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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 22 octobre 1998

• 1113

[Français]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du 22 octobre 1998 du Comité permanent du patrimoine canadien. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous procédons à une étude sur la culture canadienne.

[Traduction]

Nous avons le très grand privilège d'entendre des témoins de l'Office national du film, soit Mme Sandra Macdonald, commissaire du gouvernement à la cinématographie et présidente; Mme Barbara James, directrice générale du programme anglais;

[Français]

et Mme Lyette Doré, qui est directrice des affaires corporatives.

[Traduction]

Madame Macdonald, je dois m'excuser. La Chambre est saisie d'un projet de loi, la Loi sur la distribution des revues qui fait à l'heure actuelle l'objet d'un deuxième débat. Donc, certains membres de notre comité sont retenus à la Chambre en ce moment, mais d'autres arriveront alors que vous ferez votre exposé.

Vous avez la parole.

Mme Sandra Macdonald (commissaire du gouvernement à la cinématographie et présidente, Office national du film): Merci beaucoup, monsieur le président.

Bonjour messieurs—je ne vois pas de dames pour le moment. Je m'appelle Sandra Macdonald, Commissaire du gouvernement à la cinématographie et présidente de l'Office national du film du Canada. Le président vous a déjà présenté mes collègues, Barbara Janes et Lyette Doré.

[Français]

Avant d'accepter son poste à la direction de la production et de la mise en marché du Programme anglais de l'ONF, Mme Janes a exercé diverses fonctions dans les domaines de la production, de la distribution et de la mise en marché au sein de l'Office national du film à Montréal, Halifax et Vancouver. Elle possède donc un excellent bagage pour discuter avec vous de toute question d'intérêt ayant marqué la scène de la production et de la distribution au Canada ces 25 dernières années.

Mme Doré s'occupe notamment de gérer la collection des films de l'ONF, soit quelque 9 000 titres. Elle veille donc à préserver le plus gros du patrimoine audiovisuel canadien, administre les droits d'auteur de l'office, voit à ce que tous les Canadiens puissent profiter des films de l'ONF et crée de nouveaux modes de distribution par Internet. Avant de se joindre à l'office l'année dernière, Mme Doré a occupé divers postes de haute gestion dans plusieurs ministères du gouvernement fédéral. Son expérience de directrice générale des langues officielle au ministère du Patrimoine canadien et ses antécédents en droit nous sont un précieux apport.

• 1115

Avant d'entrer à l'office il y a trois ans, j'ai moi-même oeuvré dans divers secteurs des industries culturelles. J'ai été associée dans une maison de production indépendante au cours des années 1970, puis j'ai été conseillère principale en matière de politiques au ministère des Communications dans les années 1980, à l'époque où la majorité des programmes actuellement administrés par Téléfilm Canada ont été créés et où les débats plus passionnés sur les questions reliant le cinéma et le commerce ont pris naissance. J'ai ensuite occupé le poste de directrice des politiques des affaires réglementaires et de l'extension des services à la direction de la politique sur la radiodiffusion, à l'époque où l'avant-projet de loi sur la radiodiffusion a été rédigé et débattu à deux reprises au Parlement. Au cours des années 1990, j'ai assumé les fonctions de directrice générale à la section Télévision du CRTC pendant deux ans, puis j'ai été présidente de l'Association canadienne de production de film et télévision, une association de producteurs indépendants, avant d'entrer au service de l'ONF en 1995.

[Traduction]

Je sais que votre comité se penche maintenant sur la politique culturelle fédérale et que son mandat va bien au-delà des activités actuelles de l'ONF. Je vous ai parlé de nos antécédents dans le seul but de démontrer qu'à nous tous, nous possédons une expérience et une connaissance passablement étoffées quant au rôle joué par le gouvernement fédéral dans le secteur audiovisuel canadien depuis un quart de siècle. Nous sommes évidemment à votre disposition pour discuter des grandes questions de la politique culturelle outre, bien sûr, le rôle assumé par l'ONF jusqu'à présent et celui qu'il pourrait jouer dans l'avenir.

Comme vous le savez certainement, l'Office national du film du Canada est l'un des plus anciens organismes fédéraux, puisque sa création remonte à 1939. Depuis, l'Office produit et distribue des films et autres documents audiovisuels d'intérêt public, conformément à son mandat. Ce mode d'expression a changé de visage au fil des ans, en fonction de l'évolution technologique et de la perception des besoins des Canadiens.

Comme l'Office existait déjà une quinzaine d'années avant l'avènement de la télévision au Canada, les actualités présentées dans les cinémas et les salles communautaires ont d'abord constitué un volet important de nos activités. La production de matériel éducatif et de formation a toujours et continue d'occuper une place de choix dans nos programmes. Célèbres de par le monde entier, nos studios d'animation ont d'abord transmis des messages importants sur l'effort de guerre, puis ont poursuivi leur mission de communication sur des sujets sérieux présentés de manière fort attrayante.

L'Office a toujours eu pour principal mandat de refléter la diversité de la société canadienne, sans embellir le tableau. Le Canada jouit légitimement d'une excellente réputation sur la scène documentaire, et c'est en bonne partie à la vigueur inlassable de l'Office qu'il la doit.

L'ONF a réalisé les premiers longs métrages canadiens de l'après-guerre et, au fil des ans, il en a produit ou coproduit près de 400, dont plusieurs classiques comme Mon oncle Antoine The Company of Strangers, Le Déclin de l'empire américain et Les Garçons de Saint-Vincent. L'Office a décidé de ne plus investir dans les films de fiction il y a quelques années, pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons si le sujet vous intéresse.

L'ONF a fait oeuvre de pionnier à maintes reprises, notamment dans ce qu'il convient maintenant d'appeler le «cinéma-vérité», les images grand format comme IMAX et l'animation par ordinateur. Nombre d'effets visuels qui nous éblouissent aujourd'hui viennent en droite ligne des expériences menées à l'Office au cours des années 70.

• 1120

De nos jours, les recherches de l'ONF se concentrent sur Internet, tant comme mode de diffusion des productions antérieures de l'Office que de la nouvelle génération de productions conçues précisément pour le Web.

[Français]

Manifestement, le milieu dans lequel évolue l'office s'est métamorphosé au fil des décennies: la télévision s'est imposée; les productions indépendantes se sont multipliées; la société a évolué au point de devenir quasi méconnaissable. Donc, l'ONF rajuste et raffine constamment l'interprétation de son mandat en fonction de la conjoncture et des besoins propres à la situation et à l'époque.

Nous déposons aujourd'hui devant le Parlement—ou peut-être était-ce hier—notre rapport annuel pour l'exercice financier 1997-1998, et le greffier vous en distribuera des exemplaires. Vous y trouverez un aperçu des activités actuelles de l'ONF.

Dans l'introduction du rapport, je souligne que comme producteur public ayant pour mandat de produire des films «dans l'intérêt national», l'Office national du film du Canada a une responsabilité particulière et un défi spécial. Nos productions traitent souvent de sujets difficiles ou controversés. Nous nous donnons pour mission d'accorder la parole aux Canadiens dont les voix sont rarement entendues: les autochtones, les minorités visibles, les nouveaux Canadiens d'origines diverses, les Canadiens venant des régions du pays rarement présentées à l'écran, cela dans les deux langues officielles. Question de principe, une partie importante de nos films sont réalisés par de nouveaux talents et dans des formes expérimentales. Toutes ces préoccupations respectent nos objectifs de réaliser des films qui sont remarquables pour leur pertinence, leur excellence et leur innovation.

Encore une fois en 1997-1998, l'ONF a mené à bien plus de 100 nouvelles productions et coproductions, sans compter les versions de différentes longueurs et dans d'autres langues, sur des sujets qui rejoignent toutes les facettes de la vie canadienne. Les détails de ces titres apparaissent dans notre rapport annuel. Une fois de plus, nos productions sont destinées à un large éventail d'auditoires canadiens, depuis un grand public avec des films comme The Game of Her Life sur l'odyssée de l'équipe féminine nationale de hockey qui représentait le Canada aux Jeux olympiques de Nagano jusqu'à des auditoires particulièrement ciblés avec des productions comme Chroniques de Nitinaht, qui raconte le long cheminement d'un peuple autochtone qui tente de guérir les blessures causées par la violence sexuelle à l'égard des enfants. Des productions à l'intention des jeunes publics, notamment plusieurs projets interactifs, ont également connu un vif succès en 1997-1998 comme chaque année. Il faut absolument mentionner notre site Internet primé Le Prince et moi, The Prince and I, où des milliers de jeunes Canadiens sont devenus des amis du Prince et ont amélioré leurs aptitudes en lecture et en orthographe, et le cédérom Making History: Louis Riel and the North-West Rebellion of 1885, qui a obtenu le prestigieux prix de la meilleure conception graphique d'une interface lors de la quatrième remise annuelle des International Digital Media Awards.

