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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 28 mai 1998

• 1118

[Traduction]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): La séance du Comité permanent du patrimoine canadien est ouverte. Notre ordre du jour est, conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre en date du vendredi 3 avril 1998, une étude du projet de loi C-38, Loi modifiant la Loi sur les parcs nationaux.

Je tiens à présenter à nos témoins nos excuses pour ce retard. Il est dû au fait que plusieurs comités siègent en même temps et que les députés doivent se rendre un peu partout dans les différents édifices.

Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui Mme Nellie Cournoyea, présidente-directrice générale de l'Inuvialuit Regional Corporation, M. Ruben Green, président de la Paulatuk Community Corporation, et M. Richard Binder, analyste des ressources.

Madame Cournoyea, je vous remercie d'être venue et je vous donne la parole.

Mme Nellie Cournoyea (présidente, Inuvialuit Regional Corporation): Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également tous ceux qui ont pu venir aujourd'hui. Je me rends compte que vous avez un horaire chargé, en tant que politiciens, mais je vous sais vraiment gré d'être venus écouter notre exposé. Je vous remercie de nous donner cette possibilité de parler devant le comité.

Monsieur le président, le projet de loi C-38 qui se trouve devant vous représente une question d'une grande importance pour les Inuvialuit et la population de la région du delta de Beaufort. Ce projet de loi met de côté à perpétuité 16 340 kilomètres carrés de territoire dans la région des Inuvialuit. Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, il s'agit d'une vaste région, plus de trois fois plus grande que l'Île-du-Prince-Édouard.

• 1120

Notre délégation représente aujourd'hui les principales institutions établies en vertu de la Convention définitive des Inuvialuit, la CDI. Nous avons conclu notre entente de revendications territoriales avec le Canada en 1984. Je m'appelle Nellie Cournoyea et je suis présidente de l'Inuvialuit Regional Corporation, un organisme représentatif dont les membres sont élus par les bénéficiaires et qui est chargé d'administrer les affaires des Inuvialuit dans leurs meilleurs intérêts à long terme.

Monsieur le président, je crois qu'il serait bon que je vous explique un peu qui nous sommes. Ma mère est Inuvialuk et vient de l'île Herschel, dans le territoire du Yukon. Mon père est d'origine norvégienne et a immigré au Canada en 1927, se rendant directement dans l'Arctique pour y devenir trappeur. Nous avons vécu dans les territoires de trappage jusqu'à ce que j'aie 16 ans et nous allions en ville seulement une fois par année, à peu près.

Richard Binder fait partie de l'Inuvialuit Game Council, qui représente les intérêts collectifs des Inuvialuit en ce qui concerne la faune et l'environnement. Cet organisme est chargé de conseiller le gouvernement sur les questions liées à l'environnement et à la faune, et aux termes de la Convention définitive des Inuvialuit, il a certains pouvoirs en matière de gestion de la faune. M. Binder est d'ascendance inuvialuit, mais ses ancêtres du côté maternel étaient d'origine lapone et sont venus avec les caribous, et ce sont eux qui s'en sont occupés pendant qu'ils étaient à Reindeer Station pendant de nombreuses années.

Ruben Green est résident de Paulatuk et préside la Paulatuk Community Corporation. Cette organisation représente les résidents inuvialuit du village de Paulatuk et a le pouvoir de gérer ses propres affaires. Les parents de Ruben Green sont Inuvialuk et certains de ses ancêtres sont venus également d'Alaska.

Nous vivons dans la région désignée du règlement de la revendication foncière des Inuvialuit. Nos familles y vivent également. Nous avons l'intention d'y mourir. Nous passons la plus grande partie de notre temps dans la région. Nous passons nos vacances dans la région, et toutes nos activités se passent sur ce territoire.

Nous sommes venus vous parler ici aujourd'hui parce que le projet de loi C-38, dans son libellé actuel, compromet les intérêts des Inuvialuit et ne tient pas compte des préoccupations sur lesquelles nous avons inutilement et sans succès essayé d'attirer l'attention du gouvernement. Nous ne sommes pas ici pour nous opposer à l'ensemble de la mesure ou à l'établissement du parc. Selon nous, à la lumière des nouveaux renseignements reçus ces derniers mois, la limite ouest du parc proposé ne convient pas et devrait être modifiée afin de mieux servir les objectifs de la CDI, la santé à long terme de la région et les intérêts des Canadiens en général.

Bien que le projet de loi C-38 semble être simple et clair, ce n'est pas le cas. Bien que ce ne soit même pas mentionné dans le projet de loi, la création du parc se fonde sur l'Accord du parc de Tuktut Nogait, conclu par les Inuvialuit, le Canada et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest le 28 juin 1996. Il y avait six signataires de l'accord, dont quatre étaient des organisations inuvialuit.

Je suppose que vous avez déjà eu la possibilité d'examiner l'accord du parc, et c'est pourquoi j'attirerai votre attention seulement sur trois points. Tout d'abord, la cogestion. L'accord stipule que le parc de Tuktut Nogait sera un parc en cogestion, un des premiers au Canada. Le principe de cogestion nécessite l'engagement des Autochtones d'une manière complète et significative dans les décisions et l'administration des parcs établis sur des terres traditionnelles. Pourtant, le projet de loi C-38 ne fait mention ni de l'accord du parc ni du principe de cogestion.

La clause d'examen de l'article 22.1 permet à toute partie à l'accord de demander un examen de l'une ou l'autre ou de toutes ses modalités. Les fonctionnaires fédéraux ont dit explicitement aux Inuvialuit que cet article permettrait l'examen des limites du parc, et, en signant l'accord du parc, nous avions compris que cette clause était aussi valide et applicable que toutes les autres modalités du document.

• 1125

Pour ce qui est de l'objet économique, un des sept objets de l'accord est d'ordre économique, visant à soutenir l'emploi et les entreprises locales ainsi qu'à renforcer les économies locales et régionales. En outre, l'article 1.9 indique très clairement que l'accord du parc ne doit pas abroger ni diminuer les droits ou les avantages des Inuvialuit en vertu de la Convention définitive des Inuvialuit. La CDI, dont le statut est constitutionnel, comprend des exigences explicites obligeant le gouvernement fédéral à aider les Inuvialuit dans la poursuite de leur autodétermination économique.

Voulez-vous poursuivre, Ruben?

M. Ruben Green (président, Paulatuk Community Corporation): Merci, monsieur le président.

Les Inuvialuit ont un lien très fort avec leur territoire et la faune. Les gens de ma communauté de Paulatuk, sur la côte de l'Arctique, passent de longues périodes chaque année sur le territoire. En fait, Nellie et moi, nous revenons tout juste de la saison des oies, qui est un des événements les plus importants de l'année. Même au moment où nos gens acceptent un emploi comme salariés, la terre continue d'être pour bon nombre la principale source de subsistance, et pour d'autres un supplément important.

Les Inuvialuit sont engagés dans un difficile effort d'équilibre. Nous voulons participer de façon authentique à l'économie de notre région et de notre territoire tout en soutenant notre force personnelle et communautaire par notre vie sur la terre et en préservant la santé de celle-ci pour l'avenir. Pour nous, les décisions sur la terre doivent être prises prudemment, attentivement, en se fondant sur toutes les connaissances de toutes les ressources du territoire et en tenant pleinement compte des intérêts de tous—la terre, les eaux, la faune et la population. Il est vital que nous prenions les bonnes décisions.

Selon nous, la priorité de prendre la bonne décision est supérieure à l'urgence d'adopter le projet de loi C-38 pour en faire une loi. Il a été surprenant de voir l'urgence soudaine du projet de loi après deux années d'inactivité—une simple demande de modifications semble avoir eu un immense effet revigorant. On se demande pourquoi on n'a pas mis autant d'enthousiasme à propos de la loi portant création du parc national d'Aulavik, à l'île Banks, alors que cela avait été convenu entre le gouvernement canadien et les Inuvialuit bien avant l'accord de Tuktut Nogait. Après tout, les terres du parc Tuktut Nogait ont été soustraites des terres assujetties à la Loi sur les terres territoriales pendant cinq ans.

Notre demande se fonde sur les nouveaux renseignements sur les ressources minérales obtenus à partir d'un levé aéromagnétique de la région effectué en octobre 1997. Ces nouvelles données sur les ressources minérales accroissent considérablement l'évaluation du potentiel économique de la région à la limite ouest du parc proposé. Il s'agit du premier levé aéromagnétique de la région depuis 1973, et il a été entrepris avec une technologie géophysique beaucoup plus avancée que celle utilisée il y a 25 ans pour le dernier levé.

Le levé de 1997 offre une meilleure détection et une meilleure résolution que celle dont disposait l'évaluation antérieure du gouvernement des ressources minérales de la région en 1994. À ce moment-là, bien que les rapports gouvernementaux indiquaient un certain caractère magnétique chevauchant la limite ouest, ils supposaient que la source de ce magnétisme se trouvait à une grande profondeur et à l'extérieur du parc proposé. L'autre nouveau résultat important du levé de 1997 est que les cibles minérales semblent être raisonnablement peu profondes, certaines étant estimées à une profondeur de 350 mètres de la surface. Ces profondeurs sont de beaucoup inférieures à celles estimées par le gouvernement en 1994.

• 1130

À mesure que les résultats de l'analyse du levé ont été connus au cours de l'hiver, les gens de Paulatuk—qui sont les plus près du parc et de l'activité minérale—ont accordé à la question une attention minutieuse. Au cours de l'hiver, nous avons tenu de longues discussions entre nous à la Paulatuk Community Corporation, avec le Comité des chasseurs et des trappeurs de Paulatuk, pour qui la faune et la conservation revêtent une grande importance, et avec la municipalité et toute la population.

Bien que les gens veuillent toujours que le parc voie le jour, nous commençons à nous demander s'il serait possible d'apporter un petit changement à la limite ouest proposée qui permettrait une activité minérale prudente et responsable tout en conservant les objectifs du parc proposé. Enfin, en février, après un examen attentif des nouvelles cartes géophysiques, notre Comité des chasseurs et des trappeurs a tracé une autre limite qui retirerait le lieu d'exploration du parc proposé tout en enlevant un minimum de terre. La nouvelle limite a été tracée pour qu'elle soit aussi loin que possible des éléments importants du parc.

Les discussions dans la communauté et dans la région n'ont été ni faciles ni rapides. Nos gens prennent ces questions très au sérieux, et nous voulons tous nous assurer que chaque opinion est respectée et que chacun a la possibilité d'être entendu. Les gens de Paulatuk en sont finalement arrivés au point de vue que la décision sur le parc devrait être modifiée de sorte que les possibilités d'exploitation des minéraux ne soient pas perdues à jamais, seulement parce que nous n'avions pas l'information nécessaire à l'époque des négociations sur le parc.

