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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 10 décembre 1996

.1539

La présidente: Nous allons à nouveau étudier le projet de loi C-55, loi modifiant le Code criminel et ses dispositions relatives aux délinquants présentant un risque élevé de récidive ainsi que d'autres lois. Nous examinerons également le projet de loi C-254, loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et le Code criminel. C'est un projet de loi d'initiative parlementaire présenté par Mme Meredith.

Nous avons avec nous aujourd'hui des témoins représentant l'Association canadienne des chefs de police. Ce sont le chef Brian Ford et Brian McConnell, qui est directeur exécutif de l'association. Nous avons également l'Association canadienne des policiers, représentée par Scott Newark, agent exécutif.

C'est l'Association canadienne des policiers qui va commencer. Nous écouterons les deux groupes et nous poserons ensuite nos questions.

Monsieur Newark.

.1540

[Traduction]

M. Scott Newark (agent exécutif, Association canadienne des policiers): Avant tout, madame la présidente, notre président m'a demandé de vous dire qu'il regrette de ne pas pouvoir être ici.

La présidente: Je suis sûre qu'il est à Windsor en train de faire son travail.

M. Newark: Il est en fait en train de refaire un test pour une arme à feu spéciale et il n'a donc pas pu venir.

Comme vous le savez certainement, notre association essaie depuis plusieurs années de convaincre le gouvernement et le système de justice criminelle dans son ensemble de la nécessité d'adopter un projet de loi de ce genre. Nous sommes extrêmement contents de pouvoir venir ici exprimer notre appui au projet de loi du gouvernement.

Nous avons deux ou trois petites propositions concernant des choses qui pourraient peut-être permettre de mieux atteindre les objectifs de ce projet de loi et en renforcer les répercussions pratiques. Je veux dire d'emblée combien nous sommes satisfaits de la façon dont les deux ministres, M. Rock et M. Gray, nous ont laissé participer à la discussion et à la consultation et même à l'analyse du projet de loi lui-même.

Je dis cela en guise d'introduction parce que je pense qu'au moins de ce point de vue, je sais raisonnablement bien au moins quel était son objectif. J'ai certains commentaires à faire - certains sont techniques et d'autres d'ordre plus général - à propos de certaines de ses dispositions qui sont très satisfaisantes, d'autres qui le sont moins qu'elles pourraient l'être et d'autres qui, à mon avis, sont complètement ratées. Comme souvent dans nos mémoires, nous avons essayé d'inclure des propositions concrètes de modifications quand nous pensons que cela pourrait être utile.

Je n'ai pas l'intention d'examiner la totalité du contenu de ce projet de loi. Comme vous le savez certainement, ses éléments principaux sont contenus dans trois articles, dont l'un propose des améliorations à la partie XXIV du Code criminel relativement aux délinquants dangereux. Dans notre mémoire, aux pages 5 et 6, nous signalons ce que nous considérons comme une amélioration importante, c'est-à-dire l'obligation de déclarer qu'un délinquant est dangereux si les critères sont réunis.

Comme vous le savez, c'est l'une des choses que nous avons proposées parce qu'autrefois, cela se faisait, en fait, en deux étapes. Les critères étaient réunis, mais la Couronne était encore contrainte de lire quasiment l'avenir psychiatrique du délinquant dans une boule de cristal pour essayer de déterminer s'il fallait ou non l'incarcérer pour une durée non déterminée. On a supprimé cette disposition, ce qui nous paraît constituer une modification très positive.

Nous signalons simplement que, pour une raison qui ne paraît pas totalement claire, le paragraphe 753(1) dit que le tribunal «peut» déclarer qu'il faut contrôler le délinquant sans employer une expression plus catégorique alors que, dans le paragraphe qui suit immédiatement et qui porte sur les critères à utiliser, ce terme restrictif n'est pas employé. J'exagère peut-être, mais il me semble illogique et un peu incohérent de ne pas formuler ces deux paragraphes de la même façon, surtout puisque je sais qu'il est tout à fait clair que cette disposition avait pour objet d'imposer une telle conclusion si les critères étaient réunis.

La seule autre remarque d'autre technique que je ferai au sujet des audiences concernant les délinquants dangereux porte sur le nouveau paragraphe 753(5) proposé, qui nous paraît tout à fait approprié, en vertu duquel le tribunal peut décider d'examiner non pas si un délinquant est dangereux, mais s'il doit être contrôlé - et, là encore, mon attitude s'explique probablement par le fait que, quand je vois ces articles, j'ai tendance à craindre les pires conséquences. Vous remarquerez que ce paragraphe n'inclut aucune référence à une simple «présentation d'une preuve supplémentaire». Notre crainte est qu'un avocat dise éventuellement qu'on n'a pas le choix; que si c'est ce qu'on veut, il faut organiser une audience entièrement nouvelle, ce qui pourrait être impossible à faire. Si vous êtes d'accord avec cette conclusion - et nous pensons que telle était en fait l'intention des rédacteurs - et pensez également qu'il faudrait ajouter au texte actuel de ce paragraphe une référence à la «présentation d'une preuve supplémentaire», cela permettrait une souplesse qui pourrait suffire à éliminer la nécessité d'organiser deux audiences qui feraient double emploi et éviterait ainsi des dépenses inutiles.

Les observations que je souhaite faire cet après-midi portent surtout sur les deux autres éléments: les délinquants à contrôler et ce que nous appelons des ordonnances d'intervention postsentencielle et que le gouvernement a décrites au paragraphe 810.2 proposé.

Si vous me le permettez, je parlerai d'abord des délinquants à contrôler et je veux insister sur le contexte dans lequel j'aborde cette question, car je crois que cela remonte en fait à 1992. Il y a eu une enquête au sujet de l'assassinat d'un petit garçon du nom de Christopher Stephenson et ces articles visent directement le délinquant, Joseph Fredericks.

Comme je l'ai dit, il y a eu une enquête sur la mort de ce petit garçon. Il s'est probablement agi de l'examen le plus complet des mesures correctionnelles et des procédures juridiques qui ait jamais eu lieu dans notre pays. Le jury avait notamment recommandé de créer quelque chose qui se situe, en pratique, entre la peine de durée indéterminée prévue aux termes de la partie XXIV et la peine de durée déterminée qui prend fin à la date d'expiration du mandat de détention, moment où l'État perd tout simplement tout droit d'intervenir de quelque façon que ce soit. Cette recommandation reflète l'idée qu'il existe toutes sortes de comportements criminels inacceptables qu'il peut être possible de contrôler en dehors d'une prison, mais que, en l'absence des mesures de contrôle correspondantes, on s'expose à un risque inutilement élevé. On a employé toutes sortes de termes pour désigner cela, mais, à mon avis, c'est tout au moins de là que vient l'expression «délinquant à contrôler».

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Cette recommandation reflète également l'idée du caractère particulier de l'objet de ces articles - la situation ci-dessus ainsi que les ordonnances d'intervention postsentencielle. Lorsque nous avons commencé à avancer nos idées et à en parler avec les ministres et le groupe d'experts qui avait été constitué, il était clair qu'il ne s'agissait aucunement de mesures ordinaires appliquées dans le cadre des activités normales du système de justice criminelle. Elles étaient censées être des mesures extraordinaires destinées à des sortes de délinquants sortant de l'ordinaire.

Ce qui nous inquiète extrêmement dans le projet de loi C-55 au sujet des délinquants à contrôler est la tentative, en quelque sorte, de reprendre la structure actuelle de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et de la greffer sur les dispositions s'appliquant à ces délinquants. Je pense que cela va avoir des conséquences assez négatives. Sans y réfléchir, celle qui me vient à l'esprit et me paraît la plus évidente est qu'avec ce projet de loi, une infraction aux conditions d'une ordonnance s'appliquant à un délinquant à contrôler constitue un délit criminel distinct. C'est très censé et ce délit est passible d'un maximum de dix ans d'emprisonnement, ce qui nous paraît également très censé.

En même temps, ce projet de loi imposerait le système actuel. Si quelqu'un qui supervise quelqu'un d'autre - un agent de correction, par exemple - a la preuve que cette personne est en infraction par rapport à l'un de ces articles, il appliquera en fait à cette personne le même traitement que celui qui lui serait réservé en vertu de la LCSMLSC au lieu de la traiter différemment. Il y aura une audience de suspension et il faudra effectuer toute cette procédure, et la décision de procéder ou non à une mise en accusation est alors laissée à la discrétion de l'administration. Nous tenons fortement à vous avertir à quel point cela nous paraît être une mauvaise idée, tout à fait indépendamment de la responsabilité civile évidente que ce projet de loi fait peser potentiellement sur le personnel correctionnel si quelqu'un prend une décision qui a des conséquences néfastes.