Parlant de prix, 1997-1998 s'est révélé une autre excellente année pour l'ONF. En effet, les productions et coproductions de l'ONF ont rapporté un total de 143 prix et distinctions à l'échelle internationale.

[Traduction]

Nous sommes fiers de ces résultats, compte tenu que l'année financière 1997-1998 marquait la troisième année de compressions budgétaires qui touchent l'Office ainsi que la plupart des ministères et des organismes du gouvernement fédéral. Au cours de l'année, nous avons fonctionné avec un crédit parlementaire équivalant à environ 28 p. 100 de moins que le montant accordé avant les compressions. Malgré tout, le nombre et la qualité des titres lancés ont été maintenus.

• 1125

Du côté production, nous avons pu atteindre un tel résultat grâce, en grande partie, à des économies administratives. En fait, les études comparatives que nous avons effectuées indiquent que la part du budget d'un documentaire de l'ONF consacrée aux frais généraux, soit les coûts qui n'apparaissent pas à l'écran, est habituellement inférieure à celle d'une production semblable du secteur financée par des fonds publics.

À son rôle de producteur public s'ajoute pour l'ONF le mandat de distribuer ces productions. Les préoccupations qui président à nos choix de production, essentiels à notre mandat de faire connaître et comprendre le Canada aux Canadiens et aux autres nations, représentent des défis quant aux moyens les plus efficaces et les mieux appropriés à utiliser pour rejoindre les auditoires visés.

La diversité de notre production exige des stratégies de distribution conçues sur mesure. Nous ne sommes pas un diffuseur; nous devons donc conclure des alliances avec des diffuseurs pour rejoindre les auditoires de la télévision. Nous n'exploitons pas notre propre circuit de salles de cinéma; nous devons donc trouver des partenaires dans le milieu. Nous n'exploitons pas non plus de points de vente au détail; par conséquent, nous recherchons sans cesse des entreprises privées de distribution et de mise en marché avec lesquelles nous travaillons à placer nos productions aux endroits les plus susceptibles de rejoindre les auditoires auxquels elles s'adressent. Cependant, nous exploitons notre propre réseau de distribution aux écoles et aux institutions, un réseau bien établi qui dessert nos clients canadiens et étrangers par l'intermédiaire d'Internet, du publipostage et d'un service téléphonique sans frais (ligne 1-800).

L'un des principaux défis que nous avons dû relever au cours des dernières années, en raison des importantes compressions budgétaires que nous avons absorbées, a été de maintenir ou même d'accroître l'efficacité de nos activités de distribution tout en réduisant le plus possible les coûts.

Le personnel de l'office responsable de la mise en marché et de la distribution a relevé le défi en faisant de 1997-1998 l'année au cours de laquelle un plus grand nombre que jamais de Canadiens et de non-Canadiens ont vu une production de l'ONF, au coût net le plus bas de notre histoire. Une estimation prudente de l'auditoire total pour les films de l'ONF présentés à la télévision canadienne durant l'année donne le chiffre de 120 millions.

Bien que le nombre de visionnements des vidéocassettes soit difficile à évaluer, nous savons que plus du quart du fonds audiovisuel des établissements d'enseignement canadiens est constitué de productions de l'ONF. Les résultats d'une étude récente que nous avons commandée pour estimer le nombre de visionnements de ces vidéos le place à 14 millions par année. De plus, les vidéos de l'Office ont été empruntées ou louées plus de 240 000 fois dans les bibliothèques publiques au cours de l'année.

Environ trois millions de Canadiens ont vu un film de l'ONF, le plus souvent un court métrage d'animation ou un film IMAX, dans une salle de cinéma. Plus d'un million de personnes ont visité notre site Web. Les films de l'ONF, incluant les films IMAX, sont distribués dans 110 pays et nous comptons d'importants nouveaux clients en Amérique latine et au Japon.

Les ventes à l'étranger se sont révélées un centre de profit pour l'Office encore une fois l'an dernier, alors que la distribution au pays, incluant le travail intensif effectué auprès des marchés institutionnel et scolaire, a presque recouvré ses frais. Lorsqu'on se rappelle que cette activité, il y a trois ans, affichait un écart entre les coûts et les recettes de près de sept millions de dollars par année, les résultats de 1997-1998 sont encore plus impressionnants.

[Français]

Outre son rôle de producteur public et de distributeur, l'Office national du film du Canada, qui existe depuis 59 ans, est le dépositaire, par sa collection de films, d'une partie très importante de l'histoire audiovisuelle du Canada. L'ONF prend très à coeur son rôle de préserver cette collection et de la rendre accessible aux Canadiens. Malgré les restrictions budgétaires, nous avons continué d'investir dans l'infrastructure mise en place pour protéger les supports matériels de nos productions et dans ce qui nous en garantit les droits de propriété intellectuelle, deux éléments qui, ensemble, rendent possible la distribution d'un film. Le transfert de la collection sur disques laser aux fins de consultation électronique est aux trois quarts terminé, et les premiers essais de distribution par Internet marquent le début d'une nouvelle ère d'accessibilité de cet important patrimoine du Canada.

Toutes les institutions publiques ont subi de fortes pressions, depuis quelques années, pour faire plus avec moins, pour répondre judicieusement aux demandes de plus en plus nombreuses et ambitieuses, pour rendre de plus en plus de comptes, tant sur les méthodes que sur les résultats. Nous, de l'Office national du film du Canada, avons fait face à ces pressions comme tous nos collègues du secteur public. Notre rapport, qui donne les grandes lignes de nos activités pour l'exercice 1997-1998, témoigne de nos efforts. Nous croyons avoir relevé le défi.

• 1130

[Traduction]

Tenant compte du délai qui nous est imparti, et comme je sais que vous préférez des discussions, voici donc ce qui conclut mes commentaires d'ouverture. Toutefois, dans le but de susciter des échanges de vues intéressants, j'ai pris la liberté de consigner quelques réflexions sur certaines questions, pas toutes évidemment, qui m'ont préoccupée au fil des ans au sujet de la Politique canadienne en matière d'audiovisuel. J'ai demandé au greffier de vous en distribuer une copie, alors je pense que vous avez tous un exemplaire de ce court document.

Ces commentaires ne présentent pas la position officielle et institutionnelle de l'ONF, et ne sont pas appuyés de tableaux et de graphiques. Ils sont plutôt le résultat de 25 années d'efforts, comme productrice tantôt publique tantôt privée, comme analyste en politique, comme fonctionnaire chargée de la réglementation, comme lobbyiste, en vue d'améliorer les produits audiovisuels offerts aux Canadiens et de donner un climat propice à la création dans ce pays. Je vous les offre pour ce qu'ils valent. Vous voudrez peut-être en discuter.

Le président: Merci beaucoup, madame Macdonald.

J'ai été frappé par le chiffre de 120 millions de Canadiens qui regardent les productions de l'ONF à la télévision chaque année. C'est remarquable. Cela signifie que l'ONF continue d'occuper une place vraiment importante dans nos vies.

Il importe énormément pour nous de voir comment l'ONF, à vos yeux, pourrait s'inscrire dans le paysage futur du milieu culturel, et je vous suis donc très reconnaissant de nous avoir fait part de votre propre point de vue pour faciliter notre discussion.

J'aimerais maintenant demander aux membres du comité, en commençant par M. Mark, de vous poser leurs questions.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Merci, monsieur le président

Je vous remercie d'être venu comparaître devant notre comité. Je félicite l'ONF de l'excellent travail qu'il a accompli malgré les compressions. Nous parlons toujours de l'invasion de la culture populaire américaine, et il semblerait que vous ayez trouvé une façon d'y faire face.

J'aimerais vous poser des questions au sujet de votre succès. Ce que j'aimerais savoir, c'est si vous croyez que vous devez poursuivre dans la voie de la promotion plutôt que de la protection? Comme vous le savez, la Chambre est aujourd'hui saisie d'un projet de loi qui vise essentiellement à protéger l'industrie de l'imprimé, si bien que c'est une question que j'aimerai vous poser.

L'autre question concerne le même sujet mais par rapport à l'Internet. Nous savons que la prochaine grande étape sera l'Internet. Puisque vous utilisez l'Internet et qu'il semble que vous ayez de grandes attentes face à l'Internet, est-ce que les gouvernements devraient le contrôler?

Mme Sandra Macdonald: Tout d'abord, en ce qui concerne la promotion plutôt que la protection, je vais vous donner mon point de vue personnel. Je suis d'avis qu'il sera de moins en moins possible de maintenir des mesures de protection. Nous le constatons déjà.

