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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 11 février 1997

.0935

[Traduction]

La présidente: La séance est ouverte. La séance d'aujourd'hui porte sur le projet de loi C-55 ainsi que sur le projet de loi C- 254, le projet de loi de Mme Meredith.

Du Centre canadien de ressources pour les victimes du crime, nous recevons Steve Sullivan, directeur administratif; et de Victimes de violence, Gary Rosenfeldt, directeur administratif, et Gemma Harmison, directrice de la recherche. Bienvenue.

Steve, vous êtes-vous entendus sur la façon dont vous allez...?

M. Steve Sullivan (directeur administratif, Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes): M. Rosenfeldt va commencer.

La présidente: Très bien. Monsieur Rosenfeldt, heureuse de vous revoir.

M. Gary Rosenfeldt (directeur administratif, Victimes de violence): Merci beaucoup, madame la présidente. Bonjour.

Nous avons un mémoire. Je ne vais pas vous le lire en entier. Je me contenterai de faire quelques remarques sur les deux projets de loi.

Pour commencer, je tiens à dire que Gemma Harmison est notre directrice de la recherche depuis un an. C'est elle qui a rédigé le mémoire que vous avez devant vous; donc, si vous avez des questions à poser sur le texte, je vous invite à vous adresser à elle. Elle n'interviendra pas au cours de notre exposé, mais elle sera heureuse de répondre aux questions que vous pourriez avoir sur le mémoire.

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Premièrement, je tiens à dire que notre organisation est très heureuse des changements qu'on se propose d'apporter à la loi sur les criminels dangereux au Canada. Nous tenons à féliciter le ministre et le gouvernement pour ces changements.

À titre personnel, je peux vous dire qu'il y a plus de 10 ans que je m'intéresse au sort des nombreuses victimes du crime au Canada qui pensent que le délinquant auquel elles ont eu affaire aurait dû être déclaré criminel dangereux. Ces personnes pensent qu'il subsiste une injustice dans le système et que ce que nous faisons, c'est perpétuer la victimisation des Canadiens dans tout le pays, lorsqu'on refuse d'invoquer la loi sur les criminels dangereux. Je me souviens d'ailleurs de plusieurs cas, et je pense qu'ils sont très importants - j'en rappellerai brièvement quelques-uns - où des individus n'ont pas été déclarés criminels dangereux pour des raisons précises, et, dans plusieurs cas, c'était parce que le procureur de la Couronne craignait de réclamer le statut de criminel dangereux pour ces personnes parce qu'elles pouvaient être libérées au bout de trois ans. Il en est résulté au fil des ans - et on l'a vu au cours des 10 dernières années ou davantage - que plus de gens ont été victimes du crime.

Il y a un cas qui me revient à l'esprit, et c'est celui d'un petit garçon du nom de David Mitchell, qui a été enlevé à Moose Jaw, en Saskatchewan. Il avait sept ans. Il a été enlevé par un pédophile qui avait un long casier judiciaire. L'enfant a été enlevé à Moose Jaw, en Saskatchewan, et emmené en Ontario, où un policier vigilant de la PPO a remarqué que la plaque d'immatriculation du ravisseur présentait une infraction. Le policier s'est mis en chasse, et après une poursuite effrénée, il a retrouvé le petit David Mitchell assis sur la banquette arrière de la voiture de l'homme. Enquête faite, on a constaté que le petit David avait été chloroformé.

Le père avait déposé David à la piscine de Moose Jaw ce matin- là, et cet homme s'était approché de David pour lui demander un coup de main; il avait des choses à prendre dans sa voiture, disait-il. Le petit David avait laissé son maillot et son goûter à côté de la porte de la piscine, et il était tout simplement disparu. Des recherches à grande échelle avaient été entreprises dans toute la Saskatchewan, et on a retrouvé le petit David le lendemain sur la banquette arrière de cette voiture - je pense que c'était à Dryden, ou à North Bay, en Ontario - après une poursuite effrénée. Il avait été chloroformé.

Quoi qu'il en soit, le délinquant a été ramené à Moose Jaw, en Saskatchewan, pour y subir son procès. J'ai parlé au procureur de la Couronne qui était chargé du dossier, et j'ai été surpris d'apprendre que même si ce pédophile avait un long casier judiciaire en Ontario - délits qu'il avait en fait commis à Nepean et à Ottawa - le procureur de la Couronne m'a dit qu'il ne réclamerait pas pour lui le statut de criminel dangereux.

J'étais choqué, je n'en revenais pas. Si cet homme, qui avait un casier judiciaire long comme le bras, ne pouvait être considéré comme un criminel dangereux, qui alors pouvait-on considérer comme un criminel dangereux? Mais le procureur nous a expliqué par lettre plus tard qu'il préférait réclamer une peine de prison déterminée. À son avis, il pouvait obtenir une peine d'incarcération plus longue en... D'ailleurs, à un moment donné, il m'a dit au téléphone que s'il le faisait déclarer criminel dangereux, cet homme serait libéré en moins de trois ans. C'était là le véritable problème que posait la loi sur les criminels dangereux que nous avions depuis plusieurs années.

Quoi qu'il en soit, pour en revenir à cette histoire, après avoir déménagé à Ottawa il y a quelques années, j'étais un matin dans ma cuisine en train de prendre le petit déjeuner lorsque j'ai entendu l'histoire suivante à la radio. Je savais que cet homme venait d'être libéré après avoir purgé ses cinq années de prison - il avait été condamné à cinq ans de prison - et les services correctionnels refusaient de le libérer sous condition ou sous surveillance, quelle qu'elle soit. Il avait purgé toute sa peine jusqu'à la date d'expiration du mandat, et il avait été tout simplement libéré.

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Donc j'écoutais la radio ce matin-là, et on disait qu'un homme avait été arrêté en Nouvelle-Écosse. Il s'était faufilé dans une tente. Vous vous souvenez probablement de cette histoire. C'était il y a quelques années. Il s'était glissé dans la tente de deux jeunes enfants. Le père avait entendu du bruit, il était sorti et il l'avait chassé. On avait repris l'homme dans le bois. Et voilà, apprend-on, que c'est ce même homme qui venait d'être libéré quelques mois auparavant du pénitencier de Prince Albert après avoir purgé sa peine au complet, et il était encore considéré par Service le correctionnel du Canada comme une menace à la société.

Inutile de vous dire que ce qui est intéressant dans cette affaire, c'est que nous avions là un cas en Nouvelle-Écosse où cet homme était accusé de deux nouvelles infractions sexuelles, mais dans ce cas-là le procureur de la Couronne pensait que le maximum qu'il pouvait obtenir pour ce délinquant, c'était environ trois ans de prison. C'est à ce moment-là que le procureur a demandé que cet homme soit déclaré criminel dangereux. Le tribunal a acquiescé; il est considéré comme un criminel dangereux, et il est maintenant incarcéré pour une période indéterminée.

Ce que nous avons vraiment appris de cette expérience, c'est que nous avions là un cas où si le procureur pensait qu'il pouvait obtenir plus de trois ans...en Saskatchewan, le procureur avait obtenu cinq ans, et il avait préféré obtenir une peine plus longue plutôt que de le faire déclarer criminel dangereux. Nous avons vu de nombreux cas de ce genre au fil des ans.

Je crois que l'élément difficile qui se posait lorsqu'il s'agissait de criminels dangereux au fil des ans, comme dans le cas de Larry Takahashi, à Edmonton, il y a plusieurs années de cela... Il était considéré comme étant le pire violeur au Canada. Encore là, le procureur de la Couronne, Arnold Piragoff, m'a dit à l'époque où il le poursuivait que sa plus grande crainte, c'était que si on le déclarait criminel dangereux, il serait libéré au bout de trois ans. Nous avions là le pire violeur du Canada, et la Commission des libérations conditionnelles pouvait le libérer; une autorité quelconque pouvait le libérer au bout de trois ans. C'était là le problème.

Je me rappelle qu'à l'époque le procureur a préféré des peines individuelles. Il a réussi à obtenir, je crois, trois peines de prison à perpétuité et, au total, près de 60 ans de prison, et c'est ce qu'on a obtenu pour Larry Takahashi. Ce que cela voulait dire, en réalité, c'est que Larry Takahashi resterait en prison sept ans avant de pouvoir être libéré sous condition, au lieu de l'option de trois ans qu'on aurait obtenue en invoquant la loi sur les criminels dangereux.

Donc, pour nous et les nombreuses victimes que nous avons rencontrées au fil des ans, et qui ont été témoins de situations aussi irritantes... beaucoup de victimes nous ont dit: si cette personne n'est pas un criminel dangereux, alors qui l'est? Pendant toutes ces années, il était difficile d'expliquer aux gens que le problème, c'était la période de trois ans. Nous sommes donc heureux de voir qu'on a mis en place cette peine de sept ans.

Nous aimerions cependant proposer un amendement au projet de loi. Ainsi, la révision aurait lieu aux trois ans au lieu du moment précisé dans le projet de loi. Mais, de manière générale, nous sommes heureux de voir ce projet de loi à la Chambre, et de voir qu'on fait enfin quelque chose. Il y a longtemps que nous réclamons ce projet de loi.

Nous mentionnons également dans notre mémoire d'autres changements concernant les délinquants à contrôler et les criminels dangereux. Je n'en ferai pas état pour le moment. Comme je l'ai dit, vous avez notre texte devant vous.

Il y a cependant une autre question dont j'aimerais parler. Nous ne l'avons pas mentionnée dans notre mémoire pour une raison précise. Nous ne voulions pas que la discussion d'aujourd'hui... Étant donné que nous nous battons depuis tellement longtemps pour la réforme de la loi sur les criminels dangereux, et étant donné que nous sommes tellement heureux des changements qu'on apporte, nous ne voulions pas mentionner dans notre mémoire toute la question de la castration chimique.

Nous pensons que c'est une autre option à considérer. Nous nous sommes contentés d'ajouter un petit texte en annexe à notre mémoire. Il ne fait pas partie du mémoire comme tel. Nous ne faisons que dire ceci... Je l'ai ajouté ce matin. Nous n'allons pas parler de cette question.

Nous constatons que l'État de la Californie a fait de la castration chimique l'une de ses options lorsqu'il s'agit de contrer ce type de délinquants dont il est question dans la loi sur les criminels dangereux. C'est le genre de chose que nous aimerions recommander à votre comité.

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Comme vous le savez, la députée indépendante Jan Brown a saisi la Chambre d'un projet de loi d'initiative parlementaire sur la castration chimique.

Comme je l'ai dit, nous ne tenons pas à entrer dans ce débat ce matin. Mais je pensais qu'il fallait le mentionner pour que le gouvernement puisse examiner cette question plus tard.

La Californie vient d'adopter une loi en ce sens. J'ai la certitude que d'ici quelques années nous aurons quelques statistiques sur le succès de cette initiative.

Comme nous le disons ici, il y a une étude danoise sur le taux de récidive qui concerne 900 délinquants sexuels à qui on a donné des injections hebdomadaires de Depo-Provera, et ce taux est tombé de 70 p. 100 à tout juste 2,2 p. 100. Je n'ai pas tous les détails sur cette étude, mais le Texas a également mené des études semblables et a vu le taux de récidive pour 40 pédophiles endurcis tomber de 75 p. 100 à tout juste 16 p. 100. Voilà pourquoi je crois que c'est une option à considérer pour l'avenir.

Je sais que plusieurs personnes ont de graves réserves dès qu'on mentionne l'expression «castration chimique.» Mais, premièrement, ce n'est pas ce que la plupart des gens croient. Je tiens également à dire qu'il y a quelques mois j'ai regardé un talk-show à Radio-Canada où un pédophile confirmé est intervenu. Il disait qu'il était sorti de prison depuis trois ans et demi et qu'il avait accepté de se prêter à un traitement au Depo-Provera.

J'ai écouté cet homme, et j'ai été surpris, et il m'inspirait de la sympathie. Il disait être un pédophile confirmé. Il avait un long casier judiciaire. Il disait que le Depo-Provera était un médicament miracle et que cela avait changé sa vie du tout au tout. Depuis sa sortie de prison, trois ans et demi auparavant, il avait eu deux relations intimes avec des femmes adultes. Les enfants ne l'intéressaient plus. Pour lui, c'était là la cure miracle et la solution. Cela lui avait permis de s'en sortir, de vivre en société. Il était d'avis que ce médicament lui avait permis de vivre une vie normale. Je pense que cela vaut la peine d'y regarder de plus près.

Dans la dernière partie de notre mémoire nous mentionnons un autre problème. Ce problème, c'est la surveillance communautaire. C'est un problème de la plus haute importance pour notre organisation. Encore là, c'est une chose dont nous parlons depuis longtemps. Nous n'avons pas vraiment foi dans la Commission nationale des libérations conditionnelles et dans la façon dont elle surveille les gens qui sont libérés. Je pense qu'il y a de meilleures façons, particulièrement lorsqu'il s'agit de pédophiles. Nous parlons ici de personnages des plus ignobles qui s'en prennent à des enfants innocents. Je pense que la société a le droit d'être protégée contre ces personnes.

Au cours des quelques dernières années, nous avons vu des services de police irrités afficher publiquement des photos de pédophiles. Je ne suis pas convaincu que ce soit là une solution, parce que, comme on l'a vu dans un cas récent ici à Ottawa, ce qui arrive, c'est que le délinquant fait tout simplement sa valise et déménage.

Mais il y a une solution qui a marché, à mon avis. Dans l'État de la Californie, il appartient au délinquant qui quitte un secteur de le signaler aux services de police. C'est le délinquant qui assume cette responsabilité, ce qui vaut mieux que de l'obliger à se présenter une fois par semaine - ou aux deux semaines, ou aux trente jours, selon le mécanisme que l'on prévoit - à la Commission nationale des libérations conditionnelles.

Voici ce que Clifford Olson faisait: il se présentait chez son agent de liberté conditionnelle, puis il allait en Californie pour un mois, et il revenait se présenter chez son agent. Tout cela ne servait pas à grand-chose.

Nous avons vu plusieurs cas de ce genre au fil des ans. Nous sommes au courant d'un cas à Vancouver où Terrance Bird a commis un meurtre et s'est présenté chez son agent de liberté conditionnelle le lendemain, je crois, où le jour après.

Ce n'est donc pas une solution au problème, même si la commission peut contrôler la vie du libéré conditionnel dans une certaine mesure.

Ce que je veux, c'est qu'on institue un système où le délinquant doit assumer sa responsabilité. Une fois que le délinquant est déclaré criminel dangereux ou à contrôler, il faut qu'il y ait un système où le délinquant a la responsabilité de déclarer ses allées et venues. S'il vit à Ottawa, la police devrait le savoir, et elle devrait savoir où il habite. Je ne parle pas d'affiches dans toute la ville d'Ottawa, ou d'annonces dans le journal avec sa photo. Je pense seulement que la police devrait avoir le droit de savoir où se trouve ce délinquant en tout temps.

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Il y a autre chose ici. En Californie, le délinquant qui quitte la ville doit le signaler à la police. Cela me semble être une mesure parfaitement raisonnable. J'aimerais qu'on ait un système de ce genre ici, où, si le délinquant sexuel quitte la ville d'Ottawa entre deux rendez-vous mensuels à la Commission nationale des libérations conditionnelles et qu'il décide d'aller en vacances dans le nord de l'Ontario et de séjourner dans un camping, la loi devrait obliger ce délinquant à se présenter au service de police local là-bas. Il devrait déclarer qui il est, ce genre de détails, et dire qu'il est un délinquant sexuel confirmé et que la loi l'oblige à signaler ses allées et venues à la police locale.

Bien sûr, ce que la plupart des gens vont vous dire, c'est que ces délinquants ne feront rien de la sorte. Mais voyons plutôt les choses de cette façon. En Californie, on dit que 60 p. 100 des délinquants en moyenne se conforment à la loi. Autrement dit, si un délinquant vit à Los Angeles et qu'il va passer la fin de semaine à San Francisco, il doit le signaler à la police. Donc, 60 p. 100 du temps, ces délinquants signalent leurs allées et venues.

Si vous êtes dans une localité nordique et qu'un individu se présente au poste de police pour signaler sa présence, même si seulement 50 p. 100 des délinquants le font, à tout le moins vous avez la certitude que la police locale est au courant de la présence de la moitié des délinquants sexuels au camping au cours d'une fin de semaine donnée. Si un crime se produit, il y a moins de recherches à faire.