Vous pourriez peut-être examiner le paragraphe 139(2) du Code criminel qui porte sur les tentatives d'entrave à la justice. Il y a eu de nombreux cas - dont, j'en suis sûr, certaines personnes ici présentes sont au courant - dans lesquels on a examiné après coup la situation de personnes qui étaient en liberté conditionnelle et avaient commis des délits graves. Il est alors apparu que ces gens avaient parfois enfreint les conditions de leur libération conditionnelle, mais n'avaient pas été réincarcérés.

La juge Arbour a parlé de l'attitude qui se manifeste à ce sujet au sein du Service correctionnel du Canada. Les gens hésitent parfois à reconnaître leurs erreurs. Nous vous mettons vivement en garde contre la création d'un système de ce genre sur lequel on grefferait simplement la procédure normale prévue par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Au lieu de cela, ce qui nous paraît approprié est de considérer ces personnes comme des cas sortant de l'ordinaire et de prévoir littéralement une procédure distincte permettant d'imposer ces conditions. Lorsque quelqu'un contrevient, par exemple, à l'une de ces conditions, la solution appropriée est que le service correctionnel avertisse les représentants locaux de la police et de la Couronne et les laissent décider s'il faut ou non procéder à une mise en accusation - comme le prévoit ce projet de loi - ou si la Couronne souhaite faire comparaître à nouveau cette personne devant un tribunal pour modifier ces conditions. Appliquer de façon routinière les dispositions actuelles de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ne nous paraît pas une solution appropriée.

À mon avis, la deuxième manifestation importante de ce même problème est que les conditions devant être imposées dans la pratique à ces délinquants à contrôler sont déterminées après coup par la Commission des libérations conditionnelles, après le prononcé de la sentence. Là encore, si vous examinez plusieurs des révisions qui ont été effectuées, vous constaterez qu'on disposait généralement de certains renseignements au sujet du délinquant au moment où la sentence a été rendue, mais que parfois, trois, quatre ou cinq ans plus tard, on en a plus ou moins perdu la trace. J'ai bien du mal à comprendre en vertu de quoi on dissocierait encore plus l'imposition de ces conditions. Je vous assure que ce n'est pas ce qu'on disait lors des discussions initiales.

Ces conditions, comme toutes les autres conditions figurant dans une ordonnance de probation qui font partie de la sentence rendue par le juge... Car c'est lui qui devrait déterminer ces conditions - le juge qui rend la sentence. En fait, si vous consultez la loi, vous constaterez que si on veut revenir en arrière et modifier ces conditions, on ne s'adresse pas à la Commission des libérations conditionnelles, mais à une cour supérieure. Il y a de très bonnes raisons à cela et je dirais que c'est précisément la cour supérieure qui devrait établir ces conditions au moment de la détermination de la peine.

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Nous avons donc mentionné expressément cela dans notre mémoire et je dirais que c'est un défaut extrêmement important du projet de loi dans sa formulation actuelle. C'est facile à corriger et c'est une chose qui, à notre avis, offrira une protection conforme à ce qui s'est dit lors des discussions qui ont précédé la présentation de ce projet de loi lui-même.

La nature de l'ordonnance est définie, comme vous le savez, à l'alinéa 753.1(3) proposé, qui stipule qu'elle ne doit pas porter sur une durée supérieure à 10 ans. À mon avis, si vous examinez le genre d'individus que visent ces articles - je pense qu'ils s'appliqueront plus spécialement aux agresseurs d'enfants, aux pédophiles, surtout s'ils sont récidivistes - , vous constaterez qu'il est raisonnablement établi qu'on ne guérit généralement pas un tel comportement. On peut parfois le contrôler, mais ce n'est pas quelque chose qui disparaît plus ou moins au bout de je ne sais combien d'années, que ce soit deux ou trois ou huit ou neuf. C'est une des raisons pour lesquelles bien des gens de ce genre acceptent en fait ces ordonnances: ils se rendent compte qu'ils ont besoin d'être assujettis à cette sorte de contrôle.

Vous savez, le fait qu'une ordonnance impose, de fait ou potentiellement, des conditions au délinquant pour sa vie entière n'a rien de remarquable. Si vous consultez l'article 163 du Code criminel, qui porte sur les ordonnances que peut prendre un tribunal pour interdire à quelqu'un de fréquenter certains endroits s'il est reconnu coupable de délits sexuels concernant des enfants, vous verrez qu'il peut s'agir d'une condamnation à vie. Je dirais donc qu'on cherche en fait ici à appliquer un remède de durée limitée à un problème de durée illimitée et c'est un défaut de cette proposition.

Comme vous allez le voir, nous vous recommandons de limiter la portée des ordonnances prévues au paragraphe 810.2 proposé par rapport à ce qui figure actuellement dans le projet de loi. Si celui-ci entrait en vigueur sous sa forme actuelle, il se pourrait fort bien que, au bout de 10 ans, on se retrouve avec quelqu'un qui est encore dangereux, mais à propos duquel on serait littéralement forcé de dire qu'on ne peut rien faire à son sujet. C'est précisément la raison pour laquelle ce projet de loi a initialement été préparé. On s'était rendu compte que certaines personnes étaient incarcérées parce que notre système les avait, à juste titre, déclarées dangereuses, mais que nous n'avions pas d'autre possibilité que de leur ouvrir la porte à l'expiration de leur peine.

Je vous prie donc instamment de vous pencher sur cette question. Nous présentons là aussi une proposition concernant une solution de remplacement. Ce n'est pas particulièrement compliqué. Il s'agit essentiellement de parler d'une condamnation à vie au lieu de prévoir une période maximale de 10 ans, mais il est logique que ce soit la teneur d'une telle ordonnance.

Pour finir, si vous me le permettez, je voudrais simplement parler de ce que nous appelons les ordonnances d'intervention postsentencielles et qui figurent au paragraphe 810.2 proposé. J'ai remarqué que M. Rock a parlé à votre comité de certaines des choses que, je suppose, il considère également comme des problèmes potentiels pour ce qui est du champ d'application de cette disposition. Je dirai simplement que c'est en mars 1993 que nous avons pour la première fois rédigé quelque chose à ce sujet. À cette époque-là, le groupe qui nous paraissait poser un problème était celui des gens qui avaient été incarcérés par le système existant. Il s'agit des délinquants qui avaient déjà été reconnus coupables d'un acte criminel - un acte criminel grave d'un type déterminé - et dont le système existant avait déjà dit qu'ils étaient trop dangereux pour qu'on les remette en liberté et à propos desquels il avait établi qu'on avait des raisons de penser qu'ils allaient récidiver. Nous étions d'avis que ces mesures extraordinaires devaient s'appliquer à ce groupe cible. Nous n'avions pas l'impression que, de façon générale, l'État devrait être en quelque sorte libre de prononcer un jugement sans tenir compte du fait que la personne concernée avait ou non déjà été reconnue coupable d'un acte criminel.

Pour parler sans ambages, notre système reste heureusement humain, c'est-à-dire qu'il ne peut pas être parfait. Toutefois, quand nous cherchons peut-être à atteindre la perfection, il peut nous arriver de faire quelque chose de si compliqué que, premièrement, il y a une bonne chance que ce soit rejeté par les tribunaux et, deuxièmement, cela peut être trop général pour pouvoir encore constituer une mesure corrective visant spécialement les délinquants présentant un risque élevé de récidive. Nous proposons donc dans notre mémoire que cet article soit modifié pour être seulement applicable aux personnes incarcérées en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. C'est le groupe cible.

On peut dire que, dans un sens, c'est une mesure corrective qui est utilisée après coup. Elle est censée être utilisée pour les gens à l'intérieur du système qu'on a théoriquement manqués la première fois. Les améliorations apportées dans la première partie aux procédures concernant les délinquants dangereux et les délinquants à contrôler sont des mesures correctives primaires qui, du moins théoriquement, nous permettront de mieux nous occuper des gens à qui sont destinés ces types spécialisés d'ordonnances. Logiquement, le bassin des gens auxquels ceci devrait s'appliquer va diminuer. Je pense que votre comité pourrait même instituer une sorte d'examen de la situation au bout de cinq ans pour voir quels sont, en fait, les résultats obtenus parce que, si nous faisons un meilleur travail au départ, le recours à ce genre d'ordonnances sera moins nécessaire.

