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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 11 juin 1998

• 1109

[Traduction]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte cette réunion du Comité permanent du patrimoine canadien. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude de la politique culturelle canadienne.

[Français]

Je déclare ouverte la réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, qui poursuit son étude de la culture canadienne.

• 1110

[Traduction]

Nous avons le grand privilège aujourd'hui d'accueillir d'éminents Canadiens du monde de la culture et des arts. Je tiens particulièrement à souhaiter la bienvenue à Mme Shirley Thomson, qui vient d'être nommée à la tête du Conseil canadien des arts. Je n'ai pas à rappeler la réputation de Mme Thomson, puisque nous la connaissons tous. Elle est un des éminents personnages du monde de la culture et des arts, une chef de file et une pionnière dans ce domaine au Canada, et nous sommes très heureux de l'avoir parmi nous aujourd'hui.

Je tiens aussi à accueillir M. François Colbert, ancien vice-président et conseiller spécial, ainsi que Mme Joanne Morrow, directrice de la division des arts, tous deux au Conseil des arts du Canada.

[Français]

Du Centre national des arts, nous recevons M. John Cripton, directeur et président;

[Traduction]

Mme Jean Thérèse Riley, présidente du conseil d'administration et M. Brian Macdonald, conseiller artistique principal.

Nous allons commencer par entendre les représentants du Conseil des arts du Canada. Pourriez-vous limiter vos présentations à une demi-heure en tout, à vos deux groupes, ou disons à 35 ou 40 minutes au plus, pour que les députés aient le temps de vous poser des questions?

Voulez-vous commencer, Mme Thomson?

Mme Shirley Thomson (directrice, Conseil des arts du Canada): Je vais demander à mon vice-président de commencer. Merci.

[Français]

Le président: Bien sûr. Monsieur Colbert.

M. François Colbert (ancien vice-président et conseiller spécial, Conseil des arts du Canada): Merci, monsieur le président et membres du comité. C'est un grand plaisir pour nous d'être ici avec vous ce matin pour vous dire qui nous sommes et discuter de questions importantes pour le domaine des arts.

Jean-Louis Roux, le nouveau président du conseil, ne peut malheureusement pas être avec nous ce matin et il m'a prié de le remplacer. Je suis accompagné, comme vous l'avez dit, de Mme Thomson, la directrice, et de Mme Morrow, notre directrice de la Division des arts. Nous sommes heureux de partager avec le Centre national des arts cette audience ainsi que la discussion qui suivra nos exposés.

La dernière fois que le Conseil a comparu devant le comité permanent remonte au mois de novembre 1995. Nous sommes donc heureux de faire le point sur tout ce qui s'est passé au conseil depuis.

Nous avons de nombreuses raisons d'être reconnaissants en ce moment. L'an dernier, le conseil a célébré son 40e anniversaire, le conseil ayant été fondé en 1957. Quelques centaines d'entreprises culturelles du Canada ont souligné cet important anniversaire en consacrant une soirée ou un événement au conseil. Le point culminant de cette année mémorable a été une célébration sur la colline du Parlement en mars 1997, célébration à laquelle avaient été conviés plusieurs artistes canadiens distingués, ainsi que le premier vice-président du conseil, le père Georges-Henri Lévesque.

[Traduction]

En octobre 1997, comme promis, le gouvernement a approuvé un fonds supplémentaire de 25 millions de dollars par an sur cinq ans pour le Conseil, à compter de 1997-1998. Cette nouvelle tombe à point nommé étant donné le travail de restructuration et de réduction des effectifs auxquels nous avons dû nous livrer au Conseil, au lendemain de l'examen des programmes de 1995. En effet, nous avons réduit nos coûts administratifs de près de la moitié tout en maintenant nos budgets du programme de subvention.

Nous sommes maintenant en bonne position pour administrer ces nouveaux fonds avec prudence et efficacité et grâce à cela, nous serons davantage en mesure d'aider les artistes et les organisations artistiques après des années d'austérité. Ce nouveau financement sera ressenti dans de nombreuses collectivités, grandes et petites, partout au Canada.

• 1115

La semaine dernière, la ministre du Patrimoine canadien a confirmé une injection de 10 millions de dollars supplémentaires dans le budget du Conseil au cours des trois prochaines années pour produire des oeuvres d'art destinées à marquer le millénaire. Nos artistes enrichiront donc le passage d'un millénaire à l'autre d'une façon qui sera mémorable pour nous tous, jeunes et vieux, car ils laisseront un héritage durable dans nos collectivités, sous la forme de livres, d'oeuvres musicales, de pièces de théâtre, de tableaux, de films et, bien sûr, d'oeuvres sur Internet.

Nous tenons à remercier le gouvernement d'avoir fait preuve de vision et d'avoir tenu compte de la contribution possible des artistes à cette célébration exceptionnelle.

[Français]

Je vais maintenant demander à Mme Thomson de vous parler des questions sur lesquelles vous vous penchez et des nouvelles orientations du conseil.

Mme Shirley Thomson: Merci, François.

[Traduction]

Monsieur le président, merci pour vos aimables propos. Je suis très heureuse de comparaître de nouveau devant votre comité. La dernière fois que nous nous sommes vus, j'étais directrice du Musée des beaux-arts du Canada et je suis très contente de vous revoir aujourd'hui en ma capacité de directrice du Conseil des arts du Canada.

J'ai assumé mes fonctions au début de l'année et je peux vous dire que je me sens privilégiée de travailler avec notre auguste conseil et notre excellent personnel professionnel, et de collaborer avec des organismes frères comme le Centre national des arts.

Comme le professeur Colbert vient juste de le dire, cette nouvelle injection de fonds approuvée par le gouvernement du Canada est effectivement une excellente nouvelle pour le Conseil. Le rôle que le gouvernement fédéral remplit dans la construction de l'infrastructure artistique canadienne est irremplaçable. Tous les Canadiens et toutes les Canadiennes bénéficieront à long terme de cet investissement réalisé dans nos meilleurs créateurs et innovateurs, particuliers comme entreprises.

Dans notre nouvelle société du savoir, les arts sont essentiels au type de raisonnement non linéaire dont le monde des affaires et le monde scientifique ont besoin. Éducateurs et chercheurs nous disent que les enfants qui participent à des activités artistiques tôt dans leur vie développent une intelligence multiforme et sont mieux équipés pour exceller dans d'autres domaines, comme la science et les mathématiques. Peter Simon, président du Conservatoire royal de musique, a déclaré à ce propos: «Pour vraiment cultiver l'alphabétisation et la connaissance du calcul, il faut passer par les arts».

[Français]

À une époque de leur histoire où ils veulent réaffirmer les nombreuses choses qui leur tiennent à coeur, les Canadiens se rendent compte que ce sont des artistes que nous viennent les histoires et les images qui reflètent nos expériences vraiment canadiennes. En respectant et en soutenant la culture canadienne dans toutes les régions et dans tous les territoires, en aidant par exemple le Théâtre populaire d'Acadie à tourner au Nouveau-Brunswick, au Québec et en Ontario, ou en aidant le Musée d'art contemporain de Montréal à présenter les peintures de Molinari à Guelph, Regina, Windsor et Halifax, le conseil aide les Canadiens à se comprendre et établit de solides liens culturels à travers un pays aussi vaste et diversifié que le Canada.

[Traduction]

Le Conseil des arts du Canada assiste les théâtres, les organismes de musique et de danse, les musées publics et les éditeurs de toutes les provinces, sur la base de leur mérite artistique. Toutes ces organisations sont des éléments essentiels dans les collectivités où elles sont installées et elles sont une importante source de fierté à l'échelle locale, à l'échelle régionale et à l'échelle nationale.

Nos compatriotes méritent d'avoir un secteur artistique florissant, qu'il se traduise par l'Opéra de Calgary, l'Orchestre symphonique de Kamloops, l'Orchestre symphonique du Saguenay-Lac St-Jean, la Saskatoon's Mendel Art Gallery ou le Mermaid Theatre en Nouvelle-Écosse.

Le mandat très large confié au Conseil par les visionnaires qui l'ont mis sur pied en 1957 est de promouvoir et de favoriser l'étude, l'appréciation et la production d'oeuvres d'art. Depuis 40 ans, le Conseil n'a pas dévié de sa mission, celle d'appuyer l'excellence où qu'elle se trouve.

À l'heure où nous nous apprêtons à aborder un nouveau millénaire, le Conseil continue de faire face à un même défi: faire en sorte que ses programmes traduisent fidèlement la diversité et la richesse du milieu artistique canadien en pleine évolution; faire en sorte qu'il continue de sanctionner les meilleures oeuvres des artistes canadiens et que le plus grand nombre possible de Canadiens et de Canadiennes puissent en profiter.

• 1120

Pour réaliser cette mission, nous nous appuyons sur les avis experts d'artistes et de professionnels du monde des arts, venant des quatre coins du Canada. Dans le cadre de nos comités nationaux d'évaluation par les pairs, ils évaluent les demandes de subventions et font des recommandations au conseil d'administration.

L'investissement que nous réalisons depuis plus de 40 ans dans nos artistes les plus talentueux et les plus doués nous a rapporté de coquets dividendes. Permettez-moi de vous en citer quelques exemples. Il y a d'abord les brillantes carrières internationales d'auteurs comme Margaret Atwood et Carol Shields—qui vient récemment de remporter la plus haute distinction de la littérature accordée en Grande-Bretagne, le Prix Orange—ou comme Timothy Findley, Rohinton Mistry, Michel Tremblay et Anne Hébert. Tous ces gens ont été aidés dans leurs débuts par les subventions du Conseil des arts du Canada.

On pourrait dire la même chose de la danseuse étoile Karen Kain, du metteur en scène Robert Lepage et de la chorégraphe Marie Chouinard.

Cette année, Atom Egoyan, autre artiste qui a été aidé par le Conseil, a été mis en nomination pour deux prix de l'Académie, pour son film The Sweet Hereafter. L'année dernière, Le patient anglais—basé sur le roman de Michael Ondaajte, écrit grâce à une subvention du Conseil des arts du Canada—, a reçu l'Oscar du meilleur film.

Donc, les programmes du Conseil appuient tout un éventail d'organisations du domaine artistique, comme des troupes de ballet, des orchestres symphoniques et des compagnies d'opéra. Nous avons aussi aidé, au début de leur carrière, des gens comme Loreena McKennitt, Michel Lemieux, Paul Brodie, Edith Butler, the Rankin Family et Rita MacNeil, autant de vedettes très appréciées.

Le Conseil continuera de jeter largement ses filets pour capturer de nouveaux talents. Cet été, une douzaine d'orchestres de jazz se produiront dans toute une série de festivals un peu partout au pays, c'est-à-dire à Victoria, Vancouver, Edmonton, Saskatoon, Winnipeg, Toronto, Québec et Halifax.

Les programmes du Conseil ont permis de répondre aux besoins des artistes, dans leurs débuts. Nos subventions et programmes prennent acte de l'importance croissance des artistes des Premières nations et des artistes ayant un bagage culturel différent. Il y a trois ans, Edward Poitras, de Regina, aidé par le Conseil, est devenu le premier artiste autochtone à se présenter à la fameuse Biennale internationale de Venise où il a été choisi pour représenter le Canada à notre pavillon.

On peut songer également aux prix littéraires du gouverneur général de l'année dernière. Deux des lauréats étaient des auteurs membres des Premières nations: Ian Ross, dramaturge de Winnipeg, et Michel Noël, romancier pour adolescent, de Lévis, au Québec. Rachel Manley, de Toronto, la fille de l'ex-premier ministre jamaïquain Michael Manley, a, elle aussi, rapporté un prix pour la biographie de sa famille. Les Canadiens et les Canadiennes connaissent également des auteurs comme Joy Kogawa, Dionne Brand—autre lauréate du prix de littérature du gouverneur général—ou encore des cinéastes comme Clement Virgo et Deepa Mehta.

[Français]

Une des questions que pose votre comité porte sur les effets de l'évolution démographique sur notre secteur. Ces effets sont profonds et le conseil s'intéresse de très près aux questions de la diversité culturelle. Il a adopté une politique sur l'équité en matière d'emploi et créé le Bureau d'équité et le Secrétariat des Premiers Peuples. Nous examinons avec des comités consultatifs des communautés en cause les questions qui les concernent. La composition de nos comités d'évaluation est maintenant plus diversifiée. Les lignes directrices de nos programmes sont plus souples et plus inclusives, et plus d'artistes de communautés de cultures diverses reçoivent des subventions. Notre but est de rendre nos programmes accessibles aux artistes professionnels de toutes origines et de toutes pratiques artistiques.

[Traduction]

Vous vous interrogez également au sujet des retombées de la technologie dans le secteur culture. C'est un sujet auquel je m'intéresse particulièrement depuis quelque temps déjà. En avril dernier, j'ai fait partie de la délégation canadienne dirigée par la ministre Copps, à Stockholm, à l'occasion de la Conférence internationale de l'UNESCO sur la politique culturelle. J'y ai parlé des technologies de la culture et des nouveaux médias. J'ai insisté sur l'importance du contenu et du rôle des artistes pour nous montrer en quoi ces instruments impressionnants peuvent enrichir nos vies.

Par leur nature même, les arts médiatiques tendent à se situer à la pointe de l'expression contemporaine. Les artistes de ce domaine ne sont pas seulement des créateurs d'oeuvres d'art, ils sont aussi des chefs de file qui nous montrent d'autres façons d'appréhender les applications sociales et culturelles des tous nouveaux médiums de communication.