Je pense que cela servirait également d'élément dissuasif pour le délinquant. Voici comment il faut imaginer les choses. Ce délinquant va faire du camping, et il se trouve entouré d'enfants. S'il est tenté de récidiver, mais qu'il a déjà signalé sa présence au service de police local quelques jours auparavant, je pense que cela pourrait le dissuader d'agir. Le fait d'être obligé de signaler sa présence lui fera également comprendre qu'il ne pourra pas s'en sortir aisément.

Ce sont là les trois grandes questions que je voulais aborder. M. Harmison et moi-même serons heureux de répondre à vos questions.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci, monsieur Rosenfeldt.

Monsieur Sullivan.

M. Sullivan: Merci, madame la présidente. Comme toujours, je suis très heureux de comparaître devant ce comité, et surtout aujourd'hui, puisque nous y discutons de deux projets de loi différents, mais qui visent tous deux à faire avancer la question de la sécurité du public.

Il y a longtemps que nous attendons pour parler du projet de loi C-55. Ce projet de loi nous plaît, et nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui pour en discuter. Nous félicitons le gouvernement pour les initiatives qu'il a prises. Nous félicitons également Mme Meredith de son engagement continuel envers la sécurité publique dont témoigne son projet de loi d'initiative parlementaire C-254.

Je pense que ces projets de loi, bien que différents, s'attaquent en réalité au même problème, celui des délinquants à risque élevé. À l'heure actuelle, bien que nous sachions de qui il s'agit, nous leur ouvrons tout simplement la porte pour les laisser réintégrer la société, car nous ne disposons d'aucun mécanisme pour les emprisonner.

M. Rosenfeldt a parlé de prévenir la communauté. Certaines forces policières au pays ont adopté cette mesure. Quoi qu'on en pense, et les avis sont partagés, il s'agit d'une mesure désespérée pour faire face à un problème désespérant. Nous rejetons quelqu'un dans la société alors que nous savons que le risque de récidive est élevé. Nous pouvons prévenir ou pas la société. D'une façon ou d'une autre, je pense que c'est très injuste de charger la société d'un tel fardeau.

Je pense que ces deux projets de loi tentent de s'attaquer à ce même problème. Le projet de loi C-55 comporte trois éléments que vous connaissez. Il s'agit de la loi sur les délinquants dangereux, de la désignation de délinquants à contrôler et des dispositions relatives aux restrictions judiciaires. Je n'entrerai pas dans les détails, mais j'aimerais souligner quelques-unes de nos recommandations et de nos préoccupations à cet égard.

M. Rosenfeldt a mentionné le problème qui découle de l'admissibilité à la libération conditionnelle dans un délai de trois ans. Le projet de recherche du gouvernement fédéral concernant les dossiers de la Couronne a relevé ce même problème. Je pense que le gouvernement a pris les mesures qui s'imposaient dans le projet de loi C-55 en portant le délai à sept ans.

C'est très positif. Toutefois, nous recommandons d'aller un peu plus loin et de prévoir des audiences de libération conditionnelle tous les trois ans. Vu la préparation nécessaire et les dépenses en temps et en argent que représentent les audiences de libération conditionnelle et compte tenu du fait que le délinquant dangereux moyen passe au moins quatorze ans en prison, nous pensons qu'il serait plus raisonnable de tout simplement prévoir que la deuxième audience de libération conditionnelle et les suivantes auront lieu tous les trois ans.

.1000

La deuxième modification bienvenue dans le projet de loi C-55 retire au juge le pouvoir discrétionnaire d'infliger une peine de durée déterminée ou indéterminée.

À l'heure actuelle, la procédure veut que la Couronne puisse présenter une demande pour faire déclarer un délinquant dangereux, tenir audience, et en fait réussir à convaincre un juge que le délinquant est dangereux, mais le juge a toujours le choix d'imposer une peine déterminée de trois, cinq ou six ans. Je pense que cela amoindrit vraiment la valeur des dispositions sur les délinquants dangereux. Celles-ci visent les délinquants les plus dangereux et ont été rédigées avec grand soin. Ce n'est pas se servir de ces dispositions que de déclarer un délinquant dangereux en lui imposant une peine déterminée. Le gouvernement a réglé cette question en retirant son pouvoir discrétionnaire au juge. Si un détenu est déclaré dangereux, il devra purger une peine indéterminée, et il n'y a pas d'autre option.

Nous nous préoccupons toujours cependant du libellé du texte proposé. Si je comprends bien, le paragraphe 753 (1) prévoit que même si un délinquant répond aux critères de la loi sur les délinquants dangereux, le juge peut le déclarer délinquant dangereux. Il ne devrait pas y avoir de latitude à ce sujet. C'est peut-être une question de sémantique, mais il me semble très important d'enlever toute option. Si un délinquant répond aux critères, alors il faut le déclarer délinquant dangereux. Donc, nous abordons cette question dans notre mémoire.

Il n'est pas question dans le projet de loi d'un troisième point qui nous préoccupe, mais ce n'est peut-être pas nécessaire. Les lois actuelles sont peut-être suffisantes. Il s'agit du témoignage des victimes à l'audience de détermination du statut de délinquant dangereux. Très souvent, la victime témoigne à l'enquête préliminaire, au procès, et s'il y a une audience de détermination du statut de délinquant dangereux, là encore éventuellement.

Or, lorsque l'on demande la désignation de délinquant dangereux, c'est essentiellement à la suite d'agressions brutales, d'agressions sexuelles. Il s'agit d'enfants. Je pense que nous reconnaissons tous que c'est très traumatisant de témoigner dans ces situations, pas une seule fois, mais éventuellement trois fois. Nous nous sommes demandé si on ne pourrait pas trouver une façon d'utiliser, à l'audience de détermination du statut de délinquant dangereux, le témoignage antérieur de la victime au procès qui a précédé ou à l'enquête préliminaire. Les éléments de preuve n'auront pas changé, et je pense que l'on ménagerait ainsi la victime.

À tout le moins, selon mon interprétation des dispositions sur les délinquants à contrôler, si la Couronne échoue dans sa tentative de faire déclarer dangereux un délinquant, le juge peut soit déclarer ce délinquant «à contrôler», soit tenir une audience de détermination à cette fin. Nous recommandons que s'il faut tenir une nouvelle audience, on n'exige pas que la victime témoigne à cette audience aussi, mais que l'on utilise plutôt le témoignage donné à l'audience de détermination du statut de délinquant dangereux.

La catégorie des délinquants à contrôler est une excellente solution que nous appuyons. Bien que nous ayons quelques petites réserves à ce sujet, cette disposition, je pense, améliorera la sécurité du public.

Ce qui nous préoccupe surtout, c'est la limite de 10 ans. Je sais que vous comprenez tous ce projet de loi. Un détenu peut purger sa peine jusqu'à l'expiration du mandat et ensuite être libéré sous surveillance dans la collectivité pour jusqu'à 10 ans. Des recherches au bureau du solliciteur général du Service correctionnel révèlent que plus vous suivez un pédophile longtemps, plus les risques de récidive sont élevés.

Une étude a révélé en fait que si vous suivez les agissements d'un pédophile entre 15 et 30 ans après la date d'expiration du mandat, le taux de récidive atteint presque 45 p. 100. Vu ces chiffres élevés et vu qu'il ne s'agit que du taux d'accusation et du taux de condamnation, et non pas des infractions déclarées spontanément, dont le taux devrait être beaucoup plus élevé, je pense donc qu'il est inadéquat de prévoir une période de 10 ans.

Il n'est pas prévu dans le projet de loi de prolonger cette période de 10 ans. Il n'y a rien qui permette de répéter cette période de 10 ans si la personne présente toujours un risque. Je proposerais donc que l'on prévoie une période qui puisse aller jusqu'à la perpétuité.

Il est à noter aussi que dans le projet de loi le délinquant déclaré délinquant à contrôler peut s'adresser au tribunal et demander que la période de surveillance soit réduite. Cette option existe donc.

Cette limite de 10 ans après la libération constitue probablement l'aspect qui nous préoccupe le plus dans ce projet de loi. D'après les données statistiques, cette période serait nettement insuffisante, et nous proposons donc de prévoir sa prolongation jusqu'à la perpétuité.

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Nous avons également des préoccupations - M. Rosenfeldt en a fait état - au sujet de la Commission nationale des libérations conditionnelles du Service correctionnel du Canada et de la surveillance dans la communauté. Je suis de ceux qui pensent que la commission fait un assez bon travail la plupart du temps. Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas d'erreurs. Aussi bon que soit notre régime de libération conditionnelle, nous continuons à perdre en moyenne une personne par mois qui est victime d'un individu jouissant d'une libération anticipée sous une forme ou une autre. L'an dernier, 15 personnes ont été assassinées dans ces conditions. Quinze autres ont été victimes de tentatives de meurtre. En ce qui concerne les agressions sexuelles, les chiffres sont encore plus élevés et le demeurent.

Si vous lisez les rapports de la commission sur ces tragédies, vous verrez que très souvent les délinquants n'ont pas respecté les conditions de leur libération conditionnelle ou de leur surveillance, sans que cela soit rapporté à la commission ou à l'agent de liberté conditionnelle. Comme ces délinquants sous surveillance à long terme sont les pires délinquants, ceux qui présentent un risque élevé de récidive, les plus dangereux, nous recommandons que les agents de liberté conditionnelle n'aient pas de pouvoir discrétionnaire lorsqu'il y a infraction aux conditions de la surveillance. Si un délinquant à contrôler est sous surveillance et qu'il ne respecte pas les conditions du mandat de surveillance, il devrait être obligatoire d'en prévenir le procureur de la Couronne, qui décidera s'il y a lieu ou non de porter des accusations.

Là encore, cela ne signifie pas que la Commission des libérations conditionnelles et le Service correctionnel ne font pas bien leur travail ou ne sont pas sensibles à la sécurité du public. Au contraire. Toutefois, très souvent, lorsqu'il s'agit d'un organisme, les perceptions peuvent être très différentes.

Un autre aspect que nous aimerions aborder en ce qui concerne les délinquants à contrôler, c'est le genre d'infractions en cause. On vise très précisément les pédophiles.

Je ne sais pas si certains ici ont lu le compte rendu de l'enquête sur la mort de Sarah Dawn Kelly, la jeune fille de 13 ans qui a été assassinée en 1994 par un dénommé Robert Arthurson. M. Arthurson était un pédophile connu qui avait accumulé une liste d'infractions plutôt mineures: s'exhiber devant des jeunes filles, prendre leurs photos, essayer d'obtenir leurs faveurs sexuelles. Individuellement, il s'agit d'infractions assez mineures, je pense. À l'enquête, il a été noté qu'il s'agissait en fait d'un comportement révélateur d'un pédophile. On commence par des infractions plutôt mineures, et ensuite il y a escalade. Dans le cas de M. Arthurson, il en est venu à assassiner une jeune fille.

Les questions soulevées à l'enquête... À l'époque, on examinait le rapport du groupe de travail sur les délinquants présentant un risque élevé de récidive, rapport dont s'inspire en grande partie ce projet de loi. À l'époque, le juge s'est inquiété du fait que la désignation de délinquant à contrôler n'aurait pas fait la moindre différence dans le cas de M. Arthurson, puisque les infractions qu'il avait commises ne figuraient pas dans la liste des infractions figurant à l'annexe.

Nous recommandons que le comité, à la lumière des constatations de l'enquête, auxquelles vous avez accès, je présume - sinon, nous pouvons vous en fournir copie - et des préoccupations qui ont été soulevées à cette occasion, accorde une attention toute particulière à la liste des infractions en ce qui concerne les délinquants à contrôler.

Le troisième élément du projet de loi C-55 est sans doute celui qui a le plus retenu l'attention du public - ce qui est malheureux, vu les amendements positifs que j'ai déjà mentionnés - et je veux parler des restrictions judiciaires. On s'inquiète du fait que ces restrictions peuvent viser des gens qui n'ont jamais été reconnus coupables d'un crime auparavant. Or, ce n'est pas vraiment nouveau. Il y a déjà des dispositions dans le Code criminel qui pourraient éventuellement viser des personnes qui n'ont jamais été reconnues coupables d'un crime. L'article 810 porte sur l'engagement de ne pas troubler l'ordre public, ce qui signifie que même sans avoir été reconnu coupable d'un crime, je peux être forcé de respecter cet engagement pendant un an. Si je ne respecte pas les conditions de cet engagement, je peux faire l'objet de poursuites au criminel.

L'article 810.1 vise les pédophiles. Si vous soupçonnez quelqu'un de vouloir agresser un enfant, vous pouvez assujettir cette personne à un engagement de ne pas troubler l'ordre public, interdisant ainsi à cette personne de s'approcher des écoles ou des terrains de jeu pendant un an. Si la personne ne respecte pas les conditions de l'engagement, elle peut faire l'objet d'accusations.

Il n'y a donc rien de nouveau dans ces restrictions judiciaires. Ce qui nous préoccupe surtout, c'est le genre de conditions que le juge peut imposer, y compris la surveillance électronique. Le risque de récusation en vertu de la Charte vient du fait que c'est là trop envahir la vie privée de quelqu'un qui n'a jamais été reconnu coupable d'un crime. En effet, assujettir à la surveillance électronique pendant jusqu'à un an constitue une mesure très envahissante, surtout si officiellement la personne n'a jamais commis de crime.

Je pense que M. Rock vous a demandé d'examiner ces dispositions attentivement et d'en limiter peut-être la portée. Je sais que l'Association canadienne des policiers propose qu'elles soient limitées aux délinquants qui sont restés incarcérés pour toute la durée de leur peine avant d'être relâchés.

Nous pensons que c'est une bonne idée, puisque à l'heure actuelle nous ne pouvons rien faire pour contrôler les agissements de ces gens. Cela s'est produit. Cela se produit tous les jours au Canada. On relâche tous les jours des détenus qui ont purgé toute leur peine. Nous savons qu'ils représentent un risque élevé de récidive, mais nous n'avons aucun moyen de continuer à les incarcérer.

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Ce serait peut-être une formule à utiliser dans ce cas. Évidemment, cela ne règle pas complètement le problème, mais c'est un outil de plus. Nous appuyons donc la recommandation de l'association des policiers de limiter l'application de ces dispositions aux délinquants qui sont restés incarcérés.

Nous disons également - et ici encore cela découle de l'enquête Kelly - que si l'on veut s'en tenir à ce genre de délinquants, la période d'un an est peut-être insuffisante. L'enquête Kelly a examiné entre autres l'article 810.1, l'engagement visant les pédophiles auquel M. Arthurson avait été assujetti. Cette période n'était tout simplement pas suffisante. Le groupe de travail a recommandé de la prolonger jusqu'à trois ans, peut-être cinq ans, je pense.

Voilà ce que je voulais dire au sujet du projet de loi C-55. Encore une fois, je tiens à féliciter le gouvernement de cette initiative.

J'aimerais maintenant passer au projet de loi C-254. Si j'ai bien compris, votre comité en est saisi depuis plus de deux ans. Je suppose que c'est du déjà vu si l'on tient compte des commentaires que nous avons formulés lorsque nous avons comparu au sujet du projet de loi C-45, examiné en même temps que le projet de loi de John Nunziata sur l'article 745.

Il est malheureux que le comité n'ait pas pu terminer ses travaux sur ce projet de loi plus rapidement. L'examen du projet de loi, que vous l'appuyiez ou non aurait pu être d'une grande utilité aux rédacteurs qui ont préparé le projet de loi C-55. Votre analyse du projet de loi C-254, que vous l'approuviez ou non, leur aurait été très utile pour le projet de loi C-55.

Toutefois, vous ne l'avez pas fait. Je pense que nous reconnaissons tous que la question en ce qui concerne le projet de loi C-254 ne consiste pas à déterminer s'il s'agit ou non d'une bonne idée; je pense que nous reconnaissons tous que c'est une bonne idée. Du point de vue uniquement de la sécurité du public, ce projet de loi permettrait de sauver des vies. Ne vous y trompez pas, ce projet de loi permettrait de sauver des vies. Il aurait pu sauver la vie de Christopher Stephenson. Il aurait peut-être pu sauver la vie de Pamela Cameron. Je pense que vous entendrez leurs parents après nous.

Donc, du point de vue uniquement de la sécurité publique, ce projet de loi est excellent. Comme nous le savons tous, il reste à savoir s'il pourra ou non survivre à une contestation découlant de la Charte. Soyons honnêtes, je ne suis pas un spécialiste de la Charte, mais je pense que ce risque existe. Enfin, comme je vous l'ai dit, je ne suis pas un spécialiste.

