôle, et tout cela est enregistré, ce qui permet de constituer un dossier qui permettra à un juge de décider si oui ou non le couvre-feu et l'ordonnance de séparation ont été respectés.

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Je dois dire que cette technologie n'assure pas un haut degré de protection. C'est un appareil de vérification qui sert à s'assurer qu'une ordonnance de séparation a été respectée. Il y a d'autres appareils qui viennent compléter le système. Il y a un téléavertisseur pour la victime, pour qu'elle puisse sortir de chez elle, et qu'elle ne soit pas forcée de rester enfermée. La même victime emporte avec elle un téléphone cellulaire qui est branché sur le 911.

Enfin, et c'est peut-être encore plus important que la technologie, nous recommandons d'accorder la plus grande importance à un programme de réadaptation du harceleur pour l'aider à se débarrasser de ce comportement. Autrement, nous nous contentons d'enfermer quelqu'un dans un placard, pendant trois semaines, ou trois mois, et dès qu'on lui enlève l'équipement, il est à peu près certain qu'il recommencera.

Toutes ces technologies existent, elles sont utilisées. Maintenant, j'aimerais vous parler de ce que nous appelons le contrôle électronique ou pistage permanent.

On a fait beaucoup de bruit récemment, on a répété que nous pouvions pister une personne comme dans un film de James Bond, partout dans une ville, ou même autour du monde. Plusieurs technologies tentent d'accomplir cela, mais en réalité, je ne pense pas que les moyens dont nous disposons actuellement réconfortent vraiment les membres de votre comité, le service correctionnel du Canada ou même quelqu'un qui, comme moi, vend ce matériel.

Un des principaux éléments, c'est le système de positionnement global par satellite de l'armée américaine. C'est un système qui est utile aux marins, aux camionneurs, à des personnes qui sont à l'extérieur, mais les récepteurs actuels ne fonctionnent pas particulièrement bien à l'intérieur des immeubles.

Comme vous le savez probablement, les Canadiens ont tendance à passer l'hiver à l'intérieur des immeubles. Nous saurions quand ils vont à l'extérieur, à condition qu'ils ne soient pas dans un véhicule métallique. Toutefois, nous les perdrions à l'intérieur du Centre Eaton, à Toronto, par exemple, et tant qu'ils ne ressortiraient pas dehors, nous ne saurions pas où ils sont.

On a tenté à plusieurs reprises de surmonter les limitations du GPS et d'autres technologies, pour savoir non seulement où se trouve un accusé ou un contrevenant, mais également, par exemple, où se trouve une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer, où se trouvent les enfants, et toutes sortes de situations de ce genre. Toutefois, jusqu'à présent, on n'a pas encore de technologie qui pourrait être utilisée dans tout le Canada et qui soit suffisamment compacte pour être transportée par un être humain sans trop de difficultés.

Voilà pour l'aspect technologique. Quant à l'infrastructure de soutien nécessaire, c'est également très compliqué, et il faudrait un ordinateur avec une carte numérique de l'ensemble du Canada. Il faudrait également des mises à jour fréquentes, chaque fois que les routes changent, que certains endroits subissent des changements. Les agents devraient préciser quelles avenues le harceleur ou le contrevenant peut ou ne peut pas emprunter et également préciser toutes sortes d'autres choses, pour qu'on puisse localiser la personne et s'assurer qu'elle reste bien dans le périmètre autorisé.

Pour l'instant, nous n'avons ni le logiciel, ni le matériel nécessaires. En ce moment même, on essaye de réaliser cela, car le marché potentiel est énorme, et il ne s'agit pas seulement des services correctionnels. Toutefois, que je sache, il n'existe pas de système qui permette de couvrir l'ensemble du Canada et même dans les grands centres, il reste des lacunes considérables. Cela dit, je pense que toute cette recherche devrait aboutir vers l'an 2000 ou peu de temps après.

