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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 2 novembre 1998

• 0910

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Bonjour. Conformément au mandat que lui confèrent le paragraphe 108(2) et l'article 83.1 du Règlement, le Comité permanent des finances reprend ses consultations prébudgétaires.

J'aimerais d'abord vous souhaiter la bienvenue. Il nous manque encore les représentants de la Coalition Solidarité-Santé, mais avec la permission des collègues, on va commencer quand même. Lorsque les représentants de la coalition arriveront, ils pourront s'intégrer à nos consultations.

J'aimerais présenter nos invités: de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, M. Manuel Dussault, directeur des recherches et des analyses; de la Chambre de commerce régionale de Sainte-Foy, Mme Lise Bergeron, présidente; M. François Boulay, de l'Office du tourisme et des congrès de la Communauté urbaine du Québec; de la Coalition Solidarité-Santé, il n'y a encore personne, mais on les attend d'une minute à l'autre.

Nous entendrons aussi le Dr Sid Ingerman, qui témoignera à titre personnel.

[Traduction]

Je souhaite la bienvenue à M. Ingerman, chargé de cours au Collège canadien des travailleurs, et professeur d'économie à la retraite de l'Université McGill.

[Français]

De l'Institut et hôpital neurologiques de Montréal, nous recevons le Dr John A. Robson.

[Traduction]

Bonjour, monsieur Robson.

Nous accueillons également le professeur Barry Posner, de l'Université McGill. Bienvenue.

Mesdames et messieurs, nous accordons de cinq à dix minutes pour l'exposé de chaque organisation. Nous voulons avoir assez de temps pour... Nous sommes ici jusqu'à 11 heures.

Je vais présider la séance jusqu'à l'arrivée de notre président. Il arrive d'Ottawa. Il m'a téléphoné à 7 heures.

Au nom des membres du comité,

[Français]

au nom de tous mes collègues, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue.

Je demanderais au représentant de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs de commencer sa présentation. Je vous accorde de cinq à dix minutes, et ensuite on passera à des questions de la part de mes collègues. Bienvenue, monsieur Dussault.

M. Manuel Dussault (directeur, Recherches et analyses, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec): Merci, monsieur le président. Membres du Comité permanent des finances, il fait plaisir à l'alliance de vous présenter ses recommandations prébudgétaires pour cette année.

Le prochain budget du gouvernement fédéral marque une étape importante dans l'histoire des finances publiques. Il s'agit du premier budget suivant l'atteinte du déficit zéro. Selon l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec, qui est la division provinciale de l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada, cette nouvelle étape doit servir à poser les bases d'une fiscalité saine et compétitive et d'une plus grande efficacité des dépenses publiques. Si la crise financière qui guettait le Canada est maintenant passée, la crise de l'efficacité, elle, demeure.

La compétitivité du régime fiscal des manufacturiers et des exportateurs est une question qui préoccupe particulièrement nos membres au Québec. Comme vous le savez, le Québec est la juridiction la plus taxée en Amérique du Nord. Les relations fédérales-provinciales concernant les questions budgétaires sont aussi importantes, puisque l'efficacité des dépenses publiques et de la fiscalité dépend d'une coordination dans l'ensemble du Canada.

Parlons d'abord de l'usage des surplus budgétaires et de la crise de l'efficacité. L'équilibre budgétaire au niveau fédéral résulte de l'utilisation des surplus de la caisse d'assurance-emploi, qui devraient plutôt être retournés en priorité aux contribuables. Ainsi, à la fin de l'année, le surplus de la caisse serait d'environ 19 milliards de dollars. La priorité pour le gouvernement, selon l'alliance, doit donc être de remettre aux entreprises et aux travailleurs et travailleuses les surplus de la caisse d'assurance-emploi, puisque celle-ci devrait fonctionner comme une assurance.

Bien que la dette publique demeure élevée, le Canada est sorti du cercle vicieux de l'endettement. Le ratio de la dette fédérale au PIB doit décroître au cours des prochaines années. La théorie économique ne donne aucune réponse précise quant au niveau d'endettement ou de dépenses idéal dans une économie, mais selon l'alliance, ce n'est pas le temps de créer de nouveaux programmes et de nouvelles dépenses.

Le meilleur critère d'évaluation est probablement la volonté de payer des contribuables. À notre avis, plusieurs facteurs devraient refroidir l'ardeur des gouvernements à dépenser et du public à l'appuyer dans ce sens.

Il y a quelques facteurs qu'il faut mentionner, d'abord le haut taux d'endettement et de taxation comparativement à nos voisins américains. Aux États-Unis, la fiscalité représente 28 p. 100 de l'économie et l'endettement est équivalent, alors que l'endettement au Canada est équivalent à 60,3 p. 100 du PIB, comparativement à 37,8 p. 100 aux États-Unis.

• 0915

La nécessité de gérer prudemment dans un contexte international incertain: L'endettement permet de rejeter sur les générations futures le paiement des dépenses. Le Canada ne performe pas très bien, par rapport à la moyenne de l'OCDE, sur toutes les variables suivantes: les dépenses publiques par rapport au PIB; les emplois gouvernementaux sur le total de l'emploi dans l'économie; la dette publique divisée par le PIB; et la part des dépenses publiques totales du gouvernement central.

Avant de créer de nouveaux programmes, il faut aussi considérer que les dépenses augmentent automatiquement d'année en année. Depuis plusieurs années, il y a eu plus de mesures pour soulager les contribuables, les individus et les corporations. La priorité doit donc être de réduire d'une façon ciblée la fiscalité après s'être attaqué à la question des surplus de l'assurance-emploi.

Donc, si la crise financière est passée, la crise de l'efficacité demeure toujours. Au Canada, le chômage et la pauvreté sont encore trop élevés malgré le fait que le gouvernement représente plus de la moitié de notre économie. Au Canada, le taux de chômage a d'ailleurs été plus bas qu'il ne l'est aujourd'hui, alors que le poids des dépenses publiques, dans l'économie totale, était moins important.

Nous recommandons au gouvernement canadien, comme le gouvernement québécois l'a fait lors des sommets socioéconomiques, de se donner conjointement avec ses partenaires un tableau de bord permettant d'évaluer la performance économique.

Un environnement fiscal sain et concurrentiel pour les manufacturiers du Québec: Au Québec, la fiscalité est beaucoup plus lourde qu'ailleurs en Amérique du Nord. Donc, les manufacturiers et les exportateurs accordent la priorité à une fiscalité concurrentielle.

À notre avis, les recommandations du rapport du Comité technique de l'efficacité des entreprises, le rapport Mintz, feraient très peu pour améliorer la compétitivité de la fiscalité des entreprises du Québec. Une des failles importantes du rapport de ce comité est qu'il n'évalue pas l'impact de la concurrence fiscale sur la société et sur les revenus gouvernementaux.

Une expérience québécoise qu'il faut citer: Les réductions des taxes sur la masse salariale accordées aux entreprises en Ontario ont forcé le gouvernement du Québec à reconsidérer le fardeau fiscal injustement élevé des entreprises québécoises et son impact sur l'emploi.

Les exportateurs et les manufacturiers sont d'ailleurs généralement les entreprises les plus mobiles, mais aussi celles qui contribuent le plus à l'économie. Il est donc justifié de s'assurer que leur fardeau fiscal soit particulièrement compétitif, meilleur que celui de la concurrence si possible.

Le comité technique, en recommandant un élargissement de la base de taxation et une plus grande équité entre les industries, aurait dû évaluer ses propositions à la lumière des bénéfices de la concurrence fiscale, de l'importance du secteur manufacturier et de la réalité économique mondiale.

Quelques mots sur un fédéralisme budgétaire efficace. Le rapport du comité technique traite aussi de la coordination fédérale-provinciale. On ne peut qu'appuyer ces recommandations, sauf en ce qui concerne la déductibilité de la taxe sur le capital. Le comité technique recommande de lever cette déductibilité. Cela aurait un impact particulièrement négatif, d'autant plus qu'une des raisons pour cette taxe sur le capital élevée au Québec est l'aménagement qui a été fait pour tenir compte de la TPS et la TVQ.

En ce qui concerne les dépenses du gouvernement fédéral dans les domaines de juridiction propre aux provinces, l'alliance croit à l'importance du consensus. On s'est d'ailleurs présentés devant votre comité en ce qui concerne le programme de la Fondation des bourses du millénaire. Il est extrêmement important, à notre avis, que les provinces et le gouvernement fédéral arrivent à travailler ensemble pour le bénéfice des contribuables.

Pour l'AMEQ, le système de prêts et bourses en vigueur au Québec satisfait les besoins des entreprises membres et l'association aurait souhaité que les fonds supplémentaires puissent y être versés.

Il faut aussi noter qu'en termes de dépenses publiques, le Canada est légèrement plus centralisé que la moyenne des pays de l'OCDE. Il y a donc tout intérêt à se tourner du côté de la décentralisation et d'une meilleure entente entre les provinces.

En conclusion, l'AMEQ souhaite que le prochain budget soit réaliste et mise sur une gestion prudente des ressources publiques. Les entreprises ont besoin d'un climat fiscal sain et concurrentiel afin d'augmenter leur contribution à la création d'emplois et de richesses.

Les priorités pour le gouvernement fédéral devraient être la réduction des cotisations à la caisse d'assurance-emploi; la gestion efficace des dépenses publiques; l'amélioration du régime fiscal des entreprises; et la coopération fédérale-provinciale. Merci.

• 0920

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Dussault.

Je demanderais maintenant à Mme Bergeron de nous faire son exposé. Bienvenue, madame Bergeron.

Mme Lise Bergeron (présidente, Chambre de commerce régionale de Sainte-Foy): Bonjour à tous. Je m'appelle Lise Bergeron. Je suis une avocate de la ville de Québec, mais je suis ici à titre de présidente de la Chambre de commerce régionale de Sainte-Foy. Je suis accompagnée de M. François Boulay, mon collègue de l'Office du tourisme et des congrès de la Communauté urbaine de Québec, office qui regroupe 13 villes.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Est-ce vous qui allez faire la présentation?

Mme Lise Bergeron: Nous allons nous partager le temps qui nous est alloué, si vous le permettez. Justement, je voulais vous proposer que j'expose le point de vue national de la Chambre de commerce et que M. Boulay présente le point de vue régional.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous vous entendrons avec plaisir.

Mme Lise Bergeron: Le ministre fédéral des Finances, M. Paul Martin, prononcera, dans les prochains mois, son discours sur le budget. L'exercice 1999-2000, tout comme l'exercice qui s'achève, devrait comporter un important surplus. Le gouvernement fédéral va maintenant décider de l'utilisation de ce surplus.

Notre mémoire, nous l'espérons, aidera les décideurs politiques à orienter leur action en fonction des choix les plus susceptibles de soutenir l'économie et ainsi de générer de la richesse.

Je vous présente notre organisme. La Chambre de commerce régionale de Saint-Foy regroupe les territoires de six municipalités et compte 1 700 membres, ce qui en fait la quatrième chambre en importance au Québec. Notre organisme travaille à développer la force économique de la région de Québec.

Ma présentation abordera trois points, dont le premier est la priorité à accorder à la réduction de la dette.

Pour la Chambre de commerce régionale de Sainte-Foy, l'atteinte de l'équilibre budgétaire est une étape et non une fin en soi, l'objectif ultime étant l'élimination de tout endettement. Nous ne pouvons indéfiniment nous contenter d'acquitter seulement les paiements d'intérêt sans tenter de réduire le capital emprunté. De la même façon qu'un particulier alloue une portion croissante de ses paiements d'hypothèque au remboursement du capital, le gouvernement fédéral devrait poursuivre ses efforts afin de réduire la dette du pays.

Les avantages à long terme sont considérables. Je vous en exposerai principalement deux, à savoir dégager une marge de manoeuvre beaucoup plus grande et, deuxièmement, atténuer une forte dépendance vis-à-vis des marchés extérieurs. Je pense qu'on en a eu un exemple percutant au cours des derniers mois, lorsque la Banque du Canada a dû, au cours d'une même journée, augmenter de 1 p. 100 les taux d'intérêt pour soutenir notre devise.

Mentionnons au passage que la Chambre de commerce du Canada, lors de son dernier congrès tenu en septembre dernier...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Madame Bergeron, excusez-moi de vous interrompre. Voulez-vous, s'il vous plaît, parler un peu plus lentement? Les interprète ont du mal à vous suivre.

Mme Lise Bergeron: C'est que j'en ai tellement à dire dans si peu de temps.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est bien. On va vous allouer du temps en conséquence. Prenez votre temps.

Mme Lise Bergeron: Merci beaucoup.

Mentionnons au passage que la Chambre de commerce du Canada, lors de son dernier congrès tenu en septembre dernier, a également souscrit en priorité à un objectif de réduction de la dette. Dans le premier point, on dit deux choses au gouvernement fédéral. Premièrement, il est important non seulement d'atteindre l'équilibre budgétaire mais aussi de réduire la dette pour deux motifs: dégager une plus grande manoeuvre budgétaire et permettre une moins grande dépendance vis-à-vis des marchés extérieurs. Deuxièmement, une baisse d'impôt doit être combinée à une réforme nécessaire du système fiscal.

Le Canada figure actuellement en tête de liste des pays ayant le plus haut taux d'imposition. Cette charge importante limite considérablement le pouvoir d'achat des consommateurs, tout en encourageant l'évasion fiscale et le travail au noir. Nous croyons qu'il serait fort souhaitable que le prochain budget fédéral contienne des mesures concrètes de réduction des impôts pour les particuliers, donnant suite aux premières ouvertures en ce sens indiquées dans le précédent budget.

Une réforme complète de la fiscalité des entreprises nous paraît également incontournable. Faisant encore une fois écho aux positions de la Chambre de commerce du Canada, nous souhaitons un système fiscal favorisant la compétitivité des entreprises.

Le surplus de la caisse de l'assurance-emploi doit être retourné aux cotisants; il s'agit de notre troisième point. De plus, nous attendons du gouvernement fédéral qu'il gère de façon transparente les surplus de la caisse d'assurance-emploi par une baisse des cotisations des employés et des employeurs, puisqu'ils sont à l'origine de ce surplus.

Les surplus générés par l'écart entre les perceptions et les prestations doivent revenir aux cotisants et non servir aux besoins, quoique louables, de la réduction du déficit et de la dette.

Comme le prochain point est à saveur régionale, je passerai la parole à mon collègue de l'Office du tourisme, M. Boulay.

M. François Boulay (Office du tourisme et des congrès de la Communauté urbaine de Québec): Bonjour.

• 0925

Parlons maintenant de tourisme. La Chambre de commerce régionale de Sainte-Foy a, par le passé, souligné l'importance pour le gouvernement fédéral d'optimiser l'utilisation des fonds déjà alloués aux différents programmes. À cet égard, la Chambre tient à rappeler au gouvernement fédéral la nécessité d'investir dans le secteur du tourisme.

Le secteur du tourisme a été comparé à 25 des secteurs d'activité les plus importants au Canada par la Commission canadienne du tourisme. Cette étude a permis de constater qu'il occupe une place dont l'importance n'avais jamais encore été perçue.

Le tourisme est l'un des plus gros employeurs au Canada. Il arrive au cinquième rang au titre des années-personnes qu'il génère. Le tourisme dépasse la construction résidentielle, les banques, la construction non résidentielle, ainsi que les secteurs des produits électroniques, du pétrole et de l'exploitation forestière. On prévoit la création de 130 000 nouveaux emplois au Canada dans le secteur du tourisme d'ici l'année 2005.

Parmi ces 25 secteurs d'activités, le tourisme est le cinquième plus gros producteur de revenus au Canada. Les recettes du tourisme ont dépassé les revenus bruts de secteurs tels que ceux de l'automobile, de la première transformation des métaux, du papier et des produits chimiques, de même que toutes les principales branches du secteur des ressources.

De 1996 à 1997, les recettes touristiques intérieures ont augmenté de 5,3 p. 100 pour atteindre 31,3 milliards de dollars, alors que les dépenses touristiques des étrangers au Canada ont augmenté de 5,2 p. 100 pour atteindre 12,7 milliards de dollars. Au total, c'est donc 44 milliards de dollars qui sont dépensés chez nous, dont plus du quart vient de l'étranger.

En termes d'emplois, le tourisme a généré directement plus de 500 000 années-personnes en 1997, une augmentation de l'ordre de 2,3 p. 100 par rapport à l'année précédente, alors que l'emploi global dans le secteur des entreprises n'a augmenté que de 0,9 p. 100.

Dans la région de Québec plus particulièrement, comme dans plusieurs parties du Canada, le tourisme est un secteur majeur. Il représente plus de 22 000 emplois directs, et la région de Québec attire plus de 11 millions de touristes par année, qui y dépensent quelque 800 millions de dollars.

La dernière saison touristique dans notre région a été exceptionnelle. Le nombre croissant de visiteurs étrangers dans la région de Québec indique clairement le potentiel de Québec comme destination de calibre mondial, mais encore faut-il que la qualité des infrastructures réponde aux attentes des nouveaux touristes, que l'on sait éduqués, curieux et à la recherche de produits touristiques capables de rivaliser avec d'autres destinations internationales.

Certaines de nos installations, telles l'Aquarium du Québec et le Parc zoologique du Québec, sont désuètes et il est grand temps de faire de ces installations des installations d'envergure internationale. Le moment est venu d'investir dans le développement à long terme de nos infrastructures touristiques offrant des potentiels forts.

Compte tenu des nouvelles tendances dans le tourisme, qui privilégient les destinations offrant des activités au contenu éducatif et interactif à la fine pointe des connaissances, nous plaidons pour que le gouvernement fédéral consacre des fonds au développement du tourisme, lesquels fonds pourraient être alloués sous forme d'engagements bilatéraux, comme le dans le cas du programme d'infrastructures, où les fonds engagés dépendent également de la volonté des gouvernements provinciaux de faire de même.

Le gouvernement du Québec se dit prêt à investir 16 millions de dollars dans l'Aquarium du Québec et le Parc zoologique du Québec. Cette formule permettrait donc une concertation des décideurs politiques sur les investissements nécessaires et donnerait l'occasion au promoteur de ce projet, la Société des parcs et des sciences naturelles du Québec, de développer de nouveaux équipements récréotouristiques pour la région de la capitale du Québec.

Les fonds investis dans le tourisme doivent être considérés comme des investissements de qualité, fortement générateurs d'emplois. Les différents paliers de gouvernement récupéreront plus que les sommes investies à la suite de l'activité économique générée par les dépenses touristiques.

De plus, une partie importante des dépenses touristiques sont faites par des étrangers, ce qui constitue un gain net pour l'économie canadienne. Merci.

Mme Lise Bergeron: Je me permettrai de conclure, s'il nous reste encore un peu de temps.

La Communauté urbaine de Québec, comme je vous l'ai dit, regroupe 13 villes. C'est un bassin de 600 000 personnes et l'Office du tourisme, lors de l'établissement de son plan de marketing, a défini comme toute première priorité la mise aux normes et la modernisation de l'Aquarium du Québec et du Parc zoologique du Québec. Le CRCDQ, le Conseil régional de concertation et de développement de Québec, en fera également une de ses priorités.

Je voudrais simplement attirer votre attention sur le fait que la Société des parcs et des sciences naturelles du Québec est le fruit d'une très large concertation de la grande région de Québec.

• 0930

En conclusion, je vous résume nos propos de la façon suivante. Bien entendu, nous sommes pour la vertu et nous voulons que le gouvernement continue dans la voie qu'il a déjà empruntée, à savoir la réduction de notre endettement.

Relativement à la caisse de l'assurance-emploi, nous prônons le retour des surplus de cette caisse aux contributeurs, soit les employés et les employeurs.

Quant au développement économique régional, nous vous rappelons que le gouvernement fédéral a reconnu, parmi les secteurs prioritaires en matière de développement économique et de retombées d'emploi, le secteur touristique comme étant l'un des plus prometteurs.

À ce titre, nous vous encourageons à emprunter cette voie et à favoriser l'installation et la modernisation d'équipements tels que l'Aquarium du Québec et le Parc zoologique du Québec.

Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci beaucoup, madame Bergeron et monsieur Boulay.

Je demanderai maintenant au professeur Sid Ingerman

[Traduction]

de faire son exposé. Je vous souhaite la bienvenue devant le comité.

[Français]

M. Sid Ingerman (témoigne à titre personnel): Merci, monsieur le président. Je m'excuse de ne pas avoir de traduction française de mon mémoire. Je ne l'ai malheureusement terminé qu'hier soir et il ne m'a pas été possible de le faire traduire.

[Traduction]

Je vais présenter un mémoire consacré aux arguments en faveur d'un budget fédéral de stimulation. Je vais lire le premier paragraphe de mon texte, et je vais résumer le reste. Je vais commencer par parler de la situation économique actuelle.

Le budget fédéral doit tenir compte de trois problèmes économiques mondiaux reliés entre eux: la réduction de la croissance économique, la destruction d'éléments d'actif sur des places financières en débandade et la volatilité des marchés de devises. La plupart des économistes s'entendent pour dire que ces événements influent et continueront d'influer sur l'emploi et le revenu des Canadiens. Le budget devrait avoir pour but d'atténuer les effets négatifs de ces phénomènes et de répartir le fardeau d'une situation économique dégradée d'une manière qui se défende à la fois économiquement et socialement.

Voilà l'essentiel de mon message. Nous sommes aux prises avec de graves difficultés, les signes en sont clairs, et le budget doit en tenir compte.

J'examine ensuite l'intégration de l'économie nord-américaine. Notre voisin du Sud est la principale destination de nos exportations et la principale source de nos importations. Les deux économies sont intégrées dans une très large mesure, mais la leur est beaucoup plus grande que la nôtre, et ce qui se passe chez eux domine ce qui se passe ici.

Je relate ensuite dans mon texte ce qui se passe actuellement aux États-Unis. L'expansion vigoureuse qui a commencé en 1991 a fléchi dans le troisième trimestre de cette année. Le Federal Reserve Board des États-Unis signale que la production industrielle fléchit sans interruption depuis trois mois, depuis le dernier trimestre.

Le déficit de la balance commerciale américaine est maintenant très important. Les exportations sont à leur plus bas niveau depuis 19 mois et le prix des importations est maintenant très bas, ce qui crée de graves problèmes dans certains secteurs de l'économie américaine. On craint maintenant pour la première fois depuis très longtemps que les bénéfices des sociétés ne se mettent à baisser à partir de l'année prochaine. La plupart des experts s'entendent là-dessus. Si cela se produit, ce sera la première fois que les bénéfices des sociétés auront baissé deux années de suite depuis 1991.

• 0935

De plus, le système bancaire américain est perturbé, ce qui a provoqué le resserrement du crédit, une forme de pénurie de liquidités. Le non-paiement d'obligations en Russie et la menace de cessation de paiement en Amérique latine y est sûrement pour quelque chose. Tout cela a été accentué par la fièvre de la spéculation sur les places financières.

Dans mon mémoire, je parle de ces événements et des effets graves et profonds qu'ils ont. Le résultat inévitable de ce phénomène sera une baisse de l'investissement intérieur des entreprises, qui est à l'origine de la croissance américaine au cours de la dernière décennie.

Dans ces conditions et vu les licenciements qui ont été annoncés dans les grandes industries, qui ont eu lieu et qui sont prévus pour l'avenir, le Conference Board, organisme de recherche de renom, enregistre une baisse de la confiance des consommateurs depuis quatre mois. Je parle du rapport du mois d'octobre. C'est la situation depuis quatre mois.

Les dépenses à la consommation, évidemment, représentent les deux tiers du produit intérieur brut américain. Elles seront sûrement touchées par cette morosité.

On assistera donc à un ralentissement inévitable de l'économie américaine qui ne manquera pas de se répercuter sur l'économie canadienne.

S'agissant de l'économie canadienne, on peut affirmer que nous nous sommes plus ou moins extirpés de la dernière récession, celle de 1990-1992. La croissance économique a été d'environ 2,5 p. 100 deux ans seulement, 1994 et 1997, tandis que les autres années nous n'avons même pas atteint ce chiffre. Nous avions enregistré plus de 2,5 p. 100 ces deux années-là.

L'année 1998 s'annonçait bonne. On prévoit actuellement une croissance variant entre 2,5 et 3 p. 100 du PIB. Toutefois, au cours des quatre ou cinq derniers mois, cette croissance a été négative. Au cours des quatre des cinq derniers mois pour lesquels nous avons des chiffres, la croissance économique a été négative, et il semble clair que la croissance économique de 1999 sera largement inférieure à 2,5 p. 100.

Ce chiffre de 2,5 p. 100 est important. La population active est en pleine croissance, la productivité augmente, et, même si nous ne sommes pas en récession, le taux de chômage continuera d'augmenter malgré un taux de croissance inférieur à 2,5 p. 100.

C'est le fameux atterrissage en douceur dont les gens parlent. Pas de récession, une croissance lente—c'est cela, l'atterrissage en douceur. Mais cela signifie un chômage croissant et tout ce que cela entraîne. Je développe un peu ce thème. Je manque évidemment de temps pour en discuter.

Dans cette situation, devant un ralentissement de la croissance économique—qui touchera sans doute l'emploi et le revenu—le prochain budget jouera sur la gravité du ralentissement et de ses effets sur la population. C'est là-dessus, je crois, qu'il faut s'attarder. Comment le budget peut-il limiter les dégâts et venir en aide aux citoyens?

Quels devraient être les objectifs du budget? Dans son exposé prébudgétaire d'automne, le ministre des Finances a commenté la situation actuelle en rappelant la nécessité de ce qu'il a appelé une stratégie de budget équilibré qui ne compromettrait pas notre cote de crédit sur les marchés étrangers. En simplifiant un peu, il a essentiellement dit qu'il fallait être très sensible à la situation de l'endettement. Il est évident qu'il préconise la réduction de la dette, alors que dans la situation difficile qui est la nôtre, il faut stimuler l'économie, et non pas réduire la dette. Comme vous le savez, un budget qui prévoit une réduction considérable de la dette entraînera une baisse de la demande globale, moins de dépenses, ou moins de réductions d'impôt, c'est—à-dire les mesures budgétaires susceptibles de stimuler l'économie.

• 0940

Je trouve la position du ministre étrange. Elle est étrange en effet, car lui et les autres ministres du G-7 viennent de conseiller aux Japonais, aux prises avec la récession, d'adopter un budget de stimulation de l'économie. On leur a dit de s'occuper du système bancaire, mais le message dominant des ministres du G-7 était de stimuler l'économie. C'est ce qui est bon pour votre économie à vous et bon pour l'économie mondiale.

De plus, sur le plan politique, la plupart des pays d'Europe de l'Ouest sont dirigés par un gouvernement de centre gauche. Il y a eu de gros changements là-bas. Tous ces gouvernements s'inquiètent du chômage et adoptent ou proposent des politiques de stimulation de l'économie. Autrement dit, tout le contraire de ce que M. Martin semble dire, même s'il se défile beaucoup. On dirait qu'il voudrait avoir des goussets inépuisables pour faire ce qui lui plaît, alors qu'il fait l'apologie de la prudence et de la réduction de la dette.

L'objectif premier du budget est de ne pas laisser apparaître de mouvement baissier dans l'économie, car dès qu'elle aura commencé à fléchir sérieusement, on assistera à une montée du chômage, à une baisse des bénéfices, etc. Il est très difficile d'arrêter un train en marche. C'est un train ou un navire qui est en marche; on ne peut pas le stopper. C'est dès maintenant qu'il faut paralyser cette tendance, à l'occasion du prochain budget. N'attendez pas qu'il soit trop tard.

Dans le mémoire, je pèse les arguments qui vont à l'encontre d'un budget qui stimulerait l'économie. Essentiellement, le ministre des Finances dit qu'il faut se préoccuper de la réduction de la dette, car si nous ne le faisons pas nous nous retrouverons dans le collimateur des spéculateurs financiers, nous serons la cible des marchés et nous devrons en payer le prix sous forme de baisse du dollar et d'augmentation des taux d'intérêt.

Mais c'est oublier que le monde a changé. Actuellement, nous ne serons pas les seuls à agir de la sorte. Comme je l'ai dit, d'autres pays le font également. Si vous avez suivi—entre les divers épisodes du scandale Clinton—ce qui se passe au Congrès, les États-Unis viennent d'approuver une somme supplémentaire de 20 milliards de dollars de dépenses, qui amputeront d'autant le montant que les démocrates et républicains avaient convenu d'affecter à la réduction de la dette.

Nous ne ferons donc rien d'exceptionnel si notre budget se donne pour objectif de maintenir la vigueur de l'économie canadienne. Nous n'avons plus ce problème.

Ce que l'on entend aussi souvent dire, c'est qu'il faut se préoccuper de la montée de l'inflation. Seigneur! l'accélération de l'inflation n'est pas un problème pour le moment. C'est la déflation—la chute des prix sur les marchés de produits et de la main-d'oeuvre. C'est ce qui arrive en situation de fléchissement. Voilà le danger. La reprise de l'inflation à l'heure actuelle ne présente plus de danger.

Le dernier argument, le plus compliqué, c'est que peut-être pouvons-nous espérer que si les banques centrales du monde abaissent les taux d'intérêt à court terme, le problème sera réglé, et nous n'aurons rien à faire pour stimuler notre économie. J'explique de façon détaillée que c'est une erreur. La pénurie de liquidités que l'on constate sur les marchés du crédit sera plus grave que cela, et je ne crois pas que l'on puisse compter sur les banques centrales pour nous sauver, nous ou n'importe qui d'autre.

Cela dit, la question qui se pose est de savoir que devrait contenir le budget. À quoi ressemble un budget qui veut stimuler l'économie? Nous nous trouvons ici essentiellement devant deux choix. Il y a d'abord les dépenses et les impôts. Mais les budgets ont aussi un autre rôle. Ils servent à répartir la richesse. Certains groupes ou régions sont favorisés. C'est un instrument de la politique économique, et je veux insister sur ce point, comme je le fais dans mon mémoire. Les déficits, les excédents et les budgets équilibrés sont des instruments de la conduite des affaires publiques. Ils dépendent des objectifs que l'on s'est fixés. Ce ne sont pas des fins en soi. Il faut d'abord déterminer ce que l'on veut accomplir, ce que souhaite réaliser la politique budgétaire de l'État. Après seulement peut-on se demander comment on peut se servir de ces instruments.

• 0945

À mon avis, la grande priorité du budget dans le domaine des dépenses devrait être de satisfaire aux besoins pressants en matière de santé et d'éducation et de refaire la trame du filet de sécurité sociale. Beaucoup de facteurs militent en faveur de cela; comme politiques, vous les connaissez tous. C'est aussi une excellente façon de stimuler l'économie, de créer des emplois et de fournir des services publics essentiels dans un domaine où le besoin se fait cruellement sentir. Souvenez-vous que c'est le budget de 1995 qui a instauré le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui a réduit de façon draconienne les crédits transférés aux provinces. Peut-être le budget de 1998-1999 devrait-il commencer à corriger ce grave problème.

Je voudrais maintenant faire des suggestions positives, car je sais qu'il ne me reste que très peu de temps. Il y a actuellement des consultations sur un nouvel accord d'union sociale. C'est un fait nouveau d'excellent augure. Les provinces s'unissent, y compris le Québec sur certains points, pour trouver une meilleure union sociale. L'idéal pour le gouvernement fédéral actuellement serait de réinvestir dans la santé, l'éducation et la sécurité sociale. L'idéal serait que ces discussions aboutissent à une union sociale rénovée.

D'autres ont parlé de l'assurance-emploi. C'est un autre élément de la sécurité sociale. Il ne fait pas de doute qu'une baisse des cotisations des employeurs et des travailleurs aurait un effet stimulant. Ce n'est pas terrible, mais je préfère réparer un programme qui a été charcuté, restaurer les prestations au niveau où elles se situaient et élargir l'admissibilité. Le nombre de chômeurs qui reçoivent des prestations a beaucoup baissé. Si l'avenir s'annonce dur—et c'est ce qui se dessine; la question est de savoir dans quelle mesure la crise sera grave—la population et les régions devront pouvoir compter sur ce programme, qui soutiendra également la demande globale.

Du côté de la fiscalité, je pense qu'il est possible d'opérer certaines réductions d'impôt. Je penche du côté de ce que je vous ai dit tout à l'heure à propos des programmes sociaux, mais certains types de réductions d'impôt sont possibles. Elles stimulent l'économie. Je pense toutefois qu'elles devraient être bien circonscrites et n'être accordées qu'à ceux qui en ont le plus besoin, parce que l'une des choses que l'on a constatées au Canada—les résultats des études sont limpides—c'est qu'il y a maintenant une polarisation très aiguë entre les très riches et les très pauvres. C'est quelque chose qu'il ne faut pas négliger.

Je vous remercie de m'avoir écouté.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Ingerman. Je donne maintenant la parole au Dr Robson, de l'Institut et hôpital neurologiques de Montréal. Je vous souhaite la bienvenue, docteur Robson.

Dr John A. Robson (directeur adjoint des affaires scientifiques et de la recherche, Institut et hôpital neurologiques de Montréal): Merci beaucoup. Je m'excuse auprès des membres du comité de ne pas avoir de version française de mon mémoire. Je vous remercie néanmoins de l'occasion qui m'est offerte de comparaître.

Je suis directeur adjoint des affaires scientifiques et de la recherche à l'Institut neurologique de Montréal. Je vais vous parler du financement public de la recherche biomédicale et de l'enseignement de deuxième et troisième cycles, car il s'agit des domaines que je connais le mieux.

• 0950

En guise d'introduction, permettez-moi de vous dire quelques mots de l'INM. Pour ceux qui ne le savent pas, l'Institut neurologique de Montréal est un institut de recherche de l'Université McGill. Il existe depuis une soixantaine d'années, a une renommée mondiale et compte une quarantaine de scientifiques de calibre international. Notre problème, c'est que nos scientifiques et notre institut se débattent continuellement pour rester concurrentiels sur le plan international. Le problème que connaissent nos scientifiques, c'est qu'ils passent trop de leur temps à préparer des demandes de subventions et trop peu à faire de la recherche. Le problème de l'institut dans son ensemble, c'est celui de conserver et d'attirer du personnel de haut niveau dont l'organisation a besoin pour maintenir sa réputation internationale. La principale raison de cette situation, c'est que l'aide à la recherche au Canada ne suit pas ce qui se fait dans le reste du monde développé.

Entre 1994 et 1997, les fonds publics à la recherche au Canada ont baissé d'environ 20 p. 100, alors qu'ils ont monté dans la quasi-totalité des autres pays du G-7. C'est sans doute la comparaison avec les États-Unis qui est la plus révélatrice. En 1997, le Canada a consacré environ 8,50 $ par habitant à la recherche biomédicale; les États-Unis, eux, ont dépensé un peu plus de 66 $ par habitant. Voilà le genre de problème auquel font face nos scientifiques.

Au cours de l'année qui vient de s'écouler, nous avons perçu certains signes encourageants, et il y a eu certains changements. Il y a eu une augmentation des fonds publics à la recherche au Canada, et le budget du CRM a augmenté, pour atteindre les niveaux de 1994. L'autre grand changement est l'entrée en service de la Fondation canadienne pour l'innovation, dotée d'un budget de 800 millions de dollars qui pourra être investi dans l'infrastructure des universités en régime de cofinancement. C'est-à-dire qu'il pourra être utilisé pour réparer nos bâtiments et acheter du matériel. Ce sont des faits nouveaux importants, mais j'espère que vous constaterez que ce n'est pas suffisant à ce moment-ci. Il faut investir plus d'argent dans les subventions de fonctionnement pour que nos scientifiques puissent diriger leurs laboratoires, former leurs étudiants et soutenir la concurrence.

D'après les projections actuelles, la taille moyenne d'une subvention canadienne est environ le quart de son équivalent aux États-Unis. Vous pouvez donc vous imaginer les problèmes que rencontrent nos scientifiques. Pour l'année en cours et les années à venir, le CRM prédit que son budget augmentera à peu près proportionnellement à la montée de l'inflation. Aux États-Unis cette année, le budget du NIH est censé augmenter de 15 p. 100, et il est question d'essayer de doubler le budget au cours des cinq prochaines années. Comme vous pouvez le constater, l'herbe est vraiment plus verte de l'autre côté de la frontière pour beaucoup de nos scientifiques, et c'est pourquoi nous avons du mal à conserver notre personnel.

Qu'obtenons-nous en échange de l'argent que nous consacrons à la recherche? Je pense que c'est une question importante. Nous en retirons des avantages dans le domaine de la santé, mais c'est un peu difficile à voir pour ceux qui ne font pas partie du milieu des sciences. C'est parce que les retombées éventuelles de l'appui à la recherche fondamentale sont souvent à très long terme. On en trouve un exemple parfait dans la découverte de la structure de l'ADN par Watson et Crick dans les années 50. Cette découverte a stimulé énormément de recherche et d'investissement dans la recherche, mais les résultats concrets ne sont pas apparus avant l'avènement de la biotechnologie dans les années 80. Il y a eu en réalité un processus de trente ans, et cela peut souvent être difficile à vendre.

Le gouvernement pourrait certainement décider que nous ne pouvons pas nous permettre de participer au processus de recherche biomédicale sur une base concurrentielle. Nous pouvons laisser les autres pays le faire et en récolter le fruit. L'inconvénient, c'est que nos universités en souffriront énormément. Nous perdrons tous nos meilleurs chercheurs. Ils iront là où ils pourront effectuer des recherches, parce que c'est pour cela qu'ils ont été formés.

L'autre inconvénient, en plus du fait que les universités en souffriront, c'est que nous ne pourrons pas combler les postes disponibles, car c'est l'autre secteur où les fonds de recherche en science biomédicale ont un impact important. La biotechnologie est l'un des secteurs qui connaissent l'une des plus fortes croissances au Canada, et un rapport de BIOTECanada commandé par le gouvernement en 1996—on l'appelle le rapport Paget—prédit que les industries de base en biotechnologie créeront 6 000 nouveaux emplois au Canada d'ici à l'an 2000. Si vous élargissez ce secteur pour inclure les industries pharmaceutiques, le nombre de nouveaux emplois pourrait être énorme.

Le rapport conclut également que le Canada ne pourra pas produire le personnel nécessaire, parce que le système d'éducation n'a pas la capacité de former de tels spécialistes de la haute technologie. Le rapport concluait donc qu'il fallait changer les lois relatives à l'immigration et importer des scientifiques ayant la formation nécessaire. Nous pensons que c'est une mauvaise approche. Il serait préférable d'investir dans les laboratoires de recherche universitaire au Canada afin de permettre aux scientifiques canadiens de former les gens dont nous avons besoin dans l'industrie de la biotechnologie.

• 0955

L'une des propositions qui ont été formulées et que j'appuierais, c'est l'idée de lier le budget de la recherche biomédicale aux coûts des soins de santé. À l'heure actuelle au Canada, nous dépensons environ 2 500 $ par personne en soins de santé. Si le gouvernement mettait de côté 1 p. 100 de ce budget pour la recherche liée au domaine de la santé, cela constituerait un encouragement énorme pour la recherche biomédicale et le secteur de la biotechnologie au Canada. Le véritable aspect positif d'une telle mesure serait une revalorisation de nos universitaires. Nous garderions nos meilleurs professeurs, et le Canada maintiendrait sa place à titre de puissance internationale dans la recherche biomédicale. Nous serions en mesure de former le personnel hautement qualifié dont nous avons besoin et dont nous aurons besoin à l'avenir dans le secteur de la biotechnologie.

Je vous remercie de votre attention.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, docteur Robson.

En dernier lieu, je donne la parole au Dr Posner.

Dr Barry Posner (professeur de médecine, faculté de médecine, Université McGill): Merci, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité.

Le Dr Robson a déjà mentionné certaines des choses que je vais dire, mais il vaut peut-être la peine de les répéter. L'objet de ce mémoire, présenté au nom de la faculté de médecine de l'Université McGill, est de vous signaler que le gouvernement du Canada doit apporter un appui beaucoup plus grand à la recherche biomédicale qu'il ne l'a fait jusqu'ici. Le mémoire que j'ai rédigé est prêt à être distribué en anglais et en français.

[Français]

Notre pays accorde un soutien moindre en importance à cette entreprise comparativement à d'autres pays industrialisés du monde. Cette situation nous a conduits à un très sérieux problème, qui affecte l'avenir de notre faculté et celle des facultés médicales comparables de ce grand pays. Nous sommes confrontés à une baisse significative de notre ressource la plus précieuse, des cerveaux humains de premier choix. La perte de talents si remarquables partis ailleurs à la recherche de «prairies plus vertes», spécifiquement aux État-Unis et en Europe, est un sujet de grande inquiétude pour ceux d'entre nous qui ont consacré leur vie à la recherche et à l'excellence académique dans les institutions canadiennes.

[Traduction]

Nous nous demandons pendant combien de temps encore nous pourrons maintenir l'excellence dans les facultés de médecine du pays. Comme le Dr Robson vous l'a dit, la recherche dans les domaines de la santé est le fondement de la pratique de la médecine. La recherche a posé le fondement de l'élaboration de nouveaux médicaments qui ont des effets considérables sur la pratique de la médecine, en plus d'être à la base d'une variété de technologies médicales modernes allant des technologies de scintigraphie haut de gamme aux interventions chirurgicales, tel le pontage aorto-coronarien, qui étaient auparavant des interventions très difficiles, mais qui sont maintenant chose courante. Dans ce domaine, les Canadiens ont apporté une contribution très importante.

C'est au Canada qu'on a fait la découverte capitale de l'insuline, en 1921. Lorsqu'on parle du Canada dans les autres pays, une personne instruite se rappelle immédiatement que l'insuline a été découverte au Canada.

Dans l'ère moderne, les scientifiques canadiens ont continué d'apporter des contributions importantes aux nouvelles connaissances et à leur application en médecine. Grâce aux travaux effectués dans les neurosciences, secteur que représente le Dr Robson—les processus hormonaux, la médecine respiratoire, le cancer, les maladies infectieuses, le sida, le vieillissement et la cytologie-microbiologie—les scientifiques de McGill se sont attiré la reconnaissance et le respect à l'échelle internationale. Cela signifie qu'une partie importante de l'héritage que le Canada lègue à toute l'humanité est notre contribution, par nos recherches, à la compréhension et au traitement de la maladie.

La recherche en santé effectuée dans les établissements canadiens a eu des retombées commerciales d'importance. On en trouve un exemple remarquable dans la fondation de BioChem Pharma—probablement l'entreprise pharmaceutique canadienne la plus importante—ici même à Montréal. Cette réussite découle en grande partie des recherches effectuées par feu le Dr Bernard Belleau, un scientifique de McGill qui a découvert le composé 3TC, le premier médicament efficace contre le sida.

• 1000

Les scientifiques de McGill continuent de participer de plus en plus activement à la création de retombées commerciales pour leurs recherches. En 1996, ils n'avaient créé aucune nouvelle entreprise commerciale, tandis qu'ils en ont maintenant huit jusqu'ici, et il y en aura encore d'autres en 1998. Toutes ces entreprises ont la possibilité de renforcer le secteur pharmaceutique et de susciter la création de nouvelles sociétés qui, comme c'est le cas de BioChem Pharma, contribueront à l'économie canadienne.

Enfin, je tiens à souligner—et je crois que c'est excessivement important—que nous vivons l'une des grandes révolutions de l'histoire de l'humanité, qu'on appelle la révolution génomique. Cette révolution nous permet de percer le code génétique de l'être humain et d'explorer la base génétique des maladies et des comportements. L'application de ces informations est déjà commencée et elle changera complètement—et je souligne «complètement»—notre compréhension des causes des maladies et de la meilleure façon de les traiter. Jusqu'ici, la participation canadienne à cette révolution est restée relativement mineure. Deviendrons-nous des participants ou continuerons-nous d'être des spectateurs pendant qu'on fera des découvertes passionnantes ailleurs dans le monde industrialisé?

La poursuite de la recherche fondamentale au Canada est essentielle pour les raisons suivantes, et je résume:

Premièrement, de telles recherches nous permettent d'élaborer des méthodes innovatrices de diagnostic et de traitement des maladies, et de réduire par conséquent les souffrances, en plus de prolonger la vie et d'en améliorer la qualité.

Deuxièmement, la stature de notre pays s'en trouvera améliorée et pourrait continuer de l'être par notre participation à une entreprise aussi vitale que la recherche de nouvelles connaissances pouvant être avantageuses pour la vie humaine.

Troisièmement, le fait d'avoir de grands esprits qui travaillent à la recherche de la connaissance crée la sorte de climat nécessaire pour favoriser la qualité de l'enseignement, et c'est absolument nécessaire pour qu'on parvienne à appliquer de façon intelligente au Canada les plus récents progrès faits en biomédecine, dans l'intérêt des Canadiens.

Quatrièmement, nous sommes au début de la révolution génomique. Pour participer à ce processus, et avoir ainsi la possibilité d'aider la race humaine et d'influencer positivement la stature et la situation économique du Canada, nous avons besoin de ressources suffisantes pour donner une certaine crédibilité à notre participation.

Cinquièmement, enfin, la recherche en santé créera de l'emploi, car elle a déjà commencé et pourra continuer à entraîner la création d'entreprises commerciales qui auront des conséquences économiques positives pour le Canada.

Dans un sondage récent, le Dr Peter Macklem, de l'Université McGill, a constaté que les scientifiques canadiens étaient parmi les plus productifs du monde, à en juger par le nombre de nos publications par 100 000 habitants ou par les crédits consacrés à la R-D. Cependant, nous nous sommes contentés de vivre du capital du passé, sans préparer l'avenir. La plupart de nos scientifiques qui produisent beaucoup ont entre 45 et 60 ans. Où sont les jeunes scientifiques qui perpétueront la tradition d'excellence que plusieurs sont parvenus à établir grâce à leur travail acharné?

Nos investissements dans la recherche biomédicale ont été insuffisants, et les conséquences commencent à devenir évidentes. La conséquence la plus grave de ce financement insuffisant est que nous ne pouvons pas attirer au Canada les personnes de talent dont nous avons besoin et que nous ne pouvons pas non plus garder au pays nos chercheurs les plus exceptionnels.

Si l'on extrayait du nickel canadien aux frais des Canadiens et qu'on l'exportait aux États-Unis gratuitement, ce serait considéré comme de la pure folie, mais à l'heure actuelle nous perdons ainsi une ressource incontestablement plus précieuse. Les meilleurs esprits formés dans notre pays partent ou refusent de revenir au Canada. Aucune entreprise ne peut réussir lorsque ses éléments les meilleurs et les plus brillants ne s'y intéressent plus. C'est particulièrement vrai pour la recherche biomédicale, étant donné sa complexité et la difficulté de la pratiquer.

Permettez-moi de vous donner un exemple pour expliquer comment nous en souffrons à McGill. Nous avons été incapables de retenir des diplômés très qualifiés dont nous avons dirigé et appuyé la formation postuniversitaire. Si vous consultez le tableau 1 contenu dans le document que je vous ai remis, vous verrez qu'on y donne le nom des médecins chercheurs les plus talentueux que nous avons perdus récemment au bénéfice des États-Unis. La perte de ces 12 médecins chercheurs représente un investissement de ressources dont nous n'avons pas su tirer un rendement. Ces gens nous ont tous répété qu'ailleurs on offrait un soutien pour l'infrastructure, des traitements et un financement de démarrage pour un nouveau laboratoire bien supérieur à ce que nous pouvions offrir. Les pertes décrites dans le tableau 1 sont graves pour nous, étant donné qu'elles représentent notre relève, et donc notre avenir.

• 1005

Dans le tableau 2, il est question de trois grands scientifiques qui ont reçu leur formation et leurs diplômes à McGill, mais qui ont poursuivi leur carrière dans ce qu'ils estimaient être des environnements plus favorables en dehors du Canada. Chacun d'entre eux s'est gagné une grande réputation dans son domaine à l'échelle internationale. Si nous avions pu retenir ces vedettes, nous aurions profité énormément de leur talent et de leur productivité tant dans le domaine universitaire que dans le domaine commercial. D'autres facultés de médecine du Canada ont vécu des expériences semblables à la nôtre, et je suis certain qu'on vous l'a dit et qu'on vous le dira encore.

Un problème tout aussi grave que la diminution de notre capacité de recruter de nouveaux talents, c'est la réduction de nos rangs en raison des départs. Lors d'un sondage effectué récemment auprès des directeurs de programmes à McGill, on a constaté qu'au cours des trois dernières années nous avons perdu 19 professeurs cliniciens chevronnés au bénéfice des États-Unis. C'est ce qu'indique le tableau 3. De plus, nous avons eu beaucoup de difficulté à recruter des professeurs chevronnés.

Notre incapacité de recruter et la perte continue de nos meilleurs éléments nous préoccupent gravement. Avec le temps, au fur et à mesure que la génération actuelle de scientifiques du domaine médical quitteront la scène, on risque de voir le capital humain au Canada atteindre un niveau si bas que son renouvellement deviendra pratiquement impossible. Après tout, c'est la présence de professeurs excellents qui nous permettra d'assurer une formation convenable et un environnement stimulant aux jeunes qui essaient d'établir leur carrière de chercheur et de professeur dans notre pays.

[Français]

En résumé, nous avons à McGill une fière tradition d'excellence en biomédecine. Cette tradition est sérieusement menacée par l'insuffisance des fonds qui sont alloués à nous ainsi qu'aux autres depuis quelques années déjà. À moins d'un changement spectaculaire et rapide, nous perdrons notre position d'éminence ainsi que le titre de première université de recherche dans le monde industrialisé, ce qui portera un coup non seulement à nous, mais aussi à tout le Canada.

[Traduction]

Vous avez le pouvoir de changer la situation en faisant ce qu'il faut et ce qui est dans l'intérêt du pays. Vous devez assurer le financement nécessaire pour maintenir la recherche biomédicale au Canada à un niveau concurrentiel. Si vous ne le faites pas, cela ne sera pas bien vu par ceux qui nous suivront.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, docteur Posner. Il est certain que le secteur biomédical a été vigoureux au Québec, et nous en sommes certainement heureux.

[Français]

Je demanderai à mes collègues de chaque parti politique de poser leurs questions et je vous accorderai une dizaine de minutes. J'invite M. Epp du Parti réformiste à débuter.

[Traduction]

M. Ken Epp (Elk Island, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je vous remercie tous pour vos excellents exposés.

Je tiens moi aussi à remercier les interprètes, car c'est par leur entremise que je suis les délibérations. Je regrette de ne pas avoir appris le français quand j'étais jeune. C'est difficile, je vous l'assure. J'ai grandi dans l'Ouest, où il y avait très peu de francophones. J'adorais les mathématiques et les sciences, et j'ai donc pris toutes ces options au lieu du français.

Je commence donc mes questions. En fait, je reviendrai à vous plus tard; ne désespérez pas. Je veux d'abord parler un peu du financement de la recherche et des universités.

À votre avis, quelle serait la meilleure façon de promouvoir la recherche universitaire? L'un d'entre vous a souligné le fait que les chercheurs consacrent actuellement beaucoup trop de temps à remplir des formulaires de demande au lieu de faire de la recherche. Si nous leur donnons simplement carte blanche—comme on dit en français—c'est-à-dire si nous ne leur demandons pas de rendre compte de l'usage qui est fait de ces fonds, cela reviendra à gaspiller cet argent, parce que la recherche ne sera pas bien ciblée.

Quelle forme devrait prendre l'appui à la recherche? Pour que les fonds publics attribués au titre de la recherche soient utilisés de façon efficace, comment doivent-ils être gérés? Comment s'assurer que le gros de ces fonds serve à assurer le maintien des installations de recherche et le salaire des chercheurs de manière à ce que le Canada puisse retenir, pour reprendre vos mots, les esprits les meilleurs et les plus brillants?

Dr John Robson: Je vais d'abord essayer de répondre à la question et je laisserai ensuite la parole à Barry.

Dr Barry Posner: Très bien.

• 1010

Dr John Robson: J'aimerais d'abord dire que l'élément clé du financement est le système d'examen par les pairs. Il ne faut absolument pas y toucher.

Permettez-moi de vous donner des exemples. Nos scientifiques présentent des demandes de subventions au CRM. Ces subventions dont le montant va de 70 000 $ à 75 000 $, permettent de financer des programmes de recherche d'une durée de trois à cinq ans. Comme ces subventions ne suffisent pas, nos scientifiques doivent s'adresser à d'autres organismes pour obtenir des fonds.

De façon générale, pour qu'un laboratoire de recherche demeure concurrentiel, il lui faut obtenir trois ou quatre subventions. Si la subvention du CRM était de 150 000 $ au lieu de 75 000 $, nos chercheurs pourraient consacrer plus de temps à faire de la recherche et moins de temps à rédiger des demandes de subventions. Si le gouvernement subventionnait davantage la recherche, les chercheurs n'auraient pas à s'adresser à autant de sources de financement.

Voyons ce qu'il en est aux États-Unis. Les subventions de recherche américaines sont parfois trois ou quatre fois plus généreuses que les subventions canadiennes. Les laboratoires de recherche américains peuvent donc être efficaces et compétitifs même s'ils n'obtiennent qu'une ou deux subventions. Ce n'est pas le cas des laboratoires canadiens.

Dr Barry Posner: Je confirme ce que vient de dire le Dr Robson. Il faut augmenter la valeur et le nombre des subventions de recherche. Les conseils subventionnaires constatent qu'ils reçoivent de nombreuses demandes de très grande qualité qu'ils doivent cependant refuser en raison des critères fixés dans le cadre du processus d'examen.

Permettez-moi de vous expliquer comment fonctionne le système d'examen. Les comités d'examen par les pairs étudient un certain nombre de demandes. Lorsqu'ils se réunissent à Ottawa, ils se présentent les uns aux autres les demandes qu'ils ont retenues. Chaque projet fait l'objet d'un vote. À la fin de la séance, une note est attribuée à chaque subvention. On établit ensuite une liste des projets par ordre décroissant. Supposons que le conseil ne peut subventionner que les dix premiers projets. Ces projets doivent appartenir à la catégorie «excellent à exceptionnel». Si votre projet obtient la cote «très bon», vous n'obtiendrez pas une bourse. C'est ridicule. C'est un gaspillage de talents.

Deux solutions s'offrent: soit augmenter les fonds attribués pour qu'on puisse au moins financer les projets qui obtiennent la cote «très bon», soit augmenter la valeur des subventions.

Permettez-moi de vous raconter une petite histoire qui a trait à la question que vous posiez, à savoir si les fonds sont répartis de façon efficace et si nous faisons preuve de diligence raisonnable.

Un de mes amis siégeait à un comité d'examen du National Institutes of Health. Comme un certain nombre d'entre nous ont déjà travaillé aux États-Unis, cela nous est utile. Mon ami est allé de New York à Washington, où se tenait la réunion du comité d'examen. Dans l'avion, il étudiait les demandes de subventions qu'il avait classées devant lui. Le monsieur bien mis qui était assis dans le siège à côté de lui a demandé ce qu'il faisait. Il se disait qu'il devait faire partie d'un comité d'examen. Mon ami lui a répondu qu'il faisait partie d'un comité d'examen scientifique du NIH. Il lui a demandé combien d'argent il allait distribuer. Il a dit que ce serait plusieurs millions de dollars. Il lui a demandé comment le processus fonctionnait. Mon ami lui a expliqué comment les membres du comité se réunissaient pour s'entendre sur le classement des demandes de subventions. Le monsieur bien mis lui a répondu qu'il travaillait au Pentagone et que sa seule signature suffisait pour autoriser des dépenses de 40 millions de dollars.

Voilà qui est de la diligence raisonnable. Je pense qu'on ne pourrait pas trouver au pays un groupe de personnes qui évalue de façon plus rigoureuse l'efficacité des dépenses qu'il approuve.

M. Ken Epp: Trois raisons sont souvent invoquées pour expliquer le fait que les esprits les plus brillants, et leur corps aussi dans ce cas-ci, décident de s'installer aux États-Unis. Premièrement, ils veulent faire plus d'argent. Deuxièmement, ils veulent être moins imposés. Troisièmement, les laboratoires et les projets de recherche sont mieux financés aux États-Unis.

À votre avis, dans quel ordre se classent ces raisons? En ai-je oublié une?

Dr Barry Posner: Je crois que vous avez raison. Il s'agit bien là des trois principales raisons qui expliquent ce phénomène. Pour les très bons scientifiques, le fait de demeurer au Canada comporte de réels avantages même s'ils paient des impôts un peu plus élevés et gagnent moins d'argent. Le fait pour eux de travailler dans notre pays comporte des avantages réels.

• 1015

Je crois que les scientifiques tiennent avant tout à travailler dans un milieu qui est propice à leur développement professionnel. Je crois que beaucoup de chercheurs pensent de cette façon. Ils seraient prêts à faire certains sacrifices s'ils pouvaient travailler dans un milieu semblable. Je l'ai fait, ainsi que plusieurs de mes collègues.

On m'a offert des postes aux États-Unis, dont certains étaient très bons. J'aurais gagné beaucoup plus d'argent si j'avais accepté ces postes, mais je voulais demeurer au Canada parce que ma famille est ici, parce que j'ai l'impression de devoir quelque chose à mon pays et parce que j'ai l'impression d'en faire partie. En outre, le climat était propice à la recherche à cette époque.

Si l'on pouvait faire en sorte que le milieu de travail soit stimulant, nous conserverions la majeure partie des chercheurs talentueux. Le simple fait de pouvoir retenir les très bons chercheurs qui ont grandi dans notre pays serait une grande réussite.

Dr John Robson: Je suis d'accord pour dire que le financement de la recherche revêt une grande importance.