Incontestablement, ce projet de loi porte atteinte à plusieurs droits - probablement cinq ou six - garantis par la Charte, tels que la double punition, et la vie, la liberté et la sécurité de la personne. Toutefois, il existe déjà des lois qui portent atteinte aux droits protégés par la Charte. Cela se fait tous les jours. Songez à la liberté d'expression. Songez aux lois sur la pornographie enfantine. Songez à la liberté de parole. Vous ne pouvez pas vous présenter dans une salle comble et crier: «Au feu!» Nous limitons les droits des gens tous les jours dans l'intérêt du bien public.

Je pense qu'il est possible de faire valoir que ce projet de loi, bien qu'il porte atteinte à certains droits, pourrait être préservé aux termes de l'article 1 de la Charte à cause des initiatives en matière de sécurité publique qu'il contient.

Il faut également nous demander qui est protégé par la Charte. Ce ne sont pas uniquement les délinquants; ce sont aussi les victimes. La Charte existait lorsque Christopher Stephenson est mort. La Charte devait préserver ses droits, ce qui n'a pas été le cas. La Charte était en vigueur lorsque Pamela Cameron est morte. Elle devait protéger ses droits, mais elle ne l'a pas fait.

Donc, lorsque nous parlons de la Charte des droits et que nous nous demandons si cela n'y est pas contraire, nous devons considérer toute la portée de la Charte: elle s'applique à nous tous. Elle est également là pour les victimes futures de ces délinquants éventuels.

Enfin, si le comité ou un tribunal décide que ce projet de loi risque d'être contesté en vertu de la Charte, je dirais qu'il faudrait réexaminer cette Charte. Étant donné que ce projet de loi va épargner des vies, si la seule chose qui bloque est la Charte, il nous faut réexaminer la Charte et nos priorités. Si ce document magnifique, qui est censé nous servir tous - et qui le fait très bien - va coûter des vies, il y a un problème. Je dirais qu'à titre de parlementaires, c'est un problème que vous devez régler.

Pour finir, je vous répète que nous sommes très heureux d'être ici à propos de ces deux projets de loi. Ils me semblent l'un et l'autre d'excellentes initiatives, et nous en félicitons à la fois le gouvernement et Mme Meredith.

Nous serons heureux de répondre à vos questions.

.1015

La présidente: Monsieur St-Laurent.

[Français]

M. St-Laurent (Manicouagan): Monsieur Rosenfeldt, dans votre énoncé, vous mentionniez des données assez intéressantes, particulièrement sur ce qui se passe relativement aux criminels dangereux en Californie. Vous disiez qu'il serait bon d'implanter un système de déclaration volontaire, où ces personnes confirmeraient où elles se situent afin que les policiers soient informés en tout temps de leur présence dans leur secteur. C'est une chose intéressante, mais d'après vos données, en Californie, 60 p. 100 de ces criminels font des déclarations volontaires, tandis que 40 p. 100 n'en font pas. Je me demande donc ce que vous pensez des bracelets électroniques. D'autre part, si l'individu ne se présente pas, à votre avis, quelles mesures doit-on prendre?

[Traduction]

M. Rosenfeldt: Pour ce qui est des bracelets électroniques, il est possible qu'ils soient utiles quand quelqu'un est tenu de rester dans un lieu précis. Mais, là encore, il y a eu récemment un cas aux États-Unis où un individu était assigné à résidence avec un bracelet électronique et où, lorsqu'il a voulu aller commettre un meurtre, il s'est contenté de couper le bracelet. Personne en fait n'était prévenu qu'il s'en allait commettre ce meurtre.

Je ne suis donc pas convaincu que les bracelets électroniques soient vraiment une solution, même si ce peut être utile. Ils peuvent servir dans certains cas précis, mais nous devons nous rappeler que lorsque nous traitons avec des prédateurs sexuels, des particuliers, dans bien des cas ces gens sont libres de quitter leur domicile. Ils peuvent voyager. Beaucoup d'entre eux sont surveillés d'une façon ou d'une autre localement, c'est-à-dire qu'il leur faut peut-être se présenter à un agent de liberté conditionnelle une fois par mois au centre-ville de Montréal. C'est à peu près tout ce que représente la surveillance.

Nous disons que si cette personne voulait quitter Montréal pour venir passer une fin de semaine à Ottawa au festival d'hiver, même si l'expérience en Californie a révélé que seulement 50 p. 100 des intéressés se présentent, par crainte de retourner en prison... Or, c'est un acte criminel que de ne pas se présenter. Ce que j'aimerais, c'est que cet individu, s'il s'agit d'un délinquant sexuel connu... Je ne pense pas que le harceler, mettre sa photo dans tout Montréal, pourrait régler le problème. Je pense qu'il serait préférable de surveiller ses allées et venues... pas forcément à Montréal. C'est impossible, même avec des bracelets électroniques, à moins qu'il ne soit confiné à un domicile particulier avec un bracelet électronique. Mais le délinquant moyen qui bénéficie d'une libération conditionnelle est essentiellement autorisé à aller n'importe où... C'est simplement que nous n'avons pas l'impression que se présenter une fois par mois à un bureau de la Commission des libérations conditionnelles soit vraiment une solution.

.1020

Nous aimerions que, s'il venait au carnaval d'hiver, il soit tenu de se présenter à la police d'Ottawa, de déclarer qu'il est un délinquant sexuel dangereux, qu'il a été condamné pour crime à Montréal, qu'il est là pour trois jours et qu'il va loger à tel hôtel avant de repartir à telle date. C'est tout.

L'idée n'est pas tellement que la police risque de le harceler s'il se produisait quelque chose à Ottawa. L'idée est que beaucoup de ces individus... nous avons vu des tueurs en série, des violeurs en série, des pédophiles en série, devenir plus visibles ces dernières années du fait de la mobilité de la population. Autrefois, lorsqu'il y avait un pédophile, on le cherchait en général à proximité de l'endroit où avait été commis le crime. Mais depuis quelques années la police a de plus en plus de mal parce que, comme vous le savez, on commet davantage de crimes en série.

Autrement dit, les gens peuvent aller à Vancouver, faire leurs affaires là-bas... Nous avons eu une longue série de meurtres de jeunes femmes en Colombie-Britannique. La police examine actuellement la possibilité que... ou même dans le cas du tueur de Green River, à Seattle, on dit qu'il est possible qu'il s'agisse d'un homme qui était en voyage d'affaires à Seattle, parce qu'ils n'ont pas vraiment l'impression que le coupable dans ce cas-là venait de la région de Seattle, c'est-à-dire le tueur de Green River. On n'a jamais élucidé ces crimes.

Il y a beaucoup d'homicides de femmes en Colombie-Britannique dont on n'a jamais trouvé les auteurs. La police de l'Ouest canadien a souvent des réunions à ce sujet. On réfléchit, on discute de toutes les pistes, on compare des notes. C'est très, très difficile.

Ce que nous disons, c'est que cela ne signifierait pas nécessairement que la police d'une ville où quelqu'un serait venu déclarer qu'il est là le harcèlerait forcément pendant son séjour. Nous pensons que la police a suffisamment de bon sens pour ne pas le faire.

Par contre, lorsque cette personne a déclaré où elle se trouvait... Disons qu'il parte faire du camping dans le Nord. Il se trouve dans un parc provincial. S'il va voir la police et dit: «Je suis un délinquant sexuel connu, je suis un prédateur sexuel qui a été condamné; voilà ce que je suis, et je suis ici pendant une semaine à camper.» Nous pensons que cela en soi, même dans 60 p. 100 des cas, peut être l'élément qui le dissuadera de commettre un nouveau crime dans cette localité.

Qu'est-ce qu'il y a de mal à cela? Nous avons des tas d'agents de police qui sont assis à des bureaux de réception et tous prêts à prendre ce genre de renseignements.

[Français]

M. St-Laurent: Monsieur Sullivan, vous dites qu'il devrait y avoir une sentence indéfinie pour les criminels dangereux. Vous dites également que le juge ne devrait pas avoir le choix de donner à tous les individus reconnus criminels dangereux une sentence indéfinie. Je m'interroge à cet égard, parce que devant la justice, d'abord et avant tout, chaque individu doit bénéficier en tout temps de la présomption d'innocence. C'est un droit fondamental; ce n'est pas un privilège, mais un droit.

Si nous agissions conformément à ce que vous suggérez, si nous disions au juge qu'il n'a pas le choix, qui serions-nous pour ainsi faire? Le juge, même face à des accusations qui sont parfois très évidentes, doit avoir le choix. L'accusé est-il oui ou non coupable et, si oui, dans quelle mesure? Vous dites que le juge ne devrait pas avoir le choix. Cette déclaration m'intrigue un petit peu. Est-ce que vous pourriez préciser votre pensée?

.1025

[Traduction]

M. Sullivan: Certainement. Ce que je veux dire lorsque je dis qu'un juge ne devrait pas avoir le choix, c'est que l'un de ces amendements stipule que si un juge déclare que quelqu'un est un délinquant dangereux, il n'a plus le choix entre une peine pour une période indéterminée et une peine pour une période déterminée. À l'heure actuelle, il a ce choix: il peut donner à quelqu'un une peine de cinq ans ou une peine pour une période indéterminée. Ce projet de loi lui retire ce choix.

L'autre recommandation que j'ai faite - et je crois que c'est ce à quoi vous faites allusion - porte sur le projet de paragraphe 753(1). L'article stipule que si un délinquant correspond aux critères du délinquant dangereux, un juge peut le déclarer délinquant dangereux. Je dis donc que si le tribunal décide qu'il correspond aux critères du délinquant dangereux, il ne devrait pas y avoir de choix dans sa désignation. Il devrait être déclaré délinquant dangereux s'il correspond aux critères, et c'est au juge d'en décider. Lorsque la culpabilité a été établie, il y a déjà eu audience, et le juge décide que cette personne répond aux critères - c'est très strict, les critères sont très limités, mais si le juge décide qu'il satisfait aux critères, je dirais qu'il doit alors être déclaré délinquant dangereux. C'est ce que je veux dire lorsque je dis que le juge ne devrait plus avoir le choix.

Je ne veux pas dire que chaque fois qu'un procureur demande que quelqu'un soit déclaré délinquant dangereux le juge n'a pas le choix, qu'il est obligé de le faire. Ce n'est pas cela que je dis. S'il estime que le prévenu satisfait aux critères, j'estime qu'il ne doit plus avoir le choix quant à cette désignation. Le juge devrait encore décider si le délinquant satisfait aux critères, mais, cela fait, d'après moi, on ne devrait plus avoir le choix.

La présidente: Merci.

Madame Meredith.

Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): Merci, madame la présidente.

Bienvenue. J'aimerais revenir sur les suggestions ou recommandations de M. Rosenfeldt. Vous semblez l'un et l'autre être favorables à la prolongation de trois à sept ans de la peine... Je dois vous dire que vous êtes probablement les seuls qui ont suggéré cela jusqu'ici, que la plupart des juristes qui ont comparu, des organisations pour les libertés civiles, estiment que c'est inapproprié, que sept ans, c'est beaucoup trop long pour réexaminer l'affaire.

Pourquoi croyez-vous que la période de sept ans réglera le problème? Pourquoi croyez-vous que cette admissibilité à une libération conditionnelle après sept ans est...? Est-ce seulement parce que vous croyez que c'est mieux que ce que nous avons déjà, ou croyez-vous vraiment que cela va régler le problème?

M. Rosenfeldt: Le véritable problème, madame Meredith, ces quelques dernières années, et j'en ai parlé tout à l'heure, c'est que je ne crois pas qu'on se serve du plein potentiel de la loi actuelle sur les délinquants dangereux. Je crois que la province de Québec ne s'en est jamais même prévalue. Si on la lit une ou deux fois, l'important lorsqu'on parle de délinquants dangereux... Récemment, on a déclaré que Bernardo était un délinquant dangereux. Même dans ce cas-là, je ne suis pas sûr de la raison pour laquelle on a décidé que c'est un délinquant dangereux, parce qu'il fait déjà face à l'emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, assortie d'un examen judiciaire après 15 ans.

À notre avis, d'après ce que nous avons pu constater pendant la dernière décennie en tout cas - et nous avons parlé à bien des procureurs de la Couronne - les procureurs ne demanderaient pas que des délinquants soient déclarés dangereux. Cette déclaration, même aujourd'hui, signifie tout simplement qu'on impose certaines restrictions à cette personne pour le reste de sa vie. Mais la loi actuelle sur les délinquants dangereux ne sert tout simplement pas.

Les procureurs de la Couronne disaient tout simplement qu'entre cinq ans ou sept ans, s'il s'agit de faire une comparaison, disons, avec une condamnation à perpétuité pour le viol ou quelque chose de ce genre, lorsqu'on obtient sept ans, mieux vaut s'en contenter. L'exemple parfait en est Larry Takahashi. Si cette loi avait existé à l'époque où on lui a imposé sa peine, le procureur de la Couronne, Arnold Piragoff, à Edmonton, aurait probablement cherché à le faire déclarer délinquant dangereux plutôt que de faire venir en cour des dizaines de victimes pour obtenir un certain nombre de peines d'emprisonnement à vie ainsi qu'une série de peines précises pour ce qui est de certains crimes qu'il avait commis.

On pense qu'il a violé plus de 100 femmes et on a fait venir... Je crois qu'il a été reconnu coupable de huit ou dix viols, mais à un moment donné la poursuite a jugé qu'il ne valait pas la peine d'en remettre.

.1030

Tout cela pour dire que si cette loi avait existé à l'époque, je crois fermement que Larry Takahashi, même si on l'a condamné à deux ou trois peines de prison à vie, me semble-t-il, et même s'il sera pris en charge par le système pour le reste de sa vie...mais, enfin, c'était la seule façon possible de le faire à l'époque.

Mme Meredith: Donc, à votre avis, il ne s'agit que d'encourager les procureurs de la Couronne à demander que quelqu'un soit déclaré délinquant dangereux; c'est pour les encourager à avoir recours à cette procédure.

M. Rosenfeldt: Les encourager à s'en servir, plutôt que le contraire. Il faut se demander pourquoi on ne se sert pas de cette procédure; elle ne sert pas, et je sais qu'un certain nombre de procureurs de la Couronne n'y ont pas recours tout simplement à cause de l'examen judiciaire dont on peut se prévaloir dès le prononcé de la sentence.

M. Sullivan: C'est un des problèmes qui ont été soulignés quand le gouvernement fédéral a mis en oeuvre le projet de vérification des dossiers de la Couronne concernant les délinquants dangereux. Certains procureurs de la Couronne ne s'y intéressent pas à cause de la libération conditionnelle anticipée. Ils ont l'impression que si la libération conditionnelle intervenait plus tardivement, ils seraient plus encouragés à se servir de la disposition.

M. Rosenfeldt: Il ne faut pas oublier qu'il s'agit de pédophiles dangereux et de personnes violentes dans notre société. Beaucoup d'entre eux ruinent la vie de centaines d'enfants autour d'eux. D'après une étude effectuée en Californie, le nombre moyen des victimes de certains de ces individus se chiffre dans les centaines. Je crois que la moyenne était de 284 victimes. Donc, lorsqu'il s'agit de ce genre d'individu qui peut détruire littéralement des centaines et des centaines de vies pendant son existence, je crois qu'il est tout à fait ridicule de prétendre que sept ans d'attente avant un examen judiciaire constitue une période trop longue.

Mme Meredith: Ce n'est pas que je ne sois pas d'accord avec vous. À mon avis, vous êtes sur la bonne voie.

L'autre chose que je tiens à souligner - et j'apprécie vos interventions à propos de mon projet de loi C-254 - c'est que vous semblez croire, monsieur Rosenfeldt, qu'il n'y a pas de problème à prolonger d'un an la période de temps proposée pour prendre cette décision. Pensez-vous que ce soit mieux que les six mois, ou croyez-vous que cela répondra aux exigences des individus dont on a trouvé qu'ils sont si dangereux qu'il vaut mieux ne plus jamais les remettre en liberté? Vous recommandez d'en rendre plus restrictive l'application, mais comment croyez-vous qu'une année supplémentaire entourant la date de l'imposition de la peine va vraiment régler le problème?

M. Rosenfeldt: Au moment de l'imposition de la peine... Il me semble que nous avons dit qu'il s'agissait d'un an avant l'expiration du mandat.

Mme Meredith: Vraiment? Alors j'ai mal lu. Je suis désolée.

Toutes mes excuses. Vous avez raison.