Bien qu'il soit possible que les minéraux se trouvent à l'extérieur du parc proposé, il est également possible que le seul gisement économique puisse se trouver à l'intérieur du parc. C'est ainsi que fonctionne la géologie. Paulatuk, tout comme les autres communautés de la région, ne peut pas se permettre d'ignorer cette possibilité. Les gens de Paulatuk dépendent presque entièrement de l'aide sociale, complétée légèrement par la chasse sportive. Bien que des emplois soient nécessaires pour le parc, nous avons également besoin d'emplois dans le secteur de l'exploration minérale. Les populations des communautés de notre région sont très jeunes, comptant de nombreux enfants qui auront besoin de possibilités et de perspectives d'emploi valables à envisager pour les motiver à poursuivre leurs études.

Les emplois qui ont été promis par le conseil de gestion du parc sont les bienvenus, mais comme d'autres Inuvialuit l'ont découvert à partir de l'expérience du parc Aulavik, il y a trop peu d'emplois et de possibilités de guider pour que cela fasse une réelle différence pour la communauté. Nous savons que nous pouvons recourir au pouvoir de notre entente de revendication territoriale pour établir de bonnes relations de travail avec les entreprises d'extraction des minéraux pour nous assurer d'obtenir des emplois et des avantages réels de toute activité qui traverse le processus d'approbation environnementale.

Les gens de Paulatuk ont confirmé leur consentement à revoir l'accord du parc par des résolutions adoptées en bonne et due forme en février par la Paulatuk Community Corporation, par le Comité des chasseurs et des trappeurs de Paulatuk et par le Conseil de Paulatuk. En même temps, l'IRC et l'IGC discutent de la question et adoptent également des résolutions.

Merci, monsieur le président.

M. Richard Binder (analyste des ressources, Inuvialuit Game Council): Merci, monsieur Green.

Je m'appelle Richard Binder. Comme on l'a dit, je travaille pour l'Inuvialuit Game Council. Je suis aussi moi-même Inuvialuit.

Duane Smith, président du conseil, n'a pu venir et m'a demandé de le remplacer. J'en suis très heureux.

Nous avons été troublés de lire que certains députés pensent que notre initiative dénote un manque de respect pour l'environnement. Les Inuvialuit ont un sens profond de la gestion du territoire et de ses ressources. C'est notre préoccupation concernant les dommages à l'environnement causés par les projets de la mer de Beaufort et la conviction que la population locale doit s'engager dans la protection de l'environnement qui nous ont amenés à travailler si fort en vue d'une entente de revendication territoriale en 1984.

• 1135

La Convention définitive des Inuvialuit accorde la plus grande priorité à la conservation de la faune et à la protection de l'environnement. Cette priorité se traduit par des régimes stricts de réglementation et de cogestion de l'environnement qui ont été louangés par des organisations environnementales internationales comme étant les meilleurs du monde.

La priorité que nous accordons à la conservation est également démontrée par le fait que les Inuvialuit ont mis de côté 29 p. 100 de leur territoire pour des parcs et des zones protégées, une proportion sans égale dans tout autre secteur de compétence au Canada. Ces 12 engagements majeurs sont indiqués sur la carte figurant en annexe et comprennent trois parcs nationaux, Tuktut Nogait en étant un, un parc territorial et trois sanctuaires d'oiseaux.

En présentant cette demande de modification de l'accord du parc, les Inuvialuit ne s'éloignent pas de leur engagement envers la conservation. La question a été discutée à fond par les organisations inuvialuit, y compris les nôtres. La conséquence d'un changement de limite pour la conservation était notre principale préoccupation, mais il y a de bonnes raisons de croire que cette région peut être et sera aussi bien protégée que toute autre région des Inuvialuit, sans l'avantage d'un statut de parc.

Les Inuvialuit ont confiance en leurs institutions et en leur capacité de réglementer selon les normes les plus élevées pour les raisons suivantes. D'abord, la région fera l'objet d'une réglementation environnementale complète en vertu de la CDI. Nos institutions soumettent toutes les activités à un examen approfondi, et des conditions strictes sont attachées régulièrement aux permis afin de nous assurer que seules les activités pleinement compatibles avec la santé écologique et l'intégrité à long terme du territoire peuvent se dérouler.

L'aperçu précis du secteur à enlever a été tracé après une longue discussion du Comité des chasseurs et des trappeurs de Paulatuk et avec sa participation directe. Nos chasseurs inuvialuit connaissent bien le territoire et ses ressources, et leur bien-être dépend directement de la santé de la faune à long terme.

Ce projet en est encore aux premières étapes de l'exploration minérale, qui sont moins envahissantes que les étapes du développement. Diverses conditions peuvent s'appliquer pour atténuer l'impact de l'exploration. On a déjà demandé aux responsables du projet d'entreprendre la surveillance du caribou, d'ordonnancer soigneusement les activités et d'enlever les marqueurs de lignes afin de minimiser l'impact de l'exploration. Ces exigences sont déjà plus fortes que dans tout autre secteur de compétence.

Étant donné le rythme normal de l'exploration minérale, il est peu probable qu'une proposition d'aménagement soit prête avant les cinq à sept prochaines années. Cela nous donne le temps d'entreprendre des recherches sur les ressources écologiques du secteur de sorte que les décisions quant à l'aménagement pourront être prises, et, s'il y a aménagement, les décisions seront pleinement éclairées quant aux conditions.

Le principal problème de conservation concerne la protection du troupeau de caribou du Bluenose. La protection du troupeau et de son habitat avant et après la reproduction est un but énoncé de l'accord du parc et elle est d'une importance vitale pour les Inuvialuit qui, beaucoup plus que tous les autres Autochtones, comptent sur la chasse au caribou du Bluenose. Nous avons toutefois confiance que nos procédures et nos systèmes réglementaires sont assez forts pour assurer la santé et l'intégrité à long terme du troupeau.

Le rôle important que les chasseurs inuvialuit exercent par l'intermédiaire du Inuvialuit Game Council et du Comité des chasseurs et des trappeurs garantira qu'on pourra régler pleinement les problèmes du caribou. Les procédures d'examen préalable et d'évaluation garantissent également que les points de vue des chasseurs des autres régions seront pris en compte dans les décisions.

Les Inuvialuit connaissent bien le caribou. Nous savons que, bien que le troupeau revienne chaque printemps sur la côte de l'Arctique pour se reproduire, l'aire réelle de reproduction choisie peut changer d'année en année, parfois à cause d'une différence de température, du déglacement, des conditions du sol ou des prédateurs.

• 1140

Les aires utilisées par le caribou pour se reproduire sont occupées pendant de brèves périodes chaque année, habituellement de mai à juin. Ces changements d'emplacements et du moment de la saison de reproduction ne sont pas prévisibles d'une année à l'autre. Il existe des aires qui semblent particulièrement privilégiées pour la reproduction; dans le parc, cette aire est généralement au nord et à l'est de la rivière Hornaday. Mais il y a aussi des aires de reproduction très utilisées à l'extérieur du parc proposé, dans le secteur du lac Bluenose et de la péninsule de Bathurst, et d'autres secteurs ne sont pas très utilisés à l'intérieur du parc.

Naturellement, il y a encore beaucoup à apprendre au sujet du troupeau du Bluenose. La semaine dernière, les scientifiques ont reçu des résultats de l'analyse de l'ADN confirmant que le troupeau qu'on appelle le Bluenose consiste en réalité en deux troupeaux distincts. Ce n'est pas du tout étonnant pour les résidents locaux, qui observent depuis de nombreuses années qu'il y a des différences entre les robes des deux groupes d'animaux.

Nous ne comprenons pas avec certitude la sensibilité du Bluenose ou de tout autre troupeau aux interférences. En même temps, il n'existe aucune preuve justifiant une interdiction de l'activité minérale. Le caribou est un animal résistant, endurant année après année les conditions les plus extrêmes sur terre. En appliquant avec soin les nouvelles techniques de gestion des activités, en intégrant pleinement le savoir traditionnel des résidents locaux et en apprenant les données de la recherche scientifique à l'intérieur et à l'extérieur du nouveau parc, nous avons la possibilité d'en apprendre davantage sur le caribou.

Nous n'avons pas peur de ce que nous pouvons apprendre et nous n'éviterons pas les décisions difficiles que ces nouvelles connaissances peuvent présenter. L'aménagement ne sera autorisé que si le projet peut être entrepris sans endommager la santé et l'intégrité à long terme de la faune et des ressources naturelles du secteur.

En conclusion, permettez-moi de souligner que les Inuvialuit ont démontré leur engagement depuis longtemps envers la protection du caribou. Les Inuvialuit ont réservé plus de zones protégées pour le caribou que tout autre secteur de compétence: le parc national Ivvavik pour la harde de caribous de la Porcupine, le parc national Aulavik pour la harde de caribous de Peary, et maintenant le parc national Tuktut Nogait pour le Bluenose.

Aucun autre groupe de Canadiens n'a autant fait pour protéger le caribou que les Inuvialuit, à un prix considérable, compte tenu des possibilités économiques perdues. Cette initiative demande un modeste changement à la limite ouest du parc proposé qui aura un effet minime sur le degré global de protection du caribou ou sur la représentation de l'écorégion des Tundra Hills. La modification toucherait environ 2,5 p. 100, ou 412 kilomètres carrés, du parc proposé.

Étant donné l'immense engagement que les Inuvialuit ont déjà pris pour la protection du caribou, dire que cette initiative met le caribou Bluenose en danger prouve qu'on est mal informé, et ce sont des propos offensants.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Merci beaucoup de votre exposé. Nous passons maintenant aux questions.

Mme Nellie Cournoyea: Un instant; nous n'avons pas terminé.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Pardon, j'avais mal compris.

Mme Nellie Cournoyea: Mon collègue a terminé, mais je voudrais pour ma part...

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Toutes mes excuses. Ce n'est pas moi qui préside d'habitude.

Mme Nellie Cournoyea: La demande des Inuvialuit au secrétaire d'État (Parcs) a été soumise le 19 février, et a été suivie d'une correspondance et de représentations des Inuvialuit à Yellowknife et à Ottawa; la dépense a été considérable pour notre organisation.