• 1125

Le Conseil des arts du Canada a été un pionnier dans ce domaine puisque, en 1984, il a mis sur pied une section des arts médiatiques pour aider les artistes dans leurs productions cinématographiques, vidéos, audios et informatiques. L'évolution rapide et soutenue des médiums électroniques est en train de révolutionner la façon dont nous pensons, dont nous créons et dont nous communiquons entre nous. Reconnaissant ce phénomène, le Conseil a fait des arts médiatiques une priorité stratégique méritant une augmentation du financement.

Vous vous demandez aussi quel rôle au juste le gouvernement fédéral devrait remplir dans l'avenir pour appuyer la section culturelle et jusqu'à quel point il faudrait que le Conseil continue de maintenir et de faire s'épanouir les arts, ou du moins ce que nous définissons comme tels au Canada.

Au Conseil, nous entendons sans cesse les artistes, le public et les associations venir nous dire qu'en tant qu'organisme de financement des arts au niveau fédéral, indépendant du gouvernement, nous remplissons un rôle unique et essentiel en proposant une norme nationale sur les plans de la réalisation et de la reconnaissance artistiques. L'appui provincial et local est important, tout comme le financement venant du secteur privé; et le Conseil est d'ailleurs l'un des nombreux partenaires qui veille à la santé et au dynamisme du secteur des arts. Mais c'est le Conseil qui, en tant qu'organisme national, assure la reconnaissance nationale et la promotion de la cohésion sociale et culturelle.

Ici, les Canadiens s'enorgueillissent des réalisations de nos artistes et du fait qu'ils sont de plus en plus nombreux à faire leur marque à l'échelle internationale. De plus, les arts sont l'une de nos cartes de visite les plus efficaces à l'étranger. Le Conseil des arts du Canada continuera de collaborer avec les autres ministères et organismes à la promotion internationale de toutes nos réalisations artistiques. Le défi pour nous tous consiste à entretenir et à renforcer l'excellente base et l'infrastructure dont nous disposons aujourd'hui.

Je vais à présent céder la parole à ma collaboratrice, Joanne Morrow, qui va faire le point sur les nouvelles orientations stratégiques. Sachez que la division des arts est celle qui administre le budget de subvention du Conseil, un budget de près de 98 millions de dollars. Nous recevons chaque année quelque 15 000 demandes détaillées de toutes les parties du Canada et nous accordons près de 4 000 subventions. C'est un travail gigantesque.

Joanne, voulez-vous nous parler un peu de nos nouvelles orientations.

[Français]

Mme Joanne Morrow (directrice de la Division des arts, Conseil des arts du Canada): Merci, madame Thomson. Monsieur le président, messieurs et mesdames les membres du comité, j'ai le plaisir de venir vous mettre au courant des nouvelles orientations stratégiques du conseil, orientations dont l'élaboration a en grande partie été rendue possible par les nouveaux fonds que le gouvernement a débloqués pour les arts.

Notre plan stratégique de 1995 a recentré les énergies du conseil sur trois secteurs prioritaires: la création et la production d'oeuvres d'art, la distribution et la diffusion des arts.

Après avoir examiné nos secteurs prioritaires, le conseil et le personnel ont convenu que le maillon sous-développé de cette chaîne était la diffusion. Nous prenons le terme «diffusion» en un sens large et y incluons toutes les activités créatrices de liens entre les oeuvres des artistes et leur public: tournées des arts d'interprétation, expositions d'arts visuels et médiatiques, promotion de livres et de périodiques, tournées d'auteurs et traduction de livres canadiens d'une langue officielle dans l'autre.

[Traduction]

Ainsi, nous avons fait de la diffusion la grande priorité et avons redistribué les fonds à l'interne à ces fins, avant même d'en avoir reçu de nouveaux. Les nouveaux fonds permettront au Conseil de renforcer cette activité pour qu'encore plus de Canadiens et de Canadiennes aient la possibilité de voir les oeuvres qu'ils financent par le biais des impôts. Si l'on combine les fonds initiaux et les nouveaux fonds, le budget consacré à la diffusion des arts et aux tournées sera supérieur à 17 millions de dollars, ce qui représente une augmentation de 65 p. 100 par rapport à 1995.

Notre association avec le Centre national des arts, qui a permis, l'année dernière, de faire passer en résidence au CNA le groupe de percussion NEXUS, illustre notre intention de renforcer les liens entre les artistes et les auditoires.

• 1130

Nous encourageons la création et la production d'un nombre croissant d'oeuvres canadiennes réalisées par des artistes et des organisations artistiques de chez nous. Nous avons établi des critères et adopté des mesures d'incitation pour les encourager à s'engager davantage envers la création canadienne. Il en a résulté plusieurs excellentes initiatives, comme le nouvel opéra multimédia Elsewhereless, écrit et mis en scène par le cinéaste Atom Egoyan et composé par le compositeur canadien Rodney Sharman. Cette oeuvre a été produite par le Tapestry Music Theatre de Toronto et la New Music Society de Vancouver, et elle sera donnée au festival du Centre national des arts cet été.

[Français]

En recevant les nouveaux fonds, une de nos premières priorités a été de renforcer nos programmes de base d'aide aux artistes et aux organismes artistiques. Les groupes en place luttaient pour survivre et, faute de fonds, le Conseil ne pouvait venir en aide aux nouveaux artistes talentueux. Nous avons affecté 12,3 millions de dollars des nouveaux fonds à nos programmes de base.

Un nouveau programme d'aide au fonctionnement sera établi pour les musées et les galeries d'art à but non lucratif afin de combler le sérieux manque de financement dans ce secteur. Les nouveaux fonds permettent aussi au conseil de fournir 7 millions de dollars ciblés à divers secteurs clés stratégiques, qui sont premièrement les jeunes publics. Désirant que les arts fassent davantage partie de la qualité de vie des Canadiens, le conseil cherchera à répondre aux besoins des jeunes publics. Nous investissons des fonds stratégiquement dans toutes les disciplines créatives afin de soutenir la création de nouvelles oeuvres pour jeunes publics, par exemple un opéra pour jeune public de la compositrice québécoise Isabelle Panneton sur un texte de l'écrivaine Anne Hébert.

[Traduction]

L'art des Premières nations est la deuxième grande orientation stratégique dans nos dépenses. La formidable contribution des artistes des Premières nations, qu'ils travaillant dans les formes traditionnelles ou dans les formes contemporaines, est grandement appréciée de par le monde. Les fonds supplémentaires nous ont permis jusqu'ici d'octroyer d'autres subventions à des compagnies comme le Théâtre Ondinnok, troupe théâtrale autochtone francophone de Montréal, et d'accorder un premier soutien à un nouveau groupe Inuit appelé Kicking Caribou Theatre Company, situé à Arctic Bay, dans les Territoires du Nord-Ouest. En outre, nous sommes en train de mettre sur pied un nouveau programme destiné à aider les initiatives artistiques des Premières nations à la radio, comme les contes et drames traditionnels créés pour la radio.

Notre troisième orientation est celle de la diversité culturelle. Les fonds supplémentaires que nous venons de percevoir nous permettrons d'aider les artistes d'origines culturelles diverses, partout au Canada, à avoir un meilleur accès aux programmes offerts par le Conseil des arts du Canada. Une initiative de diffusion externe unique, baptisée Quest, est essentiellement ciblée sur la génération des artistes de moins de 30 ans et sur les nouvelles pratiques artistiques.

La quatrième orientation est celle des initiatives internationales. La fonction artistique est, par nature, internationale. Nous avons perçu la nécessité de promouvoir les organisations et les artistes canadiens à l'échelle internationale. Ainsi, nous comptons lancer des initiatives qui s'inscriront en complément du programme culturel du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, surtout en ce qui concerne les projets axés sur les artistes, à petite échelle, les échanges artistiques, les résidences, les coproductions entre le Canada et d'autres pays ou des festivals à l'étranger et ainsi de suite. Nous encouragerons la réciprocité et l'échange entre les artistes canadiens et leurs homologues renommés dans d'autres pays.

L'orientation suivante est celle des festivals d'art, c'est-à-dire les festivals de musique, de danse, de théâtre, de cinéma interdisciplinaire et ainsi de suite. Les festivals sont de puissants véhicules pour amener l'art au public. De plus, ils permettent d'intéressantes retombées économiques sur le plan de l'emploi et sur celui du tourisme. Notre financement prévu pour les festivals d'art viendra en complément du programme des festivals établi par le ministère du Patrimoine canadien.

[Français]

Cela vous donne un bref aperçu de nos nouvelles directions. Nous croyons que la portée et l'effet de l'investissement du gouvernement fédéral dans les programmes du conseil ont été considérablement accrus par les nouveaux fonds. Un plus grand nombre de Canadiens de toutes les parties du pays pourront grâce à cela participer à la vie artistique et apprécier les arts. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, madame Morrow.

• 1135

Madame Riley, je vous en prie.

[Français]

Mme Jean Thérèse Riley (présidente du conseil d'administration, Centre national des arts): Monsieur le président, membres du comité, distingués invités, mesdames et messieurs, j'aimerais commencer par présenter l'équipe du CNA qui est avec nous aujourd'hui:

[Traduction]

Christopher Deacon, directeur général de l'Orchestre du Centre national des arts; Marti Maraden, conseiller pour le théâtre anglais et metteur en scène de A Man for All Seasons, qui a fait l'ouverture à Stratford la semaine dernière et qui sera présenté au CNA en novembre;

[Français]

Jean-Claude Marcus, conseiller artistique pour le théâtre français; et Michel Dozois, producteur, danse et variétés, dont le département organise présentement le Festival Danse Canada. On vous invite constamment, et j'espère que vous faites attention. Je sais que vous êtes très occupés et que vous travaillez très fort, mais je veux que vous nous connaissiez et que vous vous sentiez les bienvenus chez nous. Enfin, il y a Denise Perrier, qui est vice-présidente de la stratégie et des communications;

[Traduction]

et Brian Macdonald ainsi que John Cripton, que vous connaissez tous j'espère, et que nous ferons venir tout à l'heure.

[Français]

Vous nous invitez à jeter un regard critique sur la politique culturelle canadienne et nous vous en remercions. Nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de féliciter le gouvernement pour les grandes initiatives d'il y a 40 ans: la création du Conseil des arts, suivie à peu près 10 ans plus tard de la création du Centre national des arts et ensuite, l'an dernier, un nouvel investissement dans le Conseil des arts.

[Traduction]

Ces engagements du gouvernement fédéral sont d'extraordinaires histoires à succès. Nous sommes en train de connaître l'âge d'or des arts au Canada. Artistes, interprètes, musiciens, créateurs et auteurs sont encouragés à développer leurs talents et, ensemble, ils forment un bassin de talents qui a enrichi la vie de chaque Canadien et de chaque Canadienne.

Pendant toutes ces années, les gouvernements ont également investi dans la construction de théâtres, de salles de concert et de musées. Le Centre national des arts nous invite à développer les arts de la scène dans une initiative extrêmement fertile et stimulante.

Aujourd'hui, le secteur culturel est le cinquième plus gros employeur au Canada. Les artistes canadiens sont consacrés partout, et cette fierté fait chaud au coeur. Il suffit de citer les noms de nos réalisations artistiques pour que nous nous sentions tous fiers, emballés. Il y a 40 ans, le Canada était un pays bien différent, beaucoup moins riche.

L'une des grandes questions qui se pose à votre comité est notamment de savoir ce qui va venir ensuite. Comment consolider l'édifice de ces réussites? Par ailleurs, à l'heure où s'exercent des pressions considérables sur le gouvernement en vue de réduire le fardeau fiscal et les activités gouvernementales dans de nombreux secteurs, il faut se demander comment le gouvernement fédéral va pouvoir continuer à financer les arts.

• 1140

Nous estimons que toute réduction par rapport au niveau actuel d'investissement et d'engagement serait un manque de prévoyance désastreuse, et pour plusieurs raisons. Après avoir favorisé le panier de talents artistiques canadiens et construit les installations nécessaires, il serait peut-être sage d'investir davantage au niveau des programmes, d'en augmenter le nombre, de créer des débouchés et d'offrir des programmes de plus grande qualité encore.

[Français]

Il me semble absolument tragique qu'un grand nombre de nos artistes sont mieux connus à l'étranger qu'ils ne le sont dans notre pays. Il y a deux soirs, le mardi 9 juin, au Festival Danse Canada, il y avait une présentation de la compagnie montréalaise de Ginette Laurin, O Vertigo Danse. C'était la première canadienne d'une danse merveilleuse qui avait été interprétée en Allemagne et ailleurs en Europe. Les artistes canadiens participent à des tournées internationales et on lit dans les journaux qu'ils sont partout, mais ils ne sont pas aussi bien connus dans notre pays.

[Traduction]

Pourquoi tant d'artistes canadiens, dès qu'ils ont du succès, déménagent-ils à New York, à Londres ou à Paris? Notre société investit dans ces artistes et les utilise comme ambassadeurs—vous avez d'ailleurs déjà parlé—,et je crois que c'est là un engagement très important. Cependant, pourquoi n'irions-nous pas un peu plus loin pour reconnaître à quel point il est important de leur accorder plus d'attention au Canada?

Les arts nous confèrent une identité et donnent une voix à notre vécu culturel commun. Le Canada que je chantais dans notre hymne national quand j'étais enfant n'existe plus. Le Canada est devenu une société riche, diversifiée, pluraliste et je crois que les arts sont très importants pour donner aux gens l'impression qu'ils appartiennent à la collectivité que nous appelons le Canada.

Les Canadiens n'assurent plus la souveraineté par le biais de moyens militaires ou de barrières commerciales. La souveraineté et l'identité nationale sont devenues des réalités psychologiques nourries par une vie culturelle dynamique.

