Passer au contenu
Début du contenu

CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 10 février 1999

[Traduction]

• 1601

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Comité permanent du patrimoine canadien. Nous allons entendre des témoins nous parler du projet de loi C-48, Loi concernant les aires marines de conservation.

[Français]

Nous avons deux témoins.

[Traduction]

Nous accueillons le représentant du Nunavut Wildlife Management Board, le conseiller juridique M. Michael d'Eça, et le représentant de la Bande indienne de Campbell River, le chef John Henderson.

Je m'excuse auprès de nos deux témoins pour le retard. Nous avions quelques questions urgentes à régler au sujet de nos travaux futurs.

Monsieur Henderson, je crois comprendre que vous avez un avion à prendre.

Le chef John Henderson (Bande indienne de Campbell River): Oui.

Le président: Alors, si vous n'y voyez pas d'objection, monsieur d'Eça, nous entendrons d'abord M. Henderson.

Nous vous écoutons, et nous vous poserons des questions ensuite.

Le chef John Henderson: Au nom de notre commission des traités et de la Bande indienne de Campbell River, je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.

J'aimerais vous expliquer qui sont ceux que je représente. Je représente en fait la majorité des gens qui vivent sur la côte centrale de l'île de Vancouver et les territoires environnants. Il s'agit d'une vaste région. Tout le monde a pu prendre connaissance de la carte qui circule. Notre Première nation compte 560 membres, et 2 000 personnes au total vivent dans la région visée par notre traité.

Je suis ici aujourd'hui simplement en raison de l'impact qu'aura cette mesure si elle est adoptée. Je sais qu'il est écrit dans les documents indiens que les intérêts des Premières nations vont être pris en considération, ainsi que leur point de vue, mais les questions de pouvoirs restent quand même en suspens.

Nous pensons que les pouvoirs des Premières nations vivant dans les communautés côtières vont être touchés. À cet égard, je m'occupe de notre Première nation depuis 22 ans et je travaille au succès du processus de négociation d'un traité pour assurer l'avenir non seulement de mes enfants, mais aussi de mes petits-enfants.

J'ai le sentiment que cette mesure va empêcher les Premières nations de rester ce qu'elles sont et de vivre des ressources mises à leur disposition. Nous sommes engagés dans le processus de négociation d'un traité depuis de très nombreuses années, comme je l'ai dit.

• 1605

McKenna-McBride l'a souvent signalé dans les années 1800. J'ai cité une déclaration dans le document que je vous ai remis, selon laquelle les Premières nations n'ont jamais obtenu de larges bandes de terre, mais seulement de petites bandes de terre pour assurer leur survie.

Les ressources marines sur notre territoire nous définissent. Notre façon de vivre nous vient de nos grands-parents, et de leurs parents avant eux, qui nous ont enseigné à utiliser ces ressources.

Le saumon, les crustacés et le poisson de fond, dont vous parlez, sont tous des ressources marines. J'ai été pêcheur et je le suis toujours. Les activités du ministère des Pêches et des Océans ont déjà touché notre peuple; nous ne voulons pas d'une nouvelle mesure qui va transformer radicalement nos vies encore une fois.

La situation actuelle des communautés côtières est triste. Être un Autochtone, c'est avoir les mains liées pratiquement toute sa vie.

Je vais passer rapidement d'un sujet à l'autre parce que je manque de temps.

La stratégie proposée pourrait entraîner la création et la gestion de zones de protection marine qui nous toucheraient de façon importante. Nous estimons que nous devons participer à l'élaboration des politiques qui vont être créées. Nous employons des gens et nous voulons avoir voix au chapitre. Nous ne voulons pas être oubliés parce que nous sommes en cause.

Comme vous pouvez le constater dans le document, il y des zones sans prises. Qu'est-ce cela veut dire pour moi et mon peuple? L'application de la loi a toujours été un problème pour les Premières nations en matière de pêche. Nous ne pouvons essentiellement pas faire appliquer la loi parce que nous n'avons pas ce pouvoir. Si cette mesure législative est adoptée avec le plan de gestion et d'utilisation des terres qu'elle prévoit, qu'est-ce qui, dans le Code criminel, permettrait aux Premières nations de poursuivre ceux qui portent atteinte à leurs droits?

Il est prévu que nos activités alimentaires, sociales et cérémoniales et nos autres traditions seront protégées, mais qu'en est-il de nos activités commerciales? Nous échangeons, négocions et vendons nos biens sur ces bandes de terre depuis des temps immémoriaux.

On dit également que la gestion se fera en collaboration avec les peuples autochtones. Je ne vois pas où ce sera possible à moins que les Premières nations puissent siéger à la même table. En revanche, les droits autochtones d'exploitation commerciale seraient restreints.

C'est un problème important. Dans les zones sans prises, la pêche commerciale, la récolte de plantes marines ou de crustacés ou l'aquaculture seront interdites. C'est ce qui est prévu. Même dans les régions les moins restreintes, les pratiques de pêche peuvent être extrêmement limitées, selon les cas.

Je pense qu'il est important de bien comprendre que nous vivons de cette ressource.

• 1610

Dans le projet de loi C-48, les aires de conservation marine, ou les réserves, visent les terres domaniales qui relèvent de la compétence du Canada. Je parle de nos propres réserves, et c'est ce qu'on dit. Nous avons déjà les mains liées. Faut-il adopter d'autres lois pour nous régir? Je ne pense pas.

Les réserves et les aires de conservation marine, c'est du pareil au même. L'extraction minière est interdite. L'économie de la Colombie-Britannique en souffre aujourd'hui. Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve si cette mesure est mise en oeuvre.

Je le dis parce que notre bande indienne se lance dans des opérations commerciales de toutes sortes en partenariat, que ce soit dans le domaine forestier, le domaine minier ou la construction de centres commerciaux. Les journaux disent que nous sommes les plus importants promoteurs de centres commerciaux du pays. On nous a d'ailleurs décerné le prix des meilleurs promoteurs, à nous, un peuple des Premières nations.

Vous pouvez peut-être commencer à comprendre nos objectifs. Nous aimerions avoir des pouvoirs.

L'arrêt Delgamuukw, pour ceux qui connaissent un peu la situation politique des Indiens, aura sans aucun doute des répercussions sur les droits des Autochtones et les activités de développement économique des Premières nations dans les secteurs minier et forestier et les autres activités commerciales auxquelles nous aimerions que le processus de négociation des traités nous donne accès.

Le processus de négociation des traités et les traités font peur à tout le monde, mais il ne faudrait pas. Nous essayons de favoriser la province de la Colombie-Britannique, et toute sa population, pas seulement les Autochtones mais aussi les non- Autochtones.

Les exigences imposées au chef, au conseil et aux dirigeants des communautés côtières sont de plus en plus rigoureuses, et nous lient les mains.

Vous ne pouvez ignorer les décisions de la Cour suprême dans les affaires Van der Peet et Gladstone. La cour a conclu que les Autochtones ont le droit d'assurer leur viabilité économique en matière de pêche et de s'associer avec toute entreprise avec laquelle ils jugent utile de travailler. Je n'ai pas besoin de nommer ces entreprises avec lesquelles nous oeuvrons. C'est une des raisons pour lesquelles je dois aller assister à une réunion demain matin à 9 heures.

Nous voulons, en association avec la municipalité de Campbell River, construire des installations de bateaux de croisière pour favoriser le tourisme. Ce projet de loi va limiter nos activités parce que nous devons draguer pour agrandir le port de plaisance qui se trouve devant notre village et qui nous appartient.

Voilà le genre de situations que nous devons régler, parce que l'avenir de notre communauté en dépend.

Nous avons négocié de bonne foi à peu près tout ce que nous avons fait. Nous avons agi de façon transparente et honnête. Regardez l'entente des Nishgas et de quelle façon elle va tous nous toucher. Il y a sûrement des éléments qui vont avoir différents impacts, mais il y a des avantages pour les deux côtés en bout de ligne.

Comme le tribunal l'a dit, tout empiétement dans le cadre de l'obligation fiduciaire de la Couronne doit tenir compte de la nature exclusive et de la priorité des droits autochtones.

• 1615

Je le souligne parce que c'est ce vers quoi nous allons. Dans l'arrêt Delgamuukw, il est question du pétrole et du gaz et de tout ce qui a trait à l'exploitation commerciale des ressources sur les terres des Autochtones. Cela nous ramène à ce que j'estime très important pour les Premières nations, qu'elles soient considérées non pas comme elles le sont aujourd'hui, mais comme l'égal du gouvernement. Il faut engager une relation véritable, honnête et de bonne foi pour faire des affaires dans notre pays.

Nous voulons négocier d'une façon qui respecte ceux que je représente—nos aînés et les dirigeants de nos communautés ainsi que nos anciens chefs—et qui s'oriente de façon à favoriser et à respecter les intérêts de nos enfants. Nous aimerions mieux oublier la façon dont les choses se sont déroulées dans le passé pour les Premières nations, plutôt que d'y revenir.

Comme je l'ai dit, qu'en est-il de l'application de la loi? C'est la principale préoccupation. Nous avons des agents des pêches qui ont reçu une formation et qui ne peuvent pas porter d'arme. Pourquoi? Nous ne savons pas. Ces agents ne peuvent poursuivre un pêcheur non autochtone, mais peuvent poursuivre un pêcheur autochtone. Pourquoi faire cette distinction? Si cette mesure doit entrer en vigueur, quelle est la loi fédérale qui nous donnera le droit de la faire appliquer sur nos terres? Il n'y en a pas.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous entretenir de cette question. Si vous avez lu le document, vous avez constaté qu'il y a une résolution à la fin indiquant que je vous parle aujourd'hui sans préjudice à l'égard de notre commission des traités et des gens que je représente.

Je vous remercie de m'avoir donné la parole.

Le président: Monsieur Henderson, merci. Vous nous avez exprimé votre point de vue de façon très claire et très éloquente.