Malgré l'appui de cinq signataires sur six, malgré la pertinence de la question par rapport à plusieurs déclarations d'intérêt public, le secrétaire d'État aux Parcs a rejeté sans avertissement la demande le 25 mars 1998. Le gouvernement s'est aussitôt empressé d'accélérer l'étude du projet de loi au Parlement afin d'empêcher tout autre examen de notre demande.

La question était si insignifiante pour Ottawa que la SRC Nord a diffusé l'information sur la décision du gouvernement avant que les gens de Paulatuk ou moi-même n'en ayons été informés. Notre demande avait si peu d'importance qu'elle n'a même pas mérité une mention de la part de M. Mitchell dans sa déclaration au Parlement.

L'impression sans équivoque donnée par cette déclaration est que tout est dans l'ordre, sans contestation, ne nécessitant qu'un coup d'oeil rapide du Parlement et de ce comité. Mais je tiens à vous assurer, madame la présidente, que ce n'est pas le cas. Il s'agit d'une question extrêmement importante pour les Inuvialuit. Notre position vous a été mal présentée. Ce gouvernement a rendu un mauvais service aux Inuvialuit en rejetant notre demande conforme à un article légitime d'un accord de cogestion du parc.

• 1145

Lors du débat en deuxième lecture, certains intervenants ont laissé entendre que l'établissement du parc était sacro-saint, que ce projet et des projets de loi semblables vont au-delà de l'examen public, et que les recommandations de Parcs Canada sont sans reproche. Nous sommes ici aujourd'hui pour inviter instamment le comité et le Parlement à rejeter ce point de vue, à refuser de jouer un rôle bureaucratique et à examiner plutôt à fond les fondements de la législation sur les parcs.

Ces décisions réservent des terres à jamais. Il deviendra impossible de les modifier même si de nouveaux renseignements importants sur les ressources naturelles se font jour. Les décisions sur les terres doivent être judicieuses, basées sur l'information la plus complète possible, elles doivent tenir compte de la nécessité d'une certaine souplesse, et elles doivent prendre en considération les intérêts de tous—le territoire, la faune, les ressources naturelles et la population de la région. Si des données nouvelles deviennent disponibles, il est préférable de prendre le temps d'assimiler cette information plutôt que de s'en tenir à un arrangement imparfait.

Il ne s'agit pas d'une vaste zone de nature sauvage vide: il s'agit de notre territoire. Les Inuvialuit ont parcouru la zone désignée pour le parc Tuktut Nogait, ils y vivent, parfois prospères, parfois dans la difficulté, et parfois crevant de faim dans les terres dures et stériles de la zone de Tuktut Nogait. Notre enjeu dans ce territoire est reconnu et protégé par la Loi constitutionnelle de ce pays, et nous sommes déterminés à ce que cet enjeu ne soit pas compromis.

Pour plus de clarté, j'aimerais résumer les principaux éléments. Les signataires inuvialuit de l'accord de cogestion du parc voudraient que la limite ouest du parc soit modifiée pour en supprimer une portion modeste d'environ 100 000 acres, c'est-à-dire 2,5 p. 100 du parc. Cette demande est formulée en vertu de l'article 22.1 de l'entente de 1996 sur le parc Tuktut Nogait que les Inuvialuit ont signée et qui autorise l'une des parties à l'accord à demander un réexamen.

À l'époque des négociations, le Canada avait donné à comprendre aux Inuvialuit qu'ils pourraient invoquer cette disposition pour modifier la limite si de nouvelles informations surgissaient sur les ressources minérales. Cette demande se fonde sur de nouvelles informations au sujet des ressources minérales qui ont surgi depuis octobre 1997. En effet, un nouveau relevé aéromagnétique a révélé plusieurs secteurs de prospection prometteurs, dont un qui se trouve juste à l'intérieur de la limite du parc.

À l'époque des négociations, les rapports du gouvernement sous-entendaient que les ressources minérales, si elles existaient, se trouvaient en profondeur et à l'extérieur des limites du parc. Les nouvelles informations que nous possédons indiquent qu'il y aurait des ressources beaucoup plus près de la surface, et par conséquent beaucoup plus économiquement exploitables. Si ces informations avaient été disponibles à l'époque des négociations la position des signataires inuvialuit au sujet de la limite ouest du parc aurait été différente.

Cette requête est présentée à l'initiative de la communauté et de la région, et elle est le fruit de longues et sérieuses discussions à Paulatuk et dans toute la région occupée par les Inuvialuit. Les terres en cause sont des terres de la Couronne à l'intérieur du territoire inuvialuit et relèvent de la Convention définitive des Inuvialuit, un règlement foncier protégé par la Constitution.

Les signataires inuvialuit pensent qu'on peut enlever ce territoire du parc sans porter atteinte à la fonction de conservation de celui-ci. Nous faisons confiance au processus réglementaire et aux institutions de cogestion dans le cadre de la CDI, qui protégeront l'environnement en cas d'exploitation des minéraux.

Le territoire que nous demandons se trouve du côté ouest du parc, et la limite a été tracée par les gens qui connaissent le mieux cette région et sa faune, c'est-à-dire des membres du Comité des chasseurs et des trappeurs de Paulatuk. Cette limite a été tracée pour contourner certaines zones particulièrement importantes pour l'environnement, par exemple les chutes de La Roncière, les aires de reproduction des oiseaux de proie le long de la rivière Hornaday et les aires de reproduction les plus fréquemment utilisées par les caribous Bluenose.

• 1150

La zone demandée se trouve du côté ouest du parc et faisait jadis partie des 472 461 acres de permis de prospection détenus par une entreprise d'exploitation minérale. L'entreprise a cédé ces permis, sans indemnisation, à la demande des signataires inuvialuit, étant entendu que si de nouvelles ressources minérales étaient découvertes, la limite pourrait être revue en vertu de l'article 22.1. En fait, le gouvernement a obtenu ces intérêts sans frais en présentant de fausses garanties.

L'attitude du gouvernement dans cette affaire porte atteinte à plusieurs principes de longue date en ce qui concerne les décisions relatives aux zones protégées. Il y a six points en particulier qui méritent l'attention du gouvernement.

La décision de rejeter notre requête porte atteinte à un principe de cogestion dans le parc de Tuktut Nogait. Il y a certainement quelque chose qui ne va pas si l'on considère que cinq des six signataires d'un accord de cogestion ne réussissent pas à obtenir un réexamen qui est prévu par une clause dûment négociée de l'accord. Le projet de loi C-38 ne mentionne même pas l'accord sur le parc, pas plus que l'existence de la cogestion.

La signification de la cogestion et le rôle de la cogestion dans les parcs doivent être remis en question dans l'intérêt public et dans l'intérêt des Autochtones, et pas seulement de ceux d'entre nous qui adhéreront à de telles ententes. C'est une violation de la Convention définitive des Inuvialuit, et cela empêche ces derniers de prendre des décisions concernant leurs propres terres ancestrales comme ils devraient pouvoir le faire.

Le nouveau parc retranchera de nos terres ancestrales un énorme territoire de 16 340 kilomètres carrés. Ce sont des terres pour lesquelles nous avons lutté pendant de longues années dans le cadre des négociations territoriales. L'alinéa 1b) de la Convention définitive des Inuvialuit, une convention signée par le Canada et qui a un statut constitutionnel, se fixe un objectif central, celui d'impliquer pleinement les Inuvialuit dans l'économie de cette région.

En principe, le gouvernement a réitéré cet objectif dans le Livre blanc intitulé Rassembler nos forces, qui consacre ce partenariat avec les peuples autochtones. Dans Rassembler nos forces le gouvernement s'engage également à soutenir les initiatives de la communauté, l'autonomie économique et des partenariats solides entre les Autochtones et les compagnies d'exploitation minière.

Il nous semble que notre initiative est tout à fait dans la ligne des engagements du gouvernement au sujet de l'autonomie économique des Autochtones et de la pleine participation des Autochtones à la vie économique de ce pays.

La position du gouvernement ignore d'importantes nouvelles informations sur les ressources minérales. En effet, les connaissances dans ce domaine peuvent changer avec le temps. Les géologues peuvent parcourir le même territoire à plusieurs reprises et à plusieurs années d'écart avant de trouver quelque chose. Il y a 10 ans, la zone géologique du lac des Esclaves était considérée comme étant stérile par les meilleurs géologues du pays. Depuis lors, on a assisté à la plus importante ruée vers les minéraux de ce siècle, et une nouvelle industrie minière verra d'ici peu le jour lorsque la première mine de diamant du pays entrera en exploitation cet automne.

Cette question en soulève une autre au sujet des parcs. Le Nord du Canada demeure beaucoup moins bien exploré que les autres parties du pays, et il peut s'écouler des dizaines d'années avant que les connaissances sur son potentiel minéral soient aussi avancées que dans le sud du Canada. D'autre part, le caribou et d'autres animaux migrateurs changent souvent leurs habitudes d'alimentation et de reproduction d'une année sur l'autre et parcourent de très longues distances. Ces deux circonstances montrent à quel point les conditions peuvent changer dans les parcs nationaux. Par conséquent, ces parcs ne sont pas un bon moyen pour protéger la faune et la flore dans le Nord du Canada.

Ni les limites est ni les limites sud du parc, telles que prévues par le projet de loi C-38, n'ont été établies avec les habitants des régions adjacentes. Contrairement à ce que certains ont dit, Tuktut Nogait n'est pas un parc établi. On est loin d'avoir décidé définitivement les limites de ce parc. Pendant les négociations sur le parc, le gouvernement a dit aux Inuvialuit que de larges zones viendraient se greffer sur le parc: au sud, la région Sahtu, et à l'est, la région de Nunavut. Avec ces ajouts, la superficie totale du parc parviendrait à 28 000 kilomètres carrés et comprendrait des zones très utilisées pour la reproduction des caribous.

• 1155

À la table des négociations, les représentants du gouvernement fédéral ont déclaré explicitement aux parties inuvialuit qu'ils pourraient invoquer l'article 22.1 pour faire modifier la limite ouest du parc si de nouvelles informations minérales surgissaient. Sur cette base, les Inuvialuit ont consenti à l'accord et ont persuadé une compagnie d'exploitation minière de renoncer à ses permis à l'intérieur du parc pour que l'accord puisse se faire sans délai.

Devant l'assurance que l'article 22.1 permettrait de revoir la question de la limite ouest, les Inuvialuit ont convaincu la Darnley Bay Resources Limited d'abandonner les permis de prospection sur 472 461 acres de territoires de la Couronne dans le parc proposé, ce qu'elle a fait de son propre gré et sans indemnisation. La zone que les Inuvialuit réclament maintenant est d'environ un cinquième de ce secteur.

