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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 22 février 1999

• 1514

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.)): J'ouvre la séance du Comité permanent du patrimoine canadien. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les participants à notre table ronde d'aujourd'hui.

J'aimerais d'abord permettre à votre député de vous saluer.

Monsieur Power.

• 1515

M. Charlie Power (St. John's-Ouest, PC): Je vous remercie, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici.

Je signale aux membres du Comité du patrimoine canadien, qui le savent sans doute déjà, que Terre-Neuve est sans doute la province dont le patrimoine est le plus ancien. Le milieu culturel terre-neuvien qui n'a déjà pas son pareil devient chaque jour plus stimulant. Il est dommage que vous ne puissiez pas rester plus longtemps ici pour être en mesure de vraiment l'apprécier. Je suis heureux de voir autant de gens en mesure de vous donner un bon aperçu du milieu participer à cette table ronde. Je vous remercie tous de votre présence.

Le vice-président (M. Inky Mark): Nous sommes honorés de compter parmi notre auditoire des personnes de grand renom. Je salue tout particulièrement Mme Pratt, une Canadienne distinguée et célèbre de Terre-Neuve.

J'aimerais vous remercier tous de vous être joints au comité pour participer à ce que j'espère sera un échange dynamique et stimulant d'opinions et d'idées. Réunir un groupe de Canadiens devant notre comité est un événement captivant, et nous sommes réellement honorés que vous ayez ménagé une fenêtre dans votre horaire chargé pour être ici avec nous aujourd'hui.

Ceux d'entre vous qui connaissez bien notre façon de procéder remarquerons que les sièges ne sont pas répartis comme d'habitude; les députés des cinq partis ainsi que nos invités ont été placés autour de la table sans ordre préétabli. De cette manière, nous espérons créer une atmosphère plus décontractée qui favorisera les échanges.

Dans quelques minutes, je demanderai à chacun d'entre vous qui êtes assis autour de la table de se présenter et d'indiquer brièvement quel organisme vous représentez. Mais tout d'abord, je voudrais ouvrir la séance en vous disant ce que le comité cherche à réaliser par son étude en général et par ces tables rondes en particulier.

Le Comité du patrimoine a décidé à l'automne 1997 d'examiner ce que le gouvernement fédéral fait pour soutenir le secteur des arts et de la culture ainsi que notre patrimoine culturel. Nous voulons examiner les types de mesures de soutien qui sont déjà en place, telles que les règles régissant le contenu et la propriété, les subventions directes aux artistes et les incitatifs fiscaux, pour n'en nommer que quelques-unes, afin de déterminer si ces mesures permettront de relever les défis que le prochain siècle nous réserve.

Nous voulons nous pencher sur trois défis en particulier qui annoncent le nouveau millénaire, afin de déterminer comment ils influeront sur la culture canadienne et, en fin de compte, sur la façon dont le gouvernement fédéral soutient le secteur culturel. Ces trois défis sont: les nouvelles technologies; la globalisation du commerce; les accords commerciaux internationaux; et l'évolution démographique de notre société.

Ces trois défis sous-tendent un grand nombre de questions complexes dont certaines trouveraient difficilement réponse sans l'aide d'une boule de cristal. Par exemple, quel sera l'impact de l'Internet sur les communications au Canada et dans le monde? Sera-t-il plus profond que le bouleversement causé par la presse à imprimer de Gutenberg?

L'accord multilatéral sur l'investissement signifiera-t-il la mort de notre secteur culturel ou son renouveau? La génération vieillissante du baby boom aura-t-elle un effet positif ou négatif sur le taux de fréquentation des musées et des théâtres? Et qu'en est-il des gens de la génération X? Quelle sorte de consommateurs de culture deviendront-ils pendant leur vie adulte?

Et, enfin, lorsque nous aurons identifié les grands changements qui découleront des progrès technologiques, commerciaux et sociaux, nous voudrons savoir si le gouvernement fédéral devrait repenser ou réaffirmer les rôles qu'il a joués pour soutenir les arts et la culture, et pour préserver notre patrimoine.

Pour aider le comité à démêler ces questions, nous avons reçu au cours des derniers mois des mémoires de la part de représentants des ministères du Patrimoine canadien, du Commerce international et de l'Industrie, ainsi que de la part d'experts, sur les effets que pourraient avoir le commerce international, la nouvelle technologie et le changement social sur les politiques culturelles et les mesures de soutien du gouvernement fédéral. Nous avons en outre entendu des représentants de nos institutions culturelles fédérales.

Cette semaine nous complétons notre étude en voyageant à travers le pays pour nous entretenir avec les artistes, les nouveaux entrepreneurs de la culture et les consommateurs de produits culturels, dans leur propre milieu, afin d'explorer leurs vues sur la culture et sur le rôle de soutien du gouvernement fédéral à cet égard. Le comité a aussi tenu une série de tables rondes dans le but d'explorer ces questions avec d'éminents professionnels des domaines des arts, du patrimoine, de l'édition, du film et de la vidéo, de la radiodiffusion et des enregistrements audio.

• 1520

Un mot au sujet des tables rondes. Après avoir donné les grandes lignes du plan d'action du comité, je vais maintenant fournir des précisions sur ce que nous ferons aujourd'hui. Nos invités aujourd'hui sont les personnes qui voient et qui subissent les effets (bons ou mauvais) des mesures de soutien du gouvernement fédéral. Ils sont également les premiers témoins des effets des nouvelles technologies, des accords commerciaux et internationaux et des changements démographiques dans leur domaine.

Pour circonscrire la discussion aujourd'hui, j'inviterais chacun autour de la table à poser cinq questions. Pour votre gouverne, vous trouverez une copie de ces cinq questions à la fin du programme. Il se peut que certains ne veuillent pas aborder toutes les questions. En fait, il est possible que le temps ne permette pas à tous les participants de faire des commentaires sur chaque question soulevée. Je vous demanderais simplement de m'indiquer si vous comptez intervenir dans la discussion. Pour faciliter la tâche des interprètes je ne donnerai la parole qu'à un seul intervenant à la fois.

Comme président et modérateur, je veillerai à ce que quiconque désire exprimer ses vues ait la chance de le faire dans le temps alloué. Nous voulons aussi que les membres de l'auditoire puissent participer à la table ronde. Voilà pourquoi nous avons installé des microphones à l'arrière de la salle.

Je vous invite maintenant à vous présenter.

M. Gaston Blais (recherchiste du comité): Je m'appelle Gaston Blais. Je suis le recherchiste du comité.

Le vice-président (M. Inky Mark): Je m'appelle Inky Mark. Je suis député de Dauphin—Swan River.

Le greffier du comité: Je m'appelle Norm Radford. Je suis le greffier du comité.

M. Denis Parker (directeur administratif, Music Industry Association of Newfoundland and Labrador): Je m'appelle Denis Parker et je représente la Music Industry Association of Newfoundland and Labrador.

M. Joe Jordan (Leeds—Greenville, Lib.): Je m'appelle Joe Jordan. Je suis député de Leeds—Greenville dans le sud-est de l'Ontario.

Mme Patricia Grattan (directrice, Art Gallery of Newfoundland and Labrador): Je m'appelle Patricia Grattan. Je suis directrice de la Art Gallery of Newfoundland and Labrador. J'étais aussi jusqu'à tout récemment membre du Conseil des arts du Canada.

Mme Karen Dawe (directrice-rédactrice en chef, The Newfoundland Herald): Je m'appelle Karen Dawe. Je suis directrice-rédactrice en chef du Newfoundland Herald, une revue terre-neuvienne. Je représente l'industrie de l'édition.

Mme Anne Manuel (directrice administrative, Newfoundland and Labrador Crafts Development Association): Je m'appelle Anne Manuel. Je suis directrice administrative de la Newfoundland and Labrador Crafts Development Association.

M. Keith Soper (directeur des ventes, Newfoundland Broadcasting Company): Bonjour. Je m'appelle Keith Soper. Je suis directeur général de OZ-FM Radio ainsi que directeur des ventes du poste de télévision NTV.

M. Carman V. Carroll (coordinateur, Initiative Cain, Conseil canadien des archives): Je m'appelle Carman Carroll. Je suis ici à titre de représentant du Conseil canadien des archives.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Je m'appelle Wendy Lill. Je suis députée de Dartmouth et porte-parole du Nouveau Parti démocratique pour la culture et le patrimoine.

M. Larry Dohey (représentant, Association of Newfoundland and Labrador Archives): Je m'appelle Larry Dohey. Je représente l'Association of Newfoundland and Labrador Archives.

Mme Shelley M. Smith (archiviste provinciale, Provincial Archives of Newfoundland and Labrador): Je m'appelle Shelley Smith. Je suis archiviste provinciale pour Terre-Neuve et le Labrador.

M. Charlie Power: Je m'appelle Charlie Power. Je suis député de St. John's-Ouest.

M. Harry Connors (directeur des Communications, NewTel Group of Companies): Je m'appelle Harry Connors. Je suis directeur des Communications à NewTel Enterprises.

Mme Penny Houlden (conservatrice en chef, Newfoundland Museum, ministère du Tourisme, de la Culture et des Loisirs): Je m'appelle Penny Houlden. Je suis conservatrice en chef du Newfoundland Museum.

M. Hilary Montbourquette (président, Atlantic Association of Broadcasters): Bonjour. Je m'appelle Hilary Montbourquette. Je suis président de l'Atlantic Association of Broadcasters qui représente 60 postes de radio et cinq postes de télévision dans la région.

M. Randy Follett (directeur administratif, Newfoundland and Labrador Arts Council): Je m'appelle Randy Follett. Je suis directeur administratif du Newfoundland and Labrador Arts Council.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Je m'appelle Suzanne Tremblay et je suis députée du Bloc québécois. Je représente la circonscription de Rimouski—Mitis et je suis porte-parole du Bloc québécois pour le Patrimoine canadien.

[Traduction]

M. Bruce Porter (directeur-rédacteur en chef, TickleAce Magazine; président intérimaire, Association of Cultural Industries of Newfoundland and Labrador): Je m'appelle Bruce Porter. Je suis le rédacteur en chef de la revue littéraire TickleAce ainsi que le président intérimaire de l'Association of Cultural Industries of Newfoundland and Labrador, une association récemment formée qui représente les quatre principales disciplines artistiques.

Mme Mary Pratt (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je m'appelle Mary Pratt. Je comparais aujourd'hui devant le comité surtout parce que je suis coprésidente d'un comité qui n'est pas encore réellement formé, mais qui le sera bientôt, et dont le rôle sera de gérer le nouveau Art Gallery of Newfoundland and Labrador et de nous intéresser aux archives, au musée, et à divers immeubles historiques de la ville. Tout cela est un peu vague. J'ai cependant pensé que je pourrais peut-être jouer un rôle utile aujourd'hui si l'on me pose des questions... auxquelles je ne serais pas en mesure de répondre. Je vous remercie.

Le vice-président (M. Inky Mark): Je vous remercie beaucoup.

• 1525

Comme vous le savez, nous voudrions consacrer environ 20 minutes à l'étude de chaque question. Nous vous avons demandé de réfléchir à cinq questions. Il s'agit d'une table ronde. Nous vous demandons donc de ne pas nous faire un exposé officiel.

Essayons d'abord de répondre à la première question qui est celle-ci: dans l'éventail des mesures fédérales de soutien de la culture actuellement en place ou utilisées par le passé, quelles sont celles qui ont été efficaces dans votre secteur et quelles sont celles qui ne l'ont pas été?

N'importe qui peut répondre à la question. Vous pouvez soit répondre à la question, soit répliquer aux commentaires que feront d'autres participants. J'essaierai de faire en sorte que nous respections le temps alloué. Allez-y.

M. Carman Carroll: Comme je l'ai dit, je représente le Conseil canadien des archives. Je suis notamment le coordonnateur de la nouvelle initiative CAIN, soit le Réseau canadien d'informations archivistiques.

Le Conseil canadien des archives a été créé en 1985 et offre depuis lors d'importants programmes visant à répondre aux besoins des milieux archivistiques canadiens. Le financement du conseil, dont le budget est maintenant d'environ 2,3 millions de dollars, est assuré par le ministère du Patrimoine canadien.

J'aimerais parler en faveur du rôle que joue le ministère du Patrimoine canadien dans le financement des activités des milieux archivistiques canadiens puisque ce rôle a permis la mise sur pied d'un système archivistique au Canada. Les archives sont le lieu de conservation du patrimoine documentaire canadien et, pour rendre ce patrimoine accessible à un plus grand nombre de Canadiens, il importe que les milieux archivistiques utilisent les nouvelles technologies pour diffuser la correspondance, les documents, les journaux, les photographies, les cartes, les plans architecturaux et les vidéos dont ils disposent. J'aimerais donc tout simplement dire que j'appuie le soutien accordé à des organismes comme le Conseil canadien des archives.

Le vice-président (M. Inky Mark): Je vous remercie.

M. Hilary Montbourquette: En réponse à la question que vous nous avez posée, nous estimons que les télédiffuseurs ont grandement tiré parti de la diffusion simultanée ou de la substitution de signaux identiques. Cette technologie a été bénéfique à notre industrie parce qu'elle protège les droits d'émissions et nous permet d'être compétitifs. À notre avis, le gouvernement n'accorde cependant pas suffisamment de fonds au secteur privé pour favoriser la production d'émissions. Nous estimons que le secteur devrait avoir accès à des fonds et à des stimulants semblables à ceux qui sont offerts aux réalisateurs indépendants.