Enfin, j'aimerais observer que ce genre de situation suppose des coûts considérables. Le transmetteur porté par le harceleur, le contrevenant ou le client devrait transmettre plusieurs fois par heure, probablement, par les lignes cellulaires locales ou par le réseau téléphonique. Pour faire cela assez régulièrement, par exemple toutes les 10 minutes, il faudrait près de 100 appels par jour. Cela risque de devenir très coûteux, simplement pour les appels.

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Il y a donc des considérations de coûts. Il y a également des considérations cartographiques. Une partie de la technologie n'est pas encore à la hauteur et il est possible qu'on n'ait même pas encore inventé les technologies qui s'avéreront vraiment utiles.

Voilà pour la technologie. Je pense que nous sommes prêts à répondre à vos questions.

La présidente: Merci.

Premièrement, du

[Français]

Bloc québécois, monsieur Langlois. Vous avez dix minutes.

M. Langlois (Bellechasse): Bonjour, Vancouver.

Je m'intéresse à l'aspect technologique. Est-ce que le système actuellement en vigueur et les moyens technologiques dont vous disposez permettent une utilisation individuelle des bidules que vous nous montrez? Est-il plus facile d'exercer ce contrôle en milieu urbain? Est-il plus facile de le faire sur une période de temps donnée? Si, par exemple, une personne doit être chez elle de 22 h à 7 h ou 8 h le lendemain matin, ces moyens techniques doivent vous rendre la surveillance plus facile. Je vous lance mes questions un peu en désordre, mais c'est ce qui me vient à l'esprit.

Qu'est-ce qui se passe quand il doit y avoir une surveillance plus continue? Est-ce qu'on utilise le satellite ou le cellulaire? Est-ce qu'il y a des zones mortes, par exemple? Je vais prendre un cas en Colombie-Britannique. Par exemple, si une personne habite à Merritt et travaille à Cache Creek et que la surveillance cellulaire est interrompue en chemin pour une raison quelconque, est-ce que cela pose un problème? Est-ce que cette personne pourrait, en arrivant au travail, signaler qu'elle est arrivée?

Ce sont les problèmes que je vois, et je voudrais vous demander quelles sont les améliorations possibles ou souhaitables que vous pouvez proposer au système technique qui existe actuellement. Au niveau des statistiques que vous nous avez fournies, les chiffres semblent assez probants concernant le genre de crimes qui peuvent être contrôlés de cette façon. Mais ce qui me semble important, c'est l'aspect technique, et je voudrais savoir quelles sont les améliorations qui seraient souhaitables pour le système.

[Traduction]

M. Caton: Je pense que la technologie pour pister les gens à l'extérieur de leur maison, un système de pistage électronique continu, n'est pas ce qu'il nous faut pour nous assurer qu'une personne de Cache Creek est bien rentrée directement du travail et ne s'est pas arrêtée ailleurs.

Ce que j'aimerais, c'est un système universel qui, comme je l'ai dit plus tôt, comprend une part de technologie cartographique, une couverture universelle pour l'ensemble du Canada, et bien sûr, une technologie qui nous permettra de suivre l'individu dans tous ses déplacements dans la communauté. Il n'existe pas actuellement de technologie qui puisse être utilisée dans tout le Canada. J'aimerais que ce soit une technologie universelle, que cela passe par satellite ou par tour de radiodiffusion, quelque chose qui puisse être utilisé n'importe où. Cela dit, cela n'existe pas encore, et il faut s'attendre à des coûts considérables.

M. Cairns: Quant à l'autre partie de la question, l'adaptation du programme à chaque cas individuel, c'est ainsi que nous administrons le programme en Colombie-Britannique. Les modalités du programme sont différentes selon les individus.

Les agents chargés de la surveillance électronique discutent avec l'intéressé, se mettent d'accord sur un horaire, déterminent quelles sont les distances entre la maison et le lieu de travail ou l'école. Ils jugent le temps nécessaire pour les déplacements, et avant de fixer l'heure du couvre-feu, on commence par déterminer si une personne a besoin de 20 minutes pour aller travailler, de 20 minutes pour revenir, on tient compte du fait qu'elle commence à travailler à 9 heures du matin, et qu'elle termine à 4 h 30, etc. Ainsi, cette personne quitterait sa maison à 8 h 30 du matin ou à 8 h 40, et elle serait tenue d'être rentrée l'après-midi à 4 h 50 ou à 5 heures, selon le cas. Pendant les périodes où elle est absente de sa maison, en dehors du rayon de l'émetteur, le système fait appel à sa bonne foi et lui demande de ne pas s'écarter de l'itinéraire prévu.