M. Ken Epp: C'est le message que nous avons entendu dans toutes les parties du pays. J'étais d'ailleurs déjà convaincu que cet élément revêtait beaucoup d'importance.

J'aimerais que vous m'éclairiez au sujet de la façon dont la recherche est financée aux États-Unis. Est-elle financée directement par le gouvernement? Quelle est la contribution du secteur privé? Si je ne m'abuse, les entreprises pharmaceutiques contribuent des sommes importantes à la recherche médicale. Elles investissent davantage dans ce domaine aux États-Unis qu'au Canada. Votre industrie devrait-elle davantage faire appel aux sociétés pharmaceutiques?

Je ne devrais pas utiliser le mot «industrie». Vous comprenez cependant ce que je veux dire. Il doit bien y avoir un meilleur mot que «industrie».

Dr John Robson: L'Institut neurologique de Montréal cherche continuellement à conclure des ententes de partenariat à cet égard avec l'industrie. Comme le Dr Posner l'a mentionné, nous avons conclu ce genre de partenariat avec BioChem Pharma. On ne peut pas nous reprocher de ne pas faire de notre mieux pour établir des partenariats avec le secteur privé.

Dr Barry Posner: Voici ce qu'il en est au sujet de la recherche aux États-Unis. L'industrie pharmaceutique est une industrie importante qui existe depuis longtemps aux États-Unis. Ce n'est pas le cas au Canada. La plupart des entreprises pharmaceutiques canadiennes sont des filiales de sociétés étrangères à quelques exceptions près. Le meilleur exemple de l'une de ces exceptions est BioChem Pharma, qui tire parti des recherches scientifiques faites au Canada. Voilà la façon de procéder. Si nous n'effectuons pas de la recherche au Canada, les entreprises pharmaceutiques continueront d'être des filiales d'entreprises étrangères.

Aux États-Unis, les entreprises pharmaceutiques font de la recherche appliquée. Leurs actionnaires y tiennent. C'est une façon pour elles d'accroître leurs bénéfices. Elles tirent des applications de la recherche fondamentale. Les universités et les instituts d'enseignement font aussi de la recherche fondamentale. Les représentants de l'industrie pharmaceutique estiment qu'il s'agit d'une relation fondée sur la synergie. L'industrie laisse aux chercheurs le soin de concevoir des idées et des concepts. Elle s'occupe d'en tirer des applications. En réalité, nous collaborons souvent avec l'industrie dans le domaine des applications, mais c'est en gros comment nous nous répartissons les tâches.

Fréquemment, les scientifiques canadiens qui ont des idées ou des projets intéressants doivent s'adresser à des entreprises américaines pour en assurer la commercialisation parce qu'ils ne peuvent pas s'adresser à des entreprises canadiennes.

Comme le Dr Robson l'a souligné, la situation est peut-être en train de changer parce qu'on investit davantage maintenant au Canada dans le domaine de la biotechnologie. Si elle change, nous serons mieux en mesure d'exploiter nos découvertes au pays même.

M. Ken Epp: Je vous remercie beaucoup. J'aimerais avoir le temps de poser des questions à d'autres témoins, mais je suis une personne disciplinée et je sais, monsieur le président, que j'ai déjà dépassé de 30 secondes le temps qui m'était imparti.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous remercie, monsieur Epp.

Docteur Posner, j'aimerais poursuivre dans la même veine que M. Epp. D'après Statistique Canada, il y aurait autant de diplômés qui quittent le pays que de nouveaux étudiants à venir s'inscrire dans nos établissements d'enseignement. L'exode net des cerveaux serait donc nul. Je me demande si c'est bien le cas. Est-ce bien la situation, à votre avis, ou y a-t-il des secteurs où il y a...

Dr Barry Posner: Peut-être que tout finit par s'équilibrer. J'aimerais étudier ces statistiques plus en détail. Je peux vous assurer que notre secteur accuse cependant une perte nette.

Le vice-président (M. Nick Discepola): De quel secteur s'agit-il?

Dr Barry Posner: Le secteur que je connais le mieux est celui de la biomédecine. Nous perdons des chercheurs dans ce domaine et nous ne pouvons pas en recruter de nouveau.

Les difficultés que pose le recrutement de chercheurs sont complexes. Le climat n'est pas aussi propice à la recherche au Canada, mais il existe aussi certaines autres entraves à la recherche. Il y a des restrictions en matière d'immigration. Au Québec, il y a la question linguistique, etc. Pour que le secteur de la biomédecine soit aussi attrayant que possible, nous pourrions éliminer ou réduire certaines de ces entraves.

• 1020

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous accorde 10 minutes. Partagerez-vous le temps qui vous est alloué avec votre collègue?

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Oui, nous partagerons notre temps.

Je vous souhaite la bienvenue au Comité des finances. J'aimerais poser certaines questions sur le mémoire présenté par la Chambre de commerce régionale de Sainte-Foy et peut-être lancer des éléments de discussion aussi.

D'abord, je vous félicite pour les points 2.2 et 2.3 de votre mémoire, qui rejoignent nos préoccupations relativement à une baisse d'impôt et à une réforme de la fiscalité, que nous souhaiterions un peu plus ciblée que ce que vous proposez, bien que j'estime que vous soulevez un bon point. Quant aux surplus de la caisse d'assurance-emploi, je crois que cette question commence à faire consensus; partout où l'on passe, les gens crient au scandale, et avec raison. Ce surplus ne doit pas être utilisé pour des fins autres que soutenir les travailleurs qui ont la malchance de perdre un emploi ou aider les entreprises à passer à travers un ralentissement économique comme celui qu'on a pu constater au cours des quatre derniers mois.

Là où je diverge avec vous d'opinion—et c'est salutaire, parce que c'est comme ça qu'on avance dans une société—, c'est sur la question de la priorité que vous accordez à la réduction de la dette. Vous savez que les gens du gouvernement, quand vous mettez ça en tête de liste, se disent qu'il faut faire ça à tout prix, peu importe les autres objectifs. Mais cela peut comporter certains dangers.

Au cours des 15 derniers mois, M. Chrétien s'est promené partout, sur toutes les tribunes, et s'est vanté de ce que le gouvernement avait déjà versé 20 milliards de dollars en 15 mois pour rembourser la dette. Il a puisé cette somme dans les réserves pour éventualités non utilisées l'an passé, des opérations non budgétaires, les premiers surplus dégagés. Bref, il a réussi à trouver 20 milliards de dollars et il les a utilisés pour rembourser la dette.

En temps normal, j'aurais été heureux de cela. Je me serais réjoui qu'il en ait remboursé une partie, mais pas la totalité. Cependant, on est dans une situation de volatilité; on a vu jusqu'à quel point la valeur de l'or canadien a dégringolé cet été. La Banque du Canada—je suis persuadé M. Ingerman saura me réconforter à cet égard—a été obligée, au mois d'août seulement, de dépenser 5 milliards de dollars pour tenter de raffermir la valeur de la devise canadienne. En même temps, Paul Martin, lui, remboursait une partie de la dette. Ce sont deux mesures contradictoires. Cela entre également en contradiction avec votre troisième paragraphe, où vous dites que la réduction de la dette pourrait raffermir le dollar canadien en atténuant notre dépendance à l'égard de l'étranger. C'est tout à fait le contraire qui se produit. Quand on rembourse une partie de la dette, il y a une partie de cette dette, au moins 30 p. 100, qui appartient à des étrangers qui sont détenteurs de titres de dette canadiens. La première chose que font la plupart d'eux lorsqu'on rachète leurs titres de dette et qu'on les rembourse en dollars canadiens, c'est prendre ces dollars canadiens et les échanger pour des devises américaines. Plus de la moitié de ces 30 p. 100 sont Américains. En faisant ça, ils créent des pressions à la baisse sur la valeur du dollar canadien. La même chose se produit au niveau des 21 p. 100 de détenteurs de titres de dette canadiens qui sont des fonds d'assurance ou de pension.

Quand on a racheté leurs titres en dollars canadiens cet été, qu'ont fait ces détenteurs devant l'instabilité et la volatilité? Ils ont pris l'argent canadien et l'ont investi dans des titres américains ou en dollars américains tout simplement. Mais on a injecté encore une fois des dollars canadiens sur le marché. Tout ça pour vous dire qu'il faut faire attention avec cette analyse-là. Mais je ne vous en veux pas parce que Paul Martin raconte n'importe quoi là-dessus. Dans une période de forte volatilité, il ne faut pas s'attaquer de façon importante à la dette; il faut peut-être l'oublier pour un certain temps et s'attaquer au raffermissement de la croissance économique, comme le soulignait M. Ingerman. Depuis quatre mois consécutifs, on connaît des ralentissements et on n'a plus d'argent à l'heure actuelle pour intervenir afin de stimuler l'économie, ni même pour satisfaire à la principale conclusion du G-7, qui nous enjoignait de raffermir la croissance économique.

Étant donné que le gouvernement a déjà remis 20 milliards de dollars de la dette en 15 mois, étant donné qu'il a contribué lui-même à la dégringolade du dollar canadien et étant donné qu'on est dans une période de volatilité et de ralentissement économique, est-ce qu'il ne serait pas préférable de privilégier immédiatement les points 2 et 3 et d'y mettre le paquet, parce que c'est ça qui peut nous aider à passer à travers cette période et à éviter la récession en 1999?

Mme Lise Bergeron: Je vous remercie de votre question. Non, je ne suis pas du tout offusquée. Peut-être avons-nous tort, jusqu'à un certain point, de faire une telle lecture de la situation, mais même à la suite de vos commentaires, je persiste dans la voie que nous avons prise et qui n'est pas si loin de la vôtre. Après tout, je pense que la vertu se situe dans le juste milieu et que nous devons poursuivre de grands objectifs. Ce n'est pas à courte vue qu'on doit envisager la résorption de l'endettement de notre pays; à long terme, ce ne serait pas un bon choix que de dire que la situation doit demeurer telle qu'elle est. À long terme, on doit mettre en place des mécanismes et se donner de grandes priorités nationales. Mais il faut également donner un signal à la communauté mondiale et lui dire que nous avons pris nos finances en main. Dans ce sens-là, je pense qu'on doit continuer de poursuivre ce grand objectif qu'est la réduction de la dette. Je suis d'accord avec vous pour dire...

• 1025

M. Yvan Loubier: Madame Bergeron, je suis entièrement d'accord avec vous à long terme. Mais dans les circonstances actuelles, où l'on vit un ralentissement, où il y a des risques de déflation mondiale et où il y a des risques de déflation nationale parce que le gouverneur de la Banque du Canada a tellement mal géré la politique monétaire qu'on en est rendu à un taux d'inflation très peu significatif et qu'on se demande même si on n'est pas en inflation négative, c'est particulièrement grave pour nos entreprises. Autrement dit, est-ce qu'on ne devrait pas répartir ou rééquilibrer nos interventions et ne pas mettre tous nos oeufs dans le même panier, comme le gouvernement le fait à l'heure actuelle, à partir de l'interprétation qu'il fait de votre priorité numéro 1? Il nous dit que la réduction de la dette est la priorité et il met tout sur la dette, oubliant le reste.

Mme Lise Bergeron: Je me permets de préciser que nous ne disons pas qu'il faut réduire la dette à tout prix et à n'importe quel prix.

M. Yvan Loubier: Très bien.

Mme Lise Bergeron: Nous avons évidemment préparé rapidement un résumé et je parle vite, mais j'espère que vous aurez le temps de jeter un petit coup d'oeil au mot à mot du texte que nous avons soumis. Si nous affirmions qu'il faut réduire la dette à tout prix, nous serions en contradiction avec notre troisième point qui vous incite à investir dans des secteurs promoteurs. Nous disons plutôt que notre grand objectif doit demeurer la réduction de la dette, bien qu'il ne faille cependant pas mettre en danger notre économie en la laissant vulnérable face à une récession, par exemple.

À la Chambre de commerce régionale de Sainte-Foy, on a déjà parlé de se servir de certains leviers, notamment au niveau du surplus de la caisse de l'assurance-emploi et d'une baisse d'impôt. Il n'est pas nécessaire de mettre l'accent uniquement là-dessus. Comme nous l'indiquons dans notre mémoire, en remboursant progressivement la dette, nous pourrons dégager une marge de manoeuvre supplémentaire. Nous avons identifié plusieurs points qui ne relèvent pas d'une seule catégorie; nous avons entre autres parlé de l'assurance-emploi et d'une baisse d'impôt. Si vous le vouliez, nous pourrions aussi parler de la réduction de la TPS.

M. Yvan Loubier:

[Note de la rédaction: Inaudible].

Mme Lise Bergeron: Ce n'est peut-être pas l'objet de notre propos, mais j'ai énuméré quelques leviers économiques qui pourraient nous aider à relancer l'économie.

J'enchaînerai tout de suite avec mon troisième point. Il n'est pas tellement contradictoire de mettre l'accent là-dessus. Si on veut parvenir à nos fins, il faut identifier les secteurs de pointe et les investissements rentables. Je comprends qu'il faille même soutenir certains programmes sociaux et qu'une société doive se donner certaines priorités, mais sur le plan économique, on doit soutenir les secteurs qui sont rentables, comme celui du tourisme. Comme on l'indique dans notre mémoire, une étude a démontré que le gouvernement fédéral récupère 11 fois les sommes investies. Dans le prochain millénaire, le tourisme sera l'un des secteurs de pointe et sera parmi les secteurs les plus créateurs d'emplois. Le Québec est très touché par le chômage. Il est important d'appuyer des secteurs qui vont promouvoir la création d'emplois et générer des retombées économiques. Je me permets de souligner à nouveau que la Commission canadienne du tourisme a fait l'étude de 25 secteurs d'activité parmi les plus importants au Canada et qu'elle a conclu que le tourisme arrive au cinquième rang au niveau des retombées économiques et de la création d'emplois.

Afin de résorber notre dette, d'avoir une économie en meilleure santé et de pouvoir investir dans les programmes sociaux auxquels on aura accordé la priorité, il faut miser sur des secteurs de cette nature-là. Dans ce sens-là, notre discours n'est pas contradictoire. Nous ne sommes pas en faveur de la réduction de la dette à tout prix, mais plutôt du choix des bonnes priorités et d'investissements qui nous rapportent.

M. Yvan Loubier: Je suis heureux de vous l'entendre dire. Monsieur le président, vous devriez conseiller à M. Martin de ne pas se limiter à la lecture des titres des mémoires, mais de bien lire les textes entiers ainsi que les comptes rendus de nos séances, où les témoins ont davantage expliqué leur position. C'est fort révélateur des vraies priorités.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Parfait. Monsieur Desrochers, vous avez 10 secondes.

M. Odina Desrochers (Lotbinière, BQ): Vous n'êtes pas sérieux? J'ai déjà fait de la radio, monsieur le président, et je vais y aller assez rapidement.

Madame Bergeron, je suis député de Lotbinière. Inutile de vous dire que je suis très sensibilisé au projet que vous soumettez ici relativement à la survie de l'Aquarium du Québec et du Parc zoologique du Québec. Dans votre mémoire, vous indiquez que le gouvernement du Québec s'est dit prêt à investir 16 millions de dollars. Est-ce que vous avez fait une étude des coûts afin de savoir combien le fédéral devrait investir? Comment envisageriez-vous un programme de partenariat des infrastructures Québec-Ottawa afin de venir en aide à votre projet?

M. Yvan Loubier: Bonne question!

Mme Lise Bergeron: Si ça ne vous fait rien, je céderai la parole à mon collègue, François Boulay. Nous avons déjà évalué les sommes que le fédéral devrait investir et sensibilisé certaines personnes. Je pense qu'on parle de 14 millions de dollars.

• 1030

M. François Boulay: La somme était semblable à celle que le gouvernement du Québec était prêt à verser. On parle donc de subventions à parts égales.

M. Odina Desrochers: Comment envisagez-vous l'administration de ce projet dans le cadre d'une entente Québec-Ottawa?

M. François Boulay: Comme cela s'est déjà produit dans le passé, nous le concevions comme un programme d'infrastructure, où chaque fois que le gouvernement fédéral donnait un dollar, le gouvernement provincial faisait de même. Par contre, cette fois-ci, on fait le chemin contraire; on part du gouvernement provincial et on demande au fédéral de verser une somme équivalente. On en arrive au même résultat finalement. Nous voulons la mise sur pied d'un programme où le gouvernement fédéral s'associerait au gouvernement provincial et contribuerait tout autant que ce dernier.

M. Odina Desrochers: Est-ce que vous voulez dire qu'en vue de faire la promotion touristique, vous souhaitez qu'il y ait une entente Québec-Ottawa?

M. François Boulay: En ce moment, on veut investir tout particulièrement dans la relance de deux infrastructures touristiques de la grande région de Québec.

M. Odina Desrochers: Mais si on parle juste du Québec ou du pays...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Desrochers, je suis heureux de constater que vous croyez que le développement régional et le tourisme ne relèvent pas uniquement de la responsabilité provinciale et que le gouvernement fédéral a un mot à dire là-dedans. Merci.

M. Yvan Loubier:

[Note de la rédaction: Inaudible].

[Traduction]

M. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président. J'ai quelques questions à poser.

Monsieur Ingerman, vous préconisez l'augmentation des dépenses liées au filet de sécurité sociale et vous soutenez que le gouvernement fédéral doit à cet égard redistribuer les richesses. Si je ne m'abuse, vous préconisez, par exemple, que le gouvernement augmente les prestations d'assurance-emploi.

J'aimerais savoir ce qui, à votre avis, stimulerait davantage l'économie: augmenter les prestations d'assurance-emploi ou investir une somme égale—à supposer que ce choix vous soit offert—dans le développement de la recherche biomédicale?

M. Sid Ingerman: C'est une question difficile. Ces deux investissements sont nécessaires et sont valables.

L'un de ces investissements porte sur le long terme. À long terme, si l'on investit insuffisamment dans le domaine de l'éducation et de la recherche, cela a un effet négatif sur la productivité d'un pays et sur son niveau de vie. À très court terme, cependant, aucune mesure ne serait efficace si nous devions traverser une grave récession. En période de récession, les recettes fiscales du gouvernement diminuent, et les paiements sociaux augmentent, ainsi que la dette. Nous nous retrouvons dans un beau pétrin.

Pour répondre à votre question, il faut d'abord se poser deux questions: que faut-il faire dans l'immédiat pour éviter une détérioration de la situation économique? Et que pouvons-nous faire pour que le gouvernement investisse à long terme dans la recherche et l'éducation?

Il ne s'agit pas de choisir une option plutôt que l'autre. Il s'agit d'un art qui consiste à savoir comment gérer l'économie. Il est impossible de répondre de façon simple à cette question. Des investissements sont nécessaires dans ces deux domaines. Il s'agit de savoir quand ces investissements doivent être faits.

M. Roger Gallaway: Vous avez aussi soulevé la question de l'augmentation des dépenses par opposition aux réductions d'impôt. Comme vous le savez, certains gouvernements provinciaux ont opté pour des réductions d'impôt. On constate que les pays qui ont mis en oeuvre des réductions d'impôt sont ceux qui jouissent des plus importants excédents budgétaires. Je songe aux pays européens et à des pays comme la Finlande, les États-Unis et le Royaume-Uni...

J'aimerais savoir pourquoi vous pensez que l'augmentation des dépenses sociales liées au filet de sécurité sera plus rentable que des réductions d'impôt. À première vue, les réductions d'impôt semblent stimuler davantage l'économie.

M. Sid Ingerman: Je ne pense pas qu'il y a des preuves établissant qu'une méthode soit... Il faut trouver un moyen d'augmenter la demande globale. L'une ou l'autre de ces options atteindra cet objectif. La réduction des impôts aura une incidence positive. Cette méthode pose certaines difficultés dont a traité M. Loubier. Si vous réduisez les impôts de certains groupes de citoyens, ils investiront cet argent à la bourse. Ils l'économiseront. Ils l'investiront sur des marchés étrangers. Tout dépend du groupe qu'on cible. Si vous réduisez les impôts des moins bien nantis, cela les aidera et cela stimulera également l'économie.

• 1035

La raison pour laquelle j'insiste sur le filet de sécurité dans le domaine de la santé, de l'éducation et des services sociaux, c'est que la population se préoccupe des réductions de dépenses qui ont été faites dans ces domaines. Or, c'est dans ces domaines que nous nous distinguons des États-Unis. Les Américains ont de bons groupes rock et bien d'autres choses, mais nous avons un bon système de santé et nous avions jusqu'à dernièrement un excellent système de services sociaux. Nous devons conserver et renforcer ce système qui unifie le pays. Si nous le faisons, nous créerons de l'emploi pour ceux qui en ont besoin et dont les revenus sont demeurés stagnants au cours de la dernière décennie.

Je ne m'oppose pas aux réductions d'impôt, mais je crois qu'il faudrait d'abord investir dans le domaine de la santé et de l'éducation et ne consentir des réductions d'impôt que dans le domaine où elles semblent logiques et sont susceptibles d'avoir un impact positif immédiat.

M. Roger Gallaway: Les réductions d'impôt semblent avoir donné d'excellents résultats dans les pays que je vous ai cités, mais vous continuez de préconiser une augmentation des dépenses. J'aimerais savoir—et vous avez en partie répondu à la question—ce qui serait le plus rentable: réduire les impôts ou augmenter les dépenses?

M. Sid Ingerman: Je ne préconise pas d'augmenter les dépenses. Je dis qu'il faut avoir recours à ces deux solutions.

M. Roger Gallaway: Augmenter les dépenses et...

M. Sid Ingerman: Augmenter les dépenses et réduire les impôts de façon raisonnable. Je crois qu'il faut faire preuve de discernement. Je ne m'attends d'ailleurs pas à ce que M. Martin force la note à cet égard. Vous avez cité en exemple certains pays, mais on ne peut pas conclure que leur économie se porte bien simplement parce qu'ils ont réduit les impôts. Il faut étudier l'ensemble de leur situation financière et notamment leur niveau de dépenses. Je crois que la Finlande et la Norvège ont de magnifiques programmes sociaux.

Nos programmes sociaux et nos programmes de santé commencent maintenant à faire l'objet de critiques. Nous préconisons une intervention dans ces deux domaines, mais il s'agit d'établir les priorités et les sommes en question.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Ne craignez-vous pas que nous nous retrouvions de nouveau dans une situation déficitaire?

M. Sid Ingerman: Je voulais intervenir lorsque M. Loubier a soulevé cette question. La raison pour laquelle nous luttons contre le déficit, c'est que nous voulons réduire notre dette. Si la dette d'un pays augmente quand il n'est pas en guerre, c'est que son économie ralentit ou qu'il connaît une récession ou une dépression. Voilà à quoi on peut attribuer l'augmentation de la dette. Pourquoi? Parce que dans ces cas, les recettes gouvernementales diminuent pendant que les dépenses gouvernementales augmentent.

Si en voulant réduire la dette, on cause une récession, au lieu de diminuer, la dette augmentera. Il faudrait dissiper le mythe qui existe à cet égard. Prenons le cas des cinq à huit dernières années. On ne peut pas attribuer une grande partie de la réduction du déficit et de la dette aux réductions dans les dépenses gouvernementales. L'allégement de la dette s'explique surtout par le fait que le gouvernement fédéral a transféré des paiements aux gouvernements provinciaux. En outre, l'économie a crû à un rythme plus rapide. Une petite partie de la diminution de la dette peut être attribuée à la réduction des dépenses gouvernementales, mais aucune étude ne montre que c'est à ce facteur qu'on peut attribuer la majeure partie de la diminution de la dette.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais si vous examinez la mise à jour économique et financière présentée par le ministre des Finances il y a deux ou trois semaines, si vous examinez les projections, même les plus pessimistes montrent que nous arriverons sans doute à baisser de façon considérable le ratio de la dette au PIB uniquement grâce à la croissance économique.

• 1040

M. Sid Ingerman: Oui, tout à fait. Nous sommes d'accord. À condition évidemment que l'économie continue son expansion.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mais il est simpliste de dire que ce n'est que l'activité économique qui a alourdi notre dette. Il est certain que les dépenses excessives y sont aussi pour quelque chose. C'est ce que je voulais dire.

M. Sid Ingerman: Toutes les dépenses somptuaires sont à condamner. Toutes les dépenses qui n'améliorent pas la productivité nationale ou ne favorisent pas la population sont à condamner.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.

Je vais maintenant donner la parole à Mme Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai deux courtes questions à poser puis je laisserai les témoins répondre.

Madame Bergeron, une des choses que vous avez dites dans votre exposé—ou que j'ai déduites en tout cas—c'est que notre objectif ultime devrait être de désendetter le pays. Je veux savoir si j'ai bien compris. Est-ce l'avis de la Chambre de commerce ou cela doit-il être un objectif pour le pays?

Monsieur Robson, vous avez dit dans votre exposé qu'il faudrait investir dans la recherche 1 p. 100 de ce que l'on consacre aux soins de santé. D'autres témoins ont préconisé cette formule. Si on fait la comparaison et si l'on tient compte de l'exode des cerveaux et de ce qui est investi aux États-Unis, et vous-même en avez parlé, les Américains ont investi encore 15 p. 100 de plus.

Faut-il toujours essayer de rattraper les États-Unis ou y a-t-il une proportion idéale de l'investissement que le Canada doit consacrer à la recherche—recherche médicale en particulier, puisque c'est ce dont vous parlez—pour venir en aide à nos chercheurs et faire les découvertes qu'il nous faut?

[Français]

Mme Lise Bergeron: Si j'ai bien compris, ce sont les deux. Le point de vue que nous exposons dans notre mémoire couvre le niveau national, pour la réduction de la dette, mais aussi le niveau régional. Si j'ai bien compris votre question, ce sont les deux: autant au niveau national qu'au niveau régional. La question de la résorption de la dette et du contrôle du déficit touche autant le niveau national que le niveau régional. Cela s'applique aux deux, à moins que j'aie mal compris votre question.

[Traduction]

Mme Karen Redman: Je m'explique. L'objectif ultime du pays est-il de se libérer de la dette? C'est ce que je vous ai entendu dire dans votre exposé, que c'est notre objectif ultime, de désendetter le pays.

[Français]

Une voix: Mais pas à n'importe quel prix.

Mme Lise Bergeron: Exactement. Le grand objectif doit effectivement être la résorption complète de la dette, mais on ne doit pas chercher à atteindre à tout prix ce grand objectif. Cela viendrait en contradiction avec notre troisième point, où on demande des investissements dans certains secteurs comme le tourisme, par exemple. Je ne pense pas qu'on puisse résorber une dette importante comme celle du Canada sur une très courte période sans grand fracas dans notre système social et notre système économique.

Oui, on devra continuer à mettre l'accent sur cela pendant plusieurs années, jusqu'à ce que la résorption de notre dette soit complète, mais on devra le faire en accordant la priorité aux secteurs de pointe qui présentent un grand retour sur les investissements, notamment le tourisme, qui a été classé au cinquième rang dans un palmarès des 25 secteurs ayant les meilleures retombées au niveau économique et au niveau de la création d'emplois. Ce secteur génère des dollars neufs, parce qu'il y a beaucoup d'argent qui vient de l'extérieur dans ce type d'industrie, et génère 130 000 emplois. Ces données sont répertoriées dans notre document.

Je pense qu'il sera de plus en plus facile de résorber la dette à laquelle nous faisons face. J'espère que cela répond à votre question.

[Traduction]

Mme Karen Redman: Une autre précision. Le professeur Ingerman a dit certaines choses et une des choses que Paul Martin a dites c'est qu'il faut réduire le ratio de la dette au PIB. Mais vous dites que ce n'est pas une mesure que vous approuvez. Vous voulez que l'on réduise la dette à zéro. Ce devrait être l'objectif ultime, même s'il faut jalonner nos progrès en ce sens.

[Français]

Mme Lise Bergeron: Exactement. Je répète que c'est à long terme qu'on doit envisager l'atteinte de cet objectif. Plus notre économie et nos investissements seront priorisés dans les secteurs qui seront rentables, plus la période sera courte.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Oui, d'accord, mais il y en a qui préconisent une élimination totale de la dette. C'est ce que Mme Redman essaie de dire. Vers quel équilibre devrait-on tendre? Il n'y a aucun pays au monde qui n'ait pas de dette. Il n'y a aucune ville du Québec et du Canada qui n'ait pas de dette.

• 1045

Dr Barry Posner: Aucune entreprise.

Mme Lise Bergeron: Je comprends très bien, mais on devra toujours quand même garder cet objectif. Pour ce qui est de la question de temps, il s'agit de trouver un équilibre. Je l'ai dit un peu en boutade au début de mon intervention et quand on m'a questionnée.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous lance un défi. Faites le calcul: sur combien de générations pourrait-on éliminer une dette de quelque 583 milliards de dollars?

Mme Lise Bergeron: Non, non, non.

M. Yvan Loubier: Madame Bergeron, qu'est-ce qu'on doit viser? Qu'est-ce qu'on doit avoir comme objectif? Si on n'a pas d'idéal dans la vie, ça ne vaut pas la peine de vivre. C'est cela qu'elle veut dire.

Mme Lise Bergeron: Je pense que l'équilibre se trouve au milieu. Il faut conserver notre système de santé et notre système d'éducation. Je ne pense pas qu'on puisse éliminer la dette demain matin, mais si on priorise des secteurs comme le tourisme, qui rapporte énormément, on pourra se servir de la bonne santé de notre économie pour mettre l'accent sur la bonne gestion de notre dette.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je pense la même chose.

Mme Lise Bergeron: Tant mieux.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Une dernière question, madame Redman.

[Traduction]

Mme Karen Redman: Oui, j'ai posé une question au Dr Robson.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Oui, désolé.

Dr John Robson: Faut-il essayer de rattraper les États-Unis? Oui et non.

Comme M. Posner l'a dit, quantité d'autres facteurs feront que les scientifiques canadiens resteront au pays, à part le financement de la recherche. Il y a entre autres des raisons personnelles ou familiales.

De fait, j'ai travaillé aussi bien aux États-Unis qu'au Canada. Je trouve le système canadien beaucoup plus marqué par la coopération et la collégialité et plus enrichissant pour les scientifiques. En revanche, à un moment donné on ne peut plus être concurrentiel et on ne peut plus mener sa barque. Je pense qu'on est rendu à ce point où il nous faut un apport de crédits de fonctionnement dans les laboratoires rien que pour rester en activité.

Si l'on consent cet effort, il y aura des retombées. Il y a énormément d'intérêt pour les entreprises de biotechnologie, dans lesquelles il y a eu de vrais investissements. C'est très vigoureux au Québec et il y a beaucoup de compagnies qui voient le jour. Si nous pouvons assurer le maintien en activité des laboratoires grâce à un apport de fonds du gouvernement fédéral, je pense que le secteur privé investira de plus en plus de capitaux. Cela fait boule de neige et toute l'affaire est remise d'aplomb. Mais je ne propose pas d'atteindre les niveaux qui existent aux États-Unis. Ce ne serait pas raisonnable à l'heure actuelle.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Redman. Je demanderais maintenant à M. Godin du Nouveau parti démocratique de poser ses questions.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Premièrement, je voudrais dire que M. Ingerman pense de la même manière que moi. Je voudrais donc le féliciter. Vous y avez mis le paquet, et j'aimerais vous en remercier.

Madame Bergeron et monsieur Boulay, j'aimerais vous poser une question. Dans votre présentation, vous avez parlé de seulement une partie de ce qui m'intéressait, soit l'assurance-emploi. J'aimerais avoir des clarifications là-dessus.

En 1986, le gouvernement fédéral a pris l'argent de la caisse d'assurance-emploi et l'a mis dans les fonds généraux. En 1991 ou 1992, le gouvernement fédéral a cessé de contribuer au fonds d'assurance-emploi, et c'est à ce moment-là que les cotisations se sont mises à augmenter considérablement.

En mai 1998, le gouvernement fédéral a annoncé, lors du budget, qu'il aurait un déficit zéro et même un surplus d'environ 15 milliards de dollars, mais il se trouve qu'à ce moment-là, il y avait 15 millions de dollars dans la caisse d'assurance-emploi et cet argent a été placé dans les fonds généraux. C'est pour cela qu'on dit que les travailleurs, les travailleuses et les compagnies ont payé certaines choses en double, par exemple l'assurance-maladie. Le travailleur et la travailleuse qui paient des impôts seront encore obligés de payer l'assurance-maladie par le biais de leurs cotisations à l'assurance-emploi, ce que je trouve injuste. Cela devrait être davantage partagé.

Si on se sert de l'argent de l'assurance-emploi pour une baisse des impôts, des gens qui ne paient pas de cotisations à l'assurance-emploi auront l'argent des travailleurs et des travailleuses. Encore là, il y a une injustice.

Vous dites que le tourisme augmente. Je peux vous dire qu'au Nouveau-Brunswick, le tourisme a vraiment augmenté, surtout dans la péninsule acadienne. Dans la région de Bouctouche-Moncton, le tourisme a vraiment augmenté, cela à cause des gens du Québec qui, étant donné la faiblesse du dollar canadien, vont moins aux États-Unis et viennent davantage chez nous. Cependant, cela crée des emplois saisonniers. Les gens qui travaillent dans l'industrie du tourisme n'ont pas d'emploi l'hiver.

• 1050

Dans votre présentation, vous parlez des cotisations. Dans le dernier budget de Paul Martin, on a aboli les cotisations pour les compagnies ou les employeurs qui ont engagé des personnes de 18 à 24 ans. Pouvez-vous me dire si cela a vraiment créé beaucoup d'emplois? On sait qu'en 1997, il n'y avait que 42 p. 100 des gens qui avaient versé des cotisations qui se qualifiaient pour les prestations d'assurance-emploi. Les prestations ont baissé. Beaucoup de personnes ne se qualifient plus. Il y a 12 000 femmes qui ne se qualifient plus pour des prestations de maternité. Ne pensez-vous pas que cela fait mal à l'économie et aux petites et moyennes entreprises? Ces gens-là n'ont pas d'argent à dépenser. On sait aussi qu'il y a beaucoup plus de banques alimentaires depuis quelques années.

Mme Lise Bergeron: Votre question est longue. Je vais essayer de bien cibler ce que vous voulez. Dans le fond, vous me demandez s'il ne faut pas inévitablement restructurer la caisse d'assurance-emploi afin qu'elle soit accessible à des gens qui, actuellement, ne sont plus admissibles. Est-ce que je vous comprends bien?

Je pense qu'il y a une bonne vieille recette, et c'est ce qu'on essaie de dire depuis que nous sommes ici. Je ne pense pas que la solution réside dans l'élargissement du spectre des personnes admissibles. Je pense qu'il faut retourner à la base. Quelle est la base? C'est d'avoir une économie saine qui va générer des emplois.

Les 130 000 emplois dont on vous parle dans le document qu'on vous a soumis, ce ne sont pas juste des emplois saisonniers; il y a beaucoup d'emplois permanents. Plus notre économie va bien se porter et plus les investissements prioritaires vont être bien ciblés, plus les gens dont on parle, ceux qui ne sont plus admissibles, auront de la facilité à se retrouver un emploi.

Si on a des problèmes présentement, ce n'est pas juste à cause du tourisme; c'est à cause de l'ensemble de notre économie. On a de la difficulté à trouver un second souffle pour créer des emplois. La clé, c'est la création d'emplois. Ce n'est pas de dire qu'on va ouvrir la caisse d'assurance-emploi.

Notre mission, en tant que Chambre de commerce, est de trouver tous les moyens nécessaires pour créer des emplois et stimuler nos économies afin qu'il y ait un maximum de retombées économiques. Je pense que ma solution rejoint le problème que vous évoquez.

M. François Boulay: J'aimerais répondre au sujet de la saisonnalité des emplois dans le milieu touristique. C'est un argument qui revient souvent. Les gens qui ne sont pas dans le milieu touristique ont fortement tendance à penser que ce sont des emplois peu stables et saisonniers.

J'ai ici un document qui vient de l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec qui, finalement, est une commission canadienne du tourisme. On dit que la croissance du tourisme facilite l'insertion et la promotion dans le marché du travail. Il y a un paragraphe qui dit:

    Parallèlement, et toujours contrairement aux convictions courantes, les taux de mises à pied saisonnières ne sont pas plus élevés dans le tourisme. Une étude réalisée en 1994 a montré que la saisonnalité de l'emploi, une caractéristique que l'on associe volontiers aux professions du tourisme, n'a été invoquée que par 13 pour cent des travailleurs qui avaient quitté un emploi dans le secteur du tourisme, exactement le même pourcentage que chez les travailleurs qui avaient quitté un emploi dans les autres branches d'activité.

Il est évident qu'on considère toujours le tourisme comme saisonnier, et il y a certaines régions qui sont un petit peu plus saisonnières que d'autres, mais à la lumière de ce document-là, vous pouvez voir que ce n'est pas le cas.

Deuxièmement, on essaie d'investir dans le produit touristique de façon à avoir une saison qui soit étalée sur 12 mois et de moins en moins saisonnière. On voit donc toute l'importance d'investir là-dedans.

Vous souligniez tout à l'heure l'impact que le taux de change avait eu sur la saison touristique. C'est pour cela qu'il est important d'investir dans le produit touristique. Actuellement, on vit d'un dollar faible. La saison touristique a été bonne à cause de la faiblesse du dollar, mais c'est un paramètre que l'industrie touristique ne contrôle pas. Si le dollar augmente l'année prochaine, il est fort possible qu'une grande partie de la clientèle qui est allée chez vous, au Nouveau-Brunswick... La clientèle touristique de la région de Québec est composée à 60 p. 100 de Québécois. Ce sont des gens qui viennent de Montréal.

• 1055

Plus on va chercher une clientèle touristique de proximité, plus on s'affaiblit. Premièrement, ce ne sont pas de nouvelles devises qui entrent dans l'économie et, deuxièmement, tout cela est assujetti à toutes sortes de facteurs, même la température. L'économie de Montréal a des retombées sur la saison touristique de Québec. L'industrie touristique n'a pas son mot à dire quant à la valeur du dollar. Ce sont des paramètres qu'on ne contrôle pas. On a une bonne saison parce que le dollar est faible. Ce sont des choses qui peuvent changer du tout au tout du jour au lendemain. Il faut absolument internationaliser notre produit touristique. Merci.

M. Yvon Godin: J'ai peut-être posé une longue question tout à l'heure, mais c'était plutôt un préambule. Je vais essayer d'être un peu plus clair. Premièrement, entre la péninsule acadienne et la ville de Québec, il y a une grosse différence au plan touristique. Quand ça ferme, ça ferme. On ne reviendra pas là-dessus.

Les travailleurs et les travailleuses paient cet argent pour avoir une assurance le jour où ils n'auront plus d'emploi. Pensez-vous qu'on doit accepter que les enfants aillent à l'école sans avoir mangé? Pensez-vous que c'est ça qui va empêcher l'économie de croître?

Je ne pense pas que la réduction des cotisations va créer plus d'emplois. Êtes-vous complètement en désaccord que, quand les gens reçoivent de l'assurance-emploi, cela les empêche de travailler? Je ne sais pas si je pose bien ma question.

Mme Lise Bergeron: Puisque vous la posez comme ça, je suis tentée de vous répondre que c'est un levier économique. C'est entretenir un parapluie artificiel que de garder dans la caisse d'assurance-emploi des surplus astronomiques comme on le fait présentement.

M. Yvon Godin: Je ne suis pas d'accord que cet argent doit rester là.

Mme Lise Bergeron: Donc, on s'entend pour dire que ces sommes doivent être remises. Vous me demandez à qui elles doivent être remises.

M. Yvon Godin: C'est ça.

Mme Lise Bergeron: J'ai toujours pensé que c'était un fonds dédié. Si on veut nous le faire payer en impôts, qu'on nous le dise. Si c'est un fonds dédié, ça doit revenir aux employeurs et aux employés.

M. Yvon Godin: L'argent devrait aussi servir à payer des prestations aux personnes qui ont cotisé.

Mme Lise Bergeron: Je vais vous répondre la même chose que tout à l'heure. Je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que si on remet ça aux PME, cela ne créera pas d'emplois. C'est faux. Je ne suis pas du tout d'accord sur ça. Au contraire, je pense que la grande force économique, particulièrement au Québec, et je présume que c'est la même chose dans les Maritimes, vient des petites et des moyennes entreprises.

M. Yvon Godin: Les banques leur demandent un peu trop. Cela coûte trop cher. C'est là qu'est le problème.

Mme Lise Bergeron: Je pense qu'il faut miser sur la création d'emplois.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Il nous reste à peine deux minutes. Je demanderais à Mme St-Jacques et à M. Pillitteri de poser brièvement les deux dernières questions. Madame St-Jacques.

Mme Diane St-Jacques (Shefford, PC): Vous voudrez bien m'excuser d'avoir été en retard. Malheureusement, je n'ai appris qu'hier, en fin d'après-midi, que je devais siéger ici ce matin. Je remplace M. Brison, qui est le critique en matière de finances. Avant de poser ma question, j'aimerais faire un commentaire rapide.

Le président disait qu'il n'existait aucune municipalité qui n'ait plus de dette. Je lui apprendrai que là où je demeure, à Granby, l'an prochain, il n'y aura plus de dette. Ce sera éliminé complètement. C'est une ville qui est citée en exemple partout au Québec.

Ma question a trait au taux de cotisation à l'assurance-emploi. Nous affirmons qu'une baisse du taux d'assurance-emploi créerait de l'emploi, comme vous le mentionnez. Je ne sais pas si l'un de vous deux pourrait me répondre. Là où je demeure, dans le comté de Shefford, il y a beaucoup de PME, et nous croyons que la baisse du taux d'assurance-emploi créerait de l'emploi. Combien d'emplois est-ce que cela pourrait générer dans une entreprise qui emploie une soixantaine d'employés? Est-ce que cela a été chiffré?

M. Manuel Dussault: On a réalisé une étude là-dessus. De mémoire, les études qui ont été réalisées disent que l'augmentation des taxes sur la masse salariale tue l'emploi. On est dans un nouveau paradigme. On va les baisser. Donc, il n'y a pas eu beaucoup d'expériences qui ont été faites là-dessus, mais si on applique le même raisonnement, la baisse des taxes sur la masse salariale, dont l'assurance-emploi, devrait créer de l'emploi. Quant à la proportion, je ne m'en souviens pas.

Mme Diane St-Jacques: Mais il y a des chiffres qui existent.

M. Manuel Dussault: Oui, il y a des chiffes qui existent. Par exemple, il y a une étude de la Banque du Canada qui a été publiée il y a deux ans. On a eu ce débat-là au Québec avec nos taxes sur la masse salariale. Si vous le voulez, je ferai parvenir un document au comité. On a fait un recensement des études à ce sujet.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Est-ce que vous considérez l'assurance-emploi comme une taxe sur la masse salariale ou comme une assurance?

M. Manuel Dussault: Eh bien, c'est...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Une dernière petite question, madame St-Jacques?

Mme Diane St-Jacques: Non, c'est tout.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Pillitteri, s'il vous plaît.

[Traduction]

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vais répondre à la question que vous posiez. C'est une taxe et rien d'autre. Cessons de nous leurrer et commençons à l'appeler une taxe. Que ce soit la taxe professionnelle, l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur le revenu, la TPS ou les cotisations à l'AE, dans tous les cas il s'agit de taxes ou d'impôts, qui servent à redistribuer la richesse.

• 1100

Ma question s'adresse à Lise Bergeron. J'ai été très intrigué par ce qui a été dit à propos du tourisme. Il se trouve que je représente Niagara Falls, une région qui reçoit environ 20 millions de touristes par année. Dans votre exposé, vous dites qu'il faut consacrer plus d'argent au tourisme. Permettez-moi de vous donner des chiffres. Nous verrons ensuite où l'argent pourrait être dépensé.

D'après mes premiers souvenirs, si je remonte à 1993, le gouvernement fédéral ne consacrait que 5 millions de dollars au tourisme. À cette époque, le poste tourisme accusait un déficit d'environ 9 milliards de dollars. Lorsque le budget a été porté à 15 millions de dollars, le tourisme a décollé. Aujourd'hui, le déficit est inférieur à 3 milliards de dollars. À votre avis, ce budget devrait-il être dépensé au Canada ou à l'étranger? Permettez-moi de préciser le sens de ma question.

Sur les 50 millions de dollars que la Commission du tourisme dépense actuellement, la plus grande partie est dépensée à l'étranger. Le tourisme, c'est un bien d'exportation. Cet argent devrait-il être dépensé au pays ou à l'étranger? Vous voulez que l'on dépense davantage. Moi je pense que cet argent devrait être dépensé par les gouvernements provinciaux, à l'intérieur de la province. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Pillitteri. M. Boulay et Mme Bergeron sont en train de se consulter avant de vous donner la réponse, monsieur Pillitteri.

Mme Lise Bergeron: Je voulais être sûre d'avoir bien compris la question. Je pense que c'est à l'extérieur du Canada que le gouvernement du Canada doit continuer de faire la promotion de notre tourisme. C'est notre porte-parole national. Je pense que les 50 millions de dollars auxquels vous faites allusion sont pour la publicité. Dans ce sens-là, il est très important que le gouvernement du Canada continue de mettre l'accent là-dessus.

M. François Boulay: Il existe des programmes de publicité conjoints. C'est un programme de match à 1 $ pour un 1 $. Quand une entreprise privée investit 1 $ en publicité au Canada, le gouvernement du Québec fait, lui aussi, une offre de 1 $. Quand on veut aller à l'extérieur, pour chaque 2 $ investi, le gouvernement fédéral donne 2 $, ce qui va donner 4 $ pour chaque dollar investi.

C'est un programme qui est très important, mais il est sous-utilisé dans la province de Québec. Il y a des offices du tourisme qui travaillent à le bonifier et à le mettre un peu plus en évidence. C'est un programme qui est mal utilisé, mais ce n'est pas à l'intérieur de ce programme-là qu'on essaie d'aller chercher de fonds. Il existe déjà des programmes d'infrastructures touristiques et d'événements touristiques qui s'adressent spécifiquement à une clientèle internationale.

L'Aquarium du Québec et le Jardin zoologique du Québec n'ont pas une visée directement internationale. Ils viennent bonifier un produit qui, lui, vise l'international.

Tout à l'heure, vous disiez, et c'est important de le souligner, que plus il y a de touristes qui viennent de l'extérieur, plus il y a de dollars frais qui entrent chez nous. Ce n'est pas de l'argent qu'on enlève d'un secteur d'activité pour le mettre dans un autre. Ce sont carrément des dollars nouveaux. C'est un marché en croissance.

Québec a subi beaucoup de pertes d'emplois en raison des coupures gouvernementales, et il est important de recycler ces gens. Ils se recyclent très facilement dans le milieu du tourisme. Ce sont des gens qui ont la capacité de pendre la relève dans ces milieux-là. Il est important d'investir dans cette industrie qui est en croissance et qui est fortement créatrice d'emplois.

[Traduction]

M. Gary Pillitteri: Je sais que l'argent vient de l'industrie touristique, mais vous n'avez pas répondu précisément à ma question. Je sais que le gouvernement fédéral dépense à l'étranger. Je suis au courant de la contribution équivalente et de tout le reste. Je crois vous avoir entendu dire que le gouvernement fédéral devrait dépenser 50 millions de dollars de plus. Voulez-vous dire plutôt que les gouvernements provinciaux devraient participer davantage et fournir eux aussi une somme équivalente?

• 1105

M. François Boulay: C'est un programme tout à fait différent. On ne participe pas à cette promotion. C'est un budget pour une promotion différente. Nous parlons d'un autre programme qui existe déjà au gouvernement fédéral. Nous voulons un nouveau libellé pour que nous puissions avoir accès aux fonds de ce programme.

M. Gary Pillitteri: C'est un nouveau programme. D'accord.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Un programme Canada-Québec.

M. François Boulay: Non, il existe un programme sur les infrastructures ou événements qui visent les marchés internationaux. S'il était possible d'apporter quelques modifications à ce programme, le Jardin zoologique et l'Aquarium du Québec pourraient aller chercher des fonds dans ce programme.

Ce programme exige qu'on vise les marchés internationaux. C'est le produit tout entier de la région de Québec qui vise les marchés internationaux. Il est lié et il bonifie l'offre. Il étend l'offre sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec, mais il ne correspond pas aux exigences du programme.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous n'avez pas été capables de l'inclure dans le volet 1 du programme Canada-Québec sur les infrastructures.

M. Odina Desrochers: Ce n'est pas la même chose.

Mme Lise Bergeron: Cela n'entre pas dans ce programme.

M. François Boulay: Ce n'est pas la même chose. Deuxièmement, on n'était pas rendus là dans notre travail. Ça fait huit ans qu'on protège ces équipements, qui étaient au bord de la fermeture. On les a un peu retapés. On a augmenté la clientèle et on a diminué le déficit. Il est maintenant temps de faire des investissements majeurs.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup. Madame Bergeron, messieurs, merci de votre présence ici aujourd'hui. Comme vous pouvez le constater, il n'est pas facile de trouver un bon équilibre. Grâce à votre participation, notre rapport pourra mieux refléter vos priorités et celles de notre gouvernement. Merci.

Chers collègues, nous allons suspendre pour deux minutes afin que les prochains témoins puissent se préparer.

• 1107




• 1117

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tous les participants pour la séance de 11 heures à 13 heures.

Nous avons le plaisir de recevoir des représentants des organisations suivantes: la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec; la Confédération des syndicats nationaux; l'Association canadienne des pâtes et papiers; la Chambre de commerce du Québec; Consortium Promecan Inc.; ainsi que le Conseil du patronat du Québec.

Je donnerai d'abord la parole à la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec, représentée par M. Yves Morency. Je vous souhaite la bienvenue.

[Français]

M. Yves Morency (secrétaire aux relations gouvernementales, Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec): Monsieur le président, je suis accompagné ce matin de M. Gilles Soucy, qui est économiste en chef chez nous.

Le Mouvement des caisses Desjardins tient à souligner sa satisfaction devant la ténacité du ministre des Finances dans ses efforts pour éliminer le déficit fédéral. Une croissance économique soutenue et des taux d'intérêt relativement bas lui ont même permis de devancer ses objectifs.

Nos prévisions économiques nous permettent donc d'anticiper des surplus budgétaires qu'il faudra utiliser judicieusement, compte de tenu de l'évolution des cycles économiques, de l'importance de la dette nationale, du lourd fardeau fiscal des contribuables, de même que de la situation financière et des responsabilités des provinces. C'est dans ce contexte que nos commentaires s'inscrivent.

Du côté de la situation financière du gouvernement, nous croyons qu'il est important de maintenir les bonnes habitudes d'une gestion serrée des finances publiques, car il ne faut pas oublier que la dette accumulée de 600 milliards de dollars et des intérêts annuels de quelque 40 milliards de dollars atténuent grandement la marge de manoeuvre du gouvernement. Dans ce contexte, les priorités gouvernementales devraient être les suivantes.

D'abord, le gouvernement devrait se donner une marge de manoeuvre financière. À cet égard, nous lui suggérons d'affecter les surplus des opérations non budgétaires à la réduction de la dette et d'ajouter à ce montant celui des réserves pour éventualités non utilisées.

Compte tenu que nous croyons que le gouvernement fédéral enregistrera encore l'année prochaine d'importants surplus budgétaires, nous lui suggérons fortement d'alléger le fardeau fiscal des contribuables. À cet égard, nous lui proposons d'indexer les montants des exemptions personnelles et les tables d'impôts et d'éliminer toutes les surtaxes imposées au fil des ans.

À ce même chapitre, nous enjoignons le gouvernement fédéral de conserver intactes les caractéristiques d'assurance de l'assurance-emploi, notamment en redistribuant les surplus excédentaires, une fois les réserves pour éventualités prises en compte, par une baisse significative des cotisations et en assouplissant le régime au niveau de l'accessibilité ou encore au niveau des prestations.

• 1120

Enfin, nous lui proposons d'augmenter les transferts aux provinces plutôt que d'initier de nouvelles dépenses de programmes, particulièrement dans les champs de compétence de celles-ci.

Par ailleurs, nous lui suggérons également quelques mesures fiscales, entre autres un mécanisme de transfert de pertes fiscales pour améliorer l'efficacité et la compétitivité du régime fiscal des sociétés.

Nous sommes à votre disposition pour répondre à vous questions ou pour formuler d'autres commentaires si vous le souhaitez. Je vous remercie.

[Traduction]

Le président: Merci.

Nous entendrons maintenant la Confédération des syndicats nationaux, représentée par M. Gérald Larose. Bienvenue.

[Français]

M. Gérald Larose (président, Confédération des syndicats nationaux): Merci, monsieur le président.

Au mois d'août dernier, nous avons fait parvenir à votre comité un mémoire de 17 pages. Entre-temps, le ministre des Finances a fait une mise à jour, le 14 octobre dernier. C'est peut-être en nous inspirant de sa mise à jour que nous voulons vous faire un certain nombre de commentaires aujourd'hui. Le 14 octobre, le ministre des Finances nous a parlé de la transparence, de la turbulence et de ses orientations.

Au chapitre de la transparence, il a enfin reconnu qu'il allait produire des surplus, et non pas un déficit, et qu'il produisait des surplus depuis 19 mois. Je vous rappelle que pour 1997-1998, il avait prévu un déficit de 17 milliards de dollars, mais qu'il a connu un surplus réel de 6 milliards de dollars et qu'il a caché 2,5 milliards de dollars dans les bourses du millénaire. Il y a donc un écart de 23 milliards de dollars. Je peux vous dire que si le trésorier de la CSN se trompait de cette façon-là, il ne serait pas réélu au congrès suivant.

En fait, cette prévision calculée de M. Martin avait précisément pour but d'entretenir l'ignorance et de tenir le peuple loin du vrai débat sur l'utilisation des éventuels surplus. On ose croire qu'on va pouvoir maintenant faire ce débat-là devant vous.

La deuxième chose dont il nous a parlé, c'est de la turbulence qui tournait autour du globe. Il nommait cela l'autre face de la mondialisation. Le plus surprenant, c'est qu'en identifiant une menace réelle à notre économie, il ait intégralement maintenu sa politique archirigide dans ce nouveau contexte. On s'étonne de ce qu'au moment où il identifie une tout autre conjoncture, le ministre maintienne les politiques qui avaient été élaborées pour une autre conjoncture.

Cela nous amène à commenter un peu ses orientations. On sait que l'existence des surplus et la menace d'une récession auraient commandé une autre approche, une autre politique, et que le maintien de cette même politique risque d'accentuer le ralentissement économique qui est à nos portes.

On sait que le redressement des finances publiques du Canada s'est fait essentiellement sur le dos des provinces et sur le dos des chômeurs et des chômeuses. À eux deux, les chômeurs et chômeuses et les provinces ont payé 75 p. 100 de l'ensemble de la réduction des dépenses.

Mais le plus extraordinaire, c'est qu'avec des bénéfices qui se sont radicalement amoindris et des gens qui continuent à contribuer, on ne nous annonce aucune modification intéressante au régime d'assurance-emploi pour les chômeurs et les chômeuses. Je vous rappelle qu'au début de la décennie, près de 90 p. 100 des personnes qui cotisaient et qui se trouvaient au chômage retiraient des chèques. Aujourd'hui, c'est 36 p. 100 et, en plus, les prestations ont été diminuées de 60 à 50 p. 100. Nous estimons que le régime d'assurance-emploi doit être modifié à l'avantage des cotisants. Nous acceptons qu'il y ait une petite diminution de la cotisation, mais il faut surtout bonifier le régime.

Nous proposons aussi que les transferts aux provinces soient restaurés au niveau de 1994-1995 pour permettre à celles-ci d'assumer leurs responsabilités en matière d'éducation, de santé et d'aide sociale.

• 1125

Nous avons maintenant les moyens de redresser le déficit social. Nous avons aussi les moyens de faire en sorte que notre société, étant solidaire, puisse être un élément de l'architecture nécessaire à une économie moderne et productive, une économie de croissance et d'emploi, comme le disait le ministre des Finances lui-même.

Je sais que nous avons des partenaires du marché du travail qui vont proposer une réduction d'impôt à même les surplus. Nous proposons nous aussi une réduction d'impôt, pourvu, cependant, que nos partenaires du marché du travail la financent. On peut fort bien la financer à partir d'une réduction importante d'un certain nombre d'abris fiscaux, de telle sorte que les plus démunis et la classe moyenne voient leur propre contribution aux finances de l'État canadien s'alléger.

Nous avions cinq minutes pour faire la mise au jeu. C'est fait. Venons-en au débat.

Le président: Merci, monsieur Larose.

[Traduction]

Nous entendrons maintenant l'Association canadienne des pâtes et papiers, représentée par sa présidente-directrice générale, Mme Lise Lachapelle. Bienvenue à vous.

[Français]

Mme Lise Lachapelle (présidente et directrice générale, Association canadienne des pâtes et papiers): Je vous remercie de nous donner l'occasion de vous faire nos recommandations et nos commentaires.

D'abord, au cours de la première minute, je voudrais vous parler de notre industrie et la situer dans l'économie canadienne. C'est une industrie dont le chiffre d'affaires est d'environ 55 milliards de dollars. Nous sommes, et de loin, le plus grand contributeur à la balance des paiements canadiens, avec un surplus à l'exportation de 32 milliards de dollars pour l'an dernier. Nous sommes responsables, directement et indirectement, d'un million d'emplois au Canada.