Effectivement, la Couronne du chef du Canada a obtenu, sous de faux prétextes, un demi-million d'acres de territoires assujettis à un permis, maintenus en bon état par une société d'exploration, et ce, sans payer un sou d'indemnisation. Elle a également exproprié sans indemnisation les Inuvialuit, qui autrement auraient eu la possibilité de participer à cette exploitation, ceci à l'encontre d'un principe fondamental de la justice canadienne, à savoir que l'État indemnise équitablement ceux auxquels une expropriation a fait perdre des droits ou des intérêts.

Avant de conclure, je remercie le comité d'avoir pris le temps de nous entendre et d'avoir assumé nos frais de déplacement. Je sais ce qu'il en a coûté. Nous avons récemment engagé les mêmes dépenses pour attirer l'attention des ministères fédéraux, ici et à Yellowknife, sur les questions qui nous préoccupent. Le coût illustre également très bien combien Ottawa est loin de la région d'établissement des Inuvialuit et de ceux qui porteront le fardeau des décisions sur le projet de loi C-38.

La distance et le peu de connaissance des réalités de la vie sur la côte de l'Arctique sont ressortis du débat en deuxième lecture. J'espérais que le comité tiendrait ses audiences à Inuvik et à Paulatuk, afin que ceux qui sont le plus touchés par les décisions puissent venir en personne et que vous puissiez vous faire une idée des réalités de notre vie et de notre territoire. Malheureusement notre demande a été écartée.

Je m'inquiète que des décisions ayant de telles conséquences pour les Inuvialuit soient prises par des personnes qui connaissent si peu nos réalités. N'oubliez pas, en effet, que notre peuple a déjà souffert de décisions prises «pour notre bien». Ces attitudes coûtent déjà à notre peuple un mode de vie; dans la génération de ma mère et de mon père, les familles vivaient encore de la terre grâce à la traite des fourrures. La destruction de ce secteur a détruit un mode de vie basé sur la terre, ne laissant aucune option, sinon la dépendance par rapport au gouvernement, et a affaibli notre société et notre culture.

Les décisions de réserver de vastes zones de territoire peuvent faire plaisir à certains Canadiens du Sud, bombardés par des organisations environnementales bien financées et peu susceptibles de jamais prendre le risque de survivre en passant un hiver sur la côte de l'Arctique. Les décisions d'utiliser les parcs pour protéger les aires de reproduction du caribou, bien que ces derniers suivent un itinéraire complexe et changeant, peuvent donner un sentiment d'aise aux diplomates des Affaires étrangères. Ce sont toutefois les Inuvialuit et les gens de Paulatuk qui subiront le coût de ce réconfort hypocrite.

Bien que nous soyons ici aujourd'hui au nom des Inuvialuit, nous ne défendons pas nos intérêts à l'encontre de ceux d'autres Canadiens. J'ai passé de nombreuses années au service du public, dans divers postes, et, enfin, comme premier ministre des Territoires du Nord-Ouest. Je ne crois pas que les Canadiens soient servis par une mauvaise politique gouvernementale, si réconfortante et facile que puisse être la décision, mais je crois qu'ils méritent tous une politique et un processus décisionnel judicieux et responsables.

Notre demande de révision aurait dû être accordée pour ses propres mérites, et en raison de sa pertinence pour la politique de ce gouvernement. Le principe de cogestion, à lui seul, exige qu'une demande d'entente de cogestion du parc bénéficie d'un examen bienveillant si cette demande est faite par cinq des six signataires, mais le secrétaire d'État pour les parcs a rejeté catégoriquement notre requête, en accélérant la procédure législative pour empêcher toute discussion, alors que les limites sud et est du parc sont toujours en suspens.

Au lieu de voir là une question de fond qui a une grande importance pour les Inuvialuit, le gouvernement agit avec myopie, par opportunisme politique. Si tel est bien le cas, notre cause aurait-elle de meilleures chances si la société en question était le Canadien Pacifique et si nos terres se trouvaient plus proches de Banff ou du lac Louise? Si le ministre veut invoquer des précédents en matière de vulnérabilité des parcs, pourquoi ne pas aller les chercher au sud du 60e parallèle.

• 1200

Dans notre cas, il semble que les accords signés avec les Autochtones n'ont guère de poids face aux menaces des écologistes du Sud. De plus, M. Mitchell a eu l'inconvenance de s'en prendre à nous à propos de la harde de caribous de la Porcupine, alors que les Inuvialuit, par leur attachement au parc d'Ivvavik, ont fait plus pour protéger la harde que tout autre habitant du pays.

Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est pour demander au comité permanent et au Parlement de corriger le tort fait aux Inuvialuit. Après avoir consenti un effort massif en faveur de la conservation au pays par la cession de 16 340 kilomètres carrés, on nous admoneste, on conteste notre sincérité et on nous refuse une légère modification de la limite ouest du parc proposé. Il nous semblait acquis que ce parc reposait sur l'Accord sur le parc national de Tuktut Nogait; or, le projet de loi n'y fait aucunement allusion. Maintenant que Parcs Canada possède nos terres, il est clair que le gouvernement fédéral ne se sent plus tenu de respecter l'accord, en particulier l'irritant article 22.1.

Nous demandons donc au comité permanent de réparer l'erreur du gouvernement et nous recommandons ce qui suit:

(1) modifier le projet de loi C-38 dans le but de changer la limite ouest du parc proposé, tel que l'a demandé l'Inuvialuit Regional Corporation le 19 février 1998—le libellé recommandé figure en annexe; ou

(2) suspendre l'étude du projet de loi C-38 jusqu'à ce que les limites définitives à l'ouest, au sud et à l'est soient fermement établies et que trois exigences soient satisfaites:

a) un examen complet par tous les signataires, conformément à l'article 22.1 de l'Accord sur le parc national de Tuktut Nogait, de la demande des Inuvialuit pour que soit modifiée la limite ouest;

b) la conclusion d'un accord de cogestion du parc avec le Nunavut sur la limite est appropriée du parc proposé;

c) la conclusion d'un accord sur la cogestion du parc avec les Sahtu concernant la limite sud appropriée du parc proposé.

Tant que ces limites n'auront pas été fixées définitivement, il est impossible pour quiconque d'évaluer les compromis entre la protection de l'environnement, le potentiel économique et le bien- être social et culturel. Sans cette évaluation, il est prématuré de demander au Parlement de juger de l'équilibre des intérêts.

Je sais qu'il a été question du fait que les Inuvialuit possèdent des intérêts dans la société Darnley Bay Resources; on a demandé si cela a joué dans la façon dont les Inuvialuit soupèsent les arguments en faveur de la protection de l'environnement et le développement économique. Établissons les faits. L'Inuvialuit Regional Corporation possède 235 294 actions sur un total de 19 millions d'actions, ce qui représente un intérêt de 1,2 p. 100. Ces actions représentent une petite partie des paiements de location de la compagnie que nous avons acceptés à la place d'espèces.

Voici d'autres faits. La Convention définitive des Inuvialuit a créé l'Inuvialuit Regional Corporation et l'Inuvialuit Game Council, qui fonctionnent en toute autonomie précisément pour éviter toute accusation de conflit d'intérêts. La corporation n'a jamais parlé au nom du conseil, comme l'atteste la présence de M. Binder ici aujourd'hui. De plus, au lieu de nous critiquer pour avoir acquis un intérêt modeste dans une entreprise locale de mise en valeur des ressources, le gouvernement devrait nous féliciter d'avoir fait précisément ce que la ministre des Affaires indiennes, Mme Stewart, recommande dans plusieurs énoncés de politique.

Pour terminer, je voudrais vous dire combien, personnellement, je trouve répugnantes ces observations. Elles sont sans fondement et sont insultantes pour les Inuvialuit et n'ont pas leur place dans l'important débat que nous tenons ici aujourd'hui.

Les Inuvialuit veulent que ce parc voie le jour rapidement. Nous avons réservé une plus grande superficie aux zones protégées et aux hardes de caribous dans le Nord que tout autre Canadien. Nous demandons une petite modification des limites du parc dans l'intérêt de notre population et dans le respect de l'esprit et de la lettre de la Convention définitive des Inuvialuit, l'aboutissement de plusieurs années de négociation de notre revendication territoriale. Il est intolérable que l'on nous force à consacrer autant de temps et de moyens pour amener le gouvernement fédéral et ses bureaucrates à respecter leurs engagements.

• 1205

Notre premier choix n'était pas de nous présenter ici. Nous étions persuadés que tout pourrait se régler si on en appelait au gouvernement fédéral. Toutefois, c'est lui qui a refusé de recevoir notre demande. Il a refusé de nous écouter. Voilà pourquoi nous sommes ici.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, madame Cournoyea.

J'ouvre la discussion. Madame Girard-Bujold.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Madame et messieurs, j'ai énormément de questions à vous poser. Votre document renferme une foule de renseignements. Je me suis attardée aux recommandations que vous avez formulées à la fin. Vous dites que vous avez présenté une demande au secrétaire d'État le 19 février et le 25 mars 1998 et que ce dernier a opposé une fin de non-recevoir. Il ne s'est même pas occupé de votre demande.

Vous dites également que vous avez fait cette demande parce que vous étiez présente lors de la signature de l'entente en 1996 et que l'article 22.1, si je me souviens bien, prévoyait que vous pourriez la rouvrir si des changements se produisaient. J'aimerais savoir si j'ai bien compris.

Vous dites également que cet ajout de territoire que vous demandez est infime considérant la faible proportion présentement incluse dans le parc. Vous dites que cette modification donnerait à vos gens l'occasion d'exploiter ce territoire et de faire du développement économique. Quel genre de développement économique y faites-vous actuellement pour combler vos attentes et créer des emplois? Quelle superficie de territoire demandez-vous? Quelles autres perspectives d'emplois cette modification vous apporterait-elle?

J'ai beaucoup d'autres questions, mais j'aimerais que vous répondiez à celles-ci en premier lieu, s'il vous plaît.

[Traduction]

Mme Nellie Cournoyea: En ce qui concerne vos premiers points, oui, vous avez raison. Vous avez bien évalué, bien analysé ce que nous disons. Nous pensions à l'époque, parce qu'il a fallu tant de temps pour négocier la création du parc, que le temps n'était pas un facteur. Or, soudainement, nous avons appris que tout cela allait très vite, en fait depuis notre demande de changement. Il semblerait que les décisions étaient déjà prises.

Il y a des emplois dans les parcs, mais ils sont peu nombreux. Nous demandons de modifier la limite du parc afin de permettre une exploration plus poussée d'une région qui semble prometteuse, ou qui, du moins d'après les nouvelles données, semble plus prometteuse que nous ne l'avions cru à la lumière des données de 1973. Nous avons toujours eu des doutes. Voilà pourquoi nous avons demandé l'article 22.1.