Si vous regardez mes notes additionnelles, que j'ai rédigées pour accrocher le lecteur, l'une des questions que je soulève est celle de savoir comment nous pouvons viser un objectif qui, je pense, va au coeur de notre politique culturelle, c'est-à-dire de s'assurer que les Canadiens ont une connaissance de leur pays, des gens qui le composent, des rapports qu'ils ont entre eux; qu'ils éprouvent une certaine fierté de leur pays et des réalisations de ses créateurs; et également dans la mesure où le monde audiovisuel, mais aussi celui de l'édition et d'autres, peuvent y contribuer, qu'ils ont l'éducation, les compétences et les outils dont ils ont besoin pour survivre dans ce monde très exigeant dans lequel nous vivons.

• 1135

Personnellement je suis d'avis que même si les outils de protection que nous avons utilisés au cours des 20 dernières années dans le domaine de la politique culturelle deviennent de plus en plus difficiles à maintenir, on ne peut pas en dire autant de l'outil que nous avons toujours eu, que nous avons mis en place pour créer la Société Radio-Canada en 1932, pour créer l'ONF en 1939 et pour créer pratiquement tout le reste depuis: la capacité d'assurer que les ressources sont disponibles pour que les Canadiens puissent faire les choses dont les Canadiens ont besoin.

Une chose que nous savons—nous le savons certainement dans le domaine de la programmation de l'information—c'est que les Canadiens dévorent la programmation d'information canadienne. Ils la préfèrent de loin à tout autre choix possible. Il ne s'agit donc pas de savoir si les Canadiens la veulent et en ont besoin mais plutôt de déterminer comment nous allons financer cette programmation pour nous assurer qu'elle soit suffisante.

De la même façon, pour ce qui est du matériel d'apprentissage, d'enseignement et d'expression de soi, nous arrivons toujours à mettre des ressources à la disposition des gens qui font ces choses.

Quant à question de savoir si on sera ou non en mesure de créer ce qu'on appelle dans le langage de la télédiffusion «l'espace d'étalage» est une autre question. En fait, le problème change à mesure que l'espace d'étalage devient non seulement difficile à fournir mais également moins important, car l'Internet, par exemple, est pratiquement sans limites pour ce qui est de l'espace d'étalage.

Il s'agit donc tout d'abord de produire le matériel—ce qui est habituellement une question de financement—ensuite de s'assurer que les Canadiens savent où il se trouve, car nous savons que s'ils savent où il se trouve, ils l'utiliseront. Voilà comment je répondrais à votre première question.

En ce qui concerne l'Internet, il est simplement impossible d'essayer de le réglementer de la même façon que nous avons réglementé la radiodiffusion. Et même si cela était possible, je ne vois pas comment toute tentative en vue de réglementer, disons, le contenu sur Internet survivrait à une contestation juridique en vertu de la Charte, en ce qui concerne la liberté d'expression. Je ne crois pas que cela répondrait au critère. Ceux qui s'y connaissent mieux que moi sur le plan juridique pourraient répondre à cette question.

M. Inky Mark: Merci beaucoup.

Le président: Je vous remercie.

[Français]

Monsieur Dumas, avez-vous des questions?

M. Maurice Dumas (Argenteuil—Papineau, BQ): Quand j'entends parler de l'Office national du film, beaucoup de souvenirs me reviennent à la mémoire. Je me souviens évidemment de son studio à Ville Saint-Laurent et des films Le Déclin de l'empire américain et Mon oncle Antoine, qui s'étaient mérités des prix. Il y a également La chaise, The Chair, d'un cinéaste célèbre dont j'oublie malheureusement le nom. Je me souviens aussi de Maurice Blackburn, qui était le responsable de la musique à l'Office national du film.

À la page 2 de votre document, vous dites:

    L'Office a décidé de ne plus investir dans les films de fiction il y a quelques années, pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons si le sujet vous intéresse.

J'aimerais connaître ces raisons.

Vous avez également parlé de compressions budgétaires. De quel ordre ont été ces compressions budgétaires?

[Traduction]

Mme Sandra Macdonald: Laissez-moi simplement répondre à celle-ci d'abord. C'est très simple.

[Français]

En 1995, notre budget annuel, qui était composé de subventions que lui accordait le Parlement ainsi que de revenus gagnés sur le marché, s'élevait à 90 millions de dollars. Cette année, il est de l'ordre de 65 millions de dollars; 10 millions de dollars proviennent de revenus gagnés sur le marché et 55 millions de dollars, du Parlement. Il s'agit donc d'une réduction très importante de l'ordre de près de 30 p. 100. Nous avons dû réduire notre main-d'oeuvre de moitié.

Je pourrais demander à ma collègue Barbara Janes, qui travaille à l'office depuis 25 ans et qui était présente pendant la période de production de tous les films que vous avez mentionnés, de parler un petit peu des difficultés inhérentes à la production des longs métrages de fiction dans le climat actuel et des motifs de notre décision de nous en tenir, pour le moment présent du moins, à notre genre du début, sur la scène documentaire, et à l'animation artistique.

• 1140

M. Maurice Dumas: Avant que madame me réponde...

Le président: Laissez Mme Janes répondre à la question. Je vous accorderai davantage de temps par la suite.

M. Maurice Dumas: Parfait. Merci.

Mme Barbara Janes (directrice générale, Programme anglais, Office national du film): Cela me fait plaisir de répondre à cette question parce que je la juge très importante. Il est indéniable que l'office a joué un rôle important dans le développement du film de fiction au Canada à ses tout débuts. On a pour ainsi dire créé la base de tous les cinéastes qui ont fait leur marque dans ce domaine depuis, dont Denys Arcand et Claude Jutras.

À un moment donné, la politique fédérale sur le film a fait en sorte qu'énormément d'argent était disponible pour la production de longs métrages de fiction de plusieurs sortes au Canada. Entre autres, Téléfilm Canada a été créé et doté d'un budget assez considérable pour financer de tels longs métrages. Il y avait aussi d'autres sources. À ce moment-là, l'importance de l'office dans ce domaine n'était plus ce qu'elle avait été auparavant. De plus, les compressions budgétaires dont Mme Macdonald a parlé tout à l'heure nous ont obligés à faire des choix. Au moment où nous avons appris que nos budgets seraient réduits d'à peu près 30 p. 100, nous avons regardé l'environnement dans lequel nous oeuvrons et nous nous sommes demandé quel était le meilleur choix pour l'office dans la conjoncture actuelle. Il y avait encore des sommes importantes pour le long métrage de fiction, mais de moins en moins d'argent pour la production du genre documentaire et l'animation artistique.

Après de longues délibérations, nous avons décidé que si l'office devait faire des choix difficiles, il était davantage important que nous poursuivions nos efforts sur la scène documentaire et que nous appuyions ce genre de cinéma, qui n'est pas aussi commercial que le long métrage de fiction. Il fallait peut-être laisser aux autres la responsabilité de continuer à oeuvrer dans le domaine du long métrage de fiction. Ce fut, bien sûr, avec beaucoup de regret que nous avons pris cette décision parce que nous aimions bien la fiction. Nous ne pensions pas que le long métrage de fiction n'était pas important, mais il fallait tout simplement faire des choix difficiles et consacrer nos efforts à le domaine où il semble y avoir un plus grand besoin.

Mme Sandra Macdonald: Si vous me permettez d'ajouter un autre élément, je préciserai qu'une partie importante de la production de l'office est la production éducative à l'intention des jeunes. C'est un domaine qu'aucune autre institution fédérale ne touchait et nous sommes presque la seule source de financement pour ce genre d'activité. La poursuite de cette activité faisait partie de nos choix. Nous avons examiné l'univers de la production de tous les genres de production au Canada et nous avons décidé que la fiction, que ce soit le long métrage, la série télévision ou autre, était assez bien appuyée par le gouvernement fédéral, tandis que les autres genres serait sérieusement en danger si nous, qui sommes la base de cette activité, disparaissions de cet environnement.

Le président: Monsieur Dumas, je vous invite à poser une question brève.

M. Maurice Dumas: Je voulais juste vous faire part des excuses de Mme Tremblay qui ne peut pas être ici ce matin. Elle doit se préparer en vue de la période des questions puisqu'elle agira à titre de leader adjoint en l'absence de M. Gauthier. Je ne puis pas dire que je remplace Mme Tremblay, parce qu'on ne remplace pas Mme Tremblay.

Des voix: Ah, ah!

Le président: Vous avez fait un très bon travail jusqu'ici, monsieur Dumas.