Pourriez-vous me dire exactement à quelle heure vous devez partir pour que nous puissions en tenir compte.

Le chef John Henderson: Je vais prendre l'avion à 18 heures. Je ne sais pas combien de temps il me faut.

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Êtes-vous sur votre départ?

Le chef John Henderson: Je n'ai qu'à passer à l'hôtel chercher mes bagages.

M. John Godfrey: Disons 17 heures.

Le président: Pouvez-vous rester ici jusque là?

Le chef John Henderson: Oui.

Le président: Monsieur d'Eça, quel est votre programme? Restez-vous ici cette nuit ou partez-vous ce soir?

M. Michael d'Eça (conseiller juridique, Nunavut Wildlife Management Board): Je peux rester cette nuit s'il le faut, monsieur le président.

Le président: Qu'aviez-vous l'intention de faire?

M. Michael d'Eça: En fait, je vis à Ottawa.

Le président: Oh, vous vivez à Ottawa. Il n'y a donc pas de problème. Avez-vous des objections à ce que nous questionnions M. Henderson d'abord?

M. Michael d'Eça: Non, pas du tout.

Le président: Nous vous remercions.

Monsieur Duncan.

M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Pour information, j'aimerais simplement dire que le chef Henderson et moi venons de la même communauté.

Bienvenue à Ottawa. Je passe un peu plus de temps que vous ici.

La bande de Campbell River est très particulière et fait partie intégrante de l'agglomération prospère de Campbell River.

Je serai bref. Je sais que votre temps est compté et je veux entendre ce que les autres membres du comité ont à dire. J'aimerais cependant faire préciser certaines choses à l'intention des membres.

Si je vous ai bien compris, vous ne demandez pas que le projet de loi soit amendé; vous voulez le faire annuler. Vous rejetez ce projet de loi, n'est-ce pas?

Le chef John Henderson: C'est exact. Il faut le mettre de côté et le reprendre ou le restructurer parce que, dans sa forme actuelle, il ne fonctionne pas à cause des répercussions qu'il aura.

• 1620

Voilà pourquoi je dis qu'il doit y avoir des consultations. Nous sommes en train de négocier un traité et, d'après la décision rendue par la Cour suprême dans l'affaire Delgamuukw, nous savons que nous avons la possibilité d'assurer nous-mêmes notre base économique. Nous parlons d'un vaste territoire.

M. John Duncan: Il existe d'autres lois déjà en vigueur, qui relèvent d'autres ministères fédéraux et provinciaux et qui créent des aires marines de conservation. Avez-vous pris position par rapport à l'ensemble de ces mesures législatives et avez-vous essayé de traiter la question...

Le chef John Henderson: John, il existe des lois et des zones protégées qui ont déjà radicalement transformé le mode de vie de notre peuple en matière de pêche commerciale. En tant que pêcheurs et que membres des Premières nations, après consultation avec le ministère des Pêches et des Océans, nous avons établi des zones protégées pour les stocks les plus faibles. Nous l'avons fait de notre propre initiative. Nous avons dit au ministère quoi faire. Mais, ensuite, nous étions coincés. Le ministère n'a jamais modifié ces zones.

Le projet de loi a été présenté sans que nous soyons consultés; le gouvernement a repris des ententes que nous avons approuvées un moment donné et a limité la pêche en établissant des zones protégées, des réserves pour le poisson, dans des endroits qui étaient des lieux de pêche pour nous depuis des centaines d'années. Nous ne pouvons même plus pêcher dans ces zones pour assurer notre subsistance. C'est fini. Voilà pourquoi nous sommes sur la défensive. Le traitement qu'on nous a réservé au cours des années empêche essentiellement notre peuple d'assurer sa subsistance. Nous savons à quoi nous en tenir.

Nous négocions de bonne foi pas seulement dans ce domaine, mais aussi pour les terres. Si on transforme en parcs des endroits où nous chassons depuis des centaines d'années, qu'allons-nous faire? Nos vies sont définies en fonction de notre mode de vie ancestral.

M. John Duncan: D'après vos discussions sur le projet de loi, vous êtes au courant de cette mesure législative depuis le mois de novembre, n'est-ce pas?

Le chef John Henderson: Oui, mais j'ai consulté des documents sur le sujet en août, ou du moins dès que le projet de loi a été présenté.

M. John Duncan: Je pense vous avoir parlé en novembre.

Savez-vous ce que les autres groupes de la côte de la Colombie-Britannique pensent du projet de loi quand ils en apprennent l'existence, ce qui, je sais, prend un certain temps?

Le chef John Henderson: Je peux vous dire que je parle aujourd'hui au nom de 7 000 personnes, toute la côte en fait, de Nanaïmo à Port Hardy. Je devais participer à un congrès de la fraternité des Autochtones à Prince Rupert aujourd'hui, mais on m'a envoyé ici. On voulait que je vienne exprimer mon point de vue sur les répercussions du projet de loi C-48.

C'est très important pour nous. La fraternité des Autochtones est l'un des plus importants groupes d'Autochtones jamais créés; il existe depuis le début du siècle. Ce groupe exprime ses opinions.

M. John Duncan: John, je sais que vous connaissez également des groupes du nord de la côte, à Prince Rupert et ailleurs. Se sont-ils déjà prononcés sur la question?

Le chef John Henderson: Oui. J'ai longuement parlé à Ed Newman à la dernière réunion au sommet du comité à Vancouver, et il a appuyé les initiatives de la bande indienne de Campbell River. Les groupes du centre de la côte également.

• 1625

Il estime qu'il y a des possibilités—par exemple, l'affaire Gladstone touche sa communauté—comme pour les oeufs de harengs et les droits côtiers. Sa communauté veut aussi se lancer dans l'aquaculture parce que les ressources changent essentiellement. Les modes de vie changent.

Comme je l'ai dit, ce sont les entreprises commerciales conjointes que le processus de négociation des traités permettra de créer qui seront touchées. Nous aimerions qu'on nous laisse la possibilité de créer des occasions d'affaires qui profiteront non seulement aux communautés autochtones, mais aussi aux communautés non autochtones.

M. John Duncan: John, je comprends qu'on s'inquiète de plus en plus non seulement dans votre milieu, le milieu autochtone, mais aussi dans les districts régionaux, les municipalités, les groupes d'exploration pétrolière et gazière et dans d'autres milieux. Savez-vous s'il y a un mouvement qui s'organise là aussi?

Le chef John Henderson: Oui.

M. John Duncan: Avez-vous eu des échanges avec ces groupes?

Le chef John Henderson: Oui. En fait, notre Commission des traités a discuté avec eux il y a deux semaines. Nous avons alors discuté de la façon dont nous pouvons améliorer notre environnement, de la façon de rester en affaires—par exemple, en développant le tourisme ainsi qu'en exploitant des mines—pour être dans le coup.

Chose qu'on ne voit pas ailleurs au pays, le conseil municipal de Campbell River travaille en association avec les Premières nations à la réalisation d'occasions d'affaires. La municipalité nous a aidés à obtenir le contrat de construction d'un centre commercial en nous guidant dans nos négociations avec le ministère de la Voirie et d'autres services du gouvernement provincial.

Je pense qu'il est important de prendre conscience que l'économie de notre pays... Par exemple, la province de la Colombie-Britannique doit se battre. Si l'on ne travaille pas à rendre l'ensemble de la province économiquement viable, qui va investir? L'argent fait tourner le monde.

Le président: Puis-je passer la parole au Bloc? Je reviendrai à vous plus tard.

M. John Duncan: J'aimerais faire un commentaire pour conclure.

Le président: D'accord.

M. John Duncan: John est un entrepreneur très pragmatique, comme vous pouvez le deviner, et je pense que vous devriez prendre très au sérieux ce qu'il dit. Il parle au nom de beaucoup de groupes.

Le profil de ce projet de loi s'est dessiné lentement, avec le temps, sur la côte de la Colombie-Britannique. C'est peut-être ce qui a amené mon collègue à parler ainsi, mais je ne m'y attendais pas.

Je m'arrête là-dessus.

Merci, John.

[Français]

Le président: Monsieur Bachand.

M. Claude Bachand (Saint-Jean, BQ): Je voudrais d'abord féliciter M. Henderson. C'est la première fois que je vous rencontre et vous me semblez être un chef extrêmement dynamique.

J'espère que vous m'entendez. Vous me souriez parce que vous êtes poli, n'est-ce pas?

[Traduction]

Le président: Il disait simplement que vous êtes un chef très dynamique et que vous l'avez beaucoup impressionné.

[Français]

M. Claude Bachand: Je dois aussi vous dire que je suis un amoureux de votre coin. Je suis allé à Campbell River il y a quatre ans pour une discussion sur les pêches autochtones, parce que je suis critique aux affaires indiennes, et j'avais été impressionné par le Thunderbird Hall. Beaucoup d'autochtones du Québec étaient là aussi. Donc, je sais que les autochtones s'intéressent à la préservation du poisson et de l'ensemble des ressources naturelles du milieu.

Je voudrais aussi vous dire que je suis d'accord avec vous que la Colombie-Britannique est en pleine ébullition actuellement du côté de la question autochtone, particulièrement avec les derniers jugements de la Cour suprême, entre autres dans le cas Delgamuukw, et avec la Commission des traités de la Colombie-Britannique.

• 1630

Voici ma première question. Vous mentionnez dans votre texte que vous en êtes à la quatrième étape. On sait qu'il y a six étapes dans le cas de la Commission des traités de la Colombie-Britannique et que la quatrième étape doit normalement mener à une entente de principes. Vous dites dans votre texte que vous pensez que ça va prendre encore cinq ans. Dites-vous cela parce que vous trouvez que le tempo ralentit ou s'il s'agit simplement d'une estimation? C'est ma première question.

Deuxièmement, vous dites dans votre mémoire qu'on pourrait mettre de côté le projet de loi C-48, mais vous proposez une solution de rechange, et je voudrais que John élabore là-dessus.