Le Centre national des arts exhorte le gouvernement à s'engager à protéger et à couver la vie culturelle canadienne. Qui dit protéger et couver dit reconnaître explicitement la valeur des entreprises culturelles canadiennes et veiller à ce que celles-ci aient directement accès aux moyens financiers qui leur permettront de continuer à concurrencer les meilleures.

Peu importe la formule retenue pour assurer un soutien financier à ce secteur, vous ne devrez pas couper les subventions gouvernementales sauf si vous facilitez les dons en consentant des abattements fiscaux plus importants.

Ne vous attendez surtout pas à ce que des prix plus élevés au guichet rapportent des recettes plus élevées. Les Canadiens et les Canadiennes regardent de près leur revenu disponible après impôt.

Ne permettez pas l'affaiblissement du secteur culturel, car il provoquerait un affaiblissement de tout le pays.

Le Canada a besoin de héros, d'étoiles. Nous devons provoquer l'engouement pour nos artistes talentueux, pour en faire des étoiles. La fin des années 90 est dominée par l'omniprésente machine de divertissement américaine.

[Français]

C'est «l'empire américain», pour citer Denys Arcand. Il nous faut absolument répondre à ce défi en parlant fort avec la voix de nos artistes, qui sont les prophètes de notre société.

[Traduction]

L'heure n'est pas à la modestie, le moment n'est pas venu de laisser jouer les forces du marché et d'espérer pour le mieux. Il est temps d'optimiser les retombées de nos réalisations, pas uniquement de les consolider de façon intelligente mais de faire face à la concurrence que viennent nous faire, ici chez nous, les meilleurs du monde.

Au CNA, nous avons énoncé nos objectifs stratégiques: transformer le Centre dans l'une des plus grandes scènes internationales où Canadiens et Canadiennes pourront venir apprécier ce qu'il y a de mieux au Canada et dans le monde, ici même, dans leur capitale nationale.

[Français]

J'ai maintenant le plaisir de vous présenter Brian Macdonald,

[Traduction]

qui est, comme vous le savez j'espère, metteur en scène, chorégraphe, danseur, patriote et qui est intimement convaincu de l'importance des arts d'interprétation.

M. Brian Macdonald (conseiller artistique principal, Centre national des arts): Merci, madame Riley.

Le président: Il n'est pas nécessaire de vous présenter

[Français]

M. Brian Macdonald: Pourquoi suis-je ici aujourd'hui? Peut-être puis-je l'expliquer très brièvement.

• 1145

[Traduction]

J'ai passé toute ma vie dans les arts. Je suis artiste au plein sens du terme. J'ai d'abord été journaliste avant de devenir l'un des premiers danseurs du Ballet national, puis j'ai été acteur, chorégraphe de renommée internationale, metteur en scène de comédies musicales, directeur artistique au Royal Swedish Ballet, à la Bat Sheva Company en Israël, aux Grands Ballets Canadiens à Montréal et, enfin, directeur adjoint au Festival de Stratford et au Centre Banff. Donc, vous voyez que les arts sont ma passion, ma vie.

Madame Thomson, vous serez peut-être intéressée d'apprendre que j'ai été lauréat d'une bourse de niveau supérieur, qui a véritablement lancé ma carrière: j'ai touché 5 000 $ du Conseil des arts du Canada au début des années 60, 5 000 $ qui ont changé ma vie.

Je suis intimement convaincu que les arts ont façonné toute ma vie et qu'ils m'ont apporté, comme à de nombreux Canadiens et de nombreuses Canadiennes, enrichissement, joie et des retombées plus profondes au sens moral.

Comme nous le savons, le premier réflexe d'une société fasciste est d'abroger le bon droit, de museler les juges puis d'assassiner les poètes. Une société alphabétisée, multiculturelle comme la nôtre, au contraire, exalte et protège l'appareil judiciaire et soutient l'esprit créatif de ses artistes. Ces deux éléments sont les points d'ancrage de notre société auxquels raccrocher nos valeurs nationales et morales.

Je suis venu ici parce que je crois dans le CNA. Il est un creuset pour la créativité qui caractérise notre extraordinaire pays. Dans cet édifice, nous produisons et présentons des oeuvres d'art et des spectacles, des expositions, des symposiums, ainsi que des programmes de vulgarisation pour les jeunes. Nous entretenons un grand orchestre symphonique, accueillons toute une multitude de troupes de danse, mettons en scène des pièces de théâtre—nouvelles et anciennes, en coproduction un peu partout au pays—et nous offrons des ateliers pour les nouveaux dramaturges... et tout dans les deux langues officielles.

Durant toutes mes années passées au Canada, en Europe et aux États-Unis, je n'ai jamais vu d'institution comparable, sauf peut-être le Centre Kennedy dans une autre capitale: Washington. Le CNA est unique et, sous la gouverne de Jean Thérèse Riley et de John Cripton, il est en train de connaître un renouveau qui ne peut qu'être bénéfique pour le Canada, pour ses artistes et donc pour les plus grandes aspirations du peuple canadien—qui, soit dit en passant constitue aussi votre électorat.

Voilà tout simplement pourquoi je suis venu ici: pour apporter mon appui aux recommandations qui vont vous être présentées. À la fin d'une carrière assez longue, c'est à cela que je peux sans doute contribuer le plus.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Macdonald.

Mme Jean Thérèse Riley: Je pensais que Brian allait présenter John. De toute façon, John n'a pas besoin de présentation. Vous le connaissez tous. Vous savez quelle transformation il y a eu sous sa gouverne. Vous connaissez son énergie et sa créativité. John.

Le président: Je ne pense pas qu'aucun de vous ait besoin de présentation.

[Français]

M. John Cripton (directeur et président, Centre national des arts): Monsieur le président et membres du comité, je suis très heureux d'être ici aujourd'hui afin de participer à la discussion avec mes collègues du Centre national des arts et du Conseil des arts du Canada devant cette assemblée importante.

[Traduction]

Puisqu'il ne nous reste pas beaucoup de temps pour cette présentation, je vais essayer de me concentrer sur les quatre grandes questions que nous jugeons assez importantes pour les soumettre à votre comité.

Je suis certain que le comité a déjà été saisi de ces questions, mais nous voulons tout de même vous les présenter parce que nous estimons qu'elles représentent les volets où le CNA peut jouer un rôle stratégique.

Le mandat du CNA est d'exploiter et d'entretenir un centre culturel ici, à Ottawa, de favoriser les arts de la scène dans la région de la capitale nationale et d'aider le Conseil des arts du Canada à travailler à l'essor des arts de la scène à l'échelle du pays.

Pendant l'année en cours, le Centre national des arts aura produit, coproduit et présenté plus de 600 oeuvres musicales contemporaines et classiques, concerts de musique de chambre, concerts rocks, pop et country, concerts de musique de jazz et de blues, pièces de théâtre en français et en anglais, comédies, ballets, danses modernes, opéras et oratorios, et il aura accueilli des conférences, des exposés, des symposiums, des cérémonies de collation des promotions, des mariages et même des bar-mitsva.

D'après tous les rapports que nous recevons, il semble que nous soyons enfin sur la bonne voie. Grâce à la grande connaissance et à la vaste expérience combinées de notre personnel, nous avons pu cerner les domaines des arts de la scène auxquels nous devions apporter une plus grande attention. Nous sommes déjà en train de régler les choses dans certains de ces domaines. Nous avons les idées et la compétence voulues, mais nous manquons de ressources financières.

D'abord et avant tout, il y a le problème des jeunes—et d'autres sont venus vous en parler aujourd'hui. Il nous faut couver les jeunes artistes et exposer les autres aux arts, pour toutes les raisons que nous avons décrites dans notre mémoire complet déposé à l'occasion de cette présentation.

• 1150

Toute politique culturelle fédérale devrait comporter l'engagement de nourrir, de préserver et d'améliorer ceux et celles qui seront les musiciens, les acteurs, les danseurs, les écrivains et même les politiciens de demain.

Le rôle du CNA est d'exposer le plus grand nombre de jeunes aux arts de la scène grâce à des programmes spéciaux dans toutes les disciplines et à des prix d'entrée réduits; nous devons perfectionner les jeunes chefs d'orchestre canadiens grâce à des programmes d'internat et de tutorat, en ayant recours pour cela aux meilleurs orchestres du pays; nous devons donner des classes de maîtrise aux musiciens doués, par le biais de programmes de résidence et en ayant recours aux technologies de téléconférence, actuelles et émergentes;

[Français]

pour développer les talents en théâtre et donner des présentations aux jeunes auditoires dans les communautés minoritaires à travers le pays

[Traduction]

également pour exploiter les possibilités d'apprentissage et de perfectionnement pour les diplômés de notre école nationale de théâtre et des autres institutions d'enseignement.

Notre deuxième grand thème est celui de la création d'un fonds d'investissement dans les arts de la scène. Ce fonds permettra aux auditoires canadiens d'apprécier des spectacles valant tous les Misérables, les Fantôme de l'opéra, les Cats et autres spectacles du style La Belle et la Bête qui ont tendance à monopoliser le théâtre musical canadien. Ce fonds donnera des occasions aux compositeurs, dramaturges, chorégraphes, acteurs, musiciens et chanteurs canadiens qui pourront ainsi raconter des histoires canadiennes.

Le CNA est en train de préparer son plan stratégique pour investir dans des projets d'art de la scène, un peu comme cela a été fait pour le Fonds canadien de développement du film et de la télévision. Tout comme ce fonds, le Fonds d'investissement des arts de la scène fournira des ressources suffisantes pour les étapes de recherche et de développement des nouvelles productions musicales et théâtrales canadiennes.

Il sera question de conclure des partenariats et des engagements privés pour des présentations, dès le début d'un projet, et le fonds nourrira ensuite la partie de l'écosystème culturel exigeant des investissements immédiats pour réussir dans le monde de la scène. Le fonds sera conçu pour financer des projets, pendant toute la période difficile, de la conception à la première, en passant par les ateliers de création.

Le Fonds d'investissement dans les arts de la scène serait administré par le Centre national des arts, par un conseil d'administration spécial composé de représentants du CNA, d'autres grandes institutions d'arts de la scène, de producteurs comme le Centre de la confédération, de certains de nos théâtres régionaux, de producteurs privés et d'autres spécialistes du domaine du théâtre commercial, en liaison avec le Conseil des arts du Canada.

On estime à 50 millions de dollars sur cinq ans le financement public pour cette proposition, soit 10 millions par an. Cela ne représente que 5 p. 100 du budget du Fonds canadien de la télévision et du câble, qui est de 200 millions de dollars.

L'un des premiers objectifs de la politique culturelle canadienne doit être de favoriser l'accès du public aux oeuvres artistiques canadiennes par le truchement d'un soutien financier accru des tournées nationales et de la radio-télédiffusion des spectacles. Cela constitue le troisième volet de notre intervention.

Le rôle du CNA est de collaborer avec le Conseil national des arts afin d'accroître la présence des artistes canadiens à l'échelle du pays. Notre rôle consiste également, par le truchement de nos radio-télédiffuseurs nationaux, c'est-à-dire la CBC et la SRC ainsi que les radio-télédiffuseurs privés, à établir le Centre national des arts en tant qu'important fournisseur de contenu. Notre rôle consiste également à étendre et à élargir nos coproductions avec d'autres artistes de la scène et compagnies artistiques au pays, pour qu'ils puissent mieux parvenir à amortir leurs frais de production, et aussi à permettre aux organisations et aux artistes de mettre sur pied des productions communes, qu'ils ne pourraient pas réaliser individuellement, faute de moyens.

De plus, la politique culturelle fédérale doit prendre en compte le rôle des nouvelles technologies en tant qu'instruments de base pour communiquer l'expression artistique. La technologie, notre dernier volet pour aujourd'hui, doit prendre sa place logique dans le spectre de la créativité. Ce qu'il y a de plus important, c'est l'appui, le soutien et les occasions que nous pouvons apporter aux artistes. Le Centre national des arts utilise et a l'intention d'explorer toutes les nouvelles facettes des technologies nouvelles, mais nous ne perdons pas de vue la nécessité de préserver et de développer l'infrastructure artistique: les artistes et leurs créations, qui fournissent la raison d'être, le contenu et l'énergie créative des émissions de radio et de télévision, des enregistrements, des projections, des pages Internet et de la production sonore numérisée.

• 1155

Pendant la Seconde guerre mondiale, quand on demandait pourquoi il n'avait pas réduit les subventions versées aux arts au profit de l'effort de guerre, Winston Churchill a répliqué: «Mais alors, pour quoi nous serions-nous battus?».

Merci de votre intérêt et de votre attention.

[Français]

Merci de votre intérêt et de votre attention.

[Traduction]

Le président: Quand nous avons débuté cette séance, j'ai dit que je voulais vous entendre pendant environ 40 minutes pour que vous laissiez suffisamment de temps aux députés afin de poser leurs questions, mais quand on entend un message tellement clair et tellement bien formulé, je pense que le temps n'a plus vraiment d'importance.

Nous avons trouvé très encourageant ce que vous venez de dire, très stimulant et extrêmement intéressant. Je regrette qu'il n'y ait pas plus de membres du comité ici, aujourd'hui. Malheureusement, nous sommes répartis entre plusieurs comités et certains ont dû se rendre voter dans d'autres comités. Je sais que deux de nos membres sont tout particulièrement intéressés dans les arts et qu'ils auraient aimé être présents ici aujourd'hui, mais ils sont retenus par les travaux d'un autre comité. Ils espèrent se joindre à nous avant la fin de cette séance.

En attendant, je suis très heureux de lancer la période des questions.