Pour ce qui est de la radio, nous croyons que la règle qui fixe le contenu canadien à 30 p. 100 a bien servi notre industrie ainsi que l'industrie musicale. C'est le système MAPL qui est boiteux et qui doit être revu. Quand on songe que la chanson My Way de Frank Sinatra peut être considérée comme une chanson canadienne, mais que la chanson thème du Titanic, chantée par Céline Dion, ne l'est pas, on a de quoi s'interroger. Nous pensons qu'il conviendrait sans doute de revoir complètement le système MAPL.

Le vice-président (M. Inky Mark): Je vous remercie.

Mme Anne Manuel: Bien que je travaille pour la Newfoundland and Labrador Crafts Development Association, j'aimerais d'abord intervenir au nom d'un autre organisme, l'Association des artisans du Canada.

L'Association des artisans du Canada, qui était à un moment donné un organisme national représentant les artisans de l'ensemble du pays, recevait à une époque des fonds du ministère des Communications. Cela remonte, je crois, à 1996. Le ministère a cette année-là mis fin au financement qu'il accordait à cet organisme, qui a survécu grâce à l'aide d'un petit groupe de bénévoles. L'organisme a récemment été reconstitué et on lui a donné le nouveau nom de Fédération des artisans du Canada.

Il importe aux conseils des artisans comme le nôtre d'être représentés à l'échelle nationale par un organisme qui peut nous aider à comprendre ce qui se passe à l'échelle nationale et nous conseiller sur les mesures que nous devrions prendre. Cet organisme peut également jouer le rôle de catalyseur pour la mise en oeuvre de projets conjoints et pour l'établissement de liens interprovinciaux.

Les conseils des artisans peuvent appuyer financièrement un organisme national dans une certaine mesure, mais ils ne peuvent pas le faire entièrement. Voilà pourquoi je pense qu'il est nécessaire que le ministère du Patrimoine canadien rétablisse les fonds accordés à la Fédération canadienne des artisans à titre de nouvel organisme représentant les conseils provinciaux des artisans.

Le vice-président (M. Inky Mark): Je vous remercie.

Keith.

M. Keith Soper: J'aimerais intervenir sur le même sujet et vous présenter la position des radiodiffuseurs qui voient les choses sous un angle un peu différent.

Je me fais l'écho des sentiments exprimés par M. Montbourquette au sujet du règlement sur le contenu canadien. Je crois que ce règlement nous a bien servis. Il est cependant de mise de s'inquiéter lorsque Frank Sinatra est considéré comme un Canadien et que Céline Dion ne l'est pas. Il faut attribuer cette situation au système MAPL. Le moment est sans doute venu de revoir ce système. Les stations de radio canadiennes doivent maintenant présenter un contenu canadien de 35 p. 100, et nous croyons que ce n'est qu'un début. La question qui se pose est de savoir s'il y a suffisamment de contenu canadien ou de musique canadienne pour nous permettre de répondre à cette exigence. Je crois personnellement et professionnellement que c'est le cas, mais je crois qu'il convient de revoir le système. En simplifiant le système MAPL, je crois qu'il sera beaucoup plus facile d'atteindre l'exigence des 35 p. 100. Il ne faut pas oublier que plus n'est pas nécessairement mieux.

• 1530

Pour ce qui est de la télévision, il ne fait aucun doute que le Fonds de télévision pour la production d'émissions canadiennes joue un rôle capital pour ce qui est de favoriser la production d'émissions canadiennes. À mon avis, il s'agit non seulement de préserver ce fonds, mais de l'accroître. C'est évidemment une question de financement. Où obtenir ces fonds? À mon avis, il importe que les services spécialisés américains contribuent à ce fonds. Ces services tirent parti du système, mais ne contribuent pas beaucoup à son essor. Il va sans dire que les téléspectateurs aiment les chaînes spécialisées américaines... mais je ne pense pas que ces chaînent contribuent quoi que ce soit pour l'instant au Fonds de télévision pour la production d'émissions canadiennes.

C'est cependant le cas des radiodiffuseurs. Je sais que les câblodistributeurs contribuent au fonds. Je crois qu'on a établi un précédent dangereux ou qu'on est sur le point de le faire. Certains câblodistributeurs canadiens demandent actuellement au CRTC de leur permettre de contribuer à la production d'émissions communautaires plutôt qu'au Fonds de télévision pour la production d'émissions canadiennes. Ce serait un précédent dangereux dans la mesure où la chaîne communautaire ne diffuse le plus souvent qu'une joute de hockey.

Le Fonds de télévision pour la production d'émissions canadiennes sert les intérêts de tous les Canadiens. Voilà pourquoi je crois qu'il convient de le préserver et de l'accroître. En effet, les émissions de télévision canadiennes doivent être compétitives à l'échelle mondiale, d'où l'importance pour les producteurs de disposer du financement voulu.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Inky Mark): Quelqu'un d'autre aimerait-il prendre la parole?

M. Denis Parker: Je tiens à dire que le soutien accordé par le ministère du Patrimoine canadien au secteur culturel dans la province au cours des cinq ou six dernières années a été très considérable. Il n'y a rien de nouveau pour le moment, mais l'activité du ministère s'est avérée efficace par le passé. Je crois que nous devons reconnaître la valeur de ce qui a déjà été fait et établir une nouvelle entente.

Également, il faut signaler les réalisations de FACTOR à l'échelle nationale, par le truchement du ministère du Patrimoine canadien... je siège au conseil de FACTOR et, même si le financement a été accru récemment à la suite du rapport de 1997 portant sur le secteur canadien de la musique, je sais que les programmes de FACTOR vont bientôt faire l'objet d'un examen dans le cadre du PADES. J'aimerais recommander fortement que le financement soit maintenu et que l'administration continue de se faire sous l'égide de FACTOR à Toronto.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci. Nos invités ont-ils d'autres commentaires à formuler?

Mme Penny Houlden: Je tiens à vous rappeler que le gouvernement fédéral a joué un rôle de premier plan dans l'appui accordé aux musées du Canada, par le truchement de divers programmes: le Programme d'aide aux musées, l'Institut canadien de conservation, et le Réseau canadien d'information sur le patrimoine. Le développement et la professionnalisation du secteur muséal sont largement tributaires de ces programmes et services. Ces divers programmes ont connu des problèmes et des compressions au cours des dernières années, ce qui créent des incertitudes et des difficultés qui ne facilitent pas la planification à un moment où les musées doivent croître, s'adapter à de nouveaux publics, et utiliser toute une gamme de médias. Je vous invite à continuer à appuyer ces programmes, ainsi que les programmes d'emploi, qui ont une importance vitale pour le fonctionnement de bon nombre de musées, et je pense ici notamment au programme Jeunesse Canada au travail, qui existe depuis plusieurs années déjà, et qui a eu une importance considérable.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

• 1535

M. Larry Dohey: J'aimerais abonder dans le même sens que Penny. La plupart des archives de la province, il y en a 56, obtiennent leur financement du Conseil canadien des archives. Cette année, environ 65 706 $ ont été attribués à une seule composante. Or, ici dans la province, les responsables des 56 archives souhaitaient obtenir 80 000 $ de ce montant. Nous devons toujours mettre de bons projets en veilleuse.

Je félicite donc le gouvernement d'avoir alloué certains crédits, mais je crois que nous devons avoir la prudence de favoriser un financement supplémentaire.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Pat, je vous prie d'intervenir, et ensuite ce sera le tour de Karen.

Mme Patricia Grattan: Je tiens tout d'abord à dire que j'appuie le financement qu'a accordé le gouvernement durant de nombreuses années au Conseil des arts. J'espère que d'autres personnes qui sont autour de la table vous diront également que le Conseil a joué un rôle de première importance dans le développement des arts partout au pays. L'appui du Conseil a été tout à fait crucial pour le musée des beaux-arts de Terre-Neuve et du Labrador, un établissement d'oeuvres essentiellement contemporaines. Récemment, le Conseil a accordé une aide financière qui visait les budgets de fonctionnement de galeries d'art, et il faut bien dire que cela a été pour nous une planche de salut l'an dernier.

Je tiens à remercier le gouvernement du soutien accru qu'il accorde depuis peu au Conseil des arts, soit 25 millions de dollars par année de plus pour une période de cinq ans. J'espère que le gouvernement trouvera le moyen de maintenir le financement à ce niveau.

Également, comme l'a fait Penny, j'aimerais formuler un commentaire au sujet du Programme d'aide aux musées, qui relève du ministère du Patrimoine canadien. Ce programme s'inscrit dans le cadre d'une politique muséale tout à fait visionnaire qui a été élaborée au début des années 70. Je dois dire franchement que le niveau de financement du programme est tel que les divers musées du pays y accordent de moins en moins d'importance. Ce niveau est nettement inférieur à ce qu'il a déjà été et aux besoins des établissements.

Même si les musées des beaux-arts et musées un peu partout au pays ont fait de grands pas vers l'autosuffisance il y a des limites—et je parle ici de mon expérience en la matière dans notre établissement—à ce que nous pouvons faire. Le financement du secteur public continue de jouer un rôle très important.

Troisièmement, j'aimerais enchaîner sur ce qu'a dit Denis pour ajouter que les ententes fédérales-provinciales qui ont été mises en oeuvre dans cette province sur le plan de la culture ont été extrêmement efficaces. C'est le cas, je crois, parce qu'elles ont ciblé le secteur culturel. Il ne s'agissait pas de composantes d'ententes plus globales et je favoriserais certainement le renouvellement d'ententes de ce genre.

Le vice-président (M. Inky Mark): Karen.

Mme Karen Dawe: Évidemment, tous les intervenants ont de nombreuses raisons d'être reconnaissants à l'égard du gouvernement pour ce qui est du soutien à la culture—même si c'est loin d'être suffisant, et même si ce ne sera jamais assez.

Pour ma part, je suis extrêmement satisfaite d'avoir accès au programme d'aide à la publication. Même si on peut croire, d'après l'appellation, que c'est la publication qui est avantagée, c'est en réalité le lecteur qui est avantagé du fait qu'il nous en coûte moins cher pour acheminer les publications par la poste.

Dans le cas d'un magazine comme The Newfoundland Herald, une publication qui met l'accent sur les arts, l'écriture, la musique, l'artisanat à Terre-Neuve et qui vise à en faire connaître les manifestations aux Terre-Neuviens des régions rurales... Cela nous coûterait 2 $ de faire parvenir le magazine à destination en le confiant à Poste Canada et je ne parle que des frais postaux. Le magazine lui-même coûte 2 $, taxes comprises. Le prix du magazine doublerait donc, et il faudrait évidemment transférer ce coût aux consommateurs. Nous demanderions aux lecteurs de l'assumer. Ils paieraient donc 2 $ une deuxième fois et il leur serait ainsi très difficile de se renseigner au sujet de tout ce qui se passe dans la province sur le plan culturel, qu'il s'agisse de musique, d'activités muséales, d'artisanat, d'arts ou d'écriture.

Il est très difficile de faire comprendre que ces divers programme d'aide, je pense par exemple au Conseil des arts, à FACTOR, aux Programmes d'aide aux musées, sont extrêmement avantageux pour une province comme Terre-Neuve, où la culture a une grande importance. Notre histoire, notre patrimoine, notre culture ont une grande importance pour nous. Il me semble que la seule personne ici qui disposerait de connaissances approfondies à ce sujet serait Suzanne Tremblay, étant donné qu'elle livre le même combat avec l'aide de son parti.

• 1540

Au Québec, la culture est très dynamique et le patrimoine est solidement ancré. Il en va de même chez nous, et nous en sommes très fiers. Le Newfoundland Herald est très fier de refléter cette réalité, mais nous ne serons en mesure de continuer à informer les Terre-Neuviens partout dans la province que si le gouvernement accorde son appui par le truchement de programmes comme FACTOR, le Programme d'aide aux musées et, évidemment, le programme d'aide à la diffusion des publications.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Bruce Porter.

M. Bruce Porter: Tout d'abord, permettez-moi de dire à mon tour, comme Karen, à quel point le programme d'aide à la publication est précieux pour le petit magazine que je publie. Je suis également membre de la Canadian Magazine Publishers Association, pour laquelle le programme est considéré comme un atout précieux. Karen signale, à juste titre, que ce ne sont pas les éditeurs mais bien les lecteurs qui sont avantagés par le programme puisqu'il permet de réduire le prix de moitié.

J'aimerais également reprendre à mon propre compte les commentaires de Pat et de Denis au sujet des ententes fédérales-provinciales qui existent depuis cinq ans environ. Je pense en particulier à deux ententes, pour lesquelles la contribution financière fédérale venait du ministère du Patrimoine canadien. Ces ententes ont été extrêmement utiles, notamment parce qu'elles étaient bien ciblées et bénéficiaient de la participation des milieux culturels. Nous espérons être en mesure d'établir quelque chose de comparable dans les meilleurs délais.

Je m'en voudrais de ne pas dire que le Conseil des arts est, bien entendu, un cadeau du ciel pour un pays comme le Canada. Je ne vois pas comment le pays peut survivre si le soutien financier accordé au Conseil des arts n'est pas maintenu, voire accru. Il y a certainement des domaines où des remaniements et des augmentations s'imposent.

Un bref commentaire. Puisque j'appartiens au milieu des périodiques, je voudrais signaler à quel point je suis heureux que le gouvernement ait déposé le projet de loi C-55 en vue de soutenir l'industrie des revues.