.1555

Je ferai deux dernières remarques à propos d'un aspect de détail. Si nous avons raison - et c'est certainement comme cela que j'avais compris l'intention originelle du gouvernement qui était de mettre l'accent sur ce groupe particulier - si tel est le cas, vous pouvez vous pencher sur la durée couverte par l'ordonnance. Une période de 12 mois est bien courte dans le système de justice criminelle. On se retrouvera littéralement - et, j'en suis sûr, madame la présidente, vous constateriez probablement la même chose - avec un processus sans cesse répété et les tribunaux seront saisis à plusieurs reprises de certaines de ces demandes. Nous disons simplement que, vu la nature du problème, si vous convenez qu'il faudrait mettre plus l'accent sur les gens qui ont déjà été incarcérés, il faudrait prévoir une période de trois ans plutôt que d'un an seulement.

La dernière remarque de détail que je ferai concerne les conditions proprement dites - quels types de conditions on peut imposer. Au lieu de la pratique habituellement utilisée dans les cas de libération sous caution ou de probation auxquels s'applique un article de caractère général en vertu duquel le tribunal peut imposer certains types de conditions qui sont énumérées, ce projet de loi contient deux alinéas énonçant des conditions spécifiques, l'une relative aux armes à feu et l'autre à la présentation devant une autorité et à la surveillance électronique.

Nous voulons vous encourager à conserver la surveillance électronique. Elle permet simplement d'adapter à la technologie moderne les procédures relatives à l'établissement de la preuve ou aux mesures correctives. Mais vous pourriez envisager d'ajouter un paragraphe plus général concernant le genre de choses qui pourraient être incluses.

Nous vous inviterions spécifiquement à inclure une disposition imposant des restrictions en matière de résidence. Cela permettrait à l'autorité chargée de la surveillance de dire qu'elle a un mot à dire à propos de l'endroit où va vivre le délinquant. Je pense, en particulier, que cela serait particulièrement adapté pour les gens qui sont reconnus coupables de délits sexuels envers des enfants. Comme vous le savez, un certain nombre de gens qui pourraient être visés par ces dispositions ont choisi de s'installer près d'une garderie ou d'une école après l'expiration du mandat. C'est ce qui a donné lieu à des réactions quasi hystériques dans des villes de tout le pays et à la demande que l'on publie les noms et des choses comme cela. Une procédure de ce genre pourrait atténuer fortement ces inquiétudes. Mais il faut que vous donniez aux gens qui vont assurer cette surveillance les outils leur permettant de faire leur travail.

Actuellement, par exemple, avec une ordonnance de probation, quand quelqu'un a été reconnu coupable pour la première fois d'un vol à l'étalage, l'État s'arroge le droit de dire à cette personne où elle va habiter parce qu'une ordonnance de probation peut exiger que le lieu de résidence soit approuvé. Pourquoi ne ferions-nous pas cela avec les délinquants de ce genre pour lesquels c'est un million de fois plus approprié?

Nous vous prions instamment d'envisager d'inclure une disposition de ce genre.

Pour finir, je ne lis pratiquement jamais un passage d'un mémoire, mais je voudrais faire une exception cette fois-ci à cause du fait que notre association a participé à la préparation de ce projet de loi. Je pense qu'il est important que cela figure au procès-verbal. C'est un extrait de la conclusion, page 14.

Notre association a constaté que la loi fédérale avait été modifiée pour tenir compte du fait qu'il existe des délinquants qui ont fait énormément souffrir d'autres personnes et qui présentent un risque élevé de récidive. Nous sommes intervenus pour la première fois à ce sujet auprès du gouvernement en mars 1993 et nous avons continué de le faire jusqu'à notre comparution aujourd'hui devant le Comité de la justice de la Chambre des communes. Nous tenons à remercier expressément le ministre de la Justice, M. Rock, et le solliciteur général, M. Gray, pour leur engagement personnel en faveur de ces modifications de la loi et leurs interventions et leurs efforts constants pour s'assurer que cette loi bien nécessaire devienne réalité. Nous avons constaté que, sans l'intervention des élus pour concrétiser la volonté politique d'aller de l'avant, aucune initiative de ce genre, avec les avantages qui en découlent pour la population, ne serait jamais prise.

Comme notre mémoire l'indique clairement, nous sommes en faveur de ce projet de loi, mais, sous sa forme actuelle, il contient des imperfections qui compromettent son énorme potentiel de contribuer de façon importante à la prévention de la criminalité et d'améliorer en conséquence la sécurité publique. Nous sommes convaincus que l'on pourra remédier à ces imperfections et même que les corrections proposées reflètent mieux les objectifs du gouvernement et des deux ministres responsables que les articles qui ont besoin d'être révisés.

Pour finir, nous voulons faire ressortir clairement qu'à notre avis, ce projet de loi, quand il aura été corrigé, permettra non seulement d'atteindre les résultats souhaités tels qu'ils ont été décrits, mais aussi de faire en sorte que le système de justice criminelle canadien jouisse à nouveau de la confiance de la population, ce qui n'était malheureusement plus le cas.

La présidente: Merci.

Chef Ford.

Le chef Brian Ford (Association canadienne des chefs de police): Je serai beaucoup plus bref. Nous sommes essentiellement d'accord avec le point de vue exprimé par l'Association canadienne des policiers.

.1600

L'Association canadienne des chefs de police déclare depuis longtemps que des modifications sont nécessaires - comme l'a indiqué l'ACP - pour régler le cas des personnes que l'on considère comme des délinquants présentant un risque élevé de récidive. Dans ce sens, nous pensons que le système à trois volets et les propositions figurant dans le projet de loi C-55 répondent à nombre des préoccupations des chefs de police et des agents de police de l'ensemble du Canada.

Ceux qui s'occupent de l'administration de la justice sont aussi irrités par les procédures complexes auxquelles il fallait se soumettre avant que quelqu'un puisse être reconnu comme délinquant dangereux et condamné à une peine d'emprisonnement de durée indéterminée. Le premier volet du projet de loi C-55 rend les procédures requises plus souples, comme Scott l'a signalé avec éloquence, et on peut espérer que plus de demandes pourront ainsi être couronnées de succès à l'avenir.

Deuxièmement, l'absence de mécanismes de surveillance pouvant être utilisés pour les délinquants présentant un risque élevé de récidive qui sont restés en prison, pour une raison ou une autre, jusqu'à la fin de leur peine - c.-à-d. jusqu'à l'expiration du mandat - et dont le Service correctionnel du Canada déclare à ce moment-là qu'ils risquent de récidiver, a toujours constitué une source importante de préoccupations pour les chefs de police, les agents de police et les citoyens en général. Le deuxième volet du projet de loi C-55, qui porte sur la désignation de certaines personnes comme délinquants à contrôler, permettra, dans les cas les plus graves, d'assurer une certaine surveillance pendant une période pouvant aller jusqu'à 10 ans.

Enfin, alors que l'article 810.1 du Code criminel autorisait seulement quelqu'un à demander à un juge d'ordonner à une personne de s'engager à ne pas troubler l'ordre public dans le cas de ce que l'on désigne généralement comme des tendances pédophiles envers les jeunes personnes de moins de 14 ans, aucune disposition analogue n'existait en ce qui concerne les personnes présentant un risque tout aussi élevé à l'endroit des personnes plus âgées. Le troisième volet de ce projet de loi remédie à cette lacune en incorporant des dispositions analogues dans le paragraphe 810.2 proposé.

Nous accueillons avec satisfaction les modifications proposées, mais nous avons encore quelques inquiétudes. Premièrement, les propositions ne traitent pas de la question de l'information du public lorsqu'un délinquant présentant un risque élevé de récidive est remis en liberté. L'Association canadienne des chefs de police demande depuis longtemps que les agents du Service correctionnel procèdent à une telle information étant donné que c'est eux qui déterminent - en consultation avec leurs psychiatres, les agents chargés du cas et d'autres membres de leur personnel - que cette personne présente un risque pour la société.

On a dit que la méthode actuelle par laquelle le Service correctionnel avertit le chef de la police locale peu avant la mise en liberté de cette personne revenait à lancer une grenade dégoupillée sur les genoux du chef. Celui-ci doit alors décider s'il doit ou non avertir le grand public qu'un délinquant extrêmement dangereux va se retrouver en liberté dans la ville. C'est un cercle vicieux parce que, d'un côté, si vous le faites, on vous le reproche, alors que, de l'autre côté, si vous ne le faites pas et qu'un incident se produit, vous aurez à répondre du fait que vous n'avez pas divulgué l'information que vous déteniez.

Nous restons convaincus que c'est au Service correctionnel du Canada qu'il devrait incomber d'annoncer qu'un délinquant présentant un risque élevé de récidive va être libéré.

Nous pensons également que, alors que le paragraphe 810.1 du Code criminel du Canada permet actuellement à quiconque de demander à un juge provincial d'ordonner à un délinquant de s'engager à ne pas troubler l'ordre public, le paragraphe 810.2 proposé permet seulement au procureur général de présenter une telle demande.