Depuis la fin de l'exploitation du pétrole et du gaz dans notre région, il s'est présenté très peu de possibilités économiques. À l'heure actuelle, grâce à notre soumission, nous avons obtenu le contrat de dépollution du réseau d'alerte avancé, mais il ne faudra que quelques années pour terminer ce projet. Il ne se passe pas grand-chose d'autre dans notre région. Il faut noter aussi une diminution du nombre d'emplois gouvernementaux et de la présence gouvernementale. La plupart des emplois gouvernementaux sont à Yellowknife.

Ils offrent donc très peu de possibilités, ce qui nous inquiète énormément, vu le jeune âge de notre population.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Lors de la création du parc, en 1996, de la signature de l'entente avec le gouvernement fédéral et de toutes les négociations qui ont précédé, est-ce qu'il y avait une compagnie minière qui était partie prenante dans ce dossier?

• 1210

Je constate que les dispositions du projet de loi prévoient que le gouvernement vous cède non pas des redevances, mais un pourcentage des bénéfices. Le gouvernement vous aurait cédé cette compagnie minière lors des ententes que vous avez conclues.

Vous disiez également tout à l'heure qu'il vous avait redonné 445 000 kilomètres carrés de terre sans vous demander quoi que ce soit en retour et que cette compagnie minière faisait partie du décor à cette époque-là. Est-ce que j'ai bien compris?

[Traduction]

Mme Nellie Cournoyea: Oui, en effet.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Le gouvernement dit également qu'il vous a donné 35 p. 100 des revenus de l'exploitation minière. Est-ce exact?

[Traduction]

Mme Nellie Cournoyea: On en est à la prospection de la mine. Le parc a été créé à même des terres domaniales. En outre, ces terres sont celles que les Inuvialuit ont reçues en propriété privée. Pour pouvoir utiliser la propriété des Inuvialuit, l'entreprise a dû conclure une entente de concession. Plus simplement, l'entreprise nous verse un loyer afin de pouvoir faire de la prospection de cette région. Voilà ce que nous touchons, mais pour l'instant la prospection n'en est qu'à ses débuts.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: L'article 22.1 me chicote. Lorsque vous avez entamé la négociation avec le gouvernement fédéral, en 1995-1996, et que vous avez signé l'entente, si quelque chose d'autre avait été dévolu, il y aurait eu une possibilité de rouvrir l'entente. Vous dites aussi qu'à cette époque-là, vous n'entrevoyiez pas cette possibilité d'exploitation minière. De 1996 à 1998, il n'y a pas beaucoup de temps qui s'est écoulé. Dois-je comprendre qu'il y avait déjà eu des exploitations, mais que vous n'aviez pas reconnu qu'il y aurait, à l'intérieur de ces limites, une possibilité d'exploitation minière?

[Traduction]

Mme Nellie Cournoyea: Nous possédions des données de 1973 à la lumière desquelles il semblait que le minerai était enfoui plus profondément et qu'il ne serait probablement pas possible de l'extraire à cause du coût.

Par contre, nous aurions pu demander que cette région ne fasse pas partie du parc, mais les représentants de Parcs Canada nous ont dit que nous pouvions laisser les limites telles quelles, qu'il existait un mécanisme de révision que nous pouvions invoquer si nous voulions changer les limites. C'est ce que nous avons cru.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Mais vous me dites que les données qui remontent à 1973 indiquent que les gisements miniers sur ces territoires étaient profonds et qu'il aurait peut-être été possible de les exploiter. Quand avez-vous obtenu des résultats finals indiquant que des mines étaient exploitables sur ce territoire, ce qui vous aurait incités à vouloir rouvrir l'entente?

[Traduction]

M. Ruben Green: Si vous le permettez, madame, les dernières données que nous a fournies Darnley Bay Resources Limited aux termes de l'entente de concession nous sont parvenues en décembre 1997, et c'est alors que nous avons exprimé nos inquiétudes.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Puis-je poser une autre question?

Le président: Très brièvement.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Vous me dites qu'il y a présentement une possibilité d'extraction de minerai sur le territoire que vous voulez inclure dans la nouvelle entente. En vertu de l'article 22.1, vous voulez rouvrir l'entente afin d'inclure ce territoire parce qu'il y a une possibilité d'exploitation minière. Cette réouverture de l'entente vous permettrait de créer des emplois et d'assurer une vie décente à votre communauté. C'est bien cela?

• 1215

[Traduction]

M. Ruben Green: En effet, oui.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Laliberte.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Avez-vous dit que le relevé magnétique a été effectué en octobre 1997?

M. Ruben Green: Les données du levé aéromagnétique ont été publiées en décembre 1997.

M. Rick Laliberte: Donc vous avez pris connaissance des résultats en décembre.

M. Ruben Green: Oui, en décembre 1997.

M. Rick Laliberte: Comme vous le dites, tenter de prendre des décisions pour le compte de communautés et de régions... Quelle est la population dans votre communauté et votre région?

M. Ruben Green: Pour tout l'ensemble de...

Mme Nellie Cournoyea: Il y a une population de 300 habitants à Paulatuk. La population inuvialuit totale se chiffre à 3 500, à Holman Island, Paulatuk, Sachs Harbour, Aklavik, Inuvik et Tuktoyaktuk. Voilà le nombre d'Inuvialuit dans la région.

M. Rick Laliberte: Lorsqu'on a découvert cette anomalie, que les gens de l'endroit connaissaient depuis plusieurs années... Je connais cette communauté. Comme l'ont dit mes collègues, lors de la délimitation du parc, vous avez envisagé un accord de cogestion qui, vous l'avez signalé, fait défaut dans le nouveau projet de loi. S'agit-il d'un accord spécifique?

Mme Nellie Cournoyea: C'est l'un des rares parcs qui soient véritablement en cogestion. Les gens de Paulatuk et de l'Inuvialuit Regional Corporation n'étaient pas prêts à signer un accord sur le parc à moins d'avoir des assurances quant à sa gestion. L'accord de cogestion a constitué l'un des éléments déterminants dans l'acceptation de ce parc.

Comme je l'ai dit, ce qui nous a sérieusement inquiétés lorsque le ministre a présenté ce projet de loi en première lecture, c'est qu'il n'y a nullement fait référence. Il n'a pas signalé ni reconnu l'existence de cet accord. S'il l'avait fait, il aurait, à notre avis, permis aux assemblées législatives de mieux comprendre la question qui leur était soumise. Cette information essentielle, qui aurait dû obligatoirement accompagner la présentation du projet de loi, a fait défaut.

M. Rick Laliberte: Je sais que vous demandez au comité de prendre une décision très délicate, à savoir appuyer votre point de vue. La décision n'est pas facile à prendre.

Dans ma langue,

[Note de la rédaction: Le témoin parle dans sa langue autochtone]

Pour les peuples autochtones, il est particulièrement essentiel de pouvoir prendre une décision concernant le poids des générations futures. Et c'est bien de cela qu'il est question ici. Selon mon interprétation, Tuktut a considéré la préservation de votre moyen d'existence, à savoir le troupeau de caribous, qui va persister pendant de nombreuses générations, alors qu'une exploitation minière constitue un moyen d'existence limité et à très court terme. C'est comme offrir un bonbon: qui va en assumer les conséquences?

Dans la région d'où je viens, c'est la même chose, sinon que nous n'avons pas besoin de courir après le développement. Il arrive, et nous essayons d'y participer. Vous le faites également, et ce n'est pas facile. Je dois comprendre la perspective de votre communauté. Je sais que la décision n'est pas facile à prendre, mais les délais vous ont mis à rude épreuve, puisque la limite était fixée au 19 février, et à partir du moment où vous avez été avertis de l'accès à ces ressources minérales, de décembre à février, il y a eu des consultations dans la communauté... J'imagine sans peine les difficultés que comportait cette prise de décision.

• 1220

Mais l'objectif de la constitution d'un parc est de préserver l'intégrité écologique de l'endroit ainsi que le troupeau de caribous dont vont dépendre les générations futures.

En fait, j'ai plutôt fait une affirmation. On ne peut pas vraiment parler de question. Je souhaite simplement...

M. Ruben Green: Bien. Si vous me permettez l'expression, nous sommes les propriétaires et nous sommes très conscients de la faune. Les 29 p. 100 réservés par les Inuvialuit aux mesures de protection sont révélateurs à cet égard. Nous sommes parfaitement conscients de la faune.

En ce qui concerne cette notion de propriété, on trouve dans la Convention définitive des Inuvialuit des dispositions concernant les mesures de protection, le comité de sélection des effets environnementaux et les commissions de révision des effets environnementaux. Nous sommes persuadés—c'est du moins mon cas—que les Inuvialuit sont capables de veiller à leurs propres intérêts en matière de ressources. C'est nous qui habitons à Paulatuk. C'est nous qui subirons les conséquences de cette décision. Les enfants grandissent, nous avons une population jeune. La plupart d'entre eux sont assistés sociaux. Nous avons besoin de quelque chose qui puisse ramener la fierté, qui remette ces jeunes au travail, qui leur permette de réintégrer l'économie salariée. Je suis persuadé que nous pouvons coexister avec l'industrie.

Le président: Monsieur Binder, brièvement, s'il vous plaît. Nous ne disposons de cette salle que jusqu'à 14 heures; il faut donc accélérer.

M. Richard Binder: Merci, monsieur le président.

Je veux simplement signaler qu'il est hors de question, pour les Inuvialuit, de mettre en danger la situation, la sécurité ou l'existence du caribou. Ils ne diront jamais «nous voulons gagner 3 millions de dollars grâce à un projet de prospection ou d'exploitation aux dépens du caribou». S'il y a un projet d'exploitation, ils veilleront à ce que celui-ci soit géré de manière à ne pas nuire à l'habitat ou au déplacement du caribou.

Comme l'a dit Ruben Green, nous avons déjà des procédures de sélection et de révision qui sont en place depuis plusieurs années et qui ont fait leurs preuves. Elles sont reconnues à l'échelle nationale et internationale. Nous n'avons pas à changer de méthode. Nous allons rester vigilants, comme nous l'avons toujours été et nous allons continuer de respecter notre terre. N'oubliez pas que c'est là que nous devons vivre.

Merci.