M. Rosenfeldt: D'après le libellé actuel du projet de loi, le procureur de la Couronne, dans les six mois qui suivent l'emprisonnement, pourrait demander que le délinquant soit déclaré dangereux. Beaucoup de ces individus pourraient se voir imposer une peine de cinq ou huit ans de prison. À quoi sert donc cette période de six mois? Rien n'a été décidé à la fin de cette période. Il faut facilement prévoir six mois avant même de pouvoir participer à certains de ces programmes offerts par le système correctionnel.

Si l'on propose qu'il s'agisse d'un an avant l'expiration du mandat, alors il s'agit d'une situation tout à fait différente. Tout d'abord, ces individus auront pu profiter des programmes offerts par l'établissement pour ne pas, justement, se voir déclarer délinquant dangereux. Peut-être seront-ils animés d'une peur salutaire. Si cela les encourage à participer aux programmes offerts par l'établissement tant mieux.

M. Sullivan: Il est beaucoup plus logique d'attendre vers la fin de la période d'emprisonnement pour décider si l'on veut que quelqu'un soit déclaré délinquant dangereux. On pourra alors voir si ces gens ont participé aux divers programmes et quels en ont été les résultats, le cas échéant. Je crois qu'il faut attendre ce moment-là avant de pouvoir évaluer les progrès accomplis par le délinquant - cette évaluation ne se fait pas dix ans avant la libération, mais juste avant.

Mme Meredith: C'est aussi ce que je pense.

La présidente: Monsieur Discepola.

M. Discepola (Vaudreuil): Merci, madame la présidente.

Monsieur Sullivan, si je vous ai bien compris, vous avez dit que plus on s'éloigne de la date de libération, plus le taux de récidive est élevé.

M. Sullivan: C'est exact.

M. Discepola: Pouvez-vous nous expliquer cela, s'il vous plaît? Pourquoi croyez-vous qu'il y a un lien entre les deux, ou pourquoi croyez-vous que votre étude établit ce lien?

M. Sullivan: Je crois que, pour nos fins statistiques, soit pour les statistiques les plus courantes concernant les taux de récidive chez les délinquants sexuels, ces derniers sont suivis pour une période variant de trois à cinq ans, période pendant laquelle les taux de récidive sont relativement peu élevés. Si la période de collecte de données est prolongée, les taux augmentent.

.1035

Il me semble que c'est parce que tout d'abord la personne vient tout juste de sortir de prison, et qu'elle a participé à certains programmes, qu'elle est sous surveillance, qu'elle a l'appui de la communauté et qu'elle court donc un risque moins grand de commettre une autre infraction. Plus le temps passe... la personne perd ses appuis, perd ses contacts au sein de la communauté, perd ce qu'elle a appris en participant aux programmes. Les tentations ne font qu'augmenter avec le temps.

C'est ainsi que j'expliquerais la chose. Je ne suis ni psychologue, ni psychiatre.

L'étude dont je parle m'a été envoyée par le bureau du solliciteur général. Je vous en lis tout simplement cet extrait:

Ils ont donc recommandé que l'on prévoie des dispositions spéciales pour la surveillance à long terme de certains agresseurs d'enfants, un peu comme cette catégorie des délinquants à contrôler.

Les taux varient selon le genre de délits. Pour les délinquants coupables d'inceste, par exemple, les taux ne sont pas très élevés. Ils le sont plus pour les pédophiles.

C'est ce que révèle cette étude. Je pourrais vous donner mon opinion personnelle pour expliquer cette divergence, mais il serait sans doute préférable que vous consultiez quelqu'un qui a étudié la psychologie des délinquants.

M. Discepola: Ce que vous dites, c'est que nous n'avons pas vraiment besoin de surveiller ces délinquants; ils ont besoin d'un milieu mieux contrôlé et de programmes de suivi et de traitement pour de plus longues périodes.

M. Sullivan: J'ose espérer que c'est ce qu'on prévoit pour les délinquants à contrôler, qu'on prévoit pour eux non seulement des programmes de surveillance, mais aussi un système d'appui communautaire et des programmes de traitement s'ils en ont encore besoin. À mon avis, la Commission des libérations conditionnelles pourrait prévoir un tel suivi dans son ordonnance de surveillance et dire que le délinquant doit participer à certains programmes au moment de sa libération, qu'il doit rendre compte à quelqu'un une fois par semaine, par exemple, et qu'on fournit à ces gens des services de soutien pour les aider à ne pas récidiver.

Je vais être honnête avec vous. À mon avis, il y a bon nombre d'anciens détenus qui ne veulent pas récidiver, mais qui n'ont pas l'aide nécessaire pour résister à la tentation.

M. Discepola: Ce qui m'a frappé dans votre témoignage, c'est que vous semblez croire qu'une période de surveillance de dix ans ne suffit pas et que - et je pense citer correctement ce que vous disiez - on devrait prévoir la surveillance à vie. Vous semblez croire qu'on devrait prévoir une révision après trois ans plutôt que deux dans les cas où l'on a imposé une peine pour une durée indéterminée. Il y aussi l'autre exemple que je vous ai donné. Vous avez dit que ces périodes n'étaient pas assez longues selon vous, mais pouvez-vous nous expliquer pourquoi une période de deux ans ne suffit pas?

Il me semble que nous devons prévoir des périodes quelconques dans la loi. Si la peine est pour une durée indéfinie, quand on arrive à la fin... On ne peut plus dire que le mandat arrive à expiration, vu que la peine serait pour une durée indéfinie. Il me semble qu'après sept ans, par exemple, on doit être mieux en mesure de faire des évaluations au sujet des détenus tous les deux ans. Pourquoi préféreriez-vous une révision après trois ans? Pourquoi pas deux ans?

Mon autre question porte sur la période de surveillance de dix ans. Il me semble qu'après un certain temps le délinquant doit avoir l'impression d'avoir payé sa dette envers la société. N'oubliez pas que le détenu dans un tel cas aurait purgé toute sa peine, après quoi on ajouterait une période de surveillance de dix ans. Vous dites qu'il faudrait en plus le surveiller le reste de sa vie.

M. Sullivan: D'après nos recherches, c'est ce que nous devrions faire. Si nos recherches révèlent que 42 p. 100 de ces délinquants récidivent de quinze à trente ans après l'expiration du mandat, je ne pense pas qu'une période de dix ans suffise. Nous surveillons les personnes trouvées coupables de meurtre le reste de leur vie. Nous surveillons les délinquants dangereux le reste de leur vie. L'article 161 du Code criminel stipule qu'on peut interdire toute sa vie à quelqu'un de s'approcher d'un parc. Je ne pense donc pas proposer quoi que ce soit de nouveau en disant que la période de surveillance devrait durer toute la vie. Vu que les chiffres montrent qu'une période de dix ans ne suffit probablement pas, je pense que nous devrions prévoir une période plus longue pour protéger la sécurité du public.

Pour ce qui est de ma recommandation relativement à une période d'examen tous les trois ans plutôt que deux pour les libérations conditionnelles, c'est ce que je propose surtout pour des raisons administratives. D'après les chiffres, les délinquants dangereux purgent au moins quatorze années de peine avant d'obtenir leur libération conditionnelle. Les audiences de la Commission des libérations conditionnelles coûtent très cher. La documentation et la préparation nécessaires coûtent très cher. Il me semble que, s'il y avait moins d'audiences... Comme très peu de ces délinquants obtiennent leur libération conditionnelle, une période d'examen tous les trois ans voudrait dire moins de travail et permettrait de consacrer plus de ressources au traitement du délinquant.

M. Discepola: Monsieur Rosenfeldt, vous avez dit une chose qui m'a frappé. Selon vous, le système des libérations conditionnelles laisse à désirer et n'en vaut vraiment pas la peine. Que pouvez- vous nous recommander pour l'améliorer, ou même pour le remplacer?

.1040

M. Rosenfeldt: Voici: je crois que la Commission nationale des libérations conditionnelles, ou plutôt tout le système de libération conditionnelle au Canada, a échoué misérablement dans sa tentative de réaliser son mandat, qui est de protéger le public. Il suffit de voir les statistiques. Tout système qui permet à ces individus de revenir dans la collectivité pour y commettre des crimes haineux...

Je pense que nous expliquons tout cela très bien dans notre introduction. Nous disons qu'au cours des cinq dernières années 20 meurtres par année, en moyenne, ont été commis par des délinquants fédéraux en surveillance communautaire.

Monsieur Discepola, si vous trouvez que c'est satisfaisant...

M. Discepola: Non, je ne trouve pas que c'est satisfaisant. Je trouve qu'un meurtre...

M. Rosenfeldt: C'est un de trop.

M. Discepola: ...c'est un de trop.

M. Rosenfeldt: Exactement.

M. Discepola: Ce qu'il y a, c'est que dans un tel système on entend seulement parler des exceptions.

Le ministre de la Justice d'une province m'a fait cette analogie. Il m'a dit que les gens prennent l'avion tous les jours. Bien sûr, quand un avion s'écrase et qu'il y a 200 ou 300 morts, c'est une tragédie, mais cela ne veut pas dire que le lendemain je ne vais pas pour autant prendre le prochain avion.

L'incident isolé où le système a échoué est de trop, mais le problème est de savoir s'il faut balancer tout le système et recommencer à neuf.

Bien sûr, ce qu'il faut faire, c'est améliorer le système, remédier aux lacunes, combler les brèches. Mais personne ne semble avoir d'idée concrète sur la façon d'améliorer le système. Les gens ne font que critiquer.

Cela s'applique aussi aux médias. Nous n'entendons parler que des exceptions. Nous n'entendons jamais parler des autres 80 p. 100 des cas, qui, évidemment, ne sont pas assez nombreux.

M. Rosenfeldt: Je comprends tout à fait ce que vous dites, monsieur Discepola, mais nous ajoutons ici que les victimes de ces crimes ne sont pas de simples statistiques.

Ce matin même, vous entendrez le témoignage des parents de Christopher Stephenson. Comme beaucoup d'autres enfants ou victimes innocentes, Christopher Stephenson devrait être en vie aujourd'hui. Si le système avait bien fonctionné, ces victimes seraient encore en vie. Le système ne fonctionne pas, monsieur Discepola.

Vous demandez comment améliorer le système. Je conviens avec vous que nous entendons seulement parler des tragédies, mais c'est du vrai monde qui est frappé par ces tragédies qui ne devraient jamais arriver.

Si nous avions un système... Si VIA Rail tuait une personne par mois au Canada, il me semble que nous ferions quelque chose, et vite. Nous n'empêcherions pas les trains de rouler, j'en conviens avec vous, mais nous examinerions sérieusement la manière dont fonctionnent nos chemins de fer.

Je suppose que l'on pourrait résumer notre argument de la façon suivante. Je ne pense pas qu'un système qui permet un tel nombre de meurtres dans la collectivité fonctionne le moindrement bien. Je trouve que c'est lamentable.

M. Discepola: Iriez-vous jusqu'à dire que vous remplaceriez le système ou aboliriez entièrement la libération conditionnelle?

M. Rosenfeldt: Je ne dis pas que j'abolirais totalement la libération conditionnelle, mais nous avons longuement discuté de cette question. Nous avons même discuté de tout le système de libération conditionnelle avec de nombreux délinquants. Nous proposons un système complètement différent pour les délinquants qui veulent vraiment se prendre en main. Ces individus sont libérés et retournent dans la collectivité. Il devrait y avoir un meilleur système de soutien pour les gens qui veulent sincèrement faire quelque chose d'utile dans la vie. Il faudrait leur consacrer plus de temps.

Quant aux autres, les multirécidivistes, ceux qui retournent constamment en prison après avoir été libérés, il faut simplement supprimer la libération conditionnelle. Par exemple, pour quiconque commet un crime en libération conditionnelle, il faut resserrer immensément le système.

Mais il faut consacrer davantage de ressources à ceux qui veulent vraiment se prendre en main et rentrer dans le droit chemin. On ne cesse de dire que nous n'avons pas les ressources voulues. Pourquoi ne pas offrir une aide véritable à quelqu'un qui a une famille, qui veut se trouver un emploi, qui veut repartir du bon pied?

Nous ne le faisons pas actuellement. Voici donc ce qui se passe: nous avons un système de libération conditionnelle - c'est du moins ainsi que je vois les choses, mais je ne suis pas un expert en la matière - et nous avons un agent de liberté conditionnelle qui est assis dans son fauteuil et qui accorde à la chaîne des entrevues de 10 minutes. Toute la journée, ces types-là défilent devant lui. C'est pourquoi il y a des gens qui commettent des meurtres et des vols à main armée en se rendant voir leur agent de liberté conditionnelle. Et quand ils ressortent du bureau, ils n'ont pas plus de plomb dans la tête.

.1045

Ce que je dis, c'est que pour prévenir le crime je voudrais que l'on établisse un système d'aide véritable pour les gens qui sont sincères, qui veulent suivre des cours, assister à des réunions d'alcooliques anonymes, de toxicomanes anonymes, ou quoi que ce soit, afin d'aider véritablement ces gens-là à se prendre en main et à reprendre le droit chemin, au lieu de créer un système dans lequel les gens se présentent au rapport en vitesse, sans qu'il y ait vraiment de surveillance dans la collectivité.

Je pourrais vous énumérer une longue liste de cas - je sais bien que vous ne voulez pas qu'on vous présente des cas personnels - où la Commission nationale des libérations conditionnelles a simplement rayé de la liste les gens qui ne se présentent pas au rapport. Prenons le cas de Dennis Melvin Howe, à Toronto. Quand Sharin Morningstar Keenan a été enlevée, violée et assassinée dans cette ville, les agents de police ont passé en revue leur liste de délinquants sexuels connus et sont justement tombés sur ce nom, Dennis Melvin Howe, «en libération conditionnelle».

Ils se sont donc adressés à la Commission nationale des libérations conditionnelles - l'inspecteur Dave Boothby pourra vous le confirmer - où on leur a dit: ma foi, nous n'avons plus entendu parler de lui depuis des mois; nous ne vous avons pas avertis, à la ville de Toronto, ni personne d'ailleurs; et c'est tout. Ils ont dit: nous ne savons pas où il est. David Boothby a donc ouvert l'annuaire téléphonique et a trouvé son numéro de téléphone et son adresse. Il est allé voir à l'adresse indiquée, muni d'un mandat de perquisition, et devinez quoi? Ils ont trouvé Sharin Morningstar Keenan dans son réfrigérateur.

C'est la réalité; cela arrive constamment.

La question est celle-ci: quelle sorte de soutien la Commission nationale des libérations conditionnelles avait-elle à offrir à Dennis Melvin Howe?

Il est encore en liberté, soit dit en passant. Il n'a jamais été arrêté pour ce crime.

Ce que je voudrais, c'est un mécanisme offrant un véritable soutien, peut-être un système de jumelage avec quelqu'un qui est passé par la prison et qui s'en est bien sorti ensuite à l'extérieur... Il y a d'ailleurs des organisations qui fonctionnent selon ce principe, surtout dans l'Ouest. À Calgary par exemple, il y a des organisations qui font cela, des gens qui ont les ressources voulues pour se prendre en main et qui peuvent ensuite offrir un soutien et une aide véritables à quelqu'un qui sort de prison, peut-être en passant une journée avec lui, en le conduisant en voiture, en l'aidant à trouver un emploi. Cela peut faire toute la différence.

M. Sullivan: Au sujet de l'attention accordée par les médias aux affaires sensationnelles, ce sont justement des cas comme ceux- là, comme les Stephenson et les Cameron, qui ont abouti à des projets de loi comme celui-ci, à des améliorations de ce genre. En toute justice, il faut dire que le système de libération conditionnelle a été grandement amélioré ces dernières années. Le projet de loi C-45 en est un exemple. On choisit maintenant mieux les membres de la Commission des libérations conditionnelles. Tous ces changements ont eu lieu dans la foulée des affaires sensationnelles rapportées par les médias et des recommandations émanant de groupes comme Victimes de violence et CAVEAT. Nous continuerons donc à faire des suggestions pour améliorer le système de libération conditionnelle, mais je crois que la clé c'est de tirer la leçon des tragédies, d'examiner ce qui s'est passé, et de trouver le moyen d'empêcher que cela ne se reproduise.

La présidente: Madame Meredith.

Mme Meredith: Merci, madame la présidente.

Vous avez tous les deux mentionné dans vos mémoires la surveillance électronique, et je veux vous poser une question à ce sujet. Avez-vous le sentiment que la surveillance électronique pourra empêcher la récidive, ou bien va-t-elle seulement supprimer un alibi pour quelqu'un qui récidive?