Vous dites:

[Traduction]

    [...] ou alors que le Canada accepte de n'exercer aucun des pouvoirs que lui confère le projet de loi jusqu'à l'obtention du consentement écrit des Premières nations touchées.

[Français]

Donc, vous laissez une porte ouverte, parce qu'il y a peut-être des gens qui trouvent importante l'installation de nouvelles aires marines. Vous dites que s'il y a des aires marines qui sont prêtes à s'installer, vous êtes d'accord, mais que nous allons devoir conclure une entente écrite avec vous. Parlez-vous seulement des terres de réserve quand vous dites cela ou si vous parlez plutôt de terres que vous revendiquez? J'ai vu votre carte, et il y a une grande différence entre la terre de la réserve où vous êtes et les terres revendiquées. Êtes-vous en train de nous dire de mettre C-48 de côté en ce qui a trait à l'ensemble des terres revendiquées en Colombie-Britannique?

[Traduction]

Le chef John Henderson: Étais-je censé comprendre sa question?

Le président: Vous n'avez pas entendu l'interprétation?

Le chef John Henderson: J'écoutais probablement le mauvais canal.

M. Claude Bachand: Vous écoutiez le français?

Le chef John Henderson: Oui.

M. Claude Bachand: Est-ce que je dois recommencer, monsieur le président?

Le président: Monsieur Bachand, vous pourriez peut-être résumer vos questions.

M. Claude Bachand: D'accord.

J'ai deux petites questions à poser. Premièrement, vous mentionnez que vous en êtes à la quatrième étape de la négociation avec la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Vous dites vous attendre à ce que ça prenne encore cinq ans avant d'arriver à la cinquième étape. J'aimerais avoir des explications là-dessus.

Deuxièmement, vous demandez de mettre le projet de loi C-48 en veilleuse, ou alors que le Canada n'exerce aucun des pouvoirs conférés jusqu'à l'obtention d'un consentement écrit avec les Premières nations.

J'aimerais savoir si vous parlez seulement des terres de réserve ou si vous parlez des terres que vous revendiquez, parce qu'il y a une grande différence entre les deux.

Le chef John Henderson: Nous l'avons indiqué dans beaucoup de nos documents et de nos discussions avec les provinces et le gouvernement du Canada. Il n'y a aucune distinction. Nous négocions pour tout le territoire délimité sur notre carte.

Le président: Donc, ce que vous proposez s'applique à tout le territoire que vous réclamez.

Le chef John Henderson: Oui.

Nous signalons que nous en sommes à la quatrième étape du processus parce que, si le projet de loi vise des terres que nous revendiquons et notre capacité de négocier de bonne foi, il nous faudra du temps pour étudier la question. Nous devons suivre le processus selon les lignes directrices établies. Quand on propose un projet de loi, on retranche essentiellement des territoires visés par les négociations.

M. Claude Bachand: Vous dites donc que le projet de loi C-48 ne devrait pas s'appliquer aux terres que vous réclamez et qui font l'objet des négociations avant la fin du processus.

Le chef John Henderson: Oui. Nous pouvons alors dire si nous sommes d'accord ou non pour que ces terres soient protégées.

M. Claude Bachand: D'accord.

Merci.

M. John Duncan: Par souci de précision, il s'agit de toute la côte de la Colombie-Britannique, n'est-ce pas?

Le chef John Henderson: Oui.

Le président: Monsieur Bonwick, puis M. Godfrey.

M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): J'aimerais d'abord, chef Henderson, vous remercier d'être venu nous rencontrer et vous féliciter du prix de meilleur promoteur qui vous a été décerné. Vous semblez vraiment avoir l'esprit d'entreprise.

Je voudrais simplement revoir une ou deux choses concernant l'administration et peut-être poser quelques questions.

La loi a pour objectif—et je peux peut-être lire un extrait pour les fins du compte rendu—de protéger et de conserver des zones marines représentatives «pour le plaisir et l'enrichissement des connaissances de la population canadienne et mondiale». C'est un objectif d'une valeur incontestable.

• 1635

Pour ce qui est de l'aspect administratif de la loi—et vous devez sûrement en avoir un exemplaire—on dit qu'il y aura des consultations avec les organismes fédéraux, les organisations autochtones et les communautés côtières avant l'établissement des aires marines. La loi exige la tenue de ces consultations.

Vous avez mentionné certaines répercussions et, pour être bien honnête avec vous, je dois dire que je n'avais jamais envisagé la question du point de vue économique. Vous avez entre autres parlé de la récolte de crustacés et d'une ou deux autres choses.

D'abord, je veux vous assurer que je vais sûrement parler de certaines des questions que vous avez soulevées avec les fonctionnaires pour savoir s'ils ont pensé aux répercussions de ces problèmes sur votre peuple.

Vous avez dit représenter de nombreuses communautés le long de la côte de la Colombie-Britannique, jusqu'à 7 000 personnes, et peut-être tout l'ouest de la côte, dont vous revendiquez la propriété. Vous avez parlé assez fermement dans votre exposé de l'industrie du pétrole et du gaz et de l'industrie minière. Parlez- vous aussi au nom de ces industries, ou s'agit-il d'une collaboration de la part du secteur minier?

Le chef John Henderson: Je parle essentiellement en mon nom personnel et au nom de ceux que je représente, c'est-à-dire notre communauté, quand je parle de questions ayant trait aux mines ou aux bandes de terre.

Il faut se rappeler que, quand nous avons commencé le processus de négociation des traités, il y avait 15 Premières nations participantes. Par la suite, nous avons divisé les régions parce que le territoire était trop vaste. Il y a maintenant cinq Premières nations qui participent aux négociations et les autres groupes travaillent en collaboration avec nous. Nous avons conclu des protocoles d'entente entre nous pour le partage d'informations, de territoires et de pouvoirs se chevauchant.

M. Paul Bonwick: Je suis sûr que les répercussions économiques dont vous parlez sont très légitimes, mais je m'intéresse au domaine minier plus particulièrement. À ce sujet, vous avez parlé à quelques reprises dans votre exposé de l'exploration pétrolière et gazière ou des industries minières et de partenariats entre ces secteurs et votre peuple. C'est la raison pour laquelle je vous demande s'il s'agit d'une opinion conjointe ou simplement...

Le chef John Henderson: Il s'agit simplement de laisser aux Autochtones des occasions d'affaires. À la fin du processus de négociation, si nous réussissons à obtenir de vastes territoires ou des ressources marines, nous aimerions pouvoir les exploiter sur le plan économique pour assurer notre survie. Nous voulons être autonomes; nous ne voulons pas dépendre du gouvernement. C'est ce que nous demandons, et notre communauté s'oriente dans cette voie depuis le départ.

M. Paul Bonwick: J'aimerais vous demander, et ce sera ma dernière question, si ce projet de loi vous préoccupe uniquement en raison des répercussions économiques qu'il aura sur votre peuple et les communautés autochtones établies le long de la côte.

Le chef John Henderson: Oui, parce qu'il nous limite. Comme je l'ai dit plus tôt, le projet de loi vise des territoires sur lesquels nous pratiquons la chasse et d'autres activités traditionnelles. Nous avons déjà négocié nos droits de chasse dans la province de la Colombie-Britannique. On n'a pas le droit de toucher à cela. Ce que nous avons obtenu de la province a été le fruit de négociations difficiles.

Le président: Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey: Je tiens moi aussi à remercier le chef Henderson d'être venu nous rencontrer parce que je pense que sa présence parmi nous en vaut vraiment la peine. Cette rencontre a peut-être été compliquée à organiser pour vous mais, pour nous, elle est extrêmement utile.

Premièrement, j'aimerais savoir qui représente Parcs Canada dans cette salle. Les intéressés pourraient-ils simplement faire un signe de la main?

Le président: Y a-t-il des représentants de Parcs Canada ici?

M. John Godfrey: Oui, il y en a.

J'aimerais préciser, pour les représentants qui suivent notre étude et pour notre attaché de recherche, que je pense qu'il est extrêmement important que notre comité étudie ces questions. On ne nous en a pas parlé précisément hier et, avant de se prononcer sur le projet de loi, nous devons, je pense, inviter des représentants du ministère de la Justice, du ministère des Affaires indiennes et de Parcs Canada à venir nous dire exactement comment le projet de loi tient compte des droits des Autochtones ainsi que du processus de négociation des traités qui est en cours et dont le chef nous a si bien parlé.

• 1640

C'était la première chose que je voulais dire. Nous réservons ces renseignements pour consultation future.

Ensuite, j'aimerais souligner—pour vous rassurer, je l'espère, chef Henderson—que le projet de loi n'établit pas encore d'aires marines de conservation précises. C'est un document de travail national qui établit un cadre de travail.

Il est vrai qu'on semble proposer certaines zones, mais j'ai essayer de comprendre—et c'est mon troisième point—la teneur des références directes aux préoccupations autochtones. J'en ai trouvé quatre. Il y en a peut-être d'autres, parce que j'ai fait une lecture rapide.

Le président: Dans le projet de loi?

M. John Godfrey: Oui, dans le projet de loi.

Au paragraphe 4(2), il est question des «réserves à vocation d'aires marines de conservation» qui sont constituées:

    lorsqu'un peuple autochtone revendique des droits sur tout ou partie du territoire et que le gouvernement fédéral a accepté d'engager des négociations à cet égard au titre de sa politique de revendications territoriales globales.

Les références suivantes se trouvent dans la section «Administration», dont mon collège a parlé. Au paragraphe 8(4), on dit:

    [Le ministre] peut [...] conclure des accords avec d'autres ministres ou organismes fédéraux ou provinciaux ainsi qu'avec une administration locale ou autochtone ou une organisation non gouvernementale.