Nous avons déjà connu des cas où des agents de police avaient fourni les informations requises pour la présentation d'une demande en vertu de l'ancien paragraphe 810.1 et, même si un agent n'avait pas les motifs raisonnables requis, n'importe qui pouvait agir de la sorte. Le paragraphe 810.1 et le paragraphe 810.2 proposé sont de nature analogue, mais seul le procureur général pourra maintenant présenter une telle demande aux termes du paragraphe 810.2.

À notre avis, les modalités d'ouverture de cette procédure devraient être cohérentes et toute personne craignant que quelqu'un ne commette un délit déterminé devrait pouvoir présenter une telle demande.

En conclusion, nous souhaitons féliciter le ministre de la Justice et le solliciteur général pour ces propositions très valables et très nécessaires concernant les mesures à prendre au sujet des délinquants présentant un risque élevé de récidive. C'est un problème qui est pris à coeur non seulement par les chefs de police de l'ensemble du Canada, mais également par les citoyens de notre pays respectueux de la loi qui ont à de multiples reprises fait part de l'irritation que leur inspire le statu quo.

La présidente: Merci, chef.

Monsieur Langlois.

[Français]

M. Langlois (Bellechasse): Merci, monsieur Newark et chef Ford.

Monsieur Newark, je voudrais d'abord vous féliciter d'avoir fait une présentation sans texte. Vous devriez vous trouver une circonscription dans la région d'Ottawa et venir siéger au Parlement. Je pense que ce serait un actif pour la nation. Vous pourriez peut-être vous présenter dans Sarnia - Lambton comme réformiste.

.1605

L'Association canadienne des policiers répond en grande partie à l'une de mes préoccupations relativement à l'article 810.2. À la page 13 de votre mémoire, vous suggérez l'insertion d'un paragraphe 810.2(1.1) pour donner des lignes directrices au tribunal lorsque viendra le temps d'appliquer cette disposition. C'est pour qu'on ne vise pas trop large, si je comprends bien.

Le ministre nous avait d'ailleurs invités à nous pencher sur cet aspect du projet de loi afin de voir s'il n'y aurait pas lieu de l'améliorer. Une de mes préoccupations était qu'une personne pouvait très bien, avec l'article 810.2 proposé, être, d'une part, acquittée de l'offense qu'on lui reprochait sur la base du doute raisonnable et, d'autre part, et même, techniquement, par le même juge, être visée par un mandat de paix prévu à l'article 810.2 sur la base d'une prépondérance de preuve. Cela fait que le citoyen ordinaire peut avoir une compréhension bizarre de l'administration de la justice.

Comment se fait-il que Scott Newark ait pu être acquitté d'une accusation de vol, par exemple, et que le même juge décide de lui imposer des conditions pendant 12 mois? Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas.

Vous suggérez sept conditions, et je voudrais être sûr de bien comprendre votre position à cet égard. Si une personne ne peut être visée par le critère a), c'est-à-dire qu'elle n'a pas de casier judiciaire antérieur, si elle n'entre pas dans le critère b) parce qu'elle n'a pas commis d'offense antérieure, si le Service correctionnel canadien ne détient aucun renseignement à l'encontre de cette personne et que la personne n'a pas déjà contrevenu à des ordonnances du tribunal, donc, si ces quatre premières conditions, qui m'apparaissent fondamentales, ne sont pas remplies, est-ce que les conditions qui commencent à e) et qui se poursuivent à f) et g) pourraient à elles seules justifier l'émission d'une ordonnance en vertu des critères que vous établissez?

[Traduction]

M. Newark: En fait, ce que nous recommandons est encore plus circonscrit que ce dont vous parlez parce que la condition préalable à l'invocation de cet article serait que quelqu'un a déjà été reconnu coupable d'un acte criminel pour lequel il s'est retrouvé dans un pénitencier fédéral où il a purgé la totalité de sa peine, ce qui n'est actuellement le cas que d'environ quatre pour cent de la totalité des détenus fédéraux. Ce n'est que ce groupe et ce groupe seulement qui peut être pris en considération.

Une fois ces conditions remplies, le paragraphe 810.2 proposé énonce que le tribunal peut décider s'il y a des motifs raisonnables de juger qu'on peut avoir des craintes au sujet du comportement de la personne concernée et qu'une telle ordonnance est nécessaire. Il donne des indications au tribunal pour l'aider à déterminer ce qui constitue un motif raisonnable. Il énumère le genre de choses qui, je vous le garantis, sont celles que, lors de toute audience d'un tribunal, un juge examinerait pour décider s'il existe ou non des motifs raisonnables.

Une des raisons pour lesquelles je les ai énumérées comme je l'ai fait est que, dans l'affaire Morales, la Cour suprême du Canada avait rejeté un article du Code criminel qui contenait une formulation générale assez semblable, du genre «motifs raisonnables» à propos de la libération sous caution, en disant qu'elle était tout simplement trop générale. Depuis lors, nombre de ceux d'entre nous qui sommes associés à ce genre de choses prenons cela comme une mise en garde et disons que si l'on veut habiliter quelqu'un à faire quelque chose, il faut préciser ce dont il doit tenir compte.

Toutefois, monsieur Langlois, le seuil à franchir pour en arriver là dans ce que nous proposons est même encore plus étroit que ce que vous proposez.

[Français]

M. Langlois: Madame la présidente, je n'ai pas d'autres questions. Vous avez été d'une limpidité peu commune et il ne servirait à rien de vous faire répéter ce qui me semble déjà clair. Je vais céder la parole à quelqu'un d'autre.

[Traduction]

La présidente: Merci, monsieur Langlois.

Monsieur Ramsay, vous avez 10 minutes.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci, madame la présidente. Si vous n'y voyez pas d'objection, je partagerai mon temps de parole avec Mme Meredith.

Nous continuons à relâcher dans la société des délinquants violents qui continuent à violer et assassiner. D'après ce que je comprends, c'est le problème qu'essaie de résoudre ce projet de loi. Nous allons continuer à relâcher des délinquants violents présentant un risque élevé de récidive dans la société parce qu'ils bénéficient d'une libération conditionnelle anticipée ou que leur mandat de détention est expiré. La seule protection dont nous disposons à l'égard de ceux qui sont actuellement en prison dans ces conditions est la possibilité de recourir à la surveillance électronique prévue dans ce nouveau paragraphe 810.2 proposé. Êtes- vous d'accord avec ça?

.1610

M. Newark: Oui.

M. Ramsay: Nous devons donc nous en remettre à l'État pour veiller à ce que des personnes innocentes ne soient pas victimes de ces gens-là et lui faire confiance pour surveiller électroniquement leurs allées et venues?

M. Newark: Puis-je répondre à cela? C'est une question distincte et...

M. Ramsay: Je voudrais vous demander si vous pouvez donner au comité des exemples de surveillance électronique réalisée au Canada ou dans un autre pays, peut-être, afin de déterminer si ce système va ou non protéger les personnes innocentes? Je n'en suis pas convaincu et je ne suis pas non plus convaincu que cela n'aura pas pour conséquence qu'il y aura d'autres victimes comme Melanie Carpenters, Mme Salters, etc.

M. Newark: En un mot, je vous dirai oui. Nous pouvons vous fournir des renseignements au sujet de la surveillance électronique, non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis et je serai heureux de les faire parvenir au comité. Je peux au moins commencer d'ici la fin de semaine.

Mais je peux vous parler de ce qui me paraît être en réalité le problème plus général; c'est d'ailleurs pour cela que j'ai hésité une seconde avant de dire oui. J'indiquerai respectueusement que, dans les propositions que nous avons faites au sujet du projet de loi, nous avons pour une large part essayé de retirer une partie du pouvoir discrétionnaire dont jouissent les responsables du service correctionnel et de la libération conditionnelle dans notre pays; leurs résultats ne sont pas une réussite en ce qui concerne les délinquants présentant un risque élevé de récidive. Nous essayons de faire comprendre qu'il faut se rendre compte qu'il faut accorder un traitement spécial aux gens qui ont un comportement violent répétitif.

Je vous ai demandé si je pouvais intervenir quand vous avez dit que nous devions nous en remettre à l'État et lui faire confiance... C'est là que je vois un problème. Non, je ne pense pas que nous devrions lui faire confiance. D'après les renseignements que j'ai obtenus du SCC et de la Commission des libérations conditionnelles, par exemple, si l'on examine uniquement le cas des délinquants sous juridiction fédérale qui ont fait l'objet d'une forme quelconque de libération conditionnelle au cours des sept ou huit dernières années, l'un d'entre eux a commis un meurtre, un viol, un vol ou une agression environ chaque jour et demi pendant cette période. Je vous dirais, monsieur, que, dans ces conditions, nous ne devrions tout simplement pas accroître ce pouvoir discrétionnaire.