M. Sullivan: La surveillance électronique n'est qu'un outil de plus pour surveiller les délinquants en liberté. Contrairement à ce que certains ont laissé entendre, ce n'est pas une panacée. Si le délinquant est déterminé à récidiver, la surveillance électronique ne pourra pas l'en empêcher. Cependant, c'est un outil qui s'ajoute à l'arsenal dont disposent les commissions de libération conditionnelle et le Service correctionnel pour superviser les délinquants en liberté.

Évidemment, cela ne fonctionnera pas avec des gens comme Clifford Olson ou Paul Bernardo. Cela pourra être utile dans le cas de délinquants qui veulent se réadapter et qui ont besoin de ce genre d'aide. Ce n'est rien de plus qu'un autre outil pour surveiller les délinquants en liberté.

La présidente: Madame Torsney.

Mme Torsney (Burlington): Pour ce qui est de la troisième partie de la mesure législative, vous avez tous les deux dit que la détention à domicile ne devrait s'appliquer qu'aux délinquants qui ont été incarcérés jusqu'à l'expiration de leur mandat. Pourquoi ne pas utiliser ce mécanisme dans des cas comme ceux dont nous entendons tous parler, lorsque tout le monde sait qu'un homme va tuer sa femme et ses trois enfants et que personne ne peut rien faire tant qu'il n'est pas passé aux actes, et ce, même s'il se dégageait un modèle d'incidents sans cesse plus graves semblables à ce qu'on retrouve dans d'autres cas qui ont abouti à des actes criminels, sans qu'aucun de ces incidents n'ait pu retenir l'attention des policiers ou du système judiciaire?

J'ai deux inquiétudes: premièrement, si vous limitez l'application de ce mécanisme aux personnes qui ont déjà été condamnées, vous ne pourrez pas prendre en compte ces gens-là et, deuxièmement, si vous augmentez la période d'application à cinq ans, les tribunaux hésiteront à imposer cette méthode de surveillance.

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M. Rosenfeldt: Madame Torsney, je suis d'accord avec vous sur la première partie, sur la deuxième aussi. Vous avez raison. Comme je l'ai déjà mentionné, lorsque vous faites porter ces appareils de surveillance aux gens... C'est assez facile de se débarrasser des appareils et d'aller commettre un meurtre. Je ne suis pas convaincu que ces appareils soient une bonne solution.

Je suis d'accord avec ce qu'a dit mon collègue, Steve Sullivan, que la surveillance électronique est un outil de plus. J'estime que c'est un outil minimum. Le problème, c'est que depuis des années j'ai dit à moult reprises à des victimes d'actes criminels de réclamer des ordonnances de non-communication ou des engagements de ne pas troubler l'ordre public. Mais en fin de compte, ces choses-là peuvent être utiles à la victime - si le délinquant n'a pas l'intention de commettre d'actes graves, ces mesures pourront l'empêcher de déranger la personne à qui il en veut - mais dans les faits, un engagement de ne pas troubler l'ordre public n'empêchera pas quelqu'un de déterminé à commettre un meurtre ou à attaquer violemment une personne. Il en est de même de mécanismes comme les bracelets électroniques, puisqu'il est possible de les enlever ou même de quitter son domicile pour aller commettre un crime haineux de toute façon.

C'est une question très complexe...et vous avez raison également pour ce qui est de la période de cinq ans. Le mécanisme sera peut-être moins utilisé.

Les bracelets électroniques peuvent être utilisés de façon très limitée, pour surveiller certaines personnes, durant les fins de semaine par exemple. À mon avis, ce n'est pas un outil très efficace.

M. Sullivan: Pour ce qui est de la période de cinq ans - j'aurais peut-être dû mieux m'exprimer et parler d'une période maximale de cinq ans de façon à ce que le juge puisse imposer des conditions pour une période de cinq ans, d'un an ou de deux ans - il serait en théorie acceptable, dans le cas que vous proposez, d'imposer la surveillance électronique à un homme qui bat sa femme et la menace. Dans un tel cas, personne ne nous accuserait de laxisme à l'égard des délinquants. Mais comme l'a dit le ministre, lorsqu'il s'agit de quelqu'un qui n'a jamais été reconnu coupable d'un acte criminel, l'imposition de certaines conditions pourrait être contestée avec succès devant les tribunaux en vertu des dispositions de la Charte. Comme vous le savez, cela ne me pose pas de problème, je répondais simplement aux commentaires du ministre.

Mme Torsney: Il ne me reste plus qu'une autre question à poser. Personne n'en a parlé dans son exposé, mais le quatrième élément de cette mesure législative porte sur un nouveau moyen de traiter le cas des délinquants non violents, qui présentent des risques faibles. Vous avez abordé cette question, monsieur Rosenfeldt, lorsque vous avez dit qu'il faut utiliser les ressources là où elles sont le plus nécessaires. De toute évidence, ces gens qui...

Enfin. Croyez-vous qu'il faut prêter plus d'attention à certains qu'à d'autres et que cette mesure est une bonne solution? Vous n'en avez pas parlé dans vos témoignages. Je ne sais pas si vous l'aviez remarqué ou non.

M. Rosenfeldt: Comme je l'ai dit à M. Discepola, je crois vraiment que nous n'avons pas réussi - venant de moi, cela peut paraître différent - à aider vraiment les délinquants remis en liberté qui veulent vraiment changer leur vie.

Mme Torsney: D'accord.

M. Rosenfeldt: Parmi les détenus, nombreux sont ceux qui ont des problèmes d'alcoolisme. Pendant leur incarcération, ils participent à des réunions des Alcooliques anonymes, par exemple, ou à d'autres programmes de ce genre. Si on juge, lors de leur libération, qu'ils présentent des risques faibles et qu'ils continuent de participer à de tels programmes, j'estime que nous n'aidons pas suffisamment ces gens à réintégrer la collectivité.

Mais dans le cas des pédophiles, des délinquants à risque élevé, la situation est tout à fait différente.

Mme Torsney: Oui, je sais.

M. Rosenfeldt: Je me dois toutefois d'indiquer qu'il existe un programme que nous n'avons pas vraiment le temps d'examiner. La prochaine fois que j'irai en Californie, si j'y vais, j'ai l'intention d'examiner un programme qui a remporté un vif succès dans cet État. Il s'agit d'un programme qui permet aux délinquants sexuels d'habiter à plein temps dans des centres d'hébergement, qu'ils appellent des «safe house». On trouve dans ces centres des gens qui ont réussi à surmonter les mêmes problèmes et des psychologues. Ils ont là des gens qui les aident, dans la collectivité, si jamais ils ont l'impulsion de commettre un délit. Ce système est appliqué de façon volontaire, ce n'est pas obligatoire. Nous aimerions examiner ce programme.

Mme Torsney: Cela a dû être intéressant de trouver où installer ces centres dans la collectivité.

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M. Rosenfeldt: Ce que nous disons, c'est qu'il y a des délinquants non violents, moins dangereux, qui devraient trouver davantage d'appui dans la collectivité.

Mme Torsney: Plutôt qu'en établissement.

M. Sullivan: Ces délinquants ne doivent pas nécessairement être incarcérés. Cela se trouve d'ailleurs dans les dispositions du projet de loi C-55, puisqu'on dit qu'ils pourraient être remis en semi-liberté plus rapidement.

Mme Torsney: Vous appuyez donc de telles mesures?

M. Sullivan: D'habitude, nous ne faisons pas d'observations sur les choses avec lesquelles nous sommes d'accord. Nos observations ne sont que des critiques. Nous appuyons ces mesures.

Mme Torsney: Je suis contente que cela soit consigné au compte rendu.

La présidente: Merci beaucoup à tous. Nous ne vous avons pas laissé beaucoup de temps pour parler, mais vos témoignages sont très utiles et nous apprécions votre contribution.

Nous ferons maintenant une pause de quelques minutes, le temps que nos témoins s'installent.

.1056

.1113

La présidente: Nous reprenons la séance.

Nous accueillons Priscilla de Villiers, présidente de CAVEAT - une parfaite inconnue. Elle est accompagnée de Marilyn Cameron. Également, nous entendrons le témoignage à titre personnel de Jim et Anna Stephenson, qui représentent également leur fils.

Bienvenue. Nous sommes contents que vous soyez ici et nous serons heureux d'entendre votre témoignage.

Priscilla.

Mme Priscilla de Villiers (présidente, Canadiens contre la violence partout recommandant sa révocation (CAVEAT)): Je vous remercie de votre invitation à comparaître.

Même si mon document indique que mon témoignage porte également sur le projet de loi C-54, j'ai décidé, compte tenu du nombre de témoins aujourd'hui, que c'est Marilyn Cameron, dont le cas porte plus précisément sur toute cette question, qui témoignera sur le projet de loi C-54. Je pourrai néanmoins répondre à vos questions.

En 1993, Doug Lewis, qui était alors solliciteur général, m'avait invitée à siéger au sein d'un groupe de travail pluripartite du solliciteur général sur les propositions législatives visant les délinquants qui présentent des risques élevés. Ce groupe avait été créé suite aux recommandations découlant de l'enquête de coroner sur le décès de Christopher Stephenson. J'ai moi aussi siégé pendant près de cinq mois à une enquête de coroner, celle sur le décès de Jonathon Yeo, meurtrier de ma fille Nina et de Karen Marquis.

Tant Joseph Fredericks que Jonathon Yoe avaient clairement fait montre d'un comportement de plus en plus violent et d'un risque élevé de récidive.

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Les recommandations faites dans l'affaire Stephenson préconisaient le modèle adopté dans l'État de Washington, où il est possible d'utiliser le système de soins de santé mentale pour contrôler les prédateurs sexuels comme Fredericks. Au Canada, le système de justice est un système réactif, un instrument de rétribution qui, joint à l'application de la Charte des droits et libertés, semble montrer que les membres innocents et vulnérables de la société ne peuvent être protégés contre ceux qui ne peuvent pas ou qui ne veulent pas modifier leur comportement.

Il faut que le système de justice évolue pour éviter davantage de tragédies, pour qu'il y ait moins de victimes lorsqu'il est clair que quelques délinquants présentent un risque pour les membres innocents et vulnérables de la société. Nous disposons maintenant d'outils plus perfectionnés pour mesure le risque, outils qui sont utilisés pour remettre en liberté les délinquants avant la fin de leur peine. Les mêmes outils pourraient également être utilisés pour identifier les quelques délinquants qui continuent de menacer la société. Le Code criminel devrait être appliqué de façon à prévenir les crimes violents au lieu de simplement réagir à des drames qui auraient pu être évités.

À titre de membres du groupe de travail, nous avons recueilli de l'information et participé à la rédaction du rapport final. On nous a expliqué très en détail quelle difficulté pourrait poser une mesure législative préventive qui réussirait à contrôler les délinquants à risque élevé.

Vous trouverez en annexe à notre mémoire le document d'information que j'ai compilé. Ceux que cela intéresse y trouveront un aperçu des consultations qui ont été faites dans tout le pays. Ces renseignements sont tirés de près d'une centaine de sources.

Le groupe de travail a examiné les possibilités d'infractions à la Charte des droits et, tout bien considéré, il a estimé que le contrôle à long terme imposé à de tels délinquants après qu'ils eurent purgé leur peine était conforme à la Constitution. Vous trouverez également dans le document certains éléments de cette discussion sur la constitutionnalité de telles mesures. Cet examen a été fait il y a trois ans et demi. Ce qui importe, c'est que dans l'ensemble, cette mesure serait jugée constitutionnelle.

Voici l'opinion de CAVEAT. Ce qui est proposé dans le projet de loi C-55 est assez modeste. Il s'agit autant d'un changement de philosophie que d'une modification aux lois. Le projet de loi constitue un premier pas en vue de répondre aux besoins d'une société fatiguée d'investir toujours davantage d'argent dans un système de justice et un système correctionnel qui, trop souvent, ne réussissent pas à protéger la population de prédateurs clairement identifiés.

Dans le cadre de deux conférences pluridisciplinaires nationales tenues en 1994 et 1995, on avait fortement recommandé l'adoption d'une telle mesure législative. J'ai inclus dans notre document une ébauche de la mesure législative proposée et les commentaires qui s'y rapportent.

Ce que j'essaie de démontrer, relativement au projet de loi C-55, c'est qu'il s'agit du résultat d'un débat, d'un examen et d'un dialogue qui se poursuivent intensivement depuis environ quatre ans. Il ne s'agit pas d'une idée nouvelle.

Le projet de loi C-55 n'apporte que deux changements importants. Premièrement, le délinquant dangereux mis sous garde pour une période indéterminée devra passer en détention sept ans au lieu de trois, avant d'avoir le droit de demander une libération conditionnelle. Cela se trouve à l'article 761. Cette mesure ne pose aucun problème. La Cour suprême du Canada a déjà approuvé des mesures semblables à l'égard des délinquants dangereux. L'augmentation proposée est assez minime et il ne s'agit pas de l'élément le plus important du projet de loi.

Deuxièmement, le projet de loi propose la création d'une nouvelle catégorie de délinquants, les délinquants à contrôler. La désignation à cette catégorie peut faire l'objet d'une demande distincte sous le régime de l'article 753.1 proposé, ou une telle demande peut être présentée si la demande de désignation de délinquants dangereux était rejetée, en application du paragraphe 753(5). Les délinquants déclarés délinquants à contrôler seront assujettis à une période de surveillance de 10 ans entrant en vigueur à l'expiration de leur peine, conformément à ce qui est proposé au paragraphe 753.1(3).

D'après ce qui est proposé au paragraphe 753.2(3), le délinquant ou un membre de la Commission nationale des libérations conditionnelles peut présenter une demande pour que la période de surveillance de 10 ans soit modifiée. Il semble que cette demande puisse être présentée en tout temps, du moins le Code n'apporte pas de précisions à ce sujet.

Les critères permettant de déclarer un délinquant dangereux ou à contrôler sont très semblables et se chevauchent. La seule différence véritable entre ces deux catégories, c'est que la déclaration de délinquant dangereux s'applique surtout aux cas de violence et de violence sexuelle, alors que la catégorie «délinquant à contrôlé» est d'application plus large et met moins l'accent sur la violence. De cette façon, les pédophiles qui n'usent pas nécessairement de violence pourront être considérés comme délinquants à contrôler dans les cas où ils ne pourraient être déclarés délinquants dangereux.

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En outre, la désignation de délinquant à contrôler ne s'applique qu'aux personnes condamnées à des peines de plus de deux ans. Il s'agit d'un critère officiel dont le but est de garantir que ne soient pas désignés dans cette catégorie des petits délinquants. Cette question est assez bien réglée.

La réussite de cette proposition dépendra de la qualité de la surveillance des cas. Ajouter une période de surveillance de dix ans, c'est un bon début, mais cela ne pourra fonctionner que si la surveillance des cas qui existe à l'heure actuelle est améliorée.

Néanmoins, la mesure législative n'est qu'un point de départ. Nous avons de graves réserves quant à la capacité et à la volonté du ministère du Solliciteur général et du Service correctionnel du Canada à mettre en place l'infrastructure essentielle à la bonne application de cette loi, de façon à protéger la société canadienne.

Depuis trois ans, le vérificateur général s'est dit, dans ses rapports, très inquiet de la capacité du SCC de réussir à réinsérer les délinquants dans la société et à les surveiller. Les commentaires du vérificateur général se trouvent à l'annexe C. Si vous ne les connaissez pas, auriez-vous l'obligeance de les lire? Le vérificateur général énonce très clairement cette préoccupation depuis trois ans. C'est le sujet qui m'inquiète le plus.

Quand j'ai commencé à m'informer sur les raisons pour lesquelles un prédateur sexuel violent pouvait se promener dans le sud de l'Ontario, muni d'une arme à feu, et tuer des jeunes filles innocentes, Howard Hampton, qui était alors procureur général de l'Ontario, m'a dit qu'il ne rédigeait pas les lois, qu'il se contentait de les appliquer. Au bureau de Kim Campbell, on m'a répondu qu'on n'appliquait pas la loi, qu'on la rédigeait. Ce sont les réponses que j'avais obtenues à cette époque.

J'ai siégé à l'enquête du coroner et j'ai écouté les avocats de 14 parties différentes. Il y avait là des ministres des gouvernements et diverses personnes représentant tous les aspects du système de justice à l'exception du Service correctionnel du Canada. Tous ces gens s'employaient à déterminer qui était coupable au tiers, aux quatre cinquièmes ou aux sept huitièmes. En fin de compte, les lois qui sont rédigées sont peut-être merveilleuses, mais si elles ne sont pas appliquées, cela ne donne rien.