Ce qui suit est important pour le débat qui va suivre. En somme, il ne s'agit pas simplement de vous dire que nous sommes gros. Nous voulons vous faire savoir que nous sommes importants quant aux décisions qui seront prises sur le plan fiscal au Canada. Nous sommes responsables, entre autres, du tiers de toutes les dépenses en immobilisation qui sont faites, bon an mal an, au Canada. Nous sommes aussi un secteur industriel, et il faut se le rappeler.

Nous sommes aussi un grand consommateur de haute technologie. Souvent, on nous considère comme un secteur dinosaure. On emploie aussi d'autres termes plus ou moins flatteurs pour nous désigner. Il n'en demeure pas moins que la haute technologie doit être achetée par quelqu'un et que ce quelqu'un, en bout de ligne, c'est souvent nous. Si les gens ont développé tous ces produits, il leur faut quand même un endroit où les vendre.

Notre industrie est aussi extrêmement importante dans ce que j'appellerais le développement régional, surtout dans sa forme nouvelle. Nous sommes présents, et souvent le seul employeur, dans plus de 350 villes et agglomérations du Canada. On peut donc concevoir que nous sommes souvent le biais par lequel ces communautés acquièrent les compétences techniques dont elles auront besoin plus tard pour faire leur marque dans le contexte de la mondialisation actuelle.

Nous sommes donc partie intégrante de la nouvelle économie canadienne, et c'est à ce titre que nous vous faisons les recommandations suivantes.

Pour nous, il est important, au départ et avant tout, de régler le paiement de la dette. C'est-à-dire que les surplus doivent être affectés directement au paiement de la dette pour qu'on puisse, en bout de ligne, envisager des réductions durables des taux d'imposition à moyen et long terme.

De fait, la réduction de la dette procure en elle-même, intrinsèquement pourrait-on dire, de la souplesse au gouvernement pour faire face à une récession éventuelle ou, en tout cas, à des situations plus houleuses dans l'économie mondiale.

Sur le plan du fardeau fiscal, dont plusieurs parlent, nous avons voulu en avoir le coeur net. Nous avons cherché des données à gauche et à droite.

[Traduction]

En résumé, je voudrais dire que le fardeau fiscal est trop élevé dans notre industrie. Non seulement il est trop élevé, il est oppressant. Les impôts sont trop lourds. Notre vis-à-vis américain, lÂAmerican Forest and Paper Association, nous a demandé de contribuer au financement d'une étude qu'elle faisait et nous avons dit non. Or il se trouve qu'elle essayait de prouver que le secteur des pâtes et papiers est le secteur le plus taxé au monde. J'ai l'étude ici; je peux vous la montrer. Il se trouve que ce n'est pas eux. C'est nous qui remportons la palme. C'est vous dire.

Le fardeau fiscal total au pays est de 73 p. 100. Je parle ici de l'impôt sur les sociétés, que beaucoup de gens disent être insuffisant; mais la somme des taxes municipales, des impôts et des taxes provinciaux, des cotisations à l'assurance-chômage, toutes ces taxes... Lorsqu'il y a une taxe sur les carburants, nous sommes le plus gros consommateur de service de transport au pays et nous la versons. Chaque fois que l'on examine un secteur, prenez-en un qui donne de l'emploi à 1 million de gens et essayez d'imaginer l'effet multiplicateur que cela a sur nos coûts.

• 1130

D'une certaine façon, nous sommes heureux de ne pas avoir eu à payer celle-ci, parce que ça suffit d'avoir les mauvaises nouvelles et de les payer en plus. L'étude a été faite à l'extérieur, mais j'imagine que ça nous aide à faire comprendre ce qu'on essaie de dire.

Je voudrais aussi faire quatre recommandations précises, très courtes, monsieur le président. Tout d'abord, nous recommandons que tout ce que nous appelons les impôts non sensibles au revenu soit aboli. Nous parlons aussi des impôts sur les grandes sociétés et les charges sociales; dans tous les cas, ils empêchent notre secteur de continuer à investir. L'impôt sur le capital en particulier nous crée des difficultés. Le coefficient de capital est très élevé dans notre secteur. Nous n'y pouvons rien et cela fait augmenter ce que nous payons pour le capital et cela nuit aux investissements.

L'autre chose, c'est l'importance de bons taux de déduction pour l'amortissement. Le rapport Mintz—vous le connaissez sans doute très bien—préconise de faire passer le taux de DPA de 30 à 25 p. 100. Encore une fois, c'est une façon de nuire à un secteur à fort coefficient de capital comme le nôtre.

Troisièmement, il y a les centrales de cogénération. C'est quelque chose qui nous tient très à coeur. Actuellement, les règles relatives à la DPA exigent qu'un investissement dans une centrale de cogénération soit amorti comme catégorie un, c'est-à-dire sur 25 ans, si c'est structuré comme une entité indépendante, au lieu de l'être à un taux plus avantageux si c'était classé installation de pâtes et papiers. Nous ne comprenons pas pourquoi. Ces installations coûtent très cher, 100 millions de dollars chacune, et vous enlevez un des avantages qui rendent ces placements intéressants pour les investisseurs. Si l'on modifiait la DPA ici, cela encouragerait les investissements dans ce genre de centrale et diversifierait l'accès de l'industrie à des sources d'énergie peu coûteuses et réduirait le risque de pénurie d'énergie.

Je précise que même pendant la tempête de verglas l'an dernier au Québec, un certain nombre de compagnies de pâtes et papiers, en raison du fait qu'elles produisent de l'électricité, ont pu contribuer au réseau et atténuer le problème.

En plus, à notre époque, où l'on essaie de réduire le CO2 et tout le reste, c'est une bonne façon de procéder, parce que c'est une façon à fort coefficient d'investissements de nous aider à tenir nos engagements.

La dernière chose que je dirai c'est que des secteurs traditionnels comme le nôtre sont souvent perçus d'une façon négative et je voudrais souligner que nous sommes aussi un secteur de pointe. Il suffit de voir comment fonctionne une usine aujourd'hui par rapport à il y a quelques années, et vous verrez la différence.

Vous constaterez aussi que nous sommes un des secteurs les plus syndicalisés du pays. En moyenne, les salaires et les avantages sociaux que nous offrons à nos employés sont les plus élevés de tous les secteurs du pays. Cela ne nous dérange pas parce que nous jugeons que nos employés en profitent. Nos actionnaires aussi. Mais grosso modo, tout le monde au bout du compte en profiterait s'il y avait des réductions d'impôt ciblées.

Voilà, monsieur le président, ce que je voulais recommander.

Le président: Merci beaucoup, madame Lachapelle.

Maintenant, de la Chambre de commerce du Québec, nous allons entendre

[Français]

Monsieur Michel Audet.

M. Michel Audet (Chambre de commerce du Québec): Merci, monsieur le président. En juillet dernier, nous avons soumis un mémoire, justement en vue de ces consultations prébudgétaires. Je crois que, malgré la mise à jour du ministre des Finances, notre perception des choses n'a pas changé substantiellement. Il y aura quand même lieu, tout à l'heure, de faire quelques commentaires à ce sujet.

Je veux vous mentionner que, malgré toutes les critiques qu'on pourra formuler, nous devons quand même exprimer notre satisfaction générale quant à la façon dont le ministre des Finances a géré nos finances, les finances fédérales, au cours des dernières années. Il faut se rendre compte que nous sommes partis d'un déficit extrêmement élevé et que nous débattons maintenant du partage de soi-disant dividendes. Il faut donc reconnaître qu'il y a eu progrès. Je pense qu'il faut le noter, malgré les désaccords qu'on a pu exprimer en ce qui a trait à la caisse d'assurance-emploi et aux bourses du millénaire. Je pense que globalement, il ne faut pas oublier cet aspect important des choses.

• 1135

Ce qui nous a frappés, c'est que les questions posées par le comité semblaient présumer que nous étions d'accord pour que les dépenses soient augmentées. Comme nous ne sommes absolument pas d'accord, nous avons décidé de ne répondre qu'aux deux premières questions.

La première portait sur le message qu'on souhaite adresser au gouvernement quant aux priorités pouvant servir à déterminer l'usage du dividende budgétaire. Le terme «dividende», selon nous, est mal choisi. On doit appeler les choses par leur nom; si on a un surplus, il faut l'appeler un surplus. Quand on a une dette comme celle que nous avons accumulée, on ne saurait parler de dividende.

Notre présentation, donc, était très claire. Nous avons apporté une réponse en trois volets pour expliquer ce que nous souhaitons. Premièrement, le gouvernement doit résister à toute proposition de créer de nouveaux programmes de dépenses. S'il y a des pressions dans certains domaines—on comprend qu'il y en ait dans le domaine de la santé—, il existe des mécanismes pour faire des transferts aux gouvernements des provinces en vue de les aider à financer ces programmes. Donc, il faut résister à l'idée de démarrer de nouveaux programmes de dépenses. Je crois que la mise à jour du ministre des Finances, qui s'inquiète précisément de l'évolution budgétaire qui pourrait découler des perturbations internationales, ne fait que nous confirmer dans ce point de vue.

En second lieu, le gouvernement doit diminuer les impôts et les taxes. C'est la principale réponse qu'on a trouvée à la deuxième question posée par le comité. On nous demandait quels changements et quels nouveaux investissements stratégiques il fallait apporter dans le système fiscal pour aider le gouvernement à réaliser ses priorités. Mme Lachapelle vient d'évoquer précisément l'écart entre les régimes fiscaux américain et canadien, écart qui est considérable. Nous croyons qu'il est temps que le gouvernement agisse sur ce plan.

Il y a trois propositions, trois aspects importants, du côté de la fiscalité, qui selon nous méritent d'être soulignés. En premier lieu, bien sûr, il y a la surtaxe qui avait été introduite—on oublie de le dire—pour faire disparaître le déficit fédéral, pour combattre le déficit. Elle s'appelait ainsi, d'ailleurs. À compter du moment où on nous dit qu'il n'y a plus de déficit, cette surtaxe n'a plus sa raison d'être. On a commencé à la réduire l'an dernier pour une partie des contribuables. Je pense qu'il faut l'abolir pour tout le monde. Sinon, il faut la transformer et l'incorporer aux taux. On se rendra compte alors que l'écart entre les régimes fiscaux américain et canadien, pour les revenus élevés, est beaucoup plus grand que ce que l'on dit. On va accélérer la fuite des cerveaux, la mobilité de la main-d'oeuvre la plus active puisque actuellement, on taxe beaucoup plus fortement les revenus élevés que les États-Unis ne le font.

Le deuxième point a été évoqué tout à l'heure par des collègues des caisses, je crois, et c'est l'indexation. Le mode actuel d'indexation de l'impôt, au-dessus de 3 p. 100, je crois, a été introduit à une époque où on vivait des taux d'inflation très élevés. Aussi bien dire qu'actuellement, il n'y a plus de système d'indexation au Canada. Il n'est donc pas étonnant qu'au cours des trois dernières années, de 1996 à 1999, les recettes fiscales découlant de l'impôt sur le revenu aient augmenté ou augmentent de plus de 10 milliards de dollars, alors que le revenu disponible des contribuables diminue. En effet, le revenu personnel augmente d'à peine 2 ou 3 p. 100 par année, et il n'y a plus d'indexation. Donc, il est clair qu'il faut revoir le mode d'indexation.

Le troisième élément porte sur les surplus de la caisse d'assurance-emploi. En ce qui a trait aux prestations, je rejoins en partie le point de vue de mon collègue, Gérald Larose. C'est évident qu'il faut revoir le mode actuel du financement de cette caisse. Je ne partage pas, cependant, son point de vue qu'il faille augmenter les prestations. Il y a eu un large débat là-dessus. Il faut revoir les cotisations et les ajuster, maintenant qu'on sait qu'il y a une année de surplus accumulé. Il faut revoir le niveau des cotisations pour s'assurer que ce surplus cesse d'augmenter.

On sait qu'il n'existe pas de caisse, que c'est une opération comptable, mais il ne faut pas laisser continuer à s'accumuler un surplus qui m'apparaît tout à fait malsain. Il suscite en effet des pressions pour qu'on s'engage à nouveau dans des programmes beaucoup plus généreux, ce qui contribuerait à créer de nouveaux déficits.

En conclusion, lors du discours du budget, le ministre des Finances affirmait encore que le gouvernement ne devait plus jamais retomber dans le piège qui consiste à essayer de tout faire pour tout le monde, sans respecter quelque priorité que ce soit. Nous avons pris ses propos à la lettre. Nous disons que la seule priorité du gouvernement, c'est l'emploi. Et la façon de créer de l'emploi, c'est d'ajuster notre régime fiscal pour le rendre plus concurrentiel et de maintenir une gestion très serrée des finances publiques.

• 1140

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Audet.

[Traduction]

Maintenant, c'est le tour du Consortium Promecan, représenté par Jean-Claude Croft. Bienvenue.

[Français]

M. Jean-Claude Croft (directeur, Consortium Promecan Inc.): Bonjour, messieurs. J'aurais conçu un scénario moi-même pour me présenter ici que je n'aurais pas fait mieux. Réellement, être entouré de ces deux personnes, c'est ce que je pouvais souhaiter de mieux.

Dans le monde des affaires, la mondialisation des marchés a élargi l'axe, le rayon des pressions sur la productivité et la performance, cela dans un esprit compétitif, dans le stress qui entraîne le burn-out.

Nous avons aplani la pyramide et travaillons sur un plan linéaire. En bon français, on a tenté de sensibiliser l'employé à l'idée d'échanger l'ancienneté et la performance pour le sentiment d'appartenance. Aujourd'hui, ce n'est plus l'ancienneté qui compte, mais seulement la performance. Une partie du stress que tout le monde avait, que l'employeur avait, a été transmis à l'employé. Mais il ne faut pas aller aussi loin que le Japon et remonter de 15 p. 100 notre taux de suicide, tout en abaissant notre taux de natalité à 1,3.

Si on s'attarde aux vrais problèmes d'aujourd'hui, on s'aperçoit qu'il y a une population vieillissante et une diminution de la natalité, et que les deux parents travaillent, ce qui entraîne des problèmes de garderies. Il y a une augmentation du niveau de stress, ce qui augmente les frais médicaux; une consommation de drogues par nos adolescents, parce que les parents n'ont plus autant de temps à consacrer à certains loisirs. On ne met même pas d'équipements de loisirs à leur disposition, alors qu'on sait que l'oisiveté est la mère de tous les vices.

En dernier lieu, je vais parler de nouveaux emplois. À ce problème, il y a toujours une solution. Je consacrerais 10 p. 100 des surplus aux maisons de retraite confortables avec toutes les commodités et à la santé à domicile. Pour tenter de contrer le marché noir, structurons les garderies et formons du personnel qualifié. J'y consacrerais un autre 10 p. 100 du surplus.

Soixante-dix pour cent des cas de stress sont causés par un manque de formation et les difficultés à s'adapter aux changements. On dit qu'il y a au Canada une tonne d'emplois qui ne sont pas comblés parce que les gens ne semblent pas avoir accepté le changement technologique rapide que nous connaissons. Aidons nos travailleurs en consacrant 10 p. 100 de ces surplus à la formation.

Croyez-vous sincèrement être en mesure d'éliminer la mafia et les marchés lucratifs de la drogue? Ce qui est légal est contrôlé et connu, et nous pouvons l'orienter vers des objectifs que nous connaissons. La mafia demeurera active seulement s'il y a de l'argent à faire.

Nos jeunes ont besoin d'activités pour s'exprimer, se dépasser, se revaloriser. À cela, consacrons un 10 p. 100. Gardons 10 p. 100 pour les imprévus, 20 p. 100 pour abaisser la dette et 5 p. 100 pour compenser le manque à gagner et la pauvreté. Il reste 25 p. 100.

Ce 25 p. 100, c'est pour aider à la création d'emplois. Il faut penser à l'équilibre monétaire. Sans vouloir remplacer les banques, il faut consacrer ce 25 p. 100 des surplus à des prêts sans intérêt aux PME, mais en mettant des barrières à l'entrée, car actuellement, se lancer en affaires est trop facile. Qui paie la facture? Tout le monde. Après deux ou trois ans, on fait faillite. Les impôts ne sont pas payés, les remises au syndicat ne sont pas payées, etc. Qui paie? Tout le monde. Pourquoi? C'est simple. C'est parce que tout le monde s'en fout. Donnez-moi 100 000 $ et je démarrerai assez facilement une demi-douzaine de compagnies demain matin. C'est aussi simple que cela.

J'ai déjà soumis un mémoire à votre attention et j'ai soumis aussi deux mémoires par l'entremise de M. Guy St-Julien, notre député à la Chambre.

Il y a un dernier point dont je voudrais parler: ce sont les actions accréditives. Présentement, c'est un vrai fiasco. On tente de tuer l'Abitibi-Témiscamingue par des méthodes peu orthodoxes.

On sait que plusieurs entreprises ont fraudé. C'est vrai. Mais qui a fraudé? Ce n'est pas l'actionnaire qui a fraudé. Ce sont les administrateurs.

• 1145

Comme les lois s'appliquent les unes par rapport aux autres, il faudrait peut-être transmettre un petit message au ministère du Revenu et lui dire: Écoutez, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne; regardez toutes les lois ensemble et, si vous voulez aller chercher de l'argent, allez chercher celui de ceux qui ont fraudé et non celui du simple petit actionnaire, du gars qui a travaillé durant toute l'année pour mettre un peu d'argent de côté afin de pouvoir partir en vacances. Qu'est-ce qu'il fait de cet argent? Il s'achète des questions accréditives pour épargner un peu d'impôt et aider l'exploration. Mais qu'est-ce qu'on fait? On tape sur ce petit gars. Ce n'est pas bon.

Je vous remercie.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Nous entendrons maintenant

[Français]

le Conseil du patronat, représenté par Gilles Taillon.

M. Gilles Taillon (président, Conseil du patronat du Québec): Merci, monsieur le président. Je suis accompagné de M. Jacques Garon, qui est directeur de la recherche et économiste au conseil.

Le Conseil du patronat du Québec tient à remercier le Comité permanent des finances de la Chambre des communes de le recevoir et de lui donner l'occasion de présenter ses commentaires sur les priorités budgétaires 1999-2000 dans un contexte d'excédent. Nous étions plus prudents en juillet; on parlait d'un contexte d'équilibre, voire d'excédent. Avec les perspectives, on peut plutôt parler d'un excédent.

Nous souhaitons vous faire une brève présentation de nos priorités pour l'utilisation de cet excédent budgétaire. La première est pour nous capitale. Elle consiste à réduire la dette nationale. Donc, les excédents devraient être consacrés en premier lieu au remboursement de la dette.

On voit deux obligations fondamentales dans ce remboursement de la dette. D'abord, il faut faire en sorte de ne pas refiler aux générations futures une facture trop lourde. Ensuite, le fait de réduire notre dette nationale va diminuer l'impact du service de la dette. Si on atteignait le ratio qu'on suggère dans notre rapport de juillet, soit un ratio de dette-PIB de 50 p. 100, on remettrait certainement de l'oxygène dans les dépenses de programme à la hauteur de 10 milliards de dollars.

La réduction de la dette a donc deux effets: on ne refile pas la facture aux générations futures, aux jeunes, et on met de l'oxygène dans les dépenses de programme.

Voici la deuxième priorité dans l'utilisation de l'excédent budgétaire. Les perspectives récentes nous amènent à inverser l'ordre de priorité: la troisième passe en deuxième. Nous souhaitons fortement une diminution des cotisations à l'assurance-emploi, tant les cotisations patronales que les cotisations ouvrières. Nous souhaitons qu'il y ait une diminution significative de l'ordre de 45 ¢ par rapport aux 2,70 $ actuels. Cet argent serait remis dans les poches des entreprises et des travailleurs. Il est important de le faire. On veut favoriser l'emploi, mais cette taxe sur la masse salariale est pénalisante. En remettant de l'argent dans les poches des travailleurs, on favoriserait la demande, surtout celle de la classe moyenne. Je vous ai dit que la conjoncture nous avait amenés à mettre cela au deuxième rang de nos priorités. Bien sûr, c'est pour nous une réduction des impôts, mais il faut vraiment que ce soit la deuxième priorité.

S'il reste des excédents, il faudra une diminution du fardeau fiscal des contribuables, notamment au niveau des surtaxes. Il serait important de ramener le fardeau fiscal des contribuables à un niveau qui nous permette de garder au Canada nos meilleurs cerveaux.

Bien sûr, vous aurez déduit de notre rapport que nous sommes tout à fait opposés à une augmentation des dépenses de programmes. Même si la situation financière n'était pas aussi bonne que celle qu'on annonce, la dernière fois qu'on a augmenté les dépenses de programme, cela pour les bourses du millénaire, cela nous a laissé, au CPQ, un très mauvais goût. Nous vous prions donc de ne pas récidiver.

Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

Le président: Merci.

Voilà pour les exposés du groupe. Nous passerons maintenant à la période des questions et réponses. Les tours seront de 10 minutes.

Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie tous de vos présentations cet après-midi.

Un certain nombre de questions me viennent à l'esprit quand vous parlez de la façon de structurer le budget la prochaine fois. Vous parlez tous de l'assurance-emploi. Certains disent qu'on devrait améliorer les prestations, et d'autres, qu'on devrait laisser tomber les cotisations, ce qui laisserait plus d'argent aux employés, qui pourraient le dépenser, et relancerait l'économie; réduire les contributions des employeurs leur donnerait plus d'argent pour investir dans leur commerce et pour engager des gens. Voilà l'argument de ce côté-là.

• 1150

De l'autre côté, il y en a qui disent que beaucoup de gens qui ont contribué à la caisse d'assurance-emploi pendant des années et qui sont au chômage maintenant n'ont pas droit à des prestations parce que les prestations ont été réduites. Une des décisions que le ministre des Finances doit prendre consiste à trouver l'équilibre à cet égard.

Certains d'entre vous ont dit qu'il faut redistribuer les surplus. M. Morency a dit qu'il baisserait les cotisations un peu. Mais certains d'entre vous ont dit impudemment qu'il faut simplement retourner l'argent aux entreprises et aux employés, et vous n'avez pas même mentionné l'idée d'augmenter les prestations.

Comment justifier cela? C'est un peu cruel, n'est-ce pas, de simplement dire: ils sont au chômage, eh bien, soit? Je ne sais pas qui veut répondre à cela.

[Français]

Le président: Monsieur Larose.

M. Gérald Larose: Nous voulons une approche équilibrée. D'abord, on ne trouve pas les mots pour qualifier la politique de M. Martin à l'endroit des plus faibles sur le marché du travail que sont les chômeurs et les chômeuses. Quand, en l'espace de sept ans, on passe d'un taux de couverture de 87 p. 100 à un taux de 36 p. 100, il y a des chômeurs qui se font voler, qui continuent encore aujourd'hui à contribuer à la caisse et qui n'auront jamais un cent parce qu'on a modifié les conditions d'accès à l'assurance qu'on s'est payée. Compte tenu que cela a généré des surplus himalayens, nous proposons qu'on utilise ces surplus pour des fins utiles à la société.

D'abord, il faut rehausser les prestations de manière à couvrir au moins 67 p. 100 des personnes. Deuxièmement, il faut augmenter les prestations de manière à couvrir 60 p. 100 du salaire. Troisièmement, il faut couvrir les femmes enceintes, qui ont été gravement pénalisées. Quatrièmement, il faut diminuer le taux de cotisation de 20c.; il faut passer de 2,70 $ à 2,50 $, ce qui va vous permettre de maintenir une réserve pour les années difficiles et d'avoir une politique anticyclique. Lorsque la crise se développe, on a au moins de l'argent pour maintenir l'économie. C'est très efficace, un pouvoir d'achat pour la consommation.

Contrairement au patronat, qui attribue des vertus magiques à la réduction des impôts, nous sommes profondément convaincus que les employeurs et les hauts salariés dont la contribution serait réduite de façon substantielle n'utiliseraient pas cet argent en consommation. Cet argent n'irait pas dans l'économie, mais dans les paradis. Il irait dans l'économie de placement virtuelle, l'économie parasitaire. Donc, on a une approche équilibrée qui, à la fois, maintient le programme social canadien et fait oeuvre utile pour le développement de l'économie.

Le président: Monsieur Taillon.

M. Gilles Taillon: Évidemment, nous ne partageons pas la vision idyllique du paradis de M. Larose. Pour répondre à votre question, notre thèse est qu'il ne faudrait surtout pas revenir à l'époque où on était en déficit important au niveau de l'assurance-emploi. Donc, il faut faire attention.

• 1155

Quant aux surplus qui sont dégagés, nous sommes d'avis qu'en réduisant la taxe sur la masse salariale et en remettant de l'argent dans les poches des employés, des travailleurs, on va créer de l'emploi. Il ne sera plus nécessaire de verser de l'assurance-chômage, qui est une mesure passive, car les gens vont travailler et n'auront plus besoin d'assurance-emploi. C'est là notre pari.

Le président: Monsieur Croft.

M. Jean-Claude Croft: J'ai une petite question à poser. Comment crée-t-on de l'emploi? Je ne suis pas d'accord sur certains points de vue qui ont été énoncés. Pour ma part, je ne changerais rien à la formule actuelle. Je ne réduirais pas les cotisations de 2,70 $ à 2,50 $, comme le propose M. Larose. Non, il faut utiliser cet argent-là pour créer de l'emploi. On crée de l'emploi en donnant des prêts sans intérêt aux entreprises, mais pas seulement à la grande entreprise. On n'a pas seulement des Bombardier. Si on permet aux PME—j'ai bien dit aux PME—d'avoir un meilleur fonds de roulement... Le Canada est le meilleur pays au monde. Notre population est concurrentielle. Notre effectif humain vaut celui de n'importe quel pays sur terre. Je ne suis pas d'accord qu'on aide seulement les étrangers et qu'on permette aux entreprises étrangères de venir ici. Il faut aider nos PME en leur accordant des prêts sans intérêt, mais garantis par les propriétaires.

Le président: Monsieur Michel Audet.

M. Michel Audet: Je voudrais répondre à monsieur et, en même temps, dire que je partage le point de vue de mon collègue du Conseil du patronat, en insistant peut-être davantage sur le fait que le gouvernement devra clarifier la situation de la caisse. C'est évident qu'il n'y a pas de caisse; c'est un régime où il y a une comptabilité, mais qu'on a laissée de côté. Il y a un montant, mais il n'y a pas de caisse; il n'est pas capitalisé. Nous pensons que l'équivalent d'une année de déboursés, soit environ 15 milliards de dollars, est suffisant. À partir de ce montant-là, il faudra abaisser les cotisations. Le gouvernement aura alors une large marge de manoeuvre et, s'il le faut, il devra prendre des ressources ailleurs quand il y aura un déficit. Donc, il doit baisser les cotisations.

Nous pensons qu'il pourrait y avoir un groupe externe qui, chaque année, fixerait les cotisations. On reprend certaines propositions dont on a discuté récemment. On ne veut pas d'un régime géré par des groupes paritaires et avoir des débats comme on en a eu au Québec à propos de ce genre d'organisme. On veut plutôt avoir un groupe externe qui fixera, chaque année, un taux de contribution suffisant pour couvrir les dépenses; il recommandera au gouvernement le taux à fixer. On dépolitiserait ainsi le débat. Chaque année, les ajustements se feraient sans que les gens aient l'impression qu'on utilise l'argent de la caisse d'assurance-emploi à d'autres fins.

Le président: Merci, monsieur Audet.

Monsieur Epp.

[Traduction]

M. Ken Epp: Merci. J'aimerais faire suite à cela.

Comment donc répondre aux critiques qui disent que si on n'avait pas tant réduit ces prestations, il n'y aurait pas de surplus d'assurance-emploi. Ce sont les gens qui disent que le surplus d'assurance-emploi, et en fait tout notre surplus budgétaire, qui est considérablement moindre que le montant récupéré à même la caisse d'assurance-emploi, a été constitué sur le dos de ceux qui sont maintenant au chômage, parce que l'argent avait été perçu originellement pour leur payer des prestations quand ils seraient au chômage, et maintenant, plus de la moitié d'entre eux ne reçoivent pas de prestations en ce moment. Êtes-vous satisfaits de ça?

[Français]

M. Michel Audet: Ce débat a été fait lorsqu'on a apporté des changements au régime d'assurance-emploi. D'ailleurs, des ajustements ont été faits par la suite pour les travailleurs saisonniers. Il peut certainement y avoir des discussions dans des cas particuliers. À partir du moment où on change la nature du régime, comme le propose notre collègue de la CSN, on dénature le programme. Par exemple, on propose que le régime accorde des prestations aux femmes enceintes, mais ce n'est pas le but d'un programme d'assurance-emploi. L'assurance-emploi sert aux gens en période de chômage temporaire. S'il y a un problème, la nature du chômage est modifiée. Il faut repenser ça, et on ne peut le faire simplement par le biais d'une augmentation des prestations. Il faut faire une réflexion sur la façon de réinsérer ces gens-là en emploi.

• 1200

C'est l'objectif qu'on poursuit dans le cadre du programme de formation de la main-d'oeuvre du Québec en leur offrant une formation dans une nouvelle discipline. À mon avis, on devrait investir des sommes plus importantes dans de tels régimes, et non pas verser des prestations de nature passive. Il faut recourir de plus en plus à des mesures actives pour que la main-d'oeuvre soit adaptée aux besoins du marché du travail.

Le président: Merci. Monsieur Loubier.

M. Yvan Loubier: Monsieur Audet, puisque vous êtes si bien parti, je vais vous poser une question à laquelle je demanderai ensuite à M. Larose de répondre. Comment peut-on accepter de vivre avec un régime qui devait originalement couvrir les travailleurs et les travailleuses qui sont frappés par le fléau du chômage et qui aujourd'hui couvre beaucoup moins que la moitié d'entre eux? Comment peut-on continuer à vivre sans vouloir proposer une modification à ce régime qui impose des exclusions terribles depuis environ deux ans et qui prive les gens des prestations auxquelles ils ont légitimement droit? Comment peut-on proposer uniquement des baisses de cotisation, alors qu'on sait pertinemment qu'à l'heure actuelle, une grande catégorie de travailleurs et travailleuses, et particulièrement des jeunes, paient des cotisations d'assurance-emploi même si, en toute probabilité, ils ne pourront pas en retirer les bénéfices?

À mon avis, en agissant ainsi, on avalise une situation qui est tout à fait inéquitable et tout à fait contraire à la justice sociale qu'on a l'habitude de défendre, au Québec du moins. J'aimerais que vous commenciez par aborder cette question parce que vous avez proposé une réduction des taux de cotisation. On appuie cette réduction, mais il ne semble pas y avoir moyen d'en arriver à un équilibre entre cette réduction-là pour les employeurs et les employés et l'élargissement de l'accès aux prestations mêmes du régime.

M. Michel Audet: J'aimerais que mes collègues expriment également leur point de vue sur cette question lourde de conséquences. Au fond, vous nous demandez si on ne devrait pas repenser à nouveau le régime d'assurance-emploi, ce qui a donné lieu à de longs débats il y a quelques années dans le cadre de la réforme proposée par M. Young.

Comme vous, nous avons constaté que la nature du chômage s'était modifiée. Il y a notamment le phénomène des travailleurs autonomes qui a surgi. Il y a peut-être lieu de se poser à nouveau certaines questions, bien qu'il ne faille pas nécessairement se limiter à discuter du régime d'assurance-emploi dans sa forme actuelle. Il faut songer à apporter un certain nombre d'ajustements en fonction de l'évolution du marché du travail. Les nouveaux emplois créés se retrouvent de plus en plus chez les travailleurs autonomes, lesquels ne sont pas admissibles aux prestations d'assurance-chômage. Est-ce qu'il y a moyen de trouver une façon autre de les appuyer? Si on leur demandait de contribuer à caisse d'assurance-chômage, il faudrait les couvrir d'une autre façon. On ne pourrait pas, sans apporter des modifications, leur accorder des prestations, alors que ce n'était pas l'objectif initial des prestations d'assurance-chômage. C'est cela qu'il faudrait réévaluer.

M. Yvan Loubier: Monsieur Audet, je ne crois pas que le débat ait vraiment été fait il y a deux ans, quand Doug Young a instauré sa politique. À l'heure actuelle, il n'y a même pas la moitié des chômeurs qui sont couverts. On n'a pas vidé la question; si tel avait été le cas, nous aurions actuellement un bien meilleur régime.

M. Gérald Larose: Ce qui est un peu extraordinaire, c'est que quand on a fait le débat sur les réformes, à chaque fois qu'on disait: «Écoutez, ce que vous faites, c'est pour limiter l'accès au régime», ils répondaient: «Non, non, non, c'est pour s'adapter aux nouvelles réalités du marché du travail.» Comme M. Audet vient de le dire, on nous a rebattu les oreilles en invoquant la question des travailleurs autonomes et toutes les modifications du marché du travail. Quel a été le résultat net? Oui, il y a plus de travailleurs autonomes dans la société, mais il y en a beaucoup moins qui ont accès à la caisse d'assurance-chômage. Donc, non seulement on n'a pas adapté la politique pour l'ouvrir aux nouvelles réalités du marché du travail, mais on s'est éloigné de ces nouvelles réalités.

Deuxièmement, il y a des personnes qui contribuent à la caisse et qui y ont accès régulièrement. C'est le cas des travailleurs dans un certain nombre de secteurs industriels, dont les serveuses de restaurant, les travailleurs des usines de poisson, les bûcherons et ceux qui oeuvrent dans le domaine du tourisme. Bref, le Canada est un pays froid et on ne travaille pas 12 mois par année dans tous les secteurs. Ça, c'est une réalité objective. Je veux bien croire qu'il y a certaines personnes autour de la table qui vont peut-être plus souvent que les autres en Floride, mais la plupart des ours restent au Canada et travaillent à temps partiel.

• 1205

En 1940, le régime a été établi précisément pour tenir compte de la réalité canadienne du marché du travail. Aujourd'hui, on a redressé les finances publiques du Canada sur le dos de ces gens. C'est ça, le grand scandale. Quand j'entends des personnes du patronat résister à la bonification du régime alors qu'il y un surplus de 20 milliards de dollars, je trouve que c'est un comportement innommable. Ces 20 milliards de dollars ne m'appartiennent pas à moi, qui travaille continuellement, mais plutôt à tous ceux qui ont été privés de leurs chèques et qui ne peuvent pas acheter la soupe et le pain pour leurs enfants. C'est ça, la vraie vie. Il va falloir qu'on se mette les yeux vis-à-vis des trous et qu'on répartisse cette richesse collective. Le fédéral n'a pas mis un cent là-dedans. Les sommes qui s'accumulent depuis 1991 appartiennent à des individus précis et à des employeurs précis, et elles étaient destinées aux gens, et non pas à des fonds de pension.

M. Yvan Loubier: Merci, monsieur Larose. On ne peut pas être plus clair que ça. Monsieur Morency, vous avez tout à l'heure fait une suggestion.

Premièrement, à combien évaluez-vous le surplus budgétaire pour l'exercice 1998-1999? Il pourrait être intéressant de connaître vos dernières prévisions. C'est ma première question.

M. Gilles Soucy (économiste en chef, Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec): Quand on analyse la situation actuelle, au terme de cinq mois, on constate qu'il y a un surplus de quelque 8 milliards de dollars, dont une partie a été accumulée à titre de réserve pour éventualités. Nous pouvons donc dire que le surplus se situe aux environs de 9,5 milliards de dollars. Il serait donc bien difficile d'affirmer que le surplus s'élèvera à moins de 10 milliards de dollars. Nous estimons que le surplus atteindra environ 15 milliards de dollars. Dans son exposé, M. Martin a parlé de ralentissement économique, et on en a pris note. Il est évident qu'en termes de croissance du PIB nominal, on se situera aux environs de 3 p. 100. À notre avis, l'évaluation du ministre est assez juste, bien que cette somme soit beaucoup moins élevée que celle qu'on avait prévue au début de l'année.

Par contre, on a connu une baisse des taux d'intérêt, notamment des taux obligataires, de 1 à 1,5 p. 100. Quand on fait des projections pour les mois à venir, on tient compte de la baisse du taux d'intérêt aux États-Unis dont on bénéficiera ici. En tenant compte à la fois du ralentissement de la croissance et de la baisse des taux d'intérêt, ainsi que des calculs tirés des documents budgétaires de l'an passé, on arrive à la conclusion que ça s'annule. Nous n'hésitons donc pas à prévoir un surplus de 15 milliards de dollars.

M. Yvan Loubier: Nous aussi, parce que ça correspond à peu près à la prévision qu'on a faite.

M. Martin prétend encore qu'il va y avoir des surplus de l'ordre de 2 à 3 milliards de dollars au maximum, étant donné le ralentissement économique, etc. Comment peut-on expliquer que M. Martin et M. d'Aquino—je pense qu'ils sont les deux seuls au Canada à penser ainsi—, malgré des indications évidentes, affirment que le surplus sera de l'ordre de 2 à 3 milliards de dollars cette année, alors que, comme vous l'avez mentionné, on a déjà accumulé 8 milliards de dollars dans la caisse au cours des cinq premiers mois? Comment percevez-vous ça? Est-ce qu'il fait preuve de prudence? À un moment donné, il faut arrêter de faire preuve de prudence excessive.

M. Gilles Soucy: Premièrement, il faut féliciter M. Martin d'être prudent. Mais, deuxièmement, on convient qu'il exagère beaucoup. Tout le monde le sait et on n'a pas besoin d'être spécialiste pour analyser les données; elles sont là. Comme M. Larose le disait plus tôt, il a fait ses preuves l'année passée quant à sa capacité de sous-estimer les surplus ou de surestimer les déficits. J'ai l'impression qu'il se garde une marge de manoeuvre pour l'avenir.

M. Yvan Loubier: Vous voyez, monsieur le président, je ne suis pas le seul à dire que M. Martin trafique les chiffres et dit des niaiseries depuis deux ans sur l'évolution du déficit et du surplus. Il y a quasiment consensus au Québec. Enregistrez ce qu'on dit et dites-le lui pour qu'il comprenne, parce qu'il ne semble rien comprendre. Depuis le début de l'année, on a entendu à peu près 25 intervenants dire qu'il se trompe dans ses prévisions et qu'elles n'ont aucun sens. Il induit la population en erreur et il fait la sourde oreille.

J'ai une troisième question, si vous me le permettez, monsieur le président. Vous avez dit qu'on pourrait utiliser les surplus des opérations non budgétaires pour rembourser une partie de la dette. J'aimerais que vous précisiez ce que vous entendez par surplus des opérations non budgétaires.

J'aimerais également poser une autre question qui s'adresse un peu à tout le monde.

• 1210

Est-ce que pour vous la priorité des priorités, peu importe les objectifs économiques ou les objectifs sociaux, est la réduction de la dette? N'y aurait-il pas moyen d'essayer d'en venir à un certain équilibre en poursuivant plusieurs objectifs aux plans de l'économie, de l'emploi et de la saine gestion de finances publiques?

M. Gilles Soucy: Non, nous n'avons pas comme priorité absolue la réduction de la dette. Mais, comme on dit, chat échaudé craint l'eau froide. Au cours du dernier quart de siècle, les déficits nous ont grandement appauvris. Actuellement, de 27 à 28 p. 100 des revenus du gouvernement fédéral servent à couvrir l'intérêt sur la dette, bien qu'à un certain moment, ce pourcentage ait grimpé jusqu'à 36 p. 100. Il ne fait donc aucun doute que le remboursement de la dette est important.

Notre position de départ vise le maintien de l'équilibre budgétaire. Dans un deuxième temps, avec la croissance du PIB nominal, le ratio dette-PIB baissera de lui-même en autant qu'on maintienne l'équilibre budgétaire. Nous convenons qu'il faut rembourser la dette, se donner une marge de manoeuvre et s'accorder des réserves pour éventualités. Au cours des dernières années, les surplus non budgétaires étaient de l'ordre de 10 milliards de dollars. Ces sommes pourraient être affectées au remboursement de la dette. On améliore donc la situation de part et d'autre, sans pour autant dire qu'on va commencer à générer de forts surplus et continuer à appliquer une politique fiscale restrictive en des temps qui s'annoncent un peu plus difficiles au niveau du remboursement de la dette. Je ne sais pas si j'ai su répondre à votre question.

Le président: Monsieur Audet.

M. Michel Audet: Merci, monsieur le président. Permettez-moi de dire un mot. Gérald Larose fait, comme à l'habitude, une sortie remarquée. Il se plaît effectivement à dépeindre les employeurs ou leurs représentants un peu comme des gens sans âme. Je ne peux pas laisser passer ça parce que le débat actuel porte sur la gestion budgétaire du gouvernement fédéral.

Il est exact qu'il y a un surplus dans la caisse de l'assurance-emploi et que nous devrons éventuellement débattre de l'admissibilité au régime. Mais à ce que je sache, ce n'est pas l'objet de la discussion de cette commission aujourd'hui. Je n'irais pas jusqu'à dire que cette question est irrecevable, mais il est évident que si on désire revoir les règles d'admissibilité pour différentes catégories d'emploi, cette question mérite d'être étudiée de façon plus précise et approfondie par une autre commission. Ici, nous l'avons regardée strictement sous l'angle budgétaire. C'est dans cette perspective-là que nous affirmons qu'on ne peut pas repartir dans une voie qui nous mène à un nouveau déficit au niveau de la caisse d'assurance-emploi à court terme.

Il est évident que certains ajustements devraient être faits et, à mon avis, on devrait tenir un autre débat où on discuterait de toutes les questions connexes, dont celle des travailleurs autonomes, et évaluer les résultats deux ou trois ans plus tard. Il est normal que les gens se posent certaines questions et se demandent si les objectifs ont été atteints.

Il n'est pas utile de regrouper toutes les questions relatives à l'assurance-emploi au moment où nous tenons un débat comme celui d'aujourd'hui. Cela risquerait de nous mener sur de fausses pistes, lesquelles nous conduiraient peut-être à nouveau vers des déficits, sans nécessairement nous aider à régler les problèmes de fond qu'on veut corriger.

Le président: Monsieur Larose.

M. Gérald Larose: Je ne veux pas répliquer, mais comme le principal instrument de redressement des finances publiques a été la caisse d'assurance-emploi, ça me surprendrait qu'on ne puisse pas en parler devant ce genre de commission. Il faut noter qu'à partir du moment où on ne fait plus de déficit, la dette commence à se rembourser un peu d'elle-même, toute seule. Donc, objectivement, nous sommes sur le bon versant de la montagne.

Nous estimons que la première responsabilité d'un ministre des Finances, celui qui, au Canada, a l'oeil le plus vif pour suivre la conjoncture économique, c'est de prendre des mesures pour atténuer le plus possible les effets éventuels d'une récession ou d'un ralentissement économique. Nous pensons que la façon de le faire est, oui, d'en ajouter un peu du côté des dépenses, notamment du côté où ça a fait très mal au cours des dernières années. Nous pensons que ce ne serait pas mauvais de réinvestir dans la santé, dans l'éducation, dans les transferts et, effectivement, dans les chômeurs. Ce sont des mesures proactives pour le développement économique; c'est la première responsabilité.

Le ministre lui-même a prévu une réserve pour éventualités de l'ordre de 3 milliards de dollars. Nous sommes tout à fait d'accord que lorsqu'il n'y a pas les éventualités en question, ça serve au remboursement de la dette. Bref, un remboursement accéléré de la dette serait, à notre avis, contre-productif; ça risquerait de ralentir encore davantage l'économie. Encore là, il faut adopter une approche modérée, d'autant plus qu'on a une réserve de 3 milliards de dollars qui pourrait servir à cela.

• 1215

[Traduction]

Le président: Monsieur Garon, suivi de Mme Lachapelle, et ensuite on ira à...

[Français]

M. Jacques Garon (directeur de la recherche, Conseil du patronat du Québec): La réponse à votre première question, monsieur Loubier, c'est qu'il est prévu dans la Loi sur l'assurance-emploi qu'il y ait, dans cinq ans, une révision de fond des modalités qui ont conduit à cette réforme. Donc, tous les éléments dont on a parlé ici seront revus dans à peu près deux ans. C'est prévu dans la loi.

Donc, quand on parle de modifier fondamentalement les structures du régime et qu'on demande pourquoi on ne pourrait pas hausser la couverture et l'étendre à tous les salariés, je suis tout à fait d'accord en autant qu'on revienne à un véritable régime d'assurance-emploi, en extrayant de ce régime toutes les mesures qui n'ont rien à voir avec un régime d'assurance-emploi, soit les mesures sociales.

Si vous faites cela, on va reprendre exactement le débat qui a duré pendant deux ou trois ans et qui a conduit à la réforme qu'on connaît actuellement. Je pense que tous ces points-là vont être repris et revus dans un contexte très général.

Deuxièmement, quant à la priorité des priorités, je suis tout à fait en désaccord sur l'idée qu'il ne faut pas la mettre sur le remboursement de la dette, quand on sait qu'on y consacre 45 milliards de dollars. C'est tout de même faramineux. Combien de programmes sociaux pourraient être renfloués si on avait beaucoup plus de marge de manoeuvre en ne payant que la moitié de cette somme? Cela va se faire sur une période de temps extrêmement longue.

Si on laisse à la croissance économique le soin de diminuer le ratio de la dette par rapport au PIB, il va falloir attendre 50 ans pour qu'on arrive à quelque chose de suffisamment allégé pour pouvoir bénéficier de cet oxygène dont on parlait tout à l'heure.

Donc, la priorité doit être de consacrer une bonne partie d'un éventuel excédent à la diminution de la dette. Par la suite, s'il en reste, pourquoi ne pas bonifier ou diminuer l'impôt des particuliers?

M. Yvan Loubier: J'ai posé la question à M. Martin lors de l'énoncé économique. Je lui ai demandé si le fait d'avoir affecté 20 milliards de dollars, depuis 15 mois, au remboursement ou au rachat de titres de dette canadiens—ce dont il se vantait d'ailleurs—, n'avait pas contribué à augmenter la dégringolade du dollar canadien. Il m'a répondu que oui, mais qu'on n'avait pas le choix.

Mais oui, il avait le choix. Il disait que ces titres arrivaient à échéance. Il aurait pu les renégocier, demander à la Banque du Canada d'en émettre d'autres pour les remplacer. Mais il a reconnu, lors de son énoncé économique, qu'il avait lui-même contribué à la baisse du dollar canadien, en même temps qu'il demandait à la Banque du Canada de le raffermir.

Il y aurait peut-être moyen, dans la conjoncture actuelle du moins, de faire attention au choix qu'on fait entre les différentes possibilités d'action, de mener une offensive un peu plus équilibrée et de redonner, par l'entremise des programmes sociaux et les baisses de taux de cotisation, un souffle nouveau à l'économie qui est déjà amochée par quatre mois de ralentissement économique. Il faudrait cesser de se plaindre que notre pauvre dollar s'étiole pendant que le ministre des Finances contribue lui-même à l'affaiblir. Il me semble qu'il y a quelque chose à faire de ce côté.

M. Jacques Garon: Je comprends bien que la crise du dollar subie il y a deux ou trois mois...

M. Yvan Loubier: Elle est encore là.

M. Jacques Garon: ...est surtout due au fait...

M. Yvan Loubier: Elle est encore là.

M. Jacques Garon: Oui, un dollar à 65c., ce n'est pas exactement mirobolant. Cela est dû au fait qu'on doit beaucoup, sur une dette de presque 600 milliards de dollars, aux étrangers. Nous sommes complètement dépendants de ce qu'eux prévoient comme conjoncture économique au Canada. Il se produit alors un phénomène spéculatif sur lequel on n'a absolument aucun contrôle ici.

M. Yvan Loubier: J'ai une autre petite remarque, monsieur Garon, une dernière. Vous avez dit que dans deux ans,...

Le président: Monsieur Loubier, monsieur Loubier, excuse me.

M. Yvan Loubier: ...il y aurait une réévaluation. C'est long pour les gens qui paient des cotisations ou ceux qui ne touchent pas de prestations.

[Traduction]

Le président: Nous devons continuer. Madame Lachapelle, vous aviez quelque chose à dire, et ensuite on va passer à M. Godin.

[Français]

Mme Lise Lachapelle: Mon commentaire porte sur la question de M. Loubier. Pour nous, il est bien évident que la réduction de la dette vient en premier lieu, pour des raisons qui ont beaucoup à voir avec le gros bon sens. Par exemple, sur le plan personnel, on ne ferait pas autrement. On ne songerait pas à acheter telle ou telle autre voiture si on n'était pas en mesure de faire face à ses paiements d'hypothèque.

M. Yvan Loubier: Ce n'est pas la même chose.

Mme Lise Lachapelle: Je dirai que c'est un peu la même chose pour les entreprises. Si nous recommandons de réduire la dette pour créer une marge de manoeuvre, c'est qu'on peut en donner de nombreux exemples. J'en ai connu moi-même parmi nos membres, qui ne le sont plus malheureusement. Ils ont appris d'une dure façon que les gens qui se désintéressent de leurs dettes ne réussissent jamais. Ils sont finalement obligés de faire d'énormes paiements, comme le disait M. Garon, et cela ne réussit jamais. Dès que les gens oublient leurs dettes, ils finissent par couler.

C'est pourquoi nous, vis-à-vis de la dette, nous disons qu'il vaut mieux se donner une marge de manoeuvre au Canada, comme on le fait normalement dans sa vie privée et dans les sociétés.

• 1220

Pour revenir à la question posée par M. Epp tout à l'heure, vous avez vu que nous n'avons pas fait de recommandations spécifiques à propos de la caisse d'assurance-chômage. C'est parce que nous n'estimons pas être des experts en ce domaine. Cependant, pour nous, cela contribue à alourdir l'espèce de besace de la taxation qu'il faut traîner. Il faudra bien nous en soulager si on veut que des industries comme la nôtre, qui génère un million d'emplois au Canada, puissent demeurer dans la course internationale.

C'est pourquoi, selon nous, la recette ne s'arrête pas à cela, mais elle commence par là.

Le président: Monsieur Godin.

M. Yvon Godin: Je pense qu'on oublie peut-être un point, soit la raison pour laquelle nous avons un problème économique en ce qui concerne les emplois. Ne vous semble-t-il pas, du côté du patronat, que vous avez une responsabilité de ce côté, à cause des changements technologiques qui se sont produits au cours des dernières années avec l'aide de sommes d'argent fournies par le gouvernement? Le gouvernement a versé de l'argent aux industries pour favoriser le changement technologique et, aujourd'hui, il y a tout plein de gens qui n'ont plus d'emploi, qui ont perdu leur emploi.

Je vais vite vous en donner un petit exemple. La Brunswick Mine, au Nouveau-Brunswick, avait 1 400 employés. Depuis les changements technologiques, il y en a maintenant 800. Inco Limited, à Sudbury, employait 14 000 employés; elle en emploie à peu près 6 000 aujourd'hui.

Tout ce monde qui se retrouve sans travail, plus les gens qui ne peuvent en obtenir... Dans le secteur forestier, c'est la même chose. Ne vous sentez-vous pas responsables de ces changements technologiques, qui ont sans doute bien servi la compagnie, mais qui, quant à moi, n'ont pas créé d'emplois? L'employeur dira que cela a assuré l'emploi. Mais cela n'a pas créé d'emplois.

Ne pensez-vous pas qu'actuellement, il faut aider les gens? En réalité, ici au Canada, c'est l'industrie qui a mis les gens à la porte, entre autres les industries des ressources naturelles: les mines, la forêt et même la pêche. Il n'y a quasiment plus de poisson dans la mer et, en plus, il y a tous ces changements technologiques qui se sont produits.

Maintenant que tout cela leur est tombé sur le dos, on dit aux travailleurs et aux travailleuses qu'on n'est même plus prêt à les soutenir, alors qu'il existe une caisse pour les sans-emploi, alors qu'on devrait aider les gens qui ont perdu leur emploi en attendant qu'on puisse relever l'économie et donner de vrais emplois. Les enfants de ceux qui n'ont plus d'emploi ou qui ont perdu leur emploi, c'est bien dommage, mais ils partent pour l'école l'estomac vide.

Je n'ai que deux questions. Notre groupe venant en troisième place, plusieurs des questions que j'aurais aimé poser l'ont déjà été. Mon autre question concerne les changements apportés à l'assurance-emploi. Actuellement, au Canada, à peu près 80 p. 100 des entreprises sont des PME, des petites ou moyennes entreprises. Avec les changements apportés à l'assurance-emploi, un problème se fait jour dans ces entreprises. Normalement, la personne qui lance son entreprise engage d'abord des gens de sa famille. Or, à cause de la disposition concernant les personnes à charge, ces gens ne se qualifient pas pour l'assurance-emploi.

Par exemple, si je suis propriétaire d'une petite ou d'une moyenne entreprise, je peux engager mon voisin qui m'est étranger et, si mon entreprise est à caractère saisonnier, il aura droit à l'assurance-emploi. Ce ne sera pas la même chose pour mon fils, si je l'engage. Or, vous dites qu'il faudra attendre encore deux ans et demi pour modifier la Loi sur l'assurance-emploi et corriger ces injustices qui affectent la société canadienne.

Je ne suis pas supposé...

Le président: Monsieur Audet.

M. Michel Audet: Si vous me le permettez, ce que vous soulevez, en fait, ce sont des problèmes de fond qui se posent au gouvernement. Qu'est-ce qui est dans la nature de la création d'emplois? Il n'y a pas de complot de la part des entreprises pour mettre des gens à pied. Plusieurs industries incapables de subir le concurrence sont obligées de se réorganiser ou d'investir dans les nouvelles technologies pour faire face à la concurrence.

Des individus ont pu en être affectés mais, globalement, il s'est créé beaucoup plus d'emplois au Canada qu'il ne s'en est perdu. C'est le nombre net qui est important. Donc, cela a eu un effet positif sur la croissance économique et l'emploi.

La question qui se pose, et que vous posez correctement, je pense, c'est celle de bien connaître l'effet que cela a eu sur des gens qui ont été laissés pour compte, qui travaillaient dans des industries peut-être moins chanceuses sur le plan des développements technologiques ou des ressources naturelles et qui, pour une raison ou une autre, ont été moins en demande. Il y a une réflexion à faire.

• 1225

On mentionnait tout à l'heure qu'une révision de la loi était prévue au bout de cinq ans. Pour moi, rien n'empêche que la réflexion commence à se faire avant la mise en application de nouveaux changements, et pas seulement après cinq ans. Je pense qu'il faut du temps pour bien examiner et comprendre l'impact de ce qui s'est passé.

Tout n'a pas été mauvais dans les changements apportés à l'assurance-emploi. Vous savez qu'il y a maintenant des gens qui peuvent se qualifier et ne le pouvaient pas auparavant. Il y en a dans le domaine des services, où beaucoup de gens ne se qualifiaient pas. Il y a des gens qui, par exemple, avec le calcul en heures, ont pu en bénéficier. Il faudrait...

M. Yvon Godin: Il y en a 38 p. 100 qui se qualifient.

M. Michel Audet: Au total, oui.

M. Yvon Godin: Il faut regarder ces chiffres.

M. Michel Audet: Ce qui s'est passé, c'est l'introduction des dates limites, précisément, et vous avez raison là-dessus. Je pense qu'il faudrait voir...

M. Yvon Godin: Il ne faut pas oublier les chiffres.

M. Michel Audet: Il faudrait voir l'ensemble. Vous ne voyez qu'un seul aspect. Il faut considérer l'ensemble du régime et le réévaluer.

Comme je le disais, je ne suis pas contre le fait qu'il soit réévalué, bien au contraire, mais cela doit se faire au sein d'un débat où il se ferait une bonne analyse, avec de vraies données, afin de savoir ce qui se sera vraiment passé après trois ans, qui aura été laissé pour compte et comment cela pourrait être corrigé.

Ce n'est pas, comme je le disais tout à l'heure, en augmentant ou en finançant, par le biais de l'assurance-emploi, des avantages sociaux additionnels qu'on réglera le problème. Il faut vraiment étudier le problème des chômeurs, l'examiner et déterminer comment ces règles d'admissibilité doivent être revues.

Je pense que les associations patronales seraient prêtes à réexaminer le problème dans cette perspective, mais non pas sur un coup de tête. Il ne faut pas se dire que, parce qu'on a tant de milliards de dollars en surplus, il faut augmenter les avantages pour se rendre compte un an après que rien n'a changé. C'est là notre préoccupation, monsieur Godin.

Le président: Monsieur Taillon.

M. Gilles Taillon: Je voudrais préciser, monsieur Godin, qu'au fond, les employeurs sont prêts à travailler à la réadaptation de la main-d'oeuvre. Ce que l'on privilégie, ce sont les mesures actives de réadaptation, ce qui est contenu dans les programmes actuellement transférés aux provinces, dans le cadre de l'entente sur la main-d'oeuvre. Donc, nous disons qu'il vaut mieux compter là-dessus plutôt que sur des mesures passives.

M. Yvon Godin: Mais entre-temps, il faut penser à nourrir les enfants.

M. Gilles Taillon: Appliquons au plus vite des mesures de réadaptation. Celles-ci pourraient permettre à certaines personnes de recevoir des compensations. Il existe de tels programmes.

Nous disons qu'il vaut mieux mettre l'accent là-dessus. L'argent est là. Pourquoi mettre l'argent du surplus dans l'assurance-chômage, au lieu de le faire travailler à la réadaptation de la main-d'oeuvre? L'argent est là. C'est le deuxième volet du dossier de l'assurance-emploi, qui est maintenant transféré au Québec et qui, je pense, est en train de l'être aux autres provinces.

M. Yvon Godin: Ce n'est pas la baisse des cotisations qui ferait une grande différence, cependant. L'avancement technologique, quant à moi, n'a pas créé d'emplois. L'argent, l'actionnaire est allé le déposer à la banque.