[Traduction]

Monsieur Muise.

• 1145

M. Mark Muise (West Nova, PC): Je vous remercie, monsieur le président.

J'aimerais tout d'abord remercier nos invités. Ils ont fait un excellent exposé. L'Office national du film joue un rôle très important et occupe une place spéciale dans nos coeurs. La SRC aussi bien sûr, mais c'est un autre aspect que je considère tout aussi important.

Vous avez dit plus tôt que nous travaillons à l'élaboration d'une politique culturelle et qu'il s'agit d'une tâche plutôt imposante. Lorsque je m'arrête pour y réfléchir, je suis presque sidéré par l'ampleur de la tâche. Car il faut en choisir les éléments les plus importants.

Compte tenu de votre situation unique et intéressante à l'ONF, je me demandais si vous pourriez nous indiquer les éléments que devrait selon vous renfermer une politique culturelle susceptible d'aider la culture au Canada. C'est ma première question, et j'en aurai d'autres à vous poser.

Mme Sandra Macdonald: Dans les pages supplémentaires que vous avez ici, j'ai soulevé quelques...

M. Mark Muise: Je n'ai pas eu l'occasion...

Mme Sandra Macdonald: Je sais. J'ai soulevé certains points que je considère très importants. Et j'ai tâché de parler d'aspects qui ne comportent pas nécessairement des dépenses supplémentaires.

Un aspect qui mériterait d'être approfondi, surtout en ce qui concerne les industries culturelles, c'est de déterminer si nous avons suivi le bon modèle dans notre façon de les appuyer. Bien qu'elles soient toutes différentes, comme vous le savez, et que le niveau d'aide qu'elles obtiennent du gouvernement varie considérablement, en fait la plupart d'entre elles, lorsqu'elles offrent un produit qui est distinctement canadien, sont loin d'être autosuffisantes. En fait, la plupart des universités et des orchestres symphoniques sont plus autosuffisants que les industries culturelles.

Il pourrait donc être utile de déterminer quelles sont les mesures axées sur l'aspect industriel, c'est-à-dire la création d'emplois et ainsi de suite. C'est une bonne chose; il n'y a rien de mal à cela. Mais ce n'est pas la même chose et cela ne produit pas les mêmes résultats que les mesures axées sur la culture.

Donc la question que je pose est la suivante, devrions-nous changer la méthode que nous utilisons pour financer ce genre de choses, c'est-à-dire de ne pas nous contenter d'examiner d'où provient le produit mais plutôt d'examiner la teneur de ce produit? Je considère qu'une telle démarche est davantage susceptible de nous rapprocher de nos objectifs culturels que certaines des mesures que nous avons utilisées par le passé.

Je me suis également demandé si nous pouvions rationaliser la méthode de financement. Dans le domaine audiovisuel, la façon dont un producteur indépendant doit financer un film est tellement compliquée qu'en fait l'aspect le plus créatif de la production est très souvent la transaction même. Cela n'est absolument pas justifié étant donné que pratiquement tout l'argent qu'il dépense est le nôtre. Cet argent a été mis à leur disposition par un agent quelconque du gouvernement, et une foule de règles compliquées nous sont imposées par ces divers organismes et ministères qui nous dictent ce que nous pouvons faire et comment nous pouvons le faire. Les producteurs passent tout leur temps à essayer de déterminer comment faire ceci et faire cela, et ce aux dépens de la création. C'est entre autres le prix que nous payons.

Et aussi bien entendu nous payons l'administration de toutes ces choses.

Donc, comme cela est souvent le cas dans l'un des documentaires que nous pourrions coproduire, le partenaire de coproduction a fait intervenir sept sources différentes de financement. Elles sont toutes, d'une façon ou d'une autre, créées par les gouvernements, et par conséquent sept séries de décideurs ont examiné la chose. Leur loyer a été payé; leur salaire a été payé.

Je propose quelques recommandations à cet égard. J'estime que nous pourrions sûrement trouver un moyen d'avoir un ou deux décideurs et que l'on consacre l'argent qui aurait servi à l'administration des autres décideurs, à la réalisation d'un plus grand nombre de projets. C'est un autre argument que j'ai présenté.

• 1150

Troisièmement, très souvent, et je ne parle pas ici de l'ONF et de la SRC—mais du domaine audiovisuel, parce que je sais que la situation est différente dans d'autres domaines—les choses que nous réalisons disparaissent complètement, sans laisser de trace, après une période de temps relativement courte. Habituellement le producteur n'achète les droits d'auteur que pour quelques années. Il donne ses droits à un distributeur pour quelques années. Une fois écoulée la période initiale, habituellement personne ne rachète les droits, l'accord de distribution disparaît, personne ne sait où se trouve le film, les négatifs sont laissés dans un laboratoire quelque part ou parfois on s'en débarrasse, et ces projets pour lesquels nous avons payé collectivement d'énormes sommes d'argent disparaissent complètement.

Donc, je propose qu'à tout le moins, pour tout film qui a été subventionné directement ou indirectement par le gouvernement fédéral, il soit obligatoire d'en déposer une copie aux Archives nationales ou dans une autre institution appropriée de garde ou de conservation. Cela devrait inclure non seulement la copie matérielle mais le droit de la visionner sur place ou de prévoir des restrictions appropriées afin de ne pas faire concurrence à la distribution commerciale, et il faudrait autoriser de mettre ces films à la disposition des rétrospectives et des festivals, s'il est impossible d'en trouver d'autres copies.

L'Office conserve en fait tous les films et ils sont mis à la disposition du public, mais en ce qui concerne les films du secteur privé, la situation est différente. Il y a quelques années, Téléfilm s'est trouvé dans la situation suivante: le musée Beaubourg à Paris avait décidé de faire une grande rétrospective des longs métrages canadiens et prévoyait en présenter 25. Aucun de ces films du secteur privé ne remontait à plus de 25 ans. Il a fallu trois ans pour trouver une copie utilisable et faire pour chacun d'entre eux un travail de détective, racheter les droits et les trouver afin de pouvoir présenter ces films. Dans pratiquement chaque cas, personne ne savait où s'en trouvait une copie, personne ne savait où était le négatif et évidemment personne ne savait qui en possédait les droits.

Il ne s'agit pas de vieux films, et ce sont nos films les plus célèbres. Donc un simple citoyen n'aurait aucun moyen de voir ce genre de films. Je trouve cela déplorable.

Quel était mon quatrième point?

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Les priorités.

Mme Sandra Macdonald: Ah oui, les priorités. En ce qui concerne cet aspect, la balle est dans votre camp.

L'une des choses intéressantes c'est que notre politique culturelle n'a jamais suivi un plan directeur. C'est un ensemble disparate de mesures différentes prises à des moments différents pour différentes raisons. Chaque décennie s'est enthousiasmée pour un aspect particulier et cet engouement s'est ajouté à ceux des décennies précédentes.

Au tout début, comme je l'ai dit, c'était les émissions d'information; c'était les actualités, c'était les émissions éducatives. C'était au début le mandat de la SRC et de l'ONF. Dans les années 50, ces institutions ont commencé à s'intéresser aux dramatiques. Puis le secteur de la production indépendante a été établi dans les années 70 et ici encore il s'intéressait surtout aux dramatiques. Dans la production du secteur privé, pratiquement tout l'argent que notre pays a dépensé était consacré aux dramatiques.

Ma question était simplement la suivante: parmi toutes les activités que nous appuyons, que ce soit dans le domaine de l'édition, des arts d'interprétation ou les établissements du patrimoine, est-ce que nous examinons la situation d'ensemble et tâchons d'établir un équilibre respectable parmi les différents types de programmes, pour répondre à tous les besoins des Canadiens? Leurs besoins en matière d'information sont tout aussi importants que leurs besoins en matière de divertissement. Leurs besoins en matière d'apprentissage, que ce soit dans les écoles ou ailleurs, sont très importants.

Chaque fois que nous regardons en arrière pour voir ce que nous avons créé, bon gré malgré, nous ne devons pas oublier que nous avons souvent été poussés par l'engouement du moment. Nous devons prendre garde à ne pas perdre de vue nos autres obligations, même si elles sont moins prestigieuses et ne correspondent peut-être pas aux mesures réclamées par des groupes de pression, car souvent les mesures les plus importantes sont celles qui font l'objet de moins de pression. C'est donc un autre problème.

• 1155

Le président: Je suis reconnaissant à M. Muise de vous avoir engagé sur cette voie car vous avez montré à quel point il nous est utile de convoquer des témoins ici pour qu'ils nous donnent des idées. Vous avez formulé avec beaucoup d'éloquence certaines idées importantes qui nous sont extrêmement utiles dans notre travail.