Madame Tremblay.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Merci de vos présentations. Effectivement, ce sont des messages extrêmement intéressants. On entend de la bouche d'une grande responsable fédérale que l'art est lié à notre identité et à notre souveraineté. Vous pouvez être certaine que vous avez devant vous une personne qui comprend exactement ce que vous voulez dire.

Mme Jean Thérèse Riley: Surtout si c'est dit en anglais.

Mme Suzanne Tremblay: Oui, surtout en anglais. Ça se comprend dans toutes les langues. Bien que ce soit très bien exprimé, on ne peut pas faire les autruches; nous devons avouer que nous avons là un problème majeur au Canada. À partir du moment où la culture québécoise n'est pas reconnue comme telle et qu'il faut absolument—je ne voudrais pas utiliser une expression trop forte à laquelle on pourrait donner un sens que je ne veux pas lui donner—un brain wash canadien, on est en quelque sorte dans une impasse. On a beau avoir un objectif de diversité, on sait très bien qu'à partir du moment où le peuple québécois a de la difficulté à sentir qu'il a sa place et sa culture, son identité est un peu rejetée et on se retrouve devant des difficultés. Comment voyez-vous cela, vous qui êtes si consciente de l'importance de l'identité et de la souveraineté dans le domaine des arts? Comment comprenez-vous le problème qu'on vit?

Mme Jean Thérèse Riley: Il est certain qu'en employant les mots que j'ai employés, je me rendais compte de l'impact qu'ils auraient et de la question qui allait venir. J'osais employer ces mots premièrement parce que j'y crois, et deuxièmement parce que quelques jours après le référendum de l'automne 1995, nous avons présenté au CNA une production de Cyrano en coproduction avec le Théâtre du nouveau monde, je crois. C'était moins de 48 heures après le résultat du référendum qui causé tellement d'émotion à tout le monde. Comme toujours, on avait invité des gens et des personnalités du gouvernement fédéral à venir rencontrer les artistes. Des politiciens, des juges, etc. sont venus, et je me demandais ce que cela allait donner, étant donné que tout le monde était sur le qui-vive. Quelle sera l'atmosphère? Edmond Rostand a parlé plus fort que tout le monde; c'est-à-dire que Cyrano est venu nous chercher. Mauril, je pense que tu étais là. On a eu un party extraordinaire. Les comédiens, qui avaient probablement voté avec des inquiétudes du genre de celles que vous avez exprimées, sont venus nous trouver et nous ont remerciés. Ils nous ont dit: «Continuez à faire ce que vous faites. Le CNA, c'est tellement important. Le théâtre, c'est tellement important.»

• 1200

On voyait concrètement que les malentendus qu'on a au niveau politique, ce sont des arrangements politiques. D'après moi, ce sont des mécanismes qui ne fonctionnent pas aussi bien qu'ils le devraient. Mais au-delà de cela, quand on se rencontre, surtout dans le domaine de la culture, on se comprend et on s'offre tout le respect qu'on devrait s'offrir et qu'on se doit.

Une voix: Je ne sais pas si Mme Tremblay est prête à vous entendre.

Mme Suzanne Tremblay: Non, pas forcément. Je suis prête à entendre ce que madame a à dire. Je suis même capable de lui dire que le «Ô Canada» que je chantais quand j'étais jeune, c'était celui de 1534 et non pas celui de 1867. C'est aussi un hiatus qui nous sépare d'une certaine façon. Le «Ô Canada» de ma jeunesse, je le chantais tous les vendredis après-midi, mais j'ai beaucoup de difficulté à chanter celui du mercredi après-midi parce que les choses ont changé depuis.

Une voix:

[Note de la rédaction: Inaudible].

Mme Suzanne Tremblay: Il y a une chose qui me frappe, et je voudrais comprendre pourquoi cela arrive tout d'un coup. Il me semble que vous existez depuis 40 ou 50 ans et qu'il y a toujours eu de la place...

Le président: Madame Tremblay, vous parlez du Conseil des arts maintenant?

Mme Suzanne Tremblay: Des deux, puisque je pense que cela s'applique aux deux et que c'est quelque chose qu'on peut voir venir. Tout d'un coup, vous voulez donner la priorité aux jeunes publics et aux jeunes artistes. C'est comme si vous aviez à nous confesser que pendant un certain temps, vous les avez mis de côté. En raison d'un manque de ressources, vous aviez lancé certains artistes et certaines troupes de théâtre, mais vous n'étiez plus capables d'en appuyer autant. Vous avez donc été obligés de continuer à les voir grandir et vieillir, mais vous ne vous êtes pas assez occupés de la relève et vous voudriez maintenant faire un virage de ce côté-là. Est-ce que je fais une mauvaise lecture de ce que vous nous dites?

Mme Shirley Thomson: Non, je ne le crois pas. J'aimerais demander à mon vice-président, qui s'occupe surtout de cette question des jeunes, de répondre. François.

M. François Colbert: Je suis professeur à l'École des hautes études commerciales. Je suis le titulaire de la chaire de gestion des arts et professeur de marketing. Je travaille dans le domaine des arts depuis 25 ans. Toutes les études ont démontré que c'est par la jeunesse que les gens trouvent l'intérêt pour les arts.

Le Conseil des arts a toujours eu des programmes pour les jeunes, et je suis l'un de ceux qui, quand les nouveaux fonds ont été accordés, ont dit qu'il fallait peut-être continuer dans ce sens-là. Effectivement, au moment où tout a explosé, on a arrêté certaines choses. Par exemple, le Québec est reconnu pour son théâtre pour enfants partout dans le monde. Il y a des artistes qui poussent, et il ne faut pas oublier toute cette éducation à la culture. En termes d'orientation stratégique, si on reçoit une nouvelle somme de 25 millions de dollars, il ne faut pas la consacrer entièrement aux arts qui s'adressent aux adultes. Il ne faut pas oublier les jeunes.

Par exemple, dans le domaine du théâtre pour enfants, le foisonnement des compagnies s'est produit au cours des années 1970. J'y étais et j'ai vu énormément d'artistes s'y intéresser tout à coup, cela grâce à toutes sortes d'initiatives qui ont permis aux artistes de créer des compagnies et des oeuvres, ce qui ne se faisait pas auparavant. Je pense qu'il faut continuer dans ce sens-là et je dirais même que dans certaines de nos disciplines, on s'aperçoit qu'on investit peut-être notre rare argent dans des secteurs pour adultes et qu'on n'y investit peut-être pas assez. Je pense notamment à la danse contemporaine. Je pense personnellement qu'il y a un effort à faire de ce côté-là. Donc, c'était bien plus pour être sûrs qu'on ne l'oublie pas.

[Traduction]

M. John Cripton: Si vous me permettez d'intervenir, je dirais que nous ne favorisons pas une exposition raisonnable aux arts dans le système scolaire canadien. Les écoles n'ont pas d'argent pour cela et elles ne s'en préoccupent pas.

L'exposition aux arts dans les établissements culturels canadiens est minime, à cause de décisions financières qu'ont dû prendre la plupart des compagnies et des artistes.

• 1205

Bien que nous ayons, au Canada, tout un éventail d'artistes spécialisés dans les auditoires de jeunes, cela ne suffit pas. Pour réussir, nous devons élaborer un plan directeur qui nous permettra d'aider, d'encourager et d'offrir plus de possibilités aux jeunes, non seulement pris en tant qu'auditoires devant être exposés aux arts, mais plus surtout pris en tant que créateurs d'oeuvres d'art eux-mêmes.

Toutes les études que nous avons vues récemment—je crois qu'il en a été question plus tôt—sont très claires: nous ne pouvons pas nous permettre de cloisonner les gens, et c'est exactement ce que nous tentons d'éviter. Nous estimons que les créateurs peuvent aller dans plusieurs directions à la fois et que cela est intéressant non seulement pour eux mais pour la société dans son ensemble.

[Français]

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Monsieur Muise.

M. Mark Muise (West Nova, PC): J'enchaînerai après mon collègue de la Nouvelle-Écosse.

Le président: Allez-y, monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Merci, monsieur le président et encore une fois merci aux membres du comité.

Je suis séduit par votre passion en général et surtout par votre passion pour les arts... C'est tout simplement merveilleux et cela montre à quel point vous avez raison. Quand mes parents ont immigré au Canada, ils estimaient que ce pays allait nous permettre de nous épanouir, qu'il suffisait de planter une graine et qu'elle pousserait d'elle-même.

Bien sûr, l'explosion de la culture n'émane pas uniquement de la Nouvelle-Écosse mais de tout le Canada atlantique. Prenez la série télévisée Anne aux pignons verts, par exemple. Elle a remporté beaucoup de succès ici, mais aussi auprès des touristes japonais...

M. John Cripton: Il y les prix musicaux.

M. Peter Stoffer: C'est cela, il y a aussi les prix musicaux.

Eh bien, quand on fréquente l'aéroport de Charlottetown, on voit un énorme panneau en Japonais. Les Japonais viennent ici par avions complets pour faire une première expérience ou revisiter un élément de l'histoire canadienne, qui n'est pourtant vieille que de 100 ans.

À Halifax, nous venons juste de rénover le Théâtre Neptune. C'est un théâtre fantastique, pas seulement pour les artistes de la Nouvelle-Écosse, mais pour tous les artistes canadiens.

Au fait, je dois vous transmettre les salutations d'Alexa McDonough, notre leader, ainsi que de Wendy Lill, notre porte-parole en matière de culture. Wendy a dû se faire excuser aujourd'hui, non pas parce qu'elle participe à un autre comité, mais parce que son fils, qui est handicapé, joue dans une pièce et qu'elle ne voulait pas rater cela. Comme vous le savez, elle a elle-même écrit quelques pièces et je sais qu'elle n'aurait certainement pas voulu manquer ce spectacle. Comme elle est une maman, elle a estimé que son devoir se situait ailleurs aujourd'hui. Elle m'a demandé de vous transmettre ses salutations et de vous poser deux ou trois questions.

Je suis surpris de ne pas voir parmi nous Rick Mercer de This Hour Has 22 Minutes. Il aurait pu s'inspirer de tout cela pour son émission.

Outre le financement, madame, quel est, selon vous, le plus grave problème réel ou perçu, auquel et confronté le Conseil et le Canadien ou la Canadienne de la rue?

Mme Shirley Thomson: Je suis heureuse que vous me posiez cette question et je crois d'ailleurs que mon collègue, John Cripton, a déjà parlé d'un des problèmes qui préoccupe nos deux organismes: le retrait de l'enseignement officiel des arts du système scolaire, ce qui revient à dire que nous nous privons d'un futur public sensibilisé et en prise avec les arts.

Certes, comme nous sommes tout à fait conscients de l'importance de toutes les formes d'art en tant que loisirs, en tant que disciplines intelligentes, en tant que supports susceptibles de répondre à toutes sortes de questions graves sur la vie, sur la mort, sur la terreur et sur la joie d'être vivant... nous voulons que cela soit partagé par chaque Canadien et chaque Canadienne, quelles que soient ses origines, dans les deux langues officielles. Nous avons un panier de talents très riches au Canada.

Dès lors, le problème principal tient au manque d'éducation et à la façon de compenser la sensibilisation du public en général sur l'importance des arts et sur la possibilité d'enrichir notre vie grâce aux arts. Nous sommes en train d'y travailler, mais c'est effectivement un grand problème... Je ne sais ce que vous en pensez John.

M. John Cripton: Je suis d'accord avec ce que vous venez de dire. De plus, je pense que les mécanismes en place pour faire en sorte que tout cela fonctionne ont, dans certains cas, été bien établis, mais il reste encore d'énormes lacunes qu'il faut combler et il nous reste encore à clairement cerner les messages que nous voulons communiquer.

L'industrie de la radiotélévision est très compétente. C'est un autre domaine de préoccupation. Il suffit aux gens d'acheter un téléviseur pour le regarder, en revanche, il est beaucoup plus difficile de produire des artistes dans différentes parties du pays.

• 1210

D'abord, il faut disposer d'une structure locale pouvant les accueillir. Bien sûr, tout commence par le désir de les accueillir. Mais il faut aussi la structure pour commercialiser le produit qu'ont à offrir les artistes et d'autres structures pour présenter correctement leur spectacle, dans des installations appropriées. Ensuite, il faut trouver le genre de spectacle à présenter dans telle ou telle collectivité qui en est peut-être à sa première expérience sur ce plan.

C'est beaucoup plus complexe qu'on peut l'imaginer. Nous sommes encore en train de chercher des mécanismes pour combler ce genre de lacunes.

Le financement du Conseil des arts du Canada a été extraordinaire pour les artistes et tout le monde peut constater les résultats. Nous faisons beaucoup pour le reste du monde, mais très peu pour nous à cet égard et je trouve que c'est un des aspects auxquels nous devrons faire davantage attention.

Le président: Une autre question, monsieur Stoffer.

M. Peter Stoffer: Une rapide? Très bien. Deux peut-être? Je plaisante!

Monsieur Colbert, vous avez dit que vous avez réduit vos coûts administratifs de moitié. Des employés du Conseil, membres du groupe de l'AFPC, m'ont posé quelques questions.

L'un des aspects qui les inquiète est la réduction des effectifs et la façon dont on remplace les gens par des experts conseils à temps partiel qui touchent des émoluments coquets—86 000 $ par an m'a-t-on dit—plus les frais.

Le Conseil envisage-t-il de continuer à recourir à des experts conseils ou à des travailleurs indépendants, ou va-t-il les remplacer par des employés à temps plein?