Il me semble que ce projet de loi et nos modifications visent à - et il y a d'autres choses qui peuvent en découler - mettre l'accent sur des mesures spécialisées, restrictives et intrusives concernant certains délinquants. Il me semble que le problème face aux prochaines difficultés qui nous attendent est qu'on ne peut créer qu'un nombre limité d'outils fédéraux. À un certain moment, les décisions reviennent à ceux qui ont la responsabilité de l'application concrète de ces lois. Dans ce cas-ci, c'est aux agents de correction ou, potentiellement, aux procureurs généraux des provinces qu'il appartiendra d'utiliser concrètement les outils existants. Il est toutefois impératif, à notre avis, que nous concevions ces outils de notre mieux en les axant dans la mesure du possible sur les délinquants présentant un risque élevé de récidive.

Voilà pourquoi nous nous opposons si vivement à la notion d'un système fonctionnant éternellement en circuit fermé comme c'est, je pense, désormais le cas dans notre pays en ce qui concerne le système correctionnel et la libération conditionnelle. Les autorités compétentes sont habilitées à décider quoi faire d'un tel délinquant quand elles sont informées d'une infraction ou d'un délit. Je peux vous citer toutes sortes d'exemples de gens qui avaient bénéficié d'une forme ou d'une autre de libération anticipée et qui ont enfreint les conditions de cette libération, fait qui était connu des autorités chargées de leur surveillance. Elles n'en ont pas tenu compte et on les a laissés faire si bien qu'après coup, des gens ont payé cela de leur vie. Voilà pourquoi je m'oppose aussi fortement à cela.

Toutefois, pour être réaliste, je ne pense pas que la solution est d'incarcérer éternellement tous ces gens-là et c'est pourquoi nous appuyons le fond même de ce projet de loi.

M. Ramsay: Êtes-vous d'accord avec la période de six mois prévue au paragraphe 753(2) en ce qui concerne la déclaration qu'un délinquant est un délinquant à contrôler?

M. Newark: Non.

.1615

M. Ramsay: Vous n'êtes pas d'accord.

M. Newark: Je ne trouve pas cette période bien longue, et je peux presque vous garantir les réactions que cela va susciter. Il s'agit de la disposition relative aux délinquants dangereux qui offre certaines possibilités après que quelqu'un a été reconnu coupable. Je pense pouvoir vous garantir de façon à peu près certaine que ce qui va arriver est que la Couronne donnera un préavis et que l'avocat de la défense dira au délinquant de rester dans sa cellule et de se taire - de ne rien dire à personne.

C'est le résultat de toutes sortes de tergiversations au sujet de la possibilité d'intervenir après la déclaration de culpabilité. Je pense que c'était simplement un compromis.

M. Ramsay: Seriez-vous alors en faveur d'une prolongation de cette période et, si oui, jusqu'à quel point?

M. Newark: Oui, monsieur, mais je ne crois pas, en réalité, qu'il y ait un chiffre magique. Il me semble que les gens qui vont en fait vous donner à leur sujet des renseignements utilisables le feront probablement dans les six mois. Ceux qui ne sont pas prêts à le faire ne le feront pas, ni en six mois, ni en douze, ni en dix-huit. Je ne suis pas assez expert en la matière pour vous donner un chiffre.

M. Ramsay: Nous nous trouvons donc face à une situation où quelqu'un qui a commis pour la première fois un délit violent, ou peut-être pour la deuxième fois, n'entre pas dans cette catégorie et, quand il a purgé la peine stipulée dans son mandat, il est relâché dans la société comme délinquant présentant un risque élevé de récidive. Aucune disposition de ce projet de loi ne porte sur une situation de ce genre. Le Service correctionnel continuera donc de relâcher dans la société de tels délinquants qui prendront des personnes innocentes pour cibles. Rien dans ce projet de loi ne s'applique à ces gens-là.

M. Newark: Je ne suis pas d'accord, monsieur. Je pense que les dispositions des articles relatifs aux délinquants dangereux, surtout sous la formulation actuelle, permettent au procureur de la Couronne de demander beaucoup plus facilement qu'un délinquant soit déclaré dangereux et, deuxièmement, en l'absence d'une telle demande, d'obtenir que quelqu'un soit désigné comme un délinquant à contrôler et purge une partie déterminée de sa peine, la deuxième partie correspondant aux ordonnances dont font l'objet les délinquants à contrôler.

Le problème que je vois là... et, d'ailleurs, je ne me contente pas d'espérer en me croisant les doigts comme on l'a fait dans le cas de Joseph Fredericks. Ce sont les termes mêmes que quelqu'un a employés quand il a été libéré. Sachant ce qu'il était, un psychopathe pédophile sadique, quand il a bénéficié d'une libération anticipée - aucune intervention n'était possible après l'expiration du mandat - , cette personne a dit qu'elle avait simplement croisé les doigts et espéré que tout irait pour le mieux.

À mon avis, ces ordonnances devraient être très différentes des ordonnances normales de libération conditionnelle. Le Service correctionnel devrait confier ces cas à ses meilleurs employés qui ne devraient pas avoir à s'occuper de 50 ou 60 dossiers. Voilà pourquoi, quand une des conditions n'est pas respectée, nous devrions savoir exactement en quoi consiste cette infraction. Il ne faudrait pas laisser les gens de ce secteur décider arbitrairement s'ils veulent ou non ajouter un échec aux statistiques. Il faudrait plutôt, comme nous l'avons recommandé, exiger que les renseignements correspondants soient transmis à la police.

Sinon, très franchement, si j'étais le procureur chargé de certaines des affaires dont j'ai vu des exemples, j'instruirais un procès contre ces gens-là pour entrave à la justice.

M. Ramsay: Mais je ne comprends pas votre raisonnement en ce qui concerne vos commentaires antérieurs au sujet du nombre de délits violents commis par des délinquants bénéficiant d'une libération conditionnelle ou d'une probation et assujettis à certaines conditions. Ils font comme avant et commettent des meurtres - par exemple, M. Auger qui est le principal suspect du meurtre de Melanie Carpenters - dans le cadre de ce qu'on désigne par l'expression aimable et vague de «liberté surveillée». Ces mots paraissent rassurants.

Qu'y a-t-il dans ce nouveau projet de loi pour permettre même une période de probation de10 ans qui garantira la sécurité des gens concernés?

M. Newark: Auger constitue un très bon exemple. Il a enfreint à deux reprises les conditions qui lui avaient été spécialement imposées par la commission.

M. Ramsay: J'ai lu le rapport.

M. Newark: En fait, les autorités n'en ont pas tenu compte. Voilà pourquoi nous proposons, dans une des modifications que nous proposons, qu'aucune latitude ne soit permise sur réception de ces renseignements. Ce que nous essayons de recommander, M. Ramsay, est qu'on retire en partie le pouvoir discrétionnaire des agents de correction qui s'occupent des délinquants de ce genre.

Les renseignements concernant ce manquement aux conditions imposées auraient absolument dû être transmis à la police qui aurait alors été tenue de décider si des accusations devaient ou non être portées. Pour être franc, nous espérons créer chez les responsables de l'ordre public de notre pays un état d'esprit tel qu'ils se rendent compte qu'il faut traiter les délinquants très dangereux comme celui-ci en prenant en considération les risques qu'ils présentent.

M. Ramsay: Seriez-vous alors en faveur d'habiliter des agents de la paix à arrêter sur-le-champ une personne en libération conditionnelle s'ils constatent qu'elle a enfreint les conditions de sa libération conditionnelle ou de sa probation?

M. Newark: En fait, nous avons proposé il y a quelque temps une modification à l'article450 du Code criminel. Je pense que M. Thompson a ou avait présenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui allait dans ce sens. Nous avons appuyé cette notion il y a longtemps.

La présidente: Merci, monsieur Ramsay. Votre temps de parole est écoulé.

Monsieur DeVillers.

.1620

M. DeVillers (Simcoe-Nord): Merci, madame la présidente.

Lorsqu'il a comparu devant le comité, la semaine dernière, le ministre de la Justice, compte tenu des contestations éventuelles en vertu de la Charte, nous a demandé d'envisager de limiter l'application du paragraphe 810.2 aux personnes ayant déjà fait l'objet d'une condamnation ou à celles qui ont fait preuve par le passé d'un comportement violent, la condamnation étant alors un facteur pertinent mais non déterminant, ou d'appliquer un système analogue à celui que prévoit l'article 518 du Code criminel qui énumère les catégories de facteurs.