Au paragraphe 9(1), on dit:

    Dans les cinq ans suivant la constitution d'une aire marine de conservation, le ministre, après consultation des parties de son choix—notamment les ministres ou organismes fédéraux ou provinciaux et les communautés côtières ou organisations autochtones touchées—établit un plan de gestion

Et la dernière référence se trouve au paragraphe 16(6) qui dit:

    Le gouverneur en conseil peut, par règlement, après consultation par le ministre des organisations autochtones touchées, régir les activités que peuvent exercer les peuples autochtones dans une aire marine de conservation en raison de leurs droits existants—ancestraux ou issus de traités—reconnus et confirmés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Je ne suis pas avocat ni expert en la matière, mais il me semble que ce soit les quatre références précises qui se trouvent dans le projet de loi. Je ne sais pas si je peux vous demander, ou si vous pouvez discuter de cette question avec ceux que vous représentez et qui se préoccupent de ces problèmes, si ces dispositions vous rassurent ou s'il y a des mots qui ne conviennent pas. Mais étant donné que la loi s'applique à l'ensemble du Canada—et non pas seulement à la Colombie-Britannique—je crois qu'il faudra obtenir des informations précises sur les problèmes qui se rapportent aux passages faisant référence aux communautés autochtones.

Je ne sais pas si vous avez quelque chose de précis à dire à ce sujet.

Le chef John Henderson: Certains des documents que je cite ont été rédigés par des avocats. Dans le document que j'ai présenté au comité, on peut lire et je cite:

    L'agent des sauvages qui faisait le levé des réserves indiennes des nations Liach-Kwil-Tach y a constaté l'importance de la pêche:

      [...] J'ai expliqué que j'avais été envoyé par le gouvernement pour délimiter les réserves à leur usage, que j'étais venu pour les consulter au sujet de leurs besoins; je leur ai signalé les avantages qu'ils retireraient des réserves, qui leur donnerait virtuellement le contrôle de leurs pêcheries.

Ce sont des questions qui n'ont jamais été étudiées ni respectées par le gouvernement du Canada. On nous a accordé des droits exclusifs sur les ressources marines se trouvant sur nos territoires pour que nous puissions en vivre simplement parce que nous n'avions pas de terres.

• 1645

Le groupe Nishga nous a demandé pourquoi nous participons au processus de négociation des traités parce que nous sommes maintenant économiquement viables. Nous voulons être autonomes mais, à mesure que nous avançons, nous n'avons pas encore de terres à nous. Nous exploitons des terres dont nous avons négocié la propriété inconditionnelle avec le gouvernement du Canada.

Je trouve assez étrange qu'à des rencontres comme celles-ci on me demande pourquoi nous craignons des mesures comme l'établissement de parcs. Nous sommes sur nos gardes la plupart du temps à cause de ce que nous avons vécu dans le passé. Je ne veux plus que nous ayons à subir les blessures qui nous ont déjà été infligées.

Je ne peux m'empêcher de le dire. J'espère que vous comprenez bien parce qu'il est important que je puisse retourner dire à ceux que je représente que nos préoccupations vont être examinées de façon franche et honnête et non derrière des portes closes.

On ne peut pas agir ainsi. Il y a eu des politiques qui ont été établies sans nous. Nous avons déjà vu cela.

J'ai trouvé dans mes nombreuses recherches... et je vais vous donner l'exemple des Autochtones qui sont allés se battre pour notre pays. Ils sont revenus au Canada et n'ont rien eu. On les a renvoyés dans leurs villages. Les anciens combattants canadiens ont obtenu des terres et d'autres avantages tandis que ceux des Premières nations n'ont rien eu. J'ai des parents qui ont fait la guerre et sont revenus vivre sur la réserve. Ils vivent encore aujourd'hui et ils se plaignent. Ils me demandent d'aller me battre pour leurs droits. C'est la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui.

Je veux me faire le porte-parole de nos aînés, de nos enfants, des enfants de mes enfants, au nom de leur avenir. C'est aujourd'hui l'objectif des Premières nations et de leurs dirigeants. Nos anciens nous ont appris à les respecter, à nous respecter, et à respecter ceux qui nous suivront. C'est pourquoi je fais ces revendications.

Lisez ce qu'on dit. Regardez les territoires que nous occupons. Je ne sais pas si vous avez lu là-dessus, mais moi j'ai lu différentes choses au cours de mes recherches.

Dans le document de McKenna-McBride, on dit que les communautés côtières ont obtenu de petites parcelles de terre parce qu'ils vivent des ressources du sol. Voilà pourquoi je suis ici. Parce que nous vivons des ressources de la nature.

Qu'en est-il des forêts? Les arbres sont importants pour nous. Il est certain que nous voulons préserver les cèdres jaunes. Nous avons déjà négocié avec les compagnies forestières. Nous voulons préserver ces arbres pour les générations à venir. Il y a des cèdres jaunes de 400 ou 500 ans. Nous voulons pouvoir construire des canots de 40 ou 50 pieds de long et de six pieds de large. Il faut des arbres assez gros pour construire des canots de cette taille.

Voilà le genre de choses que nous négocions avec les compagnies forestières aujourd'hui, et nous voulons que ce soit possible pour nous de le faire. Il ne faut pas nous en empêcher. Il ne faut pas adopter des politiques semblables. Ces choses me tiennent à coeur parce que notre identité en dépend. Le cèdre est un arbre de vie pour nous, tous les éléments de cet arbre, depuis l'écorce. Je peux vous entretenir longtemps de ce genre de choses, et vous resterez surpris, mais c'est ce que nos anciens nous ont appris. Mon père était un sage et j'ai grandi avec ses enseignements.

L'autre jour, j'ai perdu un oncle qui avait 96 ans. J'étais présent à ses funérailles. L'une des dernières choses qu'il m'a dites était: «Poursuis tes études, apprends les rouages du système et lutte pour notre peuple». Je parle au nom de ce peuple parce qu'il me donne des instructions. Il me dit: «Ne les laisse pas te les enlever. Ce sont tes terres. Sers-toi-en. Tu y as toujours fait de la chasse traditionnelle. Elles t'ont nourri».

• 1650

Voilà ce que j'avais à vous dire aujourd'hui. Nous sommes qui nous sommes. Nous sommes un peuple qui vit des richesses de la terre.

M. John Godfrey: Je vous remercie.

Le président: Chef Henderson, le temps file. C'est malheureux, parce que nous pourrions vous écouter pendant longtemps.

J'ai eu beaucoup de rapports avec les Autochtones de l'Est. J'en connais beaucoup. Ce qui me frappe toujours, c'est l'éloquence et la sincérité avec laquelle ils nous parlent de la Terre nourricière, de leur système de valeurs.

Je crois que nous comprenons ce que vous faites. Vous croyez peut-être parler dans le vide, mais ce n'est pas le cas. Je crois que nous vous comprenons fort bien. Vous êtes très convaincant.

Avant de faire une pause et de vous laisser partir, j'aimerais vous poser une question. La disposition à laquelle a fait allusion M. Godfrey, le paragraphe 16(6), est l'élément clé relatif aux peuples autochtones. J'aimerais simplement comprendre votre raisonnement.

Ce que dit cette disposition, en réalité, c'est que le ministre tiendra des consultations et qu'il prendra peut-être un règlement pour exempter certains d'entre vous. Si je vous ai bien compris—vous pourriez peut-être me le confirmer—vous dites que ce sont des droits acquis qui vous appartiennent. Ce sont vos terres, et nous n'avons pas à décider de ce que nous acceptons ou rejetons. Ce devrait être l'inverse. Nous devrions commencer par respecter ce que nous avons au départ.

Le chef John Henderson: Cela me rappelle la situation d'il y a quelques semaines, quand nous étions en train de négocier avec les représentants fédéraux et provinciaux. Ils étaient fâchés contre moi parce que, lorsqu'ils m'ont demandé de prouver que nous étions investis des droits, je leur ai demandé pourquoi ils croyaient l'être. Je leur ai dit de me montrer leur preuve d'achat.

Essentiellement, nous voulons avoir notre mot à dire. Nous négocions de bonne foi. Nous avons abordé ces négociations de bonne foi, et nous souhaitons quitter la table de bonne foi. Une fois le règlement signé, si les trois parties ont négocié de bonne foi, nous pourrons nous serrer la main. Mon grand-père a toujours dit qu'une poignée de mains était bien plus valable qu'un document signé. Elle représente beaucoup plus.

Vous pourriez continuer de parler ad nauseam de cette question de compétence et vous pourriez répéter constamment que vous allez exempter les Premières nations de ces règles et règlements. S'il faut que le processus continue, nous souhaitons être représentés par nos propres porte-parole. Nous souhaitons que nos représentants vous aident à concevoir le réseau qui nous convient le mieux, à tous. En fait, ce que nous disons, c'est que, si les Premières nations ne peuvent pas contribuer à sa conception, vous perdez votre temps.

Le président: Je vous remercie beaucoup de votre témoignage, monsieur Henderson. Vous avez été très éloquent, très convaincant et vous vous êtes fort bien exprimé. Soyez assuré que nous pèserons mûrement vos paroles.

Cela étant dit, je crois que nous pouvons vous laisser partir.

M. John Duncan: Pourrais-je simplement ajouter un commentaire?

Le président: Oui.

M. John Duncan: J'exprime mon opinion personnelle, John.

Il est facile pour le gouvernement de laisser tomber le projet de loi. D'autres ministères appliquent déjà des lois en vertu desquelles ils peuvent essentiellement désigner les eaux comme bon leur semble.

Naturellement, vous connaissez mon opinion puisque vous avez lu mon discours dans le hansard, n'est-ce pas?

Il importe que vous partiez d'ici conscient que le comité a prévu trois semaines de témoignages, trois semaines seulement. Le calendrier des témoignages est déjà fixé. Il sera difficile d'insérer quiconque ne figure pas déjà au calendrier dans ces trois semaines. Ces gens de la Colombie-Britannique ont besoin d'être entendus, toutefois. C'est donc le message que vous pourriez rapporter. D'une façon ou d'une autre, il faudra que le comité en entende parler très bientôt, sans quoi l'impact ne sera pas le même.