Monsieur Bonwick.

M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Nous venons d'entendre d'excellentes idées. Beau travail, monsieur Muise.

Je voulais simplement commenter un aspect que je ne comptais pas aborder, et c'est la protection par rapport à la promotion. Ce sont mes opinions. Je ne crois pas qu'en ce qui concerne la protection ou la promotion, il faille choisir l'une ou l'autre. Je considère que le gouvernement a un rôle à jouer dans ces deux domaines. Il suffit de regarder la taille du marché au sud de la frontière comparativement à notre capacité de promouvoir notre marché au nord de la frontière. Le gouvernement doit jouer un rôle dans les deux domaines.

On ne peut pas décider entre la protection et la promotion comme nous le faisons pour un produit comme un ordinateur ou une voiture, parce qu'il s'agit d'un élément qui fait partie de notre culture, partie de notre identité. Il faut donc adopter une démarche équilibrée qui comporte ces deux aspects.

En ce qui concerne plus particulièrement votre rapport, je tiens à vous remercier. Il nous aide à comprendre et à apprécier importance du rôle que joue l'ONF pour ce qui est de faire connaître la culture canadienne au Canada et à l'étranger. J'aimerais vous faire une proposition et savoir ce que vous en penser, puis j'aimerais que vous nous parliez de façon un peu plus précise du rôle que nous pourrions jouer. Vous nous avez communiqué certaines idées exceptionnelles que je n'avais jamais entendues.

Ce n'est peut-être pas grand-chose, mais lorsque j'étais étudiant dans le système scolaire public au Canada, il me semble que l'on consacrait assez de temps en classe à la présentation de films canadiens. Je me souviens lorsque j'allais à l'école, on amenait de gros chariots sur lequel se trouvaient les anciens magnétoscopes BETA, ou on regardait une émission de télévision par câble, parce qu'à 2 heures de l'après-midi, on y présentait un film canadien. Je n'entends pas mes enfants dire que l'on présente des films canadiens en classe.

Bien que nous n'ayons pas la compétence d'établir le programme d'études dans les écoles, en ce qui concerne les relations intergouvernementales je pense que ce serait une façon dont nous pourrions encourager une plus grande accessibilité dans le cadre du programme d'études.

Cela se produisait régulièrement lorsque j'allais à l'école. On y présentait un film sur écran ou à la télé et c'était toujours un bon film canadien, qui correspondait à un aspect de mon identité ou de celle de mes parents ou de leurs parents. J'aimerais savoir si vous avez des idées sur la façon dont nous pourrions encourager ce genre de choses dans le système scolaire.

Et j'aimerais aussi avoir plus de précisions à propos de certaines idées que vous avez exprimées. Le dépôt obligatoire était une très bonne suggestion que je n'avais d'ailleurs jamais envisagée au comité, et j'en ai pris note. J'aimerais connaître vos opinions.

Mme Sandra Macdonald: Tout d'abord, j'aimerais vous dire un mot ou deux à propos de la protection et de la promotion. Je vais ensuite demander à Barbara Janes de vous parler de la façon dont a changé avec les années la façon dont on se sert des documents dans les écoles. Elle s'y connaît beaucoup mieux que moi. Je vais ensuite demander à Lyette Doré de vous parler du travail que nous faisons en matière de distribution électronique, surtout dans les écoles.

En ce qui concerne la protection et la promotion, ne pensez surtout pas que je veuille abandonner la protection. Je voulais dire que celle-ci sera forcément de moins en moins efficace pour une foule de raisons. Elles ne sont pas toutes reliées à des litiges commerciaux et à des accords multilatéraux; beaucoup d'entre elles sont simplement d'ordre technologique.

• 1200

Si nous voulons une politique visionnaire, il faudra trouver le moyen de compenser cette baisse d'efficacité de la réglementation et des contrôles. C'est ici que la promotion prend le relais.

J'ai aussi dit dans mes notes que si l'on s'attardait davantage au contenu qu'aux bénéficiaires de l'aide, la plupart des différends commerciaux des 10 dernières années disparaîtraient car ce que nos voisins nous reprochent, en particulier les Américains, c'est de ne pas leur accorder le traitement national.

Pour moi, si un Américain nous présentait un projet qui se démarquait par son caractère canadien—et je vais vous donner un exemple que j'ai rencontré au CRTC... Il a fallu que j'atteste qu'une production était canadienne à 100 p. 100 parce qu'elle avait obtenu les 10 points. C'était une émission appelée Top Cops. Il n'était question que de policiers américains et elle devait surtout passer sur CBS.

Au même moment, un de nos rediffuseurs présentait Mes amis les loups, une production de Disney. C'est une oeuvre que j'aime beaucoup et s'il y a quelque chose de foncièrement canadien, c'est bien cela. En revanche, la production n'a obtenu aucun point.

Et je l'ai dit aux producteurs à l'époque. Les auteurs de Top Cops sont venus me voir, parce que j'étais très fâchée à propos des 150 p. 100 et je leur ai dit que s'il n'en avait tenu qu'à moi, si je n'avais pas été liée par les règles, j'aurais donné la cote Canadien à Mes amis les loups. Je n'aurais pas hésité un seul instant. Et les Canadiens auraient trouvé cela logique, je crois.

Mais combien de fois cela se présente-t-il en 10 ans ou dans une génération: trois fois? C'est donc dire que les dangers auxquels on pourrait s'exposer si on allait en ce sens ne nous semblent pas énormes.

Je vais demander à Barbara de vous parler un peu du rôle des films en milieu scolaire.

Mme Barbara Janes: Plusieurs facteurs ont influencé l'usage de l'audiovisuel en salle de classe.

D'abord, la philosophie de l'enseignement a changé avec le temps. Depuis 25 ans que je suis à l'Office national du film, elle a traversé plusieurs phases. Il y a eu l'époque où l'audiovisuel était la grande priorité, puis on a resserré les règles, parce que l'on trouvait que les enfants n'apprenaient pas les notions de base. Puis il y a eu les compressions budgétaires dans le secteur de l'enseignement, ce qui a rendu l'audiovisuel moins attirant, surtout à l'époque du 16mm, où une copie coûtait très cher.

L'arrivée de la vidéo et de la vidéocassette, qui ne coûte pas cher, a permis à l'Office d'être plus présent à l'école que jamais. La distribution du 16mm coûtait très cher mais l'essor de la vidéo nous a permis d'adopter une politique dont le but déclaré était de multiplier le nombre de cassettes à la disposition des enseignants sur tout le territoire canadien comme cela ne s'était jamais fait.

Pour y parvenir, nous avons décidé de fixer nos prix au bas de l'échelle pour que les écoles aient les moyens d'acheter les films de l'ONF et de les passer en classe. Je suis heureuse de dire que l'entreprise a été couronnée de succès. Même si vers l'ensemble les ventes au marché scolaire ont diminué avec les années, l'Office a su conserver sa part. Anglais et français confondus, je dirais que nous vendons sans doute environ pour un million de dollars de vidéocassettes aux écoles du pays. À 25 $ pièce, cela fait beaucoup de vidéocassettes.

• 1205

Le milieu scolaire ne cesse de nous dire que nos documents sont un élément très important des programmes.

Comme partout ailleurs, on assiste actuellement au remplacement des médias linéaires par les médias informatisés. L'ordinateur occupe de plus en plus de place en classe et au fur et à mesure que les enfants se familiarisent avec l'ordinateur à la maison et à l'extérieur de l'école, ils arrivent en classe avec toutes sortes d'attentes.

Parallèlement à cela, il y a quelques années, nous avons décidé de délaisser les médias linéaires traditionnels à usage scolaire pour nous lancer dans la programmation interactive. Une partie du programme à l'intention des jeunes comporte maintenant aujourd'hui des productions interactives. Mme Macdonald a parlé du CD-Rom sur Louis Riel que nous avons fait paraître l'an dernier et aussi le projet Internet appelé «Le prince et moi».

Nous faisons donc un certain nombre de choses pour stimuler la tendance naturelle des enfants de s'adapter aux médias interactifs pour créer de nouvelles formes d'apprentissage adaptées à cette génération.

[Français]

Le président: Madame Doré.

Mme Lyette Doré (directrice des affaires corporatives, Office national du film du Canada): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Pour revenir sur ce qu'a déjà dit la commissaire et ma collègue, Barbara Janes, nous nous sommes également lancés dans un projet fort intéressant appelé Ciné-Route, qui nous permettra de diffuser sur l'Internet une partie de notre collection, que nous sommes en train de numériser. Nous avons entrepris des discussions avec des collègues d'Industrie Canada—avec le réseau scolaire canadien, par exemple—et aussi CANARIE, qui exploite CA*net, un réseau pancanadien, ainsi que RISQ au Québec, ce qui nous fournit l'armature nécessaire.