Monsieur Newark, dans votre mémoire, vous semblez combiner la première et la troisième de ces options et je me demandais simplement si vous aviez réfléchi à la deuxième. Je demanderai au chef Ford de bien vouloir nous dire aussi ce qu'il pense de ces trois options.

M. Newark: En ce qui concerne le fait d'en limiter l'application aux personnes incarcérées après leur premier délit, il y a déjà eu à ce sujet un jugement aux termes duquel quelqu'un avait été déclaré coupable de l'un des types de délits les plus graves. Il y a aussi déjà eu un jugement à propos du danger potentiel que ces personnes pourraient présenter relativement à tous ces éléments. Toutes les conditions préalables seraient donc déjà réunies.

Tout ce que nous avons essayé d'envisager à propos de ces sortes d'articles ou de critères est qu'une fois que quelqu'un fait partie de ce groupe peu nombreux que constituent, par définition, les délinquants qui présentent un risque élevé de récidive, ce qui est la raison pour laquelle ils doivent purger la totalité de leur peine, les tribunaux pourraient prendre en considération un ensemble d'autres facteurs pour décider s'il est ou non raisonnable de rendre une ordonnance de ce genre.

Je pense que cela sera, dans une large mesure, un important facteur déterminant. Si quelqu'un est incarcéré, à moins d'un renversement de situation tout à fait remarquable, ce simple fait constituera une preuve péremptoire qu'une telle ordonnance doit être émise.

Il est certain que, d'après ce que m'ont dit M. Rock et M. Gray, le groupe visé était bien celui-là. Il s'agissait, en fait, des gens que notre système n'avait pas identifiés auparavant malgré les outils dont nous disposions. Heureusement, les dispositions de la loi nous permettent maintenant au moins de les maintenir en détention pendant le dernier tiers de leur peine. Nous nous sommes rendu compte qu'ils sont trop dangereux pour qu'on les libère même quand ils en ont déjà purgé les deux tiers. Le problème est qu'à l'heure actuelle, nous leur ouvrons simplement la porte et nous les laissons partir.

Je vous proposerais de limiter cela aux gens qui sont actuellement détenus. Je crois qu'ils sont environ 450. Je pense que vous allez entendre les agents de correction demain et ils pourront peut-être vous le dire. Ce nombre a quadruplé en deux ans et c'est, à mon avis, ce qui explique, dans une large mesure, pourquoi le taux de délits violents et d'homicides a diminué. Nous arrivons mieux à cibler les pires délinquants et à les garder en prison. Si on cible ce groupe, il me semble que cela répondra à toutes les préoccupations légitimes de M. Rock.

Chef Ford: Je suis plutôt d'accord avec ce que M. Newark a dit à ce sujet. Nous pourrions vous présenter un certain nombre de cas au sujet desquels les dispositions de ce projet de loi nous permettraient de disposer d'un mécanisme grâce auquel nous pourrions contrôler la situation dans nos villes afin d'améliorer leur sécurité et celle de nos rues et de contrôler les gens qui constituent, de toute évidence, un danger pour notre société. Je serais d'accord avec ses commentaires.

M. DeVillers: Merci. Je n'avais pas d'autres questions.

La présidente: Monsieur Langlois.

[Français]

M. Langlois: Je vais répéter ce que je disais tout à l'heure. J'espère que le personnel du ministère va sérieusement prendre en considération les recommandations qui sont faites et même la phraséologie qui nous est suggérée pour 810.2, et qu'on nous reviendra, à l'étape de l'étude article par article, avec des précisions en ce sens. Je pense que l'attitude que vous avez adoptée est extrêmement positive et évitera des contestations en vertu de la Charte qui, à mon avis, pourraient faire tomber une disposition de cette loi-là. Plutôt que de la faire tomber, il vaut mieux la préciser. Il vaut mieux avoir une disposition qui soit applicable plutôt qu'une déclaration d'intention que nos tribunaux refuseront d'appliquer.

Je vous remercie.

[Traduction]

La présidente: Madame Meredith.

Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): Merci, madame la présidente.

J'aimerais poser ma question à l'Association canadienne des chefs de police. Je vais lui rappeler un mémoire qu'elle a présenté il y a deux ans, le 13 décembre 1994. Elle y discutait ou critiquait le projet de C-45 et présentait au comité la méthode préconisée par l'ancien solliciteur général Doug Lewis en ce qui concerne les mesures législatives relatives aux délinquants dangereux. L'Association des chefs de police était en faveur de la méthode choisie par Doug Lewis.

.1625

Je voudrais savoir si, à votre avis, le projet de loi C-55 prendrait en considération les délinquants dangereux qui ne sont pas identifiés comme tels lors de la détermination de leur peine.

Chef Ford: Je ne pense pas que je faisais partie du groupe qui est venu ici.

Mme Meredith: Je pense que si.

Chef Ford: J'étais là?

Mme Meredith: Oui.

Chef Ford: J'étais peut-être présent, mais je ne m'en souviens pas. J'ai une mémoire sélective.

Une voix: Je pense qu'il était question de l'incarcération rétroactive.

Mme Meredith: Non, le projet de loi de M. Lewis portait sur la détention postsentencielle. Il s'agissait de sélectionner les délinquants dangereux, une fois leur sentence prononcée, pendant leur incarcération jusqu'à la dernière année de celle-ci et il y avait aussi une surveillance ultérieure.

Ma question concerne spécialement votre mémoire - du 13 ou 14 décembre 1994, comme je l'ai dit - dans lequel vous attiriez l'attention du comité sur cet ancien projet de loi concernant la détention postsentencielle pour les délinquants dangereux. Je vous demande si le projet de loi C-55 règle le problème des délinquants dangereux qui n'ont pas été identifiés ou sélectionnés vers l'époque où leur sentence a été prononcée, c'est-à-dire qui n'ont pas été identifiés comme des délinquants dangereux dans les trois ou quatre ans suivant leur incarcération. Ce projet de loi règle-t- il ce problème?

Chef Ford: C'était en quelle année?

Mme Meredith: 1994.

Chef Ford: Oui, j'étais là.

Mme Meredith: Oh, oui. Je me souviens de vous.

Chef Ford: C'est important. En effet, j'étais là. Je m'en souviens maintenant.

La présidente: C'est en quelque sorte une règle fondamentale des contre-interrogatoires au sujet de déclarations antérieures; on permet auparavant aux témoins de voir ce qui avait été dit. Il y a certains témoins qu'il ne me déplairait pas de faire venir pour leur tendre un piège, mais je ne suis pas de cette humeur-là aujourd'hui.

Je vais arrêter l'horloge pendant que le chef examine ce document.

Chef Ford: Je pense que l'ACCP commentait à ce moment-là une proposition qui faisait l'objet d'un projet de loi. Sur la base des renseignements disponibles à l'époque, oui, nous étions d'accord avec cela à ce moment-là. Mais nous sommes aussi d'accord avec ce que le gouvernement présente maintenant.

De façon générale, on identifie les délinquants dangereux avant la procédure de détermination de la peine. Bien sûr, lorsque quelqu'un est arrêté et accusé d'un délit criminel très grave, on peut, dans presque tous les cas, déterminer à ce moment-là si cette personne est ou non un délinquant dangereux, avant le prononcé de la sentence. M. Newark connaît peut-être mieux cette question, mais je pense qu'avec ces six mois de délai, personne ne passerait maintenant à travers les mailles du filet.

Il y en aurait peut-être. Je vous dis ce qui me vient à l'esprit. Je n'ai pas réexaminé la proposition que M. Lewis avait faite à l'époque.

Mme Meredith: La période de six mois prévue dans cet article m'inquiète - M. Newark m'appuiera peut-être à ce sujet - parce que quand quelqu'un est déclaré coupable, il fait généralement appel et une procédure qui dure 30 jours est alors engagée. Il reste donc probablement en détention pendant 30 jours jusqu'à ce que son appel soit entendu. Ensuite, il y a la procédure d'appel, puis il fait l'objet d'une évaluation, ce qui signifie dans la plupart des cas l'application d'un programme de deux mois au cours desquels on rassemble tous les dossiers. La peine est donc déjà entamée depuis trois mois avant que cet individu ne soit envoyé dans un pénitencier fédéral où on peut le contrôler et le surveiller régulièrement.

En gros, on a trois mois pour contrôler ses activités afin de déterminer si on le considère ou non comme un délinquant dangereux. En plus, on se prononce sur cette question avant qu'il ait pu tirer profit d'un programme de traitement ou de l'incarcération elle- même. On se prononce sur son cas au tout début de sa peine sans lui accorder le bénéfice du doute au cas où les programmes de counselling et de réinsertion sociale pourraient lui être profitables et où, en fin de compte, il ne représenterait plus un danger.