Le vice-président (M. Inky Mark): Madame Pratt.

Mme Mary Pratt: Merci.

Même si je passe, au fond, tout mon temps à peindre dans mon studio, de temps à autre il faut bien que j'aie quelques activités publiques. Mais je me sens très mal à l'aise, car je n'en ai pas l'habitude.

J'aimerais joindre ma voix à celle de tous ceux qui souscrivent aux initiatives gouvernementales destinées à soutenir l'industrie canadienne de la revue. J'y souscris sans réserve. J'ai participé pendant quelque temps à un GCSCE qui s'intéressait à la culture. Depuis la Commission Applebaum-Hébert, notamment, on est convaincu qu'un pays, ou une région du monde, doit avoir sa propre loi et sa propre langue. D'ailleurs, les Américains en sont très conscients. Pendant longtemps, ils refusaient de publier des oeuvres à moins d'être détenteurs des droits d'auteur. Ils savent très bien ce qu'ils font. Ils veulent tout avoir, et voilà pourquoi il est nécessaire pour le Canada de s'y opposer, dans le cas des revues. Je déteste être chauviniste à ce point, mais cela me semble nécessaire pour le Canada.

Pour ce qui est des archives, du musée et du musée des beaux-arts, je vous rappellerais que nous sommes la province qui a été la plus longtemps habitée au Canada; nous avons déjà formé un pays, et parfois nous croyons que c'est encore le cas. Et pourtant, nos archives, notre musée et notre musée des beaux-arts sont en grand danger du simple fait que nous sommes le parent pauvre du Canada. Nous dépendons énormément de l'aide du gouvernement fédéral et de toutes les alliances fédérales-provinciales.

• 1545

Je suis bien d'accord avec les alliances fédérales-provinciales, mais j'aimerais bien que des alliances soient conclues avec les Canadiens les plus nantis, à qui on pourrait offrir d'autres allégements fiscaux. Les Canadiens bien nantis appuient énormément les arts, et j'en veux pour preuve l'initiative magnifique de l'ancien lieutenant-gouverneur de l'Ontario qui a donné beaucoup d'argent aux humanités de l'Université de Toronto. Voilà le genre d'initiative qui peut faire boule de neige, et elle devrait être encouragée.

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): D'abord M. Follett, après quoi je demanderai aux membres du comité de nous faire part de leurs commentaires.

M. Randy Follett: Je souscris à ce que chacun a dit au sujet du Conseil des arts du Canada et des accords fédéral-provinciaux. J'aimerais signaler ce qui me semble être une de nos grandes réussites. Si je parle de réussite au sujet des accords, c'est parce qu'il y a des agents de programme qui sont sur place dans la province et qui ont considérablement mis en valeur le milieu. Lorsque les accords ont été conclus, les gens du milieu des arts comprenaient mal comment il leur était possible d'avoir accès à ces programmes. Voilà pourquoi la présence des agents de programmes dans les différents milieux était si importante, et le Conseil des arts comme d'autres organismes auraient certainement des leçons à tirer de cette démarche.

En effet, puisque le Conseil des arts a vu son budget augmenter considérablement au cours des dernières années, et que ces augmentations sont prévues pendant encore un ou deux ans, il devra trouver une façon de permettre aux régions des différentes provinces d'avoir plus facilement accès à ces programmes. Actuellement, lorsque les programmes sont créés, l'information est envoyée directement au chapitre local du Conseil, par exemple. Mais il est très difficile de diffuser toute cette information qui nous provient du Conseil des arts au sujet des divers programmes aux intéressés. D'ailleurs, ces mêmes intéressés viennent frapper constamment à notre porte, parce qu'ils ne connaissent pas les divers programmes du Conseil des arts. Il faudrait trouver une façon de renseigner ces gens. On pourrait peut-être demander aux organismes locaux de se transformer en agents de livraison, en quelque sorte, qui seraient chargés de diffuser toute l'information concernant les divers programmes.

J'aimerais également mentionner le Conseil des ressources humaines du secteur culturel, qui a jusqu'à maintenant été passé sous silence. Ce Conseil aura sans doute un rôle très important à jouer, au fur et à mesure que l'on parlera des initiatives en matière de technologie. Même si le gouvernement fédéral a eu un geste magnifique en créant le Conseil des ressources humaines, celui-ci vivote ces jours-ci. En effet, il n'a pas assez d'argent et ne réussit pas à lancer toutes les initiatives qui l'intéressent. Le Conseil a néanmoins fait déjà quelques excellentes études, et il sait très bien ce qu'il veut faire, mais il n'y parvient pas faute de fonds. Le Conseil des ressources humaines du secteur culturel est sans doute aujourd'hui l'organisme principal dans le milieu des arts qui permette à celui-ci d'accéder à la technologie et d'être formé dans le domaine technologique. J'encourage donc le gouvernement à financer davantage cet organisme.

J'aimerais également faire la promotion de la Conférence canadienne des arts qui, je le sais, essaie très fort d'aider tout le monde. J'aimerais mentionner en particulier deux documents qui sont très pertinents à notre étude, soit les parties un et deux du rapport «le projet des Arts en transition», que vous connaissez très certainement.

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Voulez-vous poursuivre?

M. Harry Connors: Notre rôle, dans le secteur des arts, est surtout celui de bailleur de fonds des organisations artistiques et culturelles; nous jouons ce rôle en association avec le Conseil des arts de Terre-Neuve et de Labrador, mais nous subventionnons également directement des organismes telles que le MIA, l'ACI, et divers artistes et troupes de théâtre, notamment.

Je n'ai aucune compétence en matière de politique culturelle, et je ne peux certainement pas dire quels programmes du gouvernement fédéral donnent de bons résultats et quels autres n'en donnent pas. Mais, dans la foulée des observations de Mary Pratt, je crois que les organismes fédéraux peuvent jouer un rôle utile en encourageant le secteur privé à subventionner de façon accrue le domaine des arts; de plus, j'ajouterais qu'il ne s'agit pas de remplacer les sommes que versent le gouvernement fédéral par d'autres sommes prélevées ailleurs, mais plutôt d'augmenter les sommes que le gouvernement fédéral verse aux arts et aux artistes.

Je suis de ceux qui croient que le budget qui vient d'être présenté, a forte saveur technologique, est porteur d'espoir. C'est à juste titre que le gouvernement se propose de mettre en valeur des nouvelles technologies, et il ne peut que s'enorgueillir de cette initiative. Mais j'aimerais également que le budget annonce que le gouvernement fédéral accroît le financement des arts et des organisations artistiques partout au Canada. Il faut toujours trouver le juste équilibre dans la vie, et les entreprises qui veulent attirer des travailleurs compétents devraient pouvoir faire valoir la qualité de vie de leurs milieux. Autrement dit, il faut qu'un milieu puisse offrir une vie artistique et culturelle stimulante. Le gouvernement fédéral devrait être tout aussi intéressé par cela que par la technologie.

• 1550

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup. Je demande maintenant aux membres du comité s'ils ont des commentaires à faire ou des questions à poser. Madame Tremblay, voulez-vous commencer?

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Je veux d'abord remercier toutes les personnes et tous les groupes qui ont répondu à notre invitation à venir exprimer leur point de vue devant le comité sur ce que devrait être la politique culturelle canadienne. Ce qui est important, c'est qu'on obtienne de vous des idées très concrètes.

Par exemple, pendant le voyage en avion, je lisais un article publié dans un journal en français. On y disait que, si la technologie continuait à évoluer au même rythme, d'ici cinq ans, il ne faudrait plus songer aux disques, aux CD et à d'autres choses du même genre, que tout serait diffusé par Internet.

J'aimerais que vous nous fassiez des suggestions très concrètes par rapport à l'industrie ou par rapport au secteur que vous représentez. Quelles sont les plus grandes innovations technologiques qui s'annoncent et en quoi risquent-elles de vous atteindre? Que pourrait-on faire pour les voir venir, de façon à ce que les industries culturelles continuent à se développer?

Vous savez que c'est un secteur où il peut se créer beaucoup d'emplois. Cela coûte moins cher de créer des emplois dans le domaine culturel et c'est très rentable pour la société. Cela crée énormément d'emplois, et facilement. Avec 20 000 $, on crée un emploi dans le domaine culturel, alors que dans le domaine manufacturier, il faut en moyenne 200 000 $. C'est donc un domaine où on pourrait investir de l'argent, maintenant qu'on a quelques surplus. À mon avis, il faudrait qu'on consacre au moins 1 p. 100 du budget national à la culture.

J'aimerais donc que vous nous proposiez une solution ou que vous nous fassiez des suggestions très concrètes afin que nous puissions faire des recommandations au gouvernement.

Ce qui est fait est bien beau. On dit que le gouvernement est beau et fin, qu'il fait bien les choses et on lui demande plus d'argent, mais si on obtient plus d'argent et qu'on n'a plus rien par la suite à cause des vilains tours que nous aura joués la technologie, où nous retrouverons-nous?

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): L'un ou l'autre des témoins pourrait-il répondre? Monsieur Carroll.

M. Carman Carroll: Je crois fermement que la technologie a un rôle considérable à jouer dans le milieu des archives, car il doit diffuser l'information au sujet du fonds constitué par plus de 850 archives canadiennes. J'aimerais toutefois signaler que, lorsque j'étais à la recherche de subventions fédérales en vue de mettre sur pied le Réseau canadien d'information archivistique, le RCIA, censé diffuser à tous les Canadiens et à l'extérieur de notre pays l'information archivistique, j'ai constaté que, dans ces milieux, on mettait surtout l'accent sur la technologie et sur le soutien technologique, c'est-à-dire sur ce que l'on appelle à Ottawa «la quincaillerie». Il m'a fallu un certain temps pour m'y habituer.

Puisque l'on juge important de soutenir le contenu canadien, n'oublions pas que les archives sont remplies de contenu canadien. Nous voulons, pour notre part, qu'un nombre plus grand de Canadiens connaissent les archives. Nous ne nous adressons pas uniquement aux Canadiens qui consultent les archives de leur province ou qui consultent les archives de l'Église catholique romaine de St. John's, mais à tous ceux qui peuvent avoir accès à cette information par le truchement de l'Internet, où qu'ils soient au Canada.

Ce qu'il nous manque aujourd'hui, c'est le financement; je ne connais aucune stratégie au sein de Patrimoine Canada qui vise à fournir des ressources financières pour la conception et la distribution du contenu canadien, la description des fonds d'archive. Par l'intermédiaire d'Industrie Canada, de programmes tels que CANARIE ET L'ICF, des fonds sont consacrés à la création de la technologie, mais si on n'investit pas dans le contenu aussi, où est-ce que cela nous mènera?

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci. Quelqu'un d'autre?

M. Harry Connors: Oui, je voulais répondre à la question.

Un des programmes que nous avons mis sur pied est le fonds d'innovation culturel. Ce programme de subvention vise essentiellement à permettre une certaine liberté aux artistes, dont les projets sont évalués à l'avance par des pairs, en leur donnant la possibilité d'acquérir des compétences dans le domaine des nouvelles technologies afin de pouvoir adapter leurs oeuvres aux nouveaux médias, etc. Je tiens à souligner qu'on s'intéresse davantage à la manière dont les artistes se servent des nouvelles technologies plutôt qu'à l'apport de la technologie au travail des artistes.

• 1555

Nous voulons que les artistes se sentent libres d'explorer les moyens de faire évoluer leurs disciplines particulières en se servant de ces nouveaux médias, et je suis d'accord avec ce qu'on vient de dire concernant la lacune que constitue le manque de formation disponible aux artistes et aux intervenants culturels pour leur permettre d'utiliser la technologie afin de créer les bases de données, etc, dont ils ont besoin.

Par exemple, nous avons travaillé en collaboration avec la MIA à utiliser la technologie de diffusion sur le Web pour leurs conférences, etc., et cette innovation a connu beaucoup de succès en permettant à de jeunes chansonniers dans diverses régions de la province de participer à un programme d'apprentissage commun.

Ce sont là des exemples de projets pertinents qui méritent d'être appuyés. J'enjoins le gouvernement à encourager le secteur privé, à travailler en collaboration avec le secteur privé afin de multiplier les possibilités de travailler avec les artistes et de fournir des subventions dans ce domaine.

Le vice-président (M. Inky Mark): D'accord. Est-ce que quelqu'un d'autre aimerait intervenir? Allez-y, monsieur Soper.

M. Keith Soper: Dans le domaine des nouveaux médias, il est très difficile d'être précis, puisqu'ils constituent à la fois une menace et une belle occasion pour les télédiffuseurs et les radiodiffuseurs, pratiquement tous les jours.

En essayant de composer avec les nouvelles technologies, nous devons être ouverts aux changements. Il faut consacrer des ressources à la création d'un nouveau cadre réglementaire souple qui permettra aux diffuseurs de s'adapter.

Il s'agit d'une révolution. Quant aux disques compacts, je pensais qu'ils venaient de sortir il y a quelques semaines à peine. Cela montre à quelle vitesse les choses évoluent. Vous avez tout à fait raison de dire qu'on va de plus télécharger ces oeuvres de l'Internet. Ce n'est pas le moment d'ouvrir un magasin de disques parce que tout est en train d'évoluer.

Du point de vue des diffuseurs, la réglementation peut parfois nous créer des obstacles sur le plan de la concurrence; je ne suis pas d'avis qu'il faudrait éliminer toute la réglementation dans le domaine, mais il faut assez de souplesse pour que nous puissions nous adapter presque instantanément, ce qui constitue un défi permanent. Il est très difficile d'être précis, puisque la situation change dans le temps de le dire.

