La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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Débats prescrits par la loi

Le Parlement a jugé bon, dans plusieurs mesures législatives, d’exiger des débats spéciaux. Ces débats constituent une forme de surveillance et d’examen parlementaires de dispositions législatives particulières. Dans certains cas, celles-ci laissent une certaine latitude; dans d’autres, elles sont exécutoires [154] .

Les débats exigés par la loi peuvent se classer en deux grandes catégories, bien que les procédures relatives aux débats soient similaires. La première catégorie requiert l’examen global d’une loi ou l’examen d’un de ses éléments. La seconde, qui est la plus commune, prévoit un débat en vue de ratifier, de révoquer ou de modifier un décret, un règlement, une déclaration, une proclamation, une instruction ou tout autre instrument de décrets-lois qui découle de la loi en question. Les règlements pris en vertu de certaines de ces lois le sont sous réserve d’une résolution affirmative du Parlement, ce qui oblige les deux chambres à les adopter, selon toute vraisemblance après débat, avant qu’ils n’entrent en vigueur [155] . À l’inverse, les règlements qui doivent faire l’objet d’une résolution négative du Parlement restent en vigueur tant qu’ils n’ont pas été révoqués par une résolution des deux chambres, vraisemblablement après débat également [156] .

Depuis les années 1960, il y a eu plusieurs débats de ce genre. En 1971, par exemple, la Chambre a adopté, après délibérations, une motion portant création du ministère d’État chargé des Sciences et de la Technologie en vertu de la Loi de 1970 sur l’organisation du gouvernement [157] . En 1974, la Chambre a discuté d’une motion priant le ministre des Affaires des anciens combattants de proroger la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants dont la date d’expiration était le 31 mars 1975 [158] . Un autre a eu lieu en 1977 pour tenter de devancer la date d’expiration de la Loi anti-inflation [159] . Deux autres se sont produits coup sur coup à la fin de 1980 lorsque des députés ont tenté de faire révoquer deux proclamations déposées par le gouvernement à l’égard de la Loi sur l’administration du pétrole : l’une avait trait au règlement limitant la hausse des prix de diverses qualités et variétés de pétrole, l’autre, au règlement fixant le prix du gaz naturel [160] . Un autre s’est déroulé en 1985 lorsque des députés ont invoqué une disposition de lam Loi sur le transport du grain de l’Ouest pour proposer une motion visant à utiliser une journée réservée au gouvernement pour examiner un rapport provisoire sur la Loi et toute question en suspens intéressant les agriculteurs de l’Ouest [161] . L’adoption par la Chambre, en vertu de la Loi référendaire, d’une motion portant approbation de la question référendaire a donné lieu à un autre débat prescrit en septembre 1992 [162] . Le dernier débat du genre a eu lieu en décembre 1992 lorsque des députés ont voulu modifier le Règlement sur les mesures économiques spéciales visant les navires (Haïti) conformément aux dispositions de la Loi sur les mesures économiques spéciales visant à modifier ou annuler les décrets ou règlements concernant les programmes de sanctions économiques [163] .

Jusqu’en 1986, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales renfermait des dispositions permettant aux députés de discuter à la Chambre de leurs objections à tout rapport d’une Commission de délimitation des circonscriptions électorales. Quatre débats ont eu lieu en vertu de ces dispositions, soit en 1966, 1973, 1976 et 1983 [164] . À la suite d’une modification apportée en 1986, ces rapports sont maintenant déposés à la Chambre et renvoyés automatiquement à un comité parlementaire chargé des questions électorales [165] . Les objections sont adressées au comité qui les examine.

Lancement du débat

Le déclenchement des débats prescrits par des textes législatifs dépend des dispositions de chacun. Pour ceux qui autorisent un débat, l’initiative peut être prise par un ministre qui, dans les limites de temps établies, adresse au Président un avis de motion visant la ratification d’un décret, d’un règlement, d’une déclaration, d’une proclamation, d’une instruction ou de tout autre instrument de décrets-lois pris conformément à la loi [166] .

Il faut habituellement, pour engager un débat en vue de révoquer de tels instruments, adresser au Président un avis de motion signé par un nombre minimal de députés ou de sénateurs [167] . Lorsqu’un texte législatif exige la tenue d’un débat sur l’utilisation d’un instrument de délégation du pouvoir législatif, les dispositions applicables stipulent habituellement qu’une motion de ratification signée par un ministre doit être déposée devant le Parlement dans un délai donné [168] .

Une fois qu’a été donné l’avis conformément au Règlement de la Chambre et qu’il est paru au Feuilleton sous la rubrique « Ordre statutaire [169]  », le débat doit se tenir dans le délai fixé par le texte législatif en cause. En 1974, par exemple, le débat sur la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants devait avoir lieu dans un délai de 15 jours et la Chambre a adopté une motion fixant les dates du débat [170] . En 1977, le débat exigé par la Loi anti-inflation devait se dérouler dans un délai de 15 jours après le dépôt de l’avis [171] , tandis qu’en 1980 le débat requis par la Loi sur l’administration du pétrole devait se tenir dans un délai de 4 jours de séance [172] . Il semble que dans les deux cas les dates du débat ont été fixées après consultation de tous les partis. En 1985, le Président a fixé la date du débat en application du paragraphe 62(6) de la Loi sur le transport du grain de l’Ouest qui stipule que le débat doit se tenir dans les 60 jours du dépôt de l’avis [173] . En septembre 1992, le débat sur le texte de la question référendaire s’est déroulé, en application de la Loi référendaire, 24 heures après le dépôt de l’avis de motion [174] . En décembre 1992, après l’inscription au Feuilleton d’une motion en vue d’un débat conformément à la Loi sur les mesures économiques spéciales, la présidence a été appelée à rendre une décision sur sa recevabilité. L’ayant jugée recevable, le Président a décidé que, aux termes de la Loi, la Chambre devait l’étudier dans les six jours de séance suivants [175] . La Chambre a convenu de tenir le débat plus tard dans la journée [176] .