M. François Colbert: Vous parlez d'un cas en particulier où nous avons engagé un spécialiste pour administrer la Banque d'art, mais sinon nous n'avons que des employés réguliers au Conseil des arts du Canada. Le Conseil a décidé de réduire son administration pour ne pas avoir à diminuer les subventions versées aux artistes et aux organisations artistiques. Désormais, après cette nouvelle injection de 25 millions de dollars, nous sommes certains de ne pas avoir de ressources excédentaires, car nous en manquons peut-être. Peut-être devrions-nous engager plus de personnel, ne serait-ce que pour administrer ces 25 millions de dollars supplémentaires.

C'est le genre de choses auxquelles nous réfléchissons et pour lesquelles nous révisons notre position.

M. Peter Stoffer: Merci.

Au nom de notre porte-parole en matière autochtone, je tenais à vous remercier d'avoir également parlé des Premières nations et de leurs diversités culturelles. C'est fantastique.

Le président: Monsieur Muise.

M. Mark Muise: Merci, monsieur le président. J'aurais peut-être dû précéder mon collègue, parce que...

Le président: Il vous a volé toutes vos questions?

M. Mark Muise: Oui.

M. Peter Stoffer: J'ai lu vos notes.

M. Mark Muise: C'est donc cela que vous avez fait!

Je perçois beaucoup d'enthousiasme chez vous. Je dois complimenter ce groupe et le remercier d'être venu nous rencontrer et également de nous avoir transmis tout cet enthousiasme... Je voulais dire autre chose, mais le mot m'échappe.

M. Peter Stoffer: Vous y voyez sans doute plus clair maintenant.

Le président: J'ai l'impression que vos deux partis devraient fusionner.

Des voix: Ah, ah!

M. Mark Muise: Si mes commentaires sont identiques, mes questions seront sans doute différentes.

Je dois vous complimenter pour votre dévouement et votre engagement. Cela se sent.

Je n'oublierai pas les paroles de Winston Churchill, car elles placent en perspective, et de façon éloquente, les arts et la culture. J'ai l'impression que bien des gens passent à côté de cela.

Je vous demande de ne pas considérer les questions que je vais poser comme allant contre les arts, mais plutôt comme devant mettre les arts et les artistes dans un jour plus favorable pour la collectivité en général. D'ailleurs, indirectement, je crois qu'elles vont toucher à la question du financement par le gouvernement.

Avant mon élection, je siégeais au conseil d'administration du Musée des beaux-arts de Nouvelle-Écosse où je m'occupais de campagne de financement. Le musée voulait ouvrir une dépendance dans la partie ouest de la province.

On entend souvent dire que les arts, la culture, bref ce genre d'activités, en font tiquer plus d'un, pour ne pas dire autre chose. Encore une fois, telle n'est pas mon opinion, mais puisqu'on entend cela quand on est en société, j'estime qu'il est important de changer une telle perception.

Je me demande ce que le Conseil des arts du Canada et le Centre national des arts pourraient faire pour infléchir cette perception. Je trouve important d'agir sur ce plan, parce que plus de gens penseront que les arts sont une bonne chose et plus ils feront indirectement pression sur le gouvernement pour que celui-ci injecte davantage de fonds là où c'est nécessaire.

• 1215

Ce n'est donc pas une remarque négative que je formule ici, mesdames et messieurs; je voulais simplement recueillir votre avis à propos de ce que nous pourrions éventuellement changer.

M. John Cripton: Le Centre des arts a commencé à ouvrir ses portes au secteur privé pour encourager d'autres formes de divertissement dans la région d'Ottawa-Hull. Cela commence à porter fruit. Nous venons en effet de lancer ainsi la comédie musicale Patsy, qui est l'histoire de Patsy Cline.

Toute notre stratégie de marketing consiste à nous adresser aux régions. Nous irons dans les petites collectivités. Nous passerons par les stations radio différentes qui se spécialisent dans ce domaine. Nous essayons, sciemment, d'attirer ces gens au Centre, parce que ce genre de recoupement est aussi très intéressant. Un spectateur qui viendra au Centre pour la première fois se rendra peut-être compte qu'il s'y passe des choses différentes. Nous ne pouvons qu'encourager le public à profiter de ce genre de spectacle.

Bien sûr, tout se ramène à une question de goût personnel. En fait, même pour ce qui est des concerts, nous ne présentons pas une mais bien sept séries. Il y en a une qui porte sur la musique baroque, une autre sur le répertoire classique. Nous avons même organisé une semaine spéciale pour la musique contemporaine d'avant-garde.

Nous devons veiller à satisfaire tous les goûts, mais nous devons aller plus loin encore. Nous devons encourager les gens qui n'ont peut-être jamais franchi le seuil du CNA à le faire. Nous entendons tout le temps parler de l'élitisme dans les arts. Ce pays est en phase de développement sur ce plan et il est normal que nous employions encore ce genre d'expression. Dans une ville européenne ou asiatique, vous n'entendrez jamais cela.

Les arts sont une partie essentielle de notre société. Nous devons franchir l'obstacle que présente ce genre de réserve. J'ai l'impression que nous devons laisser de côté les gens qui aiment déjà les arts pour nous tourner vers le vendeur de voiture d'occasion qui n'est jamais allé dans un théâtre, pour créer des oeuvres d'art qui interpellent directement ces personnes-là.

C'est ce que nous faisions à une époque, dans ce pays. Je me souviens que le Conseil des arts du Canada finançait des productions fort intéressantes de la Saskatchewan. Je me rappelle par exemple de Eighteen Wheels, une comédie musicale portant sur la vie des camionneurs. C'était fantastique et les messages qui s'en dégageaient étaient très clairs. Nous devons produire beaucoup plus de spectacles de ce genre.

En revanche, quand on présente des comédies comme le Fantôme de l'opéra, en Saskatchewan, qui rapporte 25 millions de dollars à l'échelon local, il n'y a plus de place pour le reste. Il n'est pas question d'interdire de telles productions, il est question d'offrir d'autres produits.

Tout à l'heure, vous avez parlé d'Anne aux pignons verts. À quand remonte la production originale? À beaucoup trop longtemps. Que s'est-il passé entre-temps? Ce que je veux dire, c'est qu'il est temps de produire une autre Anne aux pignons verts.

Le président: Voulez-vous ajouter quelque chose à cela, madame Thomson?

Mme Shirley Thomson: J'ajouterai simplement que, parfois, le populaire et l'élitiste vont main dans la main, qu'ils sont les deux côtés d'une même médaille, par exemple quand nous finançons les festivals de jazz d'un côté et Rita MacNeil de l'autre—qui peut lui résister?—ou encore les concerts du Tafelmusik ou du Toronto Symphony.

Je suis d'accord avec ce qu'a dit John. Il nous faut beaucoup de produits, beaucoup d'objets à admirer, beaucoup de livres à lire et d'artistes à voir... c'est cela qui permet d'avoir une culture riche et diversifiée. Nous sommes d'ailleurs graduellement en train d'y parvenir.

J'ai toujours été intéressée par le fait que des gens qualifient les artistes d'élite, mais pas Jacques Villeneuve ni Silken Laumann ni Donovan Bailey. Pourtant, eux aussi sont des élites. Ils ressortent du lot, ce sont les meilleurs. C'est cela que nous voulons pour les Canadiens et les Canadiennes. C'est cela que je veux pour moi-même et c'est cela que mon Conseil veut. Nous voulons tous cela.

Savez-vous, par exemple, que 20 millions de personnes ont fréquenté les musées et les galeries d'art l'année dernière, contre 21 millions les palais des sports? C'est impressionnant de voir le nombre de Canadiens qui...

Cela étant, je ne sais pas si je dois trop pousser dans ce sens, parce que ce n'est pas vraiment une bonne nouvelle. Enfin, c'est une bonne nouvelle, mais ce n'est pas un scandale, il n'y a rien de désastreux.

M. John Cripton: Il n'y a plus de place dans la page des sports.

Mme Shirley Thomson: C'est vrai.

Voilà, c'est tout ce que je voulais ajouter.

M. John Cripton: Vous avez oublié Alexei Yashin.

Mme Shirley Thomson: Bien sûr, John, c'est votre nouvelle recrue.

M. Mark Muise: Je ne veux pas transformer les arts en un plus grand scandale, mais...

Mme Shirley Thomson: Nous le pourrions très bien, mais nous ne le ferons pas.

Des voix: Ah, ah!

Mme Suzanne Tremblay: C'est tout à fait possible et je pourrais vous y aider.

Une voix: Je n'en doute pas!

Des voix: Ah, ah!

• 1220

M. Mark Muise: Sans aller jusqu'à parler des scandales dans les arts, c'est une des raisons pour lesquelles j'ai soumis cette question au débat. Cela est télédiffusé et je pense que c'est une autre possibilité pour les arts et la culture d'exprimer une opinion et je vous remercie pour votre réponse.

J'ai siégé au conseil d'une association de voile pendant quatre ou cinq ans, dans ma région, et nous voulions surtout attirer les jeunes. Nous voulions que la voile soit la plus populaire possible. Nous avions peur de l'élitisme et nous voulions montrer que la voile peut être pratiquée par tout le monde, pas uniquement par ceux qui peuvent se payer de gros bateaux. Je vous remercie pour vos commentaires.

Par ailleurs, je me demande comment le Conseil des arts du Canada et le Centre national des arts pourraient, ensemble, nous permettre d'atteindre cet objectif. Nous savons, par exemple, ce qui se passe en Nouvelle-Écosse et au Cap Breton... Personnellement, je suis du même coin que Maud Lewis.

Mme Shirley Thomson: Oui, je connais son oeuvre.

M. Mark Muise: Elle résidait dans ma circonscription.

Mais je pense que notre pays est tellement vaste qu'il est facile de trouver des gens ici et là et, parfois, je crains que nous n'ayons peut-être pas une bonne représentation à l'échelle du pays.

Je me demande comment nous pourrions faire pour parvenir à une telle représentation, parce que ce serait quelque chose de très bien sur plusieurs plans. Ce serait bien pour l'unité nationale. Ce serait très bien que des gens n'ayant jamais été au Québec aient la possibilité de rendre visite à quelqu'un dans cette province et de s'entretenir avec cette personne, de la regarder les yeux et de constater qu'il n'y a pas de différences entre eux, ou encore que des gens du Québec puissent aller dans les Maritimes ou dans l'Ouest. Nous ressentons tous la même chose au fond de nous. Je crois que c'est cela qui est important.

M. John Cripton: Permettez-moi de vous donner un point de vue que j'ai acquis au fil de nombreuses années. J'ai commencé par travailler dans le secteur du tourisme pour le Conseil des arts du Canada et j'ai beaucoup voyagé durant toute ma vie. Je suis intimement convaincu que c'est la façon de favoriser de bons échanges entre les différentes parties du pays, et cela sans parler du concept de coproduction et de l'idée des échanges réels à l'échelle internationale, sur le plan culturel, qui sont également très importants selon moi.

Cependant, depuis 1967, vous savez que ce pays dépense beaucoup d'argent pour bâtir des installations absolument incroyables. Vous les avez vues pousser un peu partout au pays. Vous n'avez peut-être pas pris le temps, comme je l'ai fait, de toutes les visiter pour voir ce qui s'y passe. Je pourrais littéralement manger par terre dans la plupart d'entre elles. Ce n'est pas du théâtre. Cela n'a rien à voir avec l'industrie du spectacle qui existe partout dans le monde.

Ces installations ne font pas leur travail, d'abord et avant tout parce qu'elles n'ont pas d'argent. Personne n'a jamais financé les programmes pouvant être offerts par ces installations. On leur donne de l'argent pour réparer leur système d'air climatisé ou leurs voies d'accès. À l'exception du Centre national des arts et du Centre de la confédération, jamais personne n'a financé ces installations pour qu'elles offrent des programmes, pas plus les gouvernements provinciaux, que les gouvernements municipaux ou le gouvernement fédéral. C'est là un des importants chaînons qui manque à toute cette chaîne.

Il nous serait très facile de mettre sur pied une nouvelle production demain matin, pour la présenter partout au pays, mais cela ne fonctionnerait pas sauf si nous subventionnons toute la tournée, ce qui est impossible... Il ne se trouve personne en Saskatchewan et quelques-uns seulement en Alberta et en Colombie-Britannique, sauf peut-être à Vancouver, qui aient l'argent nécessaire pour mettre sur pied ce qu'il faut afin d'accueillir le genre de tournée dont je veux parler, au Canada. C'est un des problèmes essentiels. Il y en a bien d'autres, mais les tournées sont une des principales façons de rassembler les Canadiens et les Canadiennes.

Le président: Merci, monsieur Muise.

Madame Thomson?

Mme Shirley Thomson: J'aimerais également répondre à cette question et ajouter très brièvement quelque chose, parce que ce dont vous parlez—c'est-à-dire le fait que l'art demeure inaccessible parce qu'il est produit dans une région éloignée des autres et que l'on n'a peut-être pas les moyens de diffusion médiatique ou le reste, et que les spectacles ne sont peut-être pas annoncés, qu'il n'y a peut-être pas accès à un financement suffisant... Sachez que nous nous heurtons en permanence à ce genre de défi sur deux plans. Il y a d'abord la création de nouveaux programmes ou la manière d'expliquer nos programmes et de les faire connaître dans les régions; il faut faire en sorte qu'ils traduisent le genre d'expression artistique que les gens d'une région recherchent vraiment.

Prenez, par exemple, notre nouvelle initiative sur le plan des festivals, dans le cadre de laquelle nous avons déjà mis sur pied un jury. J'ai été très surprise de voir à quel point nous étions présents dans toutes les parties du Canada, même les plus retirées. Laissez-moi vous donner deux ou trois exemples. Nous finançons le Carrefour mondial de l'accordéon de Montmagny et nous finançons aussi la Lesser Slave Lake North Country Community Association pour un festival d'art populaire. Nous allons très loin dans le Nord et dans toutes ces collectivités.