.1630

Je veux revenir à ce rapport parce que vous adoptez maintenant un point de vue différent. Vous dites même, en bas de la page, que la proposition de M. Lewis est contraire à la Constitution. Si je comprends bien, il s'agissait du fait qu'à votre avis, on pouvait régler le problème d'une contestation en vertu de la Charte vu la formulation utilisée et les prémices sur lesquelles reposait cette disposition. Je constate toutefois que votre opinion est différente deux ans plus tard et que vous acceptez une proposition du gouvernement qui ne me paraît pas meilleure que le projet de loi C-45.

Chef Ford: Je ne sais réellement pas quoi répondre à cette partie de votre question. Mais pour ce qui est de la question fondamentale de l'identification d'un délinquant dangereux, à mon avis... Je ne m'exprime pas en tant qu'expert juridique parce que je ne suis juriste ni de près ni de loin; je suis simplement un agent de police et c'est à ce titre que je suis ici.

La présidente: Vous avez l'air soulagé.

Chef Ford: Je suis ici simplement en tant qu'agent de police, j'ai gravi les échelons et j'ai eu la chance d'atteindre le poste que j'occupe maintenant; je sors de mon bureau pour parler avec mes collaborateurs et d'autres gens de l'ensemble du pays.

À mon avis... C'est comme quand on demande à quelqu'un s'il a dit quelque chose hier, ou il y a deux ans ou je ne sais quand. Je l'ai peut-être dit. Ce n'est tout au moins certainement pas moi qui ai préparé ce mémoire; je peux vous le garantir.

L'autre chose concerne l'identification des délinquants dangereux; à mon avis, on s'appuie beaucoup pour cela sur les techniques d'enquête, les recherches effectuées et les antécédents d'une personne qui a attiré l'attention d'un agent de police; on le fait dans tous les cas où un crime particulièrement horrible a été commis par la personne faisant l'objet d'une enquête en s'appuyant sur ce que l'enquêteur sait des antécédents de cette personne. En s'appuyant sur ce qu'il sait des faits entourant le délit, l'enquêteur s'adressera au procureur de la Couronne pour que celui- ci demande que telle personne soit identifiée comme un délinquant dangereux, ce qui me paraît une bonne façon de procéder.

Mme Meredith: Une détention postsentencielle ne vous paraît pas nécessaire? J'insiste là-dessus parce que vous témoignez ici également au sujet d'un projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi 254, qui porte sur ce type de détention.

Chef Ford: Moi? Quand?

Mme Meredith: Eh bien, le comité étudie en fait à la fois le projet de loi C-55 et le projet de loi d'initiative parlementaire C-254 qui correspond en gros à la proposition de M. Lewis au sujet des dispositions législatives applicables aux délinquants dangereux.

Chef Ford: Je ne savais pas que je témoignais à ce sujet, on ne m'a tout au moins pas...

Mme Meredith: Bon, d'accord. Eh bien, je suis...

M. Newark: Je n'étais pas au courant du fait que votre mémoire était, en quelque sorte, également à l'étude. Je m'en souviens assez bien, mais je l'aurais certainement examiné de façon beaucoup plus détaillée si je l'avais su.

Mme Meredith: Bien, à ma connaissance, le comité l'étudie. Il représente une optique différente relativement aux dispositions législatives applicables aux délinquants dangereux. Voici donc ce que j'essaie de savoir: pensez-vous que le projet de loi C-55 est à la hauteur de la situation ou le projet de loi d'initiative parlementaire C-254 constitue-t-il une mesure beaucoup plus efficace à cet égard?

M. Newark: Si vous me permettez de poser cette question - détrompez-moi si je fais erreur au sujet du contenu de ce projet de loi - , mais il portait bien essentiellement sur l'incarcération rétroactive?

Mme Meredith: J'appelle cela la détention postsentencielle, dans le cadre de laquelle la personne...

M. Newark: Après coup. On pourrait déclarer que quelqu'un est un délinquant dangereux à tout moment pendant la durée de sa peine.

Mme Meredith: Jusqu'à la dernière année.

M. Newark: D'accord, et on pourrait le maintenir en détention pendant une durée indéterminée?

Mme Meredith: Oui.

M. Newark: C'était l'une des options dont il avait été question, même déjà en mai 1995. C'était l'un des modèles envisagés. Je ne pense pas révéler un secret en disant que, du point de vue de la sécurité publique, ce serait certainement une façon plus efficace d'aborder ce problème, comme la peine capitale. Mais ce n'est pas ce qui est dans la loi et on a demandé à beaucoup d'entre nous ici présents d'examiner ces dispositions ainsi que toutes les options différentes et de déterminer ce qui nous paraissait la meilleure modification envisageable.

C'est l'une des raisons pour lesquelles je ne pense pas que vous puissiez jamais trouver de déclaration officielle de notre part dans laquelle nous dirions qu'il faudrait, à notre avis, appuyer cette incarcération rétroactive; ce n'est pas parce qu'elle ne permettrait pas d'atteindre les résultats recherchés pour ce qui est de la sécurité publique. On ne m'a jamais accusé d'être tendre pour ce qui est des mesures répressives applicables aux délinquants présentant un risque élevé de récidive, mais il est parfaitement clair pour moi qu'une telle disposition ne résisterait pas à une contestation en vertu de la Charte. Je dis cela après avoir fait d'abondantes recherches sur la portée de l'article 1 et sur les raisons pour lesquelles, à notre avis, l'article 1, fondamentalement... - puisque le projet de loi C-55 fera certainement l'objet d'une contestation en vertu de la Charte - sur les raisons pour lesquelles l'issue en serait positive en ce qui concerne le contenu du projet de loi C-55, mais pas celui du projet de loi de M. Lewis ou du vôtre.

.1635

La présidente: Madame Meredith, M. Maloney veut poser quelques questions et nous vous donnerons ensuite à nouveau la parole.

M. Maloney (Erie): J'ai une petite question à propos de ce que vous dites au sujet de la révision de la libération conditionnelle des délinquants dangereux et de votre idée selon laquelle la période devrait commencer à partir du moment où il est désigné comme tel. Cela ferait sept ans à partir de ce moment-là et non pas à partir du moment où il a été initialement placé en détention. Vous proposez également une révision tous les trois ans plutôt que tous les deux ans. Pourquoi simplement cette année supplémentaire? Quelle différence une année de plus fait-elle?

M. Newark: Commençons par la première partie au sujet des sept ans. Je pourrais aborder un sujet qui m'est cher; il s'agit des sanctions infligées aux personnes reconnues coupables de meurtre au premier degré. Au Canada, elles devraient théoriquement être condamnées à la prison à vie, nous savons tous qu'en fait cela veut dire 25 ans. Nous savons aussi qu'en réalité, cela ne signifie pas 25 ans et qu'elles peuvent bénéficier d'une libération conditionnelle après 15 ans.

La réponse à la deuxième partie est que nous ne sommes jamais arrivés jusque-là. Il y a seulement les autocollants de pare-chocs avec l'inscription 745 et la lettre X, mais, en réalité, il devrait en exister un autre portant l'inscription 746, parce que 15 ans ne veut même pas dire 15 ans. D'après l'article 746, on commence à compter à partir de la première date d'arrestation et de mise sous garde. En conséquence, je n'ai pas les chiffres exacts, mais quelqu'un comme Paul Bernardo a actuellement droit à cette première révision 12 ans et demi après le moment où le tribunal l'a déclaré coupable et l'a condamné à la prison à perpétuité; il n'a pas à attendre 25 ans.

D'après ce que nous avons constaté au sujet de multiples articles, surtout ceux qui portent sur la libération conditionnelle, ce qui suscite beaucoup de cynisme et d'irritation chez les Canadiens à propos de leur système judiciaire est qu'il ne cesse de faire autre chose que ce qu'il dit. À vrai dire, quelle que soit la durée de la période, il vaudrait beaucoup mieux que le décompte commence au moment où la sentence est prononcée. Il n'y aurait pas d'échappatoire ni d'autre article à consulter pour faire le calcul. Ce serait très clair.

D'ailleurs, cette recommandation au sujet des sept ans - et je crois que c'était sept et trois et non pas sept et deux - a été présentée autrefois par un autre comité de la justice qui examinait le genre de cas dont a parlé M. Ramsay. Il avait présenté des recommandations au sujet du changement de la durée de la période.

Je pense que si vous posez la question aux agents de correction, vous apprendrez que très peu de délinquants dangereux sont en fait libérés. Il y en a eu un récemment, quelqu'un du nom de Milne qui avait commis toute une série de viols d'enfants et il a été à nouveau arrêté pour d'autres délits sexuels contre des enfants. Mais, en général, ils ne bénéficient pas d'une libération anticipée, à très juste titre.