Grâce à ces discussions, nous espérons lancer d'ici la fin de l'année un projet pilote qui nous permettra de relier une centaine de clients—certains dans des maisons d'enseignement, de l'école élémentaire jusqu'à l'université, et certains particuliers—pour faire l'essai du système et voir comment nous pourrions disposer d'un réseau de distribution général des productions de notre collection grâce à l'Internet.

Actuellement, nous sommes en train de repérer pour les distribuer une centaine de films où la question des droits ne se pose pas, parce que nous devons également tenir compte de la question des droits. C'est un problème que nous pourrons cerner grâce au projet pilote au pays. Lorsqu'il sera question de distribution mondiale, il faudra se colleter au problème très complexe des droits. Nous avons pour cela entrepris des discussions avec certaines associations de propriétaires de droits, comme l'Union des artistes et l'ACTRA pour voir si ensemble nous pouvons trouver le moyen de concilier tous les intérêts en jeu.

Ciné-Route est très prometteur. Nous allons procéder à des essais dans le courant de l'année et les résultats ne devraient pas tarder. De cette façon, si le mariage est heureux entre la technologie de CA*net et de RISQ, par exemple, notre collection cinématographique disposera d'un réseau de distribution général dans les écoles, les bibliothèques publiques et sur le marché de la consommation.

Mme Sandra Macdonald: J'ajouterais aussi—sans vouloir donner l'impression que cela est sur le point de se faire, même si cette dimension précise est sur le point de se réaliser—que nous procédons de façon permanente à une expérience très réussie de distribution à distance de nos films au moyen de fibres optiques, à la carte, avec un délai de deux minutes. Cela existe maintenant au Québec depuis deux ans. Dans cette province, nous sommes aussi liés à certaines universités. Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons lancé le service à la carte à St. John's, Terre-Neuve, et nous offrons 500 de nos titres. Cela aussi se fait sur un réseau de fibres optiques. C'est très facile et commode. Par l'Internet, c'est plus difficile, à cause des diverses façons dont les gens se branchent sur le réseau.

• 1210

Le président: Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey: Quel exposé stimulant! Je veux tout d'abord vous féliciter tous d'avoir fait une chose que je n'ai jamais vue un organisme quasi gouvernemental réussir, c'est-à-dire nous présenter un document de discussion provocateur qui est différent de ce à quoi on s'attend de quelqu'un qui doit défendre sa boîte et expliquer son fonctionnement. C'est un document vraiment intéressant, et je le recommande à mes collègues.

Vous y soulevez des questions provocatrices, notamment certaines dont nous avons parlé, comme la distinction entre ce qui est commercial et ce qu'il ne l'est pas. Nous nous sommes penchés là-dessus et voilà que vous façonnez la discussion en opposant culture et industrie et en précisant que ce ne sont pas les points qui comptent. Cela est très important.

Je sais qu'on vous a remis le chassé-croisé préparé par M. Blais, et dont nous nous servons pour essayer d'appliquer une perspective sectorielle à la politique de la culture.

Je remarque une chose, monsieur Blais. C'est sans doute une question de détail. J'ajouterais à vos liens une cinquième case dans la colonne de gauche qui s'intitulerait «préservation» de ce que vient de dire Mme Macdonald. Mes propos peuvent vous sembler hermétiques, mais je m'inspire des notes d'information qui ont été distribuées au comité. Les personnes intéressées peuvent en obtenir un exemplaire.

Ce chassé-croisé est là pour nous aider à mieux comprendre. Nous avons d'une part la création, la production, la distribution, la consommation et la préservation. Si l'on essaie d'appliquer cela aux activités passées, présentes et futures de l'Office national du film, c'est une façon intéressante de voir les choses, et j'aimerais connaître votre réaction. Il y a sur l'axe horizontal la globalisation, les technologies et la démographie, à quoi on pourrait ajouter cette notion de commercial et de non commercial.

À la lumière de votre dernière déclaration, si nous considérons le monde dans lequel vous oeuvrez comme un écosystème, il s'agit d'un écosystème dynamique particulièrement mu par la technologie. C'est un exemple classique d'un écosystème où la technologie revêt une importance cruciale.

Dans cet écosystème, le double emploi et la confusion sont monnaie courante. Faisons une liste: le film, la télévision, le CDROM, l'Internet, le réseau scolaire canadien, la câblodistribution dans les salles de classe, Ciné-Route, le fait que la radio est maintenant repensée puisqu'elle est diffusée sur l'Internet avec une toile de fond visuelle. À cela s'ajoute CANARIE, qui est une information diffusée sur un canal à large bande et à haute densité entre les grandes agglomérations canadiennes, sans compter tout le dossier du droit d'auteur qui est maintenant menacé à l'échelle internationale par l'entrée en scène de l'Internet. Il s'agit là d'un univers extraordinaire et dans nos efforts pour élaborer la politique culturelle de l'avenir, qui sera touchée par ces nouvelles tendances, nous devons tenir compte de tous ces éléments car à l'heure actuelle ils sont interchangeables. On en est convaincu rien qu'à vous écouter.

Dans votre premier document sur l'évolution du rôle de l'Office national du film, vous avez signalé à juste titre que cet organisme a été créé avant l'avènement de la télévision. C'était le complément visuel de la radio et, graduellement, elle a dû composer avec la télévision. Soit dit en passant, j'ai déjà été membre du Conseil d'administration de l'Office national du film et chez moi, en Nouvelle-Écosse, j'ai encore quelque chose qui vous appartient: un projecteur de 16 millimètres. Vous pouvez en déduire qu'il y a très longtemps de cela. Avez-vous encore des projecteurs de 16 millimètres?

Dans le contexte de cet écosystème dont vous avez d'ailleurs parlé—et également d'autres enjeux très importants pour le cinéma, par exemple, tout le système de pointage et ainsi de suite—, j'essaye d'identifier le rôle qui sera le vôtre et les besoins que vous pourrez continuer à combler dans tout ce tourbillon d'activités, surtout pour défendre les intérêts canadiens.

À mon avis, il y a un élément de contenu et aussi d'expérimentation comme c'était le cas dans le domaine de l'animation. Sans vouloir vous manquer de respect, ce n'est sans doute plus le cas à l'heure actuelle. À un moment donné, vous étiez au pinacle dans le domaine de l'animation. Maintenant, il y a énormément d'innovation qui se fait ailleurs. Vous faites partie de ce courant novateur mais vous n'êtes plus un joueur dominant. Est-ce une question? Je n'en sais rien. Quoi qu'il en soit vous pouvez répondre.

Mme Sandra Macdonald: Je vois où vous voulez en venir.

M. John Godfrey: D'accord.

• 1215

Mme Sandra Macdonald: Je sais que mes collègues ont des opinions, et j'espère qu'ils vont participer à la discussion dans un instant.

Dans la foulée des compressions budgétaires considérables qui nous ont été imposées, nous avons passé un an à battre la campagne et à nous poser les questions suivantes: «laquelle de nos activités pouvons-nous abandonner? Que pouvons-nous améliorer? Dans quel secteur devrions-nous investir pour l'avenir et que devrions-nous laisser tomber?» À tous les niveaux de l'organisme—du commis aux employés de nos bureaux à l'étranger, en passant par le producteur, le réalisateur, l'agent de distribution et de commercialisation—, nous avons consacré un temps et une énergie énormes à réfléchir sur ce que nous faisions.

Parce qu'il n'était pas difficile de s'entendre sur ce qu'il convenait de faire, les moyens à prendre faisaient problème. Je ne pense pas que l'Office ait jamais eu de problèmes pour identifier son but ultime: interpréter le Canada pour les Canadiens, être là où sont les Canadiens et servir les gens qui n'ont pas encore trouvé leur porte-parole. On les retrouve dans le prochain groupe. Le processus d'intégration suit toujours le même cheminement, et il faut commencer quelque part. L'Office a toujours voulu et voudra toujours être présent. Je pense que le principe selon lequel nous devons être le miroir de la vie des Canadiens façonnera toujours notre mandat. Pour nous, cela est incontournable.

Cela dit, nous avons quatre grandes préoccupations qui dictent, sinon notre stratégie, à tout le moins notre tactique pour avancer. Ainsi, nous avons l'intention de toujours avoir un pourcentage important de nos films réalisés par des gens qui n'ont jamais travaillé avec nous auparavant, ce sont là les nouvelles voix. C'est le rôle d'incubateur que nous avons toujours eu et que nous devrions toujours conserver.