• 1655

Par là, j'entends que vous avez eu un impact—on vous a entendu—mais je crois qu'il y a beaucoup d'autres gens à entendre.

John, je vous remercie.

Le chef John Henderson: C'est moi qui vous remercie.

Le président: Monsieur Bonwick.

M. Paul Bonwick: Simplement pour éclairer ma lanterne, y a-t- il des groupes que le chef ne représente pas? J'avais l'impression que le chef représentait en fait toutes les collectivités côtières. Or, vous venez de laisser entendre qu'il existe des collectivités ou des organismes dont on n'a pas entendu parler...

M. John Duncan: Oui, il existe bien d'autres secteurs en Colombie-Britannique. John ne parle pas au nom des districts régionaux, des municipalités, de certaines entreprises, pour n'en nommer que quelques-uns.

Le chef John Henderson: En fait, j'avais un document, mais je l'ai perdu à la toute fin. J'étais en réalité censé vous apporter des documents de la municipalité de Campbell River, mais nous n'avons jamais réussi à nous rencontrer. Mon temps était entièrement absorbé par les réunions et autres activités du genre.

Le président: Si vous avez un mémoire de la municipalité, nous y ferons bon accueil...

Le chef John Henderson: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit; nous ne nous sommes jamais rencontrés, parce que j'étais trop occupé.

Le président: Je vous invite donc, à votre retour, à faire passer le mot et à leur demander de nous écrire au plus tôt ou de nous envoyer leur mémoire. Nous y ferons bon accueil et nous l'enverrons à tous les membres, je vous le garantis.

Monsieur Henderson, je vous remercie beaucoup d'être venu. J'espère que vous ne raterez pas votre avion.

Monsieur d'Eça, vous avez la parole. Je suis désolé que plus de membres ne soient pas présents, mais on débat actuellement du projet de loi C-55 à la Chambre et certains de nos membres doivent y prendre la parole.

M. Michael d'Eça: Je vous remercie, monsieur le président. Je me demande aussi si vous prévoyez toujours lever la séance à 17 h 30.

Le président: Ne vous préoccupez pas de cela. Nous vous donnerons le temps voulu.

M. Michael d'Eça: Bonjour. Je suis, depuis cinq ans, le conseiller juridique du Conseil consultatif de gestion de la faune de Nunavut, c'est-à-dire du NWMB, un bureau d'administration des revendications territoriales prévu dans l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Cet accord s'applique à une superficie de presque deux millions de kilomètres carrés dans la partie est de l'Arctique canadien, y compris à une partie importante de la mer territoriale du Canada.

Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole. J'essaierai d'être le plus concis possible et de m'en tenir au sujet. Bien que je n'en voie pas, j'espère que les membres ont un exemplaire des mémoires du NWMB, dûment traduits. Le mémoire se divise en 16 parties. Il a été livré au greffier, le 15 janvier.

Parfait. Il faudrait beaucoup trop de temps pour passer en revue tous ces mémoires avec vous. Je vais donc m'en tenir aux points essentiels. J'ai certes l'intention de vous donner une très bonne idée de ce qui motive le NWMB à faire ces mémoires et de sa position générale.

Pour commencer, au risque de vous inonder d'appellations et de sigles, j'estime important de vous situer les mémoires du conseil dans un contexte un peu plus général. Vous avez peut-être devant vous également les mémoires d'un organe appelé la Nunavut Tunngavik Incorporated, soit NTI, et vous en recevrez d'un autre organe appelé le Nunavut Marine Council.

Je vais vous expliquer ce que sont ces organes, mais ce que j'aimerais vous faire comprendre, c'est que le comité trouvera peut-être utile, lorsqu'il prendra connaissance des divers mémoires, d'examiner comme un tout les trois séries de mémoires en provenance du Nunavut. Quand il le fera, je crois qu'il découvrira que les opinions qui y sont exprimées et les recommandations qui y sont faites se ressemblent beaucoup.

Le NTI, comme je viens de le mentionner, représente les Inuit dans l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Le Nunavut Marine Council est composé de quatre organismes indépendants de gestion des ressources établis aux termes de l'accord. Ces organismes ne sont pas des organismes inuit, mais des organes administratifs composés à la fois d'Inuit et de personnes nommées par le gouvernement. Ce sont des organes de cogestion, et ils assument diverses fonctions de gestion des ressources prévues dans l'accord.

Je vous ferai une très brève description des quatre organismes qui composent le Nunavut Marine Council.

Tout d'abord, il y a le Nunavut Water Board, c'est-à-dire l'office des eaux, qui réglemente l'utilisation des eaux intérieures et la gestion des eaux sur cette superficie de presque deux millions de kilomètres carrés visée par l'accord.

Je vois que la carte est à l'écran.

La troisième région est la région visée par l'accord du Nunavut. Vous pouvez voir à quel point elle est immense et la grande partie de la mer territoriale du Canada qu'elle recouvre. Voilà donc pour l'office des eaux.

• 1700

La Commission de planification s'occupe de l'utilisation des terres et des eaux de cette superficie. Il existe un organe d'évaluation de l'impact qui décide si les projets dont l'exécution est envisagée dans la région visée par le règlement doivent aller de l'avant et selon quelles modalités.

Enfin, il y a le NWMB, le conseil que je représente, qui est le principal organe de gestion de la faune et le principal organisme de réglementation de l'accès à la faune dans la région visée par l'accord du Nunavut.

Ensemble, les trois organes et la Commission que je viens de mentionner peuvent agir comme le Nunavut Marine Council et ils peuvent conseiller d'autres organismes gouvernementaux au sujet des aires marines situées dans la région visée par le règlement du Nunavut et leur faire des recommandations.

Donc, comme premier point, les opinions générales et les recommandations dont je vous fais part aujourd'hui sont pour la plupart préconisées non seulement par le conseil de gestion de la faune du Nunavut, mais également par l'office des eaux, par la Commission de planification, par le bureau d'évaluation de l'impact du Nunavut—c'est-à-dire le Nunavut Marine Council—et par Nunavut Tunngavik, pour le compte des Inuit. C'est pourquoi je conseille au comité d'étudier les trois séries de mémoires que je viens de mentionner simultanément.

Il reste un autre point à établir au départ, soit à quel point les dispositions de cette loi influeront sur la vie des Autochtones du Canada.

Sur le premier transparent, qui m'a été prêté par Environnement Canada, vous pouvez voir une illustration des parties du territoire canadien qui sont actuellement visées par des traités de règlement de revendications territoriales ou qui devraient l'être sous peu. Vous avez déjà remarqué, j'en suis sûr, que presque toute la longue ligne de côte du Canada se trouve dans ces régions. Cela signifie qu'une grande partie de la mer territoriale du Canada se trouve aussi dans ces régions. Ainsi, le Nunavut comprend 43 p. 100 du littoral canadien, y compris les 12 milles d'eaux territoriales le long de la côte du Nunavut.

Je demanderais au greffier de nous projeter le second transparent.

Vous trouverez cette carte également dans le mémoire du NWMB, à la partie 16. Cette carte a été faite par Parcs Canada. Je suis sûr que vous la connaissez tous. C'est une carte des régions naturelles d'aires marines de conservation nationales.

De toute évidence, il y a une nette corrélation entre les régions visées par les revendications territoriales et les régions naturelles désignées aires marines de conservation. En fait, il est difficile de trouver une région qui ne se trouve pas soit dans une superficie visée par une revendication territoriale soit dans une zone traditionnellement utilisée et occupée par au moins un peuple autochtone.

En ce qui concerne plus particulièrement l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, presque toutes les neuf aires qui se trouvent dans la région de l'océan Arctique et une autre dans la région de l'océan Atlantique sont situées dans des zones marines relevant du NWMB et d'autres organes membres du Nunavut Marine Council.

J'aimerais vous parler brièvement de l'importance, sur le plan juridique, des accords de règlement des revendications territoriales. Comme vous le savez, ils sont protégés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle, c'est-à-dire de la loi suprême du Canada. Vous êtes aussi très conscients d'à quel point il est difficile de modifier la Constitution. La protection constitutionnelle signifie donc, tout d'abord, que les accords sont protégés contre l'extinction ou des changements. Elle signifie également qu'ils priment sur des lois incompatibles.

En effet, l'article 52 de la Constitution dispose que:

    elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.

De plus, les revendications territoriales et les lois les mettant en oeuvre prévoient des dispositions prépondérantes analogues à l'article 52 qui exigent que l'accord de règlement d'une revendication territoriale prime sur les lois incompatibles ou conflictuelles. Une pareille disposition est en soi un droit issu d'un accord sur des revendications territoriales reconnu et affirmé par l'article 35.

La conséquence pratique de cette protection constitutionnelle, pour vous en donner un exemple concret, est que toute modalité d'une loi sur les aires marines de conservation qui est jugée incompatible avec l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut ou en conflit avec lui est nulle et sans effet.

Passons maintenant aux préoccupations particulières du NWMB concernant la loi projetée sur les aires marines de conservation.

• 1705

En premier lieu, le conseil souhaite donner au comité permanent l'assurance qu'il appuie en principe l'esprit dans lequel le gouvernement du Canada propose cette loi en vue de protéger et de conserver des aires marines représentatives, «pour le plaisir et l'enrichissement des connaissances de la population canadienne et mondiale». Toutefois, comme l'a fait remarquer le chef Henderson, le libellé du projet de loi C-48 actuel ne reconnaît pas, malheureusement, les conditions essentielles des accords sur les revendications territoriales et ne reconnaît pas suffisamment les droits des peuples autochtones. Cela comprend la compétence d'organes relatifs aux revendications territoriales comme le NWMB et d'autres membres du Nunavut Marine Council dans bien des domaines visés par le projet de loi. Celui-ci est incompatible et, parfois, en conflit avec l'accord sur les revendications territoriales particulières du Nunavut et avec d'autres.