Comme Eric l'a dit, nous faisons des vérifications en voiture avec des postes mobiles, nous pouvons aller sur un lieu de travail et vérifier que le client est bien là. Nous pouvons aussi travailler en étroite collaboration avec son employeur. Je ne pense pas qu'il y ait un seul cas de surveillance électronique où l'employeur ne sait pas que son employé fait l'objet d'une surveillance électronique. C'est un moyen que nous utilisons. Si l'intéressé ne se présente pas au travail, l'employeur va nous avertir qu'il ne s'est pas présenté et nous n'avons pas besoin d'attendre un contrôle mobile ou d'attendre le soir pour constater qu'il n'est pas rentré chez lui, pour savoir que les conditions de la libération ont été enfreintes. Cela dit, on fait tout de même appel à leur bonne foi, on s'attend à ce qu'ils se trouvent là où ils sont censés être lorsqu'ils sortent du rayon d'action du matériel. Il y a des incidents, mais ils ne sont pas très fréquents.

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[Français]

M. Langlois: Est-ce que vous avez des statistiques ou des chiffres concernant des personnes qui n'auraient pas respecté les conditions de surveillance électronique, non pas volontairement, mais à cause de problèmes purement techniques qui auraient été découverts après enquête? On aurait perdu la trace de ces personnes à cause des limites que le système impose actuellement, ce que votre collègue mentionnait tout à l'heure. Est-ce qu'il y a beaucoup de cas de ce genre?

[Traduction]

M. Cairns: Je n'ai pas de chiffres précis sous les yeux. Comme je l'ai dit, le taux d'échec du programme est de 6 p. 100. Parmi ces 6 p. 100, il y a des gens qui ne se sont pas présentés au travail ou à l'école, qui n'étaient pas là où ils étaient censés être. Le plus souvent, ce sont des problèmes dus à l'alcool, et l'intéressé, au lieu de se présenter au travail, a préféré aller dans un bar. Ils reviennent en état d'ébriété, ou encore ils ne se présentent pas à l'heure. Quand nous constatons qu'ils ne sont pas au travail, nous faisons des recherches, et le plus souvent, c'est le problème que nous découvrons.

Quant à ceux qui pourraient quitter le travail plus tôt que prévu, ou revenir en retard, nous n'avons pas ces informations-là. C'est une autre raison d'échec. Toutefois, je n'ai pas de chiffres qui permettent de connaître la proportion de ce genre d'incidents.

[Français]

M. Langlois: Vous disiez que qu'une victime potentielle ou une personne ayant reçu des menaces pouvait avoir sur elle un système du genre téléavertisseur lui permettant de savoir si une personne qui la menace est à 500 pieds d'elle; elle peut alors appeler à l'aide. De quelle façon? J'ai compris que c'était l'appel au numéro 911, mais dans une province aussi grande que la Colombie-Britannique, l'efficacité du système est liée à la rapidité d'intervention d'un corps policier. Est-ce que vous pourriez nous donner davantage de détails sur la façon dont se fait l'intervention, en particulier en zone rurale?

[Traduction]

M. Caton: Pendant qu'on met au point le programme pour la victime, il faudrait étudier son quartier, déterminer où se trouve la police, découvrir si quelqu'un d'autre serait susceptible d'intervenir et, également, si elle pourrait aller se réfugier quelque part si un harceleur s'approchait d'elle.

Vous me demandez si ça marcherait aussi bien en milieu urbain qu'en milieu rural, et je pense que la réponse est non. En effet, il faudrait beaucoup plus de ressources, savoir qui va intervenir, à quel moment et, dans certains cas, il se pourrait que ce ne soit pas la police. Cela dépendrait de chaque cas.

