Débats prescrits par la loi
Le Parlement a jugé bon, dans
plusieurs mesures législatives, d’exiger des débats
spéciaux. Ces débats constituent une forme de surveillance et
d’examen parlementaires de dispositions législatives
particulières. Dans certains cas, celles-ci laissent une certaine
latitude; dans d’autres, elles sont
exécutoires [154] .
Les
débats exigés par la loi peuvent se classer en deux grandes catégories, bien que
les procédures relatives aux débats soient similaires. La première catégorie
requiert l’examen global d’une loi ou l’examen d’un de ses éléments. La seconde,
qui est la plus commune, prévoit un débat en vue de ratifier, de révoquer ou de
modifier un décret, un règlement, une déclaration, une proclamation, une
instruction ou tout autre instrument de décrets-lois qui découle de la loi en
question. Les règlements pris en vertu de certaines de ces lois le sont sous
réserve d’une résolution affirmative du Parlement, ce qui oblige les deux
chambres à les adopter, selon toute vraisemblance après débat, avant qu’ils
n’entrent en vigueur [155] .
À l’inverse,
les règlements qui doivent faire l’objet d’une résolution négative du Parlement
restent en vigueur tant qu’ils n’ont pas été révoqués par une résolution des
deux chambres, vraisemblablement après débat également [156] .
Depuis les années 1960, il y a eu plusieurs débats de ce
genre. En 1971, par exemple, la Chambre a adopté, après délibérations, une
motion portant création du ministère d’État chargé des Sciences et de la
Technologie en vertu de la Loi de 1970 sur l’organisation du gouvernement [157] .
En 1974, la
Chambre a discuté d’une motion priant le ministre des Affaires des anciens
combattants de proroger la Loi sur les terres destinées
aux anciens combattants dont la date d’expiration était le 31 mars
1975 [158] .
Un autre a eu
lieu en 1977 pour tenter de devancer la date d’expiration de la Loi anti-inflation [159] .
Deux autres se
sont produits coup sur coup à la fin de 1980 lorsque des députés ont tenté de
faire révoquer deux proclamations déposées par le gouvernement à l’égard de la
Loi sur l’administration du
pétrole : l’une avait trait au règlement limitant la hausse des prix de
diverses qualités et variétés de pétrole, l’autre, au règlement fixant le prix
du gaz naturel [160] .
Un autre s’est
déroulé en 1985 lorsque des députés ont invoqué une disposition de lam Loi sur le transport du grain de l’Ouest pour proposer une motion visant à utiliser une
journée réservée au gouvernement pour examiner un rapport provisoire sur la Loi
et toute question en suspens intéressant les agriculteurs de l’Ouest [161] .
L’adoption par
la Chambre, en vertu de la Loi référendaire, d’une
motion portant approbation de la question référendaire a donné lieu à un autre
débat prescrit en septembre 1992 [162] .
Le dernier
débat du genre a eu lieu en décembre 1992 lorsque des députés ont voulu modifier
le Règlement sur les mesures économiques spéciales
visant les navires (Haïti) conformément aux dispositions de la Loi sur les mesures économiques spéciales visant à
modifier ou annuler les décrets ou règlements concernant les programmes de
sanctions économiques [163] .
Jusqu’en 1986, la Loi sur la
révision des limites des circonscriptions électorales renfermait des
dispositions permettant aux députés de discuter à la Chambre de leurs objections
à tout rapport d’une Commission de délimitation des circonscriptions
électorales. Quatre débats ont eu lieu en vertu de ces dispositions, soit en
1966, 1973, 1976 et 1983 [164] .
À la suite
d’une modification apportée en 1986, ces rapports sont maintenant déposés à la
Chambre et renvoyés automatiquement à un comité parlementaire chargé des
questions électorales [165] .
Les objections
sont adressées au comité qui les examine.
Lancement du débat
Le
déclenchement des débats prescrits par des textes législatifs dépend des
dispositions de chacun. Pour ceux qui autorisent un débat, l’initiative peut
être prise par un ministre qui, dans les limites de temps établies, adresse au
Président un avis de motion visant la ratification d’un décret, d’un règlement,
d’une déclaration, d’une proclamation, d’une instruction ou de tout autre
instrument de décrets-lois pris conformément à la loi [166] .
Il
faut habituellement, pour engager un débat en vue de révoquer de tels
instruments, adresser au Président un avis de motion signé par un nombre minimal
de députés ou de sénateurs [167] .
Lorsqu’un
texte législatif exige la tenue d’un débat sur l’utilisation d’un instrument de
délégation du pouvoir législatif, les dispositions applicables stipulent
habituellement qu’une motion de ratification signée par un ministre doit être
déposée devant le Parlement dans un délai donné [168] .
Une
fois qu’a été donné l’avis conformément au Règlement de la Chambre et qu’il est
paru au Feuilleton sous la rubrique « Ordre
statutaire [169] »,
le débat doit
se tenir dans le délai fixé par le texte législatif en cause. En 1974, par
exemple, le débat sur la Loi sur les terres destinées
aux anciens combattants devait avoir lieu dans un délai de 15 jours et la
Chambre a adopté une motion fixant les dates du débat [170] .
En 1977, le
débat exigé par la Loi anti-inflation devait se
dérouler dans un délai de 15 jours après le dépôt de l’avis [171] ,
tandis qu’en
1980 le débat requis par la Loi sur l’administration du pétrole devait se tenir dans un délai
de 4 jours de séance [172] .