Nous estimons que le fait de ne pas tenir compte de ces conditions essentielles, y compris des compétences des organes établis en vertu des accords, aura inévitablement pour conséquence des conflits de compétence, des malentendus de la part de fonctionnaires tentant de bonne foi d'appliquer la loi, de la confusion au sein de la population, de coûteuses tentatives en vue d'affirmer ou de défendre des droits perçus et le détournement de temps, de ressources et d'attention précieux des aires marines de conservation.

La seule mesure sensée consiste à pratiquer le droit préventif. Il faudrait que les membres du comité permanent, en tant que législateurs, le NWMB, les autres membres du Marine Council, et le NTI, en tant qu'organe intimement lié à la mise en oeuvre de l'accord, aient comme intérêt commun d'essayer de prévenir les litiges et les malentendus.

Bien sûr, modifier une loi déjà en vigueur simplement pour la faire coïncider avec le nouveau paysage juridique formé par les accords contemporains sur les revendications territoriales coûte cher et prend du temps. Par contre, une nouvelle loi est l'occasion rêvée de reconnaître les accords sur les revendications territoriales. Cette reconnaissance peut s'effectuer simplement, avec efficacité et presque sans coût supplémentaire.

Par contre, permettre qu'une nouvelle loi demeure muette, ce qui est essentiellement le cas du projet de loi C-48, en dépit des quatre ou cinq dispositions qu'a mentionnées le membre du comité, est une invitation aux problèmes—en fait, une garantie de problèmes.

Le NWMB fait dans ses mémoires 14 recommandations. Elles sont détaillées et elles visent à renforcer et à préciser le projet de loi. Nous demandons au comité de les examiner. Je ne vais pas les passer en revue avec vous, si tard dans l'après-midi. Nous n'en avons pas le temps, de toute évidence. Cependant, je vous demande instamment d'examiner chacune d'entre elles avec soin. Elles fournissent toutes des renvois précis et sont toutes justifiées. Chacune d'entre elles mérite de la réflexion, et j'espère qu'elle l'aura.

Dans le peu de temps qui nous reste, j'espère pouvoir vous présenter cinq des recommandations plus en détail. Je vous donnerai le numéro de la recommandation dans l'ordre où elle figure dans le cahier du mémoire du NWMB. Si vous avez ces mémoires, vous voudrez peut-être suivre.

Je commencerai donc par la recommandation numéro un. Elle parle de l'inclusion des peuples autochtones et des organismes prévus dans les accords sur les revendications territoriales dans le préambule du projet de loi.

Depuis un quart de siècle maintenant, le Canada joue un rôle de premier plan sur la scène mondiale dans l'élaboration d'une stratégie de conservation internationale. Par exemple, le Canada est reconnu mondialement comme un joueur important dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la Convention sur la biodiversité adoptée à Rio en 1992. Cette convention est un excellent exemple du nouveau droit international en matière de développement durable. Elle établit plusieurs objectifs internationaux et nationaux et met en place un cadre global de gestion destiné à préserver la biodiversité et à faire une utilisation durable des ressources biologiques.

Il est significatif que la convention reconnaît aussi, à la fois dans le préambule et dans plusieurs de ses dispositions, la grande importance du rôle joué par les peuples autochtones sur le plan de la conservation de la biodiversité et de l'utilisation durable des ressources biologiques.

Outre son rôle de leadership international en matière de conservation et de développement durable, le Canada a été très actif dans l'élaboration d'une stratégie nationale de conservation et de développement durable de la biodiversité. Un élément clé de cette stratégie consiste à déposer une nouvelle loi destinée à respecter les obligations internationales du Canada et à atteindre ses objectifs nationaux en matière de conservation.

• 1710

Donc, l'adoption d'une loi sur les aires marines de conservation combinée à d'autres comme la Loi de 1997 sur les océans et le projet de loi canadien de protection des espèces menacées représente un volet important de cette stratégie nationale de conservation.

La Loi sur les océans et le projet de loi C-48 sont particulièrement liés. Les deux traitent de la gestion des écosystèmes des estuaires, de la côte et de la mer et de l'élaboration d'un réseau national d'aires marines de protection.

Dans le préambule de la Loi sur les océans, le Parlement reconnaît explicitement la nécessité pour le ministre des Pêches et des Océans de collaborer, entre autres, avec les organismes autochtones visés et avec les organes créés en conformité avec les accords sur les revendications territoriales afin d'encourager l'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie nationale de gestion des écosystèmes des estuaires, de la côte et de la mer.

Le projet de loi canadienne sur la protection des espèces menacées est mort au Feuilleton quand ont été déclenchées les élections fédérales de 1997. Le projet est censé être déposé à nouveau à la Chambre des communes en 1999.

Le préambule de la loi canadienne de protection des espèces menacées reconnaît que les rôles des peuples autochtones du Canada et des conseils de gestion de la faune établis en vertu des accords sur les revendications territoriales autochtones et au nom de la conservation de la faune ont été particulièrement importants. Pour éviter l'incompatibilité avec les engagements pris dans la Convention de Rio, le gouvernement du Canada a clairement reconnu dans la Loi sur les océans et dans la Loi sur la protection des espèces menacées que les peuples autochtones et les organes pertinents d'administration des revendications territoriales sont essentiels à la conservation des habitats de la faune et de la flore au Canada.

Le projet de loi C-48 s'intéresse, naturellement, à la conservation des habitats à la fois de la faune et de la flore. C'est pourquoi il faudrait que son préambule reconnaisse le rôle extrêmement important qu'ont à jouer dans ce sens les peuples autochtones et les organes établis en vertu des accords sur les revendications territoriales.

J'irais jusqu'à dire que cette reconnaissance contribuerait énormément à dissiper certaines craintes qu'ont des personnes comme le chef Henderson lorsqu'elles constatent qu'il n'y a aucune mention du très grand rôle que devraient jouer les peuples autochtones dans ce genre de programmes.

Ce point particulier est selon moi amplement illustré dans la Stratégie canadienne d'établissement d'un réseau national d'aires marines de conservation produite par le ministère du Patrimoine canadien, par Parcs Canada. Il est essentiel, ici, de mettre en place une loi sur les aires marines de conservation. J'attire à nouveau votre attention, dans la stratégie, sur le nombre d'aires qui se trouvent dans les régions naturelles d'aires marines nationales de conservation et qui sont situées dans les régions visées par les revendications territoriales ou dans les régions traditionnellement utilisées et occupées par des peuples autochtones.

Pour toutes ces raisons, le NWMB recommande vivement l'inclusion, dans le préambule, de la clause que voici. J'ignore si vous avez à portée de la main un exemplaire du projet de loi, mais, selon nous, il faudrait l'insérer tout de suite après la ligne 13. Cette partie du préambule commence par: «que le Parlement souhaite affirmer la nécessité:». Puis suivent un certain nombre de paragraphes.

À notre avis, il faudrait qu'un de ces paragraphes dise:

    de faire participer les peuples autochtones du Canada, les organes établis en vertu des accords sur les revendications territoriales et les collectivités côtières à l'effort en vue d'établir et d'entretenir ce réseau représentatif d'aires marines de conservation,

Passons maintenant à la recommandation numéro deux, qui consiste à insérer une disposition de non-dérogation tout de suite après l'article 3. Il est malheureux que le chef Henderson n'ait pu demeurer plus longtemps. J'aurais bien aimé m'entretenir avec lui des mémoires du NWMB afin de voir si les Premières nations de la côte Ouest n'ont pas peut-être le même genre de préoccupations.

L'inclusion d'une disposition non dérogatoire...

Le président: Pour gagner du temps, monsieur d'Eça, je crois qu'on peut dire que c'est suffisamment explicite; c'est très clair. Peut-être pourriez-vous lire la recommandation elle-même.

M. John Duncan: Nous avons également le document.

Le président: Oui, effectivement, si bien que la recommandation est très claire. Mais si vous voulez en parler, vous en avez parfaitement le droit.

M. Michael d'Eça: Je sais que le temps a son importance, mais j'aimerais également indiquer brièvement que le récent cadre visant à améliorer l'union sociale des Canadiens, signé tout récemment par le premier ministre et tous les premiers ministres provinciaux, à l'exception de celui du Québec, renferme une disposition non dérogatoire semblable—je cite:

    Pour plus de certitude, aucun élément de la présente entente ne porte atteinte à aucun des droits des peuples autochtones du Canada, qu'il s'agisse des droits ancestraux, des droits issus de traités ou de tout autre droit, y compris l'autonomie gouvernementale.

Ce genre de disposition existe donc depuis longtemps.

Nous recommandons simplement d'inclure cette disposition dans la loi:

    Pour plus de certitude, aucun élément de la présente loi n'est interprété comme portant atteinte à aucun des droits des peuples autochtones du Canada, qu'il s'agisse des droits ancestraux, des droits issus de traités ou de tout autre droit en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.

• 1715

Je passe maintenant à la recommandation 5, monsieur le président. Si vous voulez que j'accélère ou si vous voulez me fixer un délai, ne vous gênez pas. J'ai déjà couvert près des deux tiers de ce que je voulais dire.

Le président: Pourquoi ne lisez-vous pas la recommandation et si par hasard, nous avons des questions, vous pourrez alors entrer dans les détails. À mon avis, les recommandations sont suffisamment explicites et peut-être pourriez-vous les passer en revue pour nous.

M. Michael d'Eça: La recommandation 5 vise à faire mention des connaissances traditionnelles, locales ou communautaires dans certaines dispositions du projet de loi. Nous mettons l'accent sur le paragraphe 8(3) et l'alinéa 16(1)k). Je vais simplement lire ce que nous aimerions voir englober dans ces dispositions.

Au paragraphe 8(3):

    Il peut aménager et exploiter les installations et exercer les activités nécessaires à l'application de la présente loi et effectuer des recherches, basées sur la science et les connaissances traditionnelles ou communautaires sur les aires marines de conservation.