Voilà comment le système fonctionne actuellement aux États-Unis, je crois. Chaque situation est étudiée de façon indépendante, on se demande quels sont les endroits où la victime passe le plus de temps. Ensuite, on imagine un certain nombre de situations, et on fait répéter la victime pour qu'elle sache - la plupart du temps, c'est une femme - comment réagir. Il faut donc faire subir un certain entraînement à la victime.

Pour répondre à votre question, on emploierait des moyens différents selon les victimes et selon les endroits.

M. Cairns: J'aimerais faire une autre observation. En Colombie-Britannique, on s'est demandé si une telle démarche donnerait de bons résultats dans les cas de violence familiale. On a conclu que la technologie actuelle risquait de ne pas offrir d'avantages particuliers car... En fait, cela risque surtout de donner trop confiance aux gens, ils vont s'imaginer qu'ils n'ont rien à craindre parce qu'ils ont cet appareil à la maison. Même avec un rayon de 500 pieds, c'est une chose qui m'inquiète. En effet, il ne faut pas beaucoup de temps pour parcourir 500 pieds, et à moins qu'un agent de police ne se trouve dans le même rayon de 500 pieds, il n'arrive pas avant le contrevenant. Cela permet de savoir que celui-ci s'est approché de la maison, mais je ne pense pas que cela offre la moindre protection à la victime. La dernière chose à faire, c'est de leur faire croire qu'elles sont en sécurité alors qu'elles ne le sont pas. Personnellement, tant que je ne serai pas convaincu de l'efficacité du matériel, convaincu qu'il protège véritablement les victimes, je serai contre ce principe.

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M. Caton: Je précise que ce matériel n'est pas considéré comme une protection pour la victime. Les gens pensent souvent à tort que c'est une forme de protection. Aucun appareil électronique ne peut protéger la victime. Ces appareils servent uniquement à vérifier que les conditions d'une ordonnance de séparation sont respectées.

Vous devez absolument comprendre qu'il n'est pas question de protection. Si c'est une mesure de protection que vous recherchez, vous devez ajouter d'autres éléments, et selon toute probabilité, ce ne seront pas des moyens électroniques.

[Français]

M. Langlois: On voit au cinéma beaucoup de films de science-fiction, bien sûr, mais on pourrait peut-être faire en sorte que le système soit pensé - ce n'est pas une suggestion mais une question - pour créer, à un moment donné, un réflexe conditionné qui ferait qu'une personne s'approchant à plus de 500 pieds de la personne menacée recevrait une décharge de 150 volts. Ce serait une protection. Est-ce que ce système pourrait éventuellement être un Big Brother qui serait relié au poignet ou à d'autres parties peut-être plus essentielles du corps, si on veut viser des délinquants d'ordre sexuel, par exemple?

[Traduction]

M. Caton: Une grosse compagnie américaine, qui est d'ailleurs à l'origine de la plupart de ces innovations technologiques, a annoncé au gouvernement américain qu'il était possible d'introduire un dispositif chimique dans le corps d'un délinquant. Parce que celui-ci ne respecte pas son couvre-feu, lorsqu'il sort du périmètre autorisé, un produit chimique serait libéré, ce qui aurait pour effet de le mettre hors d'état. Il éprouverait, en fait, de sévères douleurs abdominales. Cela ne le tuerait pas, mais cela le mettrait certainement hors circuit.

Est-ce que c'est possible techniquement? Cela deviendra probablement possible après l'an 2000. Toutefois, je pense que cela poserait des problèmes sur le plan des libertés individuelles, et peut-être même que certains abus seraient à craindre.

On y a donc pensé. En fait, on a déjà beaucoup travaillé sur ce genre de dispositifs. Est-ce que nous les verrons un jour? Je ne suis pas certain que le public les accepterait. Toutefois, peut-être que dans deux ou cinq ans les choses auront changé.