Mme Nellie Cournoyea: Vous n'avez pas répondu à ma question. Je voudrais savoir en particulier combien de temps il vous a fallu pour prendre la décision avant que la Commission d'examen... Tout d'abord, lorsque le projet a été annoncé, aucun de vos organismes régionaux ne s'est manifesté avant la pleine participation de la communauté. Tous les membres savaient ce dont ils parlaient. Vous n'avez pas eu besoin d'exposer la situation. Vous avez simplement dit: «Voici de l'information nouvelle. Que faut-il en faire?»

Pendant un certain temps, les gens ne pensaient pas qu'il y aurait de problème, et ne voyaient pas la nécessité d'étudier cette information nouvelle. On a pris conscience du problème lorsque j'ai été invitée à répondre à certaines questions à Parcs Canada... on a vu que les gens de la communauté n'accueilleraient pas favorablement les résultats de l'étude, que nous avions eu tort de les accepter et que nous n'étions pas assez précis.

Mais le travail de base a été fait dans la communauté. Chaque adulte a entendu parler de l'étude. On peut procéder ainsi dans une communauté de 300 personnes. Ruben et les autres chefs sont allés à l'école et en ont parlé aux enfants les plus âgés. Ensuite, les chasseurs et les trappeurs se sont réunis à plusieurs reprises pour en discuter. L'information a commencé à circuler. On a adopté une résolution. Puis la société communautaire a adopté une résolution après délibération, de même que le conseil de hameau. Ces résolutions ont été soumises au conseil du gibier, qui représente les six communautés de notre région. Il y a eu une réunion du conseil du gibier, et chaque communauté a été invitée à considérer la question. Le conseil a adopté une résolution d'appui, de même que la Inuvialuit Regina Corporation.

• 1225

Nous savions parfaitement ce dont nous parlions, car encore une fois, nous nous occupons de cette question depuis six ans. Elle n'est donc pas nouvelle; nous savions qu'il fallait agir à partir de cette information nouvelle. Ce n'est pas comme si quelqu'un avait essayé d'imposer quoi que ce soit, on s'est contenté de discuter de l'accord.

Le président: Monsieur Muise.

M. Mark Muise (West Nova, PC): Merci, monsieur le président.

Comme mon collègue l'a signalé, j'ai beaucoup réfléchi à cette question, qui me cause certaines préoccupations. Il faut considérer les deux côtés de la médaille. Notre objectif est d'adopter une mesure législative qui soit bonne, et c'est pourquoi j'estime qu'il faut étudier la question à fond. J'essaie de faire valoir des arguments qui me permettront de mieux comprendre le problème de façon que je puisse en venir moi-même à une décision. Voilà ce que je voulais dire d'emblée.

Tout d'abord, je tiens à remercier les témoins de leur présence, car je tenais à ce qu'ils puissent nous faire part de leurs points de vue, de leurs préoccupations et de leurs intérêts.

Mais je reviens à la notion d'accord. Avant qu'un accord ne soit conclu et qu'on puisse miser sur sa signification, il faut négocier pendant un certain temps. Ce pourrait-il qu'à l'avenir, on découvre d'autres sites contenant des gisements de minéraux intéressants à l'intérieur des limites du parc? Est-ce qu'il va encore falloir le subdiviser? Est-ce qu'on va le dépecer morceau par morceau. J'aimerais que nos témoins nous donnent des précisions à ce sujet.

Mme Nellie Cournoyea: Bien, je voudrais revenir en arrière. Comme la compagnie a renoncé à la terre, certains ont soupçonné des intentions allant au-delà de ce que nous savions. Mais Parcs Canada nous a dit: nous voulons toute cette partie du territoire, et vous avez une procédure de révision.

Personne n'a l'intention de chercher des ressources minérales dans d'autres secteurs du parc. Nous ne savons pas ce qu'il contient. Nous avons peut-être renoncé à quelque chose, mais personne n'a l'intention de dépecer ce territoire.

Je ne sais pas ce qui se passerait si une explosion massive faisait disparaître tout le lichen à cause des polluants atmosphériques, car le principal danger pour nous provient des polluants atmosphériques et aquatiques. Les quelques touristes qui visitent le parc ne font pas de dégâts importants.

Notre principal problème, ce sont les polluants atmosphériques. Nous pouvons protéger nos ressources, mais si une catastrophe se produit en Russie ou au Mexique, si la couche d'ozone se fissure, qu'est-ce que nous pourrons protéger? Si le lichen disparaît, il n'y aura plus de caribou. Je ne sais pas ce qui se produirait, mais nous ne parlons pas actuellement de ce genre de phénomènes de grande envergure. Nous parlons d'un parc que nous connaissons et d'une possibilité que nous connaissons; nous ne parlons de rien d'autre.

Comme je l'ai dit, nous préférerions au départ négocier avec le gouvernement libéral pour parvenir à un accord, avant l'adoption d'une loi.

Les gens de Paulatuk ne se rendent pas compte que lorsque Parcs Canada obtient une terre, il en devient propriétaire et on ne peut même plus lui demander d'en récupérer une partie. Je le sais, mais les gens de Paulatuk ne le savent pas. Ils agissent de bonne foi, pensant avoir affaire à des gens d'honneur. Si j'avais participé aux négociations, j'aurais soulevé quelques questions. Mais c'est ainsi que les gens de Parcs Canada se comportent: ils s'emparent de quelque chose et ne le lâchent plus.

• 1230

Non, personne n'a l'intention d'envisager de nouvelles exploitations. Je ne sais pas ce que contient ce territoire, mais la parcelle se limite à ce qui a été convenu au départ.

M. Mark Muise: Madame Cournoyea, vous soulevez une question importante. Je n'étais pas à la table de négociations, vous n'y étiez pas non plus je crois, mais M. Green y était.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Madame était présente à la table lors de la signature.

M. Mark Muise: Non, madame...

[Traduction]

Le président: Excusez-moi.

[Français]

On va laisser M. Muise poser sa question.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Excusez-moi.

[Traduction]

M. Mark Muise: Donc, pour préciser les choses, vous n'étiez pas à la table de négociations, madame Cournoyea, lorsque l'article 22.1 a été conclu. C'est bien exact?

Mme Nellie Cournoyea: Je suis intervenue dans une certaine mesure pour faire en sorte que quelque chose se produise...

M. Mark Muise: Oui.

Mme Nellie Cournoyea: ...car je pense que nous n'en aurions pas obtenu autant si je n'avais pas porté l'affaire à l'attention...

M. Mark Muise: Ce que je veux dire, c'est que je n'y étais pas, et vous non plus, madame Cournoyea, vous n'y étiez pas.

Lorsque je lis l'article 22.1, je vois que l'accord sera réouvert à la négociation si toutes les parties signataires en conviennent. Si le gouvernement fédéral décide un jour, pour une raison ou une autre, de rouvrir les négociations, il sera en mauvaise posture et il aura bien du mal à convaincre les autres signataires de les rouvrir également.

Mais ce que je veux dire, c'est que vous n'étiez pas là lorsque cela s'est produit, et je n'y étais pas non plus. D'après ce que je vois, tout le monde a été satisfait de ces négociations.

J'en reviens à mon commentaire initial. La décision que nous avons à prendre aujourd'hui n'est pas facile, mais si toutes les parties sont d'accord pour rouvrir les négociations, à quoi bon conclure un accord? Voilà une question qui me perturbe passablement.

Le président: S'agit-il d'un commentaire, ou d'une question?

M. Mark Muise: Je ne sais pas, monsieur le président. Je suis très contrarié, car j'essaie d'être juste envers toutes les parties. J'ai pensé qu'il était important que ces témoins puissent exprimer leur point de vue, mais il s'agit là d'un processus de négociation qui se déroule depuis plusieurs années.

D'une part, nous avons un groupe qui nous demande de dire que tout cela n'est pas important, qu'on peut tout jeter à terre et recommander. Mais si nous agissons ainsi, on n'en finira jamais. Si l'on rouvre les négociations, que va-t-il se passer?

Le président: Demandons aux témoins ce qu'ils ont à en dire.

M. Mark Muise: Oui.

Le président: Peut-être que Mme Cournoyea ou M. Green, qui a signé l'accord, qui a participé à sa négociation, a quelque chose à dire à ce sujet. Nous poursuivrons le débat ensuite.

Monsieur Green.

M. Ruben Green: Le reste de notre demande concerne les renseignements sur les nouvelles ressources minérales et l'article 22.1. Par ailleurs, cinq des six conseils signataires ont adopté la résolution. Dans les zones protégées, la Convention définitive inuvialuit prévoit une certaine protection, mais je voudrais savoir où sont les parties Sahtu et Nunavut du projet de parc.

Quant aux conséquences de notre demande, il n'y en a pas. Je n'en prévois aucune. Les terres sont retirées pour cinq ans. La Convention définitive inuvialuit comporte des mesures de protection en matière de prospection.

Je voudrais aussi revenir sur la décision de la bande. Les règles sont-elles différentes pour les hôtels du Canadien Pacifique et pour les Inuvialuit?

Ce que nous demandons, c'est une redéfinition des limites du territoire et, éventuellement un ralentissement du processus, de façon que nous puissions bien comprendre la situation, notamment en ce qui concerne les zones Sahtu et Nunavut, et que nous puissions faire valoir nos demandes légitimes.

• 1235

C'est sur nous, les gens de Paulatuk, que va peser le gros des conséquences de vos décisions. Nous avons une population très jeune. J'ai oublié le pourcentage des jeunes dans notre population.

Mme Nellie Cournoyea: C'est 60 p. 100 de jeunes de moins de 18 ans.

M. Ruben Green: C'est donc une population très jeune, et ce sont eux qui subiront les conséquences de votre décision. Nous vivons dans cette région et nous avons l'intention d'y passer toute notre vie, comme l'a dit Nellie, jusqu'à la fin de nos jours.

Une voix: Dans bien des années, souhaitons-le.

M. Ruben Green: Oui, souhaitons-le.

Le président: Nous allons maintenant passer à M. Bonwick.

M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, j'aimerais revenir sur vos propos concernant le traitement expéditif de cette affaire; vous dites que le gouvernement libéral n'a manifesté aucun intérêt pour vos interventions. Le comité se compose évidemment d'une majorité de députés libéraux, mais vous voyez que tous les membres, qu'ils soient libéraux, bloquistes, néo-démocrates ou conservateurs, s'efforcent d'aborder la question de façon à y apporter la solution qui leur semble la meilleure. Ce n'est donc pas un problème d'intérêt politique; nous essayons simplement de trouver une bonne solution.

À mon avis—et je suis sûr qu'il en va de même pour mes collègues des deux côtés de la table—peu importe que le parc qu'on nous propose soit dans la vallée du Niagara, en Nouvelle-Écosse, ou dans l'Arctique; nous voulons toujours trouver la meilleure solution.