En vertu de l'alinéa 16(1)k):

    16.(1) Le gouverneur en conseil peut prendre des règlements—compatibles avec le droit international—pour le contrôle et la gestion des aires marines de conservation, notamment en ce qui touche

      la réglementation des activités de recherche scientifique et des connaissances traditionnelles ou communautaires;

Le président: Pour vous encourager, je dois vous dire que la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, qui fait actuellement l'objet d'un examen article par article, a été modifiée pour inclure cela.

M. Michael d'Eça: C'est excellent.

Le président: Ou, c'est en train de se faire.

M. Michael d'Eça: Dans la LCPE, c'est la même chose. Je crois que ces éléments doivent être inclus dans les projets de loi et j'espère que ce comité va le faire dans ce cas particulier.

La recommandation 7—et je fais en quelque sorte un tri parmi les recommandations—vise l'article 9 du projet de loi relatif aux plans de gestion. D'après nous, l'article 9 doit être amendé afin de refléter les exigences des accords applicables sur les revendications territoriales.

De toute évidence, les plans de gestion sont au coeur du maintien et de la protection des aires marines de conservation. Nous avons documenté dans nos mémoires le rôle que joue le NWMB dans l'approbation des plans de gestion, et nous avons parlé d'autres éléments des revendications territoriales qui doivent être pris en compte dans cet article.

Je ne vais pas lire tous les changements que nous demandons d'apporter à l'article 9. Essentiellement, nous demandons que la préparation ou la modification d'un plan de gestion se fasse en coopération avec tout organisme créé en vertu d'un accord sur les revendications territoriales, lorsqu'il est touché par ce plan; et que la préparation ou la modification d'un plan de gestion se fasse conformément aux dispositions applicables de tout accord sur les revendications territoriales applicable à ce secteur.

Je ne vais parler que d'une autre recommandation relative au paragraphe 16(6).

Le président: De quelle recommandation s'agit-il?

M. Michael d'Eça: C'est la recommandation 14, monsieur le président. Je crois que vous avez parlé du paragraphe 16(6) au chef Henderson.

Le président: Oui, c'est exact.

M. Michael d'Eça: Nous aimerions que ce paragraphe soit modifié de deux façons—de manière qu'il fasse mention des organismes créés en vertu d'accords sur les revendications territoriales, et de manière à clarifier l'effet des règlements.

Tout d'abord, dans le contexte des revendications territoriales, beaucoup des organismes créés ne sont pas des organisations autochtones, alors que cette disposition ne fait mention que des «organisations autochtones touchées». Compte tenu de la façon dont s'organisent les revendications territoriales aujourd'hui, une modification s'impose ici.

En plus, il est très important que le lecteur de la loi n'ait pas l'impression erronée que les règlements, pris en vertu de ce paragraphe, donnent aux Autochtones le pouvoir légal d'exercer certaines activités dans des aires marines de conservation. De toute évidence, les Autochtones peuvent exercer ces activités en vertu de leurs droits ancestraux ou issus de traités. Tout règlement pris viserait à reconnaître et à refléter les droits des Autochtones à exercer de telles activités, droits existants et protégés en vertu de la Constitution.

Je crois que c'est peut-être ce que vous vouliez dire également, monsieur le président.

Le changement que nous demandons d'apporter au paragraphe 16(6) n'est pas important, mais je crois qu'il répond à nos préoccupations. Il se lirait comme suit:

    16.(6) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, après consultation par le ministre des organisations autochtones touchées et des organismes créés en vertu d'accords sur les revendications territoriales, régir les activités que peuvent exercer les peuples autochtones dans une aire marine de conservation en raison de leurs droits existants—ancestraux ou issus de traités.

• 1720

Le président: J'imagine d'après le libellé de votre recommandation 14, que vous prenez pour acquis que votre deuxième recommandation sera adoptée.

M. Michael d'Eça: Oui, nous sommes très optimistes et pensons que vous donnerez suite aux recommandations précédentes.

Le président: D'accord.

M. Michael d'Eça: Monsieur le président, pouvez-vous m'accorder quelques instants de plus pour conclure?

Le président: D'accord.

M. Michael d'Eça: Le projet de loi, tel que libellé actuellement, omet de reconnaître comme il le faut l'application des accords sur les revendications territoriales, les connaissances traditionnelles et locales, la compétence des organismes créés en vertu des accords sur les revendications territoriales; il ne reconnaît pas non plus les droits des Autochtones dans plusieurs domaines essentiels que la loi tente de viser. En préparant les 14 recommandations figurant dans ses documents, le NWMB a tenté de s'appuyer en partie sur des dispositions similaires ou analogues que renferment déjà la législation de 1997 sur les espèces en voie de disparition et la Loi sur les océans, ainsi que d'autres lois. Nous essayons donc de miser sur les «luttes», discussions et décisions du passé.

Le NWMB a également tenté de suivre la propre stratégie canadienne sur la biodiversité qui reconnaît et respecte le fait que «la conservation de la biodiversité et l'utilisation durable des ressources biologiques sont fondamentales pour les collectivités autochtones du Canada».

Je crois que c'est un point qu'a souligné le chef Henderson.

Il est par conséquent essentiel que le projet de loi C-48 reconnaisse que les objectifs visés et les processus prévus sont fondamentaux pour les collectivités autochtones du Canada. Les recommandations du NWMB visent à refléter cette reconnaissance et ce respect en faisant en sorte que la loi fasse explicitement mention des accords sur les revendications territoriales, des connaissances traditionnelles et communautaires et des organismes créés en vertu d'accords sur les revendications territoriales dans les articles où cela s'impose.

C'est vraiment tout ce que j'ai à dire. J'aimerais remercier les membres du comité de nous avoir donné la possibilité de faire ces recommandations, d'avoir pris le temps de m'écouter aujourd'hui et de prendre le temps qui leur conviendra pour examiner les recommandations plus en profondeur.

Le NWMB se fera un plaisir d'aider le comité de manière utile, qu'il s'agisse d'approfondir le travail jugé nécessaire ou de répondre à une nouvelle convocation devant le comité. Je serais également très heureux d'essayer de répondre maintenant à toutes vos questions.

Merci.

Le président: Merci, votre exposé est très précieux.

Monsieur Duncan.

M. John Duncan: Merci pour votre exposé.

Au printemps dernier, j'ai siégé au sein du Comité des pêches et nous avons entendu à Iqaluit un exposé présenté par un groupe représentant un organisme compétent. Je ne me souviens pas exactement de quel organisme il s'agissait. Dans tous les cas, ce qu'il décrivait est, je crois, un exemple de ce qui peut se passer, lorsque nous avons un accord global qui n'est pas respecté, en quelque sorte—l'accord du Nunavut.

Il était question d'une réallocation du quota de pêche effectuée par le ministre sans consultation, contrairement à ce qu'exige la législation du Nunavut. Tout cela s'est terminé devant les tribunaux et le ministre des Pêches a perdu sa cause. Vous êtes sans doute parfaitement au fait de ce dont je veux parler.

Ce que je veux dire ici, ou ce que vous essayez de dire, peut-être, c'est qu'il existe déjà une législation que cette loi ne reconnaît pas comme il le faut. J'imagine que c'est ce que voulait sans doute dire le chef Henderson ce matin, si bien que nous ne parlons plus seulement de la côte de la Colombie-Britannique, mais aussi de la côte de l'Arctique et peut-être même de la côte atlantique également.

• 1725

Il semble, monsieur le président, que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien s'est rendu compte que le monde a évolué, contrairement à certains autres ministères qui n'ont pas compris qu'il faut modifier la façon de légiférer et de prendre des décisions compte tenu de la nouvelle réalité de ces revendications globales.

Votre exposé doit être entendu avec beaucoup de sérieux et je crois que nous l'avons compris aujourd'hui. Je sais que ce n'était pas une question, et si vous voulez faire un commentaire, ne vous gênez pas. Je n'ai pas d'autres questions.

M. Michael d'Eça: Cette observation de votre part nous fait certainement plaisir. Je voudrais juste vous dire que l'organisme qui a comparu devant vous à Iqaluit était en fait le Nunavut Wildlife Management Board. Avec le président de ce conseil, je vous ai parlé à vous et aux autres membres du Comité des pêches à propos de la situation du flétan noir...

M. John Duncan: Je ne vous avais pas reconnu.

M. Michael d'Eça: Je portais la barbe à l'époque.

M. John Duncan: C'est pour cela.

M. Michael d'Eça: Merci pour vos observations.

[Français]

M. Claude Bachand: Monsieur le président, je suis en train de me demander si on n'est pas devant l'éternel danger qui nous guette: compte tenu de la grosseur de l'appareil fédéral, il arrive que la main gauche ne sache pas ce que fait la main droite fait.

Le projet de loi C-62, qui sera déposé devant la Chambre, va traiter des ressources en eau du Nunavut. On y retrouve toutes sortes de choses, comme le plan d'aménagement ou la façon dont on va distribuer les permis. Il ne faut pas oublier les célébrations du 1er avril. J'ai d'ailleurs réservé une chambre dans un hôtel du Nunavut pour les célébrations du 1er avril parce qu'il va y avoir au Canada un nouveau territoire qui va s'appeler le Nunavut.

Pour ce qui est de votre projet de loi, on a regardé tout à l'heure la partie ouest, et là je rejoins John, mais dans la partie de l'Arctique, il va aussi se passer des choses très importantes. Il va y avoir ce qu'ils appellent un water board qui va examiner l'ensemble de la problématique que vous nous avez présentée. La carte que j'ai ici démontre que toute la région du Nunavut sera examinée par le water board. Est-ce que le ministère du Patrimoine canadien se rend compte que, dans le fond, le projet de loi ne devrait peut-être même pas s'appliquer au territoire du Nunavut, parce des dispositions du projet de loi dont je vous parlais, C-62, vont toucher de façon importante ce que le comité est en train d'étudier aujourd'hui?

Je ne veux pas lancer une tuile dans la marre, mais je m'interroge sérieusement sur la pertinence de votre étude pour ce qui est du Nunavut. Je m'interrogeais tout à l'heure sur la pertinence de l'étude que vous entreprenez sur la partie ouest, compte tenu de ce qui se passe dans le cas des autochtones de la partie ouest.