• 1225

Nous ne financions pas cela auparavant, parce que nous n'avions pas un programme nous permettant d'attirer ce genre de choses. On ne peut parler que d'institution musicale permanente dans ce cas. Il s'agit de musique en général, du jazz à tout le reste. Voilà donc ce que nous avons fait qui constitue une innovation de la part du Conseil qui est parvenu à susciter une réponse dans les régions. La qualité du produit final est excellente.

Par exemple, des artistes du Cap Breton et des Îles-de-la-Madeleine sont présentés dans le cadre d'un festival de musique celtique en Ontario. Soit dit en passant, c'est précisément pour cela que nous finançons ce festival. Nous ne le finançons pas pour accueillir les artistes locaux Goderich. Les spectacles que nous finançons doivent présenter un intérêt national. En fait, cela favorise un dynamisme certain qu'on peut attribuer en partie au phénomène du régionalisme.

Deuxièmement, il y a nos jurys qui appliquent des politiques très claires. Les régions doivent être représentées, de même que les langues officielles. Il y a également les facteurs d'âge et de sexe, entre autres. Mais les deux premiers sont primordiaux. L'année dernière, un millier d'artistes ont participé à nos comités de pairs, des artistes venus d'un peu partout au Canada, des grands, des petits, des vieux, des jeunes, il y avait un peu de tout...

Le président: Monsieur Cripton.

M. John Cripton: Je vais reprendre ce qui vient d'être dit. Tout à l'heure, Mme Thomson a parlé des festivals et de l'importance qu'ils représentent. C'est tout à fait vrai. Les festivals sont une occasion fantastique de rassembler les gens. Par exemple, notre Festival de danse Canada de cette année nous a permis de présenter au Centre national des arts, et en un seul événement, près de 98 p. 100 de tous les danseurs professionnels venus des quatre coins du pays.

Nous sommes aussi en train de planifier un important congrès sur le théâtre en collaboration avec le Conseil des arts du Canada et le ministère du Patrimoine canadien. L'année prochaine, nous présenterons les premiers Quinze jours de la dramaturgie, qui nous permettront d'amener à Ottawa et à Hull des dramaturges et des gens de théâtre francophones, de toutes les parties du pays, pour se pencher sur le rôle du théâtre français au Canada et pour envisager les différentes façons d'améliorer...

Mais je laisserai à Jean-Claude le soin de vous en dire quelques mots. C'est un de ceux qui ont participé à la mise sur pied de ce projet.

Quoi qu'il en soit, ce sera une excellente occasion de rassembler tous les gens qui, sinon, ne pourraient jamais se faire entendre.

[Français]

Le président: Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

M. Jean-Claude Marcus (conseiller artistique, Théâtre français, Centre national des arts): J'aimerais simplement ajouter quelques propos à ce que John vient de dire. Le principe repose sur le fait que les créateurs dans nos régions francophones, qu'ils viennent ou émanent de compagnies qui se situent dans la francophonie de Vancouver, du Manitoba, de l'Alberta, de la Saskatchewan ou de l'Acadie, travaillent énormément, mais oeuvrent dans un milieu restreint et ne disposent pas des ressources ni de l'environnement critique nécessaires pour aller de l'avant et faire de la promotion.

En participant à un rendez-vous, à une rencontre des dramaturges au Centre national des arts, brusquement, ils sont en contact les uns avec les autres, ils évoquent la problématique de la création dans chacune de ces régions francophones et ils travaillent en même temps, de concert. L'important et l'intérêt pour nous, francophones, c'est de faire en sorte que des liens existent entre ces régions francophones minoritaires des provinces et les régions du Québec.

L'an prochain, dans le cadre de ces 15 jours, il y aura des compagnies du Québec qui travaillent en région, en dehors des grands centres que sont Montréal et Québec. Travailler en Abitibi, à Sherbrooke, sur la Côte-Nord ou dans le Bas-du-Fleuve présente des défis importants. Je crois qu'il sera très intéressant de faire en sorte que se rencontre cette francophonie pour échanger.

• 1230

Par exemple, des gens du Théâtre du Bic, près de Rimouski, un théâtre très important au niveau des régions, y participeront. Nous avons travaillé beaucoup avec des gens d'en bas, qui ne sont pas très loin de l'Acadie entre autres. Les participants pourront échanger. Alors, on veut permettre ce genre de rassemblement et de synergie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Marcus. Monsieur Muise, il faudra donner l'exemple et aller au festival de l'accordéon à Montmagny.

Mme Shirley Thomson: J'aimerais ajouter, monsieur le président, que notre nouveau président, Jean-Louis Roux, jouera au Théâtre du Bic cet été. Le festival de la francophonie dont vous venez de parler est évidemment cofinancé par le Centre national des arts et le Conseil des arts du Canada. C'est un but auquel nous tenons beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, madame Thomson. Monsieur Bélanger.

Mme Suzanne Tremblay: Monsieur le président, je voudrais ajouter que j'habite au Bic.

Des voix: Ah, ah!

Le président: Alors, vous participez, madame Tremblay, à ce grand festival du Canada?

Mme Suzanne Tremblay: Oui.

Le président: Monsieur Bélanger.

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Il faudrait peut-être aussi préciser que, dans ce cas-ci, le Bic n'est pas le Bureau d'information du Canada.

Des voix: Ah, ah!

M. Mauril Bélanger: J'aurais quelques commentaires et deux ou trois questions. Je vais les présenter, puis on verra.

[Traduction]

Ma première remarque s'adresse à M. Macdonald. J'ai apprécié votre référence au fait que certains tirent sur les poètes. Un régime fasciste ou régressif vraiment efficace commencerait effectivement par tirer sur les poètes...

Une voix: Pas sur les juges...

M. Mauril Bélanger: ...parce que les poètes sont sans doute ce qu'il y a de plus important pour contraindre une société à faire face à ces dilemmes et à ses problèmes existentiels. Dieu merci, il n'y a pas eu trop de régimes qui ont été efficaces à ce point.

[Français]

Ma première question est un peu plus vaste et porte sur le financement. J'aimerais savoir si les deux institutions ici présentes ont entamé des réflexions sur la possibilité à très long terme, soit dans 25, 30 ou 40 ans, d'en arriver à une quasi-indépendance financière, sinon une indépendance financière totale. Qu'est-ce que ça prendrait pour y arriver? J'aimerais avoir à un moment donné, si ce n'est aujourd'hui, les fruits de certaines réflexions en ce sens. C'est en quelque sorte un défi que je vous lance. Que faudrait-il qu'un gouvernement national fasse pour atteindre d'ici 25 ou 40 ans cet objectif d'une fondation ou d'une assise financière suffisamment vaste pour assurer essentiellement une indépendance financière totale? C'est ma première question.

[Traduction]

Mon deuxième point est beaucoup plus un sujet de préoccupations, qui ne devrait peut-être pas en être un d'ailleurs. J'ai souvent entendu dire, pas seulement par les groupes que nous avons entendus aujourd'hui, mais par d'autres, qu'il faut considérer la culture comme étant une industrie, importante sur le plan du tourisme et de la concurrence, et que nous devons être concurrentiels sur ce plan aussi. Tout cela est fort bien. Je suppose que nous devons effectivement envisager la chose sous cet angle, dans une grande mesure, parce que telle est la nature de notre société.

Mais ne risquons-nous pas à un moment donné de perdre de vue l'art pour l'art, l'art pour l'âme? Le cas échéant, quel est le risque et comment nous assurer que nous n'en arriverons pas à ce stade-là? Peut-être suis-je un peu naïf, mais je crois—et j'espère garder ma naïveté—que nous avons tous soifs de «choses artistiques». Personnellement, je trouve tout à fait secondaire que l'expression artistique connaisse le succès commercial ou pas, quelle soit favorable ou pas à notre industrie touristique. J'aimerais savoir si cela aussi fait parler dans le milieu artistique? Si oui, que dit-on?

• 1235

[Français]

Ma troisième question est plutôt d'ordre pratico-pratique et a rapport à la relation entre vos deux institutions. On se souviendra qu'il y avait eu à un moment donné une séance à laquelle j'avais eu le plaisir de participer, lors de laquelle nous nous étions penchés sur le mandat et l'avenir du Centre national des arts. On avait constaté que même si la loi créant le Centre national des arts stipulait qu'il y avait une relation étroite entre cette institution et le Conseil national des arts, cette relation n'existait pas à ce moment-là. Je semble percevoir aujourd'hui qu'elle s'améliore et j'aimerais que vous m'en disiez quelques mots et indiquiez où elle semble s'en aller. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bélanger.

[Traduction]

M. John Cripton: Je pourrais commencer par répondre à la dernière question en vous disant que c'est un peu comme découvrir un vieil amant.

Mme Shirley Thomson: Et comme nous le trouvons à notre goût, nous y reviendrons souvent.

Des voix: Ah, ah!

M. John Cripton: En fait, nous avons déjà commencé, puisque nous avons organisé des séances communes très importantes auxquelles ont participé nos agents du CNA et les agents du Conseil des arts du Canada; ils ont d'abord cherché à faire mutuellement connaissance pour déterminer les axes communs que nous pourrons emprunter dans l'avenir.

Il était temps que nous en venions à cela. Moyennant une bonne volonté des deux côtés, nous parviendrons, ensemble, à doubler le rythme auquel nous allons progresser, de façon même géométrique. Je suis certain que vous êtes d'accord...

Mme Shirley Thomson: Tout à fait. Nous avons déjà eu une réunion et nous en aurons d'autres. Notre personnel, à l'un et à l'autre, aura des contacts à tous les niveaux et nous collaborerons à des projets communs. Ce faisant, nous nous enrichirons au Conseil, et je suppose que se sera la même chose pour vous, au Centre national des arts.

Le président: Madame Riley.

Mme Jean Thérèse Riley: Je vais faire une remarque qui ne concerne aucune des questions que j'aborderai plus tard.

[Français]

Mauril, votre question est incomplète. Dans les statuts du Centre national des arts, on nous invite à travailler très étroitement avec le Conseil des arts et la Société Radio-Canada. On a été très discrets dans notre présentation en disant qu'un de nos problèmes était que nos artistes n'étaient pas aussi connus qu'ils devraient l'être.

[Traduction]

Nous parlons plus ou moins directement d'accès. Nous avons parlé du fait que nous espérons améliorer nos relations avec l'industrie de la radio-télédiffusion, mais il faut reconnaître que Radio-Canada représente un énorme investissement pour le gouvernement fédéral, qu'il est un instrument culturel et que ce comité pourrait plus spécifiquement demander à la télévision d'État de...

M. Mauril Bélanger: De devenir une vieille maîtresse.

Mme Jean Thérèse Riley: C'est cela, de devenir une vieille maîtresse. Nous avons constaté que ce genre de relation n'est pas aussi forte que les deux parties le souhaiteraient.

M. John Cripton: Ce devrait être le cas, avec le nouveau mandat confié à la SRC et à la CBC qui doivent devenir à 100 p. 100 canadiennes.

Nous avons vu ce qu'a donné le travail de Radio-Canada au fil des ans, qui a développé les arts au Québec beaucoup plus rapidement que ce qui s'est passé dans le reste du Canada, parce que la SRC s'est intéressée à ses artistes et a suivi leurs oeuvres. Tous les soirs au Québec, 80 p. 100 des téléspectateurs—je lance ce pourcentage de 80 p. 100 au hasard, mais je suis sûr que je ne suis pas très loin de la vérité—regardent une oeuvre réalisée par des artistes québécois. Nous n'avons pas fait cela à l'échelle du Canada.

Toutefois, les nouvelles politiques de la CBC devraient nous permettre de travailler dans ce sens. La prochaine étape consistera à trouver une façon de les convaincre que les produits que nous avons à offrir sont valables.

Le président: Il est maintenant 12 h 40 et je crois que nous devrons aller voter après 13 heures.

Mme Suzanne Tremblay: Nous avons beaucoup de points sur lesquels nous devront voter à 13 heures.

Le président: Donc, pour donner la chance aux autres de poser deux autres questions, monsieur Bélanger...

[Français]

M. Mauril Bélanger: Les cloches sonneront à 13 heures et le vote aura lieu à 13 h 15.

Le président: Oui, c'est exact.

[Traduction]

Mme Shirley Thomson: Je pourrais répondre très rapidement à votre question au sujet de l'art pour l'art. Les artistes créeront toujours, parce que c'est leur raison d'être. Les retombées économiques et touristiques des manifestations artistiques—par exemple, l'exposition Renoir de l'année dernière a rapporté directement 31 millions de dollars et 61 millions de dollars en retombées dans les régions.

En 1880, Renoir était loin d'être consacré, on le condamnait même pour ses portraits qui faisaient peur.

• 1240

En 1920, on disait du Groupe des sept qu'il peignait des horreurs voyantes et vulgaires. Cinquante ou 75 ans plus tard, leurs paysages ont fait d'eux des icones de l'identité canadienne. Voilà pourquoi il faut toujours investir dans l'inconnu, dans les jeunes artistes; voilà pourquoi il faut prendre des risques. Je suis certaine que ce sera toujours ainsi, tant que les fascistes n'auront pas pris le pouvoir.

Par ailleurs, tous les organismes d'art que je connais veulent mettre sur pied une fondation, ou du moins rêvent de le faire. Il n'y a pas beaucoup d'argent de disponible au Canada pour alimenter de telles fondations. Nous devons faire beaucoup plus de travail auprès du secteur privé pour lui faire prendre conscience que l'atmosphère et le climat civilisé qu'instaurent les arts au Canada sont favorables à la grande entreprise et lui permettent de faire de l'argent et de réaliser des profits.