Je prie le comité de convoquer de nouveau le commissaire à témoigner. J'ai lu son témoignage dans le hansard. Demandez-lui de revenir et demandez-lui des détails sur son engagement dans ce domaine. À l'heure actuelle, vous roulez les gens. Je ne saurais trop insister là-dessus.

Les affaires que nous représentons, à cette table, ne sont qu'un tout petit échantillon des terribles tragédies qui se produisent au Canada. Heureusement, ces tragédies ne causent pas toujours la mort, mais dans chaque cas, elles détruisent presque toujours la vie et le psychisme de celles qui en sont victimes. Ce qui manque, ce n'est pas une loi, ce sont les communications, l'application et l'infrastructure, ainsi que la capacité de faire respecter la loi. Je vous exhorte donc à obtenir des engagements puisque ceux-ci ne se trouvent manifestement pas dans le hansard. Vous disposez peut-être de renseignements que je n'ai pas. J'espère que c'est le cas.

Nous avons fortement recommandé au Parlement du Canada d'ajouter au projet de loi une disposition exigeant que soit préparé et soumis au Parlement un rapport dans les cinq ans suivant l'adoption de la mesure législative. Cela s'est déjà fait à deux reprises. Il y a d'abord eu le cas de la réforme des lois sur l'agression sexuelle en 1983 et ensuite l'adoption d'une nouvelle disposition sur la prostitution en 1985.

Je recommande qu'un tel examen soit exigé parce que le projet de loi C-55 ne devrait pas être appuyé faute de mieux. Peut-être constatera-t-on que la méthode préconisée dans le projet de loi C-55 ne donne rien. Il est important d'examiner l'effet de la mesure après cinq ans afin de ne pas tomber dans la complaisance et croire que des mesures constructives ont été prises.

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En fait, ce qui est pire encore, c'est que la confiance du public pourrait être encore érodée davantage s'il appert que la mesure législative est inefficace. Ce serait une manifestation de responsabilité que d'exiger un examen de l'application de cette loi.

D'après la plupart des études en criminologie, la récidive se manifeste dans un délai de trois ans. Par conséquent, un examen effectué après cinq ans permettrait de dresser un tableau clair de la situation et de voir si les délinquants récidivent souvent durant la période de surveillance à long terme.

Pensez aux objections sur le plan constitutionnel. Suivant l'exemple de l'État de Washington, au moins 10 États ont adopté des lois sur les prédateurs sexuels violents. On a examiné la constitutionnalité de ces mesures et certaines ont été invalidées, tandis que d'autres étaient maintenues.

Le débat constitutionnel en cours aux États-Unis ne devrait pas nous faire penser que nous aurons un problème semblable. La démarche américaine est fondamentalement différente. Elle soulève des préoccupations uniques sur le plan constitutionnel. On utilise ces lois pour interner des délinquants dans des établissements psychiatriques après leur condamnation. Avant l'expiration d'une peine d'emprisonnement, on peut demander que le délinquant soit institutionnalisé involontairement, parce qu'il est dangereux et souffre d'un trouble mental, mais pas nécessairement d'une maladie psychique reconnue.

De telles méthodes ont suscité des objections d'ordre constitutionnel.

Premièrement, elles imposent une peine rétroactivement, parce que la demande est présentée après la condamnation et avant la libération. Le projet de loi C-55 exige que la demande soit faite au moment de la détermination de la peine ou dans un délai de six mois dans certaines circonstances précises. Ces dispositions permettent l'internement involontaire d'un délinquant sans qu'on ait prouvé qu'il souffre d'un trouble psychique connu.

Le projet de loi C-55 ne prétend pas prévoir un programme de traitement fondé sur l'existence d'un trouble mental. La mesure fait partie du processus de détermination de la peine qui doit tenir compte de la protection du public.

Les lois américaines visent à protéger le public d'une manière déloyale en prétendant viser la réinsertion sociale du délinquant. C'est beau en théorie. Cette tentative de faire passer une mesure punitive et protectrice pour une mesure de réinsertion sociale est ce qui suscite le plus de litiges constitutionnels aux États-Unis.

Au Canada, il ne semble pas exister de solides objections constitutionnelles au projet de loi C-55. La Cour suprême du Canada a déjà confirmé la constitutionnalité des peines d'emprisonnement pour une période indéterminée fondées sur de faibles prédictions de dangerosité par des psychiatres.

Ce projet de loi ajoute seulement des dispositions à partir de ce fondement. Après une déclaration de culpabilité et une prédiction de dangerosité faite par un psychiatre, le projet de loi C-55 permet d'inclure dans la peine imposée au délinquant une période prolongée de surveillance en liberté conditionnelle de 10 ans. C'est beaucoup moins pire que les dispositions relatives au délinquant dangereux et approuvées sur le plan constitutionnel, et cette disposition constitue le moyen le moins restrictif d'atteindre l'objectif du gouvernement qui est de protéger la population. Nous sommes donc évidemment d'accord.

Pensons aux mesures de réinsertion. Elles ne seront utiles que si la surveillance pendant la période de liberté conditionnelle est resserrée et rendue plus efficace et intensive. Toute protection réelle contre des criminels prédateurs à contrôler exige une méthode intégrée qui tiendra compte d'un certain nombre de propositions interdépendantes: comment mettre en oeuvre la surveillance de longue durée tout en améliorant l'efficacité et l'intensité de la surveillance déjà prévue en période de liberté conditionnelle, comment mettre en oeuvre la surveillance de longue durée tout en mettant en pratique l'idée proposée de prévenir les collectivités de la présence de délinquants à contrôler qui viennent d'être libérés, et comment mettre en oeuvre la surveillance de longue durée tout en mettant en pratique les projets d'imposer des tests d'empreintes génétiques. Tous les délinquants à contrôler devraient être obligés de fournir des échantillons de leur ADN au moment de leur libération afin de faire en sorte que la police puisse verser ces renseignements dans la banque de données d'empreintes génétiques qu'on prévoit de créer.

Nous ne voudrions pas que l'adoption du projet de loi C-55 soit retardée en attendant qu'on examine l'idée d'intégrer à ces propositions celles concernant les tests d'empreintes génétiques et les avis à donner aux collectivités, mais il est toujours préférable de traiter de questions de cette nature d'une manière globale, holistique. Si les autres propositions ne sont pas préparées en même temps que le projet de loi C-55, elles pourraient ne pas être compatibles.

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En conclusion, sous réserve des préoccupations que nous venons de mentionner, CAVEAT appuie l'adoption de ce projet de loi étant donné qu'il concorde avec notre position selon laquelle il faut des régimes législatifs différents pour les délinquants prédateurs et pour les délinquants non violents et coupables d'infraction simple. Notre appui au projet de loi est subordonné à un examen statutaire obligatoire après cinq ans, afin qu'on puisse vérifier si le régime connaît un minimum de succès. Si l'on se rend compte que les délinquants à contrôler récidivent régulièrement, il en découlera alors que la surveillance en liberté conditionnelle n'est clairement pas la voie à poursuivre.

J'ai une section ici que je vous exhorte à examiner soigneusement afin de voir s'il y a là quelque chose de nouveau. Nos recommandations de nature technique sont fondées sur les avis de procureurs des différentes régions du pays qui ont examiné le projet de loi du point de vue pratique. Je répète que je suis préoccupée par l'application, et cette fois c'est au niveau des tribunaux.

Nous venons de voir quelle aberration est la condamnation d'emprisonnement avec sursis. Cela vient d'être étudié au comité et à la Chambre et les tribunaux y ont recours. Je suis sur le point de publier un article là-dessus. On en fait un usage qui est tout à l'opposé de ce qui était souhaité.

Je vous exhorte donc à tenir compte des préoccupations exprimées par les procureurs de la Couronne. Je ne veux pas vous en faire la lecture, parce que c'est très compliqué. Il s'agit de rafistoler un peu le libellé. Prenez-en bonne note.

L'une des dispositions les plus controversées du projet de loi touche la contrainte judiciaire. Même si l'objectif est louable, nous serions étonnés que cette disposition résiste à une contestation en vertu de la Charte.

Comme je l'ai dit, le projet de loi C-55 aura selon nous des effets positifs dans le cas des délinquants dangereux, à l'exception de l'évaluation proposée à l'alinéa 752.1(1) qui, à moins d'un changement, rendra l'opération plus difficile encore.

Il faudra vite revoir ce problème technique, sans quoi les juges vont créer des délinquants à contrôler au lieu de les déclarer délinquants dangereux. Je peux vous dire que c'est ce qui arrive dans le cas des condamnations avec sursis. Je vous en prie, donc, examinez cette question. C'est le cri du coeur que font entendre les procureurs de la Couronne.

Pour conclure, sachez que nous sommes en faveur de ce texte. C'est un bon début. Par contre, il néglige le petit groupe de délinquants dangereux très violents qui présentent un risque élevé de récidive et qui, d'une façon quelconque, sont soustraits à la déclaration de délinquant dangereux et ne se prêtent pas à la surveillance de longue durée.

Lorsque je faisais partie du groupe de travail, nous avons examiné le cas des délinquants dangereux et des délinquants à contrôler. Nous avons aussi examiné les cas intermédiaires et avons proposé une solution. Le projet de loi C-254 de Val Meredith reprenait l'idée, mais elle ne se retrouve pas dans le projet de loi C-55.

Il s'agit donc pour moi d'un bon départ. Je pense que nous reviendrons parce qu'il y a un petit nombre d'individus très dangereux qui ne tombent pas sous le coup du projet de loi C-55.

Merci beaucoup.

La présidente: Merci, madame de Villiers.

Qui sera le prochain? Mme Cameron?

Mme Marilyn Cameron (bénévole, Canadiens contre la violence partout recommandant sa révocation (CAVEAT)): Je vous remercie de la possibilité qui m'est offerte de vous raconter ce qui m'est arrivé. Je suis actuellement membre du conseil d'administration de l'organisation Peace and Justice for Canadians, formée par des citoyens de White Rock, south Surrey, après le meurtre brutal de ma fille Pamela le 4 octobre 1994.

Nous avons beaucoup travaillé. Nous avons rédigé des lettres et fait signer des pétitions pour que l'on adopte des lois plus sévères pour protéger l'ensemble de la société contre les délinquants dangereux et empêcher la libération désordonnée de délinquants sexuels et violents chez nous. Nous collaborons aussi avec les services de police communautaire pour faire de notre quartier un quartier sûr. Quand je vous aurai raconté ce qui nous est arrivé, j'espère que vous comprendrez mieux pourquoi nous appuyons les projets de loi C-55 et C-254.

Je veux d'abord vous parler brièvement de Pamela.

Elle avait seize ans. Elle était vive, adorait la vie, l'école et les sports. Elle avait beaucoup d'amis et pas une once de méchanceté en elle.

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Le déménagement en Colombie-Britannique n'a pas été facile pour elle. Elle voulait conserver ses amis en Ontario. Mais, positive comme elle l'était, Pamela a décidé que ce serait pour elle une nouvelle aventure. Une semaine à peine après l'installation à White Rock, elle avait trouvé un emploi au restaurant Moxie et avait décidé qu'elle voulait faire ses études à UBC - contrairement à son meurtrier, qui avait vécu toute sa vie aux crochets de la société.

Pamela commençait à aimer l'école secondaire. Elle était en onzième année. Le 4 octobre, à trois heures de l'après-midi, son père et moi l'avons déposée avec son nouvel ami à Muffin Break après l'école. Elle nous a dit qu'il faisait beau et qu'elle voulait entrer à la maison à pied. C'est ce qu'elle a fait sans savoir que cette belle journée serait la dernière de sa vie.

C'était un mardi ensoleillé; elle sortait de l'école, portant son cartable, et suivait une rue à quatre voies, où la circulation était intense. Il était environ 3 h 50 de l'après-midi et, à son insu, quelqu'un - un monstre - avait décidé de la suivre. Il connaissait bien le chemin, et quand elle atteignit un endroit où les buissons étaient touffus et hauts, tout près du trottoir - il y avait plusieurs maisons de l'autre côté de la route - il la poussa par derrière, l'entraîna rapidement sur un terrain découvert, lutta avec elle, la viola et l'étrangla avec le cordon de son propre sweatshirt.

En se battant avec lui, elle l'avait mordu. Sur deux de ses doigts, la morsure allait jusqu'à l'os, ce qui nous permit, plus tard, d'identifier l'ADN et ainsi de nous aider à le faire condamner. Lui-même avait laissé des marques de morsure sur sa joue, ce qui servit également de preuve. Il la cacha ensuite sous les buissons, fuma quelques cigarettes et vida quelques boîtes de bière qu'il avait apportées avec lui.

Quand la nuit tomba il sortit de là avec le cartable de Pam dans lequel il avait fourré ses habits, et le déposa à un magasin Dairy Queen tout proche, puis il poursuivit son chemin jusqu'à un poste d'essence, quelques bâtiments plus loin. Il était environ 19 h 55, et c'est là qu'on capta son image sur une caméra vidéo: sa veste portait des traces de sang, et ses doigts étaient entourés de kleenex, car ils étaient en sang.

Je téléphonai à la police vers 18 h 45, car je savais alors qu'il s'était passé quelque chose d'anormal. La police n'a entrepris des recherches que le lendemain matin, pensant qu'elle avait fait une fugue, mais moi, je savais que ce n'était pas dans le tempérament de ma fille.

Paul et Mark - ce dernier était le petit ami de Pamela, qui venait de l'Ontario - avec quelques amis et toute l'équipe du Moxie, passèrent toute la nuit à arpenter les rues et à parcourir la plage, à la recherche de Pamela. Dans l'après-midi du 5 octobre 1994, avec l'aide d'un chien policier, elle fut retrouvée à peu de distance de chez elle.

Mitchell James Owen, sachant la police à ses trousses, se rendit 12 jours plus tard; c'est alors que nous avons découvert qu'à l'âge de 39 ans il avait commis 28 actes de délinquance, soit plus d'un par an depuis l'âge de 18 ans. Qui dit mieux?

Peut-on savoir combien de délits il aura commis comme jeune délinquant, et je sais qu'il en a commis. Jusqu'à 1982, pour n'en nommer que quelques-uns, il s'était rendu coupable de vol, de port d'arme cachée, d'attaque à main armée, d'agression, de trafic de drogues, de dégâts et d'introduction par effraction.

Le 7 juillet 1982 - c'était le quatrième anniversaire de Pam - il viola une fillette à Vancouver et la laissa pour morte. Le juge, qui le condamna à 10 ans de prison, le qualifia de bombe à retardement ambulante; il purgea sept ans de cette peine et le 28 mars 1989 il était remis en liberté, sans avoir fait l'objet de mesures de réadaptation.

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Le 12 octobre 1989 il était de nouveau arrêté, accusé de possession d'arme, d'agression d'un agent de police et de bris de vitres d'une voiture de police. En novembre 1993 il fut relâché, là encore après avoir purgé 10 années complètes pour le viol ainsi que pour les autres chefs d'inculpation, qu'il avait purgés simultanément. Ce dernier mot me fait rêver...

Le 4 octobre 1994, c'était le tour de Pamela. Peut-on s'étonner de ce parcours? Je ne le crois pas.

Au cours de l'audition préliminaire, son frère a déposé un témoignage en notre faveur, et contre lui, en disant qu'il le savait capable de meurtre, mais qu'on ne l'en avait pas moins relâché. Il y eut 43 témoins à cette audition.

La veille du jour du meurtre de Pamela il avait été arrêté, et relâché, par la police de White Rock, mais la GRC de Surrey n'était pas même pas au courant de la présence, en ville, de ce prédateur.

Le 4 octobre il n'avait cessé, toute la journée, d'importuner des gens, allant jusqu'à voler de l'argent, un téléphone cellulaire et des objets d'un salon de coiffure. Il s'était introduit dans la maison d'un homme et d'une femme d'un certain âge, et les avait terrorisés. Je ne comprends toujours pas encore pourquoi ces gens n'ont jamais, ce jour-là, appelé la police.

Tout cela pour dire que ce monstre ou cette bombe à retardement ambulante, pour reprendre l'expression du juge, n'aurait jamais dû être remis en liberté mais il le fut pourtant, grâce au système de la «porte-tambour», aux libérations anticipées.

Il m'est impossible de croire qu'il puisse être réadapté. N'est-il pas incroyable qu'une personne condamnée 28 fois commette en fait un meurtre au premier degré? À l'heure actuelle cet homme n'est même pas considéré comme délinquant dangereux.