Nous voulons simplement dire que ces audiences et ces procédures coûtent extrêmement cher. Nous pourrions faire des choses considérablement plus utiles avec cet argent dans le système de justice, par exemple même en s'en servant pour des gens qui ne sont pas encore tombés sous le coup de ce système, plutôt que de franchement le gaspiller avec ce genre d'audiences. Tout ce qu'on peut faire pour prolonger cela... C'est actuellement deux ans et nous avons proposé trois ans. C'est la raison de notre proposition.

La présidente: Monsieur DeVillers.

M. DeVillers: J'ai une question qui concerne ce qu'a demandé Mme Meredith à propos de la période de six mois ainsi que le paragraphe 753(2) proposé, qui se lit: «La demande visée au paragraphe (1) doit être présentée avant que la peine soit imposée au délinquant, sauf si les conditions suivantes sont réunies». Ensuite, le libellé de l'alinéa 753(2)b) proposé est le suivant:

J'ai eu l'impression qu'on disait que la période de six mois était trop courte et qu'on devait examiner la conduite de l'accusé après l'imposition de la peine. Il est toutefois manifeste qu'il est question de preuves qui n'étaient pas disponibles quand la peine a été imposée. Est-ce cela qu'on essayait de dire?

M. Newark: Je pense que ce que nous avons dit reste valable. C'est juste une sorte de texte normalisé. Si la Couronne veut revenir à la charge après coup, il y a généralement une règle qui stipule que, pour pouvoir le faire, il faut s'appuyer sur quelque chose qui n'était pas normalement accessible la première fois. Il pourrait s'agir de renseignements recueillis récemment, ce qui expliquerait qu'on ne les ait pas eus auparavant, ou d'une meilleure compréhension du comportement de quelqu'un. Mais il faudrait pouvoir donner une explication raisonnable du motif pour lequel cela n'était pas accessible auparavant.

C'est l'une des raisons pour lesquelles six mois, douze mois... Je ne pense pas que beaucoup de demandes seront ainsi présentées après coup.

M. DeVillers: Donc cela n'a rien à voir avec la conduite après l'imposition de la peine?

M. Newark: On impose une obligation supplémentaire à la Couronne qui doit pouvoir justifier pourquoi on devrait lui permettre de revenir à la charge. Personnellement, tout au moins, je doute qu'il y ait beaucoup de cas comme cela.

.1640

M. DeVillers: Très bien, merci.

La présidente: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: Monsieur Newark, je parcours votre mémoire. Vous nous l'avez remis deux minutes avant le début de la séance et vous avez ensuite fait votre exposé à fond de train. Nous avons du mal à saisir réellement certains des éléments qu'il contient, je pose donc des questions à son sujet au fur et à mesure que j'avance dans ma lecture.

J'aurai du mal à appuyer ce projet de loi si le paragraphe 810.2 reste inchangé. C'est à cause de la teneur de l'alinéa 810.2(1) qui se lit comme suit:

En d'autres termes, êtes-vous en faveur du paragraphe 810.2 proposé?

M. Newark: Avant tout, je pense qu'on nous a fait savoir mercredi ou jeudi de la semaine dernière que nous allions comparaître pour parler de ce projet de loi. Je vous dirai respectueusement que j'ai participé à certaines des recherches réalisées à ce sujet, mais je ne produis pas ce genre de choses du jour au lendemain, monsieur Ramsay. Vous savez, je pense, que nous faisons de notre mieux pour remettre aussi rapidement que possible aux députés les documents que nous préparons. Ce n'est pas la première fois qu'on nous interroge à ce sujet et je suis sûr que vous connaissez le problème beaucoup mieux que moi; l'établissement du calendrier de ces audiences n'est pas du ressort de l'Association canadienne des policiers.

J'accepte donc votre remarque, monsieur, mais...

M. Ramsay: Je suis désolé d'avoir mentionné cela. J'aimerais que vous répondiez à la question pertinente.

M. Newark: Excusez-moi, je pensais que tout cela était pertinent.

M. Ramsay: Certaines parties de la question étaient plus pertinentes que d'autres.

M. Newark: Je répondrai à la première partie de la question que nous appuierons ce paragraphe seulement dans la mesure où on y apportera les modifications que nous avons proposées dans notre mémoire. Nous pensons qu'il faudrait énumérer les critères en vertu desquels la décision devrait être prise. Ce paragraphe parle seulement de «motifs raisonnables». Je pense que c'est, mot pour mot, la formulation que la Cour suprême a rejetée dans l'arrêt Morales. Nous avons ici un projet de modifications qui donne la liste des choses à quoi devraient se rapporter ces motifs raisonnables ou sur lesquels ils devraient être fondés.

Deuxièmement, l'ordonnance devrait avoir une durée de trois ans et non pas de 12 mois.

Troisièmement, cela devrait s'appliquer uniquement aux personnes qui ont été incarcérées en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Je crois que ce sont les seules modifications que nous avons spécifiquement proposées. Mais oui, si ces modifications étaient faites, nous approuverions cette ordonnance.

M. Ramsay: Êtes-vous prêt à appuyer ce projet de loi s'il est adopté sous sa forme actuelle?

M. Newark: C'est une question que vous nous avez posée auparavant à propos d'autres projets de loi. Je pense pouvoir vous dire simplement que oui, même si cette réponse est loin d'être satisfaisante. Mais, pendant tout ce temps-là, nous allons continuer de nous manifester bruyamment. Nous ferons tout ce que nous pouvons pour mettre en garde les gens, y compris ceux qui sont à la Chambre, et proposer des modifications en troisième lecture, au Sénat, aux médias et n'importe où ailleurs. C'est comme cela que nous agissons. Nous essayons d'indiquer ce qui nous paraît bon dans ce projet de loi et ce qui nous paraît mauvais.

Quand j'ai dit - je crois que le ministère a d'ailleurs cité mes propos - qu'à mon avis, c'est la mesure législative la plus importante du point de vue de la sécurité publique depuis 20 ans, je le pensais vraiment. On pourrait améliorer ce projet de loi, et j'essaie de faire des propositions à cette fin. Mais ni moi, ni notre association, ni nos membres, nous qui avons adopté depuis trois ans des résolutions en faveur de ce projet de loi, ne dirions en aucun cas que si on n'adopte pas mot pour mot nos propositions, nous ne l'appuierons pas. Franchement, cela ne serait pas réaliste.

M. Ramsay: Vous dites cela malgré le fait que, si ce projet de loi est adopté sous sa forme actuelle, des gens pourraient se voir imposer ces conditions du simple fait que quelqu'un craint que des personnes risquent d'être victimes de sévices. Vous êtes prêts à appuyer ce...

M. Newark: Monsieur Ramsay, il ne fait aucun doute pour moi que cet article, s'il est adopté sous cette forme, sera rejeté immédiatement par les tribunaux.

La présidente: L'expression utilisée était «intérêt public» et non pas «doute raisonnable».

M. Newark: Ce sont toutes deux des formulations générales. C'est néanmoins ce que je veux dire.

La présidente: Mais «doute raisonnable» est utilisé tout le temps dans le Code criminel et les tribunaux ne s'y sont pas encore objectés.

M. Newark: Non, mais...

La présidente: Je voulais simplement éclaircir les faits, c'est tout.

M. Newark: Très bien. D'accord.

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M. Ramsay: Je suis d'accord avec votre analyse de ce projet de loi. S'il n'est pas modifié, je pense que cette partie du projet de loi constitue en fait une disposition dangereuse.

M. Newark: Ce qui est pire, monsieur, est qu'à mon avis, elle s'avérera inutile. Nous avons rarement la possibilité d'améliorer ce texte. De notre point de vue, il a fallu trois ans pour en arriver là. Nous espérons qu'on le fera correctement.

M. Ramsay: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci.

Chef Ford: Si vous me permettez de faire simplement un commentaire, madame la présidente, au sujet du contre- interrogatoire concernant nos opinions...

Des voix: Oh, oh!

La présidente: Nous vous tendrons un piège une autre fois.

Chef Ford: En 1994, lorsque ce projet de loi a été présenté, nous l'avons appuyé parce que rien d'autre n'était présenté à ce moment-là. Toutefois, on présente maintenant quelque chose d'autre que nous appuyons et que nous continuerons d'appuyer.

La présidente: Merci, chef.

Je remercie l'Association canadienne des policiers et l'Association canadienne des chefs de police pour le temps que leurs représentants nous ont consacré aujourd'hui. Nous vous en sommes reconnaissants.

La séance est levée jusqu'à demain après-midi.

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