M. Gilles Taillon: Il faut faire attention. Je pense que la situation de l'emploi est meilleure aujourd'hui qu'elle l'était il y a deux ans. Je pense qu'on a un taux de chômage plus bas.

M. Yvon Godin: On ne vient pas du même endroit.

Le président: Monsieur Jean-Claude Croft.

M. Jean-Claude Croft: Une grande partie du problème vient du fait que le changement a été mal géré. La technologie, selon ce qu'en dit M. Godin, diminue l'emploi. Ce n'est pas vrai. C'est totalement faux. Ça crée de l'emploi. Ainsi, dans ma petite entreprise de seulement 325 employés, dans le secteur de la comptabilité, j'ai plus d'employés depuis l'avènement des ordinateurs. J'en ai davantage aussi en administration. Ce qui arrive, c'est que l'employé n'a plus besoin de la même formation qu'avant. Il ne faut pas qu'il ait peur de la machine qui est devant lui.

La technologie est porteuse de nouveaux emplois, mais la formation n'est pas là. C'est le gros problème: on gère mal le changement. On privilégie le changement technologique dans nos industries, on y fait entrer tout un lot de machines, mais on n'a personne pour les faire fonctionner. Nos machines deviennent désuètes, en fin de compte.

Monsieur parle de programmes d'emploi. Il n'y a pas de réels programmes d'emploi. Il devrait plutôt dire qu'il y a un gros paquet de paperasse à remplir pour essayer de faire de la formation. Oui, il y a un paquet d'argent pour faire travailler bien des gens assis derrière un bureau, mais en bout de ligne, y a-t-il réellement quelque chose qui permette au travailleur d'acquérir une belle formation? Non, il n'y en a pas. De la paperasse, ça oui, il y en a, cependant.

Le président: Madame Lachapelle.

Mme Lise Lachapelle: Je voudrais quand même rétablir certains faits à propos de la technologie. Je me permettrai de citer notre entreprise puisque vous l'avez fait tout à l'heure. Nos chiffres démontrent qu'au cours des six ou sept dernières années—je pourrai vous laisser ces chiffres—, le chiffre de l'emploi chez nous a été augmenté d'environ 60 000. Je vous citais plus tôt le chiffre d'à peu près un million d'emplois dans notre entreprise.

Cependant, il faut bien préciser qu'il y a eu un apport technologique. Vous avez vu, j'en suis certaine, des mises à pied, mais vous n'avez pas vu, par contre, l'embauche des personnes venues mettre en place cet équipement technologique, qui touchent des salaires beaucoup plus élevés.

• 1230

Seulement dans notre industrie, si on compare le salaire moyen actuel avec celui d'il y a 10 ou 20 ans... En ce moment, le salaire moyen, dans notre entreprise, est de 56 000 $. Je parle du salaire moyen dans l'ensemble du Canada pour les emplois directs. Alors, à ce niveau, je pense qu'il est un peu démagogique... Non, nous n'enlevons pas le pain de la bouche des gens. Nous considérons avoir créé des emplois intéressants grâce à un apport technologique intéressant.

Cet apport a aussi fait que nous pouvons être fiers des produits qui sortent du Québec et du Canada. Pourquoi? Parce que ce sont les produits demandés sur le marché. Le marché les demandant, nos ventes vont continuer d'augmenter et nous serons en mesure de continuer à offrir des emplois.

Les chiffres sont là et ne mentent pas. C'est un secteur dans lequel on a créé des emplois au rythme approximatif de 10 000 par année, depuis les cinq ou six dernières années.

Le président: Merci, madame Lachapelle.

Madame St-Jacques.

Mme Diane St-Jacques: C'est la pauvreté qui est ma principale préoccupation. Je ne vous apprendrai rien en vous disant qu'il y a 1,5 million d'enfants pauvres au Canada. Si ces enfants sont pauvres, c'est que leurs parents sont pauvres.

Je vois dans le mémoire de M. Morency qu'il préconise une indexation des exemptions personnelles et des tables d'impôt, ce sur quoi nous sommes tout à fait d'accord. Mais nous préconisons également d'augmenter l'exemption de base à 10 000 $. J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.

J'aimerais aussi mentionner qu'en mars dernier, j'ai eu l'appui de la Chambre sur une motion qui avait été présentée pour indexer la prestation nationale pour enfants, ce qui est un autre moyen de venir en aide aux familles pauvres.

On sait par ailleurs que la prestation n'est pas indexée à moins que le taux d'inflation soit supérieur à 3 p. 100. Or, depuis plusieurs années, le taux d'inflation est inférieur à 3 p. 100. Ces familles n'ont donc pas plus d'argent, et cela ne leur est pas rendu.

Croyez-vous que ces moyens peuvent avoir un impact sur la pauvreté des familles?

M. Yves Morency: Il est certain que, comme volet de la baisse des impôts, l'indexation des exemptions rejoint nos préoccupations. Mais il faut se rappeler qu'il nous faut faire des choix et que les surplus, même si on prétend qu'ils seront importants, ne peuvent être consacrés entièrement et uniquement à ce chapitre, quoiqu'il soit important. C'est pour cela d'ailleurs que la première mesure des diminutions fiscales que nous suggérons concerne ces exemptions.

Exempter les premiers 10 000 $ du revenu pourrait constituer une mesure susceptible de diminuer quelque peu la pauvreté des familles. Il s'agirait tout de même d'évaluer quelle mesure aurait le plus grand impact. Cependant, le but premier que nous visons est justement de favoriser les personnes à plus faible revenu, qui gagnent de petits revenus, afin qu'elles puissent en conserver le maximum pour leur famille et leurs enfants.

Le président: Monsieur Audet.

M. Michel Audet: Madame, vous avez soulevé un point que j'ai mentionné ce matin dans ma présentation. Le problème, c'est que lorsqu'on a révisé les modes d'indexation, on a décidé de ne pas indexer lorsque le taux d'inflation est inférieur à 3 p. 100. Il est évident qu'on s'est alors trouvé à augmenter la pression à la base puisque les revenus n'augmentent que d'à peu près 2 ou 3 p. 100 en moyenne. Donc, on se trouve à les gruger parce que les exemptions, elles, ne changent pas. Telle est notre préoccupation.

On posait tout à l'heure, relativement à l'assurance-emploi, des question qu'il est légitime de se poser. Je pense qu'on se fera poser une question sur le mode d'indexation. Celui-ci a été inauguré à une époque où l'inflation était très élevée, à 7 ou 8 p. 100. Comme on voulait éviter que toutes les recettes fiscales s'érodent, on a fixé un seuil de 3 p. 100, lequel semble maintenant un peu ridicule puisque le taux d'inflation est d'environ 1,8 ou 2 p. 100.

Il y a donc une réflexion à faire là aussi et vous auriez en partie une réponse à votre question si, précisément, l'indexation avait été ajustée, au cours des dernières années, jusqu'à un maximum de 3 p. 100, au lieu d'être au-dessus de 3 p. 100.

Mme Diane St-Jacques: La prestation des aînés a été indexée, mais pas celle des enfants. Nous nous demandons si c'est parce que les aînés votent alors que les enfants ne votent pas qu'on ne leur donne pas droit à....

M. Michel Audet: Ah, ah!

Mme Diane St-Jacques: Pas de réponse?

M. Peter Bakvis (adjoint au Comité exécutif, Confédération des syndicats nationaux): Très rapidement, je dirai que Mme la députée a tout à fait raison de nous souligner que les enfants sont pauvres parce que leurs parents sont pauvres.

• 1235

Dans notre mémoire, nous avons appuyé l'idée de réindexer les déductions et les tables d'impôt, qui ne l'ont pas été, je crois, depuis 1991. Je ne veux pas revenir sur un débat auquel on a consacré beaucoup de temps. Il est certain, cependant, que si les parents sont pauvres, c'est aussi parce que les programmes de soutien du revenu ne sont plus là.

C'est le cas de l'assurance-emploi, et je pense qu'on l'a amplement démontré tout à l'heure. Les femmes, d'ailleurs, en sont beaucoup victimes. Ce sont souvent elles qui sont exclues de l'accès au régime. Dans l'ensemble des provinces, peut-être au Québec moins qu'ailleurs, on a pris différentes mesures pour restreindre l'accès à l'aide sociale en raison, encore une fois, des coupures dans les transferts. Le Québec et les autres provinces voient cette clientèle augmenter parce que les gens n'ont plus accès à l'assurance-emploi.

Je soulignerai un dernier point. Ici, au Québec, le gouvernement a mis en place un programme de garderies à prix très modique, c'est-à-dire 5 $ par jour, programme que nous avons soutenu et qui nous semble bon. Cependant, il pose un problème actuellement, en ce sens que les gens qui s'en prévalent n'ont plus droit aux déductions fiscales. Nous croyons donc qu'il faudrait modifier les règles d'accès aux déductions fiscales. Encore une fois, c'est un programme qui aide les familles monoparentales, dont les femmes sont responsables dans la majorité des cas.

Le président: Oui, monsieur Garon.

M. Jacques Garon: Je voudrais poser une question. On sait qu'au Canada, les 20 p. 100 de la population ayant le plus faible revenu, quand on place cette proportion sur une tranche de quintiles, comme on les appelle, contribuent moins de 1 p. 100 des impôts. Croyez-vous que toutes les mesures que vous préconisez pourraient, d'une façon quelconque, amoindrir la pauvreté au Canada? Est-ce que c'est véritablement une mesure fiscale dont on a besoin ou si on a besoin d'une tout autre chose qui serait beaucoup plus profonde dans la société?

Mme Diane St-Jacques: Il y a peut-être quelque chose de plus profond, mais je pense que c'est une des mesures qu'on peut prendre. Ce n'est pas la solution miracle, mais...

M. Jacques Garon: Mais est-ce que la mesure ne servirait pas tout simplement à perpétuer ce qui existe au lieu de sortir des gens des poches de pauvreté?

Mme Diane St-Jacques: Ce serait un moyen d'en sortir. Si les gens qui ont un revenu familial de 15 000 $—et on sait qu'ils sont nombreux—voient leur exemption de base portée à 10 000 $, ils verront du même coup diminuer leur fardeau fiscal. Je ne prétends pas que ce soit la solution entière, mais si on réussit à diminuer ce fardeau et à remettre de l'argent dans leurs poches, ils auront peut-être au moins de quoi manger.

M. Jacques Garon: Mais ce sera très minime au point de vue de la fiscalité au Québec. Un ménage qui gagne 26 000 $ ne paie pas d'impôts au Québec. J'imagine donc qu'avec l'échelle progressive des impôts qu'on a actuellement au Canada, le problème fondamental est ailleurs. À mon avis, ce n'est pas une mesure fiscale qui va pouvoir sortir ces 1,5 milliard de Canadiens de la pauvreté. C'est là le véritable problème fondamental et cela va prendre autre chose qu'une simple petite mesure fiscale.

Mme Diane St-Jacques: Je crois que c'est un ensemble de solutions qui va les en sortir. Ce n'est pas un élément qui va suffire à les sortir de la pauvreté. Mais je me demandais si cela pouvait quand même avoir un impact valable et les aider.

M. Jacques Garon: S'ils contribuent pour moins de 1 p. 100 à l'impôt, je n'ai pas l'impression que cela va contribuer énormément à la solution du problème.

Mme Diane St-Jacques: Mais quelle serait la solution au problème, selon vous?

M. Jacques Garon: La solution serait de pouvoir donner le maximum d'emplois aux gens qui ne peuvent pas travailler. Où se trouvent-ils, ces gens, pour la plupart? Soit à l'aide sociale, soit au chômage.

Mme Diane St-Jacques: Oui.

M. Jacques Garon: Donc, c'est l'emploi qui, ultimement, à mon avis, serait la meilleure solution. Ce n'est peut-être pas la seule solution, mais ce serait...

Mme Diane St-Jacques: Des emplois bien rémunérés aussi, parce qu'il y a des emplois, mais souvent...

M. Jacques Garon: Écoutez, quand on dit bien rémunérés, il faut faire attention. Soixante-quinze pour cent des gens qui sont à l'aide sociale n'ont pas les bases élémentaires pour pouvoir occuper les emplois qui sont maintenant offert sur le marché; non seulement ceux-là, mais même d'autres. Autrement dit, les connaissances de base exigées pour la plupart des emplois, aujourd'hui et encore plus demain, vont exiger un niveau d'éducation générale beaucoup plus élevé que ce qu'on a actuellement. On l'a vu au Québec quand on a fait la réforme de l'assistance sociale: 75 p. 100 des gens qui dépendent de l'aide sociale n'ont pas les capacités de base pour apprendre un métier quelconque. On part de loin.

• 1240

Mme Diane St-Jacques: C'est là un autre problème.

M. Jacques Garon: Oui, mais il est fondamental.

Mme Diane St-Jacques: Oui.

Le président: Monsieur Discepola.

M. Nick Discepola: J'ai plusieurs questions et je n'ai pas grand temps. Je vais donc les poser rapidement et j'espère avoir des réponses aussi brèves.

J'aimerais faire un commentaire avant de passer aux questions. Madame St-Jacques, votre parti, de même que tous ceux de l'opposition, ont réclamé le retour du surplus à la caisse de l'assurance-emploi. Si mes calculs sont bons, c'est autour de 4 ou 5 milliards de dollars. Votre suggestion d'augmenter à 10 000 $ le seuil de l'exemption fiscale, d'après un calcul rapide, coûterait 8,75 milliards de dollars. En additionnant seulement ces deux réclamations, on se trouve devant un manque à gagner de 13 milliards de dollars. Alors, avant d'avancer des chiffres, il faut se montrer réaliste.

Malheureusement, M. Larose est parti. Je suis rarement d'accord avec lui, mais je voudrais préciser une chose. Il avait d'abord dit que le redressement de la fiscalité canadienne s'était fait principalement sur le dos des chômeurs et des chômeuses. Un instrument parmi d'autres a été la caisse de l'assurance-chômage, mais les deux principaux instruments de ce redressement, à mon avis, ont été la croissance économique et les faibles taux d'intérêt qui nous ont permis de sortir du trou de 42 milliards de dollars de déficit.

Ma première question portera sur ce qui est presque devenu une obsession chez les gens d'affaires, soit exiger la réduction de la dette publique tout de suite. On vient de consacrer cinq années à l'élimination du déficit. Il y avait même quelqu'un de la Chambre de commerce de Sainte-Foy qui exigeait tout à l'heure non seulement la réduction de la dette mais son élimination.

Vous pourrez peut-être faire un commentaire là-dessus, monsieur Soucy. Nous avons reçu une table ronde de quatre économistes à Ottawa. Il s'agissait de M. Robson, Mme Farrow, M. Rosenberg et M. Egelton, je crois. Les quatre nous ont dit unanimement... Je m'excuse, monsieur Godin, mais c'est à mon tour de parler et j'ai à peine 10 minutes. Les quatre nous ont dit que, même en tenant compte de la réserve de 3 milliards de dollars, le surplus devrait être d'environ 8 à 10 milliards de dollars. J'aimerais que vous m'expliquiez comment vous arrivez à un montant de 12 à 15 milliards de dollars.

À propos de la dette, je voudrais m'adresser à nouveau aux gens d'affaires. J'ai dit plus tôt que la raison principale qui nous avait permis de réduire le déficit avait été la croissance économique. Avec un taux de croissance nominal de l'ordre de 3,5 p. 100, le pourcentage du PIB par rapport à la dette pourrait être réduit, de 67 ou 68 p. 100 qu'il est actuellement, à 57 p. 100 d'ici cinq ans. Et si on y applique également les 3 milliards de dollars en réserve, on peut le réduire à 55,5 p. 100 en cinq ans.

Monsieur Garon, vous avez dit tout à l'heure que cela prendrait 50 ans à la réduire à un taux acceptable. Je me demande pourquoi on ne peut pas laisser la croissance économique elle-même réduire la dette ou l'endettement à un niveau acceptable pour tout le monde et concentrer nos efforts présents à la dette sociale qui existe également au pays en termes de soins de santé et autres.

M. Jacques Garon: Une réponse très rapide, c'est que rien ne nous autorise à croire que, pendant ces cinq années, nous n'allons connaître que la croissance économique. L'année prochaine, nous serons peut-être en récession. Ce n'est peut-être pas sûr. La probabilité est très faible, mais elle existe.

En cinq ans? Tout à fait d'accord, si on a une croissance économique continue. Mais là, alors là, c'est affaire de boules de cristal. Nous n'avons aucune idée de ce qui va se produire. Il est extrêmement difficile d'avoir des certitudes.

C'est pourquoi, au contraire, la rigueur qu'a montrée M. Martin est à encourager parce que, jusqu'à maintenant, cela lui a souri. On a eu plus que ce qu'il avait envisagé, peut-être. Mais rien ne garantit ce qu'on aura l'année prochaine ou l'année d'après. Nous pourrions, au contraire, traverser une période difficile. Que se passera-t-il à ce moment-là?

Si je parlais de 50 ans, c'est que M. Martin lui-même a déclaré à la Chambre qu'il fallait viser un ratio non pas de 50 mais de 40 p. 100. Et c'est pourquoi je dis que 40 p. 100 sur une période de temps très longue, oui, pourquoi pas. Mais cela va prendre beaucoup de temps.

C'est pourquoi notre plus grande priorité est de consacrer au moins 50 p. 100 de ce qui pourra être un excédent budgétaire à la réduction de la dette.

• 1245

Pour nous, ce n'est pas tellement le ratio ou la dette qui est important; c'est le fait d'avoir à payer 45 milliards de dollars par an au service de la dette. Là, il n'y a rien à faire. Il faut que cela puisse diminuer à chaque année.

M. Nick Discepola: Mais qu'est-ce qui rend ces chiffres aussi magiques, 40, 50, 55 p. 100?

M. Michel Audet: Si vous me permettez...

Le président: Oui.

M. Gilles Taillon: Aux États-Unis, c'est 40. Nous disons que 50 serait un effort raisonnable.

Un témoin: Et nous disons 55.

M. Nick Discepola: C'est cela.

M. Michel Audet: Je pense que vous avez parfaitement raison: il n'y a pas de règle absolue. C'est, au fond, la comparaison sur le plan international qui nous influence. Je pense qu'actuellement, le Canada, à part l'Italie je crois, est le pays qui est le plus endetté en pourcentage du PIB.

Donc, on doit amorcer un mouvement qui aille dans le sens d'une réduction. Je pense que personne n'a de règle absolue à fournir sur le sujet, mais il faut que la tendance soit là.

D'autre part, il faut se rappeler qu'en plus du gouvernement fédéral, il y a les gouvernements provinciaux et les sociétés d'État, particulièrement celles des provinces, qui sont endettés. Quand on additionne toutes ces dettes, celles des organismes publics et des gouvernements du Canada, on atteint un montant égal au produit intérieur brut canadien.

Je pense que là aussi, on est dans une situation où il faut tenir compte de l'ensemble. Je pense que tout le monde actuellement va dans la bonne direction et qu'il faut les encourager à continuer.

Je ne prétendrais pas qu'il y a une règle absolue qui permette de donner une réponse précise à votre question. Il est évident qu'il faut mettre la priorité là-dessus. Nos craintes se sont éveillées lorsqu'on a vu le gouvernement fédéral annoncer qu'il y avait un dividende et qu'on se demandait à quel type de dépenses nouvelles on pouvait l'affecter. On dit que financer les fonctions de base des gouvernements, c'est déjà beaucoup. Cela devrait suffire. Il faut éviter de se lancer dans de nouveaux programmes de dépenses. C'est au coeur du message qu'on a voulu livrer.

Le président: Monsieur Morency.

M. Yves Morency: Je ne voudrais pas relancer un débat de chiffres, mais tout simplement vous dire que le ministre Martin et ses économistes prévoient un surplus de 4 à 5 milliards de dollars. Les économistes dont vous parlez prévoient un surplus d'entre 8 et 11 milliards de dollars. Nous vous parlons de 15 milliards de dollars. Mais ce qui est bien plus important, c'est que le ministre comprenne qu'il doit être prudent. Il y a une crise asiatique qui perdure, qui a des impacts sûrement négatifs sur la croissance du PIB.

Il faut noter aussi les impacts sur le marché monétaire. Le marché monétaire est plus favorable qu'il ne l'était, et même qu'il ne l'était dans le budget.

Un autre élément important à considérer est celui de l'emploi. Le taux de chômage n'a pas baissé. Le taux de chômage est demeuré à peu près le même, malgré une croissance de l'emploi, de sorte que les éléments négatifs et les éléments positifs s'annulent.

Voici ce que nous faisons à partir des analyses de sensibilité, des impacts sur la diminution de l'emploi ou sur son augmentation, sur la diminution ou l'augmentation des taux d'intérêts; on prend les analyses que vous faites et on applique les mêmes taux.

Je vous dirais que l'an passé, le surplus budgétaire net effectif n'a pas été de 3,5 milliards de dollars, mais de 9 milliards de dollars. Si on prend les dépenses non budgétées qui ont été faites—le ministre des Finances a pris une partie du dividende financier de 5,5 milliards de dollars et en a fait une dépense non budgétée—et qu'on ajoute ces montants au surplus budgété, on arrive à 9 milliards de dollars. Donc, je trouve que pour cette année, à 15 milliards de dollars, on n'est pas tellement loin de la réalité.

M. Nick Discepola: Oui, mais dans les choses non budgétées, il faudrait prévoir des dépenses comme celles qu'a entraînées la tempête de verglas, qui nous a coûté énormément cher.

M. Yves Morency: Vous avez mis 2,5 milliards de dollars pour les bourses du millénaire, et il y a d'autres dépenses de ce genre.

M. Peter Bakvis: Pour répondre à nos amis du côté patronal, comme M. le député, je comprends mal leur obsession de rembourser la dette. M. Martin, dans son énoncé du 14 octobre, a dit que l'an dernier, la dette en proportion du PIB—je pense que tout le monde convient que c'est une mesure importante—, est passée de 71 à 67,8 p. 100, ce qui est une baisse de plus de 3 p. 100 en un an, alors qu'on n'avait même pas pour politique de générer des surplus.

D'ailleurs, on annonçait un surplus assez modeste—on était d'accord sur les estimations—de 3,5 milliards de dollars pour l'an dernier. On a réussi à baisser le déficit.

Cela m'a fait sourire tout à l'heure quand M. Garon disait qu'il faudrait 50 ans. Écoutez, à ce rythme-là, nous aurons un surplus accumulé de 87 p. 100 du PIB dans 50 ans. Quelle politique le fédéral devrait-il adopter dans le moment? Moi, je suis d'accord avec ceux qui disent qu'on est dans une période d'incertitude. Il ne faut surtout pas prendre des mesures qui accentueraient les possibilités de récession.

D'ailleurs, le Canada est le seul parmi les pays du G-7 à avoir une politique aussi restrictive. Regardez tous les autres pays, y compris nos voisins du Sud. Donc, en ce moment, il est tout à fait prudent et approprié pour un gouvernement responsable de prendre l'argent pour stimuler l'activité économique.

• 1250

Le président: Monsieur Taillon.

M. Gilles Taillon: Monsieur Discepola, on n'est pas obsédés, mais on dit qu'il ne faudrait pas oublier de travailler à cela. Il ne faut pas laisser la croissance le faire toute seule. On a une approche équilibrée: réduction de la dette, oui, réduction des cotisations à l'assurance-emploi et réduction des impôts. Notre obsession est qu'il ne faut pas de nouvelles dépenses.

M. Nick Discepola: C'est différent, parce que partout au Canada, monsieur Taillon, on n'entend que cela de la part des gens d'affaires. La priorité est la réduction de la dette, et non un réinvestissement dans les services sociaux, la santé, etc. Mais je vois qu'il y a presque unanimité autour de la table: il faut être prudent. Comme on ne connaît pas l'avenir, il faut être prudent.

Ma première question sera peut-être une question piège, je l'admets, mais qui parmi vous serait prêt à couper ses revenus pour régler ses problèmes personnels ou ses problèmes d'entreprise? Personne. Alors, pourquoi nous demandez-vous aujourd'hui de couper nos revenus en pigeant dans le supposé surplus de la caisse d'assurance-emploi, alors que tous les... Est-ce que je vous ai interrompus, messieurs? Non. Alors soyez polis également.

Toutes les études actuelles nous disent qu'au cas où il y aurait une autre récession, peut-être dans un an ou deux—espérons que ce ne sera pas le cas—, nous devons être prudents. Toutes les études actuelles nous disent que de ce supposé surplus de 19 milliards de dollars, on aurait besoin d'environ 15 milliards de dollars pour établir un coussin contre une éventuelle récession. Donc, on parle vraiment de 4 ou 5 milliards de dollars. Des personnes nous disent qu'on devrait remettre aux gens, sans conditions, le surplus éventuel en abaissant les cotisations immédiatement. C'était unanime chez tous les partis d'opposition. Ils se sont réunis dans une salle et ils ont convoqué une belle conférence de presse pour dire qu'ils étaient unanimes. Aujourd'hui, j'entends dire qu'on ne devrait peut-être pas tout simplement remettre cet argent aux gens, mais plutôt voir si on devrait couvrir d'autres personnes, réduire les cotisations et investir davantage.

Je me demande quelle est la priorité. Je pense que le Conseil du patronat a dit qu'il devait y avoir une diminution de 45c. Cela représente 3,3 milliards de dollars. Les partis d'opposition, eux, demandaient qu'on remette 60 p. 100 aux entreprises et 40 p. 100 aux employés qui ont payé.

Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt dire que c'est une source de revenus additionnels et décider de nos priorités? Est-ce vraiment un investissement dans la santé, un élargissement de la base de couverture, etc.? Tel est le vrai dilemme, à mon avis, et ce n'est pas une décision facile.

Le président: Monsieur Croft.

M. Jean-Claude Croft: Pour la première fois depuis je ne sais combien d'années, on a un ministre des Finances qui est proactif et non réactif. On a cessé d'éteindre des feux et on commence à penser à gérer comme du monde. C'est quoi, une saine gestion? Lui, il l'a compris. Pourquoi l'a-t-il compris? Parce qu'il vient du milieu de l'entreprenariat. C'est un businessman, le gars. Voulez-vous un bateau? Peut-être n'êtes-vous pas capable de vous en payer un. Regardez-le faire. Il sait gérer. Gérez comme lui et vous serez peut-être capable de vous en payer un un jour.

Il faut être proactif. Il ne faut pas se contenter d'éteindre les feux comme on l'a fait dans le passé. Je suggérais qu'on se garde toujours un minimum de 20 p. 100 pour le remboursement de la dette. Je pense que ce n'est qu'équitable et logique.

C'est sûr qu'il n'y a pas consacré 50 p. 100, car c'est trop, mais il faut consacrer un minimum constant de 20 p. 100 à la dette. Pour le reste, comme je l'ai proposé dans le mémoire, il faut avoir un budget équilibré.

Le président: Monsieur Audet.

M. Michel Audet: Je pense qu'il n'y a personne qui a dit qu'on devait remettre aux gens les 20 ou 18 milliards de dollars accumulés, du moins au niveau patronal. On a déjà eu l'occasion d'en discuter avec M. Martin et on est conscients qu'il faut une réserve de base, comme M. Larose l'a évoqué tout à l'heure, pour pallier les éventualités d'une récession.

Cependant, lorsqu'on est rendu à un surplus équivalant à une année de déboursés, par exemple à 15 milliards de dollars qui sont comptabilisés—il faut comptabiliser parce que cette caisse n'est pas capitalisée—, on atteint un seuil de crédibilité où il faut se poser des questions. Est-ce qu'on continue de laisser s'accroître ce surplus ou si on en fait autre chose? Je pense qu'il ne serait pas actuellement indiqué de le laisser s'accroître.

• 1255

Nous pensons qu'on a là l'occasion d'ajuster les taux de manière à ce qu'il reste dans la caisse l'équivalent d'une année, soit environ 15 milliards de dollars. S'il y a un surplus de 3, 4 ou 5 milliards de dollars par année, on pourra décréter une baisse des contributions de l'ordre de 15 à 20 p. 100 ou d'environ 50c.

Je préfère parler en pourcentages, parce que c'est 1,40 $ pour 1,00 $. Nous parlions plus tôt de 20 p. 100 des cotisations des employeurs et des employés pour l'an prochain, quitte à ce que l'on réévalue éventuellement l'admissibilité, comme cela a été évoqué plus tôt. Puisque le régime a exclu des gens, on devrait le réexaminer, mais on ne le fait pas. On fixe un taux. On ne fait pas un changement de régime comme ça, tout de go, en fonction d'un budget. C'est la réponse que je voulais vous donner pour corriger la perception selon laquelle on souhaitait retourner... Ce n'est pas la perception que nous avons voulu donner du côté patronal.

Le président: Merci, monsieur Audet. Monsieur Morency.

M. Yves Morency: Je vais revenir un peu à ce que disait M. Audet. Il faut se rappeler que le gouvernement a créé un régime d'assurance-emploi. De grâce, gardons-nous un seul objectif, celui de soutenir les travailleurs en cas de difficulté au moyen d'un instrument. Ne pensons pas à un instrument qui aurait deux ou trois objectifs.

M. Nick Discepola: C'est le cas, monsieur Morency.

M. Yves Morency: Mais on vous dit justement...

M. Nick Discepola: Le régime actuel prévoit des fonds pour les cas de maladie, de maternité, d'adoption, de travail partagé et de soutien du revenu. Ce n'est pas simplement une assurance.

M. Yves Morency: On vous dit justement que les surplus qui se dégagent, à l'exception d'une réserve de stabilisation en cas de pépin majeur, qui pourrait être de 10 à 15 milliards de dollars, doivent être redistribués aux gens.

C'est une assurance collective que la population canadienne et québécoise s'est donnée, tant au niveau des travailleurs que des employeurs. Comme il s'agit d'une assurance collective, remettons les surplus à ceux qui ont contribué et non pas à l'ensemble des Canadiens. Il y a d'autres programmes pour ça. L'assurance-emploi doit servir uniquement à ces fins-là. Le surplus devrait être distribué aux cotisants sous forme de réduction de prime ou encore de bonification des conditions.

M. Nick Discepola: Si le surplus de l'année prochaine était de 5 milliards de dollars, vous réclameriez que 3,3 milliards de dollars soient remis aux employés et aux employeurs.

M. Yves Morency: C'est ça.

M. Nick Discepola: C'est clair et simple.

M. Yves Morency: Eh bien, oui.

M. Nick Discepola: C'est pour cela que, depuis le début, je me pose des questions. J'ai entendu toutes sortes de personnes dire ce matin qu'on ne devrait pas faire cela, qu'on devrait plutôt investir cet argent dans la recherche, dans la santé et dans l'éducation.

M. Yves Morency: Pourquoi?

M. Nick Discepola: On ne peut pas faire tous ces choix. Il faut établir des priorités.

M. Yves Morency: Je suis d'accord avec vous, mais pourquoi utiliser la cagnotte de l'assurance-emploi à d'autres fins? Utilisez d'autres régimes pour cela.

M. Nick Discepola: Je vous ai donné des exemples. C'est déjà utilisé à d'autres fins. On devrait peut-être faire une étude, comme le suggère M. Audet, afin de voir à quoi on veut que cette assurance serve.

M. Yves Morency: Mais, monsieur, vous avez fait le ménage dans l'assurance-emploi. C'est pour une fin particulière. Il y a d'autres programmes qui existent au fédéral pour cela.

Le président: Merci, monsieur Discepola.

Monsieur Taillon.

M. Gilles Taillon: Je voudrais faire un commentaire. Si le compte de l'assurance-emploi n'existait pas, il n'y aurait peut-être pas d'excédent budgétaire.

Une voix: On est d'accord sur cela.

M. Yvan Loubier: Il a donné 8 milliards de dollars, monsieur...

[Traduction]

Le président: Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai été un peu déçu qu'on passe tant de temps à discuter de l'assurance-emploi aujourd'hui. Quand on parle des 43 p. 100 de Canadiens sans emploi qui ont droit aux prestations et des 57 p. 100 qui n'y ont pas accès, ces 50 p. 100 de sans-emploi comprend ceux qui sont au chômage depuis plus d'un an; le régime n'a jamais été destiné à les couvrir. Il comprend aussi ceux qui n'avaient pas présenté de demande, et le régime ne peut rien faire à ce sujet; ceux qui avaient démissionné sans raison valable, et c'est un choix personnel; et ceux qui n'ont jamais accumulé le nombre de semaines donnant droit à l'AE, et ceux qui ne sont plus admissibles simplement parce qu'ils l'utilisent comme supplément de revenu par opposition à l'assurance. Le résultat, c'est beaucoup de belles paroles intéressantes.

• 1300

Quelqu'un a laissé entendre que le surplus avait été constitué sur le dos des sans-emploi, et je m'inquiète de tous les Canadiens, la vaste majorité d'entre eux, qui ont cotisé pendant toute leur vie et n'ont jamais réclamé un sou. Vous vous demandez s'ils ont droit à certains avantages du fait qu'ils ont contribué, par opposition à ceux qui n'ont fait que tirer parti de l'assurance-emploi.

Si vous demandez à un chômeur de choisir entre une augmentation de ses prestations et un emploi, je peux vous garantir qu'il choisira un emploi. Hypothétiquement, je vous demande quel aurait été le taux de chômage si l'on avait simplement rendu le surplus de l'assurance-emploi au fil des ans. Que se serait-il passé exactement? Il y aurait sans doute eu un plus grand nombre de chômeurs.

Pour ces raisons, monsieur le président, je suis déçu que nous ayons consacré tant de temps à l'assurance-emploi quand on considère la question de la pauvreté—à cet égard, je remercie Mme St-Jacques de l'avoir soulevée à la table.

Le Canada est aux prises avec un grave problème, soit le nombre considérable de familles pauvres. Et pour régler ce problème, il faut en résoudre d'autres, comme l'éclatement de la cellule familiale, le taux de décrochage au niveau secondaire, les problèmes de santé en général et le fait que 25 p. 100 des enfants au Canada abordent l'âge adulte affligés de sérieux problèmes émotifs, comportementaux et sociaux. Cela se traduit par des coûts plus élevés au titre des programmes sociaux, de la santé, de la justice pénale et de l'éducation. Cela signifie que les Canadiens ne pourront jamais espérer bénéficier d'allégements fiscaux ou du remboursement d'une grande partie de la dette ou d'une amélioration sensible du filet de sécurité sociale au Canada tant que nous n'aurons pas réglé ce problème de pauvreté, particulièrement chez les enfants.

Nous avons constamment parlé de l'assurance-emploi, et je veux vous donner une autre chance. Si vous deviez suggérer au gouvernement quoi faire avec les maigres ressources qui risquent d'être disponibles, envisageriez-vous d'en consacrer une partie à la lutte contre la pauvreté au Canada?

Le président: Qui veut répondre ou commenter? Je vous en prie, ne levez pas tous la main en même temps.

[Français]

M. Peter Bakvis: Pour commencer, je vais dire que je trouve cela absolument magnifique. Vous dites qu'il ne faut pas parler du régime d'assurance-emploi, qui a réduit la couverture des chômeurs canadiens de 90 à 43 p. 100 l'an passé et à 36 p. 100 cette année. Vous dites que cela n'a rien à voir avec la pauvreté. Vous devriez plutôt parler de la pauvreté. Je trouve cela absolument fantastique. On a des propositions visant à bonifier le régime d'assurance-emploi. Comme Mme St-Jacques l'a souligné, les enfants sont pauvres parce que leurs parents sont pauvres, à moins que vous ne proposiez que les enfants commencent à travailler à 12 ans ou à 8 ans. Donc, les enfants sont pauvres parce que leurs parents sont pauvres.

On a réduit les prestations d'assurance-chômage et on a aussi réduit les sommes d'argent qu'on donnait aux provinces pour les soins de santé et l'éducation. Tout le monde reconnaît que ces programmes sont importants dans une économie moderne, où ils peuvent aider à la création d'emplois, mais on a choisi de couper l'aide financière aux provinces pour...

[Note de la rédaction: Inaudible]. Enfin, on a réduit les sommes destinées à l'aide sociale. Encore une fois, il s'agit des gens les plus pauvres de la société, ceux qui n'ont pas accès à l'assurance-chômage. On a aussi décidé de couper les transferts aux provinces pour ce programme-là.

On nous demande de proposer des solutions pour s'attaquer à la pauvreté. S'il vous plaît, ne parlez pas de tous les programmes qui peuvent avoir un impact là-dessus. Vous nous limitez un peu dans les solutions qu'on peut proposer.

Le président: Monsieur Croft.

M. Jean-Claude Croft: Une des solutions pour combattre la pauvreté est la création d'emplois. Comme je le disais tout à l'heure, au lieu de remettre le surplus de la caisse d'assurance-emploi directement à la population, nous devons nous en servir pour aider les PME. Actuellement, les PME ont beaucoup de difficulté à obtenir des fonds de roulement parce que le but des banques est de faire de l'argent, comme n'importe quel autre business, et elles font beaucoup d'argent.

Si on consacrait une certaine partie de ces fonds à des prêts sans intérêt à des entreprises, ça créerait de l'emploi. En créant des emplois, on diminuerait la pauvreté. Merci.

• 1305

[Traduction]

Le président: Y a-t-il d'autres commentaires? Monsieur Szabo.

M. Paul Szabo: Je voulais simplement réitérer la raison qui explique ce pourcentage de 43 p. 100 et le fait que vous blâmiez tous et chacun... Je pose la question: souhaitez-vous que l'on verse des prestations d'assurance-emploi à des gens qui sont au chômage depuis plus d'un an? Cela représente un changement politique. Voulez-vous essayer de retracer des gens qui n'ont jamais présenté de demande? Voulez-vous verser des prestations d'assurance-emploi à des gens qui quittent leur emploi sans raison valable? Des gens qui partent de leur propre chef. Voulez-vous verser des prestations à des gens qui ne travaillent que quelques semaines et qui ensuite déménagent et ne sont plus admissibles? Et voulez-vous continuer à payer des gens qui sont des usagers chroniques du système, et les payer à un taux aussi élevé que celui applicable à l'usager occasionnel? Voilà les véritables questions qu'il faut se poser au sujet de la nature même du régime d'assurance-emploi. S'agit-il véritablement d'une assurance ou encore d'un programme de remplacement ou de supplément du revenu?

Ce débat ne devrait pas avoir lieu ici, mais il faut qu'il ait lieu quelque part car ces problèmes ne vont pas disparaître à moins que nous comprenions quel est le véritable objet du régime d'assurance-emploi.

[Français]

Le président: Monsieur Bakvis.

M. Peter Bakvis: Le régime n'a jamais payé de prestations à des gens qui étaient en chômage depuis plus d'un an. On décide en 1998 que les changements sont tout à fait valables...

[Traduction]

M. Paul Szabo: Parmi les 57 p. 100 de sans-emploi qui ne touchent pas les prestations d'assurance-emploi, on compte les chômeurs.

M. Peter Bakvis: Oui, ainsi que les 10 p. 100 qui n'ont pas touché de prestations en 1990.

M. Paul Szabo: C'est de la malhonnêteté intellectuelle que de se servir de ce chiffre.

M. Peter Bakvis: C'est vous qui l'avez évoqué.

M. Paul Szabo: Non, c'est dans votre mémoire.

[Français]

M. Peter Bakvis: Ce que je veux dire, c'est que ces gens-là n'avaient pas accès aux prestations d'assurance-chômage au début de la décennie, quand le taux de couverture était de 87 p. 100. On nous donne plusieurs catégories. Il y a des changements sur le marché du travail qui font qu'il y a plus de travailleurs autonomes. On n'a rien fait pour favoriser l'accès de ces gens-là au régime et, en plus, on a établi une série de restrictions qui font en sorte qu'il y a d'autres chômeurs qui, auparavant, avaient accès à l'assurance-emploi et qui n'y ont plus accès, y compris les travailleurs saisonniers. Ce n'étaient pas des chômeurs qui travaillaient deux ou trois ans.

Si j'ai bien compris, on veut exclure totalement du régime des gens qui, pour toutes sortes de raisons, ne peuvent travailler 12 mois par année. On est en train de proposer des modifications qui vont encore plus loin que les restrictions très graves qu'on a déjà imposées.

[Traduction]

Le président: Avez-vous d'autres commentaires?

Je voudrais revenir à cette question de l'assurance-emploi. Il y a une dizaine d'années avant la réforme, les études laissaient entrevoir que le coût du programme d'assurance-chômage passerait de 8 à 20 milliards de dollars. Je me demande si vous pensez que ce genre de système était vraiment viable.

Monsieur Bakvis.

[Français]

M. Peter Bakvis: On peut envoyer au comité des propositions très précises qui vont même plus loin. On décrit en quelques paragraphes nos propositions pour la réforme du régime. On ne propose pas un retour au taux de couverture de tout près de 90 p. 100 qu'on avait il y a moins de 10 ans. On propose une restauration graduelle des prestations afin qu'on atteigne un taux de couverture de 67 p. 100. Si cela intéresse le comité, nous pouvons lui envoyer nos propositions précises. D'ailleurs, elles font l'objet d'un mémoire qui a été préparé par les trois centrales syndicales du Québec, et pas seulement la nôtre. Nous sommes conscients qu'il faut revoir le fonctionnement du régime et qu'il faut tenir compte du fait qu'il y a des changements dans le marché du travail qui font qu'il a de plus en plus de travailleurs autonomes. Le régime devrait aussi s'adresser à ces gens-là.

Nous n'avons pas le temps de discuter de l'ensemble des détails que nous proposons, mais pour répondre très directement à votre question, nous ne proposons pas un retour au régime qui existait en 1990. Nous sommes prêts à examiner des changements visant à moderniser le régime, mais de manière à ce qu'il assume de nouveau sa fonction de fournir des revenus de soutien aux gens qui perdent leur emploi et pas seulement à un tiers de ces gens-là.

• 1310

[Traduction]

Le président: J'aimerais savoir ce que vous pensez du rapport entre les prestations d'assurance-emploi et le salaire moyen dans l'industrie. À votre avis, quel genre de rapport devrait-il y avoir entre ces deux facteurs?

[Français]

M. Michel Audet: Cela fait partie des questions qui devraient être posées lors d'une éventuelle commission parlementaire sur ce sujet-là. Il est évident que le régime doit inciter au retour au travail. Actuellement, il y a de bonnes questions à se poser. Des ajustements ont été faits. Dans certains cas, ils semblent satisfaisants et dans d'autres, ils ont produit des excès. Je suis tout à fait d'accord que ce n'est pas à l'occasion d'un discours du budget qu'il faut changer du tout au tout la nature d'un régime aussi complexe, qui implique beaucoup d'éléments de la société. Il y a des changements profonds, et votre commission pourrait recommander qu'on fasse un travail précis et qu'on nous amène les vraies données. Tout à l'heure, monsieur a soulevé la contradiction qui existait dans les données présentées dans le mémoire de la CSN. J'aimerais bien qu'on nous présente de vrais documents avec de vrais chiffres. Quelle a été l'évolution depuis trois ans? Comment les choses se sont-elles passées? À ce moment-là, on serait en mesure de se prononcer. Est-ce que le niveau actuel est satisfaisant ou pas? Je n'ai pas actuellement de réponses à vous donner là-dessus. Je pense qu'il faut surtout éviter de faire des changements précipités sous prétexte qu'il faut corriger une situation et qu'on pense que c'est comme cela qu'on va régler le problème de la pauvreté ou de l'emploi. On ne créera pas de l'emploi en changeant les prestations; on va créer de l'emploi en créant des conditions qui favorisent la création d'emplois. Quand on augmente les charges sociales, on crée du chômage; on ne crée pas de l'emploi. Donc, il est très important de garder cela à l'esprit.

Le président: Monsieur Bakvis.

M. Peter Bakvis: J'aimerais mettre l'accent sur le caractère urgent de la situation. On parlait l'année passée de 43 p. 100 et on parle cette année de 36 p. 100. Qu'est-ce que ce sera l'année prochaine si on ne modifie pas le régime? C'est une situation d'urgence. On est tous préoccupés par la pauvreté. En fait, personne n'a dit le contraire. On a un régime qui, auparavant, était un important pilier du filet social canadien pour s'attaquer à la pauvreté, et il est en train de disparaître à vue d'oeil.

Oui, je suis d'accord qu'on étudie la situation, mais rapidement. On sait qu'il y a beaucoup d'études qui ont été faites; des chiffres sont disponibles. Je ne vois pas pourquoi de telles bonifications du régime ne pourraient pas être mises en place dès le prochain budget, pour 1999-2000.

[Traduction]

Le président: Monsieur Audet, si nous posons ces questions, c'est que nous invitons des experts à ces groupes et que nous tirons parti de la sagesse qu'ils ont acquise au fil des ans. Par conséquent, il arrive parfois que les questions soient plus précises que le thème prévu pour la discussion.

Nous faisons constamment face à un chômage cyclique. Parmi les défis découlant de la signature de divers accords de libre-échange, de la mondialisation et d'autres facteurs également, signalons la nature structurelle du chômage. Étant donné que vous oeuvrez auprès de la population active, je voudrais que vous me disiez si, à votre avis, vous entrevoyez un plafonnement de ce type de chômage, ou si vous pensez que cela demeurera un problème constant.

[Français]

M. Jacques Garon: Je vais donner un élément de réponse. Je pense que c'est un problème qui va continuer pendant au moins les 20 prochaines années. On est en période de transition entre l'économie traditionnelle et l'économie du savoir. Tous les changements technologiques, qui surviennent de plus en plus rapidement, changent de façon graduelle, lentement mais sûrement, les fonctions du travail. Dans ce contexte, je ne vois pas comment on pourrait faire autrement que s'ajuster continuellement aux changements du marché du travail.

Le président: Monsieur Audet.

• 1315

M. Michel Audet: Il y a actuellement un phénomène assez clair, du moins au Québec: les nouveaux emplois qui se créent sont très concentrés dans ce qu'on appelle la nouvelle économie. Ce sont souvent des emplois de travailleurs autonomes; il y a également beaucoup d'emplois à temps partiel. Il y a, dans le marché du travail, une mouvance importante qu'il faut reconnaître. Il y a des problèmes économiques traditionnels, qui ont été soulevés tout à l'heure par le député du Nouveau-Brunswick, mais les vrais problèmes qui se posent actuellement sont au niveau de ces nouvelles tendances de l'économie qui se dessinent et qui vont s'accélérer. Quant à moi, il ne fait aucun doute que ce mouvement va s'accélérer.

Donc, dans notre réflexion, nous devrions nous demander s'il a moyen d'avoir un régime qui permette de protéger ces gens-là, mais en évitant de décourager ces gens de travailler. Par définition, ce sont des entrepreneurs; donc, il faut les inciter à se trouver un emploi. Le travailleur autonome, c'est ça.

Ce n'est pas une situation facile. Cette discussion se fait également aux États-Unis et ailleurs dans le monde. Il serait intéressant qu'il y ait une réflexion élargie sur ce sujet.

Le président: Monsieur Bakvis, suivi de M. Croft.

M. Peter Bakvis: Comme M. Audet et M. Garon, je crois que le phénomène du chômage structurel va continuer. D'ailleurs, M. Martin lui-même, dans son discours du 14 octobre, insistait beaucoup sur l'importance de la mondialisation et de ses impacts, ce qui est décevant, ce qui ne donne aucune réponse.

Comment répondre à cela? On n'a qu'à regarder ce que certains autres pays industrialisés ont fait. Quand l'ALENA a été négocié et mis en place, aux États-Unis, on a créé un programme pour indemniser les travailleurs qui perdraient leur emploi à cause de l'entrée en vigueur de ce traité avec le Mexique et le Canada. Tout le monde est d'accord pour dire que le libre-échange a eu beaucoup plus d'impact au Canada. En Europe, avec l'intégration de l'Union européenne, on a une série de mesures et de fonds pour réinvestir dans les économies régionales qui souffrent des pertes d'emplois et des fermetures d'usines. On a des programmes pour indemniser les travailleurs plus âgés qui peuvent difficilement trouver de l'emploi. C'est très malheureux, mais le Canada, qui a une économie beaucoup plus ouverte que les États-Unis, a plutôt fait le contraire. Le seul programme de soutien du revenu qui existait pour la majorité des travailleurs était l'assurance-chômage, qui est devenue l'assurance-emploi. On a même réduit des programmes comme celui du fonds d'aide pour les travailleurs âgés, un programme qui indemnisait des travailleurs qui se trouvaient dans des entreprises qui fermaient à cause des changements structurels.

Il n'est pas nécessaire d'étudier cela très longtemps pour voir les expériences très probantes et très intéressantes que d'autres pays industrialisés ont cru bon de mettre en place pour faire face à l'impact de la mondialisation.

Le président: Monsieur Croft.

M. Jean-Claude Croft: Un des moyens que le Canada avait trouvés pour stimuler la création d'emplois était les actions accréditives. Par les actions accréditives, le Canada s'était donné un atout majeur pour faire venir de grandes industries et trouver des produits de base, des métaux de base. Quand je parle de produits, je pense par exemple au carbonate de calcium ou à d'autres choses du genre. Quand on parle de métaux de base, on parle du cuivre, et quand on parle de métaux précieux, on parle de l'or. Présentement, en ce qui concerne les actions accréditives, le gouvernement a une attitude... Je ne dirai pas ce que je pense là-dessus. De toute manière, il se trouve que les actions accréditives sont très pénalisées. Si on relance les actions accréditives et qu'on permet à l'industrie, entre autres à l'industrie minière, de faire de la recherche et du développement, on va de nouveau créer de l'emploi et on va redevenir le concurrent numéro 1 au monde. Présentement, on fait des produits de base et on vend des produits bruts. Essayons d'aller plus loin et de faire des produits finis au lieu de vendre du fer à 1c. la tonne, comme l'ont fait dans le passé certains premiers ministres.

[Traduction]

Le président: Je vais simplement revenir sur une chose que vous avez dite, monsieur Croft. Lorsque M. Martin a comparu devant notre comité, il a signalé, entre autres, que les pays étrangers avaient une vision dépassée du Canada. Autrement dit, ils ont une perception du Canada qui date probablement de 20 ou 30 ans. À en juger par vos commentaires, vous avez essentiellement dépeint le Canada d'hier. Je me demande s'il n'y a pas lieu de faire davantage d'efforts pour présenter une vision contemporaine du Canada, non seulement à l'intention des étrangers, mais aussi des Canadiens. En fait, cela pourrait nous aider à mieux comprendre dans quel sens il faut intervenir.

• 1320

[Français]

M. Jean-Claude Croft: Qu'est-ce que vous entendez par la vision ancienne du Canada?

[Traduction]

Le président: Essentiellement, le Canada que vous avez décrit est un pays axé sur les matières premières alors que dans son discours de mise à jour financière et économique, le ministre Martin a parlé d'un Canada dont le taux de productivité est en hausse. Il a parlé d'un Canada où l'outillage, l'équipement et les produits automobiles représentent une part plus importante de nos exportations que les matières premières depuis 1992.

Je me demande simplement si les Canadiens n'ont pas un peu de rattrapage à faire pour ce qui est de comprendre leur propre économie et si on ne devrait pas actualiser leur vision du pays avant d'essayer de convaincre les étrangers que le Canada a changé, que c'est un pays d'avant-garde, un Canada bien différent de celui d'il y a 20 ou 30 ans.

[Français]

M. Jean-Claude Croft: Savez-vous quel pourcentage du cuivre est traité au Canada? Le cuivre sort du Canada sous forme de produit brut, il est transformé dans des pays étrangers et il nous revient sous forme de produit fini. Je crois qu'ici, au Canada, les gens ont la compétence nécessaire pour effectuer cette transformation. Le seul petit coup de main dont on a besoin, ce sont des prêts sans intérêt. Je n'ai pas parlé de subventions, mais de prêts sans intérêt de notre gouvernement pour remplacer ce qu'on doit payer à la banque.

Je dois payer un minimum de 25 000 $ par mois juste en frais bancaires pour pouvoir gérer mon business. Si on avait des prêts sans intérêt, cela nous permettrait de relancer l'économie beaucoup plus rapidement puisqu'on pourrait faire des produits finis, d'autant plus que notre dollar est faible actuellement, ce qui nous facilite l'exportation.

[Traduction]

Le président: D'accord, merci.

Monsieur Stinson.

M. Steven Stinson (directeur, Questions commerciales et financières, Association canadienne des pâtes et papiers): J'aimerais réagir au tableau que vous brossez de l'économie canadienne.

Il est très important de reconnaître que les industries dites traditionnelles sont toujours extrêmement présentes dans notre économie. Si vous vous rendiez dans certaines régions reculées du pays qui dépendent de l'industrie forestière, minière ou pétrolière, vous vous rendriez compte que les problèmes auxquels ces secteurs font face sont très réels. Ils ne voient guère leur salut dans la transition vers l'âge de l'information dont les ministres du cabinet font tant de cas. Je ne veux pas dire par là que ces entreprises traditionnelles sont fermées au progrès. Au contraire, elles appliquent les technologies qu'elles empruntent d'autres secteurs. Cependant, il faut reconnaître qu'elles continuent de représenter un volet important de notre économie.

J'avoue avoir été quelque peu intrigué par les propos du ministre Martin. Il a présenté comme un succès politique le fait que nous avions progressé pour passer d'une économie fondée sur les ressources à une économie non fondée sur les ressources—ce qui veut dire sans doute la haute technologie. Prenons l'exemple de l'industrie forestière. La demande mondiale de produits forestiers et de pâtes et papiers a connu une hausse, mais ce qui s'est passé, c'est que nous nous sommes retrouvés à la remorque. Nous sommes encore le plus gros exportateur de pâtes et papiers au monde, mais les investisseurs ont privilégié d'autres pays. Nous sommes à la remorque des pays scandinaves, de l'Europe de l'Ouest, du Japon et des États-Unis.

Nous sommes presque stigmatisés du fait que notre industrie exploite les ressources, et nous voulons que cela cesse. Il faut faire attention de ne pas être si fascinés par cette nouvelle économie qu'on n'accorde plus aucune attention aux problèmes fondamentaux de l'ancienne économie.

Comment utiliser ces technologies dans nos industries de façon à augmenter nos avantages? Il est intéressant de comparer notre situation à celle d'autres pays dont la Norvège et la Finlande, des pays où l'on exploite également largement les ressources. Le niveau de vie est plus élevé dans ces pays qu'ici. Ces pays, et plus particulièrement la Finlande, ont décidé de considérer l'ensemble de leurs produits forestiers comme une source d'avantage concurrentiel. Ces pays sont parmi les premiers fournisseurs de technologies de production des pâtes et papiers pour toute l'industrie, à l'échelle internationale.

• 1325

En passant, Nokia, l'un des plus grands fournisseurs de technologies de télécommunications cellulaires et numériques, a réalisé ses premiers profits en fournissant ses services au secteur forestier. Nous devons examiner ces industries et le rôle que jouent nos fournisseurs, voir comment ces fournisseurs peuvent miser sur ces services et sur les marchés pour desservir l'industrie des produits forestiers partout au monde tout en misant sur les technologies qu'ils ont mises au point à l'égard d'autres produits et d'autres marchés.

Le président: Je laisserai M. Taillon faire la dernière observation.

[Français]

M. Gilles Taillon: Je voudrais corriger une chose qu'a dite M. Bakvis. Il a oublié de dire qu'il y avait une entente Canada-Québec de 500 millions de dollars par année pour les trois prochaines années pour l'adaptation de la main-d'oeuvre. Donc, il ne faudrait pas dire qu'il n'y a rien.

M. Peter Bakvis: Je ne sais pas à quoi M. Taillon fait allusion. Je n'ai pas parlé de cette entente, mais s'il veut en parler, cela me fera plaisir.

M. Gilles Taillon: J'avais cru comprendre—j'ai peut-être mal compris—qu'il n'y avait pas d'adaptation de la main-d'oeuvre au Canada.

M. Jean-Claude Croft: J'ai dit quelque chose à ce sujet. J'ai dit qu'il y avait beaucoup de paperasse mais très peu d'action.

M. Gilles Taillon: Je suis d'accord avec vous là-dessus. Je n'ai pas dit que ces 500 millions de dollars étaient bien utilisés, mais ils sont quand même là.

M. Jean-Claude Croft: Il y a de l'argent là, mais...

[Traduction]

Le président: Ce serait un bon sujet de conversation pour l'heure du déjeuner. Vous devriez peut-être déjeuner ensemble.

Au nom du comité, je vous remercie beaucoup.

La séance reprendra à 14 h 20.

• 1327




• 1428

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Bon après-midi. Conformément au mandat que lui confèrent le paragraphe 108(2) et l'article 83.1 du Règlement, le Comité des finances reprend ses consultations prébudgétaires.

Cet après-midi, les témoins suivants participeront aux délibérations de notre comité: de la Fédération étudiante collégiale du Québec, M. Mathieu Painchaud; de la Fédération étudiante universitaire du Québec, M. Pascal Bérubé, vice-président, et Alexis Boyer-Lafontaine, coordonnateur à la recherche sociopolitique; d'Alliance Québec, M. Harold Chorney,

[Traduction]

président; de Développement et paix—organisation catholique canadienne pour le développement et la paix,

[Français]

M. Jean-Claude LeVasseur, président du Conseil national, et M. Jacques Bertrand, attaché de recherche; du Projet Genèse,

[Traduction]

Gary Saxe, organisateur communautaire, et Alice Herscovitch, directrice générale; également, M. Hugh Rowe, conseiller financier de DPM Securities Inc., qui témoignera à titre personnel.