La Couronne a déclaré qu'il avait reçu la peine maximale pour un meurtre au premier degré. Il a plaidé coupable en mars 1995, il a été condamné à perpétuité, soit à 25 ans de prison, mais nous savons tous qu'il n'en sera rien à cause de l'article 745 - la fameuse clause dite «lueur d'espoir» qui lui permettrait, le cas échéant, de se retrouver dans la rue au bout de 15 ans, pour y perpétrer un crime sur l'enfant de quelqu'un d'autre.

Jamais il ne devrait plus être remis en liberté. Il y a des années déjà qu'on aurait dû l'en empêcher, en particulier après le viol de 1982.

Le système de justice, à mon avis, a abandonné un grand nombre de citoyens respectueux des lois et je me refuse, moi, à renoncer à lutter. Pammy ne doit pas être morte en vain. Il faut empêcher ces délinquants dangereux, ces pédophiles, ces agresseurs sexuels de continuer à frapper.

Je crois fermement que les choses évoluent à petits pas. Mais le nombre des victimes, lui, augmente rapidement. Écoutez-nous, je vous en prie, et changez notre système pour le bien de tous les Canadiens respectueux des lois. Nous ne pouvons pas ressusciter Nina, Christopher, Pammy ou les nombreux autres, leur liste s'allonge sans cesse, mais nous pouvons peut-être éviter à une autre famille la douleur qui nous tenaille encore à ce jour.

Nos vies en sont bouleversées à jamais. Ne permettez pas que ces monstres continuent à arpenter nos rues à la recherche de proies innocentes.

Je comparais aujourd'hui au nom de nombreuses personnes qui sont en faveur des projets de loi C-55 et C-254, mais le projet de loi C-55 est-il suffisamment sévère? Je ne le pense pas. Faisons preuve de plus de sévérité dans les lois de ce pays.

Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur et madame Stephenson.

M. Jim Stephenson (témoignage à titre personnel): Merci, madame la présidente et membres du comité.

Anna et moi-même avons préparé un mémoire, qui vous a été distribué et qui nous servira en même temps d'exposé; il contient nos réactions aux mesures contenues dans les projets de loi C-55 et C-254.

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Notre intention était d'amener aujourd'hui notre avocat, M. Tim Danson, pour présenter ce mémoire: son expérience et ses connaissances juridiques nous auraient certainement été d'une grande utilité pour répondre aux questions soulevées par la Charte et liées à un régime de détention pour une période indéterminée, une fois la peine imposée. Malheureusement, il n'a pu se libérer aujourd'hui et a préparé lui-même un mémoire sur le projet de loi C-55, pour examen par le comité. Ce document vous a été également distribué ce matin. Vous devriez en avoir un exemplaire.

Nous aurions également voulu que soit présent le docteur John Bradford du Royal Ottawa Hospital, qui est une sommité en psychiatrie médico-légale des agresseurs sexuels. Il nous aurait certainement été d'une grande utilité pour fournir des témoignages empiriques, qui auraient accompagné tout témoignage devant ce comité, mais là encore, il n'a malheureusement pas pu se libérer aujourd'hui.

En dernier lieu, nous avons mis en annexe à notre mémoire d'aujourd'hui des exemplaires d'un document préparé en 1995, conjointement avec notre avocat et distribué à chaque député, député provincial et sénateur de ce pays. Ce document est intitulé «Sexual Predator Law: Protecting Our Children», (Loi sur les prédateurs sexuels: Protégeons nos enfants). Vous devriez également en avoir un exemplaire. Ce document porte en particulier sur les articles de la Charte qui, aux yeux de beaucoup de gens, feraient échec à toute législation visant les prédateurs sexuels. Ce document mérite certainement que le comité en examine la teneur et en discute les tenants et les aboutissants.

J'ai l'intention, ce matin, de vous donner brièvement lecture de notre mémoire sans l'examiner en détail. Nous répétons, pour l'essentiel, ce que vous ont dit un grand nombre de témoins au cours des derniers jours et également, peut-être, ce que vous avez entendu ce matin. Ce n'est donc pas nécessaire d'entrer dans les détails, et vous en avez des exemplaires. Tout se trouve dans notre mémoire.

Le jour de la Fête des pères, le matin du dimanche 19 juin 1988, notre fils de 11 ans a été retrouvé, baignant dans son sang, dans un bosquet adjacent à un champ, à Brampton-Nord. Christopher avait été enlevé deux jours auparavant, alors qu'il faisait des courses avec sa mère et sa petite soeur dans une galerie marchande; sous la menace d'un couteau il avait été enlevé dans un champ tout proche, où il fut violemment violé. Son ravisseur le força ensuite à le suivre dans un sous-sol tout proche, et au cours des 24 heures qui suivirent, il fut battu et violé de nouveau à maintes reprises. Le lendemain soir, Christopher fut conduit, ligoté et les yeux bandés, dans un autre champ où, toujours ligoté, il fut poignardé plusieurs fois dans la nuque et laissé seul à saigner à blanc.

Les événements de cette fin de semaine déclenchèrent une enquête sans précédent, d'une durée de cinq mois et demi, sur les circonstances de cette mort tragique. Les dépositions de l'enquête révélèrent qu'un certain Joseph Fredericks, agresseur sexuel récidiviste notoire, qui avait été jugé pédophile homosexuel dangereux, avait été mis en régime de liberté surveillée tout en purgeant une peine pour agression sexuelle violente, commise trois ans auparavant contre un petit garçon de la région d'Ottawa.

Il n'avait pas été possible à l'époque, en raison de problèmes liés aux preuves et aux témoins - je reviendrai là-dessus - de faire une demande de déclaration d'agresseur dangereux, et la Couronne avait été obligée de négocier le plaidoyer. Des experts ont ensuite averti le service correctionnel que Fredericks récidiverait. Il savait également - ce qui est encore plus important, qu'un délit risquait d'entraîner une mort. Toutefois, en raison des lois en vigueur, rien ne pouvait être entrepris pour empêcher Joseph Fredericks d'être remis en circulation.

Une enquête, entreprise à l'automne de 1992, a alors exposé comment le régime correctionnel canadien traitait en général les délinquants récidivistes dangereux, et les relâchait. Des Canadiens des quatre coins du pays se déchaînèrent contre le gouvernement, et contre un système qui, en toute connaissance de cause, les exposait, eux et les membres de leur famille, à des délinquants dont la violence était notoire.

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L'enquête forgea alors un nouveau terme pour les Canadiens, celui de «prédateur sexuel» qui s'appliquait parfaitement à un type comme Joseph Fredericks: c'est une personne qui a une anomalie mentale ou un trouble de la personnalité de nature à la rendre susceptible de commettre des actes sexuels de nature prédatrice. Le terme en vint rapidement à qualifier la pire catégorie de délinquant sexuel violent et récidiviste.

En janvier 1993, le jury de l'enquête présenta 72 recommandations visant à amender la loi et à améliorer les mesures prises à l'encontre de délinquants sexuels à risque élevé de récidive. La recommandation principale, toutefois, demandait la promulgation immédiate d'une loi autorisant la détention à perpétuité, au-delà de l'expiration de la peine déterminée, de prédateurs sexuels violents.

En mai 1993, soit cinq mois plus tard, le solliciteur général du gouvernement fédéral de l'époque, M. Doug Lewis, a présenté une nouvelle loi dont l'élément principal portait sur la détention pour une période indéterminée de délinquants présentant un risque élevé de récidive.

Et cette même année, à la suite des élections fédérales et des changements qui ont eu lieu plus tard, cette même année, au sein du gouvernement, ces propositions législatives ont expiré au Feuilleton.

Rien, dans le champ de Brampton, où il y a presque neuf ans, il fut mis fin de façon si brutale à la jeune vie de Christopher, ne signale ce qui s'est passé. Il ne reste aucune trace de l'échec du système juridique du Canada à protéger ses citoyens les plus vulnérables de criminels violents notoires. Aucune trace de cette tragédie ne subsiste, cette tragédie qu'a sanctionnée le système de justice pénale en abdiquant sa responsabilité pour cet acte.

Les Canadiens qui examinent aujourd'hui le système de justice de notre pays peuvent-ils trouver des mesures prises par leurs représentants élus pour les protéger de créatures comme Joseph Fredericks, Clifford Olson et Doug Worth? Que répondre à cette question, sinon: «peu - très peu».

Le reste de notre mémoire présente nos commentaires sur les projets de loi C-55 et C-254, et je passerai aux conclusions du mémoire.

Ce qui nous semble nécessaire, c'est de donner aux magistrats et aux autorités correctionnelles le pouvoir législatif d'évaluer, avant de remettre en liberté un délinquant sexuel violent, à tendance récidiviste, le risque qu'il présente de commettre un nouveau crime. C'est tout ce que nous réclamons. Lorsqu'une personne est considérée prédateur sexuel dangereux, les autorités en question devraient avoir le moyen d'imposer toute restriction jugée utile, y compris la détention pour une période indéterminée.

Par régime applicable aux prédateurs sexuels, nous entendons un projet législatif qui permettrait de garder ces criminels à l'écart de la société et les placerait en lieu sûr jusqu'à ce qu'ils ne représentent plus une menace pour la sécurité publique. La loi s'appliquerait aux prédateurs qui autrement seraient libérés une fois leur peine de prison purgée pour un délit précédemment commis. Une telle loi devrait être assortie de garanties légales suffisantes ainsi que d'un programme de traitement. C'est là notre conviction.

On considère généralement que ce groupe de délinquants constitue un demi de 1 p. 100 de toute la population de délinquants; il s'agit donc d'un groupe restreint et identifiable qui serait visé par cette loi.

Cette loi est rédigée de façon précise et limpide, nous sommes persuadés qu'elle résistera à toute contestation invoquant l'une ou l'autre disposition de la Charte. Ce n'est qu'avec une loi autorisant la détention perpétuelle qu'il sera possible d'assurer une protection suffisante contre les délinquants sexuels violents et récidivistes.

Jamais nous ne nous laisserons persuader par ceux qui n'arrêtent pas de seriner qu'une telle loi serait contraire à la Constitution et qui refusent de se laisser persuader.

Nous considérons que la proposition du projet de loi C-254, aux termes de laquelle des critères semblables à ceux de la Loi sur les délinquants dangereux actuellement en existence, au début de la sentence, soient également applicables à la fin de cette même sentence, constitue une tentative légitime et plus directe de traiter de ce problème, à savoir que faire de délinquants connus pour être extrêmement dangereux et qui ont presque purgé leur peine. C'est pourquoi nous prions instamment ce comité de se pencher de nouveau sur les recommandations de détention prolongée au-delà de la peine, que contient ce projet de loi, dans l'examen qu'il en fera.

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Les propositions contenues dans les deux projets de loi ne représentent qu'un premier pas qui devra être suivi d'autres. Il reste beaucoup à faire avant que les droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de nos citoyens les plus vulnérables soient correctement assurés, pour les protéger de ceux qui risquent de commettre contre eux des délits graves et parfois mortels.

En conclusion, nous adressons nos remerciements sincères à ceux - en particulier à Mme Val Meredith - qui se sont dépensés sans compter pour préparer les mesures législatives dont vous êtes saisis. Notre reconnaissance va en particulier à MM. Gray et Rock, qui ont encouragé et vigoureusement appuyé les modifications proposées. Enfin, nous exprimons notre espoir sincère que les décisions des membres de ce comité, qui ont maintenant l'occasion et la responsabilité de décider du contenu de nos systèmes correctionnels et juridiques, soient courageuses et conscientes des graves problèmes qui sont soulevés.

Je vous remercie.

La présidente: Madame Meredith.

Mme Meredith: Je vous remercie, madame la présidente, et vous tous, pour avoir pris le temps de comparaître devant nous. Je sais combien il est éprouvant de nous faire le récit de vos malheurs.

Mais dans l'ensemble vous n'êtes pas entrés dans les détails, qui se trouvent probablement dans votre mémoire, à savoir les modifications législatives. J'aimerais vous poser une question directe. Monsieur Stephenson, vous avez dit très clairement que le projet de loi C-254 portait plus spécifiquement sur la question qui vous préoccupe. En tant que groupe représentant de nombreuses victimes, considérez-vous ce projet de loi comme une première étape, qui sera suivie d'autres? Pensez-vous que les Canadiens voudront aller au-delà?

Mme de Villiers: Oui, certainement. Comme je l'ai dit en passant, dans mon mémoire, ce projet de loi me semble marquer un tournant important dans notre pensée en matière de législation, et c'est pourquoi il a suscité tant de craintes: c'est parce que nous cherchons un moyen de prévenir les crimes, ce qui n'a pas été jusqu'ici le fait de notre système de justice, où il faut généralement une victime et un délit pour que celui-ci intervienne.

En examinant le projet de loi C-55, nous avons donc pensé qu'il s'agissait là d'un retournement dans notre mode de pensée, et je dois en féliciter MM. Rock et Gray, parce qu'ils commencent à voir sous un nouveau jour là où réside la prévention des crimes, au niveau le plus élémentaire. Si nous appliquons à la justice les mêmes principes qu'à la santé - les deux présentent de nombreuses ressemblances - il est impossible d'imaginer que nous aurions, dans ce pays, un système de soins de santé qui ne s'attaquerait pas immédiatement, et de façon très proactive, à quelques virus mortels. Les exemples ne manquent pas.

Lorsque le danger est clairement identifié et qu'il y a escalade de la violence et multiplication des actes, puisque nous savons que les deux finissent toujours par aller de pair, il faut intervenir. Il est totalement inadmissible d'attendre la victime suivante.

Comme toutes les jeunes femmes, les jeunes hommes, les hommes moins jeunes et en tant que femme qui se sent extraordinairement vieille, je ne veux pas non plus être une victime. J'ai commencé lors d'un passage à Cross Country Checkup. C'est une émission de radio et se retrouver toute seule dans la pénombre d'un studio en train de répondre à des voix qui vous arrivent de vous ne savez où et en plus sans qu'on vous dise quand vous pouvez parler ou non, est très déconcertant, voire effrayant.

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Nous discutions du cas de Wray Budreo, le pédophile qui avait été relâché et du fait qu'il n'avait pas, par quatre fois, respecté les conditions de sa libération conditionnelle et qui, à chaque fois, avait attaqué encore quatre autres enfants. La question que j'avais posée à l'époque au sous-solliciteur général était: premièrement à partir de combien d'enfants doit-on intervenir? Donnez-moi un chiffre: un, vingt-cinq, trois? C'était la première question. Deuxièmement, combien de fois peut-on attendre du public qu'il accepte qu'on redonne une nouvelle chance à cet individu?

Ce sont des questions difficiles car elles touchent des humains. C'est beaucoup plus facile lorsqu'il s'agit de délits envers l'État et c'est la raison pour laquelle la Charte a tendance à favoriser les délinquants plutôt que les victimes car il s'agit là de protéger les individus contre l'État.

Lorsqu'il y a victime et délinquant, beaucoup trop souvent les victimes sont les morts ou sont tellement fragilisées qu'elles ne savent pas s'exprimer. On nous demande donc de traiter très durement une personne pour en protéger une autre. Si cette personne n'a pas encore de visage, c'est beaucoup demander à la société canadienne. C'est une de ces questions difficiles à laquelle il nous faut répondre. Il nous faut commencer à penser à ces victimes inconnues et, à mon avis, c'est ce que fait ce projet de loi.

Du point de vue législatif, c'est un bon début. Comme je l'ai dit, je crois qu'il n'offre toujours pas de solution à ce que nous devons faire de ceux qu'on ne peut déclarer délinquants dangereux ou à contrôler. Allons-nous attendre la fin de leur peine et les laisser sortir pour voir ce qu'ils vont faire? C'est à ce niveau que j'aimerais vous féliciter.

C'est un excellent début et je crois que nous vous en sommes tous reconnaissants. Je crois qu'il y a suffisamment de mécanismes de contrôle pour nous permettre de faire preuve d'une certaine humanité et de rectifier le tir s'il y a changement de comportement. Je vous supplie de le considérer dans cette optique.

Une dernière chose, représentant les victimes, je suis toujours sur la défensive chaque fois qu'on me parle nombre de prisonniers et coûts d'incarcération. Pour être franche, ce n'est pas mon problème et ce ne devrait pas être le vôtre non plus. Votre problème c'est de rédiger une loi qui répond à un besoin de la société d'aujourd'hui.