Il me semble important de regarder cela. Ce n'est pas mon dossier, mais je vais certainement parler avec la représentante habituelle, qui est Mme Tremblay, pour voir s'il n'y a pas de duplication quelque part et si on ne devrait pas tout simplement s'en remettre au projet de loi C-62.

Je ne sais pas si M. D'Eça peut réagir. Est-il au courant du projet de loi C-62? Il nous a donné la position de son organisme, mais il y a aussi un organisme qui s'appelle le water board. Est-ce que vous êtes un descendant ou un appendice du water board? Votre organisme est-il supérieur au water board ou s'il est en dessous du water board?

[Traduction]

M. Michael d'Eça: Nous sommes parallèles. Nous sommes égaux avec le water board, l'office des eaux. En vertu de la revendication territoriale, plusieurs institutions publiques, des organismes administratifs indépendants ont été créés. Ils constituent une famille ou un ensemble d'organismes de gestion de la terre et des ressources. Il y a l'office des eaux, la Commission d'examen des impacts, la Commission de planification et le conseil de gestion de la faune. Il y a également un tribunal des droits de surface. Tous ces organismes essaient de travailler ensemble, mais ils sont distincts.

• 1730

En ce qui concerne les questions maritimes, ils peuvent s'unir—comme ils vont le faire devant ce comité, pour leur mémoire écrit, à tout le moins—sous l'appellation Nunavut Marine Council.

C'est ainsi que je réponds à votre dernière question.

Pour répondre de manière générale à votre autre point, je crois que le gouvernement—le Parlement—se doit de relever le défi qui consiste à intégrer les divers engagements juridiques qu'il a déjà pris à ceux qu'il veut prendre.

Le Parlement souhaite donc une loi concernant les aires marines de conservation; je ne crois pas qu'il soit impossible d'intégrer ceci aux engagements qui ont été déjà pris dans le contexte des accords sur les revendications territoriales, ou aux engagements pris envers les peuples autochtones à propos de la protection de leurs droits. À l'heure actuelle toutefois, le chef Henderson a remarqué, et le NWMB le remarque aussi, que l'on met de côté ces questions, ces revendications territoriales et ces droits, et que l'on se met à élaborer de nouvelles lois.

Il faut tenir compte de tout le reste. De toute évidence, la protection est assurée par la Constitution et dans tous les cas, il y a priorité. Mais il ne faut pas nécessairement dire qu'il y a incompatibilité et qu'on ne peut aller de l'avant, car c'est possible. Cela dépend bien sûr d'un accord, d'une confiance, d'un respect et du sérieux pour ce faire.

En général, d'après mon expérience, les peuples autochtones s'intéressent de très près à la conservation et à la récolte et au développement durables. En fait, c'est l'une des questions qui est à la base de la motivation relative à la création des aires marines de conservation.

Ces idées ne sont donc pas incompatibles avec celles que l'on retrouve dans les accords sur les revendications territoriales ou dans la philosophie traditionnelle des Autochtones. Je recommande vivement au comité d'examiner les obligations qui existent, celles que vous avez déjà, et ce que cette loi vise, afin d'en faire un ensemble.

Je vous confie les documents du NWNB, lequel a tenté de relever ce défi en présentant une série de 13 ou 14 recommandations.

Merci.

Le président: Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey: Encore une fois, merci beaucoup d'être venu. Je pense qu'il était très utile de recevoir le chef Henderson, ainsi que vous-même. Grâce à vous deux, l'après-midi a été très fructueuse.

Je vais commencer en disant aux fonctionnaires de Parcs Canada et à notre attaché de recherche qui prend des notes en vue de questions au ministère de la Justice, que j'aimerais bien savoir...

J'ai posé une question juridique au chef Henderson. Ni lui ni moi ne sommes avocats, mais maintenant nous avons quelques recommandations qui semblent donner suite, en esprit à tout le moins, aux propos du chef Henderson. J'ai presque le sentiment que c'est maintenant à Parcs Canada et à la Justice de nous dire pourquoi des recommandations—qui semblent fort raisonnables—ne devraient pas devenir des amendements.

En d'autres termes, c'est un défi qui leur est lancé et je tiens à ce que cela figure au procès-verbal.

Nous avons également un défi, je crois. J'ai lu les 14 amendements que vous proposez. Ils sont remarquablement sensés, ils sont cohérents, ils sont fort louables, à mon avis. Cependant, compte tenu de vos connaissances en matière de revendications territoriales ailleurs dans le pays—nous avons entendu le témoignage de la Colombie-Britannique—ces 14 recommandations pourraient-elles être polyvalentes? En d'autres termes, pourraient- elles être utiles? C'est ce que je me demande. Autant que vous le sachiez, compte tenu du processus dynamique des revendications—nous en sommes à la quatrième ou à la cinquième étape, etc.—s'agit-il de recommandations génériques, universelles?

J'espère que vous allez me répondre «oui», mais c'est là la question.

Si la réponse est oui, il me semble alors—et c'est une suggestion tactique—que puisque vous avez pris la plume, cela renforcerait non seulement votre organisation, mais aussi toutes celles qui ont des intérêts similaires, dans la mesure où l'on peut s'entendre pour dire que ces recommandations feront l'affaire.

• 1735

Il nous sera alors très difficile de résister. Si, toutefois, il y a contradiction, il nous sera moins difficile de résister.

Telles sont mes observations et questions.

M. Michael d'Eça: Tout d'abord, pour répondre à votre question au sujet de l'universalité des recommandations qui s'appliqueraient à toutes les revendications territoriales, je dirais que c'était certainement ce que nous recherchions.

Nous avons comparu devant plusieurs comités permanents et s'il y a une chose que nous avons appris au fil des ans, c'est que les comités permanents et le Parlement ne veulent pas avoir de petites exceptions traitant du Nunavut, du Labrador ou de la- Colombie- Britannique, mais veulent quelque chose de global, dans la mesure du possible.

C'est ainsi que nous avons rédigé ces recommandations et nous croyons qu'elles devraient répondre aux préoccupations des Autochtones et des organismes créés en vertu des accords sur les revendications territoriales dans tout le pays.

Je ne sais pas si vous avez vu dans nos documents, tout à la fin, la liste des organisations destinataires. Elle est assez longue. Nous voulions contacter le plus d'organisations possibles et contacter toutes les Premières nations ayant des liens avec la mer pour qu'elles répondent d'une façon ou d'une autre; c'est ce que nous espérons.

Nous n'avons pas encore eu de suivi de qui que ce soit, et je ne sais pas si nous en aurons. D'après mon expérience, en général, les tonnes de livres qui font peut-être la joie des avocats et des politiciens ne sont pas aussi appréciés par les Autochtones dans leurs collectivités. Nous risquons donc de ne pas obtenir les réponses que nous souhaitons.

Je suis d'accord toutefois que plus l'accord est général mieux c'est—plus nous pourrons exercer de pression sur vous et sur le Parlement pour accepter les changements que nous demandons.

M. John Godfrey: Sur un plan très pratique, étant donné que nous en sommes à la troisième semaine de comparution des témoins, il faudrait certainement communiquer—et nous avons eu le chef Henderson ici comme témoin—hors circuit, si je puis m'exprimer ainsi, avec le chef Henderson et toute autre partie intéressée.

Nous pourrions même essayer de... Eh bien, j'imagine que nous aurons un dossier public énumérant les mémoires écrits et leurs auteurs. S'ils proviennent de groupes autochtones, je crois qu'il serait très sensé pour nous, de quelque manière que ce soit, de vous permettre, dans un certain sens, de nous aider à leur vendre cette idée.

Je ne devrais peut-être pas dire cela. Je ne sais absolument pas comment le ministère de la Justice va réagir, mais il me semble que vous pourriez aider à conclure une entente, si vous contrôlez le processus, examinez les mémoires et dites, par exemple, au chef Henderson et à d'autres: «Cela répond-il à vos préoccupations?»

Cela nous faciliterait beaucoup la tâche.

M. John Duncan: Peut-être puis-je intervenir à ce sujet.

Je ne crois pas que notre témoin veuille faire dire à tout autre groupe ce qu'il n'a pas dit, mais il reste que la grande différence qui existe entre la plupart des Autochtones de la Colombie-Britannique et les Autochtones du Nunavut, c'est que leurs revendications font encore l'objet de négociations. Tant que ce sera le cas et que les négociations ne seront pas terminées, les préoccupations seront fort différentes.

C'est ce que nous a laissé entendre John Henderson aujourd'hui.

M. John Godfrey: Mais si j'ai bien compris, M. d'Eça a dit que ces processus différents sont pris en compte dans ses propositions. En d'autres termes, la véritable question, c'est de savoir si après avoir examiné ces propositions, l'avocat du chef Henderson dirait effectivement qu'elles pourraient faire l'affaire, même si elles anticipent sur certains faits qui ne se sont pas encore produits, en raison du processus de revendication.

C'est vraiment là la question.

Le président: Je crois que nous vous avons bien compris. Je ne pense pas que ce soit à nous de déclencher ce type d'activité, mais je crois que M. d'Eça vous a bien entendu.

M. John Godfrey: Il fera son devoir.

Le président: Si vous voulez y donner suite et obtenir un appui pour vos recommandations, tant mieux pour vous. Cela nous aiderait certainement à transmettre votre message avec plus de fermeté.

Restons-en là.

• 1740

M. Michael d'Eça: Très bien, monsieur le président.

Le président: Je crois que vous avez très bien présenté vos arguments, très clairement, et je vous remercie beaucoup pour les recommandations. Elles ne sont pas tombées dans l'oreille de sourds. Nous allons y donner suite avec les fonctionnaires et voir ce que l'on peut faire.

Merci beaucoup d'être venu, nous vous en sommes vraiment reconnaissants.

M. Michael d'Eça: Je vous en prie, merci.

Le président: La séance est levée.