• 1430

[Français]

Nous invitons habituellement chaque témoin représentant une organisation à faire une présentation de cinq à dix minutes, après quoi nous passons à la la période des questions des députés. Je suivrai probablement le même ordre que plus tôt et céderai la parole aux représentants de la Fédération étudiante collégiale du Québec, à qui je souhaite la bienvenue.

M. Pascal Bérubé (vice-président, Fédération étudiante universitaire du Québec): Merci beaucoup, monsieur le président. Permettez-moi d'abord de présenter l'organisme que je représente.

La Fédération étudiante universitaire du Québec regroupe 15 associations étudiantes universitaires dans toutes les régions du Québec et à chacun des cycles d'études, tant au baccalauréat qu'à la maîtrise et au doctorat. Notre fédération défend les intérêts académiques ainsi que les conditions socioéconomiques des étudiants universitaires québécois.

M. Mathieu Painchaud (coordonnateur à la recherche, Fédération étudiante collégiale du Québec): De mon côté, je représente la Fédération étudiante collégiale du Québec, qui regroupe une vingtaine d'associations étudiantes du milieu collégial au Québec et 90 000 étudiants. Nous avons à coeur de promouvoir leurs intérêts, autant de nature académique que sociopolitique.

M. Pascal Bérubé: Nos fédérations se sont réunies pour déposer devant vous ce mémoire aujourd'hui. Nous tenons à vous remercier de nous permettre de vous soumettre ce mémoire et de vous présenter nos positions face à l'utilisation des surplus budgétaires. Ce n'est pas d'hier que nos fédérations s'intéressent à la question budgétaire, tant à Québec qu'à Ottawa, d'autant plus dans des situations où on nous demande nos suggestions quant à leur utilisation.

Nos recommandations s'inscrivent en droite ligne avec les revendications que nous avons exprimées au cours des quelques dernières années dans des mémoires précédents. Ainsi, vous retrouverez dans ce mémoire nos positions face au Transfert social canadien et à d'autres sujets.

Les décisions budgétaires des dernières années, il faut se le rappeler, n'ont pas été sans conséquences sur la situation financière du gouvernement québécois, et c'est là-dessus que nous insisterons aujourd'hui.

M. Mathieu Painchaud: En effet, comme mon collègue l'a souligné, les recommandations que nous émettons aujourd'hui sont en droite ligne avec celles que nous avions déjà émises lors de consultations antérieures, entre autres en ce qui a trait au TCSPS, où nous demandions qu'il y ait réinvestissement pour revitaliser les programmes sociaux dans toutes les provinces canadiennes. Nous traitons également de la question de l'assurance-emploi et recommandons que le surplus soit utilisé pour améliorer les conditions des travailleurs qui perdent leur emploi.

Dans ce mémoire, nous traitons également de la recherche et des conseils subventionnaires. L'enjeu de la recherche au Canada est très important pour les deux fédérations et nous avons tenu à soulever cette question. Nous parlons aussi brièvement de la fiscalité, recommandant une fiscalité plus progressive pour l'ensemble de la population canadienne. Tels sont les enjeux majeurs sur lesquels nous nous sommes penchés dans ce mémoire.

M. Pascal Bérubé: Reportons-nous d'abord, si vous le permettez, en 1995, au moment où le gouvernement fédéral a entrepris une vaste réforme générale des transferts aux provinces. Les transferts ont alors pris la forme d'une contribution globale regroupant à la fois la santé, l'aide sociale et l'enseignement postsecondaire. Cette nouvelle formule, appelée Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, a pour caractéristique principale de ne plus lier les provinces quant à la redistribution de l'enveloppe budgétaire. Les provinces peuvent maintenant utiliser comme bon leur semble ces montants.

Cette réforme a été accompagnée d'une réduction majeure des montants des transferts. À l'échelle canadienne, les montants au titre du TCSPS, depuis sa création, ont été réduits de façon substantielle. Les transferts aux provinces sont passés de 27,1 milliards de dollars en 1994 à 20,3 milliards de dollars en 1998.

Les compressions dans les transferts créent une pression énorme sur la situation financière des provinces, et on en sait quelque chose en matière d'éducation. De toute évidence, la réduction du déficit fédéral s'opère par un pelletage savant des réductions budgétaires vers les gouvernements provinciaux.

Outre le fait de ralentir le processus d'assainissement des finances publiques du gouvernement du Québec, les coupures du Transfert social canadien se répercutent concrètement dans le secteur de l'éducation supérieure. Cette diminution se traduit concrètement par des compressions nettes, tant dans les collèges que dans les universités, de plus de 280 millions de dollars depuis 1997-1998.

Il y a un consensus qui existe au Québec sur la nécessaire protection des programmes sociaux en parallèle avec la lutte au déficit qui est menée actuellement. En matière d'éducation, par exemple, l'effet des compressions va exactement dans le sens opposé des orientations prônées par le gouvernement dans son dernier budget, soit l'importance de l'économie du savoir et l'accès aux études postsecondaires.

Le plafonnement actuel du TCSPS à 12,5 milliards de dollars met aussi en lumière une autre problématique. Est-ce que ce niveau est suffisant pour assurer un financement stable des programmes sociaux au Canada? Voilà une question fort pertinente.

• 1435

Pour nous, tant au niveau collégial qu'universitaire dans le mouvement étudiant québécois, il est clair que le financement de l'éducation postsecondaire est une priorité au Québec et que les compressions dans ce secteur portent atteinte à la qualité de la formation et à l'accessibilité. Est-il nécessaire de rappeler les engagements du gouvernement, contractés lors de la campagne électorale de 1997, de consentir 50 p. 100 des surplus budgétaires au financement des programmes sociaux?

Nous souhaitons que le gouvernement rétablisse le Transfert social canadien au niveau de 1994.

M. Mathieu Painchaud: En ce qui a trait à l'assurance-emploi, notre discours est le même, comme je l'ai déjà mentionné, que celui que nous tenons depuis longtemps. Le gouvernement Chrétien a déclaré à de nombreuses reprises vouloir améliorer le filet de protection sociale pour garantir aux Canadiens ce que le gouvernement aime appeler l'égalité des chances. Selon nous, pour garantir vraiment l'égalité des chances, le gouvernement doit avoir à coeur de protéger les travailleurs lorsqu'ils perdent leur emploi.

Avant la réforme de l'assurance-emploi, alors qu'on l'appelait assurance-chômage, 70 p. 100 des chômeurs canadiens étaient admissibles et recevaient des prestations de chômage. Après la réforme, ce taux a chuté à 40 p. 100. Selon nous, c'est inadmissible et ce taux-là devrait augmenter de façon importante au cours des prochaines années.

Nous devons nous pencher sur le cas des jeunes qui sont surtout ceux qui ont des emplois précaires, qui ont besoin de prestations et qui, présentement, ne les ont pas, la situation de l'emploi étant ce qu'elle est. Beaucoup d'eux s'adonnent au travail à la pige et sont des travailleurs autonomes. C'est ce genre de choses qui font en sorte que les jeunes se retrouvent dans des situations économiques difficiles.

Selon nous, le gouvernement doit réinvestir les surplus de la caisse d'assurance-emploi pour améliorer la protection des travailleurs canadiens. Ce ne doit pas être une taxe à l'emploi, mais bien une protection pour les travailleurs.

Il faut également tenir compte du fait qu'au Canada, chez les jeunes, la croissance de l'emploi a été négative; il y a eu 500 000 pertes d'emplois entre 1988 et 1997. Je crois que cette situation est suffisamment significative pour envoyer un message clair au gouvernement, à savoir qu'il doit réinvestir dans la protection des travailleurs.

Nous recommandons que les surplus de la caisse d'assurance-emploi ne soient plus utilisés par le gouvernement pour autre chose que la protection des chômeurs et que l'on étende la couverture à un plus grand nombre de travailleurs, notamment en abaissant le nombre d'heures nécessaires pour être admissible au régime.

M. Pascal Bérubé: Les débats qui ont émané de la rencontre des premiers ministres provinciaux à Saskatoon et leurs discussions sur l'union sociale canadienne nous inspirent également une réflexion qui est intimement liée au débat sur l'utilisation des surplus.

Au centre de ce débat se retrouve le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral, qui fait craindre le pire à plusieurs analystes, parce que la pression pour créer de nouveaux programmes sera très forte.

Le gouvernement a le devoir de respecter les provinces dans leurs champs de compétence exclusive. Il ne doit surtout pas céder à la tentation de rechercher de la visibilité à tout prix, au détriment de la population. Un exemple très probant est celui de la Fondation des bourses d'études du millénaire, une fondation à laquelle nous sommes opposés depuis le début et qui démontre clairement une volonté du gouvernement fédéral d'empiéter dans un champ de juridiction provinciale et de rechercher de la visibilité.

Rappelons également le consensus atteint par les provinces lors de cette réunion de Saskatoon. D'abord, le gouvernement ne doit pas créer ou modifier des programmes sociaux nationaux sans le consentement des provinces. Ensuite, il a le devoir de compenser pleinement les provinces si elles décident de se retirer. L'élaboration des normes nationales doit, par ailleurs, se faire en collaboration avec les provinces. Finalement, il doit y avoir un mécanisme de résolution qui pourra permettre de s'assurer que les normes nationales ont été respectées par les provinces.

En somme, après toutes les coupures qui ont été faites au cours des dernières années et après tout l'exercice budgétaire effectué par le gouvernement fédéral depuis son arrivée au pouvoir, il nous apparaît clairement que ces sacrifices qui ont été faits sur le dos de personnes très démunies, dont les étudiants et les chômeurs, doivent permettre un repositionnement de l'action gouvernementale, notamment dans les programmes sociaux. Une promesse très claire dans le Livre rouge du Parti libéral dit que 50 p. 100 des surplus seront réinvestis dans le Transfert social canadien, dans les services de santé, dans l'éducation et dans les programmes sociaux. Nous tenons à ce que cette promesse soit respectée.

Nous souhaitons également que le gouvernement fédéral évite encore une fois d'empiéter sur les champs de compétence provinciale, comme dans le cas de la Fondation des bourses d'études du millénaire, et ne soit pas tenté de créer de nouveaux programmes pour s'assurer une plus grande visibilité. C'est un consensus qui existe déjà au sein des provinces, et nous y adhérons pleinement.

• 1440

Nous reprendrons une par une les principales recommandations que nous avons formulées: que le gouvernement utilise les surplus budgétaires de façon à rétablir le Transfert social canadien au niveau de 1994, en retournant aux provinces les fonds indûment coupés dans la nouvelle enveloppe du Transfert social canadien; que le gouvernement respecte son engagement d'augmenter le budget des conseils subventionnaires de 400 millions de dollars au cours des prochaines années; que le gouvernement réaffirme sa volonté d'investir dans l'économie du savoir et la recherche-développement en exposant à la population canadienne un plan d'action pour les prochaines années qui fera état à la fois des perspectives de financement et des orientations stratégiques à mettre en oeuvre; que les surplus de la caisse de l'assurance-emploi ne soient plus utilisés par le gouvernement—cela doit être clair; que l'on étende la couverture à un plus grand nombre de travailleurs, notamment en abaissant le nombre d'heures nécessaires pour être admissible au régime; que le gouvernement rétablisse la progressivité de l'impôt; qu'il annexe de façon complète les tranches d'imposition; qu'il élimine une part importante des abris fiscaux; et, enfin, qu'il répartisse une plus grande part du fardeau fiscal vers les entreprises.

C'était la présentation des fédérations étudiantes québécoises.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, messieurs.

Monsieur Chorney, je vous invite à faire votre présentation.

M. Harold Chorney (président du conseil, Alliance Québec): Je commencerai par vous présenter un bref sommaire en français, après quoi je m'exprimerai en anglais.

J'aimerais parler de la question des paiements de transfert inadéquats pour garantir à notre communauté l'accès aux services dans sa langue, tout particulièrement dans les domaines social et de la santé. Je soulèverai aussi le fait que, comparativement aux communautés minoritaires linguistiques hors Québec, on ne nous accorde pas une part juste et équitable des fonds. Je traiterai du problème du ralentissement de l'économie et d'un taux d'intérêt réel trop élevé, ainsi que de la nécessité de stimuler l'économie pour éviter une nouvelle récession. Je parlerai du rôle de la politique fiscale et de la politique monétaire dans ces circonstances, ainsi que des changements vis-à-vis de ces questions, et particulièrement du retour à une approche qui mette l'accent sur la demande plutôt que sur l'offre, de la réémergence des idées de John Maynard Keynes et peut-être, je l'espère, de l'éclipse de l'influence de Milton Friedman.

[Traduction]

Comme vous le savez, Alliance Québec est le plus grand organisme communautaire représentant la communauté anglophone du Québec. Comme nous l'avons dit l'année dernière, et comme nous le répéterons maintenant, nous estimons que notre financement n'est pas suffisant comparativement à celui des autres minorités linguistiques hors Québec.

Nous nous inquiétons plus particulièrement de l'accès aux services de soins de santé et aux services sociaux. Dans ce domaine, il y a eu au cours des cinq dernières années des compressions budgétaires constantes ou des réductions dans les transferts du gouvernement fédéral et du financement venant de la province. En raison de ces réductions, il est de plus en plus difficile de garantir cet accès à notre communauté. Nous vous demandons donc d'étudier soigneusement cette question, d'examiner les accords qui ont régi cette relation par le passé et de rétablir le financement à ses niveaux antérieurs. Nous aimerions que soit signé un nouvel accord quinquennal qui garantisse une grande disponibilité de cet accès et de ces services essentiels à quoi servent ces transferts, et que le niveau de financement soit rétabli.

Nous demandons, bien sûr, que le Québec paie également sa juste part. Il n'en faut pas moins pour garantir l'avenir de la minorité anglophone du Québec. Après tout, ce sont nos aînés et nos malades qui sont en cause. Les gens ont besoin d'un tel sentiment de sécurité lorsqu'ils sont malades. Ils doivent avoir accès à des services dans leur propre langue—et cela s'applique également aux autres services sociaux, par exemple lorsque des familles traversent des crises. Cet accès est absolument essentiel, et cela ne représente pas des sommes si élevées. Il s'agit de sommes relativement faibles, comparativement aux énormes engagements du gouvernement fédéral.

La fourniture de ces services présente des avantages indirects du point de vue de l'emploi, et il faut avouer que le gouvernement est maintenant mieux en mesure que dans le passé de fournir l'argent nécessaire. Nous soumettons donc avec le plus grand respect que vous devriez revoir les compressions qui ont été effectuées dans ce domaine et négocier avec le Québec et la communauté anglophone de la province une nouvelle entente.

• 1445

Nous avons présenté un mémoire initial en juillet. Dans ce mémoire, nous insistions, et moi plus particulièrement, sur le problème des taux d'intérêt et l'économie. Nous disions dans cette première version de notre mémoire que la Banque du Canada avait tort d'augmenter les taux d'intérêt, que cela ne résoudrait pas le problème du taux de change du dollar et que cela aurait certainement des effets négatifs sur la reprise économique, la réduction du taux de chômage et les attentes générales à l'égard de l'avenir de l'économie.

Depuis la rédaction de ce document, les événements ont évolué très rapidement et, comme dans la plupart des domaines, le temps influe sur la nature de l'analyse économique et les conseils que l'on peut offrir en matière de politique. Depuis que nous avons rédigé notre mémoire, la Banque est intervenue et les taux d'intérêt ont augmenté, ce qui rend encore plus pressant le besoin de réduire les taux d'intérêt et de stimuler l'économie.

L'avantage qu'il y avait pour la Banque du Canada à augmenter les taux d'intérêt pour contrer la spéculation contre le dollar canadien s'est en grande partie évanoui. Nous sommes maintenant en mesure de voir qu'il a pu être utile de façon temporaire d'augmenter les taux d'intérêt et de consolider la valeur de la devise, mais que cette mesure n'a plus beaucoup d'effet, bien que j'aie remarqué que la valeur du dollar avait augmenté ce matin. Mais il y a d'autres facteurs en cause.

La décision de la Réserve fédérale américaine de réduire ses taux pour tuer dans l'oeuf un grand ralentissement de l'économie, l'effondrement des valeurs boursières et la panique financière qui règne aux États-Unis et dans d'autres pays sont les principaux facteurs d'influence auxquels le Canada doit maintenant d'adapter. En outre, les changements politiques en Allemagne accroîtront, semble-t-il, les pressions qui seront exercées en vue d'une réduction des taux d'intérêt en Europe et d'une nouvelle attaque contre le chômage, ce qui mettra l'accent sur la demande, plutôt que sur l'offre.

Dans le Financial Times—qui est l'équivalent du Wall Street Journal en Europe, on trouvait le 26 octobre 1998, à la page 14, un article intitulé Return to Keynes. Cet article parlait de la résurgence de l'orientation keynésienne au gouvernement allemand en raison de la nomination de M. Oskar Lafontaine au poste de ministre des Finances. On y parlait de la possibilité d'une alliance entre la France et l'Allemagne, et peut-être aussi d'autres pays européens, pour préconiser cette orientation au G-7.

À mon avis, il s'agit d'un changement très important dans le climat économique, en matière de politique, et j'exhorte notre gouvernement à s'y montrer attentif. Il aura maintenant l'occasion de constituer des alliances qui n'étaient pas possibles auparavant.

Les banques centrales de tous les pays ont mis beaucoup de temps à reconnaître le changement dans la psychologie de marché qui s'est produit depuis l'époque inflationniste antérieure. Elles continuent de livrer bataille dans des guerres qui n'existent plus. Le retard dans l'adaptation de nos banques centrales à ces nouvelles attentes constitue en fait un obstacle grave à la réduction du chômage et au maintien de la reprise économique.

Au Canada, les taux d'intérêt sont beaucoup trop élevés pour que l'on puisse appuyer la reprise et diminuer considérablement les taux de chômage. J'ai été heureux de constater que notre ministre des Finances a longtemps résisté à l'idée qu'il existe une sorte de taux de chômage naturel d'environ 8 p. 100. En fait, M. Martin a eu raison dans son scepticisme, et j'ai toujours trouvé que c'était une bonne chose. Pour moi comme pour d'autres économistes, il est clair que nous pourrions facilement ramener les taux de chômage au Canada sous la barre des 5 ou 6 p. 100, sans pour cela faire de grands efforts, mais il faudrait que la Banque du Canada apporte des changements radicaux à ses politiques.

Le taux d'intérêt réel aujourd'hui, calculé à partir du taux de rendement des actions à long terme, est d'à peu près 5 p. 100. Calculé en fonction du taux d'intérêt préférentiel, il est bien sûr plus élevé, à près de 6,5 p. 100. Puisque les prévisions d'inflation sont maintenant nulles ou même négatives, personne ne s'attend à ce que notre économie subisse maintenant une inflation, sauf quelques obsédés du marché financier et les gens des banques centrales—on estime que l'inflation ne constitue pas un problème à l'heure actuelle. Le problème, c'est un risque de crise financière, d'une récession profonde et d'une chute des prix—une déflation plutôt qu'une inflation.

Compte tenu de ce que nos taux sont élevés et de ce que, durant les 70 dernières années, les taux d'intérêt réels ont été en moyenne de 2 p. 100, cela signifie que les taux d'intérêt sont de 4 à 5 p. 100 plus élevés que par le passé et j'affirme, avec l'appui d'une bonne partie de l'Alliance—il y a bien sûr quelques dissensions—que ces taux doivent être réduits aussitôt que possible.

• 1450

Quels que soient les risques en matière de taux de change, ils devraient être tolérés pendant une brève période où, à mon avis, ils seraient relativement tolérables. D'autres facteurs régissent les taux de change, et les marchés financiers ne font pas toujours preuve d'un degré particulier de rationalité. Nous pouvons le constater maintenant, les preuves en sont très claires.

Il faudrait rappeler à nos institutions financières qui, bien sûr, spéculent à l'occasion contre notre propre devise, à quel point il est déstabilisant pour l'économie de s'attaquer à outrance à notre devise. Cela s'applique plus particulièrement à certains plans de fusion et d'acquisition de nos institutions financières, plans que ces institutions aimeraient bien voir approuvés par le gouvernement.

Pour conclure, je soulignerai de nouveau qu'Alliance Québec estime depuis longtemps que la communauté anglophone est une sorte de parent pauvre en ce qui concerne le financement des programmes. Nous estimons qu'il est essentiel de réinvestir dans les domaines qui permettront l'accès aux soins de santé et aux services sociaux. En sa qualité de députée et, je crois, de coprésidente du Comité permanent mixte des langues officielles, Mme Finestone a fait remarquer lors d'une audience du comité mixte, en mai dernier, que le groupe linguistique minoritaire du Québec est loin de recevoir sa juste part. Certains d'entre vous ont reçu des exemplaires de ce document, si vous voulez le consulter. Il existe une vaste disproportion dans les chiffres, et je vous demande de le reconnaître et d'essayer de corriger cette situation.

Enfin, nous aimerions que l'économie fasse l'objet d'une orientation plus stimulante. Nous souhaitons que les taux d'intérêt soient diminués et que la minorité linguistique du Québec soit traitée plus justement.

Merci bien.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Chorney.

Je vais maintenant donner la parole à

[Français]

M. LeVasseur et M. Bertrand, du mouvement Développement et Paix, Organisation catholique canadienne pour le développement et la paix. Soyez les bienvenus, messieurs.

M. Jean-Claude LeVasseur (président du Conseil national, Développement et Paix): Bonjour, monsieur le président et membres du Comité des finances. Je vous prie de nous excuser de n'avoir pas distribué la version anglaise de notre document. Nous n'avons pas été en mesure de le faire, mais le texte anglais vous parviendra d'ici la fin de la semaine.

Nous vous remercions de votre invitation à participer à cette consultation en vue du prochain budget fédéral. Les choix budgétaires du gouvernement canadien sont importants puisqu'ils affectent, en bien ou en mal, la vie de millions de personnes, non seulement au Canada mais aussi dans plusieurs pays du tiers monde.

Développement et Paix est l'une des plus importantes organisations de solidarité internationale au Canada. Depuis plus de 30 ans, nous avons attribué plus de 310 millions de dollars au soutien de 12 000 programmes menés par des gens pauvres et marginalisés, afin d'améliorer l'économie, l'agriculture, les soins de santé, l'éducation et l'alphabétisation sur le plan local. Développement et Paix aide également des groupes de défense des droits de la personne et a fourni des secours d'urgence dans plus de 60 pays du monde. L'Église catholique du Canada exprime ainsi sa préoccupation envers les plus pauvres du tiers monde.

Notre organisme repose sur les efforts de sensibilisation et de mobilisation du public menés par nos milliers de membres dans toutes les régions du pays. Leur travail de solidarité les amène aussi à s'intéresser aux problèmes que nous vivons au Canada.

Au sujet des priorités fiscales du prochain budget, il nous semble évident que le gouvernement doit s'attaquer de façon plus urgente que jamais à la pauvreté. Le tiers monde n'existe pas qu'au Sud. Le tiers monde est aussi chez nous dans plusieurs communautés autochtones, dans certains quartiers de nos grandes villes et dans bien des régions rurales.

Cette pauvreté grandissante n'est pas le produit du hasard ou de la fatalité. Elle est largement liée à des choix économiques et politiques. Nous avons peut-être atteint l'équilibre budgétaire, mais ce prétendu exploit a été réalisé en grande partie sur le dos des chômeurs. La réforme de l'assurance-emploi y est pour beaucoup.

Les énormes surplus générés par la caisse de l'assurance-emploi favorisent ainsi le rétablissement des finances du gouvernement, mais ils contribuent aussi directement à accroître la pauvreté. Cette tendance doit être inversée.

• 1455

Nous avons maintenant 5,2 millions de Canadiens et de Canadiennes qui vivent sous le seuil de la pauvreté, soit 500 000 de plus qu'il y a cinq ans. Chez les enfants, le taux de pauvreté atteint son plus haut niveau depuis le début des années 1980. La Chambre des communes avait pourtant promis, en 1989, d'éliminer la pauvreté chez les enfants avant l'an 2000. Vue de l'étranger, il faut l'admettre, la pauvreté des enfants semble en voie de devenir une caractéristique de notre pays.

La pauvreté s'est accrue malgré la croissance économique des dernières années. Où sont donc passés les bénéfices de cette croissance? La réponse devient évidente, à la lumière d'autres statistiques, indiquant que les pauvres s'appauvrissent davantage et que les riches s'enrichissent.

Le gouvernement a pourtant pour rôle de veiller à la redistribution équitable de la richesse. Nous pensons que le gouvernement doit, à l'intérieur de son champ de compétence et en collaboration avec les provinces, redonner la priorité aux programmes sociaux.

Par ailleurs, la fiscalité canadienne semble toujours aussi inéquitable. Comment peut-on justifier de façon éthique que de grandes entreprises canadiennes paient des impôts à un taux beaucoup plus bas que les contribuables canadiens et que plusieurs de ces grandes compagnies ne paient même aucun impôt? Le gouvernement canadien devrait adopter des mesures visant à alléger le fardeau fiscal des foyers à revenu faible ou moyen. Pour contrebalancer ces concessions, il devrait accroître ses revenus provenant des personnes et des entreprises qui profitent le plus de la croissance économique.

Dans un contexte plus large, le gouvernement canadien devrait aussi mettre de l'avant, sur le plan international, un instrument du type de la taxe proposée par James Tobin, Prix Nobel de l'économie. Il ne manque à ce projet que la volonté politique de le mettre en place. Voila pour le Canada une occasion de faire preuve de vision et de leadership.

Notre gouvernement proclame que, sur le plan économique, le Canada doit s'ouvrir à l'étranger. Mais le monde est plus qu'une simple «occasion de faire des affaires».

La pauvreté mondiale demeure un problème très grave; 4,3 milliards de personnes, c'est-à-dire 80 p. 100 de l'humanité, doivent survivre avec moins de 2 $ par jour et 800 millions n'ont pas de quoi manger suffisamment. La solution est loin d'être ruineuse.

Face à ce défi, les pays développés n'ont jamais aussi peu donné. L'aide publique au développement canadienne est tombée à 0,27 p. 100 du PNB en 1998-1999, ratio qui n'a jamais été aussi faible depuis 1968-1969. Le Canada a fait marche arrière alors qu'il s'était engagé, avec d'autres pays, à consacrer 0,7 p. 100 de son PNB à l'aide internationale.

L'aide publique au développement du Canada a été coupée de plus de 40 p. 100 depuis 1991-1992, ce qui dépasse largement la baisse des dépenses générales, soit 24 p. 100, ou celle du budget de la défense, 29 p. 100. Par ces coupures des dernières années, le Canada a malheureusement perdu le mérite de la bonne réputation qu'il s'était faite sur le plan international.

Non seulement cette aide a-t-elle diminué de façon importante pour les gens du Sud, mais elle bénéficie en grande partie à des intérêts commerciaux canadiens. Soixante-dix pour cent de chaque dollar canadien alloué au développement servent à payer des biens et services canadiens, alors qu'à peine 0,2 p. 100 de l'aide publique au développement est affectée aux soins de santé primaire.

Pour combattre véritablement la pauvreté, le gouvernement doit réaffirmer son engagement de consacrer 0,7 p. 100 de son PNB à l'aide publique au développement.

• 1500

Comme d'autres organisations non gouvernementales, nous proposons que le gouvernement fasse augmenter cette aide de 6 p. 100, soit 120 millions de dollars, dans le budget fédéral de 1999-2000, en se dotant d'un calendrier de regain de la croissance de l'aide publique au développement, posant comme objectif initial 0,35 p. 100 du PNB d'ici l'an 2005-2006.

De plus, il faudrait réserver au moins 60 p. 100 de l'aide en privilégiant les programmes qui améliorent directement les conditions de vie et les droits des gens vivant dans la pauvreté. Nous aidons beaucoup mieux les populations du tiers monde lorsque nous appuyons directement les organisations de la société civile de ces pays plutôt que les entreprises canadiennes.

Une autre façon pour le Canada de combattre la pauvreté serait d'effacer la dette bilatérale des pays les plus pauvres, particulièrement les dettes exigibles par la Société pour l'expansion des exportations et la Commission canadienne du blé. De nombreuses organisations internationales favorisent cette mesure, qui serait assortie d'un engagement de la part des pays du Sud d'investir les économies ainsi réalisées dans des domaines de base tels que la santé et l'éducation. Cette contribution s'ajouterait aux augmentations prévues de l'aide publique au développement.

En terminant, monsieur le président, avec un budget qui affiche des surplus, nous croyons qu'il est temps que le gouvernement montre clairement une option préférentielle envers les défavorisés d'ici et d'ailleurs. Le défi de la pauvreté peut sembler insurmontable, mais il est, en fait, tout à fait réalisable. La richesse et les ressources existent autant au plan national qu'international. C'est une question de volonté politique. Voilà pourquoi nous apprécions l'invitation que vous nous avez faite de témoigner devant vous aujourd'hui.

Je vous en remercie au nom de tous les membres de notre mouvement. Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur LeVasseur. Je demanderai maintenant à Mme Herscovitch de nous faire son exposé.

[Traduction]

Mme Alice Herscovitch (directrice générale, projet Genèse): Pour commencer notre exposé, permettez-moi de citer Paul Martin dans sa mise à jour économique et financière publiée le 14 octobre 1998. Il dit:

    Je suis heureux d'annoncer que pour la première fois en plus d'une génération, le gouvernement du Canada a enregistré un excédent—de 3,5 milliards de dollars.

    Ce montant a servi directement à rembourser la dette nationale.

Même si nous sommes heureux d'avoir la possibilité de vous faire part de notre opinion et que nous sommes prêts à le faire dans de nombreux domaines de la politique sociale, nous n'entretenons plus d'illusions quant au sens du mot consultation. La consultation sert à préciser ce que le gouvernement du Canada, ou du moins le ministre des Finances, a déjà décidé.

[Français]

Qui sommes-nous? Nous sommes un organisme communautaire qui travaille dans le quartier Côte-des-Neiges de Montréal, un quartier qui accueille des immigrants et des revendicateurs du statut de réfugié, un quartier où la pauvreté ne cesse d'augmenter et où plus de 50 p. 100 des individus et plus de 44 p. 100 des familles vivent sous le seuil de la pauvreté.

Nous travaillons auprès des personnes défavorisées. Pour nous, cela veut dire les personnes à faible revenu, des personnes âgées, des immigrants, des personnes qui ont un faible niveau de scolarité. À notre avis, les mesures gouvernementales, non seulement celles du gouvernement fédéral mais aussi celles de tous les niveaux de gouvernement depuis quelques années, ont pour effet d'appauvrir davantage ces personnes.

Nous sommes un organisme communautaire. Or, malgré le fait que le gouvernement du Canada se soit déchargé de ses responsabilités sur le dos des provinces, celles-ci sur le dos des municipalités et, finalement, celles-ci sur le dos des communautés, nous recevons chaque année une subvention d'à peu près 4 000 $ dans le cadre du programme d'été pour engager deux étudiants l'été. C'est le genre d'appui qu'on nous accorde pour le travail que nous faisons et pour compenser les coupures subies à tous les niveaux.

Notre organisme aide les gens. Nous avons répondu à plus de 30 000 appels à l'aide l'année passée, faits en personne ou au téléphone, des demandes d'aide concernant le logement, l'aide sociale, l'immigration, l'assurance-emploi, tous les programmes et services sociaux offerts par le secteur public et aussi par le secteur privé.

• 1505

On fait du travail d'action communautaire, et aussi d'organisation communautaire, sur les enjeux globaux que je viens de mentionner, mais aussi pour améliorer les conditions de vie des gens qui restent dans le quartier, par exemple par la mise sur pied d'un centre pour les femmes, où on travaille avec des résidants à offrir des services de loisirs et des équipements collectifs.

[Traduction]

Dans notre mémoire, nous parlons de la question des dividendes budgétaires, en réponse à l'une des questions posées par le gouvernement du Canada. Même si nous féliciterions normalement un gouvernement qui arrive à équilibrer son budget, il faut avouer que la méthode qu'a choisie ce gouvernement et la rapidité à laquelle il a atteint cet objectif ont causé des difficultés incommensurables à une grande partie de notre société. Nous sommes préoccupés par le coût humain, le déficit humain qui a été causé par ce même dividende budgétaire dont nous profitons maintenant.

En outre, bon nombre d'institutions qui faisaient du Canada une société moderne et démocratique ont été sacrifiées sur l'autel de la lutte au déficit. Qu'il s'agisse de l'abolition à peu près complète de l'assurance-emploi, de l'appauvrissement accru des prestataires d'aide sociale, de la réduction des services de soins de santé, de la fermeture des hôpitaux et de la privatisation des soins de santé, des réductions des services sociaux grâce à l'élimination du RAPC, du programme de transfert aux provinces, du sabrage des budgets du logement social, de l'augmentation des frais de scolarité et de la diminution croissante de l'accès à l'université en passant par le traitement des immigrants et des demandeurs du statut de réfugié, toutes ces mesures nuisent à la qualité de vie des Canadiens. Le Canada n'est plus ce qu'il était.

Dans d'autres cas, il y a des changements dans les programmes, du moins les quelques-uns qui continuent d'exister, afin de les orienter vers les petits salariés plutôt que vers l'ensemble des pauvres. On constate partout au Canada l'appauvrissement accru des personnes qui dépendent de l'aide sociale pour survivre. Nous pourrions vous fournir bien des exemples, des chiffres et des critiques des différents programmes, mais un tel témoignage prendrait des heures.

J'ajouterai, avant que Gary poursuive notre exposé, que dans le document budgétaire de 1998, le ministère des Finances déclarait avec fierté que les dépenses de programmes diminueraient pour atteindre 11,5 p. 100 du produit intérieur brut en 1999-2000, comparativement à 16,6 p. 100 en 1993-1994. Il s'agit là du niveau le plus faible depuis environ 50 ans.

Nous ne croyons pas que le but du gouvernement devrait être de réduire les dépenses de programmes de façon aussi radicale. Pourquoi un gouvernement voudrait-il revenir à des dépenses de programmes et à des programmes sociaux de l'ordre de ce qui existait après la Seconde Guerre mondiale? Cette réduction massive des dépenses sociales, dans une période de taux élevé de pauvreté, devrait être un sujet de honte et non de fierté. Nous trouvons alarmant que le gouvernement se vante d'une telle chose. Depuis 1994, les dépenses de programmes ont été réduites de 11,3 milliards de dollars.

M. Gary Saxe (organisateur communautaire, projet Genèse): Jean Chrétien et Paul Martin parlent souvent des diverses options qui s'offrent pour dépenser le dividende budgétaire qu'ils évoquent si souvent—ce surplus qu'on a enfin réalisé. On entend parler de trois options principales, qui sont parfois promises: 50 p. 100 sera réinvesti dans les programmes, un autre pourcentage servira à réduire les impôts et un troisième servira à la réduction de la dette. La proportion est parfois d'un tiers, un tiers et un tiers. Il y a toutes sortes de combinaisons différentes. Comme Alice l'a fait remarquer, la totalité du surplus de cette année a été consacrée à la réduction de la dette nationale—et je vois quelqu'un faire signe que non, mais cette donnée est directement tirée de la mise à jour financière de Paul Martin. Les 3,5 milliards de dollars seront...

M. Paul Szabo: On ne peut pas dépenser de façon rétroactive, cependant. Cette donnée portait sur l'exercice qui s'est terminé le 31 mars 1998. C'est à cette date que les bilans vérifiés ont été produits et que ce chiffre a été mentionné. Mais ce bilan financier est terminé. On ne peut pas imputer les programmes, il faut donc automatiquement que cela soit versé...

M. Gary Saxe: Il y a toutefois la question du réinvestissement du fonds...

Le vice-président (M. Nick Discepola): À l'ordre, s'il vous plaît. Veuillez continuer votre exposé. M. Szabo aura amplement le temps de vous poser des questions et vous pourrez en discuter par la suite, s'il vous plaît.

M. Gary Saxe: Je crois qu'il y avait eu des promesses—non pas que je veuille continuer la discussion à ce sujet—dans le livre rouge, par exemple, qui a été produit avant le dernier budget.

• 1510

De toute façon, il est clair pour nous qu'il n'existe qu'une juste priorité pour ce qui est de dépenser ce dividende budgétaire, et elle consiste à réparer les dégâts causés au cours des dernières années. Ce mouvement n'a pas été mis en branle par le gouvernement de Jean Chrétien, mais plutôt par celui de Mulroney, mais le mouvement s'est poursuivi et s'est accéléré au moyen de réductions de milliards de dollars dans les paiements de transfert aux provinces, au titre des soins de santé, de l'enseignement postsecondaire, des prestations d'aide sociale et d'assurance-emploi.

À notre avis, il faudrait d'abord réparer ce genre de dégâts, des dégâts dont d'autres témoins ont déjà parlé. Qu'il s'agisse des soins de santé, de l'aide sociale ou de l'éducation, les gens qui ont besoin de ces programmes sont les mêmes qui ont souffert pour payer ce dividende budgétaire. Il est maintenant évident que nous en avons les moyens et nous avons l'obligation de corriger les dégâts qui ont été causés.

Permettez-moi de prendre quelques minutes pour parler des deux autres options, qu'il s'agisse de la réduction des impôts ou du remboursement de la dette. D'après un certain mythe, tout le monde paie trop d'impôts, et ce, de façon égale. Les partis politiques de tous les paliers de gouvernement disent qu'il faut réduire les impôts à tout prix.

[Français]

Je ne suis pas sûr que ce soit entièrement correct. Je vais juste vous en donner quelques petits exemples. Bell Canada, à elle seule, doit un total de deux milliards de dollars en impôts reportés. Cette même entreprise a mis à pied 25 p. 100 de son personnel, soit 13 000 personnes qui se trouvent maintenant sans emploi. La Banque Royale—je pense à d'autres requêtes et à d'autres questions posées à ce comité—, en 1997, a affiché des profits record de 2,8 milliards de dollars. Si elle avait payé les impôts prévus par le taux combiné fédéral-provincial, soit 42,9 p. 100, elle aurait dû payer 1,221 milliard de dollars en impôts.

[Traduction]

Je continuerai mon explication en anglais. Pour répondre à M. Szabo, je suis désolé, je ne saurais laisser passer un commentaire comme celui-là.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous aurez tout le temps qu'il faut.

M. Gary Saxe: Il y a toujours moyen de jouer sur les définitions techniques...

M. Paul Szabo: Vous ne trouverez pas...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Szabo, je vous en prie. N'entamons pas le débat maintenant.

M. Paul Szabo: D'accord.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je vous en prie, monsieur Saxe, poursuivez votre exposé. Nous entamerons le débat dès que tout le monde aura terminé son exposé. Si vous pouviez conclure en une minute, je vous en serais reconnaissant.

M. Gary Saxe: Les exemples que j'ai donnés donnent simplement une idée de certains des abris fiscaux qui permettent aux grosses sociétés d'esquiver une partie de la juste part du fardeau fiscal qui devrait leur revenir. En conséquence, je ne crois pas que la deuxième priorité, la réduction du fardeau fiscal, devrait figurer parmi les options.

Pour ce qui est du remboursement de la dette—qui semble être l'objectif prioritaire de Paul Martin, objectif qui n'est peut-être pas partagé par tous—selon le ministère fédéral des Finances, le gouvernement a remboursé 12,9 milliards de dette entre avril et décembre 1997. Considérez la période pendant laquelle notre endettement était le plus élevé proportionnellement au PIB. C'était pendant les années d'après-guerre lorsque notre endettement a atteint 110 p. 100 du PIB. En 1957, ce niveau d'endettement avait été ramené à 32 p. 100 du PIB alors que le gouvernement n'avait remboursé que 2 milliards de sa dette accumulée. La croissance économique s'est chargée du reste.

Je tiens aussi à citer quelques chiffres. Prenons les 3 milliards du fonds de prévoyance. Disons que nous les utilisons directement pour réduire la dette et supposons que cette dette soit d'environ 500 milliards de dollars. Cela correspond environ à une réduction de 0,6 p. 100 de cette dette. Si nous utilisons ces mêmes 3 milliards de dollars et si nous les comparons aux autres réductions de programmes, c'est l'équivalent de 26,5 p. 100 des 11,3 milliards amputés des dépenses de programmes depuis 1994. Vous pouvez donc voir que ces 3 milliards de dollars ne seraient pas négligeables pour régler les problèmes de pauvreté, les problèmes de notre santé publique sinistrée et les problèmes d'accès à l'éducation. Encore une fois, nous croyons que toute forme d'excédent devrait servir directement à rétablir les niveaux antérieurs des dépenses de programmes.

• 1515

En matière de politique financière...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Est-ce que je pourrais vous demander, s'il vous plaît, de conclure? Vous aurez tout le temps après. En plus, vous faites tous les deux partie du même organisme, et j'ai dit cinq à 10 minutes par organisme. Nous avons un autre groupe à 16 heures. Il y a encore un autre témoin. Ensuite j'aimerais qu'il nous reste un peu de temps pour engager le dialogue. Pourriez-vous conclure avec vos recommandations? Vous pourrez entrer dans les détails tout à l'heure.

M. Gary Saxe: Très bien, je vais faire au plus vite. Nous croyons que non seulement il y a cet excédent de 3 milliards de dollars et ce fonds de prévoyance de 3 milliards, mais qu'il y a toutes sortes d'autres moyens de trouver de l'argent si le gouvernement veut vraiment s'attaquer au problème de la pauvreté. Bien que certains puissent ne pas être tout à fait d'accord, il est toujours possible de faire en sorte que le système fiscal soit plus juste.

Dans le passé, on a cité comme exemples

[Français]

le minimum d'impôts pour les entreprises comptables. Il y a quelques éléments comme ceux-là dans le régime fiscal, mais il y aurait des façons de l'améliorer. On pourrait aussi parler des REER. Il y a toutes sortes de façons de trouver plus d'argent pour financer ces programmes.

[Traduction]

La troisième question posée dans le cadre des consultations concernait le rôle du gouvernement pour nous préparer à la nouvelle ère économique. Je dirai simplement que ce gouvernement a déjà fait beaucoup pour nous faire entrer dans la nouvelle économie mondialisée, qu'il s'agisse de l'ALENA, du libre-échange ou des missions d'Équipe Canada. Nous croyons aussi que le Canada devrait jouer un rôle puisqu'il est très bien placé pour montrer l'exemple, comme certains de nos collègues l'ont déjà dit, au niveau de l'établissement de normes internationales dans des domaines tels que les conditions de travail, les salaires, les prestations sociales et les normes environnementales. Encore une fois, je suis d'accord avec l'autre intervenant qui a parlé de la taxe Tobin.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Ce sera votre dernier point. Il vous reste 20 secondes.

M. Gary Saxe: La dernière question concernait la création d'emplois. Nous croyons que le gouvernement devrait plus insister non seulement sur les programmes d'infrastructure mais aussi sur les moyens de créer de vrais emplois, et non pas de petits emplois bouche-trou à durée déterminée. Il pourrait encourager les départs à la retraite anticipée en majorant, par exemple, les prestations de pension. Il pourrait limiter les heures supplémentaires, réduire la semaine de travail ou encourager les politiques de partage de travail. Il y a beaucoup de moyens différents que le gouvernement pourrait envisager pour stimuler la création d'emplois.

C'est tout.

Le vice-président: Merci, monsieur Saxe. Je vous remercie de votre coopération.

Monsieur Rowe, je vous en prie.

M. Hugh Rowe (témoignage à titre personnel): Je crois m'exprimer au nom du plus grand nombre de Canadiens, au nom des contribuables. Je suppose que cela inclut toutes les personnes présentes dans cette salle. Bien que certaines n'apprécieront peut-être pas ma position concernant les excédents, elle est simple: rendez cet argent à ses propriétaires légitimes.

Le ministre des Finances, Paul Martin, a annoncé dernièrement le premier excédent budgétaire en 28 ans, mais le fardeau réel a été assumé par les contribuables et les provinces et non pas par les ministères fédéraux. Les augmentations d'impôt sur le revenu depuis l'arrivée des libéraux au pouvoir est de loin la raison principale qui permet au gouvernement d'afficher un excédent de 3,5 milliards de dollars. Les recettes d'impôt ne cessent de grimper. En 1997-1998, l'impôt sur le revenu des particuliers a atteint 71 milliards de dollars, une augmentation de 38 p. 100 par rapport à 1993-1994. L'impôt sur le revenu des sociétés a rapporté 23 milliards de dollars, une augmentation de 140 p. 100. Les recettes de la TPS ont rapporté 20 milliards de dollars, 24 p. 100 de plus. Ces augmentations ont représenté un total de 37 milliards de dollars et pourtant notre excédent n'est que de 3,5 milliards de dollars. De plus, si les revenus et les paiements du régime d'assurance-emploi avaient été reversés, le gouvernement se serait retrouvé avec un déficit de 3,5 milliards de dollars.

Selon Paul Martin, il n'est plus possible de couper encore plus, de manière importante, et il envisage une augmentation des dépenses pour la santé. En même temps, il invoque la conjoncture mondiale pour s'opposer à des réductions d'impôt importantes. Dernièrement, les libéraux ont légiféré le plus grand pillage fiscal de notre histoire en multipliant par trois les cotisations obligatoires aux fonds de pension. Pour cette année, les recettes fiscales ont déjà augmenté de 5,3 p. 100, l'impôt sur le revenu des particuliers de 8 p. 100, l'impôt sur le revenu des sociétés de 9 p. 100 et la TPS de 6 p. 100. Ce n'est pas rien. Il est clair que le budget est équilibré sur le dos de contribuables déjà lourdement chargés.

Un quart de l'augmentation des recettes de l'impôt sur le revenu des particuliers depuis l'élection des libéraux en 1993 est la conséquence de la fiscalité dite rampante. Tous les Canadiens sont assujettis à une augmentation d'impôt cachée et injuste. Les contribuables sont punis pour des gains en revenu illusoires résultant uniquement de l'inflation. Il faudra y mettre un terme aussitôt que possible étant donné que 1998 sera la sixième année consécutive où des contribuables seront poussés dans les tranches d'impôt supérieures sans indexation.

• 1520

La fiscalité élevée alimente l'exode des cerveaux. Si le salaire moyen des Canadiens n'a manifesté aucune amélioration significative pendant cette décennie, c'est la faute à une charge fiscale écrasante. Une fois éduqués dans nos écoles et nos universités richement subventionnées, nos gestionnaires, nos scientifiques et nos professionnels canadiens vont immédiatement s'installer aux États-Unis. C'est non seulement un coût énorme pour nous en termes de financement de l'éducation mais aussi un coût incalculable en termes de pertes de nos cerveaux les plus brillants.

Selon David Paterson, directeur exécutif de l'Association canadienne de technologie de pointe, le gouvernement fédéral devrait en priorité combler le fossé qui existe entre le Canada et les États-Unis en termes d'impôt sur le revenu. Il est tout simplement impossible au secteur privé de financer un secteur public aussi important que le nôtre au Canada. La participation du gouvernement à l'économie continue à dépasser les 50 p. 100 du PIB et les recettes fiscales exigées du secteur privé pour financer cet énorme gouvernement ne sont tout simplement plus supportables.

N'importe qui peut équilibrer un budget en majorant les impôts à court terme, c'est-à-dire exactement ce que Paul Martin a fait, mais il reste que le problème fondamental n'est toujours pas réglé. L'espoir que l'économie finira par dégager suffisamment de recettes pour nous sortir de nos problèmes ne se réalisera pas s'il n'y a pas de réductions conséquentes de la fiscalité et d'encouragement du secteur privé. Il faut faire du Canada un pays plus séduisant pour les investissements et l'entreprise. Notre dette totale est plus importante qu'elle ne l'a jamais été. Réduire la part de PIB du gouvernement nécessite des changements fondamentaux de politique.

Le plus grand danger que nous courons aujourd'hui est la disparition de la classe moyenne provoquée par une fiscalité spoliatrice. Si notre classe moyenne n'a plus suffisamment de revenus disponibles pour alimenter une économie de consommation, notre niveau de vie s'effondrera. Les dépenses et les investissements privés sont le carburant qui alimente l'économie dont tous les autres revenus sont dérivés. Il faut immédiatement réduire les dépenses au niveau fédéral et immédiatement réduire l'impôt sur le revenu. Il faudrait abolir l'impôt sur les plus- values. Il faut augmenter les niveaux de contribution aux régimes de retraite privés. Il faudrait immédiatement éliminer toutes les subventions, toutes les contributions et tous les prêts gouvernementaux.

Prétendre que réduire les impôts augmente le déficit est un mythe. Les réductions d'impôt relancent non seulement la consommation, mais accroissent les investissements qui créent des emplois et dégagent donc des recettes fiscales supplémentaires. Il faut tout faire pour éliminer la pauvreté au Canada et c'est le meilleur moyen d'y parvenir.

Le débat actuel sur l'assurance-emploi n'est que le dernier épisode des efforts répétés du gouvernement fédéral visant à siphonner les recettes de l'assurance-emploi pour financer des objectifs pratiques à court terme. Que le gouvernement rembourse une partie de l'excédent versé par certains sert l'intérêt de tous. Prendre l'argent versé par les travailleurs et leurs employeurs puis l'utiliser à d'autres fins est un abus de confiance qui sape la foi du public dans le régime fiscal et dans ceux qui le gèrent.

Cela fait maintenant 42 ans que je suis employé et mes prélèvements ne cessent d'augmenter. Nous payons tous la même chose pour un sac de pommes de terre, une miche de pain, un litre de lait ou un journal. Un beau complet ou une voiture, ça coûte la même chose pour tout le monde.

C'est pareil pour tout ce que nous achetons sauf pour les services gouvernementaux. Celui qui gagne bien sa vie paie plus pour une part égale de services gouvernementaux. Prenez le cas de celui qui refuse d'abandonner ses études, qui veut s'améliorer, qui travaille 60 heures par semaine pour assurer sa sécurité financière. Ne devrait-il pas s'attendre à accumuler plus de richesse que son voisin qui ne fait pas tout ça? N'est-il pas naturel qu'il ait droit aux fruits de son labeur?

J'ai la nette impression qu'essayer de convaincre des politiciens qui dépensent à tort et à travers de céder une partie des dollars qu'ils arrachent des poches des contribuables est un exercice virtuellement inutile et frustrant. Une fois que les politiciens ont refermé leurs doigts crochus sur les dollars gagnés à la sueur de notre front, il faut avoir la force pour les leur faire lâcher. Attendre du gouvernement fédéral de ce pays qu'il se serve des excédents pour réduire les impôts est tout aussi réaliste que de mettre deux jours de nourriture dans l'auge des cochons en espérant qu'ils en laisseront un peu pour le lendemain.

Cela fait plus de 30 ans—je crois qu'il faut remonter aussi loin pour retrouver un budget équilibré—que nous comptons sur les politiciens pour servir au mieux les intérêts de ce pays à long terme, mais ils nous refusent toute requête raisonnable dans pratiquement tous les domaines de la politique financière. Je fais beaucoup plus confiance au Canadien moyen, je me fais certainement beaucoup plus confiance, pour faire les choix appropriés de dépense qu'au gouvernement. Donnez-nous au moins la chance d'en faire la démonstration. Les réductions d'impôt relancent non seulement la consommation, mais attirent les investissements qui créent des emplois supplémentaires et génèrent des recettes fiscales, non pas le contraire.

• 1525

Les justifications de Paul Martin du régime fiscal le plus punitif de l'hémisphère continuent à reposer sur la nécessité d'alimenter une bureaucratie gouvernementale boursouflée. La propension du gouvernement libéral à imposer jusqu'au dernier cent nous a donné un taux de chômage élevé, un dollar qui chute, une productivité inférieure, une économie souterraine, un exode des cerveaux et un niveau de vie qui régresse. Les contribuables devraient être révoltés.

Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Rowe.

J'aimerais maintenant passer aux questions. Nous commencerons par le Parti réformiste. Monsieur Epp, je vous en prie.

M. Ken Epp: Merci, monsieur le président. Je vous remercie tous d'être venus nous faire part de votre opinion sur les questions budgétaires.

Pour commencer, j'aimerais poser une petite question aux étudiants. Vous n'avez pas parlé de la TPS sur les livres. Vous n'avez rien dit sur les prêts aux étudiants. Vous n'avez rien dit à propos du délai de dix ans de déclaration de faillite pour les étudiants alors que pour tout le monde c'est trois ans. Est-ce parce que ce n'est pas important ou est-ce simplement parce que vous n'êtes pas au courant? J'aimerais que vous me le disiez.

[Français]

M. Pascal Bérubé: Il a fallu établir des priorités. Ce qui nous touche davantage, ce sont les coupures en enseignement postsecondaire; c'est la priorité pour nous. La réduction de l'endettement étudiant au Québec est une priorité du mouvement étudiant. Pour ce qui est de la TPS, des taxes et ainsi de suite, c'est vraiment secondaire.

On a parlé de la Fondation des bourses du millénaire. L'élément premier est la condition étudiante. Avant d'être un contribuable, avant d'être un consommateur, l'étudiant doit avoir une formation solide et la possibilité de bien démarrer dans la vie. Cela passe bien avant des considérations comme des réductions d'impôt. C'est simplement une question de priorités. Peut-être qu'un de mes collègues voudra compléter là-dessus.

M. Alexis Boyer-Lafontaine (coordonnateur à la recherche sociopolitique, Fédération étudiante universitaire du Québec): Vous avez posé une question sur la faillite. On sait que lors du dernier budget fédéral, le gouvernement a modifié la Loi sur la faillite, ce qui fait en sorte que les étudiants ne peuvent plus se libérer de leurs dettes d'études pendant les 10 années suivant la fin de leurs études. On a combattu cette mesure législative dès le début et on attend encore une réponse du ministère des Finances et de Paul Martin sur ce qui a motivé une telle décision, d'une part. D'autre part, on leur demande d'expliquer en quoi cette modification aide les étudiants et favorise l'économie du savoir. C'est une autre question. Évidemment, on ne l'a pas abordée aujourd'hui, mais on aurait pu le faire.

M. Pascal Bérubé: Pour ce qui est de la question des faillites, notamment, nous étions devant le même comité en avril dernier dans le cadre de l'étude du projet de loi C-36. Nous avions parlé non seulement de la Fondation des bourses du millénaire mais aussi de la Loi sur les faillites. Nous sommes même allés au Sénat pour discuter de cette question-là et nous avons fait nombre de sorties là-dessus.

Nous nous retrouvons aujourd'hui devant le même comité pour parler d'un autre problème qui touche les étudiants québécois et qui ne vient pas du niveau provincial mais du niveau fédéral. En principe, cela a peu à voir avec l'éducation, du moins en ce qui nous concerne. Donc, c'est une autre problématique qui nous touche de plein fouet et qui vient du gouvernement fédéral. C'est un peu déplorable.

[Traduction]

M. Ken Epp: Merci beaucoup.

J'ai une question qui touche au domaine de la perception et qui nécessite une réponse très claire. Croyez-vous que le sort des étudiants serait meilleur si les Québécois cessaient de payer des impôts fédéraux ou de recevoir des transferts fédéraux? Est-ce ce que vous croyez?

[Français]

M. Pascal Bérubé: Si le gouvernement fédéral décidait de ne plus s'occuper d'éducation, comme c'est prévu dans la Constitution canadienne, les étudiants s'en trouveraient mieux.

[Traduction]

M. Ken Epp: C'est ce que vous croyez. C'est à débattre. Malheureusement nous n'avons pas le temps maintenant, mais je crois que vous vous trompez.

J'aimerais maintenant m'adresser aux représentants d'Alliance Québec. Vous avez brièvement évoqué la restauration des transferts et vous n'avez pas vraiment parlé de la réduction de la dette. En fait ma question concerne tous les témoins, surtout les jeunes, les étudiants. Lorsqu'ils auront leur diplôme, ils auront non seulement leur dette d'étudiant à rembourser, mais également leur part de la dette fédérale ainsi que leur part de la dette provinciale. Pour être franc, il m'arrive quand je m'adresse tout particulièrement à des élèves et à des étudiants de m'excuser du fait que ma génération au cours des 30 dernières années a permis à cette dette de croître à un point où sur chaque dollar perçu 30c. servent uniquement à payer l'intérêt. C'est de l'argent qui pourrait servir à financer gratuitement l'éducation postsecondaire de tous nos étudiants et encore bien d'autres choses.

• 1530

Cependant, vous n'avez pas parlé du tout de la réduction de la dette. Est-ce que l'existence de cette dette qui revient à transférer la petite part de richesse des Canadiens moyens, des Canadiens moins nantis aux plus nantis, à ceux qui ont les moyens d'acheter des obligations et des bons du Trésor du gouvernement, ne vous dérange pas du tout?

M. Harold Chorney: Pour commencer, il est évident que pour certains cette dette est un passif alors que pour d'autres c'est un actif. Il est évident que si vous parlez de transferts entre générations, ceux qui héritent de ces obligations, de ces bons du Trésor, etc., d'une génération à l'autre héritent de ces actifs. Les autres héritent de la dette. Cependant, en réalité, tout finit par s'arranger tant que cette dette est financée en grande partie par le pays lui-même. C'est une petite différence technique.

Il est clair que réduire les taux d'intérêt résoudrait ce problème que vous signalez à juste titre, à savoir le problème de ces transferts à terme de revenu collectif. Ce qu'il faut c'est maintenir les taux d'intérêt le plus bas possible, pour commencer, pour stimuler la croissance économique et réduire le taux de chômage mais en plus, s'assurer qu'il n'y a pas de transfert exagéré de richesse des moyennement et des moins nantis aux plus nantis car ce serait déraisonnable. Il suffit de maintenir à la baisse les taux d'intérêt réels pour l'éviter. Si, par contre, vous dissuadez les investissements, vous comprimez les dépenses d'éducation et de santé, vous hypothéquez l'avenir, vous l'hypothéquez gravement et je crois que vous conviendriez probablement...