Vous reconnaîtrez avec moi qu'il y a de nombreux éléments à considérer lorsqu'on décide des limites des parcs, notamment les avantages économiques éventuels, mais aussi des facteurs tout aussi importants, comme la préservation d'un écosystème très fragile, les garanties concernant la faune et son habitat et la responsabilité fédérale, qui est de faire en sorte que l'environnement naturel soit préservé, non seulement pour notre génération, mais pour celle de vos enfants.

C'est pour cela que nous sommes déchirés entre nos responsabilités économiques et sociales, d'une part, et nos responsabilités naturelles.

Plus précisément, du côté économique, au sujet de cette découverte de la Société Darnley Bay Resources, pouvez-vous me donner une idée du pourcentage qui se trouve sur cette parcelle dont vous demandez la séparation du reste du terrain? De quel ordre est ce pourcentage?

Mme Nellie Cournoyea: De 10 p. 100.

M. Paul Bonwick: Environ 10 p. 100 du gisement total.

Si j'ai bien compris, il sera possible de prospecter, de rechercher et d'exploiter la majorité du gisement au cours des années à venir sans nécessairement utiliser les terres proposées pour le parc, n'est-ce pas?

Mme Nellie Cournoyea: Je présume que oui, en effet.

M. Paul Bonwick: Puisque 90 p. 100 se trouve à l'extérieur de cette parcelle de terrain.

Mme Nellie Cournoyea: Oui mais il faut dire que les conclusions du levé aéromagnétique...

M. Paul Bonwick: J'ai de l'information à ce sujet, en effet.

Mme Nellie Cournoyea: Le plus récent, dont nous avons obtenu les résultats en décembre 1997, montre que la partie dans le parc se trouve près de la surface et qu'avec cette découverte, avec les nouveaux renseignements, ce serait l'endroit le plus propice à la prospection.

M. Paul Bonwick: En passant, je constate que les résultats du levé aéromagnétique de 1997 révélaient sept zones magnétiques, ou points chauds, représentant un potentiel minier, dont l'un dans le parc. Un autre point chaud, plus petit, se trouve en mer, de même qu'une partie d'un autre. Deux autres sont à l'extérieur du parc et ont été désignées pour une exploration plus avancée en plus de celui du parc, si je ne m'abuse.

• 1240

Là où je veux en venir, c'est que cela représente une assez petite portion de l'ensemble de la découverte, ou de l'anomalie. En décidant de conserver tout ce terrain, et je ne dis pas que ce sera le résultat final, mais si c'est le cas, nous n'allons pas compromettre tout le développement de la société minière, loin de là. Je veux m'assurer que cela soit clair.

J'aimerais revenir aux raisons pour lesquelles on veut retrancher cette parcelle de terrain du reste. Pourrait-on dire que la principale raison des préoccupations relatives aux limites, c'est qu'on pourrait empêcher Darnley Bay, ainsi que la Inuvialuit Regional Corporation de profiter pleinement, financièrement, de cette découverte?

Mme Nellie Cournoyea: Eh bien, vous savez...

M. Paul Bonwick: J'essaie de connaître la raison réelle du retranchement de cette parcelle.

Mme Nellie Cournoyea: Le levé aéromagnétique montre que malheureusement, cette zone du parc a un très fort potentiel, à cause de la profondeur du gisement. C'est comme pour autre chose. Vous pouvez avoir 100 p. 100, et continuer de dire que vous avez 100 p. 100, mais si vous prenez 10 p. 100, le 10 p. 100 pourrait être celui dont vous aviez vraiment besoin. Nous ne le savons pas encore. Il faudra faire encore beaucoup de travail sur cette propriété, à mon avis.

M. Paul Bonwick: Comme M. Muise, je n'étais pas là et j'aimerais revenir à la signature de la Convention. D'après l'information qu'on m'a fournie—M. Muise y a fait allusion—on fait des études et des enquêtes depuis plus de 20 ans, de toutes sortes de manières, avec une forte participation locale et, finalement, l'ébauche du plan de gestion de la harde de caribous de Bluenose.

Tout cela s'est retrouvé dans la Convention et la mesure que nous étudions. Tout cela a été pris en compte. La décision de 1996 n'a pas été prise à la légère. Elle était fondée sur les résultats d'exploration minière, selon lesquels 10 p. 100 du gisement se trouvaient dans le parc. Il fallait par conséquent changer les limites du parc pour obtenir un maximum de profits, ou pour réaliser le maximum du potentiel économique plutôt que seulement 90 p. 100 ou 80 p. 100.

D'après ce que je lis dans les résultats du levé aéromagnétique, on ne dit certainement pas que la zone dont l'exploitation serait la plus profitable se trouve sur cette parcelle dans le parc. On y dit plutôt que cela représente un très faible pourcentage du potentiel économique total de la découverte. J'ai donc quelques réserves.

J'ai une question à vous poser. Vous avez parlé des holdings, et je n'allais certainement pas vous poser de questions à ce sujet avant que vous n'y fassiez allusion. Mais j'ai besoin d'éclaircissements, peut-être. Vous avez des actions de la société Darnley...?

Mme Nellie Cournoyea: Darnley Bay Resources.

M. Paul Bonwick: Bien, vous avez des actions de la Darnley Bay Resources Limited, soit seulement 1,7 p. 100?

Mme Nellie Cournoyea: Oui.

M. Paul Bonwick: C'est un très faible pourcentage et sans importance par rapport au nombre total d'actions de la société, soit 230 000 actions. Que vaut chacune des actions?

M. Ruben Green: Elles valent 75c.

M. Paul Bonwick: Ce qui me dérange, et qui nous dérange tous, je crois, c'est qu'en tant que parlementaires, j'ai aussi la responsabilité de veiller à maintenir l'intégrité écologique des écosystèmes, peu importe où ils se trouvent. Cet été, j'ai entre autres l'intention d'amener ma famille à Whitehorse et de passer quelque temps dans les Territoires du Nord-Ouest que ce soit là ou sur n'importe quelle côte du Canada, je considère que c'est ma responsabilité en tant que député de veiller à l'intégrité de l'écologie. C'est important pour moi.

M. Muise a présenté un très bon argument. Qu'arrive-t-il si l'on fait une découverte très importante, grâce au progrès de la technologie, dans dix ans par exemple, cinq kilomètres à l'intérieur du parc? Est-ce qu'on change encore les limites?

Mme Nellie Cournoyea: Il y a une chose que vous devez comprendre. Nous n'avons pas toujours le temps d'expliquer tout cela. Il y a beaucoup de choses dont nous pourrions vous faire part mais il est difficile de demander à des gens aussi occupés que vous l'êtes, qui ont autant de responsabilités très diverses, de prendre le temps de s'entretenir avec nous de tout le processus de la Convention définitive de sa préparation, de ce qui pourra ou non se produire. Le temps manque. Cela ne se produirait pas parce que les gens de Paulatuk n'ont jamais identifié d'autres secteurs. Il n'y a pas d'autres secteurs connus et je doute que quiconque songe éventuellement à un autre secteur. Nous ne savons même pas ce qui s'y trouve.

• 1245

M. Paul Bonwick: C'est exactement ce que disait M. Muise.

M. Nellie Cournoyea: Oui. Je dirais que pour cette étude, la question portait sur cette seule zone. C'est pourquoi l'article à ce sujet a été inséré. Ce n'est pas pour l'ensemble mais seulement pour cette zone.

M. Paul Bonwick: J'ai une toute petite chose à dire.

Le président: Une dernière et courte question, monsieur Bonwick, puis je donnerai la parole à Mme Bulte.

M. Paul Bonwick: Ne saviez-vous pas, à la signature de la Convention, que cette anomalie existait, peut-être pas aussi proche de la surface que ce qu'on sait maintenant, et qu'il y avait des dépôts de minerais dans le parc?

Enfin, y a-t-il une autre raison, outre l'avantage économique que représente cette parcelle de 10 p. 100, qui justifierait que l'on l'exclue du parc?

Merci.

Mme Nellie Cournoyea: Comme je l'ai déjà dit, même s'il y avait un potentiel, on n'en connaissait pas vraiment la portée jusqu'à l'obtention des résultats de 1997. Comme on ne connaissait pas le potentiel, Parcs Canada a dit que si cela se trouvait dans le parc, une disposition d'examen existait pour en tenir compte. Tout le monde sait ce que signifie cette disposition; malheureusement—M. Muise a raison à ce sujet—on aurait dû le dire plus explicitement.

Mais je serais bien étonné que quiconque ayant participé de près ou de loin aux négociations vienne dire qu'il n'y avait pas une préoccupation à ce sujet. Les fonctionnaires nous ont dit de ne pas s'inquiéter, que l'examen était prévu. C'est comme de dire: «Ne vous inquiétez pas, votre chèque est en route», vu ce qu'on nous dit actuellement. Mais personne n'avait prêté d'intentions à qui que ce soit. On nous a dit qu'il n'y avait pas de problèmes et que s'il y avait des renseignements nouveaux, on reverrait cette partie de l'accord. Il n'était pas question de revoir l'ensemble des limites du parc, ni de le subdiviser.

La présidente: Mme Sarmite Bulte.

M. Paul Bonwick: Elle n'a pas dit s'il y avait d'autres raisons que l'avantage économique pour retrancher cette parcelle de terrain.

Mme Nellie Cournoyea: Non.

Mme Sarmite Bulte: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie d'être venu nous rendre visite. J'aurais aimé que ce soit nous qui vous rendions visite.

J'aimerais vous interroger au sujet des levés. Dans votre exposé vous avez dit vous fier à de l'information géologique datant de 1973. Or, on nous a présenté deux levés géologiques effectués en 1992 et 1994. En quoi votre relevé aéromagnétique de 1997 diffère-t-il des résultats disponibles et publiés en 1992 et 1994?

M. Ruben Green: Voulez-vous parler des relevés de la CGC de 1992 et 1994 effectués par Charlie Jefferson?

Mme Sarmite Bulte: Je ne sais pas qui était l'arpenteur.

M. Ruben Green: Sans être spécialiste, je constate à l'examen des sections de 1992 et 1994 du relevé aéromagnétique que ce dernier fournit une toute autre quantité d'information. On y voit toutes les inclusions beaucoup mieux que sur papier.

Le document de Charlie Jefferson ne fournit que des cotes allant de faible à moyenne à très faible et ainsi de suite. Par contre, le relevé aéromagnétique montre la profondeur des intrusions, ce qui n'est pas le cas des relevés de la Commission géologique du Canada. Dans le cas de l'or, par exemple, on ne trouve que des cotes de faible à moyenne. Voilà la différence.