En résumé, une réglementation souple ou moins rigide nous permettrait de nous adapter et d'adopter les nouveaux médias.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Nous avons abordé la deuxième question en parlant de la technologie, dans cette discussion lancée par Mme Tremblay. Je vous encouragerais à être moins structurés et à vous lancer dans la discussion. C'est une table ronde. Je sais que les comités fédéraux ne fonctionnent pas normalement comme cela quand ils viennent dans les régions. On ne peut pas tout simplement attendre qu'on nous offre les réponses.

Wendy.

Mme Wendy Lill: J'ai trouvé très intéressant les commentaires concernant l'importance des programmes tels que le Conseil des arts du Canada, FACTOR, le Programme d'aide aux musées, et le PAP. Je ne suis pas sûre que nous connaissions tous bien ces programmes. Je ne demande pas aux intervenants de nous en donner une description complète, mais j'aimerais savoir, par exemple, ce que le financement du Conseil des arts signifie pour les artistes de Terre-Neuve. Quel en est l'impact véritable?

Si l'un d'entre vous pouvait essayer de nous expliquer cela, cela nous permettrait peut-être de comprendre quels sont précisément les avantages d'une subvention du Conseil des arts pour cette province dont vous nous parlez avec éloquence et qui a un tel patrimoine culturel. En effet, l'environnement culturel est florissant et personne n'hésite à dire que cela est dû en partie au Conseil des arts, au soutien régulier du Conseil des arts. C'est bien joli de le dire, mais j'aimerais savoir comment cela fonctionne?

Le vice-président (M. Inky Mark): Allez-y, Pat.

Mme Patricia Grattan: Je peux peut-être commencer et vous donner le point de vue de la galerie d'art sur deux plans. Il y a bien sûr un élément particulièrement important, le fait que nous offrons des expositions au public. La majeure partie des oeuvres que nous exposons, la plupart des expositions que nous organisons nous-mêmes, ce sont des oeuvres de Terre-Neuve, très souvent produites par des artistes qui ont reçu des subventions du Conseil des arts pour leur permettre de travailler sur leurs oeuvres. Ces expositions sont financées en partie avec de l'argent du Conseil des arts, et d'autre part, nous publions des catalogues qui permettent à l'artiste d'étayer les oeuvres qu'il expose. En même temps, ce catalogue peut lui servir pour sa propre promotion, lorsqu'il essaie d'obtenir des expositions ailleurs.

• 1600

Ces dernières années, le Conseil des arts nous a permis, grâce à un financement supplémentaire, d'atteindre de nouveaux auditoires. Avec l'argent dont je dispose actuellement, je paye un éducateur à temps partiel et, toujours pour améliorer l'accès du public, je vais également payer un conservateur à temps partiel.

Cet argent, nous l'avons également utilisé pour envoyer les expositions de Terre-Neuve en tournée dans le reste du Canada et pour établir des programmes d'artistes dans les écoles et d'artistes résidents. Cela existe non seulement ici à Saint-Jean, mais également ailleurs dans la province. De notre côté, c'est le genre de chose que nous faisons.

Le vice-président (M. Inky Mark): Est-ce que quelqu'un d'autre voudrait répondre à Wendy?

Allez-y, madame Pratt.

Mme Mary Pratt: Je ne sais pas combien d'entre vous auront lu cet article de George Jonas. Il est daté du 13 février et a paru, je crois, dans le National Post. Dans une certaine mesure, il explique les problèmes posés par le Conseil des arts. Pratiquement dans tous les cas, je suis d'accord avec l'auteur. J'ai siégé au Conseil pendant six ans, et je peux vous assurer qu'en lisant ce terrible article—qui relève de l'extrême droite—je n'ai cessé de me répéter oui, oui, oui.

Toutefois, vous pouvez peut-être vous souvenir—et probablement que vous n'êtes pas nombreux à pouvoir le faire, mais je le peux, moi—ce que c'était que d'être un artiste au début des années 50. À l'époque, seul A.Y. Jackson réussissait à gagner sa vie comme peintre. Tous les autres devaient être enseignants, professeurs, ils avaient besoin de compter sur leur pension, etc., pour pouvoir peindre. Depuis que le Conseil des arts a commencé à offrir de l'argent aux artistes prometteurs, la situation s'est complètement renversée.

Cela dit, dans certains cas les moyens sont douteux, et à l'époque où j'en faisais partie, j'étais la première à critiquer le Conseil. Souvent, je me disais qu'on aurait aussi bien pu jeter les noms des artistes dans un chapeau et choisir les bénéficiaires des subventions, cela aurait été aussi utile. Ce n'est pas vrai pour certains établissements comme les galeries d'art, et même la danse et ce genre de chose qui, d'une certaine façon, sont des institutions. Par contre, j'ai souvent eu l'occasion de critiquer les subventions qu'on donnait à une personne.

Il n'y a pas de comparaison possible entre les années 40, qu'il s'agisse des réfrigérateurs et de ce genre de chose ou du climat artistique au Canada. Même si vous ne demandez jamais de subventions, et personnellement je n'en ai jamais demandé, c'est tout à fait enthousiasmant de voir tellement de gens essayer d'accomplir quelque chose et de se surpasser. Ils n'essaieraient même pas sans ce soutien du gouvernement et l'enthousiasme qui favorise leurs efforts.

Le Conseil des arts a fait une énorme, énorme différence. Je pense que nous devrions tous être très reconnaissants au Canada pour sa générosité.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Une dernière réponse après quoi nous allons passer à M. Power.

M. Hilary Montbourquette: Je voulais seulement noter que notre association représente 17 stations de radio du Nouveau-Brunswick, 22 en Nouvelle-Écosse, 4 à l'Île-du-Prince-Édouard et 17 ici, à Terre-Neuve. Nous savons que cette industrie joue un rôle crucial lorsqu'il s'agit d'exprimer l'identité culturelle des communautés que nous servons, en particulier dans notre région, et également, bien sûr, dans l'ensemble du pays.

Dans notre secteur nous savons également que les auditeurs de la radio et de la télévision ont de plus en plus de choix, ce qui accroît la concurrence d'autant. Les nouvelles technologies ont eu un impact sur les radiodiffuseurs qui doivent pouvoir offrir des programmes locaux de qualité, des programmes concurrentiels, pour se tailler une part du marché et la conserver.

Ainsi, nous faisons des efforts particuliers pour rester concurrentiels, mais nous voulons également nous acquitter de nos obligations culturelles. Nous savons à quel point il est nécessaire de traduire dans notre programmation notre identité culturelle, mais nous devons prendre garde de ne pas le faire aux dépens de considérations commerciales. Autrement dit, nous devons offrir des programmes de qualité, des programmes véritablement canadiens sans que cela ait un impact négatif sur nos bilans.

Notre association régionale est d'accord avec le mémoire et les recommandations présentées par l'Association canadienne des radiodiffuseurs à ce comité et au CRTC. Ce mémoire portait sur les stratégies pour la télévision, y compris un cadre réglementaire suffisamment souple et une politique et un soutien gouvernemental régulier.

• 1605

Mme Tremblay nous a demandé quelle était la technologie la plus importante pour la radio: il s'agit de la technologie audionumérique. Grâce à cette technologie, on espère rétablir les finances de notre secteur grâce à de nouvelles sources de revenus et de nouveaux services qui n'existaient pas dans le passé, comme les services de radio-messageries, les services aux voyageurs, les possibilités dans le domaine du commerce de détail, la possibilité de cibler certains quartiers d'une ville pour la publicité, etc. Nous espérons qu'Ottawa continuera à soutenir la technologie audionumérique et nous facilitera les choses lorsqu'il s'agit de diffuser nos signaux. À l'heure actuelle, ces services sont disponibles dans les grands marchés. L'inconvénient, c'est qu'il n'y a pas encore de production de masse des récepteurs audionumériques. Nous espérons qu'Ottawa aidera le secteur manufacturier à mettre ces appareils à la disposition des consommateurs pour que notre technologie puisse se généraliser.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Charlie.

M. Charlie Power: J'ai une question au sujet du financement culturel fédéral et provincial.

Est-ce que votre groupe est satisfait de la situation? Je suis toujours étonné de constater le nombre des organismes et des groupes qui existent dans n'importe quel secteur. Notre bureau reçoit souvent des requêtes de particuliers, de groupes et d'organismes, et on finit par s'y perdre un peu.

Je sais que le premier ministre de la province a annoncé récemment qu'il débloquait certains fonds pour l'industrie culturelle. Je pense que c'était pour le secteur des arts visuels, ou peut-être pour l'industrie cinématographique.

Est-ce que l'un d'entre vous peut me dire si la coordination entre les programmes du gouvernement fédéral et ceux des provinces est satisfaisante? Est-ce que l'argent est dépensé à bon escient, est-il bien réparti entre les différents organismes et groupes de Terre-Neuve? Est-ce que les régions urbaines et rurales se chamaillent continuellement dans la province? Est-ce qu'il y a un conflit entre les arts visuels et les arts de la scène? Avez-vous l'impression que l'argent disponible est dépensé à bon escient? Peut-être l'un d'entre vous pourra-t-il répondre.

Le vice-président (M. Inky Mark): Denis Parker.

M. Denis Parker: Je peux probablement vous donner une réponse. En ce qui concerne la question de Wendy, grâce à des programmes comme FACTOR dans le domaine de la musique, c'est l'ensemble du pays qu'on considère. C'est la même chose au Conseil des arts, comme Randy le disait, car en effet, l'important c'est que l'information atteigne la population. La MIA sert, entre autres, à communiquer ces informations à ses membres qui sont disséminés dans toute la province, à la fois sur l'île et au Labrador. Il y a de plus en plus de requêtes, de plus en plus de demandes acceptées pour différents programmes qui relèvent de FACTOR dans des domaines comme l'enregistrement, les tournées, les conférences, etc. Le système fonctionne bien. À mon avis, ce genre de soutien devrait être élargi. D'autre part, il importe de remettre en question les programmes régulièrement pour s'assurer qu'ils sont bien adaptés aux besoins des gens auxquels ils sont destinés.

Je ne peux pas vraiment parler au nom du Conseil des arts, mais comme Randy l'a dit tout à l'heure, il y a beaucoup de gens dans notre association qui n'ont aucune idée de ce que fait le Conseil des arts, qui ne savent pas ce que le Conseil finance. Les musiciens savent certainement que le Conseil finance des tournées dans le pays, certains types de musique lors de festivals, etc. Mais pour les autres, ils sont tout à fait dans le noir, à mon avis.

Le vice-président (M. Inky Mark): Madame Houlden.

Mme Penny Houlden: La plupart des programmes qui ont été mentionnés autour de cette table sont axés sur des secteurs culturels particuliers. De mon côté, je parle du Programme d'aide aux musées, Pat vous parle du Conseil des arts, etc. À mon avis, ces programmes donnent d'excellents résultats car ils sont à l'écoute des secteurs qu'ils servent.

Les programmes qui posent des problèmes sont à mon avis d'un autre type, ce sont les programmes qui sont critiques pour notre existence même, et en particulier les programmes d'emplois. Dans les zones rurales de Terre-Neuve, en particulier, ces programmes sont extrêmement importants. Quand on pense aux musées communautaires qui emploient des étudiants, entre autres, ces programmes-là, trop souvent, ne respectent pas des normes professionnelles.

Par conséquent, ces programmes ne facilitent pas forcément notre travail. En effet, un soutien supplémentaire est nécessaire pour pouvoir faire appel aux ressources professionnelles qui permettent de tirer le maximum de l'argent dépensé et de s'assurer que le produit final contribue à la viabilité à long terme des institutions qui les accueillent tout en servant la province.

• 1610

Par exemple, il est facile d'utiliser un programme d'emploi pour construire un nouveau musée, mais il est beaucoup plus difficile d'obtenir les ressources nécessaires pour embaucher un conservateur ou un concepteur professionnel d'exposition et de produire quelque chose de très valable, quelque chose qui soit utile à la fois à la communauté et à l'industrie touristique.

M. Charlie Power: Voulez-vous dire que lorsque nous, les politiciens autour de cette table, nous approuvons six étudiants pour le musée Heritage House à Mount Pearl, nous ferions mieux d'approuver quatre étudiants et un conservateur car celui-ci pourrait les encadrer et leur permettre de faire quelque chose de vraiment utile et important?

Mme Penny Houlden: C'est une excellente idée.

Le vice-président (M. Inky Mark): Allez-y.

M. Randy Follett: Si j'ai bien compris la question au sujet des programmes, il y aura toujours de la concurrence entre les différents secteurs chaque fois que des fonds seront disponibles. Mais en ce qui concerne cette province, s'il y a une chose sur laquelle tous les secteurs de Terre-Neuve sont d'accord—et je vous assure qu'il n'est pas facile de les mettre d'accord—c'est que le Conseil provincial des arts, que je représente, manque terriblement de fonds. Pour vous donner une idée, nous recevons moins de 500 000 $ par année pour faire notre travail, et pendant ce temps, le budget du ministère du Tourisme et de la Culture, à lui seul, est de l'ordre de 20 millions de dollars. Cela vous donne une idée des proportions.