M. John Godfrey: La création.

Mme Sandra Macdonald: La création. Le développement de cinéastes, de nouvelles voix. C'est notre rôle particulier.

L'autre chose, c'est que nous avons toujours pris grand soin des oeuvres réalisées l'Office. Ciné-Route en est un exemple, ainsi que les collections des bibliothèques publiques. Même votre projecteur de 16mm en est un exemple.

M. John Godfrey: Je vous le rendrai.

Mme Sandra Macdonald: Faire en sorte que ces oeuvres demeurent disponibles constitue notre vocation. Nous y croyons beaucoup.

M. John Godfrey: La préservation.

Mme Sandra Macdonald: La préservation et l'accès, l'accès et encore l'accès. C'est notre vocation.

Même si, comme vous l'avez dit, l'Office a sans doute joué un rôle plus visible antérieurement dans le domaine de la recherche et du développement, d'une certaine façon c'est qu'il n'y avait pas d'autres endroits où cela se faisait. Le fait que nous soyons moins visibles en raison de l'effervescence qui nous entoure, ne signifie pas que nous ne faisons plus rien. Je vais demander à Barbara de nous en dire un petit peu plus long tout à l'heure.

En fait, pour reprendre votre exemple de l'animation et des effets visuels, ce qui est intéressant, certes c'est que l'évolution fascinante des logiciels a permis de créer de nouveaux effets spectaculaires, et certaines personnes vont devenir extrêmement riches grâce au droit d'auteur applicable là-dessus, mais quel but vise-t-on exactement? Avons-nous vraiment besoin de meilleure technologie pour faire exploser des choses? Les explosions sur écran sont-elles l'objet de notre ambition? Quel but cela sert-il?

J'aimerais que Barbara vous dise quelques mots au sujet des travaux que nous menons dans nos studios dans le domaine de ce que nous appelons maintenant l'animation interactive pour enfants, car tout cela est lié. C'est un domaine où nous continuons à faire un travail expérimental très intéressant.

En outre, Lyette vous a mentionné ce que nous faisons sur l'Internet. À mon avis, l'Internet sera pour nous un instrument formidable à l'avenir, en partie parce que nous avons en main toutes les pièces du puzzle qui nous permettront d'exploiter de façon intéressante ce médium, ce qui n'est pas le cas de bien d'autres. Sans compter que cela est fort adapté à l'une de nos clientèles privilégiées, les écoliers.

• 1220

M. John Godfrey: J'ai une question d'ordre technique. Est-ce pour vous une priorité de numériser votre production actuelle et votre production passée? En effet, cela sera l'une des clés pour entrer sur l'Internet, quelle que soit la forme qu'il prendra, n'est-ce pas?

Mme Sandra Macdonald: En fait, nous procédons un peu différemment. J'ai fait des vérifications, car certains ont pensé que notre méthode n'était pas la bonne, mais j'ai constaté que pour nos collègues de France et de Grande-Bretagne, nous avons fait le bon choix.

Nous faisons la transposition de notre collection depuis trois ou quatre ans, et nous en avons déjà traité les trois quarts. Mais nous ne la transposons pas sur un support numérique; nous avons plutôt choisi un disque analogique au laser, qui nous a semblé préférable parce que les normes internationales de numérisation évoluent très rapidement. Nous pouvons faire jouer notre disque analogique au laser sur notre lecteur robotisé et le faire passer ensuite par n'importe quel numérisateur, selon la mode du moment. Ainsi, si on adopte une nouvelle norme numérique, nous n'avons pas à renumériser toute la collection. Nous la faisons simplement passer par un nouvel appareil.

Nous allons conserver ce format pour les documents peu utilisés. Notre plan consiste à numériser les titres les plus en demande et à les confier à un gros serveur—sans doute pas le nôtre, mais un serveur commercial—car notre serveur robot ne peut pas répondre simultanément à de nombreuses demandes d'un même titre. Mais une bonne partie de nos titres ne sont pas demandés fréquemment et il est donc inutile de les stocker sur support numérique. Cette stratégie s'est avérée très pratique pour nous. En fait, nous avons déjà numérisé une grande quantité de documents à toutes fins utiles.

Le président: Avant de consulter Mme Janes, j'aimerais signaler qu'il est déjà 12 h 25. Il nous reste à peu près une demi-heure et j'ai reçu deux autres demandes d'intervention. Est-ce qu'on pourrait diviser équitablement le temps qu'il nous reste? Je vous en remercie.

Mme Barbara Janes: Je voudrais simplement ajouter quelques mots à la réponse de Sandra Macdonald.

La question de la technologie à l'Office national du film est en fait très intéressante, car rares sont ceux qui se souviennent de l'époque où le film 16 millimètres constituait une technologie nouvelle. Mais cette époque a existé.

En fait, la technologie évolue mais notre rôle est plus statique. La technologie nous permet simplement de faire les choses différemment, mais pour l'essentiel, il s'agit toujours de la même chose. Nous créons des images qui ont une signification et une tonalité particulières pour les Canadiens, et nous créons des créateurs. Avec l'évolution de la technologie, nous avons changé de support. Mais qu'il s'agisse d'un film en 35 ou en 16 millimètres, d'un enregistrement vidéo, de vidéos numériques ou d'images de synthèse, nous faisons toujours la même chose. Notre rôle ne s'est pas modifié à cause de la technologie; il s'est tout simplement raffiné et diversifié.

Vous dites que l'Office national du film n'est plus le seul centre d'expérimentation en animation. Le milieu de l'animation est évidemment beaucoup plus vaste aujourd'hui qu'il ne l'était quand nous avons commencé, mais nous sommes toujours très peu à faire de l'animation, ce qui permet aux artistes de faire des expériences, non pas nécessairement sur le plan technologique, même s'ils en font aussi dans ce domaine, mais surtout dans une perspective de créativité.

En fait, nous produisons souvent des prototypes. Un film créé par un artiste devient un prototype. L'un des principaux intérêts qu'on nous porte de l'extérieur provient de producteurs commerciaux, parmi lesquels figurent bon nombre d'Américains, curieusement, qui veulent explorer notre collection de dessins animés dans l'intention de se servir de ses prototypes individuels pour en faire des séries.

Une de ces séries vient d'être réalisée. On a commencé à diffuser à la télévision, au Canada et aux États-Unis, une série intitulée Bob and Margaret.

Mme Sandra Macdonald: En Allemagne également.

Mme Barbara Janes: C'est un dérivé d'un court métrage intitulé Bob's Birthday, que nous avons réalisé il y a plusieurs années, et qui a été couronné par un Oscar. Vous voyez donc que ce que nous faisons pour le dessin animé est toujours très différent, et vous remarquerez que dans le monde entier, des gens se tournent vers nous comme source d'inspiration qu'ils utiliseront ensuite dans leur travail.

• 1225

En ce qui concerne notre programme de dessins animés interactifs pour enfants, que nous appelons ACI, j'ai signalé tout à l'heure que nous faisons des tentatives dans le domaine de la programmation informatisée, notamment. Actuellement, nous envisageons également de créer un site Web de l'ONF sur l'histoire canadienne, et nous venons du reste d'embaucher un directeur de projet qui va s'y consacrer. Le site pourra être consulté dans les deux langues officielles et présentera des documents de notre collection qui feront une sorte de panorama historique audiovisuel du Canada depuis 1939.

Mme Sandra Macdonald: Et même avant.

Mme Barbara Janes: Oui, et même avant. On y trouvera aussi de nouvelles productions réalisées spécifiquement pour ce site Web. Il s'agit d'un très vaste projet sur cinq ans qui a été accueilli dans l'enthousiasme par tous ceux qui s'intéressent à l'histoire au Canada, et c'est sans doute ce que nous avons fait de plus intéressant dans le domaine des nouveaux médias depuis longtemps. Nous y consacrons beaucoup d'énergie. Ce sera l'un de nos principaux projets du millénaire; il va proposer à tous les Canadiens un site Web complet sur l'histoire du Canada. Et ce n'est que l'une de nos réalisations.

Le président: Allez-y, monsieur Mark.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président. J'aurais quelques questions à poser.

Vous avez parlé d'un certain sens de l'équilibre. Comment entendez-vous assurer l'équilibre entre le didactique et le divertissement?

Par ailleurs, avez-vous envisagé d'établir des partenariats avec d'autres organismes publics comme Radio-Canada? N'auriez-vous pas intérêt à vous réunir à des fins de commercialisation et de production?

Mme Sandra Macdonald: Barbara a parlé tout à l'heure des choix difficiles que nous avons dû faire, notamment pour nous retirer du domaine du divertissement. Nous l'avons fait parce que dans le milieu où nous travaillons, le divertissement est déjà bien desservi, alors qu'il ne se fait pas grand-chose dans le domaine des productions qui nous sont exclusives ou particulières.