Toutes les institutions d'art veulent mettre sur pied des fondations. La Loi sur l'impôt pourrait permettre...

Mme Jean Thérèse Riley: C'est vrai.

Mme Shirley Thomson: ...de faire en sorte qu'il soit plus intéressant, pour les particuliers et les sociétés, de faire des dons aux arts, parce que je peux vous garantir que nous savons dépenser ce genre de fonds de façon prudente et avisée.

John, vous vous voudriez peut-être ajouter quelque chose.

M. John Cripton: Je vais peut-être un mettre à côté de la plaque, mais je vais le dire tout de même.

Le président: Il n'y a rien qui soit à côté de la plaque, ici.

Des voix: Ah, ah!

M. John Cripton: Outre les taxes et les impôts, le gouvernement a tout de même un rôle à jouer, pas nécessairement en donnant de l'argent, mais en faisant jouer son influence pour convaincre le secteur privé qu'il doit penser, à bien des égards, au genre de société dans lequel il évolue.

Peut-être qu'il aurait fallu assortir les récentes subventions accordées à Bombardier, par exemple, de certaines mesures d'incitation afin que la société se sente obligée d'investir dans le milieu culturel pour remplacer les commandites des compagnies de cigarette qui disparaîtront peu à peu au cours des cinq prochaines années. Mais avant d'en arriver là, il faut d'abord que nos politiciens et nos fonctionnaires raisonnent de cette façon.

Le président: Merci.

Cela vous satisfait-il, monsieur Bélanger?

[Français]

M. Mauril Bélanger: Merci.

[Traduction]

Le président: M. O'Brien, puis M. Bonwick.

M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je remercie nos invités. Je suis désolé d'être arrivé en retard. Je faisais partie du lot de ceux qui avaient plusieurs engagements en même temps et dont le président a parlé. Quoi qu'il en soit, je suis maintenant ici, contrairement aux gens du Parti réformiste. Je n'en vois aucun. Passons à autre chose.

Je vais simplement vous parler des progrès que j'ai réalisés. J'appartiens au milieu de l'enseignement. À mon époque, ceux qui faisaient du sport se tenaient très loin de la scène; de nos jours, des athlètes de premier plan dans les écoles ont des premiers rôles dans diverses productions. J'ai aussi entendu les commentaires snobs dont a parlé M. Muise, tout à l'heure, et je continue à les entendre, mais je dois constater les progrès réalisés par les jeunes au cours des 25 dernières années: les athlètes n'ont plus peur de s'adonner aux arts, comme c'était avant le cas.

Vous avez déjà traité d'une des questions que je voulais poser, mais j'aimerais l'explorer un peu plus à fond. Le financement accordé par le secteur privé au Canada, exprimé en pourcentage, traîne de l'arrière par rapport aux États-Unis. Pourquoi? Voilà pour ma première question.

Deuxièmement, je sais qu'une partie de la réponse tient dans les lois fiscales. Il est évident que le gouvernement doit chercher des solutions sur ce plan. Mais que pourrions-nous faire d'autre pour inciter le secteur privé à investir davantage, pour se rapprocher de ce qui se fait aux États-Unis?

Mme Jean Thérèse Riley: Je tiens à intervenir, parce que je suis intimement convaincue qu'une des raisons pour lesquelles nous connaissons ce que j'ai appelé l'âge d'or de l'activité culturelle au Canada, tient à ce que nous n'avons pas contraint nos compagnies à dépendre exclusivement de considérations de nature commerciale. Je ne pense donc pas qu'on parviendra à trouver une formule idéale pour faire en sorte que les compagnies dépendent exclusivement du secteur corporatif et du secteur privé. C'est à cela que nous devons notre succès.

Mme Suzanne Tremblay: Que voulez-vous dire exactement?

[Français]

Mme Jean Thérèse Riley: Du côté artistique, aux États-Unis, on dépend presque exclusivement du secteur corporatif et philanthropique. Les considérations sont très, très commerciales. Je crois que le grand succès qu'on a connu dans notre culture est le résultat des appuis du gouvernement qui nous permettent de prendre les risques dont je parlais il y a quelques minutes.

[Traduction]

M. Pat O'Brien: Pour que ma question ne soit pas mal interprétée et que je n'interprète pas mal votre réponse, sachez que je ne suggère pas que la totalité du financement vient du secteur privé, mais n'est-il pas un fait que ceux et celles qui vivent des arts au Canada—d'après les informations que j'ai—s'inquiètent que le secteur privé chez nous finance proportionnellement moins les arts que le secteur privé aux États-Unis?

• 1245

M. John Cripton: Il est question de 17 ou 18 p. 100 au Canada contre 45 p. 100 aux États-Unis.

M. Pat O'Brien: Voilà un écart assez important.

M. John Cripton: C'est énorme. Il n'y a aucun artiste au Canada qui ne vous dira pas qu'il faudrait réduire cet écart.

M. Pat O'Brien: Fort bien, mais comment s'y prendre?

M. John Cripton: Mais plus important—et c'est ce que disait Mme Riley—nous ne devons pas perdre de vue que nous avons besoin des deux sources de financement.

M. Pat O'Brien: Je ne m'attendais pas à une réponse de Normand.

M. John Cripton: Précisément.

M. Pat O'Brien: J'aimerais simplement que le secteur privé contribue un peu plus.

M. John Cripton: Tout à fait, comme nous tous.

M. Pat O'Brien: Je viens de London, en Ontario. Là-bas, le théâtre est sans cesse aux prises avec des difficultés. Mon collègue, ici, parle de «l'art pour l'art», et je suis tout à fait d'accord avec ce concept, mais il y a des gens dans notre collectivité qui aimeraient que les riches compagnies et les riches particuliers de London, une ville relativement stable sur le plan économique, fassent davantage. Je trouve qu'ils ont raison. J'aimerais entendre ce que vous avez à dire à ce sujet.

M. John Cripton: L'expression «l'art pour l'art» est démodée et elle a été remplacée par une expression qui interpelle sans doute mieux le monde des affaires: «l'art au service de l'homme».

M. Pat O'Brien: Je vois ce que vous voulez dire.

Ma deuxième question, monsieur le président... Ma collègue, Mme Tremblay, a parlé tout à l'heure de la culture du Québec et je puis vous affirmer que même si je ne suis pas québécois moi-même, je suis profondément convaincu que la culture du Québec fait partie de ma culture. Je l'embrasse dans toute la mesure du possible, parce qu'elle comporte notamment une dimension celtique très importante. Comme vous aurez pu le constater d'après mon nom, je suis d'origine irlandaise, et je me plais à faire remarquer qu'une des plus vieilles sociétés de Montréal—d'un poil peut-être, mais la plus vieille tout de même—est la St. Patrick's Society.

Quand Céline Dion dit qu'elle est fière d'être québécoise et canadienne, je suis encore plus fier d'elle.

Cela m'amène à poser une autre question: comment la politique culturelle canadienne que nous essayons de cerner ici, va-t-elle permettre aux Canadiens et aux Canadiennes de mieux apprécier les différentes cultures régionales, autres que celles dans lesquelles ils baignent? Pourriez-vous m'aider à répondre à cette question?

M. John Cripton: Outre les tournées, dont nous avons parlé plus tôt, les artistes des différentes parties du pays ont la possibilité d'intégrer des compagnies installées un peu partout et de travailler avec d'autres à de nouveaux types d'oeuvres artistiques. C'est, par exemple, ce que fait Lepage en permanence, pas seulement au Canada, mais aussi dans le monde entier.

L'année dernière, une excellente troupe du Théâtre des Deux Mondes, à Montréal, a remporté un grand succès dans notre théâtre avec sa production intitulée Leitmotiv. Nous avons dit à ces gens-là, après coup, qu'il vaudrait la peine de présenter cette pièce ailleurs au Canada, et c'est d'ailleurs ce qu'ils comptaient faire. Ils ont déjà joué en Allemagne. Ils sont en train de préparer une production pour Israël, pour les États-Unis et pour le Japon. Ils n'ont jamais joué dans le reste du Canada, pas parce qu'ils ne voulaient pas demander une subvention du Conseil des arts du Canada—qu'ils auraient obtenue facilement—mais alors, comment s'y prendre? Finalement, cette troupe n'a pas fait de tournées dans le reste du pays et je pense que c'est le genre de mécanisme qu'il convient de corriger ici.

Je suis intimement convaincu qu'il faut faire venir des chorégraphes de la Colombie-Britannique pour qu'ils travaillent à Toronto ou ailleurs, et des metteurs en scène de théâtre du Québec. L'année dernière, le Conseil des arts du Canada a subventionné un énorme volume de traduction de l'anglais au français et du français à l'anglais, ce qui montre que tout cela est en train de se produire.

Je ne pense pas que nous ayons à désespérer de ce qui se passe au Canada. Je crois que nous avons simplement à régler certains problèmes à comprendre pourquoi les choses ne fonctionnent pas suffisamment bien et à corriger les défauts constatés, et à établir les quelques derniers liens qui s'imposent pour avoir le meilleur système du monde.

M. Pat O'Brien: Merci.

Puis-je terminer sur une requête, monsieur le président?

Le président: Oui.

M. Pat O'Brien: Pour en revenir à ma question qui est de savoir comment nous-mêmes, au gouvernement, et vous-mêmes, dans le milieu des arts, pourrions faire davantage, j'estime que c'est le secteur privé qui pourrait faire plus et pas le gouvernement qui devrait faire moins; j'insiste: le secteur privé pourrait faire plus et devenir un meilleur partenaire.

Quand vous aurez eu la possibilité—je m'adresse à vous en général—de réfléchir sur cela, pourriez-vous nous faire part de vos réflexions sur la façon dont nous pourrions nous y prendre, autrement que par les avantages fiscaux? Il y a certes l'intervention sur le plan fiscal, qui est évidente, mais j'aimerais savoir ce que vous avez à dire sur d'autres plans.

M. John Cripton: Je vais juste vous faire part d'une idée.

Je crois qu'à Minneapolis, mais je me trompe peut-être...

Mme Jean Thérèse Riley: C'est cela, c'est à Minneapolis.

M. John Cripton: Le secteur corporatif de Minneapolis a décidé de se regrouper et de transformer le milieu des arts dans cette ville; il y est parvenu, puisque Minneapolis est une des meilleures réussites américaines dans le domaine de la culture, au point d'ailleurs que les gens de Minneapolis vont ailleurs pour rencontrer les gens du secteur privé d'autres villes afin de leur expliquer comment s'y prendre.

• 1250

Nous pourrions peut-être nous renseigner davantage sur cette expérience et élaborer un plan qui nous permettrait de reproduire ce genre de réussite ici, pour montrer... Il ne serait pas question de s'adresser au milieu des arts, mais de faire en sorte que les grandes sociétés parlent à d'autres grandes sociétés.

M. Pat O'Brien: Ce serait merveilleux. Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Bonwick.

M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Merci, monsieur le président. Dans les quelques minutes qui me sont accordées, je vais essayer d'aborder trois sujets différents. D'abord, je vais enchaîner sur les propos de mon collègue. Ensuite, je contredirai les propos d'un collègue et, enfin, je poserai deux ou trois questions pour voir comment nous pourrions réussir à renforcer l'industrie.

Avant tout, je tiens à vous remercier d'être venu nous faire part de votre point de vue et de votre vécu, nous qui n'avons pas votre expérience. Il est toujours très intéressant d'accueillir de nouveaux intervenants. Je ressors à chaque fois avec des pages et des pages de notes. C'est formidable.

Je vais d'abord enchaîner sur les remarques de M. Muise à propos de la communication auprès des Canadiens et des Canadiennes. Le défi, pour le secteur des arts et pour le gouvernement sur ce plan, consiste non seulement à communiquer l'importance du milieu artistique, mais aussi son poids économique. C'est comme cela, je crois, que nous parviendrons à en faire la promotion dans les collectivités canadiennes.

Quant à la façon de s'y prendre, eh bien j'attends vos suggestions ou recommandations, de vous-même ou de vos collaborateurs, que ce soit ici maintenant ou plus tard par écrit, par l'intermédiaire du greffier. Pourrez-vous nous faire ce genre de suggestions?

Je ne pense pas que le Canadien moyen se rende compte de l'impact de l'industrie artistique au Canada. S'il s'en rendait compte, non seulement il vous respecterait beaucoup plus, mais il apprécierait les arts beaucoup plus que pour l'importance qu'ils représentent sur le plan de l'identité ou de la culture. Je vous invite à réfléchir à cela.

Je veux maintenant dire quelques mots à propos des remarques de Mme Tremblay. Madame Riley, vous avez parlé d'intégrité et d'indépendance et de la façon d'entretenir ces deux aspects. J'emploie ces mots pour montrer comment nous pouvons renforcer le pays et pas pour le régionaliser ou le faire éclater.

Mme Tremblay est une députée que je respecte et que j'apprécie beaucoup. Quand elle a parlé du «lavage de cerveau à la Canadienne», cela ne m'a pas dérangé, mais m'a blessé.

Personnellement, je ne prétends pas mieux comprendre que le Canadien moyen ce qu'est la culture canadienne ni l'importance qu'elle représente. En revanche, je reconnais tout à fait que la culture du Québec est différente de celle de l'Alberta, de la Colombie-Britannique et même de Terre-Neuve. Je reconnais ce genre de différence à un niveau micro, mais au niveau macro, j'estime qu'elle contribue à faire du Canada le meilleur pays du monde. Le fait est que vous avez votre place et que Terre-Neuve a aussi sa place.