Il semble que
dans les deux cas les dates du débat ont été fixées après consultation de tous
les partis. En 1985, le Président a fixé la date du débat en application du
paragraphe 62(6) de la Loi sur le transport du grain de
l’Ouest qui stipule que le débat doit se tenir
dans les 60 jours du dépôt de l’avis [173] .
En septembre
1992, le débat sur le texte de la question référendaire s’est déroulé, en
application de la Loi référendaire, 24 heures après
le dépôt de l’avis de motion [174] .
En décembre
1992, après l’inscription au Feuilleton d’une motion
en vue d’un débat conformément à la Loi sur les mesures
économiques spéciales, la présidence a été appelée à rendre une décision sur
sa recevabilité. L’ayant jugée recevable, le Président a décidé que, aux termes
de la Loi, la Chambre devait l’étudier dans les six jours de séance
suivants [175] .
La Chambre a
convenu de tenir le débat plus tard dans la journée [176] .
Règles du débat
Durée du débat
Lorsqu’un texte législatif exige un débat, il en fixe
habituellement la durée, qu’il s’agisse d’un ou plusieurs jours de séance ou de
seulement quelques heures. La Chambre a, à quelques reprises, adopté des motions
en vue d’ajouter des précisions [177].
Le paragraphe
1(3) de la Loi sur les terres destinées aux anciens
combattants stipulait, par exemple, que le débat devait s’étaler sur deux
jours sans interruption conformément au Règlement de la Chambre; la Chambre a
cependant adopté une motion fixant les jours du débat et suspendant les affaires
émanant des députés le premier jour [178] .
Les débats
tenus aux termes de la Loi anti-inflation et de la
Loi sur l’administration du
pétrole ont duré quatre et trois jours respectivement conformément à leurs
dispositions respectives [179] .
Comme le
paragraphe 62(6) de la Loi sur le transport des grains
de l’Ouest stipule que le rapport doit faire
l’objet d’un débat sans interruption pendant « une période qui ne dépasse pas la
durée des heures normales de travail de la Chambre ce jour-là », la Chambre a
adopté une motion en ce sens [180] .
La motion
précisait en outre que l’ordre serait le premier point à l’ordre du jour. Le
débat tenu en vertu de la Loi référendaire en
septembre 1992 a nécessité deux jours de séance. La Loi stipule que la motion doit être mise aux voix avant
la fin du troisième jour de séance consacré à ce débat [181] .
La Chambre a
adopté, par consentement unanime, une motion visant à disposer de la motion
après deux jours de débat [182] .
La longueur du
débat prescrit de 1992 fut établie selon le paragraphe 7(4) de la Loi sur les mesures économiques spéciales qui limite le
débat à une durée maximale de trois heures, à moins que la Chambre ne le
prolonge avec le consentement unanime des députés. En l’occurrence, la Chambre a
adopté un ordre spécial mettant un terme au débat après seulement deux
heures [183] .
La Loi sur les mesures d’urgence présente, au sujet de la durée du débat qu’elle prescrit, une exception
notable. Elle n’impose de durée limite ni au débat sur une motion de
ratification ou de prorogation d’une déclaration de situation de crise, ni au
débat sur une motion d’abrogation ou de modification d’un règlement ou d’un
décret. La loi stipule simplement que le débat doit se poursuivre sans
interruption jusqu’à ce que la Chambre soit prête à se prononcer [184] .
Durée des interventions
Sauf
indication contraire dans le texte législatif applicable, la durée des discours
pendant un débat prescrit est déterminée par le Règlement de la Chambre [185] .
Deux
exceptions se sont produites : en 1977 et 1985, la Chambre a adopté des motions
limitant la durée des discours [186] .
Interruption du débat
La
plupart des textes législatifs qui exigent un débat à la Chambre stipulent
également que le débat sera ininterrompu. À l’exception de la Loi sur l’administration du
pétrole [187],
les lois aux
termes desquelles la Chambre a tenu des débats prescrits précisaient que le
débat serait ininterrompu. En 1977, le débat sur la motion présentée en vertu de
la Loi anti-inflation, qui s’est étendu sur quatre
jours, a été interrompu à trois reprises pour le débat sur la motion
d’ajournement, après quoi la motion d’ajournement a été réputée retirée et le
débat a repris selon l’ordre de la Chambre adopté le 30 mai 1977 [188] .
En 1985, le
débat tenu aux termes de la Loi sur le transport du
grain de l’Ouest a été interrompu pour permettre
au ministre des Finances de faire une déclaration en vertu d’un ordre de la
Chambre [189] .
Conclusion du débat
Un
débat prescrit prend fin conformément aux dispositions de la loi applicable. En
général, si le débat n’est pas déjà terminé, le Président doit interrompre les
délibérations à la fin d’un jour de séance donné ou d’une heure prescrite et
mettre la motion aux voix [190] .
Si une motion
de ratification est adoptée par la chambre devant laquelle elle a été déposée,
la mesure législative exigera normalement qu’un message soit adressé à l’autre
chambre pour demander son agrément. Une fois que la motion est adoptée par
l’autre chambre, le règlement ou le décret se trouve ratifié, modifié ou
abrogé [191] .
Si une motion
d’abrogation n’est pas adoptée par la chambre devant laquelle elle a été déposée
ou par la chambre à laquelle elle a été adressée pour obtenir son agrément, le
règlement ou le décret entre en vigueur ou demeure inchangé selon le
cas [192] .
En
temps normal, toutes les motions présentées et étudiées pour satisfaire une
exigence législative sont mises aux voix à la fin du débat [193] .
En 1985, les
délibérations ont pris fin à l’heure habituelle d’ajournement, et ni la motion,
ni l’amendement qui y était proposé n’a été mis aux voix [194] .