Je n'ai qu'une chose à dire au sujet des programmes créés pour un secteur donné; si le gouvernement veut créer un programme, il doit également lui donner les moyens d'exister. En fait, il ne sert à rien de créer un programme et de lui donner des moyens tellement limités qu'il finit par s'effondrer sous son propre poids après avoir livré une dure lutte.

Le vice-président (M. Inky Mark): Je pense que le moment est venu d'inviter notre auditoire à participer, d'autant plus que nous en sommes à des questions provinciales. Si vous voulez vous lever et donner votre nom, je vous invite à le faire.

M. George Chalker (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup. Je m'appelle George Chalker, je suis le secrétaire exécutif de la Heritage Foundation of Newfoundland and Labrador. Nous sommes le seul organisme chargé par la province de préserver le patrimoine immobilier de la province. Shane O'Dea, le gouverneur de Patrimoine Canada responsable de Terre-Neuve et vice-président de cet organisme et George Courage, le président du Newfoundland Historic Trust, ainsi que Victoria Collins, présidente de la Heritage Foundation of Newfoundland and Labrador ont soumis un mémoire à votre comité.

Je regrette de ne pouvoir m'associer aux congratulations de mes confrères car le patrimoine architectural à Terre-Neuve n'a jamais bénéficié d'un programme destiné à le préserver. J'envie tous ceux qui se plaignent de manquer de fonds: nous n'en avons jamais eu. Je vous envie; vous avez de la chance. Malheureusement, les programmes du gouvernement fédéral ont eu jusqu'à présent un impact négatif sur le patrimoine immobilier de cette province. Il est très facile d'obtenir de l'argent pour rebâtir quelque chose qui a disparu depuis longtemps. Autrement dit, nous rebâtissons un immeuble disparu depuis longtemps. Pour cela, il est possible de trouver des fonds. Malheureusement, lorsqu'il s'agit du patrimoine architectural qui subsiste dans la province, il n'y a jamais d'argent disponible.

Il y a eu un programme axé sur le logement, puis il y a eu le PAREL. Notre organisation a pu constater que de tous les programmes financés par le fédéral, c'est celui-ci qui a été le plus néfaste pour la préservation du patrimoine architectural. On a utilisé cet argent pour construire des logements modernes dans d'anciens immeubles, mais sans tenir compte du patrimoine architectural. Autrement dit, les charmantes anciennes fenêtres ont été remplacées par de charmantes fenêtres à coulisses; les charmants revêtements de bois ont été remplacés par de charmants revêtements de vinyle. Tout, jusqu'au dernier petit détail architectural, a été remplacé. Malheureusement, dans notre secteur il n'y a pas eu de programme pour préserver le patrimoine architectural existant, ce témoin de notre passé.

Nous disposons de certains fonds, mais en fait, ce sont plutôt des programmes sociaux qu'on finance sous prétexte de préserver le patrimoine. Je suis tout à fait d'accord avec les programmes sociaux destinés aux régions rurales de Terre-Neuve et aux gens qui ont perdu leurs occupations traditionnelles. Mais aujourd'hui, lorsque nous utilisons ces programmes pour restaurer un immeuble ancien, c'est très dommage, mais les gens qui ont choisi cette profession, qu'il s'agisse d'archéologues diplômés par une université ou de menuisiers spécialisés dans les méthodes anciennes, ces gens-là qui ont la formation nécessaire ne peuvent pas profiter de ces programmes. Ils ne le peuvent pas car les programmes ne sont pas destinés à tel secteur de la main-d'oeuvre, à telle région, et parce que ces spécialistes n'ont pas perdu un emploi ailleurs. Malheureusement, ils n'ont jamais la possibilité de faire ce travail. D'autre part, comme ils n'ont pas été au chômage, ils ne remplissent pas les conditions de l'assurance-emploi et ne peuvent pas s'inscrire à ce programme.

• 1615

Malheureusement, dans notre secteur nous avons des professionnels... certains prétendent que le patrimoine n'est pas une profession; je ne suis pas de cet avis. Il suffit de regarder les travaux de restauration de l'église St-Georges qui sont en cours à Halifax. C'est un travail pour lequel on doit faire appel à d'innombrables spécialistes.

Je le répète, chaque fois qu'on a offert des programmes au secteur culturel de Terre-Neuve, c'est la communauté des arts, la communauté des musées, les archives qui en ont profité. Tout récemment encore, l'accord de coopération... je ne dirai pas qu'on nous en a écartés, mais nous n'y avons jamais figuré. Nous n'en avons pas fait partie.

Ce que j'aimerais, c'est que le gouvernement fédéral, non seulement coopère avec notre province dans le secteur particulier du patrimoine architectural, mais également reconsidère le financement de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada. On n'a pas prévu d'argent pour cet organisme. Quand il s'agit du patrimoine architectural du Canada ou de Terre-Neuve, il n'y a rien d'équivalent au Conseil des arts. Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

J'invite maintenant les autres membres de l'auditoire à faire des observations ou à poser des questions.

M. Paul Bowdring (témoignage à titre personnel): Je m'appelle Paul Bowdring, et je suis président de la Writers' Alliance of Newfoundland.

J'aimerais d'abord souligner le grand nombre de représentants du milieu des affaires et des institutions et la quasi-absence d'artistes actifs à l'exception de Mary Pratt, du moins sur la liste originale d'invités.

Quant à la question de Wendy Lill, à savoir ce que le Conseil des arts du Canada apporte à Terre-Neuve et aux artistes en général, eh bien, étant donné la composition de la table ronde, nous n'avons pas réellement trouvé de réponses à cette question du moins pas chez les artistes actifs. En ma qualité d'auteur de deux romans publiés, j'aimerais y proposer la réponse que m'inspire ma propre expérience.

D'abord, je dois dire qu'en règle générale il est pratiquement impossible pour un écrivain du survivre au Canada avec les seules redevances que lui rapportent ses livres, si bien que le Conseil des arts du Canada joue un rôle extrêmement important dans la vie des écrivains. La dernière fois que j'ai été membre d'un jury du Conseil des arts du Canada, et la seule fois, nous avons accordé 15 subventions sur un total, il me semble, de 105 demandes. C'est la norme. À cette époque-là, il y avait deux sessions pour l'octroi de subventions, l'une au printemps l'autre à l'automne. Pour tout juste un peu plus de 100 demandes, 15 subventions ont été accordées.

À l'époque comme aujourd'hui il y a très peu d'argent pour l'octroi de subventions à des artistes, à des écrivains qui exercent leur métier. Je songe en particulier aux écrivains. Ainsi, le Conseil des arts du Canada joue un rôle extrêmement important. Il faudrait augmenter son budget.

• 1620

Par exemple, le Programme du droit du prêt public, administré actuellement par le Conseil des arts du Canada, est un programme étonnant. D'ailleurs, j'ai reçu plus de revenus du Programme du droit du prêt public que je n'en ai tiré des redevances directes de mes livres.

L'appui du Conseil des arts du Canada à nos éditeurs est extrêmement important. Je me demande pourquoi aucun éditeur ne participe aujourd'hui à cette table ronde. Certains parmi vous savent peut-être que le programme provincial d'aide aux éditeurs a été éliminé à Terre-Neuve. Ils ne reçoivent plus aucune aide et cela depuis deux ans ou deux ans et demi. Il faudrait augmenter l'aide fédérale accordée aux éditeurs par l'entremise du Conseil des arts du Canada.

Les écrivains de Terre-Neuve et de tout le Canada sont très inquiets du phénomène de la monopolisation de la culture canadienne. Les grandes chaînes de librairie comme Chapters s'accaparent le secteur de la vente de livres au détail au Canada. Ce n'est pas une bonne nouvelle pour les écrivains. Plus il y a au Canada de libraires indépendants, mieux c'est pour les écrivains canadiens car ils sont plus enclins à avoir en stock les titres publiés par les petites maisons d'édition. Si 60 p. 100 du marché du livre au détail est contrôlé par un seul éditeur et qu'il décide de ne pas garder en stock l'ouvrage d'un écrivain donné, c'est tant pis pour ce dernier.

À mon avis, la diversification sert beaucoup mieux l'intérêt des écrivains canadiens. Cela vaut également pour le secteur de l'édition. Les récentes acquisitions de maisons d'édition canadiennes par des éditeurs étrangers sont aussi une bien mauvaise nouvelle pour les écrivains canadiens. Plus il y a de maisons d'édition au Canada mieux c'est pour les auteurs canadiens parce qu'ils sont plus enclins à publier les ouvrages de nouveaux auteurs. Les grandes maisons d'édition commerciales s'intéressent surtout aux livres grand public qui rapportent gros. Les écrivains de cette province et de tout le Canada sont très inquiets de la monopolisation du secteur du livre, du secteur de l'édition, du secteur de la vente au détail de livres, etc.

J'aimerais avancer un autre argument qui ne concerne pas mon propre métier, celui d'écrivain. Si les membres du comité ont eu l'occasion de lire notre seul quotidien, The Evening Telegram, hier ou aujourd'hui, ils ont peut-être noté s'ils ont consulté la liste des films montrés à Saint-Jean ces jours-ci que les 13 films à l'affiche sont tous américains. Aucun n'est canadien, du moins c'était le cas quand j'ai consulté la liste aujourd'hui.

Quelque chose ne va pas du tout quand un Canadien ne peut pas voir un film canadien dans son propre pays. Quelque chose ne va pas et je ne comprends pas pourquoi le gouvernement canadien ne peut pas jouer son rôle et réglementer le contenu canadien dans les films et dans les librairies. Si la formule a si bien réussi au secteur de la musique, pourquoi ne pas l'appliquer au secteur de l'édition et à celui du film? Pourquoi le gouvernement ne réglemente-t-il pas tout cela comme il le devrait? Pourquoi tremblons-nous devant les Américains?

Il y a beaucoup d'autres choses que j'aimerais dire mais je vais m'arrêter ici. Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci de vos commentaires. Je vais demander à Norm de répondre à votre question et de vous expliquer pourquoi vous n'avez pas été invité.

Vous n'avez pas été invité parce qu'il appartenait aux participants de nous faire savoir qu'ils souhaitaient comparaître. Pour ma part, j'aimerais savoir comment ils l'ont appris.

M. Bruce Porter: J'aimerais répondre. J'ai trouvé que l'organisation était assez confuse. Je ne savais pas qu'il y aurait des audiences. J'ai répondu à l'invitation il y a deux ou trois semaines. Ensuite, j'ai appris que tout était annulé. Ensuite j'ai su que les audiences auraient lieu. Je ne savais pas que ce serait une table ronde.

• 1625

Je suis d'accord avec Paul lorsqu'il dit que certaines absences sont remarquables. Elles ne sont pas dues à un manque d'intérêt; je crois qu'il y a eu un problème de communications.

Le vice-président (M. Inky Mark): Norm va vous répondre.

Le greffier: Merci, monsieur le président.

Je ne m'occupe que de la procédure et de l'organisation de cette table ronde mais je crois devoir préciser que nous, les personnes qui ont organisé cette rencontre, avons envoyé plusieurs communiqués à une dizaine d'organisations dont la *Conference of the Arts*, le Conseil des arts du Canada, Patrimoine Canada, Téléfilm Canada, l'Office national du film et Communication CNW Inc. Nous croyons donc avoir rejoint une forte proportion des intéressés. Il y a plus de 250 organisations ou groupes dans tout le pays, 50 étant à Montréal, une quarantaine à Toronto et 30 à Halifax. Il y a donc beaucoup de recoupements.

Par ailleurs, nous n'avons choisi personne. Tous ceux qui ont répondu par écrit ont été ajoutés à la liste. Nous avons communiqué par téléphone ou par télécopieur avec tous les intéressés. J'admets qu'il y a beaucoup de télécopies en circulation, mais elles ne venaient pas de nous; malheureusement, ces communications provenaient de gens qui voulaient se rendre utile en précisant qu'ils avaient annulé et qu'ils n'avaient pas annulé. Nous n'avons jamais fait cela. C'est bien malheureux, mais c'était indépendant de notre volonté.

Nous n'étions pas certains de pouvoir nous rendre à St. John's mais, comme je l'ai dit, nous n'avons jamais adressé de communiqués disant que la visite à St. John's était annulée. Il se peut que certaines organisations aient envoyé de telles informations à leurs membres en pensant nous rendre service. Quand on organise une table ronde comme celle-ci, peu importe l'ordre du jour, il est malheureusement impossible de rejoindre tous ceux que la chose pourrait intéresser. Autrement, ça coûterait des sommes énormes.

Merci, monsieur le président.

M. Hilary Montbourquette: J'aimerais faire un commentaire sur la réglementation du contenu des films et des librairies—M. Parker pourrait peut-être faire un commentaire plus précis pour le secteur de la musique—mais si le secteur de la musique a profité des ventes à la radio, il est important de noter que si le contenu canadien l'an dernier atteignait de 30 p. 100, en fait 11 à 14 p. 100 des ventes étaient des titres canadiens. Si l'on retranche les ventes des disques de Céline Dion, Shania Twain et Alanis Morissette, cela tombe à 7 p. 100 de toutes les ventes au Canada. Ainsi, la réglementation n'entraîne pas nécessairement une augmentation des recettes.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Vous pourriez peut-être poursuivre la discussion sur les commentaires des deux intervenants de l'auditoire.

M. Bruce Porter: Me permettez-vous de réagir brièvement au dernier commentaire?

Le vice-président (M. Inky Mark): Absolument, allez-y Bruce.