Évidemment, nous sommes toujours très attentifs à l'écosystème. Par exemple, si la production canadienne se modifiait radicalement et que les producteurs de films de divertissement se retrouvent pratiquement sans ressources, si le système se retrouvait déséquilibré, nous pourrions réviser notre position, car nous nous considérons comme faisant partie d'un tout. Nous sommes un élément, et non un tout. Nous voulons jouer un rôle aussi constructif que possible dans l'environnement où nous nous trouvons.

En ce qui concerne les films de divertissement, nous avons toujours considéré que si les circonstances changent et qu'elles nous obligent à réviser notre position, nous le ferons, mais il demeure, évidemment, que nous sommes beaucoup plus démunis financièrement qu'autrefois et que la production de divertissement coûte extrêmement cher.

En ce qui concerne nos relations avec les autres organismes et l'esprit de partenariat, je peux dire que c'est nous qui avons le plus de partenaires dans le secteur de l'audiovisuel. Nos relations avec Radio-Canada, du moins avec le volet anglais CBC, sont meilleures actuellement qu'elles ne l'ont jamais été. Nous avons ainsi pu diffuser huit ou 10 émissions à des heures de forte écoute l'année dernière, nous avons obtenu d'excellentes cotes d'écoute, et c'est pour nous un progrès décisif. Nous éprouvons un peu plus de difficultés du côté français. Le documentaire n'est pas vraiment une tradition à Radio-Canada, nous avons donc un peu plus de mal à nous entendre avec eux.

Nous avons des contacts avec les canaux spécialisés. Nous vendons de grandes quantités d'émissions aux canaux spécialisés canadiens. Nous avons des partenariats avec eux.

Nous avons aussi des partenaires de production. Du côté anglais, 40 p. 100 environ de nos titres sont des coproductions. Elles sont un peu moins nombreuses du côté français, mais elles existent néanmoins. Nous faisons essentiellement des coproductions canadiennes, mais également, parfois, des coproductions internationales.

• 1230

Nous avons donc tous ces partenaires. Nous avons des partenaires dans l'enseignement, dans les systèmes scolaires. Nous avons de très nombreux partenaires dans les institutions. Par exemple, certains de nos films visent les domaines de la justice sociale ou de la santé, par exemple. Cette semaine, nous avons lancé un projet avec le ministère des Affaires des anciens combattants pour présenter notre série sur le personnel soignant à tous les anciens combattants du pays, grâce à un partenariat avec la Légion canadienne.

The Nitinaht Chronicles, le film que j'ai mentionné au début, dont le sujet est l'agression sexuelle dans une collectivité autochtone, est utilisé par la GRC et le Conseil canadien de la magistrature pour former les juges et les agents de police, pour les rendre plus sensibles aux questions auxquelles ils pourraient devoir faire face.

On apprécie beaucoup les partenariats et on passe énormément de temps et d'énergie à les cultiver.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

[Français]

Le président: Monsieur Dumas.

M. Maurice Dumas: Monsieur le président, j'aimerais faire un commentaire sur la remarque que madame a faite au sujet de ce qu'on a détruit et perdu à l'Office national du film. Vous parlez évidemment de films de moins de 25 ans. On avait pris trois ans à réunir tous ces documents pour faire une rétrospective du cinéma canadien.

D'ailleurs, la même chose s'est produite à Radio-Canada. On a parlé des tout premiers téléromans diffusés à Radio-Canada. On avait détruit une foule de documents, probablement parce qu'ils avaient été enregistrés sur de grosses bobines. Je me suis demandé si ce n'était pas le manque d'espace qui avait entraîné la destruction de ces choses. Est-ce qu'il y a aussi eu négligence dans le contrôle? Peut-être que lorsque les films sortaient, on ne les rapportait pas. Est-ce qu'il y a eu manque de contrôle ou négligence à cet égard? Est-ce qu'il y a eu un manque d'intérêt de la part de certaines personnes en poste pour ce qui constitue notre patrimoine? On a peut-être aussi détruit des films parce que la température avait altéré la qualité de la pellicule. C'est un commentaire que je fais là-dessus. J'ai été renversé quand j'ai appris que tant de choses avaient été détruites.

Mon père avait fait un film dans les années 1950 avec Maurice Blackburn, dont je vous parlais plus tôt. C'était un film de folklore. Ce film n'est sûrement pas sur vos tablettes. C'est le commentaire que j'avais à faire.

Mme Sandra Macdonald: Je vais demander à Mme Doré de vous répondre.

Mme Lyette Doré: Merci. D'abord, j'ai de bonnes nouvelles à vous annoncer. Rien de ce qui a été produit à l'office n'a été détruit. Si on peut se voir après la réunion, je prendrai en note le titre du film dans lequel votre père a été impliqué. Je suis certaine qu'on va pouvoir le retrouver et vous en transmettre une copie.

Des efforts ont été entrepris dès la création de l'Office national du film pour conserver et préserver le matériel qui était produit. De plus, depuis un certain nombre d'années, l'office reçoit des dépôts de plusieurs autres organismes. On a même du matériel qui date du tout début du cinéma, d'environ 1895. Par exemple, on a redécouvert récemment beaucoup de films qui avaient été faits pendant la Première Guerre mondiale. On est en discussion avec nos collègues du Musée canadien des civilisations, pour la partie Musée de la guerre, en vue de reconstituer ces films. On a aussi réussi à retrouver les scénarios et on va pouvoir les remonter.

Donc, de notre côté, rien de notre collection n'a été détruit et on a des dépôts de plusieurs autres institutions.

Vous parlez de Radio-Canada. Effectivement, Radio-Canada a eu des problèmes à un moment donné. Ce n'était pas nécessairement de la négligence. Vous parliez tout à l'heure de négligence ou peut-être de... Pardon?

M. Maurice Dumas: Manque d'intérêt.

Mme Lyette Doré: De manque d'intérêt ou de quelque chose de semblable. Une des raisons qui ont été invoquées à l'époque, comme vous le disiez, était l'espace que prenaient ces bobines. Souvent on réenregistrait par-dessus. Cependant, des efforts sont faits de ce côté-là, et on a, à l'ONF, des collègues experts qui sont régulièrement consultés à ce sujet par d'autres institutions, incluant Radio-Canada.

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Revenons à votre question centrale: est-ce qu'il y a un problème d'espace? Eh bien, pas chez nous, puisqu'il y a eu une expansion de la voûte qui nous permet de conserver le matériel à des températures et à des degrés d'humidité acceptables. Là aussi, on consulte régulièrement nos collègues, notamment de la Cinémathèque québécoise, et il y a des échanges d'information et de bons procédés dans ce contexte.

Je vais essayer de retrouver le film dans lequel votre père a été impliqué. Je pense que ça va illustrer les efforts et les résultats très positifs qu'il y a de notre côté.

Ça, c'est la partie préservation et conservation. On a fait allusion tout à l'heure à la partie accessibilité. Il s'agit de remettre tout ça dans le patrimoine public pour que les Canadiens puissent consulter ce matériel par diverses méthodes ou divers moyens de communication.

[Traduction]

Le président: Madame Macdonald, j'aimerais vous remercier beaucoup d'avoir comparu aujourd'hui avec vos collègues. On a beaucoup appris.

Comme vous savez, nous effectuons une étude. Elle est presque terminée. On commence à bâtir un cadre afin d'entreprendre la rédaction d'un rapport, et il était très important que nous entendions les opinions de l'Office national du film. Je regrette que ce soit arrivé si tard.

Une partie de la discussion qu'on a eue l'autre jour, quand on envisageait un cadre éventuel de travail, tournait autour de la question de l'argent et la valeur de la culture, que vous avez mentionnée. Il y a beaucoup d'autres éléments nouveaux, comme par exemple les moyens de fournir le financement plus rapidement et plus efficacement qu'on ne le fait maintenant, et toute la question des archives et la préservation de nos oeuvres à travers le dédale des droits d'auteur; en plus, il y a la notion d'un plan directeur qui assure un juste équilibre entre les divers secteurs et qui le distribue parmi les éléments clés de l'information, le divertissement et l'éducation.

Vous et vos collègues nous avez communiqué une quantité énorme de renseignements utiles, vos connaissances et compétences d'experts et vos idées, et nous en sommes très reconnaissants. Cette séance a été l'une des meilleures qu'on a eues. Nous vous en sommes très reconnaissants. Merci beaucoup d'être venus.

Mme Sandra Macdonald: Avec plaisir.

[Français]

Mme Barbara Janes: Merci.

[Traduction]

Le président: La séance est levée.