Règles du débat

Durée du débat

Lorsqu’un texte législatif exige un débat, il en fixe habituellement la durée, qu’il s’agisse d’un ou plusieurs jours de séance ou de seulement quelques heures. La Chambre a, à quelques reprises, adopté des motions en vue d’ajouter des précisions [177]. Le paragraphe 1(3) de la Loi sur les terres destinées aux anciens combattants stipulait, par exemple, que le débat devait s’étaler sur deux jours sans interruption conformément au Règlement de la Chambre; la Chambre a cependant adopté une motion fixant les jours du débat et suspendant les affaires émanant des députés le premier jour [178] . Les débats tenus aux termes de la Loi anti-inflation et de la Loi sur l’administration du pétrole ont duré quatre et trois jours respectivement conformément à leurs dispositions respectives [179] . Comme le paragraphe 62(6) de la Loi sur le transport des grains de l’Ouest stipule que le rapport doit faire l’objet d’un débat sans interruption pendant « une période qui ne dépasse pas la durée des heures normales de travail de la Chambre ce jour-là », la Chambre a adopté une motion en ce sens [180] . La motion précisait en outre que l’ordre serait le premier point à l’ordre du jour. Le débat tenu en vertu de la Loi référendaire en septembre 1992 a nécessité deux jours de séance. La Loi stipule que la motion doit être mise aux voix avant la fin du troisième jour de séance consacré à ce débat [181] . La Chambre a adopté, par consentement unanime, une motion visant à disposer de la motion après deux jours de débat [182] . La longueur du débat prescrit de 1992 fut établie selon le paragraphe 7(4) de la Loi sur les mesures économiques spéciales qui limite le débat à une durée maximale de trois heures, à moins que la Chambre ne le prolonge avec le consentement unanime des députés. En l’occurrence, la Chambre a adopté un ordre spécial mettant un terme au débat après seulement deux heures [183] .

La Loi sur les mesures d’urgence présente, au sujet de la durée du débat qu’elle prescrit, une exception notable. Elle n’impose de durée limite ni au débat sur une motion de ratification ou de prorogation d’une déclaration de situation de crise, ni au débat sur une motion d’abrogation ou de modification d’un règlement ou d’un décret. La loi stipule simplement que le débat doit se poursuivre sans interruption jusqu’à ce que la Chambre soit prête à se prononcer [184] .

Durée des interventions

Sauf indication contraire dans le texte législatif applicable, la durée des discours pendant un débat prescrit est déterminée par le Règlement de la Chambre [185] . Deux exceptions se sont produites : en 1977 et 1985, la Chambre a adopté des motions limitant la durée des discours [186] .

Interruption du débat

La plupart des textes législatifs qui exigent un débat à la Chambre stipulent également que le débat sera ininterrompu. À l’exception de la Loi sur l’administration du pétrole [187], les lois aux termes desquelles la Chambre a tenu des débats prescrits précisaient que le débat serait ininterrompu. En 1977, le débat sur la motion présentée en vertu de la Loi anti-inflation, qui s’est étendu sur quatre jours, a été interrompu à trois reprises pour le débat sur la motion d’ajournement, après quoi la motion d’ajournement a été réputée retirée et le débat a repris selon l’ordre de la Chambre adopté le 30 mai 1977 [188] . En 1985, le débat tenu aux termes de la Loi sur le transport du grain de l’Ouest a été interrompu pour permettre au ministre des Finances de faire une déclaration en vertu d’un ordre de la Chambre [189] .

Conclusion du débat

Un débat prescrit prend fin conformément aux dispositions de la loi applicable. En général, si le débat n’est pas déjà terminé, le Président doit interrompre les délibérations à la fin d’un jour de séance donné ou d’une heure prescrite et mettre la motion aux voix [190] . Si une motion de ratification est adoptée par la chambre devant laquelle elle a été déposée, la mesure législative exigera normalement qu’un message soit adressé à l’autre chambre pour demander son agrément. Une fois que la motion est adoptée par l’autre chambre, le règlement ou le décret se trouve ratifié, modifié ou abrogé [191] . Si une motion d’abrogation n’est pas adoptée par la chambre devant laquelle elle a été déposée ou par la chambre à laquelle elle a été adressée pour obtenir son agrément, le règlement ou le décret entre en vigueur ou demeure inchangé selon le cas [192] .

En temps normal, toutes les motions présentées et étudiées pour satisfaire une exigence législative sont mises aux voix à la fin du débat [193] . En 1985, les délibérations ont pris fin à l’heure habituelle d’ajournement, et ni la motion, ni l’amendement qui y était proposé n’a été mis aux voix [194] .


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