• 1250

Mme Sarmite Bulte: Je ne suis pas géologue. Voilà pourquoi je tente de comprendre.

M. Ruben Green: Je ne le suis pas non plus. Je vous explique tout simplement ce que je comprends de la chose, madame.

Mme Sarmite Bulte: Mais en 1992-1994, le relevé montrait l'existence de gisements importants à cet endroit, n'est-ce pas?

M. Ruben Green: Non. Selon les descriptions de M. Jefferson, la zone avait une cote de faible à moyen.

Mme Sarmite Bulte: D'accord.

Ma deuxième question porte les limites frontalières.

J'ai été passablement étonnée de vous entendre dire Mme Cournoyea, que les limites sud et est n'étaient pas définitives. Est-ce exact?

Mme Nellie Cournoyea: Non. Au départ, lorsque la création du parc Tuktut Nogait a été proposée, il englobait une très vaste superficie, comportant une vaste zone englobée dans la région du Nunavut. C'est là que se trouve le lac Bluenose. Il y a à cet endroit un type de caribou qui s'appelle le caribou Bluenose. Le lac est situé dans la région du Nunavut. Une autre zone était censée faire partie du parc; il s'agit de la région du Sahtu.

Or, ces propositions n'ont pas eu de suite. Rien de concret n'a été fait au sujet de ces régions. C'est seulement au sujet de notre région, dans la zone désignée du règlement, que des mesures concrètes ont été prises.

Mme Sarmite Bulte: D'accord. Cependant, les limites données dans le projet de loi C-38 sont donc les limites sud et est.

Mme Nellie Cournoyea: Oui.

Mme Sarmite Bulte: Vous ne les remettez pas en question. Ils ont fait l'objet d'une entente, n'est-ce pas?

Mme Nellie Cournoyea: Non. Rien n'a été fait à cet égard. Personne n'a consenti à quoi que ce soit.

M. Ruben Green: Permettez-moi de tenir la carte de manière à ce que tous puissent la voir. Ici, nous avons la limite à cet endroit-là. C'est la section Inuvialuit. Voici le territoire dont il était question à l'époque. Et voici la section proposée du Nunavut, et celle du Sahtu. Mais, il manque quelque chose. Et voici celles de l'Inuvialuit, par conséquent...

Je crois que les responsables de la section du Nunavut évaluent présentement leur participation au parc. Je ne sais pas s'ils vont se rallier à nous, mais ils n'ont donné aucune indication jusqu'à maintenant. Il en va de même pour le Sahtu.

Mme Sarmite Bulte: Merci. Voilà qui me satisfait comme explication.

Pour revenir maintenant au relevé aéromagnétique, a-t-il été effectué par la Société minière qui est sur place en ce moment?

M. Ruben Green: Non. D'après ce que j'ai compris, madame, il a été effectué à contrat par Scintrex.

Mme Sarmite Bulte: Est-ce que cela a été fait en leur nom?

M. Ruben Green: Oui.

Mme Sarmite Bulte: Cela a été fait à leur demande. Ce n'est pas une découverte qu'ils ont faite indépendamment de leur côté.

M. Ruben Green: Le nom de la société était Scintrex. Ils ont fait les levés aéromagnétiques. Ils ont commencé en septembre pour terminer vers le mois d'octobre 1997.

Mme Sarmite Bulte: Madame Cournoyea, vous avez dit qu'en changeant la limite à l'ouest comme vous le proposez et en permettant que l'anomalie se retrouve à l'extérieur du parc, votre communauté serait en mesure de «participer à l'activité». Je pense que c'est ce que vous avez dit.

Que voulez-vous dire par «participer»—participer aux profits?

Mme Nellie Cournoyea: Non. À l'heure actuelle, les terres qu'a la société minière sont ce qu'on appelle les terres aux termes de l'alinéa 7(1)a), terres en surface et sous-surface dont nous sommes propriétaires conformément à l'accord final. Pour que quelqu'un y ait accès, il faut qu'il signe un accord de concession sur la façon dont il opérera et sur le genre de possibilités d'emplois ou d'affaires. L'accord pourrait porter sur la propriété, mais c'est surtout sur les possibilités d'emplois et d'affaires qu'il faut s'entendre.

Ce à quoi nous nous attendons, c'est que l'accord de concession porte également sur la zone qui se trouve à l'extérieur du parc pour qu'il s'agisse exactement de la même zone que s'il s'agissait des terres aux termes de l'alinéa 7(1)a).

Mme Sarmite Bulte: C'est donc un accord de concession que vous avez conclu avec la société minière à l'heure actuelle.

Mme Nellie Cournoyea: Oui.

Mme Sarmite Bulte: L'accord de concession ajouterait les autres terres également.

Mme Nellie Cournoyea: Oui.

Mme Sarmite Bulte: La société minière vous a-t-elle proposé un plan, ou avez-vous déjà réglé cette question—au sujet des emplois qui seraient créés, des avantages économiques?

• 1255

Mme Nellie Cournoyea: Non. Ruben peut peut-être vous dire ce que nous faisons à l'heure actuelle et ce que cela représente.

M. Ruben Green: Oui. Avec la société Darnley Bay Resources Limited de Toronto, l'Inuvialuit et le Paulatuk sont en train de mettre sur pied un programme de formation qui devrait commencer vers le 8 juin et se poursuivre pendant quelques semaines.

Ce programme de formation a suscité énormément d'intérêt. Lorsque Parcs Canada est venu chercher des gens pour travailler comme gardiens de parc, seulement quatre personnes se sont montrées intéressées. Lorsque nous avons recueilli des noms pour le programme de formation, nous avions deux feuilles complètes d'hommes et de femmes dans cette section, de sorte que les habitants de Paulatuk ont manifesté un grand intérêt pour ce programme.

Mme Sarmite Bulte: Très bien. Merci. En ce qui a trait à l'accord de concession que vous avez conclu, vous avez expliqué que votre régime de propriété partagée est essentiellement le résultat des paiements de location, n'est-ce pas?

Mme Nellie Cournoyea: Oui.

Mme Sarmite Bulte: Pour les nouvelles terres, est-ce que vous auriez le même type d'accord avec la société minière en ce qui a trait aux paiements de location, si ces nouvelles terres étaient exclues du parc?

Mme Nellie Cournoyea: Je ne crois pas ce serait le cas, car ce ne serait pas sur les terres des Inuvialuit; ce serait sur les terres publiques.

M. Ruben Green: La zone en question se trouve sur des terres publiques. Elle ne se trouve pas sur des terres des Inuvialuit. Nous ne voulons pas élargir nos terres. Non, c'est sur des terres publiques.

Mme Nellie Cournoyea: Nous ne pourrions pas le faire.

Mme Sarmite Bulte: Vous ne pourriez pas conclure une entente avec le... Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Muise, avez-vous une dernière question?

M. Mark Muise: Monsieur le président, étant donné le sentiment qui semble prévaloir à l'heure actuelle, il semble que la question nous pose des problèmes et j'aimerais demander un peu de temps supplémentaire pour examiner cette question, ou proposer une motion à cet effet.

Le président: Monsieur Muise, vous savez que vous ne pouvez pas proposer une motion comme cela. Tout d'abord, vous devez donner un préavis de 24 heures, à moins qu'il y ait consentement unanime des membres du comité.

M. Mark Muise: Eh bien, oui, c'est ce que je demande, monsieur le président.

Le président: Il faudrait aussi un quorum de neuf personnes, ce qui n'est pas le cas actuellement. Je crois que les membres du comité y penseront, et si vous leur donnez un préavis, ils pourront voter là-dessus le moment venu.

Monsieur Binder.

M. Richard Binder: Monsieur le président, lorsque je parlais de régions protégées, j'avais deux cartes qui montraient les régions protégées en vertu de la Convention définitive des Inuvialuit, et j'avais l'intention de vous les donner pour vos dossiers.

Le président: Si vous nous laissez les cartes, je m'assurerai qu'elles seront distribuées à tous les membres du comité, y compris à ceux qui sont absents aujourd'hui.

Y a-t-il d'autres questions? Si non, nous pouvons lever la séance. Oui, madame Cournoyea?

Mme Nellie Cournoyea: Je voudrais juste remercier encore une fois les membres qui sont ici. Je voudrais m'excuser auprès de vous, parce que nous avons été mis dans une situation embarrassante en raison de l'étude accélérée de ce projet de loi. Si nous avions plus de temps, nous pourrions mieux vous expliquer notre message et faire part de nos connaissances à un plus grand nombre de personnes.

Nous savons que les députés autour de cette table ont très peu de temps et beaucoup de travail. Nous vous prions, toutefois, de reconnaître l'importance de ce que nous vous demandons de faire.

Cela nous aiderait aussi, car depuis la signature de l'entente définitive, nous avons fait très peu de travail à Ottawa. Les gens ont changé, et souvent nous nous sentons offusqués ou insultés parce que les gens ne nous connaissent pas, ignorent la revendication, et très souvent les gens font comme si de rien n'était.

Nous avons l'intention de faire davantage pour rehausser l'image des Inuvialuit, surtout au moment de la division, parce qu'à ce moment-là, nous serons les seuls Inuits à rester dans le territoire de l'Ouest. Nous devrons lutter pour maintenir notre identité et lutter fort, parce que nous ne sommes pas aussi nombreux que les autres dans le reste des Territoires du Nord- Ouest.

• 1300

Autrefois, nous travaillions étroitement avec tous les Inuits, mais ils seront dans un autre territoire, alors nous devrons travailler d'arrache-pied, et nous avons bien l'intention de le faire.

Merci.

Le président: Madame Cournoyea, je peux vous assurer que d'après tous les députés de tous les partis auxquels j'ai parlé à la Chambre, il y a énormément de respect pour votre peuple et pour tous les gens du Nord. Nous prenons toutes ces questions au sérieux.

Nous n'avons certainement aucune intention de blesser qui que ce soit, et je ne connais personne, y compris les hommes politiques et les autres personnes oeuvrant à Parcs Canada, qui a cette intention. Les gens ont peut-être des approches différentes à ces questions, et bien sûr, c'est toujours comme ça dans une démocratie. Je peux vous assurer que nous travaillerons en toute conscience pour faire de notre mieux dans l'intérêt collectif de tout le monde.

Merci beaucoup d'être venus, madame Cournoyea, monsieur Green et monsieur Binder. Nous vous remercions de votre présence. Merci beaucoup.

La séance est levée.