Il suffit de lire les journaux pour constater qu'actuellement dans la région métropolitaine de Toronto, à Peel, et à Hamilton on ne parle que de pédophiles attaquant des enfants dans les toilettes. Dire que ce sont les médias qui créent le problème ou que les victimes dramatisent ou que les parents dramatisent est ridicule. C'est un fait de société et c'est à la justice de trouver une solution.

Personnellement, je ne pense pas que les problèmes de surpopulation et de coûts devraient vous préoccuper. Par contre, vous devriez réclamer l'infrastructure nécessaire pour faire face à ces problèmes et s'il faut plus d'argent, plus de prisons ou plus d'agents de libération conditionnelle, qu'il en soit ainsi. Je suis vraiment sur la défensive quand on me parle de choses de ce genre, et personnellement je crois que vous, les législateurs, devriez réagir de la même manière. Il nous faut rédiger une bonne loi et laisser M. Gray et Ole Ingstrup se débrouiller avec leurs problèmes. C'est un cri du coeur et vous pouvez me citer.

Merci.

Mme Meredith: À propos de bonne loi, j'aimerais revenir au projet de loi C-55 qui d'après moi est trop imprégné d'esprit de conciliation.

Je ne sais si vous êtes d'accord avec moi, mais j'ai même l'impression que les belles intentions de ce projet de loi sont un peu battues en brèche quand on commence à parler de surveillance électronique. D'après moi, une loi sur les délinquants dangereux ne doit pas être faite pour viser l'ensemble des délinquants, mais seulement une catégorie très précise et peu nombreuse. Je crois que le chiffre avancé par M. Stephenson était de un demi pour cent. Est-ce bien utile, d'après vous, d'envisager dans cette loi cette possibilité? Pensez-vous qu'on puisse équiper un délinquant sexuel ou un délinquant violent qui risque de récidiver d'un bracelet électronique?

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Mme De Villiers: Je suis heureuse en fait que cela soit proposé. C'est la raison pour laquelle nous demandons un réexamen au bout de cinq ans, car la violence familiale, ou la violence conjugale, par exemple, est en train de devenir un énorme problème. Et je sais que le procureur général de l'Ontario, tout dernièrement, vient de signer deux ordonnances de délinquants dangereux pour des hommes très dangereux coupables de violences familiales. Mais bien évidemment, il a fallu faire la preuve du danger extrême dans des relations différentes.

Nous avons tendance à croire que les prédateurs sexuels et les délinquants violents à risque élevé de récidive sont des étrangers. Dans notre cas, c'est un étranger. S'il n'y a pas ici de femmes qui ont vécu ce genre de problème chez elles, c'est pour des raisons sociales et professionnelles, mais il y en a énormément qui doivent faire face à des situations très dangereuses et qu'il est extrêmement difficile de protéger. La surveillance électronique a été souvent utilisée pour protéger ce genre de victimes. Ce sont elles qui portent les bracelets et qui appuient sur le bouton d'alarme. C'est le moyen de faire intervenir rapidement la police.

Je crois que la surveillance électronique dans ce genre de cas est tout à fait applicable: à partir d'une certaine distance, d'un certain lieu de résidence, l'alarme se déclenche. Ce n'est pas fait pour détecter les prédateurs qui s'attaquent à des étrangers. C'est mon interprétation. Je ne sais pas si vous l'avez déjà entendue. Dans ce cas, je crois que c'est nécessaire.

Je crois qu'on y accorde actuellement trop d'attention. Comme Steve l'a dit, pour être tout à fait honnête, je crois que la surveillance électronique est simplement un outil comme un autre.

La présidente: Monsieur Telegdi.

M. Telegdi (Waterloo): Merci, madame la présidente.

Je vous remercie infiniment de votre témoignage. Je sais que vous avez vécu le cauchemar de tout parent. Pour en revenir à certaines des questions, j'étais en train de lire un des mémoires, celui préparé par M. Danson, dans lequel il mentionne un certain nombre de délinquants condamnés ainsi que Paul Bernardo. Un groupe de témoins est venu nous parler de l'affectation des ressources, du budget total de la justice - et je sais que pour vous, cela ne devrait même pas être une considération. Mais ce qui est frappant, quand on évoque le cas de Bernardo, c'est que si nous avions eu un autre technicien d'ADN et si les analyses d'ADN avaient été faites de manière satisfaisante, il y aurait eu moins de viols et nous aurions peut-être même évité certains crimes. L'affectation ou la répartition des ressources a donc un rôle important à jouer.

Quand je considère ce qui se passe dans ma propre province, en Ontario, où nombre des ressources qui sont mises à la disposition des victimes, des délinquants, des services correctionnels communautaires et des groupes s'occupant de justice communautaire disparaissent les unes après les autres, le membre du Conseil national de prévention du crime que je suis s'inquiète tout autant que vous. Nous avons pris une de ces initiatives au niveau de la région de Waterloo. Nous avons créé un conseil au niveau local où les juges, les procureurs de la Couronne et des représentants de la collectivité siègent au sein d'un comité qui s'interroge sur les moyens de sécuriser notre communauté. Quels systèmes d'alarme et quels services communautaires mettre en place ou améliorer pour réduire le crime et le coût du crime tant sur le plan humain que sur le plan financier? Comme vous le savez, tout ce qui se passe alarme la population et je me demande que faire pour démontrer qu'une insuffisance de ressources victimise encore plus les victimes et aggrave la situation.

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Mme de Villiers: Je suis très heureuse que vous souleviez ce point. Je porte mon autre chapeau, mais à CAVEAT, des groupes comme celui de Marilyn et des individus communiquent presque tous les jours, pour demander comment s'organiser et travailler en vue du changement. Tout comme Blanche Dubois dans la pièce de Tennessee Williams, je dois me fier à la générosité des inconnus. Nous sommes des bénévoles, donc nous n'avons pas beaucoup d'argent, et c'est un grave problème.

Cette année, pour être proactifs, au lieu d'organiser une grande conférence, nous organisons des conférences régionales intitulées «Mobilizing the Community». Nous allons réunir tous les intéressés au sein de la collectivité pour essayer de mettre en commun des ressources et travailler ensemble. Très souvent, on voit que le travail des gens se fait à contre-courant.

C'est une grande préoccupation, et pour vous répondre, d'abord, je crois qu'il va falloir que les gens travaillent ensemble, dans des plus petits groupes.

Si nous examinons l'affectation des ressources du point de vue du gouvernement, cependant, je crois fermement qu'il y a un tri au niveau des soins de santé et que nous devons consacrer des ressources aux domaines où les besoins sont les plus urgents. En réalité, c'est un petit secteur, et il n'y a pas beaucoup de gens - 450 ou 452, je crois. On dit qu'il y en a peut-être quatre fois plus, soit environ 2 000 criminels dangereux, en plus des cas que je connais à l'heure actuelle. Ne me reprenez pas, car je n'ai pas les chiffres exacts devant moi, mais il ne s'agit pas d'un très grand nombre de personnes.

Ce dont il faut se rappeler c'est que ces gens, si vous regardez les dossiers criminels de Owen, de Fredericks et de Jonathon Yeo, ont infligé beaucoup de mal à énormément de gens.

Je crois que nous faisons preuve d'un grand manque d'organisation au niveau administratif lorsque nous disons que nous n'avons pas les ressources pour appuyer un projet de loi qui vise les pires criminels, les plus dangereux pour les membres les plus vulnérables de notre société. C'est ce que le vérificateur général a dit dans son rapport. C'est exactement ce qu'il a dit, si vous le lisez; c'est pour cela que j'en fais mention. Il a dit que la répartition des ressources actuelles, qui sont considérables, était suspecte. Vous pouvez le lire; je l'ai ici.

En toute honnêteté, à mon avis, il n'y a aucune raison de ne pas consacrer les ressources nécessaires pour appuyer ce projet de loi. Il n'y a pas de raison valable.

M. Telegdi: Dans la mesure où nous savons que nous traitons des contrevenants ayant déjà commis des infractions, oui, et c'est la raison pour laquelle j'ai dit...

Mme de Villiers: C'est le projet de loi C-55, exactement.

M. Telegdi: Nous pouvons l'accorder.

Mme de Villiers: Absolument.

M. Telegdi: Mais lorsqu'on parle de personnes comme Bernardo, il faut avoir des fonds dans d'autres parties du système.

Mme de Villiers: Absolument, et cela nous ramène à l'analogie de l'hôpital. Si nous disons que nous n'avons pas assez d'argent pour les laboratoires qui analysent des biopsies afin de déceler un cancer, et que nous n'avons pas d'argent à leur consacrer car nous pouvons le dépenser ailleurs, nous faisons la même chose. Si nous disons que nous n'avons pas assez de techniciens pour analyser l'ADN... Il y a l'exemple d'une femme, au début; elle a subi un retard de trois ans. C'est un aspect fondamental des laboratoires d'ADN.

Je crois qu'il y a dissonance au niveau des priorités. Personnellement, si je devais faire une recommandation maintenant, je suggérerais que nous demandions au Service correctionnel du Canada, dans ce cas-ci, de consacrer les ressources nécessaires pour les cas de risque élevé de récidive, y compris les banques d'ADN et tout le reste. C'est mon avis.

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M. Stephenson: Je sais que cette question ne me visait pas particulièrement. Je crois qu'elle s'adressait à tout le monde autour de la table ici, et j'aimerais y répondre.

Notre suggestion ne consiste pas à créer une infrastructure détaillée qui absorbera toutes les ressources. Nous savons que les ressources sont limitées et qu'elles doivent être canalisées judicieusement. Tout ce que nous disons, c'est que nous avons des psychiatres et des employés du Service correctionnel déjà en place et qui comptent parmi leur fonction actuelle les évaluations des détenus, des détenus que nous connaissons - non pas des individus qui n'ont pas encore comparu devant les tribunaux, mais des gens qui ont été inculpés, traduits devant les tribunaux et trouvés coupables d'infraction avec violence et d'infraction sexuelle avec violence. Nous savons qu'ils sont dans le système; nous les avons devant nous et notre personnel compte déjà des experts. Ces ressources sont déjà en place. Nous ne suggérons pas que le gouvernement crée une nouvelle loi qui entraînera une infrastructure de plus; cette infrastructure-là est déjà en place.

Nous disons simplement qu'il faut concevoir la loi de façon à prendre au sérieux l'avis de ces psychiatres et des spécialistes qui sont en mesure de sonder ces personnes, car ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Pour le moment, Service correctionnel Canada tient compte de l'évaluation fournie par un psychiatre dans le cadre d'un programme de mise en liberté. Il est très rare que l'évaluation psychiatrique serve aux fins de la détention.

À mon avis, le projet de loi à l'étude vise à utiliser les ressources déjà en place, dont nous disposons actuellement. Il est inutile de réinventer la roue. Le système est déjà en place mais il est simplement boiteux.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Nous ne pouvons pas parler aujourd'hui des problèmes de l'attribution des ressources auxquels est confronté tout le système judiciaire dans notre pays. Ce projet de loi ne vise pas directement à remédier à ce problème et ce n'est pas non plus notre objectif, soit dit en toute déférence. Nous sommes ici pour parler - et c'est d'ailleurs l'objet de ces projets de loi - de l'initiative que le gouvernement a prise ou qu'il devrait prendre pour faire face aux délinquants sexuels dangereux récidivistes, ceux que nous connaissons et ceux qui sont déjà incarcérés. Ils sont détenus dans nos prisons. Que faites-vous si vous êtes la personne qui est sur place en train d'observer ce genre de contrevenant en sachant qu'il n'y a rien à faire si ce n'est attendre qu'il ait fini de purger sa peine et lui ouvrir la porte? C'est le mieux que vous puissiez faire en vertu de la législation actuelle. Cela n'est pas suffisant.

Je ne veux pas m'en prendre à vous. Ce n'est pas mon intention. Si c'est l'impression que je vous donne, je vous prie de... Il est certain que, au fond de moi, je suis en colère. Que faut-il faire? Que faire lorsque nous savons que ces gens sont là et que tout ce que nous pouvons faire pour le moment, dans le cadre de la législation en vigueur, c'est leur ouvrir la porte. C'est tout ce que nous pouvons faire. Ce n'est pas suffisant.

Après avoir entendu les observations qui ont été faites autour de la table aujourd'hui, et que j'approuve, je suis un peu intimidé face à l'inconnu. Des victimes ont été laissées dans l'ignorance pendant trop longtemps. Je ne sais pas si c'est voulu ou non. J'ai écouté les explications fournies par la présidente relativement aux problèmes d'éclairage ici. Cela me rappelle une pensée qui m'a traversé l'esprit ce matin, au sujet d'une ampoule électrique. La question est la suivante: combien de vrais hommes faut-il pour changer une ampoule?

Mme Cohen (Windsor - Sainte-Claire): Il existe une foule de réponses à cette question.

M. Stephenson: Sans aucun doute. Mais la réponse que je veux fournir au comité aujourd'hui est la suivante: aucun, les vrais hommes n'ont pas peur dans le noir. Je peux vous dire qu'il existe un grand nombre de gens qui ont peur de la noirceur, qui ont peur de l'inconnu et des sourdes menaces que représente le petit groupe de contrevenants dont nous semblons persister à ne pas vouloir tenir compte.

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Pour vous poser une autre question, combien de politiciens faut-il pour adopter des lois qui protègent les collectivités et les familles contre ce genre de contrevenant? Je peux poser cette question car je vais vous proposer une réponse. Il faut autant d'élus politiques consciencieux et concernés que possible, et c'est tout.

La vice-présidente (Mme Torsney): Merci, monsieur Stephenson.

Madame Meredith.

Mme Meredith: Je tiens simplement à dire que je suis ici aujourd'hui pour entendre ce que vous avez à dire, et je ne pense pas être en mesure de le dire mieux que vous.

Je tiens à vous remercier tous d'avoir pris la peine de venir présenter à notre comité le revers de la médaille, dont nous n'entendons pas souvent parler et que nous avons tendance à oublier dans le cadre de nos débats. Il est très important de donner un visage humain à nos lois: quelles répercussions ces textes de loi ont-ils sur la population, sur les Canadiens en général? Vous l'avez expliqué au comité et je vous en remercie.

Mme Anna Stephenson (témoignage à titre personnel): J'ai une remarque qui s'adresse à vous tous: je ne pensais jamais que je serais un jour une victime, que mon fils serait tué. Je pensais toujours que cela n'arrivait que dans les films ou qu'on en entendait parler dans les journaux, mais que cela n'arrivait qu'aux autres. J'aimerais demander aux membres du comité, lorsqu'ils examinent ces propositions et écoutent nos témoignages, de ne jamais oublier leurs familles. Personne ne pense que cela va leur arriver, jusqu'à ce que l'événement se produise, et que d'un seul coup tout bascule.

Les Canadiens ne comptent pas sur leur gouvernement pour les protéger contre ce genre de personnes ou contre un voisin qui se présente à la porte armé d'un fusil et vous tire dessus. Si ces gens n'ont pas eu de démêlées avec la justice, les Canadiens ne s'attendent pas que le gouvernement dise: Eh bien, vous le saviez, pourquoi n'avez-vous rien fait? Si ces criminels sont connus, s'ils ont un casier judiciaire, si vous savez qu'ils sont dangereux, comment en votre âme et conscience pouvez-vous les libérer et dire que vous ne pouviez rien faire d'autre? Comment pouvez-vous le faire tout en sachant qu'ils représentent une menace? C'est une chose de ne pas le savoir, mais lorsque vous savez qu'ils représentent une menace, il vous incombe de faire quelque chose pour protéger tous les Canadiens et surtout nos enfants.

Je vous remercie.

La vice-présidente (Mme Torsney): Merci.

Je voulais ajouter quelques mots à vos observations, madame de Villiers, au sujet du programme dans le cadre duquel la victime éventuelle porte un dispositif de contrôle qui se déclenche en cas de besoin. Je sais qu'il existe une société de surveillance de Mississauga qui a mis sur pied un projet pilote. J'étais présente lors du lancement du projet. Le nom de la société m'échappe, mais c'est un projet qui a été entrepris de concert avec les forces de police locales. Je ne sais pas si nous avons effectué un suivi pour voir ce qu'il en est ressorti. Ce projet s'adressait à une poignée de gens seulement, mais cela avait apparemment permis de rassurer ces quelques personnes et peut-être même d'empêcher quelques personnes de plus de devenir à leur tour victimes. Ce projet était fondé sur un programme américain et il serait peut-être utile d'obtenir un complément d'information à ce sujet.

Je vous remercie tous de votre présence, malgré la distance pour certains d'entre vous, et de votre témoignage, lequel est très important pour la suite de nos travaux. Je vous remercie.

La séance est levée.

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