M. Bruce Porter: Je pense que M. Bowdring voulait parler de l'effet sur la culture plutôt que sur les recettes de la possibilité pour les Canadiens de voir des films canadiens.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Y a-t-il d'autres invités qui veulent commenter? Pauvre Joe attend depuis une heure qu'on lui donne la parole.

M. Joe Jordan: Comme je suis le seul représentant du gouvernement, j'apprécie réellement les deux dernières interventions parce que si j'ai bien compris, l'infrastructure, les institutions et les plus politiques culturelles sont bonnes; le problème c'est le gâteau à partager est trop petit. Je ne sais pas si c'est le message que vous voulez que je transmette au caucus libéral.

Je m'intéresse plus particulièrement à quelques points qui m'apparaissent particulièrement importants. Vous me reprendrez si je me trompe, mais étant donné les réalités budgétaires du début de la décennie, le secteur des arts et les industries culturelles au Canada ont vu le robinet se refermer petit à petit. Les créateurs de produits culturels ont dû se transformer en organisateurs de campagnes de financement jusqu'à ce que l'on voit apparaître des rivalités entre organisations. J'aurais tendance à le déplorer puisque nous dotons ces organisations de capacités que nous n'aurions pas souhaitées.

J'aimerais poser quelques questions qui m'apparaissent fondamentales. Il me semble que les solutions sont plus évidentes si nous nous entendons sur la nature du problème. Le problème au Canada—les contribuables téléphonent à leurs députés quand quelque chose leur déplaît—est-il dû au fait que les Canadiens attachent peu de prix à la culture? Est-ce là l'un des problèmes? Tentons-nous d'imposer la culture à des gens qui n'en veulent pas ou qui ne l'apprécient pas à sa juste valeur? Notre stratégie pour l'avenir dépend de la réponse à cette question. Devons-nous lancer une campagne de sensibilisation à la valeur de la culture, après quoi les crédits et les programmes suivront, ou tentons-nous de mettre en place l'infrastructure d'abord dans l'espoir que, par osmose, les Canadiens en viennent à décider que c'est une bonne chose? Pour moi, cela doit être notre point de départ.

• 1630

Le vice-président (M. Inky Mark): Cela nous amène à notre dernière question à laquelle nous allons consacrer les 35 ou 40 prochaines minutes, mais c'est la question principale. Elle concerne la culture canadienne. Qu'est-ce que c'est et que doit être le rôle du gouvernement fédéral...

M. Joe Jordan: Monsieur le président, j'aimerais faire un dernier commentaire. Si les gens ont l'impression de n'avoir pas pu participer pleinement à la discussion, ils pourraient peut-être faire parvenir au comité leurs réponses écrites aux questions. Quand on songe au nombre d'exposés qu'entendra le comité, je pense que chacun pourra au bout du compte faire valoir ses arguments. J'aimerais revenir aux deux intervenants de l'auditoire. C'était deux interventions très importantes à mon avis et ce serait bien qu'elles soient consignées d'une façon ou d'une autre.

Le vice-président (M. Inky Mark): Nous allons certainement continuer d'accueillir les interventions de l'auditoire dans le cadre de la discussion de cette importante question: qu'est-ce la culture canadienne? Découvrir ce qu'est la culture canadienne, voilà la principale raison de notre séjour à St. John's.

Madame.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Monsieur le président, je pense qu'on commence à toucher la question qui concerne notre comité au premier chef, au motif même de ce voyage.

Vous vous rappelez que, dès le début, nous avons demandé à rencontrer le plus possible les gens ordinaires, des Canadiens et des Canadiennes ordinaires, pour échanger sur la culture canadienne. Au début des audiences du comité, nous avons reçu un témoin qui avait fait une recherche pour demander aux jeunes comment ils définissaient la culture canadienne. Ils avaient été incapables de le faire. Ils définissaient la culture canadienne par une sorte de proposition réciproque ou inverse, à savoir qu'ils étaient Canadiens puisqu'ils n'étaient pas Américains. C'était à peu près tout. Je caricature, mais à peine.

Vous savez que la culture est ce qui nous définit, ce qui dit ce que nous sommes. C'est pourquoi, au Québec, on accorde beaucoup d'importance à la culture et on ne veut pas que le gouvernement fédéral envahisse ce domaine plus qu'il ne le faut.

Il peut conclure des ententes avec les provinces pour que ces dernières puissent dépenser l'argent comme elles l'entendent. Il existe des organismes, comme Téléfilm Canada, qui ont des critères objectifs. Les gens peuvent participer à des concours pour obtenir des fonds pour faire des films. Ils feront les films qu'ils veulent, de telle sorte qu'il existe un cinéma québécois et un cinéma canadien et qu'il existe du théâtre québécois et du théâtre canadien.

Monsieur, qui est écrivain, a soulevé une question extrêmement importante. Nous, de l'opposition, avons appuyé le gouvernement dans sa démarche du projet de loi C-55 parce qu'on en a ras le bol du bulldozing américain, pour parler clairement.

Si on ne peut pas voir de films canadiens dans une salle de cinéma à Terre-Neuve, c'est parce que ce sont les Américains qui mènent dans le domaine du cinéma ici. Ce n'est pas nous qui menons, mais eux. Ce sont eux qui distribuent les films, même ceux qu'on produit, etc. Ils contrôlent à peu près 95 p. 100 de cette industrie.

Il faut qu'on puisse arriver à la contrôler davantage. À une certaine époque, le Canada a laissé aller les choses par rapport à la culture. On n'avait pas de ministère du Patrimoine canadien et, à une époque, on voyait sans doute la culture comme un simple divertissement ou comme de l'entertainment, comme les Américains. Cependant, quand on se rend compte qu'on est menacés au point où on l'est, on commence à réagir.

J'en suis à mon quatrième voyage à Terre-Neuve. J'ai même passé un mois ici en vacances, en 1996, pour découvrir Terre-Neuve; je l'ai visitée d'une côte à l'autre; je suis même allée jusqu'au Labrador. J'ai beaucoup apprécié mon séjour ici. J'ai rencontré beaucoup de gens, et plusieurs m'ont dit qu'ils comprenaient un peu que les Québécois se sentent tels, car eux se sentaient plus Terre-Neuviens que Canadiens, ou d'abord Terre-Neuviens.

Donc, si vous demandez beaucoup d'argent au Canada, si vous faites en sorte que le Canada mette de plus en plus d'argent chez vous, ne craignez-vous pas qu'il veuille tout contrôler et que vous perdiez votre culture et vos racines terre-neuviennes? Ne craignez-vous pas de devenir quelque chose qui se définisse a contrario, à savoir que vous êtes de culture canadienne parce que vous n'êtes pas Américains?

• 1635

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Pour faire suite aux commentaires de Mme Tremblay, je répète la question: que doit faire le gouvernement fédéral pour soutenir la culture canadienne? C'est la dernière partie de la question 5: le gouvernement fédéral devrait-il jouer les rôles suivants, ou d'autres, et si tel est le cas, comment devrait-il les jouer: législateur, instance de réglementation, propriétaire et exploitant d'institutions nationales, partenaire de financement, mécène pour les arts, promoteur d'entreprises? Voilà le genre de réponse que nous cherchons.

Mme Shelley Smith: On a beaucoup parlé des technologies, des défis et des possibilités qu'elles offrent, et j'estime qu'en ma qualité d'administratrice d'une archive publique, chargée de préserver la mémoire collective du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, ainsi que les documents du secteur privé, des documents personnels et des dossiers d'entreprises, y compris les médias, j'estime que notre défi sera de préserver ce que nous décidons d'inclure dans notre définition de la culture.

Nous, les archivistes, avons toujours eu pour défi de régler la température et l'humidité de nos installations pour préserver les archives et toutes ces choses que Mary apprendra à connaître dans son comité. Mais les nouvelles technologies viennent ajouter à tout cela une nouvelle discussion, un nouveau défi, à savoir de faire encore un peu plus avec des ressources déjà trop limitées. Ce défi implique aussi de préserver ces nouvelles technologies car de plus en plus, les documents d'archives se présentent sous forme électronique et cette dernière est en constante évolution. Comme vous dites, le disque compact a changé. Nous nous souvenons tous des disquettes d'ordinateur souples de cinq pouces et quart, mais combien d'entre nous pourrions les lire avec nos ordinateurs d'aujourd'hui? Voilà le genre de problèmes que doit surmonter l'archiviste.

En outre, et cela se rattache aux commentaires au sujet de l'imitative CAIN, c'est que l'Internet offre aux archivistes la possibilité et le défi de la diffusion du riche patrimoine documentaire qui est le nôtre. Il y a dans les archives de nombreux documents et disques qui, étant donné l'état de la technologie actuelle, ne peuvent pas être numérisés ou convertis en format électronique.

Par exemple, nous avons ici dans les archives provinciales des dossiers de tribunaux manuscrits qui remontent aux années 1750. Pour l'instant, nous n'avons aucun moyen de rendre ces documents aisément accessibles au public grâce à l'Internet. Ainsi, il ne suffit pas de dire que nous allons numériser tous les documents des archives pour qu'ils soient facilement accessibles à tous. Cela exige énormément de travail. En tant qu'administratrice d'archives, je dois chercher le juste équilibre entre les demandes d'un groupe d'utilisateurs de plus en plus sophistiqués et la nécessité de préserver les archives tout en tenant compte des coûts de préservation des documents et des oeuvres créées au moyen des nouvelles technologies. Il faut donc faire la part des choses.

Comme il y a ici beaucoup de représentants du secteur de la radio et de la télédiffusion, j'aimerais faire un autre commentaire. Le patrimoine audio-visuel de notre pays est particulièrement menacé parce que le médium sur lequel il est préservé est encore plus instable.

Si vous me le permettez, j'aimerais pendant quelques instants vous citer un extrait tiré du rapport du groupe de travail fédéral sur le patrimoine audiovisuel qui publiait en 1995 un document intitulé Fading Away. Dans ce document, on peut lire:

    Les oeuvres audio-visuelles sont parmi les éléments les plus menacés du patrimoine culturel canadien. Notre société dépend de plus en plus des enregistrements sonores et vidéo et des bandes cinématographiques comme support d'enregistrement pour les affaires publiques, l'éducation, les loisirs, la publicité, l'expression artistique et comme trace de notre quotidien. Or, malgré l'arrivée relativement récente de ces médias et leur prévalence, nos systèmes de conservation et d'accès sont déjà en crise. Nous avons déjà perdu pour toujours certaines traces de notre patrimoine audio-visuel et peu des enregistrements d'aujourd'hui ont ne serait-ce qu'une mince chance de survivre et d'être accessibles aux futures générations.

Les oeuvres audio-visuelles, sont particulièrement instables étant donné la nature du support. Cela inquiète les archivistes et les producteurs, la SRC et les autres intervenants de tout le pays, particulièrement dans cette province. Quant au rôle que peut jouer le gouvernement pour soutenir et préserver la culture, rappelons qu'une bonne part de nos archives sont menacées.

• 1640

Le vice-président (M. Inky Mark): Mme McDonald de l'Office national du film a communiqué ce même message au comité.

Voulez-vous intervenir de nouveau? Allez-y.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Je demanderais à madame si elle peut donner au comité ou au greffier une référence précise de la citation qu'elle a faite. Autrement, on risque de devoir courir après pour savoir où elle l'a prise, etc. Donc, il serait important qu'on sache exactement où vous l'avez prise parce qu'on en a perdu un grand bout, malheureusement.

Je voudrais poser ma question autrement. J'aimerais d'abord savoir si on est d'accord sur l'affirmation suivante. Dans le domaine des arts, il y a, me semble-t-il, quatre étapes importantes. Il y a l'étape de la création, l'étape de la production, l'étape de la promotion, puis celle de la diffusion. Je les répète: création, production, promotion et diffusion.

Bien sûr, la création appartient aux créateurs, mais quel rôle le gouvernement fédéral peut-il jouer à chacune de ces quatre étapes? Croyez-vous qu'on devrait donner de l'argent directement aux créateurs, ou que plus d'argent devrait être consacré à la promotion? Tout l'argent qu'on dépense pour le cinéma n'atteint même pas le budget consacré à la promotion d'un film américain. Dans le cas du dernier film américain produit cette année, on a dépensé 200 millions de dollars seulement pour la promotion. Au Canada, 200 millions de dollars, c'est tout le budget qu'on attribue au Fonds de câblodistribution en une année. On ne fonctionne pas du tout à la même échelle. Où devrait-on mettre l'argent? Comment doit-on vous aider? Comment fonctionner? J'aimerais avoir des réponses concrètes à ces questions. Cela me semble extrêmement important en ce qui a trait au travail que l'on fait et au rapport qu'on a à produire.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Monsieur Connors, allez-y.

M. Harry Connors: Je voulais revenir à la question simple et directe que posait Joe, à savoir: les Canadiens s'intéressent-ils à la culture? Nous nous intéressons aux arts depuis trois ou quatre ans. C'est un domaine qui nous intéresse depuis longtemps mais depuis trois ou quatre ans, nous avons investi environ 1 million de dollars tous les 18 mois environ. Et nos clients, si nous pouvons les appeler ainsi, montrent leur appui en faisant affaire avec nous. Ils ne se content pas d'apprécier la culture, ils en redemandent.

Dans les sondages d'opinions que nous réalisons, nous constatons que nos clients apprécient énormément l'aide financière que nous apportons aux arts. Ils croient que les arts et la culture méritent notre soutien et que les voix locales doivent se faire entendre. La réaction est assez vive. Elle est très forte. Je ne crois pas exagérer. Cette réaction est très forte et elle se démarque des autres résultats de sondage d'opinions dont on fait état dans les journaux nationaux à l'heure actuelle. Ce n'est pas le genre d'opinions qu'on a l'habitude de lire.