M. Ken Epp: Oui, je suis tout à fait d'accord.

M. Harold Chorney: Il est clair que je n'aime pas ce problème d'endettement. Je préférerais que notre taux de chômage soit moins élevé. J'aimerais qu'il y ait beaucoup plus de gens sur le marché du travail pour contribuer à l'enrichissement de notre pays et j'aimerais maintenir les taux d'intérêt le plus bas possible pour le faciliter. Le problème de notre endettement commencerait alors à se régler de lui-même puisque notre taux de croissance s'accélérerait, que notre taux de chômage diminuerait, que le bien-être social serait moins sollicité et que notre situation s'améliorerait d'une manière générale. Je crois que les partisans du Parti réformiste se féliciteraient probablement d'un tel résultat.

M. Ken Epp: Sans aucun doute.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Dernière question, monsieur Epp.

M. Ken Epp: Je croyais que j'avais 10 minutes.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non. Nous n'avons qu'environ 35 minutes. J'essaie donc de limiter chacun à 7 ou 8 minutes.

M. Ken Epp: Dans ce cas, je crois que je vais passer à quelqu'un d'autre. Je tiens à parler à M. Rowe.

J'ai trouvé votre exposé fascinant et instructif. C'est le genre d'exposé que j'entends souvent et je suppose qu'à cause des déclarations publiques que nous avons faites sur notre position concernant l'endettement, la fiscalité, etc., nous avons tendance à attirer des gens qui appuient ce genre d'idées. Mais je suis curieux. Pourquoi êtes-vous venu aujourd'hui? L'ordre du jour indique que vous vous présentez à titre personnel. Est-ce que vous représentez un groupe? Est-ce que vous étiez en train de discuter avec des amis qui vous ont dit: «Va voir ce Comité des finances et dis-leur tout ça»? J'ai l'impression que ce que vous dites c'est ce que disent des millions de Canadiens. C'est ce que nous entendons très souvent. Dites-moi simplement pourquoi vous êtes venu.

M. Hugh Rowe: Vous y êtes tout à fait. C'est exactement pour cela que je suis ici. Je suis un contribuable. J'ai grandi dans une famille pauvre car mon père était d'un petit village de pêcheurs à Terre-Neuve et ma mère d'un petit village de pêcheurs en Nouvelle-Écosse. J'ai grandi dans un quartier ouvrier de l'est de Montréal. J'ai travaillé très dur pour réussir et je constate que le résultat de mon travail acharné disparaît dans les impôts. Je trouve tout à fait inouï le gaspillage auquel on s'est adonné au Canada au cours des 30 dernières années.

Le gouvernement libéral de M. Trudeau a fait grimper la dette à un niveau colossal et quand les conservateurs avaient le pouvoir, ils n'ont pas eu le cran de faire quoi que ce soit pour la réduire. Je ne vois pas comment nous pourrions nous en sortir. Il faut réduire les effectifs dans la fonction publique et procéder à une baisse massive des impôts. Il nous faudrait tous être plus charitables et plus généreux. C'est de plus en plus difficile de l'être quand le gouvernement ponctionne la moitié de votre revenu disponible. La situation est devenue complètement intenable ici et voilà pourquoi les gens quittent le pays. Il s'agit d'un vote déambulatoire car les gens effectivement partent.

M. Ken Epp: Je comprends votre point de vue et je m'arrêterai ici.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Epp.

[Français]

Monsieur Desrochers.

• 1535

M. Odina Desrochers: Merci à toutes les personnes qui sont venues aujourd'hui faire connaître leur opinion quant à l'utilisation des surplus budgétaires du gouvernement fédéral.

J'ai quelques questions à poser au représentant d'Alliance Québec, M. Chorney. Dans un premier temps, j'aimerais que vous me parliez de la façon dont votre organisme est financé.

M. Harold Chorney: Il y a 80 p. 100 des fonds qui viennent du gouvernement fédéral. Il y a aussi des dons individuels privés pour un total d'environ 200 000 $. Cela varie d'année en année.

M. Odina Desrochers: Trouvez-vous normal que des fonds prêtés par le gouvernement fédéral soient utilisés par votre président, M. Johnson, pour tenter de démolir la Loi 101, qui a été adoptée par l'Assemblée nationale, et qu'on embauche un avocat qui est identifié comme faisant partie du mouvement de la partition, c'est-à-dire M. Brent Tyler?

M. Harold Chorney: La loi de notre pays précise clairement que les communautés linguistiques minoritaires dans chaque secteur du pays doivent recevoir des fonds du gouvernement fédéral. C'est la loi.

M. Odina Desrochers: J'en ai contre la façon dont vous utilisez ces fonds.

M. Harold Chorney: Oui, je comprends votre question, mais chaque année ou une fois tous les trois ou quatre ans, il y a un nouveau président, comme dans chaque organisme dans le reste du Canada. Les présidents changent et il y a des changements de politiques. C'est aussi le cas dans le système parlementaire, que vous connaissez très bien. Le conseil d'administration ne peut pas imposer sa volonté au président. Il y a un débat dans notre organisation, comme dans toutes les autres organisations.

Je pense que la plupart des gens de notre communauté désirent que leur langue soit respectée, comme celle de la communauté majoritaire ici, au Québec. Nous respectons la langue française, et je voudrais que la langue anglaise soit aussi respectée. Si on intente des procédures judiciaires pour améliorer la situation de l'unité anglophone ici, c'est normal. C'est peut-être un peu controversé, mais c'est normal.

M. Odina Desrochers: Donc, vous approuvez M. Johnson?

M. Harold Chorney: Je m'excuse?

M. Odina Desrochers: Vous approuvez M. Johnson dans sa démarche?

M. Harold Chorney: Il n'est pas question d'approuver ou de condamner M. Johnson. C'est simplement une question de solidarité. M. Johnson est président pour le moment. Il a une politique. Franchement, je ne partage pas tout à fait sa vision, mais j'accepte la volonté de notre communauté, qui a choisi M. Johnson comme président. Il a décidé de lancer cette...

[Note de la rédaction: Mot inaudible]. Il y a un grand débat dans notre organisation en vue de trouver un équilibre entre les diverses demandes de la communauté.

M. Odina Desrochers: J'aimerais vous parler de la façon dont la minorité francophone est traitée en dehors du Québec. On voyage un peu de temps en temps. Je suis allé à Vancouver. Lorsque j'ai demandé au représentant des francophones quel soutien sa communauté recevait de la Colombie-Britannique, il m'a répondu: «Zéro». Au Manitoba, dans le cadre d'un colloque qui porte sur le développement rural dans les secteurs francophones, on dit que ce sont les anglophones qui détiennent les postes de décideurs. Et qu'est-ce que vous pensez du sort qu'on réserve à l'hôpital Montfort?

M. Harold Chorney: Pour ma part, je soutiens totalement...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Chorney, excusez-moi, s'il vous plaît. C'est votre temps et vous pouvez l'utiliser comme vous le voulez, mais nous faisons une consultation prébudgétaire, qui ne porte pas sur les politiques de langues, etc.

M. Yvan Loubier: Vous avez dit qu'on avait le droit d'utiliser notre temps comme on le voulait.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Jusqu'à un certain point. Je vais permettre cette question, mais je vous demanderai de vous limiter ensuite au sujet qui nous occupe, soit les consultations budgétaires.

M. Yvan Loubier: Excusez-moi, mais l'hôpital Montfort, les coupures que vous avez imposées et la fermeture...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Ce n'est pas le gouvernement fédéral qui a coupé les...

M. Yvan Loubier: Vous n'aimez pas entendre parler de ces choses-là. C'est cela, votre problème. C'est bien plus fondamental que vous ne le prétendez.

[Traduction]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Chorney, vous voulez sans doute répondre.

[Français]

M. Harold Chorney: Personnellement, je soutiens la communauté francophone hors Québec, particulièrement en ce qui concerne les services sociaux, médicaux, etc.

Le gouvernement Harris a imposé des compressions budgétaires en Ontario. Je regrette que les victimes en soient les membres de la communauté francophone hors Québec, comme je regrette qu'ici, au Québec, il y ait des compressions budgétaires du gouvernement provincial. Ce n'est pas une bonne chose pour nous.

M. Odina Desrochers: Il est difficile d'entendre cela parce que, comme vous l'avez vu ce matin, les compressions dans le domaine de la santé sont attribuables à 75 p. 100 au fédéral. Si on avait eu tout notre argent, au Québec, on aurait peut-être été en mesure de vous donner les services que vous voulez. À un moment donné, il faut dire les choses telles qu'elles sont.

Merci beaucoup, monsieur le président.

• 1540

M. Yvan Loubier: Monsieur Chorney, j'aimerais revenir sur la première question posée par mon collègue, qui portait sur le financement fédéral de votre organisme. Est-ce une question budgétaire, monsieur le président?

Je vous pose la question autrement. Trouvez-vous acceptable que votre président, M. Johnson, dise que sa prochaine étape sera de démolir la Loi 101, au niveau de la langue d'enseignement, pour faire en sorte que les immigrants de pays anglophones puissent avoir accès à l'école anglaise? Trouvez-vous normal que des fonds fédéraux soient utilisés pour démolir une loi dûment adoptée par l'Assemblée nationale? Je suis bien d'accord avec vous quant à la liberté des organisations. Partout au pays, il y a des organisations francophones. Cependant, le plus grand combat des minorités francophones à l'extérieur du Québec porte sur l'application de l'article 23 de la Constitution canadienne quant à la gestion des commissions scolaires francophones, alors que vous, vous utilisez les fonds fédéraux pour vous bagarrer contre une loi dûment adoptée par l'Assemblée nationale. Surtout, est-il normal, comme le mentionnait mon collègue, que pour cela on engage un avocat qui s'appelle Brent Tyler, qui ne passe pas une semaine sans démolir le Québec et sans promouvoir la partition du Québec? On est un peu mal à l'aise devant ça.

M. Harold Chorney: Il est normal qu'une communauté minoritaire, que ce soit ici ou hors du Québec, prenne de temps à autre des initiatives qui sont mal acceptées de la communauté majoritaire. C'est normal, même au Manitoba, une province que je connais très bien depuis ma naissance. On doit respecter le choix que fait la communauté minoritaire, même si ce choix n'est pas correct de temps en temps, pour faire avancer sa cause comme elle la comprend et comme elle le décide pour protéger ses droits.

Dans le cas de la Loi 101, il y a des améliorations possibles, à mon avis. Même le comité Chambers avait recommandé une amélioration de l'application de cette loi vis-à-vis des immigrants d'Angleterre et des autres pays anglophones. C'est simplement une question d'ajuster la situation pour permettre l'épanouissement de notre communauté; autrement, c'est très difficile. Nous avons une communauté qui prend de l'âge, qui est très nerveuse vis-à-vis de l'avenir de notre pays et qui a besoin de s'épanouir. Je suis sûr que vous comprenez cette notion pour votre propre communauté. C'est exactement la même chose.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Chorney.

M. Yvan Loubier: On ne s'entendra jamais sur les moyens.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je demanderai maintenant à Mme Redman de poser ses questions.

[Traduction]

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

Monsieur Rowe, ma première question s'adresse à vous car je pense que vous exprimez ici des opinions que j'ai entendues dans ma circonscription. Je tiens à vous faire remarquer que sur les 45,5 milliards de dollars d'amélioration budgétaire, et c'est le chiffre que l'on trouve à la page 51 de ce document—31,2 milliards de dollars proviennent effectivement d'une croissance de l'économie. Dans votre mémoire, vous affirmez que ces progrès ont été réalisés aux dépens des contribuables et qu'une somme de 16,8 milliards de dollars provient en fait d'une réduction des dépenses. Vous ajoutez que les effectifs de la fonction publique sont pléthoriques, mais je tiens à vous dire que le gouvernement actuel a pris des mesures musclées à cet égard.

Vos affirmations sont intéressantes car, la semaine dernière, quand nous étions à l'Île-du-Prince-Édouard, certains témoins préconisaient que nous envisagions d'accroître le nombre des fonctionnaires en vue de créer des emplois. En outre, pour équilibrer le budget, on a proposé de resserrer le filet de sécurité sociale dont d'autres témoins affirment avoir fait les frais. Je me demande si vous avez inclus ces deux éléments dans les propositions que vous faites.

M. Hugh Rowe: Jusqu'à un certain point, oui.

Je vais commencer par votre dernière question, celle qui porte sur la création d'emplois. Je ne sais pas si créer des emplois au sein du gouvernement constitue une véritable création d'emplois aboutissant à une augmentation de la productivité. Il est important que le gouvernement puisse employer des gens à des tâches essentielles mais à l'extrême, et ce serait ridicule, on pourrait prétendre que le gouvernement n'a qu'à embaucher tous les travailleurs et à les payer. Dans ces conditions, le nombre d'emplois créés serait inouï. Je ne comprends pas comment les dépenses gouvernementales peuvent effectivement augmenter le nombre net des emplois. Je ne pense pas que les gouvernements puissent créer des emplois. Il incombe à l'industrie privée de le faire.

• 1545

Pour ce qui est des deux premiers éléments de votre question, je ne pense pas avoir bien compris ce que vous entendez par croissance. Vous dites qu'une grande partie des recettes gouvernementales est venue de la croissance.

Le vice-président (M. Nick Discepola): La croissance économique.

Mme Karen Redman: La croissance économique. Le gouvernement peut compter sur des recettes supérieures du fait qu'il y a croissance économique.

M. Hugh Rowe: Effectivement, les impôts étant plus élevés.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non.

Mme Karen Redman: Non.

Le vice-président (M. Nick Discepola): À cause de la croissance économique. Comme l'économie progresse, le gouvernement touche des recettes fiscales plus élevées car il y a un plus grand nombre de contribuables.

M. Paul Szabo: Il y a un plus grand nombre de contribuables.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Moins de gens perçoivent l'assurance-chômage et par conséquent le gouvernement verse moins de prestations sociales.

M. Hugh Rowe: D'accord, les recettes fiscales ont augmenté du fait de...

M. Paul Szabo: La croissance économique.

Mme Karen Redman: Quand il y a plus de gens qui travaillent, qui paient des impôts...

M. Hugh Rowe: Cela prouve tout à fait ma thèse; si vous voulez que les recettes du gouvernement augmentent, il faut une hausse de la croissance économique. Ainsi, la réduction des impôts notamment aboutit à cela car alors, les recettes fiscales totales augmentent.

Avez-vous déjà entendu parler de la courbe Laffer? À un certain point de cette courbe, on constate que les recettes fiscales sont optimales à la suite d'une baisse d'impôt. Les recettes totales augmentent effectivement; si le taux d'imposition est un peu plus bas, les travailleurs sont plus productifs. Les gens sortent de l'ombre, quittent l'économie parallèle, pour devenir plus productifs. Je travaillerais beaucoup plus dur quant à moi et l'incitatif serait beaucoup plus grand si je n'avais pas à verser 52,9 p. 100 de mes revenus en impôt. À quoi bon, dans ces conditions?

Mme Karen Redman: Vous parlez également de la caisse d'assurance-emploi. Vous dites que tous les Canadiens sont concernés si le gouvernement choisit éventuellement de redistribuer une partie de cet excédent à ceux qui l'ont constituée.

La caisse d'assurance-emploi fait partie du Trésor depuis 1986, à l'instigation du vérificateur général. Il s'agit d'un compte théorique et il n'y a pas une somme de 20 milliards de dollars qui attend d'être dépensée car cette somme est intégrée au Trésor public. Vous le savez sans doute, mais je pense qu'il est parfois bon de le répéter pour que cela soit bien assimilé par tout le monde. Il ne s'agit pas uniquement d'une assurance à l'usage exclusif des sans-emploi. Cette caisse sert également à verser des prestations de maternité et il y a plusieurs autres moyens suivant lesquels ceux qui ont cotisé profitent de cette caisse.

Vous préconisez que ce compte théorique soit remis... 60 p. 100 seraient versés aux employeurs et 40 p. 100 aux employés. D'après votre mémoire, c'est ce que vous souhaiteriez.

M. Hugh Rowe: Je propose ici que l'on réduise les cotisations à la caisse d'assurance-emploi afin que tout le monde, non seulement les employeurs, mais les employés également, disposent de plus d'argent qu'ils consacreraient à autre chose, qui permettrait la création d'emplois. Ainsi, on pourrait envisager des réductions encore plus massives qui créaient encore davantage d'emplois.

Mme Karen Redman: Vous proposez que cet argent soit rendu à ceux qui ont cotisé, n'est-ce pas?

M. Hugh Rowe: Non. Je propose que l'on réduise les sommes que les gens sont forcés de verser à la caisse d'assurance-emploi.

Mme Karen Redman: Saviez-vous que le gouvernement, depuis qu'il est au pouvoir, a réduit les paiements au titre de l'assurance-emploi à trois reprises?

M. Hugh Rowe: Vous voulez dire que vous avez réduit la somme que vous versez aux gens, n'est-ce pas?

Mme Karen Redman: Non. Le gouvernement a réduit les cotisations.

M. Hugh Rowe: À la caisse d'assurance-emploi?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non. Progressivement, au cours des dernières années, les taux d'assurance-emploi sont passés de 3,30 $, ce qui était prévu, à 2,70 $, ce qu'ils sont actuellement.

M. Hugh Rowe: Qu'est-ce qui empêche de les réduire encore davantage?

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est la question que vous pose Mme Redman. Pensez-vous que nous devrions les réduire également?

M. Hugh Rowe: Il faudrait les réduire pour atteindre l'autofinancement essentiellement.

Mme Karen Redman: Si le vérificateur général a demandé que cette caisse soit intégrée au Trésor, c'est en prévision d'un ralentissement de l'économie car à ce moment-là, plus de gens ont besoin des prestations, et la caisse risque de devenir déficitaire. La caisse est donc financée par tous les Canadiens, mais autrefois, quand ce compte était déficitaire, il fallait combler à même le Trésor et ce sont les contribuables qui veillaient à ce que ceux qui en avaient besoin reçoivent des prestations.

M. Hugh Rowe: Je pense qu'une façon... et ce n'est pas nécessairement garanti, une façon donc de veiller à ce que l'économie ne ralentisse pas, ce serait de réduire les cotisations à la caisse d'assurance-emploi afin d'intensifier la création d'emplois et de réduire la demande de prestations à l'avenir.

Mme Karen Redman: Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Redman.

Monsieur Valeri et monsieur Pillitteri, vous disposez de trois ou quatre minutes.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Je veux aborder deux sujets pour obtenir votre réaction. On a dit tout à l'heure, à propos du remboursement de la dette à hauteur de 3,5 milliards de dollars, qu'il s'agissait d'une mesure de fin d'année car les calculs de cette année-là étaient bouclés et le vérificateur général ne trouverait rien à redire.

On peut être d'accord ou pas, mais une telle mesure à mon avis doit être replacée dans le contexte de la démarche dans son ensemble, c'est-à-dire la réduction des impôts, le réinvestissement dans les transferts, et le réinvestissement du fait que certains Canadiens ne versent plus d'impôt et d'autres mesures fiscales, sans oublier le Fonds des bourses du millénaire et certaines autres mesures. Il ne s'agit pas d'un geste isolé. Cela fait partie d'un train de mesures.

• 1550

On a beaucoup parlé de la dette et d'un groupe de témoins à l'autre, les opinions diffèrent mais je prends très au sérieux ce que vous préconisez.

Je voudrais revenir à ce que disait M. Epp. Il a demandé aux représentants des étudiants s'ils avaient l'impression ou s'ils étaient convaincus que si, effectivement, le Québec gardait toutes ses recettes fiscales chez lui, plutôt que de les verser au gouvernement fédéral avant de les récupérer sous forme de transferts, vous sortiriez gagnants. Je ne sais pas si vous vous rendez compte qu'au Canada il n'y a que trois provinces qui versent au gouvernement fédéral plus qu'elles n'en reçoivent et le Québec n'est pas une de celles-là. Pouvez-vous véritablement penser que vous seriez gagnants si l'économie du Québec disposait de moins d'argent?

Je ne veux pas offenser qui que ce soit. Je signale cela pour que vous compreniez bien que si vous ne recevez pas de paiements de transfert de la part du gouvernement fédéral et que vous gardez toutes les recettes fiscales au Québec, cela représentera moins d'argent que ce que la province de Québec touche actuellement. Comment expliquez-vous cela: Avec moins d'argent, votre système d'éducation s'en trouverait mieux.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Saxe, brièvement.

M. Gary Saxe: À propos des 3,5 milliards de dollars à la fin de l'exercice financier, il est une chose que nous voulons bien souligner, en fin de compte, et c'est le fait que pendant des années on nous a dit qu'il nous fallait nous serrer la ceinture et il y a certaines couches de la société qui, à cause des coupures, ont fait plus que leur part et je pourrais énumérer les divers programmes dans lesquels on a sabré. Nous faisons remarquer que rien n'a été annoncé pour dédommager ces gens alors qu'actuellement nous disposons d'un excédent. Je me rends compte qu'il y a eu un gain par rapport au budget de l'an dernier, mais il faudrait que le gouvernement dise très clairement comment il entend aider les démunis qui ont contribué énormément à la réduction du déficit.

Le vice-président (M. Nick Discepola): M. Valeri signalait précisément certaines mesures qui ont été prises. L'augmentation de 500 $ de l'exemption personnelle a aidé les familles à faible revenu sur-le-champ. Il s'agit de 500 $ qui sont remis dans les poches de ces familles. C'est ce qu'il essayait d'expliquer.

M. Tony Valeri: À vrai dire, à cet égard, je vous ferai remarquer que 400 000 Canadiens à faible revenu ne verseront plus d'impôt. Ce n'est qu'un exemple.

M. Gary Saxe: Il y a certaines mesures. Si je disais qu'il n'y a absolument rien d'injuste... Certaines choses ont été faites, mais c'est infime par rapport aux coupures. Il suffit de voir comment le régime de soins de santé—il ne s'agit pas uniquement des coupures fédérales mais également des coupures provinciales—s'est détérioré au cours des dernières années. On a pu aussi constater qu'il était beaucoup plus difficile pour les assistés sociaux de survivre à même des revenus toujours plus bas. Avec le projet Genesis, des milliers de gens s'adressent à nous chaque année, pour obtenir très peu en retour. Il nous faut prendre conscience de cela et nous y atteler dans les années à venir.

M. Tony Valeri: Merci.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Les étudiants, s'il vous plaît.

M. Pascal Bérubé: Il faut comprendre que le Parti libéral, depuis 1993, a coupé 2,7 milliards de dollars dans l'éducation postsecondaire. La Fondation des bourses du millénaire n'est ni un caprice ni un cadeau.

Nous ne sommes pas contre ces sommes-là, mais nous voulons qu'elles soient utilisées le mieux possible. Nous pensons qu'en matière d'éducation, c'est le Québec qui est le mieux placé pour faire cela. Il n'y a pas seulement les étudiants qui le disent; il y a un large consensus au Québec. Il y a plus de 50 organismes qui appuient les démarches qu'on a faites dans le cadre de la Fondation des bourses du millénaire. Si vous nous demandez si les impôts qui sont payés par les Québécois devraient rester ici, vous avez déjà votre solution. Si vous ne l'avez pas, demandez au député de Saint-Hyacinthe—Bagot ou au député de Lotbinière. Je crois qu'ils ont une réponse pour vous là-dessus.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Bérubé, quel est ce chiffre de 2,7 milliards de dollars?

M. Pascal Bérubé: Les compressions en éducation postsecondaire.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Sur combien d'années?

M. Pascal Bérubé: Depuis 1993.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Jusqu'à quelle année?

M. Pascal Bérubé: Jusqu'à maintenant.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Alors, sur cinq ou six ans, c'est 2,7 millions de dollars.

M. Pascal Bérubé: C'est cela.

[Traduction]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Pillitteri, une brève question car j'aimerais ensuite pouvoir donner la parole à M. Godin.

Monsieur Pillitteri.

• 1555

M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président.

Bonjour. Nous avons entendu beaucoup d'excellents exposés. On a signalé là où le gouvernement s'était trompé au cours des dix dernières années, on a dit que le gouvernement était allé chercher de l'argent dans les poches des contribuables, on a aussi ajouté que les choses s'étaient améliorées dans le domaine de l'éducation, mais que tout le monde était roulé.

Je voudrais vous poser une brève question. Cette année, l'excédent sera de 3,5 à 4 milliards de dollars. Quelle serait la meilleure façon de dépenser cet argent? S'il n'est pas dépensé, la somme va servir à réduire la dette. Si cette somme n'est pas injectée pour l'atteinte d'un objectif précis, elle servira directement à réduire la dette car on ne peut pas adopter une loi permettant des dépenses rétroactives. Une fois l'exercice financier terminé, l'argent sert à réduire la dette.

Ainsi, dites-moi si nous devrions consacrer cet argent à l'assurance-maladie? Devrait-il servir à une augmentation des paiements de transfert? Vous pourriez dire que cet argent devrait servir à tout cela, mais rappelez-vous qu'il ne s'agit que de 3,5 à 4 milliards de dollars. C'est tout ce qui restera, dans la mesure où la conjoncture se maintiendra. On a cité un grand nombre de chiffres démesurés, mais il faut être réaliste, étant donné la croissance que nous connaissons et le ralentissement économique de la région de l'Asie-Pacifique ces derniers mois, c'est tout ce qui restera.

Avez-vous donc des recommandations précises, et ce pourrait notamment être une augmentation supplémentaire de 500 $ de l'exemption personnelle afin que les bénéficiaires soient ceux qui en ont le plus besoin au Canada?

Mme Alice Herscovitch: Permettez-moi de répondre. Il y a deux choses. Il y a l'excédent de la caisse d'assurance-emploi qui, je pense, est différent de l'autre excédent, et l'excédent de la caisse d'assurance-emploi...

M. Gary Pillitteri: Non, c'est tout ensemble.

Mme Alice Herscovitch: Ce ne devrait pas être tout ensemble parce que l'excédent de la caisse d'assurance-emploi tient au fait que seulement 40 p. 100, voire 33 p. 100,—suivant l'économiste que l'on veut croire—des chômeurs sont admissibles à l'assurance-emploi actuellement. On a donc raison de s'inquiéter car les fonds dont il s'agit ont été réunis dans un but très précis et voilà qu'ils serviraient à tout autre chose. À mon avis, il faudrait réinvestir là où on a tiré les fonds et je ne pense pas ici à une baisse de cotisations mais à...

M. Gary Pillitteri: Pouvez-vous préciser votre pensée à propos du réinvestissement? Vous voulez dire qu'on réduirait les cotisations et que l'on rembourserait les gens qui les ont versées?

Mme Alice Herscovitch: Non. Le programme d'assurance-emploi pourrait servir à verser des prestations à la plupart des Canadiens qui n'en touchent pas. Autrement dit, les exigences d'admissibilité sont telles que seuls quelques-uns y satisfont. Un réinvestissement s'impose là où nous avons fait d'énormes coupures car à part les familles à faible revenu, les prestataires touchent des prestations inférieures à ce qu'elles étaient auparavant et ils sont admissibles pour un moins grand nombre de semaines, la somme à laquelle ils ont droit étant elle aussi moins élevée.

M. Gary Pillitteri: Encore une fois, nous ne sommes pas d'accord sur les chiffres.

Mme Alice Herscovitch: Non.

M. Gary Pillitteri: Nous ne sommes pas d'accord sur les chiffres...

Mme Alice Herscovitch: Je peux vous citer des noms.

M. Gary Pillitteri: Je dirai seulement que vous citez des chiffres pour dire que moins de gens sont admissibles à l'assurance-emploi. Je regrette, mais ce n'est pas la réalité. En réalité, chacun peut citer ses propres chiffres, mais 77 p. 100 des personnes admissibles touchent de l'assurance-emploi.

Mme Alice Herscovitch: Je regrette, mais lorsqu'il y a eu une réforme importante de l'assurance-chômage, en 1971, 95 p. 100 des travailleurs canadiens étaient couverts par le régime alors que nous sommes maintenant bien loin de ce chiffre. Nous pourrions discuter des chiffres...

M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président. Ils ne veulent pas répondre à ma question.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Pillitteri. Je suis persuadé que M. Godin va poursuivre sur le même sujet.

Monsieur Godin, s'il vous plaît. Nos autres invités ne sont pas encore arrivés. Prenez donc cinq ou six minutes, et Mme Diane St-Jacques prendra également cinq ou six minutes.

M. Yvon Godin: Le surplus est supérieur à 15 milliards de dollars; il est d'environ 19 milliards de dollars. Ce n'est pas 3,4 milliards de dollars. Deuxièmement, il y a 38 p. 100 des personnes qui cotisent à l'assurance-emploi qui ne reçoivent plus d'assurance-emploi. Les 78 p. 100 dont parle Pierre Pettigrew cotisent à cause des changements qui ont été apportés à l'assurance-emploi, mais il y a 100 000 personnes qui ne peuvent plus recevoir d'assurance-emploi lorsqu'elles quittent leur emploi. Les statistiques peuvent...

J'aimerais dire que je sympathise avec vous, monsieur Harold Chorney. Étant un Acadien du Nouveau-Brunswick, je comprends comment vous vous sentez au plus profond de votre coeur. Nous, les Acadiens, c'est ce que nous ressentons depuis longtemps.

• 1600

À cause des coupures dans les transferts fédéraux aux provinces, ils ont transféré le laboratoire de l'hôpital français, à Moncton, à l'hôpital anglais. On se sent mal à cause de cela.

La SAANB, la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick, n'a même pas assez d'argent pour s'engager un directeur. Je peux comprendre comment vous vous sentez. Je n'irai pas plus loin.

J'aimerais poser une question aux étudiants. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. Vous avez fait des commentaires sur les surplus de l'assurance-emploi et vous avez dit que les jeunes Canadiens n'étaient plus admissibles à l'assurance-emploi. Il y a quelque temps, il fallait à peu près 300 heures pour être admissible à l'assurance-emploi. Maintenant, il en faut 910.

Le ministre du Développement des ressources humaines dit que la raison pour laquelle il faut 910 heures, c'est qu'il ne veut pas que les jeunes dépendent de l'assurance-emploi.

Ma question s'adresse à vous en tant que jeunes universitaires. Si vous êtes allés à l'université, vous avez dépensé 40 000 $ pour vos études, avec des bourses ou des prêts. Pensez-vous que les étudiants avec qui vous parlez cherchent à retirer de l'assurance-emploi au lieu de se trouver un emploi dans le métier pour lequel ils ont étudié afin d'être capables de payer leurs prêts?

Prenons l'exemple d'un jeune qui a 40 000 $ de dette, qui n'a pas de job, qui fait l'objet d'une discrimination parce qu'il est jeune, qui se fait dire: «Parce que tu es jeune, tu n'as pas droit à l'assurance-emploi.» Ne pensez-vous pas que ça mène parfois les jeunes au suicide? Je ne veux pas que vous le fassiez, mais j'aimerais que vous répondiez à ces questions que je vous pose.

M. Mathieu Painchaud: Il y a un ensemble de facteurs qu'il faut examiner. D'abord, l'endettement étudiant est à la hausse au Canada. Dans les autres provinces canadiennes, l'endettement est beaucoup plus élevé. Au Québec, c'est moins de 40 000 $, mais il existe quand même un endettement étudiant.

Également, c'est totalement vrai que les jeunes ne vont pas vers l'assurance-emploi pour tenter... En effet, comme vient de me le dire mon collègue, il faut commencer par travailler pour pouvoir bénéficier de l'assurance-emploi. Avec le fardeau de cette dette, il est impossible pour les jeunes de se diriger vers l'assurance-emploi. De toute façon, les prestations sont très réduites. De plus, avec la loi C-36, les jeunes ne peuvent plus se libérer de leurs dettes d'études. C'est absolument faux que les jeunes se dirigent vers l'assurance-emploi comme voie de solution.

Également, si les jeunes qui sont sur le marché du travail et qui ont des conditions d'emploi précaires se retrouvent sans assurance-emploi, eh bien, ils vont se retrouver à l'aide sociale. On connaît le phénomène de la pauvreté, le cercle vicieux de l'aide sociale. Donc, c'est très démotivant pour les jeunes quand ils sortent de l'université et se retrouvent face à la perspective de l'aide sociale.

Selon nous, il y a quelque chose à faire du côté de l'assurance-emploi. Il faut réinvestir de ce côté-là.

M. Pascal Bérubé: Le problème de l'assurance-emploi, c'est que ce n'est pas une véritable assurance. Les jeunes cotisent, mais ne peuvent jamais bénéficier de l'assurance-emploi. Pourquoi appelle-t-on ça une assurance? C'est un des problèmes.

Également, avant de pouvoir bénéficier de l'assurance-emploi, il faut avoir travaillé. Les diplômés ont un problème d'emploi avant même d'aller à l'assurance-emploi. Non seulement ils ont de moins en moins accès à l'assurance-emploi, mais en plus, et merci au projet de loi C-36, ça prend maintenant 10 ans avant de pouvoir faire faillite si on est un ex-étudiant. C'est une autre position discriminatoire.

M. Yvon Godin: Franchement, ce que Pettigrew dit m'inquiète. Il dit que les jeunes doivent être indépendants et que c'est pour cela qu'on exige 910 heures. La réalité, c'est que les jeunes ne peuvent pas en bénéficier.

Je parlais de discrimination. Vous autres, jeunes étudiants, vous payez cher pour aller à l'université. Il y a aussi l'assurance-automobile. Je pense qu'ici, au Québec, c'est comme au Nouveau-Brunswick: c'est bien plus cher pour un jeune. Dorénavant, vous n'aurez pas droit à l'assurance-emploi si vous perdez votre emploi. C'était une réflexion que je faisais, mais pensez-vous qu'un jeune qui est allé à l'université laisserait volontairement son emploi juste pour bénéficier de l'assurance-emploi, après être allé à l'université pendant quatre ou sept ans?

M. Pascal Bérubé: J'ose espérer que quelqu'un qui investit plusieurs années de sa vie et s'endette le fait pour pouvoir travailler dans son champ d'étude. Je crois que poser cette question, c'est y répondre. Nous en connaissons très peu. S'il y en a, ils sont très discrets.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Godin.

Madame St-Jacques, s'il vous plaît.

• 1605

Mme Diane St-Jacques: Comme je l'ai mentionné plus tôt à l'autre groupe, la pauvreté me préoccupe beaucoup. Je vais donc revenir là-dessus.

On sait que pour régler ce problème, il y a beaucoup de solutions. Dans son mémoire, M. LeVasseur mentionne l'allègement du fardeau fiscal. On sait que cela passe également par un climat favorable à la création d'emplois bien rémunérés. Il y a également l'indexation à la prestation nationale pour enfants, qui n'est pas indexée depuis plusieurs années et qui, par conséquent, s'érode depuis longtemps.

Il me semble que le gouvernement devrait penser à investir dans la prévention et le soutien. Je ne crois pas que le problème de la pauvreté va se régler seulement par l'argent. Oui, c'est important, mais si on n'aide pas ces gens-là, qui sont laissés pour compte depuis plusieurs années, à s'en sortir, on ne réglera rien. Quel genre de programme faudrait-il? Est-ce qu'il serait important de regarder tout cela? Il y a beaucoup de problèmes qui seraient résolus si on pensait à prévenir les problèmes qui vont arriver plus tard, à beaucoup de niveaux.

M. Jean-Claude LeVasseur: À Développement et Paix, c'est de la prévention qu'on essaie véritablement de faire avec l'aide au développement. On fournit de l'aide financière pour permettre aux gens de s'organiser, cela à partir de programmes qu'eux-mêmes initient.

On n'impose rien. On invite les gens à nous proposer des programmes et on finance ces programmes. C'est pour cela qu'il est pour nous très important d'aider les femmes à s'organiser. On les subventionne dans certains pays. Je prends un exemple que je connais un peu mieux, celui d'Haïti. On y subventionne des radios communautaires de telle sorte qu'il y ait une éducation qui se fasse et qui atteigne les populations analphabètes. Pour ces populations, c'est une façon d'avoir accès à l'information sur la santé, la politique et l'organisation de base de la société civile.

Tant et aussi longtemps que les gens à la base ne peuvent pas jouir d'un revenu décent, il leur est très difficile, étant donné qu'ils se trouvent dans un état de survie, de participer à la vie et à l'émergence d'une société civile. C'est fondamental.

La même chose existe ici. À partir du moment où vous êtes dans un état de survie, que vous êtes obligé d'avoir plusieurs emplois pour boucler les fins de mois, que vous êtes obligé de restreindre votre consommation de nourriture de qualité, vous vous retrouvez exclu et marginalisé. Pour s'impliquer, que ce soit au Nord ou au Sud, les femmes et les hommes doivent avoir un revenu décent, à défaut de quoi ils courent continuellement après la bouffe. C'est là qu'on intervient et qu'on fournit des moyens, et les gens se donnent des moyens pour s'organiser afin de s'en sortir.

La difficulté, et il faut en être bien conscient, c'est qu'il y a des pressions qui doivent venir de la part de nos gouvernements afin que les gouvernements de ces pays-là soient respectueux des droits fondamentaux. On va célébrer cette année le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Je pense que le Canada a un rôle déterminant à jouer à ce niveau-là pour faire en sorte que dans les pays où les droits fondamentaux ne sont pas respectés comme ils devraient l'être, ces droits soient respectés. On a un rôle déterminant à jouer à cet égard, notamment lors des missions économiques.

On peut faire un débat très large, mais je pense que le Canada se devrait d'avoir une politique et un leadership à ce niveau-là.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Madame St-Jacques.

Mme Diane St-Jacques: Non, ça va.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci.

[Traduction]

Monsieur Saxe, cela fait cinq ans que j'entends le même genre d'arguments. Pensez-vous qu'il soit normal que des sociétés réalisent des profits? Est-il sain qu'elles réalisent des profits? Je voudrais que vous me répondiez simplement par oui ou par non afin que je puisse poursuivre.

M. Gary Saxe: Oui, c'est sain. Oui, c'est louable.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit

[Français]

d'un impôt minimum pour les entreprises rentables.

[Traduction]

Autrement dit, vous voudriez un impôt minimum sur les sociétés rentables. Quel devrait être cet impôt minimum?

M. Gary Saxe: Je ne vais pas vous citer de montant. Je pense...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Savez-vous qu'il y en a un?

• 1610

M. Gary Saxe: Je sais qu'il y a un petit montant. Également...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non. Pour les petites sociétés, le taux d'imposition minimum est de 27 p. 100 et pour les grandes sociétés, il est de 50 p. 100 des bénéfices gagnés. Je défie toute personne ici présente...

M. Gary Saxe: Pourrais-je vous donner une réponse générale?

Comme j'ai été interrompu plusieurs fois au cours de mon exposé, j'aimerais apporter un éclaircissement. Je crois que ce serait juste. M. Szabo m'a écrit une note expliquant pourquoi j'avais tort.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je n'ai pas 10 minutes.

M. Gary Saxe: Je serai bref. D'après les observations de M. Szabo, il semble qu'il ait mal compris ce que je disais. Je n'ai pas prétendu que les sociétés ne payaient pas leurs impôts. Je crois qu'elles payent la totalité des impôts qu'elles sont censées payer. J'ai dit que les lois contenaient trop d'échappatoires, par exemple celles qui permettent aux entreprises d'amortir leurs machines sur une période plus courte et d'obtenir ainsi des avantages fiscaux. Il y a toutes sortes de moyens. Je ne suis pas comptable et je ne vais pas vous dresser une liste complète. Je dis seulement que, si le gouvernement et les personnes autour de cette table décidaient d'agir, ils auraient les moyens de trouver un peu plus d'argent pour lutter contre la pauvreté et je pense que ce devrait être...

Le vice-président (M. Nick Discepola): Si vous êtes d'accord avec le principe selon lequel il est souhaitable que les entreprises réalisent des bénéfices afin qu'elles puissent créer des emplois, etc., ne craignez-vous pas qu'en leur imposant un fardeau trop lourd, vous les ferez partir—nous avons eu de beaux exemples de gens qui font de la R-D en Oregon où ils sont exonérés d'impôt pendant 10 ans—où ces coûts seront assumés par les employés sous la forme d'une réduction de salaire ou par les consommateurs sous la forme de prix plus élevés ou encore par les actionnaires sous la forme d'une diminution des dividendes?

Dans les circonstances, je ne vois pas comment vous pouvez proposer d'instaurer un impôt minimum sur les sociétés et vous attendre à ce que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes.

M. Gary Saxe: Il y a peut-être un malentendu. Je n'ai eu que quelques secondes pour m'expliquer. Bien entendu, il faudrait que les sociétés soient rentables faute de quoi nous aurons des difficultés. Je crois toutefois qu'il y a

[Français]

marge de manoeuvre.

[Traduction]

Mme Alice Herscovitch: Une marge de manoeuvre.

M. Gary Saxe: Il est possible d'imposer un peu plus les très grandes sociétés et les gens très riches. Il ne faudrait pas imposer les gens à 100 p. 100. Je crois aussi que le gouvernement devrait donner l'exemple sur la scène internationale en veillant à ce que les paradis fiscaux qui permettent à une société de transférer ses fonds à l'étranger soient éliminés.

J'aimerais que notre premier ministre entreprenne une mission économique, pour fermer... Je sais qu'un pays ne peut pas le faire à lui seul. C'est difficile. Il faudrait donner l'exemple en veillant à éliminer ces fuites de capitaux. Cela aiderait notre gouvernement et les gouvernements du monde entier à s'attaquer au problème de la pauvreté.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup. Je veux vous laisser le mot de la fin.

[Français]

Il me reste à remercier nos invités d'avoir contribué à la discussion. Il n'y a pas de solution facile et c'est une décision difficile à prendre, mais votre collaboration nous facilitera les choses. J'espère que le ministre des Finances, quand il étudiera notre rapport, intégrera au moins 60 p. 100 de nos recommandations dans son futur budget, comme il le fait d'habitude.

Merci infiniment encore une fois. On va ajourner pour deux minutes pour laisser à nos prochains invités le temps de se regrouper.

• 1614




• 1622

Le vice-président (M. Nick Discepola): Nous reprenons nos travaux sur les consultations prébudgétaires. En fin de séance cet après-midi, nous recevons la Conférence des Régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec, représentée par M. Paulin Dumas, vice-président exécutif, et Mme Guylaine Chabot, directrice des communications. Nous vous souhaitons la bienvenue.

Nous recevrons également M. Bernard Côté, du Groupe Action populaire, qui n'est pas encore arrivé; de la Fédération canadienne des étudiant(e)s—Secteur canadien, Holly Baines, et du Secteur du Québec, M. Benoît Renaud et Mme Deborah Murray; de l'Institut de recherches cliniques de Montréal, le docteur Rafick-Pierre Sékaly et Mme Vaillancourt. Bienvenue à tous.

De la Fédération de l'âge d'or du Québec, nous recevons M. François Legault, président, et Mme Nicole Moir, directrice générale. À vous aussi, je souhaite la bienvenue. Ai-je oublié quelqu'un? Non, je pense que c'est tout.

Selon la tradition, vous présentez le point de vue de votre organisme pendant cinq à dix minutes, au maximum. On passe ensuite à une période de questions posées par les députés.

Nous entendrons d'abord la Conférence des Régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec. Monsieur Dumas, s'il vous plaît.

M. Paulin Dumas (vice-président exécutif, Conférence des Régies régionales de la santé et des services sociaux du Québec): Merci, monsieur le président, de nous avoir invités à cette séance de travail.

Je représente ici les Régies régionales de la santé et des service sociaux du Québec, qui sont au nombre de 18. Ces régies ont reçu comme mandat du gouvernement du Québec d'assurer l'accessibilité et la continuité des soins à travers les régions du Québec. Ces mandats sont des mandats d'organisation et de coordination des services, de financement des priorités dans les programmes qui touchent la population et qui touchent aux ressources matérielles et financières. Ces régies ont aussi le mandat de regrouper les forces et les ressources de leur territoire.

Mon propos, monsieur le président, sera le suivant: il est, bien sûr, absolument nécessaire de rétablir le niveau des transferts fédéraux. Le réseau québécois a procédé à un effort énorme, de l'ordre de 1,3 milliard de dollars, au cours des trois dernières années, dont 600 millions ont été affectés à la réallocation en fonction des priorités touchant les populations dans chacune des régions et dans chacun des territoires du Québec.

Il faut parfaire cette réforme, cette transformation, qui n'est pas terminée. Ce qui a été entrepris dans les années 1994 et 1995 n'a pas pu être mené avec l'intensité prévue au moment de la planification, parce que la marge de manoeuvre allouée a été utilisée, en bonne partie, pour atteindre l'objectif du déficit zéro, l'objectif d'assainissement des finances publiques, que nous comprenons bien, et aussi parce que le gouvernement fédéral, en même temps, réduisait ses transferts aux provinces.

• 1625

L'effort de 1,3 milliard de dollars sur trois ans qu'a dû fournir le réseau équivaut sensiblement au montant de la réduction des transferts du gouvernement fédéral à la province de Québec.

On comprendra l'importance du rehaussement des transferts en sachant que cela permettrait au Québec d'atteindre les résultats déterminés dans les orientations définies par le ministre, le 23 septembre, pour les trois prochaines années.

Les orientations ministérielles dévoilées le 23 septembre dernier résultaient d'un vaste bilan évalué, l'automne dernier, par un très grand nombre de personnes engagées dans les services à la population dans les domaines de la santé et des services sociaux. Chacune des régions a fait son propre bilan, a dégagé ce qui avait été réalisé à ce jour et ce qui avait pris le plus de temps.

Le rehaussement des transferts au Québec permettrait donc de consolider et de parachever un objectif commun, selon les besoins de la population de chaque région et de chaque territoire, c'est-à-dire l'accès à un réseau de services intégrés sur le plan local et sur le plan régional et, sur le plan national, à un réseau de services ultraspécialisés. Il faut assurer la qualité des services de base et les consolider, accroître l'accessibilité des services, consolider le réseau hospitalier universitaire, ce qui comporte des indicateurs des résultats à atteindre.

Ces orientations, pour le Québec, sont donc très claires. L'option à privilégier, pour le rehaussement des transferts fédéraux, est qu'ils soient faits au moyen d'une enveloppe accordée au Québec et destinée aux domaines de la santé et des services sociaux, mais à des actions non ciblées.

J'insiste sur le fait que les actions ne doivent pas être ciblées. Pourquoi? C'est que, dans les régions, on s'est donné des priorités depuis trois ans; on a alloué des sommes d'argent à celles qui répondaient le mieux à la connaissance qu'on avait de la problématique vécue dans sa région. Les problèmes ne sont pas les mêmes partout au Québec; ils sont particuliers à chacun des territoires et à chacune des régions.

Ces choix ont donc été guidés par l'acuité des problèmes à résoudre. Une région a pu, par exemple, choisir de combler la gamme des services en réadaptation physique, l'autre, de rehausser d'abord l'ensemble des mesures visant à maintenir les malades dans leur milieu. Ainsi, aujourd'hui, une région peut avoir atteint un haut niveau de services à domicile, alors que l'autre prévoit y arriver au cours des trois prochaines années.

Cibler l'action, à l'échelle du Canada et même à celle du Québec, serait une erreur qu'il ne faut pas commettre. Agir d'une façon aussi encadrée pourrait mener à investir des sommes dans des domaines où les besoins sont comblés, là où le seuil optimal est atteint. Cela risquerait aussi de créer des iniquités en cherchant à atteindre le contraire et de créer un réseau parallèle de services.

Voilà pour ce qui est de mon entrée en matière, monsieur le président.

Le président: M. Côté vient tout juste d'arriver et je me demande s'il est prêt. On peut continuer et passer à M. Renaud ou à Mme Murray.

M. Benoît Renaud (coordonnateur, Fédération canadienne des étudiant(e)s—Secteur du Québec): Mme Murray va commencer et je compléterai l'exposé par la suite.

[Traduction]

Mme Deborah Murray (représentante du Québec à l'exécutif, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants—Secteur du Québec): Nous allons faire un exposé conjoint pour le Québec. J'aborderai certaines questions, en commençant par la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

Une des questions qui préoccupent les étudiants du Québec qui participent au programme de prêts aux étudiants est la mise en place d'une période pendant laquelle les étudiants ne peuvent pas déclarer faillite. Au départ, cette période était de deux ans et elle a maintenant été portée à 10 ans après l'obtention du diplôme. C'est injuste et discriminatoire envers les étudiants qui peuvent se trouver dans une situation financière précaire et qui peuvent se trouver dans l'obligation de faire faillite. Cela ne tient pas compte des difficultés des étudiants qui éprouvent des problèmes financiers.

• 1630

En ce qui concerne la faillite, on semble estimer que les étudiants ne remboursent pas leurs prêts et qu'il faut donc imposer une mesure qui les obligera à rembourser. Mais en réalité, les recherches ont démontré—et nous avons fourni ces données au cours d'autres témoignages—que la majorité des étudiants s'efforcent de rembourser leurs prêts même si cela leur est difficile à de nombreux moments de leur vie, une fois leur diplôme obtenu, à cause du chômage élevé ou des bas salaires. Nous recommandons de supprimer l'interdiction de faire faillite pendant 10 ans.

La deuxième question concernant les prêts aux étudiants est la vérification du crédit qui doit être mise en place l'année prochaine. C'est également injuste et discriminatoire. Les prêts étudiants, car c'est l'expression que l'on utilise encore aujourd'hui, visent à apporter une aide financière aux étudiants. Ils doivent permettre aux étudiants qui autrement n'en auraient pas les moyens, d'avoir accès à l'enseignement postsecondaire. C'est le résultat de luttes que les étudiants ont menées par le passé afin que les jeunes des familles à faible revenu ou de la classe ouvrière, les femmes et les autres groupes minoritaires, puissent avoir accès à l'université. Cela pose également un problème.

En ce qui concerne les prêts aux étudiants, que ce soit la question de la faillite ou de la vérification du crédit, tout cela revient à soustraire au gouvernement la supervision du programme des prêts aux étudiants pour la confier aux banques. Les banques appliquent maintenant leurs propres normes de crédit aux prêts étudiants et cela pose un problème. Étant donné les difficultés incroyables auxquelles les étudiants doivent faire face, nous constatons qu'ils se sont endettés davantage tandis que les possibilités d'emploi ont diminué.

Quant aux raisons pour lesquelles les étudiants restent à l'école ou poursuivent leurs études pour essayer d'améliorer leurs possibilités d'emploi, malheureusement le marché du travail ne répond pas aux attentes des étudiants qui obtiennent leur diplôme. Du début à la fin, cela oblige les étudiants à contracter des prêts étudiants pour faire leurs études. Ils n'ont pas d'emplois qui leur permettraient de financer leurs études. Mais en même temps, le marché du travail ne permet pas à la majorité des étudiants de gagner un revenu suffisant... ou même d'obtenir un emploi.

Cela a un effet dévastateur sur les étudiants étant donné que 80 p. 100 de la population étudiante du pays vit en dessous du seuil de la pauvreté et qu'on a assisté à une croissance des banques d'alimentation pour étudiants. Les signes de pauvreté sont visibles autour de nous. Cela veut dire aussi que nous nous éloignons complètement du principe de l'éducation financée par l'État et accessible à tous.

Deux autres choses dont j'aimerais parler brièvement sont le financement des organismes subventionnaires et le fonds des bourses du millénaire. Les étudiants diplômés ont été particulièrement satisfaits de voir une augmentation dans le dernier budget. Néanmoins, cela ne règle toujours pas la question des crédits globaux nécessaires pour financer les projets de recherche universitaire que nous sommes censés entreprendre pour obtenir notre diplôme. En même temps, les bourses du millénaire ne contribuent pas au financement des études supérieures ou ne les rendent pas accessibles aux étudiants diplômés.

Nous recommandons d'éliminer l'interdiction de faire faillite pendant 10 ans. Nous voulons que cette décision soit annulée de même que celle de procéder à des vérifications du crédit pour les prêts aux étudiants. Pour ce qui est des organismes subventionnaires, nous voulons que le gouvernement fédéral rétablisse au moins ce financement à son niveau de 1993. Enfin, nous voudrions que le fonds des bourses du millénaire soit administré par le ministère des Ressources humaines, mais que les étudiants diplômés puissent aussi en bénéficier.

• 1635

Benoît va aborder certaines autres questions.

Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, madame Murray.

[Français]

Monsieur Renaud.

M. Benoît Renaud: Je vais compléter rapidement en mettant l'accent sur deux questions centrales, la Fondation des bourses du millénaire et les paiements de transfert aux provinces, les deux étant liés.

D'une part, l'ensemble de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants s'oppose à la Fondation des bourses du millénaire telle qu'établie, entre autres parce que c'est un organisme privé très indirectement comptable de ses actions à la population, qui peut donc, à ce moment-là, établir des critères discutables quant à l'attribution des fonds.

Ce que nous demandons d'abord, c'est que l'argent prévu pour la Fondation des bourses du millénaire soit utilisé dans les programmes d'aide financière déjà existants. Dans le cas du Québec, cet argent-là devrait être remis au gouvernement québécois pour qu'il puisse l'injecter dans le régime existant d'aide financière aux études, lequel inclut déjà une part importante de bourses.

Dans le reste du Canada, nous recommandons que les fonds prévus pour les bourses du millénaire servent à mettre en place un régime de bourses fondé sur les besoins, soit sur les mêmes critères que le régime actuel de prêts, donc qui vienne en complément au régime de prêts. Une telle mesure réduirait l'endettement de façon généralisée. Il faudrait peut-être s'inspirer de l'exemple du Québec, où l'aide financière est donnée en partie sous forme de prêts et en partie sous forme de bourses, afin de réduire, à tout le moins, la crise de l'endettement étudiant qui sévit actuellement, particulièrement à l'extérieur du Québec.

D'autre part, venons-en aux paiements de transfert aux provinces dans lesquels des compressions majeures ont été effectuées. On s'interroge, au point de départ, sur la légitimité de cette mesure prise pour réduire la dette du gouvernement fédéral. Cependant, même si on peut remettre en question a posteriori les méthodes employées, il se trouve que la dette a été éliminée et qu'on se dirige maintenant vers des surplus. Nous trouverions donc complètement inacceptable, les efforts que nous avons dû faire sans qu'on nous ait demandé notre avis ayant été fructueux, qu'ils ne soient pas suivis d'une augmentation marquée des paiements de transfert aux provinces, pour l'éducation postsecondaire notamment mais aussi pour l'ensemble des programmes sociaux.

Nous nous opposons donc au raisonnement par lequel on cherche à pousser le gouvernement à réduire les impôts, ce qui pourrait l'engager dans une sorte de cercle vicieux en recréant un déficit. Le gouvernement pourrait se retrouver dans la situation insoluble où, finalement, il se priverait lui-même de revenus, créerait à nouveau une dette et déciderait encore une fois de sabrer dans les programmes sociaux. En fin de compte, c'est un transfert massif des fonds du secteur public au secteur privé qui résulterait de cette dynamique-là.

Ce que nous demandons, c'est d'inverser la tendance, c'est-à-dire que les paiements de transfert aux provinces et l'ensemble du financement des programmes sociaux soient augmentés de façon marquée ou au moins ramenés au niveau de 1993-1994, moment où le Parti libéral a été porté au pouvoir.

Pour terminer, nous nous opposons aussi à l'argumentation selon laquelle il faut absolument mettre l'accent sur les réductions d'impôt et sur l'élimination de la dette accumulée pour que le Canada devienne plus compétitif et ce genre de choses.

Tout d'abord, disons qu'il n'y a pas que la compétition économique dans la vie; il y a d'autres priorités, entre autres les droits des individus. Nous considérons ces droits extrêmement importants. Or, le niveau actuel des frais de scolarité pour les études postsecondaires est tellement prohibitif et le niveau de l'endettement tellement élevé que cela revient à entraver le droit des citoyennes et des citoyens à l'éducation.

Nous voulons aussi souligner que le gouvernement fédéral lui-même a une part importante de responsabilité dans la création de ce contexte de compétition à outrance qui pousse à faire des compressions indéfiniment.

• 1640

Pour cette même raison, nous nous opposons aussi à des traités comme l'Accord multilatéral sur l'investissement qui, heureusement, semble avoir beaucoup de plomb dans l'aile. Mais il faudrait continuer de remettre en cause l'espèce de mondialisation un peu désordonnée et rendre à l'État son rôle dans la société, de façon à préserver et garantir les droits des citoyennes et des citoyens avant toute chose.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, monsieur Renaud.

[Traduction]

Madame Baines, voudriez-vous commencer?

[Français]

Mme Holly Baines (vice-présidente, Fédération canadienne des étudiants, secteur du Québec): Je veux d'abord m'excuser de ne pas avoir une version française de ma présentation. Je n'ai pas eu accès au service de traduction de la Fédération des étudiants et des étudiantes lorsque j'ai écrit cette présentation. Mais je pourrai essayer de répondre en français aux questions qui me seront posées plus tard.

[Traduction]

Je dirai tout d'abord que vous avez déjà entendu ce que je vais vous dire et que ces choses vous seront répétées bien des fois car elles restent très importantes pour les étudiants et même pour tous les Canadiens.

Je voudrais d'abord vous citer un extrait du discours du Trône de la 36e législature prononcé le 23 septembre 1997:

    Assurer le plus grand accès possible à l'éducation postsecondaire est un rôle important pour tous les gouvernements. Les Canadiens s'inquiètent de l'augmentation du coût de l'enseignement supérieur et des dettes que cela impose aux étudiants.