Je fais ces remarques pour le procès-verbal et je les adresse aussi à Mme Tremblay pour qu'elle se rende compte de la nature de mes sentiments et des sentiments de la plupart de mes collègues. Notre pays est merveilleux pour la tolérance, la compréhension mutuelle et l'individualité qu'on y cultive. Telle est l'essence de la mosaïque canadienne et la raison de notre grandeur.

Troisièmement, je vais poser une question à Mme Riley au sujet des remarques qu'elle a formulées plus tôt. Il est possible que j'aie manqué une partie de ce que vous avez dit quand je prenais des notes, mais je voudrais revenir sur la fonction du comité ou plutôt sur l'une de ses missions relativement à l'évaluation du rôle des gouvernements dans le domaine des arts.

Je ne suis certainement pas d'avis que le gouvernement doit se retirer et je ne crois pas non plus que ce soit la position de mon gouvernement ni celle des partis de l'opposition. Il n'est pas question de se demander si nous allons ou non continuer de financer les arts, mais plutôt de savoir comment nous allons nous y prendre. Donc, je ne me demande pas si le gouvernement doit ou non intervenir sur le plan financier, mais je me demande comment il doit s'y prendre pour y parvenir au mieux.

Mme Jean Thérèse Riley: Je suis très heureuse de vous l'entendre dire. Quand j'ai demandé à ce comité de s'engager de façon ferme, c'est qu'il y a un peu moins de trois ans, à l'occasion de l'examen des programmes, il était été très inconfortable de se retrouver ici dans la peau d'une personne représentant le milieu des arts. Je ne pense pas avoir dit cela aussi explicitement que vous l'avez fait, mais sachez que je voulais exhorter le comité à inviter le gouvernement à s'engager à protéger et à favoriser les arts au Canada, ce qui reviendrait à l'exempter d'un prochain examen des programmes, si cela devait se produire une autre fois.

• 1255

M. Paul Bonwick: Je tenais simplement à vous faire part de mon point de vue. Je ne suis pas ici pour décider si oui ou non il y aura financement ni comment le gouvernement s'y prendra.

Mme Jean Thérèse Riley: Je comprends.

M. Paul Bonwick: Je suis sûr que c'est ce que pensent toutes les parties représentées aujourd'hui.

Mme Jean Thérèse Riley: Oui.

M. Pat O'Brien: Très bien dit.

M. Paul Bonwick: Excusez-moi, j'ai pris quelques notes pendant que vous parliez. Vous avez cité Winston Churchill. J'étais en train d'écrire quand M. Cripton parlait. Tout cela se ramène à la façon dont le gouvernement établit ses priorités en matière d'identité canadienne, c'est-à-dire à propos de ce que nous sommes et de ce que nous allons devenir. Voilà le genre de questions avec lesquelles le comité va devoir composer.

Madame Morrow, vous avez parlé de ce qui se passe ailleurs au Canada, notamment dans les Territoires du Nord-Ouest. Vous avez financé des pièces produites par des Premières nations. Tout cela contribue beaucoup à la mosaïque culturelle canadienne. Je ne veux rien retirer de tout cela, mais il y a aussi des régions dans le centre de l'Ontario, dans le sud de l'Alberta et en plein coeur du Québec. Il y a des petites collectivités de 8 000 ou de 10 000 habitants.

Quelles stratégies avez-vous mis en oeuvre pour veiller à ce qu'on encourage ou qu'on stimule les futurs Brian MacDonald de ce monde afin que la prochaine génération ait les mêmes possibilités que la nôtre, dans toutes les régions du Canada.

Mme Joanne Morrow: Cette question est très importante, parce que l'un de nos grands défis consiste à faire en sorte que le Conseil des arts du Canada demeure très dynamique et au fait de tout ce qui se passe partout au pays, ce qui n'est pas toujours facile, parce qu'il n'est pas facile d'être au courant de tout. C'est pour cela que nous menons un certain nombre d'activités, parce que notre objectif est de réaliser précisément ce que vous venez d'énoncer.

D'abord, nous avons structuré nos programmes selon les types d'expression artistique et en fonction d'équipes d'employés spécialisés dans ces types d'art: la musique, le théâtre, la danse et ainsi de suite. Nous leur consentons un budget de déplacement. Nous leur disons d'aller visiter les régions et de nouer des liens sur place. Nous agissons aussi par l'intermédiaire d'autres bâilleurs de fonds, mais nous le faisons aussi par le biais des artistes et des réseaux que nous avons établis. Chaque professionnel de talent qui travaille au Conseil des arts du Canada est chargé d'un réseau qui le met en contact avec les différentes régions du pays.

Deuxièmement, nous intervenons par le truchement de nos jurys. Je vous ai dit que, l'année dernière, nous avions fait appel à un millier d'artistes d'un peu partout au Canada pour faire partie de nos jurys. Très souvent, ces artistes se rencontrent entre eux pour la première fois. Certains d'entre eux sont des chefs de file dans leur domaine. Ainsi, il peut arriver qu'un maître artisan de la Colombie-Britannique rencontre un de ces homologues du nord du Québec pour la première fois, même s'ils se connaissaient déjà de nom et de réputation. Nous utilisons ce genre de tribune pour trouver des idées sur la façon de créer de nouvelles occasions de rencontre et de faire circuler l'information d'une région à l'autre.

Cependant, compte tenu de l'immensité du territoire canadien il nous faut, pour parvenir à cela, faire preuve d'une volonté constante. Nous organisons des ateliers et des séances d'information. Nous avons des stratégies de diffusion externe. Récemment, nous avons produit une bande en langue inuktitut, pour les radios du Nord-ouest du Canada, parce qu'il ne nous est pas physiquement possible d'envoyer des agents partout sur place.

Donc, nous essayons d'appliquer ce genre de mesures de diffusion externe sur plusieurs fronts, mais nous devons demeurer motiver pour ce faire et nous montrer déterminés à agir en permanence.

M. Paul Bonwick: Ai-je assez de temps pour une autre question? Non.

Le président: Non, nous commençons à manquer de temps.

[Français]

Madame Tremblay, vous désiriez poser une brève question?

Mme Suzanne Tremblay: Non. Ne devions-nous pas discuter de certains points?

Le président: Oui, vous avez raison.

[Traduction]

Monsieur Stoffer, vous m'avez posé une brève question.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: J'ai encore beaucoup de questions.

[Traduction]

Le président: Très brièvement.

M. Peter Stoffer: J'ai une brève question à poser, concernant...

Le président: Est-ce au nom de votre nouvelle coalition?

M. Peter Stoffer: Oui, c'est au nom de Mark et au mien.

Nous avons beaucoup entendu parler ce matin de la participation des sociétés au financement du monde des arts. N'y a-t-il pas un grand danger—je vous pose cette question par pure ignorance—de voir le milieu corporatif prendre une trop grande influence au sein du Conseil des arts?

Supposons, par exemple, que la compagnie GM soit prête à investir un gros paquet d'argent, mais exige en retour que quelqu'un...

M. John Cripton: Aux universités?

M. Peter Stoffer: ...siège au Conseil et que sa vision des arts ou du théâtre soit prise en compte. N'y a-t-il pas un danger que les sociétés étendent leurs tentacules dans la prise de décisions au niveau du Conseil des arts du Canada et du Centre national des arts?

• 1300

Mme Shirley Thomson: Ce ne serait pas le cas au Conseil des arts du Canada qui est tout à fait au fait de ce genre d'influence. Nous n'accepterions certainement aucun cadeau réclamant une contrepartie.

M. Peter Stoffer: Très bien.

Mme Shirley Thomson: Nos décisions ne sont guidées que par l'excellence du projet artistique, il n'y a donc pas de problème sur ce plan.

Au Musée des beaux-arts, jamais aucune société qui nous a fait un don n'a voulu exercer d'influence sur le contenu de nos expositions. Comme vous le voyez, on exagère souvent ce phénomène dans les organisations artistiques, mais peut-être que John ou François pourront vous en dire plus.

M. François Gilbert: Ça peut toujours arriver. Voyez ce qui s'est passé aux États-Unis il y a quelque temps. Cependant, il faut savoir tout d'abord que les sociétés américaines sont généralement beaucoup plus grosses que les sociétés canadiennes. Deuxièmement, la mentalité de l'homme d'affaires américain est différente de celle de son homologue canadien. Voilà pourquoi nous voulons intervenir auprès des jeunes auditoires, parce qu'à long terme nous espérons ainsi influencer nos décideurs.

Il est vrai qu'il y a un risque, comme on peut le constater aux États-Unis où, à cause des importantes injections de fonds dont elles sont capables, certaines grandes sociétés imposent des spectacles et facturent les collections, par exemple.

J'en ai simplement entendu parler et vous en savez certainement plus que moi à ce sujet.

Mme Shirley Thomson: Bien sûr, mais c'est une chose différente dans le cas des collections.

M. François Gilbert: Les grandes sociétés décident de favoriser la tournée de tel ou tel artiste et pas de tel autre, si bien qu'elles se trouvent à prendre des décisions de nature artistique.

M. John Cripton: Monsieur le président, j'aimerais faire une toute petite remarque avant que nous ne terminions. Je serai très bref.

Le président: Vous devrez effectivement faire vite, parce que nous devons parler de certaines choses.

M. John Cripton: J'aimerais simplement dire au comité que nous ne devons pas imaginer notre vie culturelle au Canada comme étant très solide, mais plutôt comme étant fragile et nécessitant une certaine protection. Le Canada s'efforce de reproduire, à une échelle beaucoup plus grande, ce que le Québec fait déjà chez lui pour protéger sa propre culture. Nous devrions envisager de travailler main dans la main. Nous espérons que toutes les parties accepteront de travailler ensemble compte tenu de la fragilité de la culture canadienne sur la scène internationale.

Le président: Fort bien dit. En fait, il serait très intéressant que vous nous soumettiez des idées sur la façon dont nous pourrions inciter la création de fondations. C'est ce que font les Américains: ils créent des fondations sans but lucratif, ce qui permet de maintenir une relation d'indépendance entre les arts et le milieu artistique et les autres valeurs se rattachant aux missions énoncées.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Monsieur le président?

Le président: Oui.

Mme Suzanne Tremblay: Bien qu'il faille peut-être penser à encourager les initiatives des corporations et des entreprises, il faut quand même souligner l'effort déployé par plusieurs entreprises, dont le Théâtre Alcan qui existe depuis de nombreuses années et qui a permis de produire ici un opéra absolument fantastique entre autres. Les corporations ont fait des efforts et il faut le souligner.

Le président: Très bien dit. Je désire vous remercier bien sincèrement de votre présence ici aujourd'hui. Ce fut une des séances les plus inspiratrices et les plus intéressantes de notre comité.

[Traduction]

Je pense que tous nos députés ont été interpellés et inspirés par ce que vous avez dit. Cette séance aura été fort utile, au point d'ailleurs que les Néo-démocrates et les Conservateurs vont fusionner après cela.

Des voix: Ah, ah!

Le président: Nous avons été heureux de vous accueillir. Encore une fois, merci beaucoup.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Merci à tous.

Nous devons régler quelques affaires courantes, très brièvement et si cela ne vous dérange pas, je vous demanderai de rester pour deux minutes encore.

• 1304




• 1306

Le président: Nous allons mettre un terme aux travaux du comité aujourd'hui, parce que nous allons certainement clore la session parlementaire demain et que nous n'aurons pas d'autres réunions la semaine prochaine. Il nous reste encore à entendre huit institutions ou associations et nous les entendrons en septembre.

Je suggère que nous nous déplacions du milieu d'octobre au mois de novembre et que nous fassions rapport à la fin de l'année, c'est-à-dire en décembre. Entre-temps, j'ai déjà demandé à notre nouveau chargé de recherche, M. Blais, de nous dresser un résumé des témoignages que nous avons entendus jusqu'ici. Il fera cela pendant l'été, et le document vous sera envoyé avant la reprise des travaux à l'automne, pour que vous ayez le temps d'en prendre connaissance et d'en faire le tour. Nous trouverons des points de repère dans ce document, nous énoncerons les grands...

Le greffier du comité: Ce sera un résumé de chaque réunion.

Le président: C'est cela, il s'agira bien d'un résumé des témoignages.

Enfin, je vous signale la tenue d'un sommet sur la culture auquel Mme Copps a invité plusieurs ministres.

[Français]

Mme Tremblay m'a demandé de voir Mme Copps pour lui demander si les membres du comité seraient invités. J'en ai parlé à Mme Copps, et elle va nous laisser savoir quelle est notre implication. Elle pense qu'elle va nous inviter à la réception et au dîner auxquels assisteront tous les ministres. Par ailleurs, elle ne sait pas quel sera le mécanisme de la réunion elle-même. C'est simplement une question de places. Elle invite tous les ministres des provinces et elle ne sait pas combien il y aura de places disponibles. Peut-être que je devrai représenter le comité ou quelque chose du genre. Elle va me le laisser savoir. J'en ai fait la demande au nom de Mme Tremblay. Je vais vous le laisser savoir très bientôt. Merci beaucoup.

[Traduction]

M. Mark Muise: C'est la première fois que je siège à un comité et comme il s'agit sans doute de notre dernière rencontre, je tiens à vous dire que j'ai été ravi de l'expérience. Je le répète, je n'ai jamais eu l'occasion de travailler à un comité et j'ai trouvé très agréable de fonctionner avec votre groupe. Je n'ai jamais senti de partisannerie ici.

M. Pat O'Brien: De plus, vous avez un super président.

M. Mark Muise: Je dois dire que ça aide.

Voilà ce que je voulais dire, monsieur le président.

Le président: Sachez que c'est réciproque.

M. Mark Muise: Merci.

Le président: La séance est levée.