M. Cairns: À ce même sujet, les dispositifs électroniques peuvent être utilisés d'une façon beaucoup plus simple. C'est une technologie qu'on utilise déjà avec des animaux, les chiens et le bétail. Ils portent un collier, et quand ils s'approchent à une certaine distance d'une clôture, ils reçoivent un choc. C'est comme une clôture électrique invisible, cela les force à rebrousser chemin. Je ne sais pas si ça marcherait avec des êtres humains. J'imagine que oui.

Il y a très longtemps, un type qui s'appelait Pavlov, je crois, avait utilisé des stimulus pour dresser les animaux. C'est le même principe, mais je ne pense pas qu'on s'en serve pour les êtres humains.

La présidente: Merci, monsieur Langlois.

Madame Meredith, sur le même sujet.

Mme Meredith: Ils sont en train de rire parce que je disais que ce genre de chose ferait du bien à mon chien.

Je reviens au concept de la surveillance électronique. Jim, vous avez dit que vous employiez ce moyen pour les individus non violents qui présentaient un faible risque de récidive, des gens qui ont été triés et évalués. Si j'ai bien compris, la loi que nous avons sous les yeux envisage d'appliquer ce même principe à des personnes qui pourraient poser un plus grand risque de récidive. La surveillance électronique ne les empêchera pas de faire quoi que ce soit, n'est-ce pas?

M. Cairns: Non, et cela me préoccupe. J'ai lu le projet de loi, je l'ai examiné et cela m'inquiète certainement.

Nous avons allongé la sauce en ce qui concerne les contrevenants à faible risque et non violents pour commencer à nous pencher sur des cas particuliers, c'est-à-dire sur certaines personnes que l'on n'aurait pas considérées de prime abord comme étant non violentes ou à faible risque. Une fois de plus, lorsqu'on parle de l'évaluation faite dans chaque cas ou chaque situation, cela ne signifie pas que nous n'inscrirons pas au programme une personne ayant des antécédents de violence ou même d'agressions sexuelles et ainsi de suite. La décision est fondée sur l'évaluation de l'individu.

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Ma crainte est la suivante: si le tribunal avait le pouvoir absolu de placer l'individu dans le programme sans aucune évaluation ni intervention de la Direction des services correctionnels nous pourrions nous retrouver avec toutes sortes d'individus dans ce programme. Quand surviendra l'inévitable violation - je pense au pire, par exemple, une agression conjugale grave - on critiquera l'ensemble du programme.

La population ne fera pas la différence entre une personne inscrite au programme par nous-mêmes et une personne inscrite par les tribunaux. Actuellement, on ne fait pas la distinction entre les personnes en probation et celles en libération conditionnelle, que les contrevenants soient assujettis aux lois fédérales ou aux lois provinciales, ou même qu'ils soient américains ou canadiens.

Quand une violation survient, je pense que l'on en rejette le blâme sur tous les systèmes judiciaires en Amérique du Nord. À mon avis, l'idée de s'occuper de ces gens-là par voie législative ou par une surveillance accrue est bonne. Je ne suis pas convaincu que la surveillance électronique soit nécessairement la solution pour les personnes qui ont tendance à infliger des sévices corporels graves, comme l'indique la loi.

Mme Meredith: En écoutant d'autres témoins, j'ai l'impression que les gens considèrent le projet de loi comme une mesure positive en ce qui concerne la violence familiale, car c'est peut-être mieux que rien. Cependant, en lisant la loi, il m'a semblé que nous visons plus probablement les pédophiles. Pensez-vous qu'elle pourrait s'appliquer à la violence familiale et à la menace de sévices corporels graves sur la personne d'un membre de la famille et non pas simplement à l'ensemble de la population?

M. Cairns: Non, je ne crois pas. Eric a parlé d'améliorer la technologie, et je pense que, lorsque nous aurons réalisé des progrès technologiques, je me sentirai plus à l'aise.