La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants demeure l'organisation étudiante la plus importante du pays. Nous regroupons plus de 400 000 étudiants d'une soixantaine de collèges, universités et établissements d'enseignement de St. John à Terre-Neuve et à Victoria en Colombie-Britannique. Aucun de nous n'est convaincu que le budget dit de l'éducation de 1998 a réglé la crise du financement de l'enseignement postsecondaire au Canada.

Lors de nos assemblées générales nationales bisannuelles, les membres de notre fédération ont analysé ce que l'enseignement post-secondaire attendait du budget fédéral de 1999 et des budgets futurs. Nous rappelons aux membres du comité que pour améliorer à long terme l'accessibilité et la qualité de l'éducation publique au Canada, il faut réinvestir dans le financement de base.

Nous exhortons les membres du comité à inclure ces recommandations dans leur rapport final au ministre des Finances.

Première recommandation: rétablir les transferts en espèces aux provinces au moins à leurs niveaux de 1993.

Deuxième recommandation: améliorer l'aide financière aux étudiants. Les ententes de partage des risques avec les institutions financières ne devraient pas être renouvelées. Il faudrait établir un programme plus adéquat de réduction de la dette, dès la première année de remboursement. Les bourses du millénaire devraient être octroyées uniquement en fonction des besoins financiers. Ces bourses devraient être transformées en bourses d'accessibilité pour les étudiants et administrées par le ministère du Développement des ressources humaines.

Troisième recommandation: éliminer l'interdiction de faire faillite pendant 10 ans pour les détenteurs d'un prêt étudiant.

Quatrième recommandation: résoudre le problème du chômage et du sous-emploi. Il faudrait rétablir le financement des provinces et des territoires pour la formation. Il faut améliorer les programmes d'apprentissage et les élargir. Dans le cadre de la stratégie de plein emploi, le gouvernement fédéral doit donner l'exemple en mettant sur pied des programmes d'emploi qui assureront aux étudiants et aux diplômés des emplois intéressants et bien rémunérés. Il faudrait modifier les règlements de l'assurance-emploi pour permettre à plus d'étudiants et de diplômés récents d'être admissibles aux prestations lorsqu'ils sont dans le besoin.

Cinquième recommandation: accroître le financement des organismes subventionnaires, surtout du Conseil de recherches en sciences humaines qui n'obtient que le tiers de ce qu'obtiennent le Conseil de recherches médicales et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie.

Sixième recommandation: améliorer les mesures fiscales pour les étudiants. Il faudrait porter la partie exonérée d'impôt et des bourses de 500 $ au double de la déduction personnelle de base, le reste étant considéré comme un revenu gagné afin que les étudiants diplômés particulièrement puissent économiser pour leur avenir. Il faudrait que les crédits d'impôt pour frais de scolarité et autres frais d'éducation soient remboursables afin que les étudiants les plus nécessiteux obtiennent de l'aide.

En fin, septième recommandation: rendre la fiscalité plus équitable.

• 1645

Nous formulons ces recommandations alors que le gouvernement fédéral a réduit de 7 milliards de dollars ses paiements de transfert aux provinces pour l'éducation postsecondaire et la formation. Les gouvernements provinciaux ont dû trouver d'autres moyens de financer l'enseignement postsecondaire, autrement dit, ils ont augmenté les frais de scolarité imposés aux étudiants.

Les programmes d'aide financière aux étudiants mal conçus et sous-financés qui reposaient presque entièrement sur des prêts n'ont pas pu répondre aux besoins financiers de nombreux étudiants. Depuis 1993, le seul domaine dans lequel il y a eu une progression importante est la dette contractée par les étudiants du post-secondaire.

Même si le premier ministre Mike Harris a déclaré que leurs dettes allaient seulement obliger les étudiants à retarder d'un an l'achat d'une BMW, cet endettement reste la principale source de préoccupation pour les étudiants, surtout ceux de l'enseignement supérieur. Un petit sondage auprès d'un gouvernement étudiant, le Syndicat des diplômés de l'Université de Toronto, montre que toutes les organisations citent l'endettement étudiant et les frais de scolarité trop élevés comme les problèmes qu'ils voudraient voir abordés au cours de l'année à venir.

Ces inquiétudes, qui sont parfois très vives, sont justifiées. Je connais personnellement des étudiants de premier cycle qui vont devoir s'endetter de 30 000 $ et décider de faire ou non des études supérieures ou de prendre n'importe quel emploi qu'ils pourront trouver, s'ils ont la chance de pouvoir faire ce choix. Je connais également une étudiante de troisième cycle qui vient de terminer l'ébauche finale de sa thèse de doctorat et qui a une dette de plus de 95 000 $.

Le budget dit de l'éducation de 1998 a trahi ces étudiants et les autres. Les changements apportés à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité ont été critiqués par les administrateurs de faillite de tout le pays et ce n'est certainement pas une bonne chose pour les étudiants. Le gouvernement insulte les étudiants canadiens en prétendant que ces changements visent à les protéger.

Comment nous protège-t-on en nous plaçant dans l'obligation de déclarer deux fois faillite, avec un intervalle de 10 ans? Cette décision n'est pas prise à la légère et nous devrions être protégés contre les créanciers au même titre que n'importe quel autre citoyen même si, dans ce cas, le créancier est le gouvernement fédéral ou un gouvernement provincial. Il faudrait abroger les changements à la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

En qualifiant le budget fédéral de 1998 de «budget de l'éducation» on insulte les Canadiens en ne tenant pas compte de la nécessité d'accroître le financement de base de l'enseignement postsecondaire au Canada, un système autrefois financé par l'État qui devient rapidement un système subventionné.

Même les administrateurs des universités, collèges et établissements d'enseignement comprennent qu'ils ne peuvent pas compenser leur manque à gagner uniquement en augmentant les frais de scolarité. Ils se sont donc tournés vers des partenariats avec l'entreprise privée. Non seulement cela a permis au secteur privé d'exercer un contrôle sans précédent sur les programmes scolaires dans certains cas, mais c'est allé à l'encontre de l'investissement public dans l'éducation qui a fait la fierté du Canada pendant des décennies.

Des intérêts privés peuvent désormais, sous prétexte d'apporter une source de financement supplémentaire aux collèges et universités, avoir accès à des laboratoires, bibliothèques et compétences payés par les contribuables. C'est sanctionner la poursuite privée du profit. Matthew Barrett a dit, je crois, à propos de son engagement auprès des universités ontariennes, qu'ils ne le font pas pour rien.

Le contexte général de ces opérations financières, c'est que l'éducation devient de plus en plus le premier critère dans la recherche d'un emploi. Mais comme le chômage et le sous-emploi au Canada sont très élevés, même les détenteurs d'un diplôme d'études postsecondaires n'arrivent pas à trouver un emploi. En tout, 27 p. 100 des Canadiens qui vivent sous le seuil de la pauvreté ont fait des études postsecondaires. C'est une honte. Ces gens ont cru que l'éducation serait une assurance pour l'avenir.

C'est dans ce contexte que la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants continue de préconiser une véritable solution en vue d'élargir autant que possible l'accès à l'enseignement postsecondaire. Pour ce faire, il faut cibler le système, et non les particuliers. Le financement de base versé par l'entremise des transferts fédéraux ciblés doit être rétabli aux niveaux de 1993. Les solutions symboliques, comme les réductions et les crédits d'impôt, les programmes d'aide ciblée, les bourses publiques privées, ou même les bourses d'études ne mettent l'accent que sur l'individu. Séparément, ces mesures ne peuvent réussir à élargir l'accès à l'enseignement. Seul un système d'enseignement postsecondaire entièrement opérationnel et financé par l'État peut le faire.

Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Baines.

[Français]

J'aimerais demander à M. Bernard Côté de nous présenter maintenant sa communication.

• 1650

M. Bernard Côté (Groupe Action populaire): Je représente le Groupe Action populaire ou, si vous le préférez, l'Organisation d'aide aux personnes sans emploi.

On s'attend probablement à ce que nous réclamions que le gouvernement mette en place des normes minimales d'aide aux personnes sans emploi, puisque les programmes provinciaux se retrouvent souvent en deçà des normes acceptables. Au cours des dernières années, nous avons subi d'importantes coupures et je crois que la plupart des gens connaissent le discours.

On pourrait s'assurer qu'il y ait des programmes d'employabilité qui ne débouchent pas uniquement sur des emplois à très court terme, forçant une personne à recourir à nouveau aux programmes de sécurité du revenu ou à tout autre programme provincial à l'intention des personnes sans emploi. On pourrait s'assurer d'éliminer tous les programmes de workfare qu'on développe et qui font en sorte que des travailleurs sont sous-payés et touchent une rémunération inférieure au salaire minimum. À mon avis, ce seraient des réclamations légitimes.

Bien que ces revendications de la part des personnes sans emploi soient légitimes, nous devons être conscients que le déficit du Canada s'élève à près de 600 milliards de dollars. Il y a une foule de jeunes sans-emploi et leur discours est légitime. Il est également légitime que les étudiants revendiquent une meilleure situation, qu'on veuille investir dans la recherche et dans l'emploi, qu'on veuille réduire les impôts des entreprises et de certains contribuables, qu'on veuille investir dans les domaines de la santé et de l'éducation et qu'on veuille venir en aide aux plus démunis. C'est légitime.

Mais il faut aller au-delà des droits des individus. Dans une société archaïque, l'individu prime; dans une société comme la nôtre, l'individu ne tire son identité ou sa richesse que de la richesse collective, laquelle existe en théorie. Une dette de 600 milliards de dollars est énorme et représente presque le double du produit intérieur brut du Canada; c'est un fait connu.

Je recommanderais qu'en premier lieu, on réserve un fort pourcentage du surplus budgétaire, peut-être près de 75 p. 100, et qu'on l'affecte au remboursement de la dette. Le jour où la dette sera disparue, la situation des personnes sans emploi sera grandement améliorée. Les domaines de la recherche, de la santé, de l'éducation, de l'emploi ne feront plus l'objet de coupures.

Les réductions budgétaires ont toutes été faites parce qu'année après année, on se retrouvait face à un déficit et que chaque personne dépensait plus qu'elle ne recevait à chaque année. Même si nous ne sommes plus en déficit et que nous avons appris à gérer nos finances, la dette demeure. Le jour où la dette se sera résorbée, il n'y a pas un seul gouvernement qui, devant toute la collectivité, osera affirmer qu'il va réduire l'aide aux personnes sans emploi.

Tous les programmes sociaux ont été mis sur pied dans un contexte de richesse, au moment où la dette, tant canadienne que québécoise, était à peu près nulle. Il était alors légitime qu'on investisse dans les services de santé et dans l'éducation. Nous étions dans un contexte de plein emploi, où il y avait l'aide sociale.

Notre priorité devrait être d'éliminer le plus rapidement possible cette dette qui représente un lourd fardeau pour les générations à venir. Ce que je souhaite le plus, c'est que les gens ici présents puissent se rencontrer avant de venir comparaître ici afin d'en arriver à une proposition commune. Si tous les intérêts divergents réussissent à formuler une proposition commune, le gouvernement fera l'objet d'un petit peu plus de pression face à nos revendications relativement à l'utilisation d'éventuels surplus. Les intérêts divergents pourraient en arriver à une proposition commune et la soumettre au gouvernement. Ce dernier ne l'accepterait peut-être pas d'emblée, mais en nous unissant tous, nous ferions prévaloir la démocratie comme forme de gouvernement. Ce serait une véritable reprise en main du pouvoir par tous les groupes ici présents, tant par les étudiants—j'en étais un il n'y a pas si longtemps encore—que par les plus démunis et les chercheurs.

Quand on utilise 75 p. 100 du surplus comme je le propose, il en reste 25 p. 100. Si, comme le prédit M. Martin, nous nous retrouvons avec un surplus de 20 milliards de dollars d'ici peu, il restera encore 5 milliards de dollars que nous pourrons réinvestir dans la société et répartir entre les divers groupes. Nous pourrons venir en aide à certains groupes. Mais je crois qu'une fois qu'on a arrêté la maison de brûler, on a déjà fait un premier pas. Il faut simplement arrêter de dépenser plus que ce qu'on a. Avant de dilapider notre argent ou de le redistribuer, il faut peut-être commencer par rebâtir la maison; on a tous besoin collectivement d'un toit. On a tous besoin de s'entendre collectivement. On doit défendre les droits des individus dans un pays comme le Canada, mais ces droits ne pourront être défendus adéquatement que dans un contexte où notre dette sera réduite à un niveau acceptable, inférieur au produit intérieur brut. Dans un tel contexte, nous pourrons songer à aller plus loin.

• 1655

Ce qui nous restera à déterminer collectivement ici, c'est la façon dont nous distribuerons prioritairement la part qui reste. Accorderons-nous des baisses d'impôt ou investirons-nous davantage dans la santé ou l'éducation? Évidemment, je pense qu'on ne peut pas négliger les services de santé ni délaisser les plus démunis. Il y a des situations urgentes. Si on me demandait, comme on le faisait l'an dernier, si nous avons de l'argent à donner aux plus démunis, je dirais oui. Je recommande toutefois que la majeure partie des surplus serve prioritairement au remboursement de la dette. Je suis conscient qu'en agissant ainsi, ce sera très difficile pour les plus démunis à court terme, mais à moyen terme, on va tous y gagner. Je vous remercie.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Côté. Docteur Sékaly, je vous accorde la parole.

Dr Rafick-Pierre Sékaly (directeur, Centre de recherche en immunologie, Institut de recherches cliniques de Montréal): Bonjour. Je tiens tout d'abord à vous remercier de me donner l'occasion de présenter les arguments nécessaires concernant les besoins criants des budgets de la recherche en général, et de la recherche biomédicale en particulier.

Je tiens aussi à féliciter les membres de ce comité pour le travail accompli depuis l'an dernier, qui a permis de surmonter le déficit budgétaire et, par ailleurs, d'obtenir une augmentation des budgets de recherche accordés aux trois conseils de recherche subventionnaires, comme suite à la recommandation que nous avions formulée l'an dernier. L'effort du gouvernement en matière de financement de la recherche a aussi été renforcé par les investissements faits dans la Fondation canadienne pour l'innovation. Toutefois, ma présence ici avec Mme Vaillancourt, en tant que représentant du Conseil canadien pour la recherche en santé et aussi de l'Institut de recherches cliniques de Montréal, est due au fait que malgré l'effort entrepris, d'autres investissements de nature beaucoup plus substantielle sont requis afin d'assurer un développement des talents canadiens, un renforcement des infrastructures en place et surtout une meilleure qualité de vie et un meilleur système de santé pour les Canadiennes et Canadiens. Les investissements que nous proposons ici devraient une fois pour toutes corriger la situation pénible chronique qui nous oblige toutes les années à revenir devant ce comité pour défendre les budgets de recherche. Ils devraient aussi procurer un cadre intégrateur qui permettrait un essor économique, une meilleure utilisation des talents et ressources et une amélioration des systèmes de santé.

Quel est le problème? Malgré les efforts consentis, le Canada se situe toujours loin derrière les autres pays du G-7 en ce qui a trait aux montants investis par le gouvernement dans la recherche. Cet écart ne fera que s'accroître, particulièrement par rapport à nos voisins du Sud, puisque le gouvernement américain prévoit doubler d'ici l'an 2001 les investissements en recherche, et ce malgré des investissements qui déjà sont 10 fois supérieurs aux investissements canadiens. Lors du dernier budget américain, on annonçait une augmentation de 20 p. 100 du budget des Instituts nationaux de santé américain, les NIH. On leur accordait un investissement de 2 milliards de dollars afin de justement promouvoir et favoriser la recherche en santé.

Ce sous-investissement dans la recherche a abouti rapidement à un affaiblissement des infrastructures dans lesquelles le gouvernement a déjà investi des montants considérables au fil des ans, notamment au niveau de la formation. Ce sous-investissement a aussi abouti à une qualité inférieure du système de santé puisque le Canada, les Canadiens et les Canadiennes sont constamment dépendants de l'évaluation de nouveaux médicaments ou de nouvelles procédures de soins par des chercheurs à l'extérieur du Canada, dans des pays qui n'ont pas nécessairement les mêmes problèmes, les mêmes infrastructures ou le même système de soins de santé que celui que nous avons ici.

Ce sous-investissement a aussi abouti à un exode des cerveaux. À ce propos, la revue Time Magazine a récemment consacré sa page couverture et tout son éditorial à ce problème. Plus récemment, deux articles parus dans La Presse de Montréal ont évalué le coût de cet exode de cerveaux à plus de 1 milliard de dollars.

Quelles sont les conséquences de ce problème? Il y a d'abord un système de santé amoindri parce qu'on n'a pas identifié ou caractérisé de nouveaux traitements, des coûts plus importants pour les Canadiennes et Canadiens parce qu'on n'a pas exploré de nouvelles méthodes de soins moins invasives et une propriété intellectuelle des institutions canadiennes qui va être diminuée. Dans le cadre de la globalisation des marchés, ceci serait désastreux. Il n'y a pas de biotechnologie, une des industries les plus en vogue et les plus créatrices d'un grand nombre d'emplois. En fait, nos chercheurs émigrent de plus en plus vers le Sud, et les compagnies canadiennes ont du mal à recruter un nombre de chercheurs suffisant pour travailler dans leurs laboratoires parce qu'il n'y en a pas assez qui sont formés ici. Il y a des investissements qui échappent au Canada. Malgré leur capacité de générer des ressources financières au Canada, les investisseurs de capitaux de risque investissent de plus en plus dans d'autres pays parce que les infrastructures de recherche commencent à être de moins en moins solides ici. Finalement, les universités ont du mal à recruter des chercheurs et il y a donc de moins en moins de renouveau dans la communauté des chercheurs.

• 1700

Plus de huit de mes étudiants au doctorat qui ont été formés entièrement au Canada sont maintenant éparpillés un peu partout sur la planète. On n'accorde pas les ressources nécessaires qui nous permettraient de retenir les meilleurs éléments. Plusieurs membres d'un comité de recherche canadien ont soulevé cet état de choses.

Quelle est la solution que nous vous soumettons? Nous proposons la création d'un nouvel organisme pancanadien qui regrouperait toutes les forces vives de la recherche au Canada et qui permettrait de chapeauter la recherche biomédicale. Il s'agirait en quelque sorte de créer des instituts canadiens pour la recherche en santé. Cela exigerait un investissement d'environ 500 millions de dollars, auquel contribueraient les organismes caritatifs privés et les compagnies pharmaceutiques, afin d'éviter tout chevauchement ou tout dédoublement d'efforts. Il aboutirait à la création d'un réseau canadien d'instituts ou de laboratoires qui consoliderait les infrastructures présentes et permettrait l'essor de la recherche biomédicale canadienne, en assurant une meilleure utilisation des ressources disponibles. Il permettrait l'épanouissement des talents canadiens. Il éviterait le gaspillage des investissements déjà faits par le gouvernement canadien. Cette initiative est appuyée par une grande majorité de Canadiennes et Canadiens. Un récent sondage a démontré que plus de 70 p. 100 d'eux sont en faveur d'une augmentation du budget de recherche accordé par le gouvernement canadien.

Cette initiative représente une nouvelle vision globale de l'effort de recherche, une vision intégrée qui permettra de pallier plusieurs problèmes, sans nécessairement augmenter ou affecter les efforts qui sont investis en vue de diminuer les problèmes relatifs à la dette canadienne.

Je tiens à vous remercier de votre attention et j'aurai le plaisir de répondre à vos questions. Madame Vaillancourt, je vous cède la parole.

Mme Louise Vaillancourt (vice-présidente, Institut de recherches cliniques de Montréal): Je ne sais pas si vous savez tous que le Conseil pour la recherche en santé au Canada se compose d'organismes bénévoles du secteur de la santé et d'institutions de recherche. Ses objectifs consistent à promouvoir un effort de recherche soutenu et de qualité dans le domaine de la santé et à encourager le financement de la recherche en santé au Canada.

[Traduction]

Nous aimerions que le Canada souscrive à une vision axée sur un vaste programme de recherche, une entreprise de recherche en santé sensible aux besoins des Canadiens, et reconnue comme étant à l'avant-garde de la recherche en santé à l'échelle internationale, et qui garantit la compétitivité du Canada dans le secteur de la santé dans une économie du savoir.

Ce groupe, qui jouit de l'appui du ministre de la Santé et de bon nombre de ses collègues, représente le CRM, ou le MRC en anglais, 16 organismes de santé et de bienfaisance, ainsi que de nombreuses organisations et industries oeuvrant dans le domaine de la recherche biomédicale.

À mon avis, il convient de noter, lorsque nous demandons qu'une nouvelle méthode soit utilisée pour distribuer les fonds de recherche au Canada, que cet argent ne soit pas versé au chercheur qui en fait, mais qu'il serve plutôt à créer des emplois pour des étudiants diplômés, des emplois qui vont faire en sorte que le programme de recherche puisse être mis en oeuvre rapidement, ce qui pourrait se traduire par l'élaboration de produits et de nouvelles méthodes de prestation des soins de santé. Nous parlons donc d'emplois, et c'est un aspect très important.

• 1705

[Français]

Vous savez tous, messieurs et mesdames, qu'il faut au moins 15 ans pour former un chercheur. Si on manque le bateau aujourd'hui, ce sont nos enfants et nos petits-enfants qui vont payer la facture dans 15 ans.

[Traduction]

Je pourrais continuer,

[Français]

mais je pense que le Dr Sékaly a dit ce qu'il y avait à dire. J'espère que vous lirez la documentation que nous avons préparée à votre intention avec attention et que vous la recommanderez à M. le ministre.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci, madame Vaillancourt. Je demanderai maintenant à M. François Legault de la Fédération de l'âge d'or du Québec de prendre la parole.

M. François Legault (président, Fédération de l'âge d'or du Québec): Merci. La Fédération de l'âge d'or du Québec vous remercie d'avoir accepté de nous entendre à l'occasion de ces audiences.

Comme vous le savez sans doute, la FADOQ regroupe plus de 260 000 personnes âgées de 50 ans et plus au Québec. Constitué de 16 regroupements régionaux et de près de 1 000 clubs, le mouvement a pour mission de maintenir et d'améliorer la qualité de vie des aînés, tant dans le domaine social que par la pratique des loisirs.

Nous avons, au cours des dernières années, suivi avec intérêt les efforts qu'a déployés le gouvernement pour assainir les finances publiques et abolir le déficit. Ces efforts, que nous avons encouragés lors des consultations budgétaires précédentes, nous semblaient nécessaires pour garantir à l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens, y compris les aînés, un meilleur avenir social et économique.

La marge de manoeuvre financière qui semble cette année se dégager ne saurait, par ailleurs, nous faire oublier que la dette canadienne n'est pas pour autant résorbée et qu'elle demeure un fardeau que chacun d'entre nous supporte.

Comme nous l'avions dit l'an dernier, le gouvernement devrait, dans les prochaines années, ne pas perdre de vue la nécessaire réduction de cette dette tout en adoptant de manière parallèle diverses mesures propices à améliorer la situation financière et sociale des Canadiens jeunes et plus âgés.

Nous ne nous attarderons pas sur des aspects que d'autres groupes ont abordés avant nous et défendus sans doute beaucoup mieux. Nous tenons toutefois à nous joindre à tous ceux et celles qui pressent le gouvernement d'adopter un plan de réduction progressive des impôts qui ne pourra que contribuer au mieux-être des citoyens comme au climat économique général.

À cet égard, l'une de nos préoccupations est la faible manoeuvre financière qu'ont actuellement les citoyens canadiens pour planifier leurs revenus de retraite. De plus, malgré le fait que le gouvernement a renoncé à adopter sa prestation aux aînés, nous sommes conscients que l'augmentation de la population âgée retraitée et la perspective d'une réduction de la population active contribueront, tôt ou tard, à ramener le sujet sur le tapis. La révision du Régime de pensions du Canada et celle du Régime des rentes du Québec assurent aux travailleurs actuels, qui voient tout de même leur taux de cotisation s'alourdir, une certaine sécurité financière à venir.

Toutefois, nous ne saurions considérer que cet apport, combiné au programme de sécurité de la vieillesse, leur garantit une aisance financière minimale à leur retraite.

Par ailleurs, les régimes enregistrés d'épargne-retraite, malgré les avantages fiscaux qu'accorde le gouvernement à cet effet, ne sont pas encore utilisés par une majorité de personnes et, de celles-là, bien peu y investissent le montant maximal auquel elles ont droit.

Il faut noter que les retraites hâtives, les bouleversements sociaux qu'entraînent les pertes massives d'emplois ou le retour des enfants qui ne parviennent pas à en trouver un, l'obligation de prendre soin de parents plus âgés poussent trop souvent les adultes de 50 ou 60 ans à retirer l'argent qu'ils avaient investi dans leur régime.

Enfin, il faut dire que ce n'est pas encore la majorité des travailleurs qui ont accès à un régime de pensions privé et que c'est malheureusement le cas de la plupart des travailleurs à faible revenu.

La FADOQ demande au gouvernement de confirmer que le sort des aînés restera une priorité pour l'État, d'adopter des mesures supplémentaires pour aider les Canadiens à constituer un revenu de retraite et d'encourager la création d'emplois permettant la viabilité des régimes actuels.

En 1994, plus de 200 000 personnes âgées de 65 ans et plus avaient, au Québec, un revenu inférieur à 10 000 $. En regroupant les trois niveaux de revenus, soit le programme de sécurité de la vieillesse, le supplément de revenu garanti et le Régime des rentes du Québec, 62 p. 100 des personnes âgées et plus avaient un revenu inférieur à 15 000 $. Enfin, seulement 5 p. 100 des aînés avaient un revenu supérieur à 40 000 $.

• 1710

Or, le coût de la vie est le même, qu'on soit retraité ou travailleur. Toutefois, les aînés ont très peu de moyens pour augmenter leurs revenus. Il devient donc urgent de bonifier les programmes de soutien pour permettre aux personnes âgées de vivre avec un revenu adéquat.

Voici le témoignage que nous avons reçu d'une dame de 73 ans qui vit seule. Il illustre la situation de nombreux aînés à faible revenu. Elle est veuve depuis une vingtaine d'années; son mari est décédé à l'âge de 54 ans. En 1997, son revenu annuel imposable était de 10 571,16 $. Elle nous dit qu'elle a beau savoir compter, il est devenu impossible de joindre les deux bouts. Pour elle, c'est l'essentiel, rien d'autre: loyer, nourriture, vêtements, médicaments non couverts par l'assurance-médicaments, dentiste, assurance-vie, assurance-feu, téléphone et câble, ce qui est son seul loisir. Madame ne peut même plus se payer la petite gâterie d'aller se faire coiffer à l'occasion. Elle n'est pas amère, mais plutôt désespérée. Elle ne peut pas croire que les dirigeants politiques puissent croire qu'il lui a été possible, dans les circonstances où elle a vécu, d'arriver à économiser un peu d'argent pour jouir d'une retraite un peu plus agréable.

Cette situation n'est pas rare puisqu'elle touche une bonne partie des femmes âgées de 70 ans et plus. La FADOQ demande au gouvernement de procéder graduellement à l'augmentation du revenu annuel de base des programmes de sécurité de la vieillesse et du supplément de revenu garanti afin qu'il atteigne au moins l'équivalent du seuil de faible revenu établi par Statistique Canada.

Cette augmentation pourrait se faire de la façon suivante: la première année, une bonification du seuil de 120 $ de la pension annuelle pour les retraités bénéficiant du programme de sécurité de la vieillesse et du supplément de revenu garanti; la deuxième année et les suivantes, une augmentation du seuil de la pension annuelle proportionnelle à l'indice des prix à la consommation plus 1 p. 100, jusqu'à ce que le montant du revenu de pension atteigne le montant équivalent au seuil de faible revenu.

La Fédération de l'âge d'or du Québec veut maintenant s'attarder à la catégorie des personnes âgées qui font partie de la classe moyenne. Pour nous, ces aînés sont la plupart du temps des gens qui ont eu le privilège de vivre à une époque où il était beaucoup plus facile d'avoir un emploi. C'est d'ailleurs grâce à cela que plusieurs ont réussi à vivre dans de meilleures conditions. Ils se sont permis quelques petites gâteries. Ils ont réussi à se mettre un petit peu d'argent de côté. Si la vie semble un peu plus facile pour eux, tous s'entendent pour dire qu'ils ont fait beaucoup d'efforts pour en arriver là, efforts qu'on reconnaît de moins en moins. Ces aînés s'indignent, et ils ont raison, de la propension qu'ont les gouvernements à adopter des mesures qui ont accru le fardeau fiscal de ces retraités.

La Fédération de l'âge d'or du Québec déplore cette situation et, particulièrement, le discours public qui laisse entendre que ce groupe d'aînés sont des privilégiés qui n'ont jamais contribué à l'effort d'assainissement des finances publiques. Pourtant, bien loin de la richesse, ceux et celles dont le niveau de revenus les assujettit à l'impôt ont été durement atteints par diverses mesures fiscales et législatives. Le pouvoir d'achat de ces gens a été considérablement réduit au cours des dernières années et, par conséquent, leur portefeuille a diminué considérablement. Les personnes âgées faisant partie de cette catégorie de la classe moyenne en viennent à se demander si elles n'ont pas fait tous ces efforts en vain.

La Fédération de l'âge d'or du Québec demande donc au gouvernement fédéral une réduction du taux de récupération de la pension de sécurité de la vieillesse, taux qui ampute abusivement le revenu des retraités ayant accumulé quelques économies, et une taxation des revenus de retraite sur une base individuelle au taux d'impôt régulier, et non par un mécanisme de récupération.

En terminant, nous aimerions dire qu'en 1996, le ministre des Finances, M. Paul Martin, avait expliqué les modifications au programme canadien de retraite en invoquant la croissance rapide du vieillissement de la population, la situation financière déficitaire du gouvernement et la viabilité du régime pour les futures générations.

À propos du vieillissement de la population, convenons qu'il est incontournable. De nos finances publiques, admettons que leur situation s'améliore. Quant à la viabilité du régime pour les futures générations, reconnaissons que certaines mesures y ont contribué.

• 1715

Nous implorons le gouvernement de ne pas s'arrêter en si bon chemin et de poursuivre ses efforts afin d'améliorer la situation des retraités les plus démunis, de donner un peu d'air à ceux qui ont pu préparer convenablement leur retraite et de fournir aux futurs retraités des conditions favorables pour qu'ils puissent faire de même. Merci.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Legault.

Nous avons maintenant parmi nous le directeur des affaires publiques et des communications de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, M. François Roberge, et le président du comité sur les finances publiques, M. Pierre Laflamme.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Nous nous excusons du malentendu. Je vous demande de faire votre exposé. Nous passerons ensuite à la période des questions.

M. François Roberge (directeur des affaires publiques et des communications, Chambre de commerce du Montréal métropolitain): Très bien, monsieur le président, merci. Effectivement, nous avions été avisés par écrit de nous présenter ici à 17 h 30. Cela ne semblait pas être, comme les années précédentes, une conférence où plusieurs intervenants se retrouvent autour d'une table. Donc, nous sommes venus en nous fiant à cette lettre d'invitation. Je m'excuse si nous sommes en retard. Notre intervention sera très rapide.

Je voudrais vous dire en deux mots que la Chambre de commerce du Montréal métropolitain regroupe 7 000 membres. C'est la principale organisation d'affaires de Montréal, donc de la deuxième plus grande région économique du pays après Toronto. Ses 7 000 membres emploient 500 000 personnes dans la région métropolitaine. Donc, nous nous adressons à vous au nom de cette force économique.

Sans plus tarder, je vais demander à mon collègue Pierre Laflamme de vous exposer la partie de notre présentation qui concerne non pas la macroéconomie, mais les aspects fiscal, budgétaire et des revenus. Ensuite, j'aimerais moi-même vous parler de ce que nous voudrions que le gouvernement canadien fasse pour redistribuer les surplus budgétaires d'une façon utile et même essentielle pour l'économie de la région métropolitaine, tout cela sans se lancer dans de nouveaux programmes.

Monsieur Laflamme, c'est à vous.

M. Pierre Laflamme (président, Comité sur les finances publiques, Chambre de commerce du Montréal métropolitain): Merci. Bonjour, monsieur le président. Bonjour, mesdames, messieurs.

Tout d'abord, j'émettrai une simple constatation: la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, à plusieurs reprises, a fortement milité en faveur du déficit zéro et même des surplus budgétaires. Ce n'est pas arrivé tout seul et on se félicite des résultats atteints.

Par contre, lorsqu'on analyse ce qui s'est produit de façon un peu plus détaillée, il ne faut pas oublier qu'une part importante de ces surplus provient d'une augmentation de la croissance économique, laquelle a procuré plus de revenus au gouvernement fédéral. Il y a eu également diminution des transferts aux provinces et, évidemment, de l'assurance-emploi. Étant donné la puissance actuelle de l'économie, il en est résulté des surplus assez impressionnants dans la caisse de l'assurance-emploi. C'est le contexte général que perçoit la Chambre.

Pour ce qui est de la région métropolitaine de Montréal, la Chambre a déterminé les principaux enjeux suivants: la présence d'un secteur éducatif de pointe dynamique et polyvalent; l'augmentation du flux des diplômés dans les secteurs technologiques et scientifiques; l'arrimage étroit de la recherche institutionnelle avec le secteur économique afin de valoriser la recherche; la présence de centres hospitaliers et de centres de recherche de pointe en santé dotés de budgets suffisants; la présence d'infrastructures qui font la vitalité des véritables métropoles, notamment un palais des congrès d'envergure; des institutions culturelles non seulement réputées mais solides; de grands clubs sportifs liés au réseau nord-américain; et finalement, un cadre fiscal compétitif.

Pour revenir à certains éléments que je viens de mentionner, Montréal a particulièrement souffert de la réduction des transferts aux provinces qui, en contrecoup, s'est avérée une diminution des transferts aux municipalités.

• 1720

Voici donc la position de la Chambre sur les surplus budgétaires actuels et prévus. Cette position repose sur les principes suivants: les déficits et la dette grèvent dangereusement la santé financière des Canadiens et il faut ramener la dette sous la barre des 50 p. 100 du PIB, et même des 45 p. 100.

La fiscalité canadienne est tellement onéreuse qu'elle fait perdre au Canada plusieurs de ses meilleurs cerveaux et de nombreuses industries. Il faut baisser les taxes et les impôts pour retrouver la compétitivité fiscale.

Les compressions ont réduit considérablement les services offerts aux Canadiens et mis en péril la qualité de vie des citoyens. Il faut réinvestir modérément dans les programmes existants.

À Montréal, l'effet domino résultant de ces compressions a placé la ville au bord de la faillite et l'empêche d'investir dans son avenir.

Les transferts aux provinces doivent être rétablis et Ottawa ne doit pas dépenser dans des domaines de compétence provinciale, comme il le fait avec les bourses du millénaire. Le gouvernement canadien ne doit pas investir dans de nouveaux programmes. Tout investissement dans la recherche fondamentale et la recherche et le développement est prioritaire et peut être considéré comme le meilleur moyen de favoriser l'épanouissement de l'économie du savoir.

Pour ce qui est de la répartition des surplus, on en viendra à des recommandations plus spécifiques, mais on peut dire à prime abord qu'il n'y a pas de chiffre précis ou magique. On a souvent suggéré les proportions de trois tiers ou de deux demies. Actuellement, on se rend compte qu'un déficit zéro, comme on l'a vu déjà l'an passé, crée quand même des excédents de liquidités puisque certaines des dépenses en liquide n'ont pas à être faites. Ces excédents ont été de 12 milliards de dollars l'an dernier. Alors, avec un déficit zéro, il se fait quand même un remboursement appréciable de la dette. Pour l'instant, dans le contexte actuel, la position de la Chambre est qu'un tiers du surplus budgétaire devrait être affecté à la réduction de la dette; un tiers devrait être réinjecté dans certains programmes existants qui ont souffert des compressions récentes; et, finalement, un dernier tiers devrait servir à réduire les cotisations à l'assurance-emploi et les impôts des particuliers.

Monsieur Roberge.

M. François Roberge: J'aimerais vous parler maintenant d'une façon un peu plus pointue de l'économie de la région de Montréal, dont nous nous occupons particulièrement. La Chambre est un organisme régional qui couvre toute la région de recensement de Montréal, laquelle s'étend de la rivière des Mille-Îles jusqu'au Richelieu. C'est certainement l'une des régions les plus dynamiques du Canada en ce qui a trait aux secteurs de la nouvelle économie. Par exemple, on trouve actuellement à Montréal 58 p. 100 de l'industrie aérospatiale canadienne, 42 p. 100 de l'industrie biopharmaceutique, dont la croissance est très rapide, 38 p. 100 du secteur des technologies de l'information au Canada et 40 p. 100 de l'industrie canadienne des télécommunications. Donc, l'économie de cette région est moderne, nouvelle et en plein essor. Il faut en tenir compte.

Montréal est aussi une région qui a été une capitale de la santé au cours du XXe siècle. Par exemple, 28 des 35 grands médicaments découverts au Canada l'ont été ici, au cours de ce siècle. Ce sont des médicaments qui ont souvent accompagné des percées technologiques et qui sont toujours utilisés mondialement.

Montréal est une ville qui a des universités réputées. Donc, le milieu de la recherche et de la santé est très important dans la région de Montréal.

Si le gouvernement canadien a des surplus, il doit en réinvestir une partie dans des programmes, surtout dans des programmes actuels ou antérieurs, programmes qui manquent de fonds, dont les fonds ont diminué ou qui connaissent une très faible croissance, par exemple, le Partenariat technologique canadien.

• 1725

Nous avons ici à Montréal des industries comme Pratt & Whitney et Canadair qui ont d'énormes développements à financer. On parle d'à peu près 2 milliards de dollars pour une nouvelle gamme de moteurs et un nouvel avion. Ces industries-là recouraient jusqu'à présent au Partenariat technologique canadien, mais il n'y a plus d'argent dans ce programme-là, semble-t-il, depuis un bon moment. Ici, il n'est pas question de subventions; il s'agit d'investir conjointement avec l'industrie et de récupérer ces sommes plus tard, quand les avions et les moteurs seront vendus.

Nous pensons que si aucun investissement n'est fait conjointement avec l'entreprise dans ce secteur-là, le prochain moteur de Pratt & Whitney va être mis au point aux États-Unis ou en Pologne et que les 7 000, 8 000 ou 9 000 emplois qui existent au Canada, dont 7 000 à Longueuil, seront graduellement transférés en Pologne ou aux États-Unis parce que ces pays-là sont prêts à y consacrer 500 millions ou 600 millions de dollars.

Canadair ira peut-être fabriquer son prochain avion en Malaisie, à Singapour, ou en Irlande du Nord, parce que les gouvernements de ces pays-là ont discrètement affecté des sommes importantes au projet.

Un partenariat dans le domaine de la recherche nous semble donc très important et nous recommandons au gouvernement de réinvestir dans ces domaines, dans la recherche, parce que cela va créer de l'emploi à long terme, de la vitalité et une nouvelle économie.

Dans le domaine de la santé, c'est la même chose. On sait que la proportion des budgets totaux de la santé consacrée à la recherche est de 0,3 p. 100. Nous sommes entièrement d'accord sur l'idée que cette proportion devrait être portée à 1 p. 100, pour toutes les raisons du monde, parce que cela va nous donner un secteur de la santé plus efficace, parce que cela va créer une industrie et parce que cela garde nos cerveaux chez nous.

Nous recommandons donc au gouvernement de ne pas créer de nouveaux programmes, mais d'ajouter plutôt de l'argent dans les programmes existants, dans ceux qui sont productifs et, ensuite, de redistribuer de l'argent aux provinces sous forme de péréquation. C'est là notre message, parce que les provinces ne sont pas toutes également riches. La plupart tentent de se débarrasser de leur déficit. Certaines y sont parvenues, mais il n'y en a pas une seule qui n'aurait pas besoin de retrouver les contributions d'antan pour permettre à son secteur de la santé de mieux respirer. C'est le cas notamment du Québec.

De plus, nous avons l'impression que le gouvernement canadien, dans le moment, n'a plus de fonds pour contribuer financièrement, comme il le faisait par le passé, à des programmes plus ou moins institutionnels, comme le programme des infrastructures, et à des projets qui font largement l'unanimité sur le plan local, comme l'agrandissement du Palais des Congrès de Montréal. Il en va de même pour les travaux d'infrastructures routières.

En résumé, nos priorités en vue de développer l'économie de Montréal, pour garder chez nous nos cerveaux et nos industries, sont que les investissements doivent être faits dans des programmes existants et que des sommes d'argent doivent être rendues aux provinces.

Mon collègue vous a dit que nous croyions également opportun qu'il y ait des réductions d'impôt et des contributions à l'assurance-emploi. Sur ce point, nous n'avons pas de message plus précis à vous transmettre. Je sais que des gens vous ont fait des représentations au nom de divers secteurs de la population. Ce que nous disons, c'est que nous ne sommes pas concurrentiels et que, quelle que soit la couche de la population à laquelle on appartienne, nous sommes en général, au Canada, trop taxés.

J'ai maintenant terminé et je vous remercie.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, messieurs Roberge et Laflamme.

Passons maintenant à la période des questions. Vous avez à votre disposition des services d'interprétation.

Je demanderai à M. Epp du Parti réformiste de poser les premières questions.

[Traduction]

M. Ken Epp: Je vous remercie tous d'être venus et de nous avoir fait part de votre point de vue.

• 1730

Le président me présente toujours comme un député réformiste. Le président habituel ne le fait pas. Je me sens donc obligé d'être à la hauteur d'une certaine image, quelle qu'elle soit.

Je trouve ces exposés très intéressants, non seulement en raison de la diversité des priorités exprimées par les intervenants, mais aussi en raison des motifs invoqués pour les justifier et de leurs perceptions de la situation. Par exemple, le dernier groupe semblait laisser entendre que le gouvernement verse entre 10 et 20 milliards de dollars par année à l'égard de la dette. Je ne sais pas si c'est effectivement ce qui se produit. J'aimerais savoir exactement d'où sont tirés ces chiffres. Nous pourrions donc en parler si nous avons le temps.

J'aimerais tout d'abord m'adresser aux étudiants. J'ai enseigné les mathématiques et l'informatique pendant 31 ans avant d'entrer en politique, où j'essaie d'enseigner l'arithmétique à mes collègues des Finances afin d'équilibrer le budget. C'est un changement d'orientation. J'aimerais connaître votre vue à long terme du Canada. Je sais qu'un grand nombre de vos collègues sont en train de suivre une formation et qu'ils quittent le pays. Pourtant, le Canada est un pays formidable. C'est le plus beau pays au monde.

M. Yvon Godin: Était.

M. Ken Epp: Eh bien, il l'est toujours. Même si la gestion laisse un peu à désirer pour l'instant.

Le système scolaire a beaucoup changé. Lorsque j'étais jeune—j'hésite un peu à vous le dire, parce que cela risque de vous faire crever de jalousie—nous n'avions pratiquement pas de dettes à la fin de nos études. Nous payions nos frais au fur et à mesure. À l'été, des emplois nous attendaient; nous avions le choix des emplois d'été. Chaque été, je gagnais régulièrement 50 p. 100 plus d'argent qu'il m'en fallait pour l'année. Et je n'étais pas l'exception; c'était aussi le cas pour la plupart de mes amis qui étudiaient en mathématique ou en génie et d'autres domaines semblables. Mais depuis, les choses ont changé. Je me demande souvent pourquoi elles ont changé.

Il me semble que l'une des principales différences depuis que j'ai obtenu mon diplôme—j'ai terminé mes études universitaires il y a plus de 35 ans—est que la dette nationale et provinciale était très très faible. Et maintenant, lorsque nous imposons les gens d'affaires et les particuliers, nous les imposons excessivement, et nous utilisons le tiers de ces impôts pour payer des intérêts sur la dette accumulée depuis 30 ans.

Je me demande si, en tant que jeunes, vous avez une vision du pays où nous ne serons plus à la merci de nos créanciers, de ceux qui nous ont prêté de l'argent. Si nous avions ces 41 milliards de dollars par année que nous versons en intérêts, nous pourrions offrir la gratuité scolaire à tous les jeunes Canadiens intéressés à poursuivre des études collégiales ou universitaires, et nous aurions probablement beaucoup d'argent à consacrer à la santé et à d'autres priorités, parce que 41 milliards de dollars, c'est une somme considérable.

Vous avez parlé de la dette personnelle et des faillites personnelles. Mais est-ce que vous avez une vision de ce qui attend notre pays et de ce qui sera meilleur ou différent pour la génération à venir?

M. Benoît Renaud: Je vais répondre à la question en anglais, parce que lorsque la question est posée en anglais, la réponse vient plus facilement dans cette langue. Je suis habitué à traiter avec des anglophones, et je le fais depuis un certain temps.

Pour répondre à votre question, ce qui est très différent à mon avis, c'est qu'il y a 30 ans, l'État, le gouvernement, assumait une plus grande responsabilité en général. Lorsque les choses allaient mal, nous pouvions en rejeter la faute sur le gouvernement. Mais le gouvernement nous dit maintenant qu'il n'est pas responsable, que la situation est attribuable aux événements survenus ailleurs dans le monde.

• 1735

C'est pourquoi la section du Québec de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants s'intéresse de près à la situation dans le monde et à son influence sur notre situation au Canada, ainsi qu'au rôle que joue le gouvernement du Canada dans ce contexte mondial. Je pense donc que si nous voulons résoudre le problème, le gouvernement devra cesser d'en rejeter la responsabilité sur les autres, et de les faire payer pour les pots cassés, en commençant par ceux qui sont les moins en mesure d'y faire face, et le gouvernement devra donc assumer ses responsabilités.

De plus, nous estimons que nous devons nous concentrer sur les droits de la personne et le principe de l'équité. Nous sommes dans une situation difficile, et peut-être que nous ne pouvons pas en changer tous les aspects, mais nous pouvons nous assurer que ce n'est pas un segment précis de la population qui en porte le fardeau—qu'il y a une certaine équité, par exemple, dans l'accès à l'enseignement supérieur, dans l'accès aux emplois.

Vous voyez donc que nous recommandons avant tout que le gouvernement assume une plus grande responsabilité et que les droits des particuliers soient respectés. Le cas échéant, la situation va probablement s'améliorer.

M. Ken Epp: Est-ce que vous aimeriez que le Canada réduise ou élimine sa dette?

M. Benoît Renaud: Nous devons examiner le régime de la dette. C'est la réduction des impôts au nom de la concurrence mondiale qui est la principale cause de la dette actuelle. Nous devons donc travailler à l'échelle planétaire pour nous assurer que ne se répètent pas des situations semblables à celle qui s'est produite dernièrement à Halifax, où Volvo a fermé son usine pour en ouvrir une autre au Mexique. C'est le genre de choses sur lesquelles nous devons nous pencher, car si ces emplois bien rémunérés disparaissent et sont transférés vers d'autres pays où les gens n'ont pas les mêmes droits, ne peuvent créer de syndicats et défendre les droits des travailleurs, et gagnent des salaires très faibles, les jeunes n'auront d'autre choix que de faire ce qu'ils font maintenant, c'est-à-dire accepter des petits emplois qui consistent à harceler les gens pour leur vendre des produits dont ils n'ont pas besoin, etc.

Le vice-président (M. Nick Discepola): On les appelle des vendeurs.

M. Ken Epp: J'aimerais bien que nous ayons plus de temps à notre disposition, parce que j'aimerais en discuter en profondeur avec vous. Il y a de nombreux facteurs qui font que des entreprises comme Volvo quittent le Canada pour s'installer au Mexique, et je ne pense pas que ça soit uniquement attribuable aux travailleurs.

En fait, je pense que les Mexicains sont ravis, parce qu'ils ont des emplois bien rémunérés, assortis des meilleures conditions qu'ils aient jamais eues. C'est une réalité. Je ne la défends pas; mais je pense que c'est la réalité.

J'aimerais enchaîner brièvement sur votre utilisation du terme «droit». Je suppose que vous diriez que l'éducation est un droit.

M. Benoît Renaud: Oui.

M. Ken Epp: Je crois que vous avez tort.

Mme Holly Baines: J'aimerais faire une observation à ce sujet, si vous me le permettez.

Le commentaire que j'aimerais faire au sujet du droit à l'éducation, c'est qu'il faut essayer de se souvenir que l'éducation est un bien social et non seulement un bien privé, et si on en parle uniquement comme d'un privilège on se trouve à mettre de côté l'idée que c'est aussi un bien social.

Les autres témoins qui ont pris la parole aujourd'hui nous ont parlé de l'importance d'avoir des gens bien éduqués et du genre de recherches et de travaux que ces derniers peuvent réaliser pour le Canada. Si l'on parle de l'éducation comme d'un privilège, on se trouve à ignorer ce bien social très important.

M. Ken Epp: Eh bien, c'est beaucoup plus qu'un privilège. C'est aussi la chose la plus sage que l'on puisse offrir en tant que pays.

Mme Holly Baines: Il faut donc rendre l'enseignement accessible.

M. Ken Epp: Je suis d'accord. Oui.

C'est très sage; c'est un bon investissement. De fait, si nous pouvions vous offrir la gratuité scolaire—et à mon avis ce serait une excellente façon d'aider tous les étudiants, y compris dans les établissements d'enseignement postsecondaire et supérieur—si nous pouvions le faire, sur le plan des impôts que vous verseriez si nous pouvions vous convaincre de rester au Canada, compte tenu des gains additionnels que vous pourriez faire grâce à votre éducation, nous pourrions récupérer sous forme des impôts additionnels que vous payez à tous les échelons, plusieurs fois ce que nous avons investi. C'est donc à mon avis un investissement très judicieux.

• 1740

Pour ce qui est des droits, je pense parfois que si vous appliquez le terme «droit» à l'éducation, vous réduisez l'importance des droits fondamentaux. Il y a des gens dans le monde qui sont emprisonnés pour des raisons politiques. Il y a des gens dans le monde qui meurent de faim. Pour moi, ce sont des droits fondamentaux: le droit à la vie et à la liberté de mouvement et d'expression. Ce sont des droits. L'éducation, le permis de conduire et ce genre de choses devraient à mon avis être considérés comme des privilèges. Mais ce sont des privilèges très précieux, et il faut les considérer comme un investissement de la part du gouvernement.

M. Benoît Renaud: Est-ce que je peux ajouter quelque chose à ce sujet?

M. Ken Epp: Bien sûr.

M. Benoît Renaud: Lorsque nous disons que l'éducation est un droit, ce que nous voulons dire en fait c'est que l'équité en matière d'accès à l'éducation est un droit. Lorsque nous disons que nos droits ne sont pas respectés, c'est en fait que certaines personnes n'ont pas les mêmes possibilités d'accès à l'éducation que d'autres. Lorsque l'endettement et les frais de scolarité sont élevés, ce n'est pas tout le monde qui peut se payer des études. C'est alors que vous ne respectez pas les droits de ceux qui n'ont pas le revenu ni le soutien nécessaires socialement pour avoir accès à ce genre d'éducation.

Il y a cent ans, lorsqu'environ 5 p. 100 des emplois exigeaient une formation postsecondaire, c'était peut-être légèrement différent. Mais dans la société d'aujourd'hui, à moins d'avoir une formation postsecondaire, vous devrez travailler dans un bar, un restaurant ou un autre établissement de ce genre. La majorité des emplois stables et bien rémunérés exige une formation postsecondaire. Par conséquent, tout le monde devrait pouvoir avoir accès à l'enseignement supérieur, ce qui n'est pas le cas en ce moment.

Merci.

M. Ken Epp: D'accord. Nous allons devoir laisser ce point de côté.

J'aimerais simplement faire un dernier commentaire. Mon fils a travaillé en Afrique, où 150 enfants mouraient chaque jour, jusqu'à l'arrivée des secours. Si vous aviez dit à ces familles dont les enfants mouraient que vous jugez que votre droit à l'éducation est aussi important que leur droit à obtenir de la nourriture pour leurs enfants, je pense que vous auriez été en difficulté. J'aimerais que vous y réfléchissiez.

M. Benoît Renaud: Nous n'avons jamais dit cela.

M. Ken Epp: Mais vous utilisez le terme «droit».

M. Benoît Renaud: Le droit à la vie est un droit différent des autres.

M. Ken Epp: Je pense que c'est un investissement judicieux, et que pour les étudiants il s'agit d'un privilège. J'ai toujours considéré que l'éducation que j'avais reçue était un grand privilège.

Cela dit, j'ai terminé, monsieur le président, et j'attendrai à la prochaine ronde de questions, si nous avons le temps.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci. Je suggère que vous poursuiviez la discussion avec les députés de votre caucus.

M. Ken Epp: Je le ferai—et vous devriez faire de même avec les vôtres.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Loubier, du Bloc québécois.

M. Yvan Loubier: Je vais essayer de revenir à des questions claires et techniques.

Monsieur Dumas, je commencerai par vous. Vous avez parlé tout à l'heure de l'importance de rétablir les paiements de transfert aux provinces, en particulier pour financer le secteur de la santé. J'ai trouvé fort important que vous ayez parlé de revenir aux enveloppes dédiées et non ciblées qui existaient avant 1994. J'aimerais que vous précisiez ce que vous entendez par ces enveloppes dédiées et non ciblées et que vous expliquiez comment cela serait compatible ou incompatible avec une rumeur persistante selon laquelle le gouvernement fédéral pourrait, lors du prochain budget, mettre en place un nouveau programme lié à la santé, soit un programme de soins à domicile. J'aimerais que vous expliquiez, pour le bénéfice de nos collègues libéraux surtout, quelle est la vraie demande du Québec et comment on vous a empêchés de poursuivre la réforme que aviez bien enclenchée avec M. Rochon en 1994.

M. Paulin Dumas: Quand je parle d'enveloppes dédiées, comme vous l'avez sans doute conclu en écoutant mes propos, je parle de nous assurer que le rehaussement des transferts viendra, en partie tout au moins, soutenir les orientations en matière de santé et de services sociaux qui sont en pleine transformation. Comme je vous le disais tout à l'heure, le travail n'est pas terminé.

Une entreprise d'une aussi grande envergure, c'est-à-dire un effort budgétaire de 1,3 milliard de dollars, vise deux éléments fondamentaux. Le premier, c'est de contribuer à l'assainissement des finances publiques au Québec, bien sûr.

• 1745

Le deuxième, qui est le plus important des deux, c'est de réorganiser le système de santé à partir des nouvelles connaissances qu'on a des besoins de la population et des nouvelles pratiques professionnelles. C'est bien parti. On s'est inspirés d'exemples dans d'autres provinces et d'autres pays pour faire ce qu'on appelle du benchmarking et chercher à savoir comment on pourrait améliorer les choses.

La crise financière a aidé, je le reconnais, à ce que le monde se mette en mouvement et repense à un certain nombre de choses. Une opération d'une aussi grande envergure aurait eu besoin d'un appui financier un peu plus important au cours des trois premières années. Compte tenu de ce que nous savons tous, un objectif de déficit zéro d'une part et d'autre part une réduction importante des transferts fédéraux sont venus accompagner cette opération de transformation, qui n'est pas terminée puisqu'elle a pris un peu de retard en raison de ces difficultés financières.

J'ai parlé d'enveloppes non ciblées parce que, selon nous, cela n'a aucun sens qu'à l'échelle d'un gouvernement, on cible d'une façon très précise la totalité des sommes d'argent, leur donnant une couleur pour le maintien à domicile ou autre chose. La preuve est faite depuis plusieurs années que quand on veut connaître les besoins de la population et y satisfaire, il faut être très proche d'elle. Même si ce sont tous des êtres humains, l'environnement dans lequel ils vivent, l'histoire de leur région, l'histoire de leur famille et leur propre histoire individuelle font en sorte que les populations de la Gaspésie, de la Côte-Nord et de Montréal ont chacune leurs particularités.

J'oeuvre dans ce réseau-là depuis 20 ans et je constate que c'est très vrai. La preuve en est qu'en juin dernier, le gouvernement du Québec, pour des raisons qui sont un peu difficiles à expliquer, a décidé de cibler l'injection de 110 millions de dollars. Il n'avait jamais fait cela auparavant; il avait toujours accordé aux régies régionales une enveloppe régionale annuelle. Cette fois-là, il a décidé de le faire, croyant qu'il y avait, entre autres, des choses à corriger dans les listes d'attente. Je crois qu'on s'entendait pour mesurer l'ampleur des listes d'attente à certains endroits, parce que ce n'est pas partout que le problème se présentait.

Quand le gouvernement du Québec a décidé d'accorder une part de ces 110 millions de dollars au maintien à domicile, on a reconnu immédiatement, lors de l'annonce, que certaines régions du Québec avaient obtenu un niveau optimal de ressources, contrairement à d'autres. Ainsi, dans certaines régions, l'argent qu'on devait investir dans le maintien à domicile n'y a pas été investi. C'est le cas d'une région que je connais, la Gaspésie, où on a déployé des efforts depuis trois ans et où l'on a choisi d'opter pour le maintien dans le milieu.

Ce n'est donc pas un crime qu'une région, compte tenu de l'analyse qu'elle fait de ses problèmes, choisisse d'investir dans le maintien à domicile, tandis qu'une autre essaie de combler des lacunes au niveau des services de réadaptation physique. Les hommes et les femmes qui gèrent les conseils d'administration des régies, en partenariat avec les établissements, font des analyses à la suite desquelles ils choisissent certaines priorités plutôt que d'autres.