Je crois que les Canadiens moyens ressentent énormément de fierté et un grand plaisir lorsqu'ils voient que les artistes locaux réussissent à se faire connaître. Quant à notre entreprise, elle y trouve son compte. Nous ne nous en cachons pas. Ce qui est intéressant c'est de voir que les citoyens moyens manifestent leur appui en faisant affaire avec nous et ils nous disent que le gouvernement doit lui aussi soutenir la culture.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Joe, voulez-vous y aller?

M. Joe Jordan: Je voudrais parler de deux choses. Ça a un peu à voir avec la technologie. Il y aune raison pour laquelle je vous ai posé ma première question; je me demandais si Internet n'est pas ce qui nous met tous sur le même pied, puisque ceux qui ont le service et qui ont accès chez eux à la largeur de bande suffisante peuvent avoir accès à presque n'importe quel produit culturel sans passer par les canaux de distribution actuels, qui privilégient actuellement les films américains puisque ce sont les Américains qui possèdent le réseau. Mais si l'Internet va faire du marché canadien le marché le plus démocratique au monde, est-ce que les Canadiens vont être attirés par leurs propres produits? Est-on suffisamment convaincus de la valeur du produit qu'on va choisir le film canadien Going Down the Road sur Internet plutôt que Titanic? En sommes-nous convaincus ou s'agit-il là de quelque chose à examiner?

• 1645

M. Harry Connors: Monsieur le vice-président, pour moi, l'artiste ou le travailleur culturel possèdent des talents à long terme et de plus haut calibre. C'est semblable au cas du travailleur médical ou de l'éducateur lorsque l'on parle de médecine ou de l'enseignement à distance. Il faut un peu se méfier de soi-même parce qu'on a tendance à laisser la crainte de la technologie s'emparer de nous. La technologie va continuer d'évoluer et à tout remettre en question. Il y a des talents à long terme, sur le plan de la création, comme Mme Tremblay l'a dit avec beaucoup d'éloquence, pour promouvoir la culture, qui ont plus à voir avec notre valeur comme société... Ces technologies sont des applications, et je pense que les artistes, les travailleurs culturels, les institutions et les organismes ont besoin d'aide et d'assistance du secteur privé et du secteur public pour développer ce genre de talents. Je pense que les talents de haut niveau et à long terme appartiennent aux artistes et aux travailleurs culturels, et je pense qu'il faut y accorder du prix.

Le vice-président (M. Inky Mark): Mary Pratt?

Mme Mary Pratt: Il y a quelque chose d'important lorsque l'on parle de la culture du Canada, l'essence même du Canada, que, je crois, les législateurs et les élus ont parfois du mal à comprendre. C'est que le Canada offre une sorte de libéralisme généreux que notre voisin du sud ne comprend pas vraiment. Je pense que comme Canadiens nous avons l'obligation de conserver ce libéralisme. Pas que je sois une libérale, je suis une conservatrice.

Par exemple, je parle du fait que nous tenons à un système de santé universel, à Radio-Canada et au Conseil des arts. Les Américains, malgré PBS que nous adorons, passent en fait des émissions anglaises. Ce sont les émissions que nous regardons à PBS. Ils ne produisent pas grand-chose de bon. CBC produit de bonnes choses, en collaboration avec d'autres ou pas.

Comme pays, nous avons le devoir d'être fiers de notre libéralisme et de notre générosité.

Quand arrive l'époque des vacances je vois nos législateurs se précipiter vers la Floride, je n'en reviens pas. Pourquoi ne vont-ils pas au Yukon? Pourquoi ne viennent-ils pas à Terre-Neuve? Pourquoi vont-ils en Floride? Je ne comprends pas. Pourquoi les législateurs ne sont-ils pas aussi fiers du Canada que la communauté culturelle l'est? À quoi ça rime? Je ne comprends.

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Voulez-vous répondre à la question?

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Non. Je veux seulement dire que ce ne sont pas tous les législateurs qui vont en Floride.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Oui, quelques-uns.

Mme Anne Manuel: Je m'excuse. Cela va peut-être prendre un peu de temps parce que chaque fois que quelqu'un intervient, je veux ajouter quelque chose.

Beaucoup de choses très importantes viennent d'être soulevées. Qu'est-ce que le gouvernement doit faire? L'une des principales choses que je dégage de ceci, pour ma part en tout cas, c'est qu'il faut que le gouvernement revoie ses programmes de financement. Nous ne disons pas que les fonds sont insuffisants. On dira toujours qu'il y en a trop peu—mais il faut examiner la façon dont les fonds sont offerts. Si l'État subventionne un programme comme le MAPL, il faut s'assurer que des chansons comme le thème de Céline Dion dans Titanic est bien considéré comme une chanson canadienne. Cela protège notre culture.

• 1650

Si vous employez des gens dans un musée, vous vous assurez qu'ils qui sont capables d'effectuer le travail, que ce sont les bonnes personnes pour l'emploi, pas seulement quelqu'un qui ne coûte pas trop cher vu les fonds que le gouvernement a affectés à ce poste. Il faut examiner les choses comme les immeubles patrimoniaux et s'assurer qu'il y a un programme qui permet de mettre en valeur les immeubles patrimoniaux—c'est un programme pour Patrimoine Canada—qui permet de protéger les immeubles que nous avons.

Est-ce que le gouvernement peut donner un coup de main? Je pense que oui. Je pense que c'est une des principales choses que je tire de ceci, en tout cas. Il faut que le gouvernement examine tout ça, chaque source de financement. Qu'il passe cela au peigne fin. Assurez-vous que c'est quelque chose qui profite à ceux que vous essayez d'aider.

Pour ce qui est du financement de la culture, la question de Suzanne, je suis convaincu qu'il doit y avoir de l'aide régionale, mais il faut aussi de l'aide fédérale, comme le projet de loi C-55. Je ne sais pas si tout le monde est au courant. Le projet de loi C-55 porte le nom de Loi sur les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers. Son but, si tout marche comme prévu, c'est d'interdire les magazines à tirage dédoublé. Il y a actuellement des magazines comme Sports Illustrated qui viennent des États-Unis, qui ont des plages publicitaires toutes faites et qui, lorsque le magazine arrive au Canada, se contente de communiquer avec un annonceur pour lui offrir une demi-page de publicité dans laquelle ils glissent une annonce canadienne. L'auteur de l'article a déjà été payé. Le rédacteur en chef, le correcteur et le photographe aussi, qui ont fignolé le produit. C'est déjà tout fait et tout payé. Ils communiquent ensuite avec un annonceur canadien pour insérer une annonce canadienne et faire penser aux lecteurs canadiens qu'il s'agit d'un magazine canadien. Ils trichent et cela n'aide pas la culture au pays.

C'est pour ce genre de choses qu'il faut désespérément l'aide du gouvernement fédéral. Il faut que le gouvernement fédéral intervienne et dise qu'il nous faut une loi sur les services publicitaires fournis par des éditeurs étrangers. Ça, je suis tout à fait pour.

Dire que les Canadiens ne soutiennent pas la culture m'a rappelé quelque chose que la presse canadienne vient de faire. Pendant des années, la règle à l'agence était d'adopter l'orthographe américaine: color au lieu de colour, en anglais. Ça n'a l'air de rien. N'empêche que cette année elle a changé d'avis. Elle est revenue à l'orthographe canadienne. C'est quelque chose de national, même si c'est d'application locale. C'est ce que fait le Newfoundland Herald depuis des années. Il y a beaucoup d'autres petites publications qui ne reçoivent pas d'aide des gros canons. Elles agissent ainsi depuis des années parce que c'est canadien et parce que c'est Terre-Neuve.

Pour répondre à la question de Joe, est-ce que les Canadiens se préoccupent de la culture sur le plan financier, il y a beaucoup de gens qui ne s'en préoccupent pas. Il y a beaucoup de gens, comme Hilary l'a dit... D'après les statistiques, si on enlève les Alanis Morissette et les Céline Dion, il n'y a pas beaucoup de bonne musique canadienne.

Beaucoup de cela tient à nous-mêmes. On ne les encourage pas. Quand vous rentrerez chez vous, vérifiez votre armoire à vidéos pour voir combien de films canadiens vous avez. Combien de CD canadiens avez-vous dans votre armoire à CD à la maison? Avez-vous le lauréat du prix Juno ou du Grammy? Cela vous donnera une assez bonne idée.

Mais dire qu'on n'encourage pas la culture canadienne, c'est faux. C'est absolument et complètement faux.

Les oeuvres d'art comme celles de Mary Pratt se retrouvent aussi facilement dans des foyers américains que dans des foyers canadiens. Les Canadiens l'adorent, mais c'est aussi un cas de réussite nationale et internationale. La musique comme celle de Great Big Sea... J'ai des amis et des parents qui vivent aux États-Unis qui me supplient de leur envoyer des CD de Great Big Sea. Des livres comme Noeuds et dénouement—il paraît que c'est John Travolta qui va jouer dans l'adaptation au cinéma. Si ça plaît à une vedette internationale comme John Travolta, il faut que ce soit un sacré bon livre, non?

Eh bien il y a un tas d'autres livres vraiment excellents ici. Celui de Paul Bowdring? Un vrai bon livre. Il y en a beaucoup ici et il faut les encourager davantage.

Il faut examiner la question du financement. Il faut que les gouvernements examinent ce qu'ils nous donnent—pas nécessairement à nous autres, mais à nous tous. Regardez tout; vérifiez. Voyez s'il n'y a pas quelque chose comme un code des immeubles patrimoniaux qui ne marche pas. Vous êtes en train de gâcher des immeubles patrimoniaux alors que vous pourriez les améliorer.

• 1655

Aidez les radiodiffuseurs et les éditeurs privés et tous ceux qui essaient d'encourager la culture locale—à l'échelle locale et nationale—je pense que vous aurez le bon dosage.

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci de vos observations. Bruce.

M. Bruce Porter: Je voudrais faire une observation de nature générale en réponse à la question de Joe. C'est une question très épineuse. Je vais peut-être y réfléchir un peu plus et vous envoyer une réponse par écrit parce que je pense que c'est capital.

Pour moi, le Canada n'existera pas si le gouvernement fédéral ne continue pas au moins d'accorder son appui à tout ce que vous avez énuméré ici. Une des principales raisons à cela—et je parle ici surtout du Canada anglophone—c'est parce que nous sommes la souris à côté de l'éléphant. Ce n'est pas que nous redoutons la concurrence en général; nous soutenons la concurrence si les chances sont égales. Mais lorsque la population et les ressources sont à ce point disproportionnées, nous ne sommes plus sur un pied d'égalité et il faut faire un peu pencher la balance si l'on veut une authentique concurrence. Dans certains secteurs, il n'y a pas concurrence. On n'exporte pas de magazines—les États-Unis sont le seul pays au monde. On partage d'ordinaire ces choses entre nous.

En ce qui concerne la mondialisation, ce n'est pas tant la mondialisation que l'américanisation. Ils n'ont pas de ministère de la Culture. Ils refusent l'idée. Certains de mes meilleurs amis sont des Américains, comme on dit, mais la réalité c'est que dans leur vision du monde, ils sont ce qu'il y a de mieux depuis que le bon Dieu a créé la planète. Ils disent: «qu'est-ce que vous voulez dire par culture? Il n'y a que nous.» Ils sont déterminés, coûte que coûte, à promouvoir cette idée autour du monde. Il faut s'unir à des pays comme la France et la Suède et d'autres pour leur dire, écoutez, il y a de la place pour tout le monde.

En réponse à votre question, donc, je n'ai pas le temps de m'étendre sur le sujet, mais voilà le genre de choses qu'il faut faire—des lois, du financement, des encouragements, etc. Sinon, le Canada n'existera pas.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

La plupart des gens admettent que l'État doit soutenir le secteur culturel. Pour faire suite à ce que disait Joe, la question est de savoir quelle est la bonne combinaison. Aujourd'hui, on consacre environ 31,2 millions de dollars chaque an à l'édition. Quel est le bon dosage? Faut-il dépenser plus, moins ou avec plus de détermination?

M. Bruce Porter: Encore une fois, comme j'ai su à la dernière minute que la réunion avait lieu, je n'ai pas pu étudier ces questions attentivement et préparer quoique ce soit de précis. En général, il me semble qu'il y a place pour des dépenses plus importantes dans à peu près tous les secteurs culturels. Je reconnais qu'il ne sert à rien d'investir de l'argent pour le plaisir de la chose, mais en général je ne pense pas que l'on investit trop, quel que soit le secteur.

Le vice-président (M. Inky Mark): Joe.

M. Joe Jordan: Bruce, vous venez d'aborder quelque chose qui touche un peu la question numéro 3, mais je voulais ajouter quelque chose. Vu la proximité des États-Unis, et vu l'échelle immense de son économie, qui milite en faveur de cette société, comment pouvons-nous protéger et valoriser ce que nous possédons vu cette disproportion?