Une fois de plus, je pense que tout dépend du respect de la loi, qu'il s'agisse d'un pédophile, d'un cas de violence familiale ou d'une personne qui boit et devient violente. En fait, c'est une question de respect de la loi. Pouvons-nous surveiller la capacité de cette personne de se conformer à la loi en étant à la maison lorsqu'elle est censée y être? En fait, cela nous permet simplement de savoir si la personne est à la maison, à la portée de son récepteur, quand elle est censée y être. Dès qu'elle s'en éloigne, il nous est impossible, du moins dans le cadre du programme que nous utilisons, de savoir où cette personne se trouve et ce qu'elle fait.

Ma crainte est que, si nous inscrivons cette personne au programme et si elle veut infliger des sévices corporels graves dans un cas de violence familiale - et nous en avons vu - elle ne craint pas d'être arrêtée. Elle monte carrément l'escalier de l'église devant toute la congrégation et elle agresse ou assassine ses victimes, qu'il s'agisse de sa femme ou de ses enfants. Un dispositif de surveillance électronique n'y peut rien.

Si nous prenons les décisions, nous sommes confrontés à un dilemme: comment déterminer les personnes qui sont susceptibles de commettre des infractions violentes et graves? Actuellement, nous nous débrouillons assez bien. Si les tribunaux sont appelés à déterminer les personnes susceptibles de commettre une infraction violente et celles qui ne le sont pas, je ne sais quels critères ils vont utiliser ni la manière dont ils vont évaluer ces personnes.

Mme Meredith: Au fond, vous voulez dire que l'acte commis n'est pas le seul facteur, mais qu'il existe toute une série d'autres facteurs qui déterminent... Si une personne commet une infraction mineure, mais que d'autres facteurs d'évaluation montrent qu'elle est susceptible de présenter un risque élevé de récidive et de faire fi du dispositif de surveillance ou des paramètres connexes, vous ne l'inscririez pas à ce programme. N'est-ce-pas? Vous évaluez autre chose en plus du crime commis.

M. Cairns: Nous examinons tout le comportement; en fait, le non-respect des ordonnances judiciaires antérieures est l'un des facteurs que nous avons étudiés. Cela ne signifie pas nécessairement qu'une personne est violente, mais nous voulons des gens qui vont se conformer, et une personne qui ne respecte pas les conditions de la probation ou de la libération conditionnelle ordonnée par les tribunaux a peu de chances d'être inscrite à ce programme. Parmi les critères d'admissibilité, nous tenons compte non seulement de la violence, mais aussi et surtout de la violence familiale.

La dernière chose que nous voulons faire est de mettre une personne inscrite à ce programme dans une situation où elle est susceptible d'user de violence à la maison ou pire, d'être victime d'une telle violence. Prenons le cas d'une contrevenante qui est placée dans ce programme. Nous ne voudrions pas la ramener chez elle, où elle pourrait subir de la violence familiale et n'avoir d'autre choix que de retourner en prison.

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Mme Meredith: Serait-il exact de dire que vous n'êtes pas favorable à l'utilisation de la surveillance électronique telle qu'elle est envisagée dans le projet de loi C-55?

M. Cairns: Ce serait mon opinion personnelle. J'ai quelques inquiétudes. Je ne puis dire que je parle nécessairement au nom de la Direction des services correctionnels de la Colombie-Britannique ni même au nom du gouvernement de cette province, mais compte tenu de mon expérience de travail dans ce programme, j'aurais personnellement de sérieuses réserves quant à l'utilisation proposée.

Mme Meredith: Bien. Merci beaucoup.

La présidente: Monsieur DeVillers.

M. DeVillers: Merci, madame la présidente. Je n'ai pas d'autres questions. Je remercie les témoins d'avoir bien voulu comparaître. Leur témoignage a été très clair et concis.

La présidente: Merci.

Monsieur Regan, aviez-vous des questions?

M. Regan (Halifax-Ouest): Non plus.

La présidente: Eh bien, voilà ce qui se passe quand on a de bons témoins. Merci beaucoup pour votre contribution et votre aide.

Nous sommes ravis de vous apprendre que Vancouver sera touché par une tempête en provenance d'Ottawa. Cette nuit, la température sera de -10, mais ne vous inquiétez pas. Si nous pouvons supporter ces températures, vous le pouvez aussi.

Merci beaucoup.

La séance est levée.

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