S'il fallait qu'un gouvernement décide de cibler ses interventions partout au Québec ou au Canada, nous craindrions que des décisions qui n'ont rien à voir avec les besoins soient prises. De plus, on risquerait de créer des réseaux parallèles. Si une région a atteint le seuil optimal de ses ressources en fonction de ses besoins et qu'un gouvernement décidait de lui accorder des ressources supplémentaires pour le maintien à domicile et qu'il l'empêche de les dépenser ailleurs, vous voyez dans quel genre d'opération on pourrait se retrouver.

Il faut retenir que la structure des programmes au Québec est basée sur la décentralisation et qu'on accorde la primauté au résultat, de sorte que l'État confie des enveloppes régionales aux régies qui, en fonction de leurs priorités et des orientations ministérielles, rendent compte au ministre et à la population de ce qu'elles ont décidé de faire.

• 1750

Le bilan de l'automne dernier a permis une reddition de comptes. À ce moment-là, on s'est aperçu que certaines priorités avaient bien avancé, tandis que d'autres avaient connu des difficultés ou des manques d'argent.

Est-ce que ça répond à votre question, monsieur Loubier?

M. Yvan Loubier: Oui, ça répond parfaitement à ma question. J'espère qu'ils ont compris de l'autre côté, car c'est très important.

Monsieur Laflamme, vous parliez tout à l'heure d'un critère de 45 p. 100 comme ratio de la dette par rapport au PIB et vous disiez que c'est ce qu'on devait viser. Sur quoi vous basez-vous pour apporter un tel critère? À ma connaissance, il n'y a pas de critère fixe; c'est un jugement que vous posez.

M. Pierre Laflamme: Non, effectivement, il n'y a pas de recette magique. On ne fait que se comparer aux autres pays du G-7. Avec l'évolution qu'on connaît grâce à l'économie, on se fixe des objectifs un peu plus ambitieux afin de se garder une plus grande marge de manoeuvre au cas où les temps deviendraient un petit peu moins cléments.

M. Yvan Loubier: À l'heure actuelle, le ratio de la dette par rapport au PIB est autour de 63 p. 100. Vous parlez de l'abaisser à 45 p. 100. Combien de temps vous donnez-vous pour en arriver à ça?

M. Pierre Laflamme: On n'a pas fait...

M. Yvan Loubier: En pourcentage, ça fait une réduction de un tiers.

M. Pierre Laflamme: Oui, mais c'est par rapport au PIB. On s'en va vers deux phénomènes: une croissance du PIB et une décroissance de la dette. On travaille donc positivement des deux côtés de l'équation. On n'a pas établi un délai précis. On a simplement établi une tendance.

M. Yvan Loubier: J'ai fait à la main un petit calcul qui n'a rien de scientifique. Je me propose de le refaire avec un meilleur équipement.

Même en mettant des taux de croissance du PIB de 3 p. 100 au cours des cinq ou six prochaines années, il faudrait trouver 150 ou 175 milliards de dollars pour en arriver à réduire votre taux de 63 à 45 p. 100. C'est de l'argent.

M. Pierre Laflamme: L'an passé, il y a quand même eu une contribution de 12 milliards de dollars en réduction de la dette. Cette année, on peut penser qu'il pourrait y avoir près de 20 milliards de dollars.

M. Yvan Loubier: Par contre, ça entre en contradiction avec vos autres objectifs. Vous mettez le doigt sur quelque chose d'important.

M. Pierre Laflamme: Monsieur Loubier, l'an passé, avec un déficit zéro, il y a eu une diminution de la dette de 12 milliards de dollars.

M. Yvan Loubier: Ce n'est pas un déficit zéro.

M. Pierre Laflamme: L'an passé, oui. On prend les chiffres...

M. Yvan Loubier: Vous parlez de l'exercice 1997-1998?

M. Pierre Laflamme: Oui.

M. Yvan Loubier: Non, il y a eu 3,5 milliards de dollars de surplus, en plus des 2,5 milliards de dollars qui ont été prévus pour les bourses du millénaire; ça fait 6 milliards de dollars.

M. Pierre Laflamme: On est restreints à...

M. Yvan Loubier: Monsieur Laflamme, ne vous basez pas sur ces chiffres-là. Ils sont loufoques, les chiffres de Paul Martin. Il n'y a plus personne qui y croit et ils ont été révisés depuis ce temps-là.

Je vais vous donner une dernière révision qui a été faite depuis l'énoncé économique de Paul Martin, il y a trois semaines. Il disait que ce n'était pas 8 milliards de dollars, comme vous l'avez dit, qu'il avait mis sur la dette, l'an passé. Au cours des 15 derniers mois, il a mis 20 milliards de dollars sur la dette. Cette somme inclut les réserves pour éventualités, les surplus des opérations non budgétaires et les surplus budgétaires qui ont été dégagés à la fin de l'exercice 1997-1998.

M. Pierre Laflamme: Donc, la somme de 175 milliards de dollars n'est pas farfelue.

M. Yvan Loubier: Je mets ça en parallèle avec votre objectif, qui est d'utiliser un tiers du surplus budgétaire pour réduire la dette, un tiers pour réinvestir dans les programmes existants et un tiers pour l'assurance-emploi.

M. Pierre Laflamme: Le tiers commence après qu'on a utilisé les surplus non budgétaires, c'est-à-dire 12 milliards de dollars et même 20 milliards de dollars, selon les vrais chiffres. Ce sont en fait des liquidités qui ne proviennent pas d'un surplus budgétaire, mais d'un surplus de liquidités créé par l'opération même.

M. Yvan Loubier: Donc, en plus des excédents des opérations non budgétaires, vous ajouteriez un tiers des opérations du surplus d'opération...

M. Pierre Laflamme: Du surplus budgétaire.

M. Yvan Loubier: ...du surplus budgétaire à votre objectif de réduction de la dette.

M. Pierre Laflamme: C'est ce qu'on a précisément écrit dans le rapport.

M. François Roberge: Permettez-moi, monsieur Loubier, d'ajouter quelque chose. Le pourcentage de la dette par rapport au PIB a diminué d'environ 8 p. 100. À l'heure où on se parle, il a peut-être diminué plus que ça, en deux ans. Mettez ça, par exemple, sur dix ans. On n'a pas fixé un échéancier court, mais on dit que l'objectif devrait être que nos chiffres soient en deçà des chiffres de la communauté économique européenne. Ce serait sain pour le Canada. De plus, cela ferait beaucoup moins de choses à payer annuellement et cela ferait beaucoup moins d'intérêts sur la dette. En cas de coup dur, comme l'a dit M. Martin, ça nous mettrait en position solide. On n'a pas dit que cet objectif serait atteint dans trois ans, mais au rythme actuel, ça va assez vite.

• 1755

M. Yvan Loubier: Ne croyez-vous pas que les soins de santé sont la priorité à l'heure actuelle? Il y a aussi ce que M. Martin a fait depuis les 15 derniers mois. Il a pris tout ce qu'il y avait comme surplus, peu importe la provenance, et il l'a mis sur la dette. N'aurait-il pas été un peu plus sage d'en prendre peut-être une partie pour la dette et d'en réserver aussi pour la santé, étant donné que les besoins sont criants?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous avez oublié les 1,5 milliard de dollars de 1996, si ma mémoire est bonne.

M. Yvan Loubier: Pardon?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Vous avez oublié les 1,5 milliard de dollars qu'on a mis dans la santé.

M. Yvan Loubier: Lesquels?

Le vice-président (M. Nick Discepola): On avait mis 1,5 milliard de dollars, je pense.

M. Yvan Loubier: Écoutez, si vous voulez parler en fou, on va parler en fou. Je vais rétablir les choses. Dans le budget de 1995, M. Martin a décrété qu'année après année, il y aurait des coupures automatiques, jusqu'en 2003, au niveau du Transfert social canadien, y compris dans le secteur de la santé. De plus, vous avez annoncé l'an dernier, durant la campagne électorale, parce que vous étiez coincés, qu'au lieu d'imposer 48 milliards de dollars de coupures jusqu'en 2003, vous en imposeriez 42 milliards de dollars. Il faudrait applaudir cette affaire-là? Voyons donc, ce n'est pas de l'injection d'argent neuf!

D'ailleurs, ce que les premiers ministres provinciaux vous ont tous demandé à Saskatoon, ce n'est pas d'augmenter de 6 milliards de dollars les transferts aux provinces, mais plutôt d'annuler une coupure, qui est prévue pour le présent exercice financier, de l'ordre de 6 milliards de dollars. Réveillez-vous un peu!

Ma dernière question est la suivante. Vous avez parlé d'un cadre fiscal compétitif. Lorsque vous parlez de changements à la fiscalité, qu'entendez-vous par cela? Est-ce que le rapport Mintz est une réponse, en partie, à ce que vous demandez comme changements à la fiscalité?

M. Pierre Laflamme: Le rapport Mintz propose différentes avenues, mais il n'y a pas de consensus quant à ce qu'il apporte comme solutions. Quand nous parlons de fiscalité compétitive—pour reprendre ce que François mentionnait tout à l'heure—, nous voulons dire que c'est la charge fiscale globale, trop élevée pour les citoyens, qui n'est pas compétitive. On n'a pas ciblé un groupe en particulier, c'est-à-dire les citoyens qui gagnent en haut de 50 000 $ ou en bas de 30 000 $, par exemple, là où la charge est vraiment démesurée. En fait, ce qu'on veut expliquer, c'est que la charge fiscale est globalement plus élevée qu'aux États-Unis. La seule remarque dans l'ensemble que l'on apporte, c'est qu'il devrait y avoir un effort de réduction des cotisations à l'assurance-emploi. Donc, on fait une mention spécifique de ce point.

Quant au reste de la charge fiscale, on n'a pas été pointus et je crois d'ailleurs qu'il est assez difficile de l'être.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Laflamme.

Monsieur Roberge.

M. François Roberge: On fait la même remarque au gouvernement du Québec. On sait qu'il est dans un carcan, mais on dit que, si jamais il y avait des surplus, il serait impératif de réduire le fardeau fiscal au Québec. Ce l'est aussi au Canada, mais c'est encore pire au Québec, parce qu'on perd des ressources qui s'en vont aux États-Unis, là où la fiscalité est très basse. C'est important de garder ces personnes ici, pour nous.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Compte tenu du fait que M. Godin doit quitter pour prendre l'avion, je lui donne ses 10 minutes tout de suite.

M. Yvon Godin: Merci. Je voudrais poser une question aux étudiants. Vous dites que l'accès à l'université devrait être un droit et non un privilège. Est-ce bien cela?

M. Benoît Renaud: De façon équitable.

M. Yvon Godin: De façon équitable. Aujourd'hui, il y a un écart qui est en train de se creuser entre les riches et les pauvres. De nos jours, avec les montants d'argent que ça coûte pour aller à l'université, ne commencez-vous pas à avoir peur que seuls les riches puissent y envoyer leurs enfants et que les pauvres ne puissent pas s'y rendre? Il y a des gens qui n'auront pas la chance d'y aller.

M. Benoît Renaud: Effectivement, c'est dans cette direction-là qu'on s'en va présentement. En Ontario, avec la déréglementation des frais de scolarité, c'est évident que si ça coûte 14 000 $ par année pour étudier en droit à l'Université de Toronto, il n'y a beaucoup de gens qui vont le faire.

M. Yvon Godin: Selon vous, est-ce voulu par les riches, cette gaffe qui est en train de se préparer dans les universités? Les montants demandés sont très élevés. Il n'est pas nécessaire que ce soit comme cela. On parle de 40 000 $ pour quatre ans d'université.

M. Benoît Renaud: Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est une conspiration. Par contre, c'est indirectement le résultat d'une politique qui, globalement, favorise les personnes qui sont déjà mieux avantagées au point de départ. En d'autres mots, c'est l'éthique de la compétition qui prend de plus en plus de place. Ce qu'on nous dit, c'est que, si on veut avoir accès au programme de médecine à l'Université Western, par exemple, ou à tout autre programme prestigieux, il faut trouver l'argent. C'est un principe d'élimination et de compétition. Plutôt que d'avoir un principe d'équité, on a un principe de compétition à la base du système. Cela va contre la notion de la démocratisation de l'enseignement supérieur, qui est une politique au Québec depuis les années 1960 et qui est remise en question, de plus en plus, à cause de cette orientation.

• 1800

M. Yvon Godin: J'ai une autre question pour M. Roberge ou M. Laflamme. Je me base sur votre document et sur votre présentation. Vous parlez de 33 p. 100, 33 p. 100 et 33 p. 100. Vous continuez un peu plus loin en disant qu'en 1998, votre position est 50 p. 100, 25 p. 100 et 25 p. 100. Lors de votre présentation, vous parliez d'une baisse des cotisations à l'assurance-emploi. En 1998, lors de son dernier budget, Paul Martin a annoncé un déficit zéro. Il avait rééquilibré le budget et on parlait de 15 milliards de dollars. Cela s'est passé à peu près au moment où la caisse de l'assurance-emploi avait environ 15 milliards de dollars de surplus, qui ont été mis dans les fonds généraux du gouvernement. N'êtes-vous pas d'accord que l'on modifie l'accessibilité de l'assurance-emploi? En ce moment, les jeunes ont besoin de 910 heures pour recevoir des prestations de l'assurance-emploi. En 1997, il n'y avait que 42 p. 100 des personnes en chômage qui avaient cotisé, qui avaient droit à l'assurance-emploi. Présentement, on est à peu près à 36 p. 100 ou à 38 p. 100. On peut se battre avec des chiffres tant qu'on voudra, mais c'est à peu près ça. Je ne vois pas du tout ce que vous préconisez. Il devrait y avoir une plus grande accessibilité de l'assurance-emploi. Cela donnerait une chance, entre autres, aux propriétaires des petites entreprises, qui sont en train de perdre leur clientèle.

M. François Roberge: Je vais vous donner une réponse plus personnelle, en tant que...

M. Yvon Godin: Si vous donnez une réponse personnelle, c'est que vous êtes d'accord avec moi.

M. François Roberge: ...représentant d'un organisme, parce qu'on n'a pas vraiment discuté de cette question. Effectivement, on ne propose pas nécessairement de réduire beaucoup les cotisations. Peut-être que ça devrait faire partie de nos recommandations. D'une part, il faudrait améliorer les programmes existants où il y a eu des coupures et, d'autre part, il y aurait peut-être des choses à revoir dans l'assurance-emploi, pour la rendre un peu plus accessible. Il y a certainement des problèmes accrus pour les gens qui sont sans emploi et il y a aussi une surcharge pour les autres gouvernements qui accueillent ensuite les personnes sans emploi, qui passent à l'assistance sociale. Il y a sûrement des changements à faire à cet égard, soit améliorer la situation ou remettre de l'argent dans les programmes.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, monsieur Godin. Je demanderais à M. Szabo de poser ses questions.

[Traduction]

M. Paul Szabo: Merci.

J'aimerais simplement attirer l'attention du comité sur le mémoire présenté par la Fédération de l'âge d'or du Québec. Il convient de le répéter, parce que je sais que tous les députés sont au courant du problème des travailleurs de 50 ans et plus qui sont expulsés de la population active, et qui éprouvent beaucoup de difficultés à réintégrer le marché du travail et à occuper des emplois intéressants. Nous savons qu'il y a du travail chez McDonald. Je pense que c'est un point très valable dont il faut tenir compte, parce que très souvent lorsqu'il y a une réduction des effectifs, l'indemnité de départ n'est pas suffisante pour que quelqu'un puisse prendre sa retraite. C'est très dévastateur du point de vue humain et social.

Je vous remercie donc d'avoir soulevé ce point. Vous pourriez peut-être nous en parler un peu plus en détail.

Je pourrais probablement poser quelques questions aux étudiants pour évacuer le sujet, mais laissez-moi vous dire quelle est ma perception du problème des faillites chez les étudiants. Nous en avons déjà parlé à quelques reprises. Si je me souviens bien, seulement 25 p. 100 de tous les étudiants au Canada ont contracté des prêts, et 93 p. 100 d'entre eux remboursent leurs prêts, ce qui signifie que seulement 7 p. 100 des étudiants ayant contracté des prêts sont en défaut ou déclarent faillite. C'est donc dire que nous parlons de moins de 2 p. 100 de tous les étudiants.

• 1805

Je dois vous demander si vous connaissez des gens qui ont déjà déclaré faillite et si vous savez ce que ça signifie pour eux. Avant l'entrée en vigueur récente de ces nouvelles règles, ces faillites se produisaient deux ans après la diplômation. Il me semble que ces étudiants n'avaient probablement pas eu l'occasion d'accumuler des biens, un actif, ou quoi que ce soit, et qu'en fait la faillite signifiait qu'ils étaient libérés de leurs dettes et qu'ils pouvaient recommencer à neuf. Alors je me demande d'où vient cet enthousiasme, lorsqu'on sait qu'on ne parle que d'un très petit nombre de personnes et que les conséquences dans la majorité des cas, à moins qu'ils aient été de mauvaise foi, se résument à recommencer à neuf sans aucune dette.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Legault, aimeriez-vous répondre à la première question de M. Szabo?

M. François Legault: En fait, les commentaires que je pourrais apporter là-dessus, et peut-être que Mme Moir pourra renchérir par la suite, c'est que nous avons fait une constatation concernant les personnes qui ont pris leur retraite prématurément, c'est-à-dire à l'âge de 50 ou 55 ans. Nous avons constaté qu'il y a eu un manque de préparation à la retraite pour ces gens et aussi un manque d'information. D'abord, une grande partie de ces mises à la retraite étaient des départs volontaires. Ces gens n'ont pas été capables de bien évaluer ce qu'il leur en coûterait pour vivre à la retraite à partir de 50 ou 55 ans. Naturellement, ils n'avaient pas droit aux pensions, ne serait-ce qu'à celle de la Régie des rentes, qui ne commence qu'à 60 ans ou à celle du gouvernement fédéral, qui commence à 65 ans. C'est là qu'est le gros problème. Ces personnes-là, qui pensaient se trouver un emploi temporaire pour remédier à ce manque d'argent, n'ont pas pu le faire. Même qu'à un certain moment, il y avait une loi provinciale qui disait qu'ils ne pouvaient pas revenir travailler dans le secteur où ils étaient auparavant. Il leur a été très difficile de passer à travers cela.

Je ne sais pas si cela répond à votre question. J'aimerais que Mme Moir renchérisse à ce sujet.

Mme Nicole T. Moir (directrice générale, Fédération de l'âge d'or du Québec): Lors du Sommet de l'économie et de l'emploi, on avait discuté des travailleurs âgés qui perdent leur emploi, et je parlerai davantage d'eux. D'ailleurs, on dit qu'à partir de 50 ans, c'est catastrophique, mais à partir de 45 ans, ce l'est tout autant, bien souvent.

Ceux de la classe moyenne ont souvent réussi à acheter des REER ou à mettre des sommes d'argent de côté pour leur retraite, mais ils sont obligés, avant d'avoir droit au Régime des rentes du Québec ou à la sécurité de la vieillesse du Canada, d'utiliser les économies qu'ils ont faites et même d'avoir leur plan de pension privé.

Ce n'est pas facile de se trouver un autre emploi. Monsieur parlait des jobs chez McDonald; il y a aussi Wal-Mart, je suppose, qui a des plans d'emploi pour les plus âgés, mais ce sont des emplois précaires, des emplois mal payés. Ils étaient dans la classe moyenne, mais ils deviennent les retraités démunis de notre société et n'ont pas grand-chose en face d'eux.

On demande donc au gouvernement de se préoccuper des démunis et de la classe moyenne. Il ne faut pas oublier aussi que lors du départ des travailleurs de 45 ou 50 ans, les compagnies perdent la culture de la compagnie. Elles perdent les personnes qui peuvent former les plus jeunes qui entrent à la compagnie. On dit qu'il faut faire de la place aux jeunes, mais si on se débarrasse de tous les travailleurs âgés... D'ailleurs, on a vu au Québec ce qui est arrivé lors de la mise à la retraite des personnes de 50 ans et plus dans le domaine de la santé. On a été obligé de faire revenir les infirmières dans les salles d'urgence, parce qu'on venait de perdre des personnes importantes pour la formation des plus jeunes.

• 1810

[Traduction]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Madame Murray, est-ce que vous pourriez répondre à la question de M. Szabo?

Mme Deborah Murray: D'entrée de jeu, j'aimerais dire que les chiffres que vous citez s'appliquent au programme de prêts aux étudiants depuis sa mise en oeuvre. Je pense que le taux d'endettement des étudiants à leur sortie de l'université est extrêmement inquiétant. La moyenne est d'environ 25 000 $. Si l'on prend le cas des étudiants autour de nous au Québec, par exemple, certains ont une dette de 80 000 $, 78 000 $, 40 000 $, 30 000 $, etc.

Certains étudiants sont obligés de s'inscrire dans d'autres programmes d'étude, ce qu'ils n'auraient jamais envisagé de faire s'ils avaient trouvé un emploi à la fin de leurs études de premier cycle. Ils cherchent donc à obtenir un deuxième diplôme pour améliorer leurs chances de trouver un emploi, et lorsqu'ils terminent leurs études, ils constatent que le chômage dans la population étudiante est généralisé.

Certains étudiants en train de faire leur doctorat sont déjà endettés de plus de 80 000 $. Il faut tenir compte du fait que les étudiants ne prennent pas à la légère la question de la faillite, comme le laisse entendre la question. Ils ne se disent pas: «Bof, on part à zéro, passons au projet suivant pour peut-être faire à nouveau faillite, nous faire libérer de la dette,» etc. Je regrette, nous ne fonctionnons pas comme des sociétés pour lesquelles il est facile de déposer le bilan sans être assujetties à la moindre limite quant à la période à laquelle elles peuvent en fait déclarer faillite.

Quand d'autres personnes endettées se trouvent confrontées à des difficultés énormes, elles ont cette possibilité. Je suppose que vous voulez savoir pourquoi les étudiants sont traités si différemment des autres membres de la société? La question des étudiants qui risquent de faire faillite sans angoisser le moins du monde... Avant d'avoir atteint le point où il leur faut envisager de faire faillite, certaines personnes sont dans un état psychologique déplorable. Le taux de suicide des étudiants est phénoménal à l'heure actuelle et il est directement lié à l'endettement auquel ces derniers font face.

Il y a des étudiants actuellement qui renoncent à aller à l'université et à se perfectionner à cause du coût de l'éducation et de la dette qu'ils risquent d'accumuler. La question de la dette est très grave et a atteint des proportions dramatiques à l'heure actuelle. Les étudiants vous supplient de prendre la question au sérieux et de ne pas leur répondre qu'il vaut mieux déclarer faillite et que cela leur facilitera les choses. Je crois que cela tend à banaliser la situation précaire dans laquelle se trouvent actuellement les étudiants.

J'ai une autre remarque à faire. Le nombre d'étudiants qui contractent des prêts étudiants a considérablement augmenté. Il est actuellement plus près de 50 p. 100, et encore davantage dans certaines universités, si on examine les données des diverses universités relatives au nombre d'étudiants qui comptent sur les prêts étudiants parce qu'ils n'ont pas d'autres sources de revenu pour financer leurs études.

M. Paul Szabo: Nous avons établi ces données d'après les audiences qui ont eu lieu sur la Fondation des bourses d'études du millénaire, juste avant l'été. Ces chiffres ont été confirmés par les administrateurs d'université de tout le pays. En fait, le taux d'endettement moyen des étudiants du Québec était inférieur parce que les frais de scolarité dans cette province y sont moins élevés que dans le reste du pays.

Mme Deborah Murray: J'ai une chose à dire sur ce point. Le directeur de l'aide financière à l'Université Concordia m'a dit il y a deux ans que, dans cette université seulement, c'était plus de 30 p. 100 et que ces chiffres dataient de deux ans en arrière. Il savait que les nombres avaient augmenté mais ne disposait pas des statistiques les plus récentes. C'est en 1995 que je lui en ai parlé.

M. Paul Szabo: Permettez-moi de conclure. Je ne veux pas banaliser la question, mais pour vous donner une idée, lorsque j'ai terminé l'université au début des années 70, mon père était boucher et j'avais un prêt à rembourser. Ma dette s'élevait à 3 500 $, ce qui était énorme. Mais vous voulez savoir une chose? C'était le prix d'une voiture toute neuve à l'époque et le montant moyen des dettes d'étudiants à l'heure actuelle, soit 25 000 $, correspond en fait au prix d'une voiture toute neuve. Toute proportion gardée, ce n'est pas anormal. En fait, une voiture neuve de 25 000 $ vous dure pendant cinq ou six ans; 25 000 $ investis dans votre éducation, cela reste jusqu'à la fin de vos jours.

• 1815

Je tiens à signaler que votre remarque au sujet du chômage généralisé est inexacte. En fait, le taux de chômage des diplômés universitaires de 25 ans et moins s'établit à 6,5 p. 100. Le taux de chômage de tous les étudiants universitaires au Canada est de 4,5 p. 100, contre le taux actuel de 83 p. 100 pour l'ensemble de la population. Le problème du chômage n'est donc pas si sérieux et en fait, le nombre de faillite est assez faible.

C'est pourquoi j'aimerais vous demander...

M. Benoît Renaud:

[Note de la rédaction: Inaudible]... la question.

M. Paul Szabo: Je comprends bien, et je vous demande simplement, s'il vous fallait choisir entre toutes les options qui s'offrent au gouvernement du Canada, en matière de gestion des deniers publics, pour investir du mieux possible dans les étudiants tout en tenant compte des autres pressions qui s'exercent sur le Trésor, que choisiriez-vous?

Mme Deborah Murray: Je vais vous demander de préciser votre pensée, car votre question est un peu trop vague.

M. Paul Szabo: Vous avez une liste d'options: choisissez-en une. Comment pouvons-nous aider...? Par exemple, si j'étais étudiant à l'heure actuelle, je demanderais de l'aide pour les étudiants qui n'ont même pas les moyens de faire des études postsecondaires. Je recommanderais d'utiliser tout le budget alloué aux bourses d'études du millénaire pour aider les étudiants qui n'ont pas accès aux études postsecondaires.

M. Benoît Renaud: Comme quelqu'un d'autre l'a dit, je vais répondre à cette question à titre personnel car je n'ai pas le mandat de choisir parmi ces priorités. Nous sommes venus ici pour présenter toutes ces demandes, mais personnellement, je recommanderais de donner les fonds aux provinces et nous traiterons directement avec le gouvernement provincial.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Madame Redman, s'il vous plaît.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

J'ai entendu exprimer un sentiment—et je dois vous présenter mes excuses, madame Murray, car je pensais que cela venait de vous mais c'était peut-être la personne qui était assise à vos côtés et qui est partie depuis—que nous avons déjà entendu pendant nos déplacements dans l'est, et qui, je dois l'avouer, me paraît un peu troublant. Il s'agit de la participation. Les activités de R-D et les besoins de financement touchent une corde sensible chez moi, et j'appuie sans réserve ces initiatives. Il y a deux universités dans ma région, même si elles ne se trouvent pas dans ma circonscription, et l'une d'entre elles est l'Université de Waterloo qui offre un formidable programme d'alternance travail-étude et qui a eu jusqu'ici d'excellents résultats en matière d'acquisition de compétences et d'expérience professionnelle pour les étudiants de toutes les facultés, y compris les lettres et sciences humaines, et pas simplement les mathématiques ou le génie. Le secteur des entreprises se montre extrêmement coopératif.

J'ai entendu quelqu'un dire aujourd'hui, et je l'avais déjà entendu lorsque nous étions dans l'est, que l'on soupçonne les grandes sociétés de vouloir mettre la main sur l'enseignement postsecondaire, les universités. Cela me paraît très troublant car je suis convaincue que c'est un secteur où les entreprises sont en mesure de s'occuper d'intérêts autres que les leurs. J'approuve l'idée que nous n'essayons pas simplement de donner une formation aux étudiants du postsecondaire pour qu'ils trouvent un emploi ensuite, mais que nous façonnons également l'avenir et le groupe qui s'occupera de nous dans nos vieilles années.

Je vous demande de m'excuser si ce n'est pas vous qui avez fait cette remarque, mais je l'ai entendue aujourd'hui et cela me perturbe beaucoup.

Mme Deborah Murray: Ce n'est pas moi qui ai dit cela, mais je partage cet avis. En effet, on nous a souvent dit ou souvent signalé que des fonds étaient alloués, par exemple, à différents départements des universités—à l'Université de Toronto, à l'Université Queen's, etc.—où les grandes sociétés se réjouissent de s'attribuer le mérite du financement qu'elles offrent à certains programmes universitaires, et qu'elles encouragent d'autres entreprises à faire de même sous prétexte que cela leur permet d'influer sur le choix des cours et l'orientation générale des programmes.

Cela est très inquiétant, car cela signifie que l'on n'accorde pas la même importance, voire aucune, à d'autres visions et à d'autres aspects de la vie universitaire. Je sais que cela se produit dans le programme que je suis, en fait. Dans d'autres secteurs, par exemple, ceux qui travaillent dans les collectivités et dans l'éducation n'ont pas les mêmes possibilités en matière de stages et de bourses, et les bourses qui sont offertes se concentrent essentiellement sur l'industrie. Ce que nous demandons, c'est une vision sociale et globale beaucoup plus vaste au sein des programmes. C'est une tendance qui est de plus en plus présente, d'après ce que nous constatons, et c'est très inquiétant.

• 1820

Mme Karen Redman: La participation des entreprises ne devrait-elle pas libérer les fonds déjà maigres et le financement de base pour les autres programmes qui ne profitent peut-être pas des dons des grandes sociétés?

Mme Deborah Murray: Là encore, nos arguments se fondent sur le fait que nous désapprouvons les projets de réduction d'impôt qui sont mis de l'avant. À notre avis, l'enseignement universitaire et les autres formes d'éducation devraient être considérés comme des activités financées par le secteur public et la fiscalité devrait servir à concrétiser nos visions de l'éducation.

M. Benoît Renaud: Si les grandes sociétés veulent se montrer généreuses et altruistes, qu'elles paient l'impôt différé qu'elles doivent et autre chose du même genre et qu'elles laissent les universités gérer leurs propres affaires comme des entités économiques. À l'heure actuelle, les universités ne sont plus des universités mais deviennent des centres de formation. Nous avons une vision très claire de ce que devrait être une université, c'est-à-dire une université autonome dotée de sa logique et de son but propre, et non un organisme de service à l'intention de personnes qui ne peuvent même pas payer pour recevoir ces services.

Mme Karen Redman: En un mot, donc, les sociétés ne devraient pas s'ingérer dans l'enseignement postsecondaire.

M. Benoît Renaud: Elles peuvent jouer un rôle, mais nous craignons fortement que les universités ne deviennent tributaires des sociétés. Nous convenons qu'il doit exister une sorte de rapport ou de partenariat entre les universités et le marché du travail et le secteur privé, mais il ne faut pas qu'il y ait de dépendance financière à l'égard des grandes sociétés.

Mme Karen Redman: Me reste-t-il du temps, monsieur le président?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Oui, bien sûr.

Mme Karen Redman: Si vous le permettez, j'aimerais poser une question à MM. Roberge et LaFlamme. Vous avez cité l'exemple du ratio de la dette au PIB, et vous avez parlé de la place que nous occupons au sein du G-7. J'aimerais revenir à votre proposition des trois tiers quant à la façon de dépenser nos excédents. Étant donné que, si l'on considère le rang qui nous revient au sein des pays du G-7, nos charges sociales sont en fait relativement faibles tandis que notre impôt sur le revenu des particuliers est relativement élevé, nous ne nous en tirons pas trop mal. Le rapport Mintz nous dit que nous ne nous débrouillons pas trop mal dans le secteur des sociétés. Compte tenu de cette information, ne serait-il pas plus logique d'envisager de diminuer et de remanier l'impôt sur le revenu des particuliers plutôt que d'accorder des diminutions des cotisations à l'assurance-emploi comme vous le suggérez?

M. Pierre LaFlamme: Ce que nous disons, c'est que nous n'avons pas de recette toute faite, car je ne pense pas qu'il en existe. Notre principal objectif est de nous attaquer à ce fardeau excessif en vue d'essayer de le réduire. Lorsque nous avons lu qu'il y aurait des excédents de 18 milliards de dollars dans la caisse de l'assurance-emploi, ou bien on change le nom de cette taxe ou on la diminue. C'est notre avis.

Mme Karen Redman: L'argument n'est donc pas convaincant si l'on tient compte de la place que nous occupons au sein du groupe G-7. Vous n'êtes pas convaincus par le fait que le niveau de nos cotisations sociales d'après les pays de ce groupe est relativement faible tandis que celui de notre impôt sur le revenu des particuliers est relativement élevé. Vous maintenez votre position en disant qu'il faut agir sur le plan de l'assurance-emploi et refuser d'envisager diverses options quant à la façon de dépenser cet excédent.

M. Pierre LaFlamme: Je le répète, il n'existe aucune recette toute faite. Ce que nous voulons, c'est une diminution du fardeau fiscal, qui est relativement élevé au Canada par rapport aux États-Unis. Bien sûr, votre comparaison avec l'Europe notamment est logique, mais notre concurrent direct sur le marché, ce sont les États-Unis et nous voulons essayer de réduire le fardeau fiscal global des particuliers canadiens. C'est notre premier objectif ou notre principale suggestion. N'oublions pas que l'assurance-emploi représente un coût direct pour l'emploi à court terme. Pour ce qui est notamment des emplois qui se trouvent en bas de l'échelle, nous estimons que l'on pourrait réduire le taux des cotisations et que le gouvernement pourrait considérer cela comme un investissement.

• 1825

Quant à affirmer qu'il s'agit d'un fonds distinct dont on peut tirer 18 milliards de dollars d'excédent alors qu'on continue à accumuler cet excédent dans le compte, pour ma part, j'hésite quelque peu à maintenir la situation actuelle ou à proposer de laisser les choses telles quelles.

M. François Roberge: Les propriétaires d'entreprises contribuent eux aussi à la caisse de l'assurance-emploi.

Mme Karen Redman: Soixante pour cent.

M. François Roberge: Lorsque les gens d'affaires vont aux États-Unis, on leur dit: «Oh, vous vivez là-bas dans le Nord, avec toutes ces taxes.» On voit vraiment qu'ils paient beaucoup moins de taxes et cela leur donne un avantage concurrentiel. Nous avons un avantage parce que la valeur de notre dollar est moins élevée, mais on devrait pouvoir trouver un compromis. Nous ne disons pas que le Canada devrait aller tout à fait à droite ou à gauche, mais nous devons traiter avec nos voisins, plus particulièrement avec les États-Unis.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup, madame Redman.

J'aimerais maintenant conclure la période de questions en donnant la parole à M. Pillitteri.

M. Gary Pillitteri: Merci beaucoup, monsieur le président.

Nous avons entendu d'excellents exposés aujourd'hui. Puisqu'il s'agit du dernier groupe, je serai peut-être un peu plus curieux, monsieur le président.

J'ai entendu de nombreuses observations ici cet après-midi. Entre autres, Mme Murray a demandé pourquoi nous devrions imposer une limite aux étudiants puisque les sociétés ont la possibilité de déclarer faillite n'importe quand lorsqu'elles le veulent.

Madame Murray, je veux que vous regardiez une société qui a un être humain derrière elle—moi. Cette société, en l'occurrence, n'avait pas de dettes lorsqu'elle a quitté l'université, car je ne suis pas allé à l'université. Si je décide de faire faillite, cela signifie que tout le travail que j'accomplis depuis 45 ans est à l'eau. Cela veut dire toute ma vie. Dans votre cas, si vous décidez de faire faillite, cela ne touche que votre dette d'études. Vous vous retrouvez donc avec une éducation qui ne vous a rien coûté.

Je voudrais cependant vous poser une question plus directe, plus fondamentale que les choses que vous dites, c'est-à-dire que le secteur privé ne devrait rien avoir à faire avec l'éducation.

J'ai travaillé dans un secteur qui coopérait avec l'université en parrainant des travaux de recherche pour répondre aux besoins de mon industrie. Voulez-vous dire qu'en tant que société, je devrais tout simplement donner l'argent à l'université si je veux être une bonne personne, que je devrais lui dire de décider ce qu'elle fera avec cet argent? Est-ce ce que vous me dites? Est-ce bien ce que j'entends?

M. Benoît Renaud: Ce que nous disons, c'est que la majeure partie du financement des universités devrait provenir du régime fiscal, qu'elle devrait être financée à même les fonds publics, afin que les universités ne dépendent pas des contributions privées. Nous ne disons pas qu'il ne devrait pas y avoir de contributions privées.

M. Gary Pillitteri: De même, cette université ne fournit pas au secteur privé les diplômés dont il a besoin pour survivre dans l'économie d'aujourd'hui. Par conséquent, vous tentez de dire que le secteur privé ne devrait pas avoir son mot à dire dans les universités, dans le genre de diplômés...

M. Benoît Renaud: Aucun pouvoir.

M. Gary Pillitteri: Aucun pouvoir? Alors je pense que vous avez vraiment un problème. Si l'industrie et le secteur privé ne peuvent pas collaborer pour répondre aux besoins du pays aujourd'hui, aux besoins de la nation, alors vous avez du mal à comprendre ce que c'est que l'éducation.

M. Benoît Renaud: Je ne pense pas que le pays aura un problème à cause de cela.

M. Gary Pillitteri: Vous avez dit quelque chose également lorsque nous parlions de l'exode des cerveaux. Lorsqu'on a fait des études, vous dites que cette éducation vous appartient et que vous pouvez l'amener avec vous n'importe où. Mais cette société reste au même endroit. Elle ne se déplace pas. Si vous ne fournissez pas les gens éduqués pour que cette société puisse survivre, alors vous n'avez rien fait de bienveillant dans le domaine de l'éducation pour vous-même ou pour créer des emplois au pays.

• 1830

Mme Deborah Murray: Si je peux répondre à cette observation, c'est la situation que nous avons à l'heure actuelle. Il n'y a pas de bienveillance à l'heure actuelle. Nous avons peut-être cette éducation, mais elle sert à travailler chez McDonald. Elle sert à des emplois où les gens font du télémarketing. Regardez ce que font les diplômés à l'heure actuelle: des sociétés de télémarketing...

M. Gary Pillitteri: C'est exactement ce que je dis. Lorsque le secteur privé dit qu'il n'a pas besoin de votre éducation pour McDonald mais qu'il en a besoin pour ce genre de travail, c'est là où le gars du secteur privé intervient. Il vous dit où il veut cette éducation. Vous ne devez pas aller chez McDonald, parce que vous aurez alors perdu votre temps et l'argent des contribuables. Le secteur privé doit dire ce dont il a besoin. Il n'y a rien de mal à poser ce genre de question.

Mme Deborah Murray: En même temps, les mesures qui sont prises à l'heure actuelle vont de plus en plus dans cette direction. Je suis désolée, mais je ne pense pas que vous ayez quoi que ce soit à craindre si cette tendance ne s'arrête pas, car c'est là où les choses en sont à l'heure actuelle dans les universités.

M. Gary Pillitteri: Eh bien, je m'inquiète lorsque je ne peux trouver de travailleurs pour faire faire le travail dont j'ai besoin.

Mme Deborah Murray: Pour être honnête avec vous, la réalité à l'heure actuelle, c'est que les promesses ne sont pas tenues à l'autre extrémité, même avec cette tendance. Par ailleurs, la communauté doit avoir son mot à dire par l'intermédiaire des conseils des gouverneurs dans les universités, pour ce qui est de la façon dont les universités sont administrées. On exclut cependant ces gens en réalité; ils ne sont pas invités à participer dans les structures universitaires telles qu'elles existent à l'heure actuelle, et ils n'y participent pas.

M. Gary Pillitteri: Ce sont les universités qui disent qu'elles ont besoin d'aide. Elles s'adressent au secteur privé et le secteur privé aide beaucoup. Il aide en nous donnant les diplômés dont nous avons besoin pour répondre aux besoins de cette nouvelle époque.

M. Benoît Renaud: Les universités ne sont pas supposées préparer des gens pour un emploi spécifique, elles sont censées préparer des gens pour une profession. Ce que nous disons, c'est que les gens devraient être préparés pour le monde après l'université. Ils devraient être préparés pour tout cela, non pas seulement pour travailler au sein d'une société qui a eu la possibilité d'empêcher que l'université fasse faillite parce que le gouvernement ne fournit pas de financement.

Les étudiants devraient pouvoir décider eux-mêmes ce qui est bon pour eux, c'est ainsi que cela devrait se passer. Les étudiants ne sont pas stupides. S'ils ont le pouvoir de se fixer des objectifs pour leurs programmes d'études, ils devraient s'assurer que ces programmes les préparent bien pour le marché du travail, mais l'université ne remplace pas un programme de formation approprié au sein de la société comme telle.

M. Gary Pillitteri: En d'autres termes, vous dites que je devrais payer les travaux de recherche et tout le reste et que mon entreprise devrait chercher en Europe, aux États-Unis et ailleurs dans le monde les gens dont elle a besoin, car vous voulez avoir votre liberté, et que cette interférence de la part des sociétés et des particuliers ne devrait pas se produire parce que vous connaissez le rôle. Est-ce ce que vous êtes en train de me dire?

M. Benoît Renaud: Vous laissez entendre que les étudiants sont stupides...

M. Gary Pillitteri: Je n'ai pas dit cela.

M. Benoît Renaud: ...et qu'ils ne vont pas demander à faire des études qui les préparent pour des emplois. Ce n'est pas vrai. Les étudiants veulent être préparés pour des emplois.

M. Gary Pillitteri: Il y a à peine une minute, vous avez dit que nous ne devrions pas préparer...

M. Benoît Renaud: Il n'est pas nécessaire de sous-financer les universités et de les obliger à dépendre des sociétés pour y arriver. Les étudiants veulent déjà avoir cela. Il n'est pas nécessaire de faire cela pour connaître le marché du travail et pour s'y préparer.

Mme Deborah Murray: Si je peux faire une dernière observation, ce qui est clair, c'est qu'il y a conflit entre nos différentes visions sociales. Je pense que ces visions sont différentes.

[Français]

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup. Je poserai deux questions qui sont quelque peu reliées. D'un bout à l'autre du Canada, on entend dire que si le gouvernement désire investir, il devrait accorder la priorité aux domaines de l'éducation et de la santé.

J'aimerais m'assurer que j'ai bien compris les interventions qu'on a faites ce soir et je vous invite à me corriger si je me trompe. Lors de sa présentation, M. Dumas nous disait que le gouvernement devrait investir dans le système de santé et n'imposer aucune condition aux provinces; il recommandait qu'on leur donne de l'argent et qu'on s'en lave les mains. Quand vous avez dit qu'on devait donner l'argent inconditionnellement à la province, vous avez été applaudi par la Chambre de commerce. Est-ce vraiment cela que vous voulez? Voulez-vous vraiment qu'on leur confie l'argent de tous les contribuables?

Vous avez dit souhaiter un système d'éducation postsecondaire accessible et équitable. Disiez-vous que cette équité devait prévaloir pour les Québécois et Québécoises ou pour toutes les Canadiens et Canadiennes?

• 1835

Puisqu'on parle de paiements de transfert, j'aimerais vous rappeler ce qui s'est passé en Ontario. Quand le premier ministre d'une province et son gouvernement décident de fixer les priorités et les objectifs pour leur province, vous dites au gouvernement fédéral: «Tassez-vous, vous n'avez rien à voir là-dedans.»

Je vous ferai part de quelques statistiques qui me préoccupent énormément. Depuis quatre ou cinq ans, on entend dire qu'on devrait réinvestir dans l'éducation et dans la santé. Mais, pour l'amour de Dieu, alors qu'une commission royale nous disait qu'on devait réinvestir quelque 10,5 milliards de dollars dans notre système de santé, la première priorité de notre gouvernement a été, lorsqu'il a eu une marge de manoeuvre, de rehausser ce seuil à 12,5 milliards de dollars, et on lui a dit que ce n'était pas assez.

J'ai cru bon de faire des comparaisons entre les deux plus grandes provinces. La population du Québec est équivalente à 64 p. 100 de celle de l'Ontario. Pourtant, si on compare le nombre de lits par 1 000 personnes, on voit que le Québec a 40 p. 100 plus de lits que l'Ontario, bien que sa population soit bien moins nombreuse. Le Québec dépense 50 p. 100 de plus dans le domaine de l'éducation; mais encore là, il a 64 p. 100 de la population étudiante. Alors, est-ce juste une question d'argent? Devrions-nous nous contenter de verser l'argent aux provinces, lesquelles l'investiront peut-être dans l'éducation? Par exemple, devrions-nous accepter que le gouvernement du Québec se donne comme priorité, comme il l'a fait récemment, de dépenser 160 millions de dollars pour ouvrir une station de métro à Laval? De son côté, le gouvernement de l'Ontario peut décider d'accorder des réductions d'impôt aux particuliers, tandis que gouvernement de l'Alberta décidait récemment de réaliser un surplus de 1 milliard de dollars, nonobstant des fermetures peut-être hâtives d'hôpitaux.

Quand je vous entends dire que le gouvernement fédéral n'a rien à voir là-dedans et qu'il devrait se contenter de vous donner de l'argent, je me demande si vous êtes vraiment sûrs que les provinces sont de meilleurs administrateurs de nos systèmes de santé et d'éducation.

M. François Roberge: Ce n'est pas un jugement que nous portons sur la qualité de l'administration. Bien que le Québec soit peut-être plus chatouilleux que d'autres provinces là-dessus, comme vous le savez, nous avons une constitution qui stipule que l'éducation et la santé relèvent de la compétence des provinces. Nous vous disons de ne pas créer de nouveaux programmes dans les secteurs de la santé et de l'éducation, à moins que certaines provinces ne se mettent ensemble et demandent au gouvernement canadien de créer pour elles un programme particulier. Nous n'y verrions aucun inconvénient. Par contre, on sait qu'il y a des provinces, dont le Québec, qui vous disent de ne pas créer de nouveaux programmes et de leur donner de l'argent si vous voulez qu'elles interviennent dans ces secteurs-là.

Il est certain que le gouvernement du Québec, comme les gouvernements de l'Ontario et des Maritimes entre autres, fait l'objet de suffisamment de pressions pour qu'il réinvestisse dans les secteurs de la santé et de l'éducation. Ce sont des priorités ici aussi. Donc, s'il y a un surplus à même les impôts qu'on paie, ne cherchez pas à créer des programmes nationaux. Ce n'est pas cela qu'on veut. Donnez l'argent aux provinces pour qu'elles s'acquittent des responsabilités qui relèvent de leur compétence.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je n'ai pas parlé de créer de nouveaux programmes non plus. Si on posait cette question aux 101 députés de l'Ontario, ils seraient les premiers à vous dire qu'ils ne font pas confiance à M. Harris pour investir dans le domaine qu'on a ciblé.

Lors de la dernière entente sur l'union socioéconomique, même M. Bouchard avait convenu que si jamais le gouvernement fédéral investissait dans l'éducation ou dans la santé, les provinces seraient obligées de réinvestir ces sommes. C'est cela, ma question.

M. Benoît Renaud: La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants croit qu'il faut faire une distinction claire entre le Québec et les autres provinces, cela parce que, pour des raisons politiques et historiques évidentes, le gouvernement du Québec a déjà une responsabilité plus grande que les autres provinces dans certains domaines, dont celui de l'éducation postsecondaire. Pour nous, du côté du mouvement étudiant, un exemple évident de cela est le régime d'aide financière. Les résidantes et résidants du Québec n'ont pas accès au régime fédéral parce qu'au cours des années 1960, le gouvernement du Québec s'était retiré de ce programme et avait reçu une compensation.

• 1840

Parmi nos recommandations les plus urgentes figure actuellement la création d'un programme national de bourses au niveau canadien pour compléter et peut-être éventuellement remplacer le programme actuel de prêts qui est administré par le gouvernement fédéral. On demande qu'on crée un programme national de bourses et que le gouvernement canadien négocie avec les provinces en vue d'imposer un gel généralisé des frais de scolarité dans l'ensemble du Canada. Par contre, nous demandons que le Québec conserve son droit de se retirer avec pleine compensation financière du programme canadien d'aide financière aux étudiantes et étudiants.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je n'ai pas parlé de programme d'études. Vous disiez que pour vous, la plus importante priorité était l'accessibilité en toute équité. Je n'accepte pas qu'un étudiant de ma province reçoive un traitement inférieur en termes d'accessibilité. Les autres provinces réagissent de la même façon. Croyez-vous qu'il soit juste que dans ce pays, les Canadiens et Canadiennes ne puissent pas jouir de la même accessibilité? Je trouve cela déplorable.

M. Benoît Renaud: Notre fédération revendique qu'on établisse des normes pancanadiennes en matière d'accès à l'éducation postsecondaire. Cette revendication exclut les questions de budget, d'une part, et le Québec devrait avoir la possibilité d'administrer son budget de l'éducation postsecondaire selon ses propres critères. On devrait négocier, et non pas imposer de façon unilatérale, l'établissement de ces normes pancanadiennes.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je suis d'accord avec vous là-dessus. Monsieur Dumas, s'il vous plaît.

M. Paulin Dumas: Monsieur le président, j'aimerais bien avoir accès aux statistiques selon lesquelles le Québec aurait 40 p. 100 plus de lits, alors que sa population est équivalente à 64 p. 100 de celle de l'Ontario. J'aimerais premièrement savoir de quels lits vous parlez. Parlez-vous de séjours de courte ou de longue durée?

Le vice-président (M. Nick Discepola): Selon les statistiques les plus récentes que j'ai pu obtenir de Statistique Canada et qui remontent à 1994-1995, le Québec dépense 8 011 $ et l'Ontario, 5 365 $ en termes d'éducation postsecondaire. En termes de santé, le Québec dépense 1 432 $ par personne et l'Ontario, 1 588 $. Pour ce qui est du nombre de lits, le Québec en a 46 541, tandis que l'Ontario en a 49 000. Ainsi, le Québec en a 6,39 pour 1 000 personnes, alors que l'Ontario en a 4,5. Le Québec a 40 p. 100 plus de lits, bien que sa population représente 64 p. 100 de celle de l'Ontario.

M. Paulin Dumas: Vous utilisez comme référence l'année 1994-1995.

Le vice-président (M. Nick Discepola): C'est ça.

M. Paulin Dumas: C'est terrible, monsieur le président.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Pourquoi?

M. Paulin Dumas: Parce que trois années de chambardement complet se sont écoulées depuis 1994-1995.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je peux me permettre de comparer ces deux provinces parce qu'elles ont subi les mêmes effets.

M. Paulin Dumas: Mais il faudrait voir ce que ça donne en 1998.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Je n'ai pas pu obtenir de statistiques plus récentes et c'est pourquoi je vous pose cette question.

M. Paulin Dumas: On a d'abord cru qu'on pourrait réduire l'accessibilité des services pour la population par des batailles de ratio lits-population. C'est une approche que nous avons depuis délaissée et nous adoptons maintenant une approche complètement différente. Il y a effectivement eu une réduction draconienne des lits au Québec. Je n'ai pas en main les statistiques, mais je puis vous dire qu'on calcule maintenant davantage en termes de jours d'hospitalisation d'une part et en services accessibles, indépendamment du nombre de lits par personne, que ce soit en termes de soins de santé ou de lits pour les personnes âgées. Ça n'a plus rien à voir avec les nombre de lits.

En réponse à votre deuxième question, comme je le disais, on souhaite qu'aucun gouvernement ne cible. Vous avez fait allusion à l'accord auquel en sont venues les provinces à Saskatoon. Si j'ai bien compris, notre premier ministre a donné son adhésion à des formes d'accord fédéral-provincial qui tiendraient compte des priorités de chaque province et est prêt à considérer qu'il y a un certain nombre de critères sur lesquels il faut s'entendre, ce qui faciliterait les comparaisons et nous permettrait de comparer les services auxquels ont accès les citoyens d'une province à l'autre.

• 1845

Selon ce que j'ai compris, il y aurait une possibilité d'accord entre les deux paliers de gouvernement. Il n'est pas question d'exiger que les mêmes sommes d'argent exactement soient investies aux mêmes endroits.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non, je n'ai pas dit ça.

M. Paulin Dumas: Mes propos portaient là-dessus et non sur les possibilités d'entente entre les deux gouvernements. Mon raisonnement s'applique à ce qui existe en matière de péréquation et de transferts. Nous souhaitons qu'ils soient augmentés, mais pas de n'importe quelle manière. C'est ce que j'ai essayé de vous expliquer tout à l'heure.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Merci beaucoup. Monsieur Côté, est-ce que vous auriez quelque chose à ajouter? Je pense que vous avez cherché à attirer mon attention.

M. Bernard Côté: Je voudrais simplement ajouter quelques mots sur la justesse des questions soulevées. Au point de départ, nous avions été invités à étudier les surplus budgétaires et nous en sommes à discuter du partage des compétences entre les provinces et le gouvernement fédéral. C'est une question fort intéressante et éminemment politique. Cependant, je ne sais pas si c'est ici le lieu pour en discuter.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Non.

M. Bernard Côté: Certaines réponses ont été ébauchées. Elles pourraient être développées davantage. Par contre, quand on se met à comparer le nombre de lits dans les provinces... J'ai vu, il y a deux semaines, le chiffre de 0,32 lits pour 100 habitants au Québec contre 0,27 en Ontario. Ce sont des statistiques récentes. Est-ce vraiment une statistique utile? Quelle en est la signification? On ne pourrait pas vraiment le dire.

Je pourrais parler de l'aide sociale, par contre. Quand un assisté social vivant seul reçoit 490 $ par mois au Québec, est-il aussi bien traité s'il habite à Montréal plutôt qu'à la campagne, compte tenu du prix des logements? Est-ce que le même montant octroyé à un assisté social vivant à Toronto, en Alberta, à Vancouver ou au Québec relève d'un traitement aussi juste?

Pensons aux problèmes qu'on a connus au Canada dernièrement, alors que la Colombie-Britannique refusait l'entrée d'un assisté social du Québec ou ne lui accordait l'aide sociale qu'après trois mois de résidence. Le problème a pu être résolu à la suite de discussions entre les deux premiers ministres.

Est-il bien nécessaire d'instaurer des normes nationales pour régler ce genre de problèmes? Cela ne peut-il pas se régler entre provinces? Il y a des diversités entre les provinces et le Québec, et c'est ce qui fait la richesse du Canada, à l'intérieur même des provinces.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Mon intervention ne portait pas sur la façon dont les provinces devaient effectuer leurs dépenses dans leurs domaines de compétence. L'administration des soins de santé et de l'éducation est de compétence provinciale. Je suis entièrement d'accord et les chiffres que j'ai avancés avaient surtout pour objet de souligner que les provinces canadiennes dépensent moins ou plus dans chacun des deux secteurs.

Mais de là à affirmer que le gouvernement fédéral devrait donner l'argent sans jamais l'assortir de conditions... C'était là le sens de mon intervention. Je crois que M. Renaud a dit qu'il serait peut-être bon de se donner des normes nationales dans le domaine de l'éducation, comme celles que nous avons pour les soins de santé.

Loin de moi l'idée que le gouvernement fédéral devrait prendre la place des provinces dans l'administration des...

[Note de la rédaction: Inaudible]. Non, je n'ai pas dit cela.

Le travail de ce comité a d'abord pour but, monsieur Côté, de faire des recommandations à notre gouvernement, au ministre des Finances, concernant les priorités des Canadiens et des Canadiennes. Je pense que les domaines des soins de santé et de l'éducation sont des priorités.

M. Bernard Côté: Oui: santé, éducation et services sociaux.

Simplement pour compléter ma pensée, j'ajouterai que poser la question est déjà quelque peu tendancieux; devrions-nous donner de l'argent aux provinces et leur laissant les mains libres quant à l'usage qu'elles en feront? C'est présumer qu'on donne l'argent sans savoir ce qu'il en adviendra. Il y a un préjugé qui sous-tend la question et mène à certaines conclusions. Je ne crois pas que ce soit la bonne façon de voir les choses.

La réponse qu'on donne fatalement à une telle question, c'est qu'il faut des normes nationales pour s'assurer que l'argent des contribuables canadiens, qui sont des contribuables d'une province et du gouvernement fédéral en même temps, est bien dépensé. Est-il absolument nécessaire d'avoir des normes? Est-ce par manque de confiance envers les gouvernements provinciaux qu'on en souhaite? Croit-on que l'argent investi dans certains domaines, ou réinvesti dans le cas des surplus, ne sera pas employé là où on le souhaite?

Quand on parle de décentralisation, on vise à s'assurer que les institutions les plus près du milieu utiliseront au mieux l'argent qui leur est donné et l'appliqueront bien. Sinon, on se retrouve dans la situation décrite tout à l'heure par M. Dumas; en voulant cibler trop précisément un secteur donné, on fait face à d'autres problèmes.

Le vice-président (M. Nick Discepola): Monsieur Dumas, le mot de la fin vous revient.

M. Paulin Dumas: Je vous remercie, monsieur le président. J'aimerais seulement dire que votre question comporte une dimension concernant la responsabilité financière. Je pense que le fédéral et les provinces pourraient s'accorder sur la façon de se rendre comptables, dans l'éventualité d'une hausse des transferts.

• 1850

Le vice-président (M. Nick Discepola): En terminant, j'aimerais vous remercier cordialement. Je crois que nous avons à peine abordé un débat qui sera long. Toutefois, grâce à vos interventions, nous pourrons, dans notre rapport, faire des recommandations mieux ciblées, qui refléteront vos priorités d'abord et, je l'espère, celles des Canadiens et des Canadiennes pour le prochain budget. Je vous en remercie énormément et vous souhaite une agréable soirée.

J'invite mes collègues à revenir ici demain matin à 9 heures. Nous étudierons les fusions bancaires. Merci beaucoup et bonne soirée.

La séance est levée.