• 1700

Vous avez mis le doigt sur un des problèmes. Quand on se penche sur la politique intérieure dans ces conditions, il faut se souvenir—et je vous signale que j'ai fait mes études aux États-Unis—qu'eux-mêmes disent ne pas avoir de culture; pour eux, c'est tout à fait normal. Ils disent: «vous n'avez pas besoin d'exclure la culture, parce que vous ne comprenez pas que ce que nous vous offrons est meilleur que ce que vous avez». C'est peut-être exagérément cynique, mais je pense que c'est un courant de pensée. Mais je peux vous assurer que s'ils considéraient comme de la culture ce qu'ils considèrent comme normal et que cela était menacé, ils réagiraient sur-le-champ avec tous les moyens à leur disposition.

Regardez la loi Helms-Burton. Ils disent être les commerçants par excellence, mais s'ils étaient dans notre situation, ils élèveraient des murs d'enceinte ou accorderaient une exception à leurs industries en criant lapin.

Il faut donc absolument que nous définissions ce que nous essayons de protéger et que nous le défendions rigoureusement. Je pense que nous sommes assiégés et qu'il nous faut mettre en place ces politiques et ces règles.

M. Bruce Porter: Très brièvement, je n'aurais pas su mieux dire.

Le vice-président (M. Inky Mark): Anne puis Wendy.

Mme Anne Manuel: Merci.

J'aimerais répondre à la question de Suzanne à propos du financement. En ce qui concerne les artisans et les artistes, il y a des jeunes qui arrivent et il y a des vieux qui sont là depuis longtemps et qui sont établis. Il appartient au gouvernement d'aider les jeunes, les nouveaux, les inexpérimentés et ceux qui doivent avoir des assises solides avant qu'ils puissent subvenir eux-mêmes à leurs besoins.

Pour ce qui est des organisations comme la Crafts Development Association qui offre une vaste gamme de services à ses membres et à ce secteur dans la province, on trouve des services de mise en marché comme les foires et les boutiques d'artisanat qui devraient pouvoir survivre d'elles-mêmes, et qui le font, et qui reversent des sommes à l'association, ainsi que des cours de poterie pour les enfants à l'école et des galeries qui ne survivent pas toutes seules. Les secteurs qui ne produisent pas de recettes mais contribuent à l'expansion du secteur dans son ensemble sont ceux que le gouvernement devrait subventionner. Voilà où se situe la ligne de démarcation entre les secteurs à aider et ceux qui devraient se débrouiller tout seuls.

En réponse à la question posée par M. Power tout à l'heure à propos de l'affectation des fonds, l'artisanat reçoit de l'aide fédérale-provinciale depuis longtemps dans cette province et ces dernières années la Newfoundland and Labrador Crafts Development Association, l'association reconnue de ce secteur, coadministre les fonds avec le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial.

Cela a beaucoup modifié la répartition des fonds, pas le montant, seulement la façon dont il est affecté et l'accent est mis sur tel et tel secteur. L'association sait beaucoup mieux que le gouvernement quels sont les besoins immédiats des artisans et quel genre d'aide leur permettra de devenir ce qu'ils veulent et peuvent devenir. Notre participation compte pour beaucoup et nous devrions être impliqués dans d'autres secteurs également.

Le vice-président (M. Inky Mark): Madame Lill.

Mme Wendy Lill: Merci.

Je suis heureuse d'entendre ce qui se dit ici aujourd'hui. Toute la question du soutien aux arts m'intéresse parce que, comme vous le savez, nous sommes entrés dans une ère où le mot «soutien» a mauvaise presse; ce mot est désormais synonyme de faiblesse, et ces initiatives qui ont besoin de soutien sont considérées comme inférieures, dirait-on. Il vaut mieux agir seul, être individualiste et compétitif, et si vous n'êtes pas comme ça, vous ne méritez pas d'être de la partie. Et Dieu sait que ces analogies sportives sont omniprésentes.

J'aime bien ce que Mary Pratt a dit au sujet de la générosité qui se pratique de certaines manières dans notre pays—pas partout, sûrement, et nous le savons—et au sujet du fait que le soutien doit être dirigé vers les artistes en herbe, qui apprennent de nouvelles choses et qui vont faire leur marque.

• 1705

Nous soutenons des artistes qui deviennent des dramaturges, des chanteurs, des cinéastes. Nous faisons cela, et nous avons conclu un pacte il y a plusieurs années pour créer des institutions financées par le secteur public telles que le Conseil des arts du Canada, l'Office national du film, Radio-Canada, notre diffuseur public, ainsi que des musées des Beaux-Arts et des instituts nationaux, qui sont pour nous des bancs d'essai, des sources de développement et d'épanouissement.

Ce que je trouve maintenant très irritant, c'est d'entendre des choses comme celles-ci: et bien, vous savez, Céline Dion n'a pas eu besoin du Conseil des arts du Canada; Bryan Adams non plus, et si ces artistes ont vraiment du talent, ils vont réussir dans cette économie mondialisée. C'est nier le fait qu'il y a des centaines de dramaturges, de cinéastes et de peintres qui réussissent aujourd'hui à l'échelle mondiale, qui continuent de créer et de faire entendre la voix extraordinaire du Canada, des artistes qui ont eu besoin de ce soutien au départ. Ils ont eu besoin de la subvention du Conseil des arts du Canada, de pouvoir être invités à l'émission d'après-midi de George Jordan, ou encore de faire jouer leurs premiers petits radiothéâtres à Radio-Canada; ils ont eu besoin de cet encadrement.

Je pense que nous devrions tirer une grande fierté du fait que notre pays soutient les artistes et les créateurs, et je pense que cela en dit long sur notre société et notre civisme. À mon avis, c'est le point de départ et c'est presque aussi le point d'arrivée. Je ne crois pas que les arts soient trop subventionnés; personnellement, je ne vois rien qui me permette de dire que nous subventionnons trop les arts.

Je n'aime pas aborder toute la question de l'industrie artistique, de l'industrie culturelle, mais sous cet angle, on constate que c'est une industrie qui crée énormément d'emplois. Si nous acceptons d'investir davantage dans les arts, nous allons créer beaucoup plus d'emplois, donc cet élément existe aussi. Mais je ne parle pas de cet élément, je parle du côté culturel proprement dit qui est révélateur, très révélateur même, d'une société qui encourage ses artistes et qui leur permet de se faire entendre.

C'était plus une déclaration qu'une question, mais ce sont les choses que j'entends. Ici, à Terre-Neuve, chose certaine, on a dit ici même autour de cette table, et nous l'avons entendu de la bouche du seul artiste présent—et nous sommes heureux de vous voir ici—qu'il est important de soutenir collectivement les arts.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Le moment est bien choisi pour inviter nos témoins à se prononcer sur le rôle fédéral, ou à nous dire l'idée qu'ils se font de la culture canadienne.

M. Paul Bowdring: Je dirai une dernière chose: à mon avis, le rôle du gouvernement fédéral consiste à créer un climat au Canada où un artiste peut vivre et travailler sans avoir à crever de faim.

Nos producteurs primaires, à savoir nos écrivains, nos cinéastes et nos compositeurs, sont ceux qui donnent naissance aux vrais produits culturels; ou ce que nous appelons aujourd'hui des produits culturels; ce sont ces gens-là qui ont besoin de soutien. On peut leur dire tant qu'on voudra combien on les aime, mais s'ils ne peuvent pas survivre et travailler en même temps, s'ils ne peuvent pas gagner leur vie à écrire, à composer, etc., alors tout cela ne sert à rien.

Je pense qu'il est temps que le gouvernement fédéral trouve le courage de tenir tête au rouleau compresseur de la globalisation qui nous guette, si ce n'est pas déjà fait. Le moment est crucial pour la culture canadienne, et le gouvernement canadien doit contribuer à créer un climat par l'adoption de règlements, ou par tout autre moyen, qui permette aux écrivains, aux compositeurs ainsi qu'autres artistes canadiens de gagner leur vie, de vivre et de travailler dans notre pays.

Merci.

• 1710

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

Il est 17 h 10, et il est certain que nous pouvons discuter plus longuement de cette question si tel est le voeu de nos invités et des autres personnes ici présentes. Y a-t-il d'autres observations? Nous vous écoutons.

M. Carman Carroll: Une brève observation, si vous le permettez.

Mme Tremblay avait raison de mentionner ces quatre secteurs, à savoir, la création, la production, la promotion et la diffusion. Mais je dois pour ma part plaider en faveur de la conservation de certains éléments de la culture canadienne dont il faut assurer la survie à long terme, parce que si nous ne faisons rien, nous allons souffrir d'amnésie culturelle. Je crois qu'il est important de rappeler que la culture, ce n'est pas seulement la culture d'aujourd'hui parce qu'il y a beaucoup à apprendre de la culture d'autrefois. Il est essentiel de préserver la culture canadienne au niveau des archives, et évidemment, des musées et du reste.

N'excluons rien du tout dans notre définition de la culture canadienne, parce que pour moi, définir la culture canadienne, c'est comme labourer la mer. Ceux qui ont vu à la télévision le dernier hommage qui a été rendu au Maple Leaf Gardens il y a quelques semaines et qui ont visionné ces vieux documentaires se sont trouvés à profiter de nos archives. Je pense que 99,9 p. 100 des Canadiens ne pensent même jamais aux archives. Lorsqu'ils lisent un document historique, ces gens sont touchés par la culture, mais cette expérience n'entre pas du tout dans leur définition de la culture.

Tâchons donc d'être aussi général et vague que possible lorsque nous parlons de culture canadienne. Préservons les institutions nationales du Canada et les institutions du secteur que je représente, les Archives nationales du Canada ainsi que les programmes subventionnaires du Canada. Ce ne sont pas des aumônes fédérales. Dans la plupart des cas, il existe des programmes d'adéquation, et franchement, cela oblige les provinces et les territoires à se mettre au diapason.

Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Denis.

M. Denis Parker: En terminant, je tiens à dire que je suis arrivé au Canada il y a 27 ans, en 1971, et qu'il n'y existait pas à l'époque d'industrie musicale. Mes visites à Toronto et à Montréal m'avaient convaincu qu'il existait quelques antennes, qui n'étaient en fait que des satellites de compagnies américaines. Depuis cette époque, grâce au soutien des diffuseurs commerciaux et surtout de Radio-Canada et du gouvernement fédéral, cette situation a changé.

Je pense qu'on est en train d'édifier une infrastructure, et nos ventes en témoignent, pas seulement au Canada mais aussi ailleurs dans le monde, pour des groupes comme l'ensemble local Great Big Sea, qu'on a mentionné. Bryan Adams a eu recours aux subventions de FACTOR à ses débuts. Il n'en a plus besoin maintenant, bien sûr, mais on sait qu'il est allé au puits comme les autres. Il y a aussi le groupe Bare Naked Ladies qui a reçu une aide généreuse non seulement de l'État mais aussi de la radio commerciale, de Radio-Canada, qui ont contribué à les faire connaître, et ce groupe vend aujourd'hui plus de 3 millions d'exemplaires aux États-Unis.

Selon moi tout cela n'est que le début. Mais nous devons continuer à faire les choses que nous faisons, mais aussi à réévaluer la situation au fur et à mesure et investir dans les secteurs où nous sommes le mieux en mesure de soutenir non seulement les artistes mais aussi l'infrastructure dont on a besoin pour faire connaître nos artistes partout dans le monde.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci, Denis.

Keith.

M. Keith Soper: Merci.

On nous a demandé entre autres choses de parler à la table ronde d'aujourd'hui de la réalité locale. En tant que radiodiffuseur privé, j'estime qu'il est essentiel de comprendre cette réalité, et j'aimerais reprendre certaines choses que Mme Tremblay a mentionnées.

En tant que radiodiffuseur privé, nous devons compter presque exclusivement sur la publicité pour joindre les deux bouts. C'est une réalité avec la mondialisation et les fusions. Les agences de publicité au pays et dans le monde fusionnent. Dans le commerce au détail, la tendance est aux gros magasins-entrepôts, comme Wal-Mart et ce genre de choses. Cela continue à être un défi pour les radiodiffuseurs privés. C'est une réalité dont nous devrons tenir compte pendant encore un certain temps. Ensuite, il y a toutes les chaînes spécialisées canadiennes et américaines qui continuent à fragmenter l'auditoire. C'est une autre réalité à laquelle nous devons faire face.

• 1715

Entre-temps, de nouveaux médias surgissent sur un marché non réglementé, et c'est une réalité à laquelle nous sommes confrontés. Nous avons besoin d'un environnement réglementaire souple qui permette aux radiodiffuseurs et aux points de distribution des émissions culturelles canadiennes de réagir à cette réalité.

Une autre réalité à laquelle nous devons faire face ici à Terre-Neuve, sans doute plus que sur la plupart des autres marchés, est l'énorme subvention de notre seul concurrent, au niveau local, qui est la CBC. Cela affecte directement notre capacité à maximiser nos recettes. Je sais pourquoi la CBC est là et je conviens qu'elle a besoin d'être là. La réalité, c'est tout simplement que leurs tarifs de publicité reflètent le fait qu'il s'agit d'une société ou d'une entreprise subventionnée. NTV ne reçoit aucune subvention de ce genre pour fonctionner. Il s'agit donc d'un défi permanent pour nous.

En tant que stations, nous voulons contribuer à la culture. Nous voulons certainement contribuer à la communauté. Nous le faisons en investissant énormément de ressources dans notre journal télévisé. Il nous faut penser mondialement et agir localement, et le fait de refléter ce qui se passe au niveau local dans notre journal télévisé est une bonne pratique commerciale qui fonctionne bien pour nous.

À Terre-Neuve, nous avons un énorme territoire à couvrir. Les Jeux d'hiver du Canada se déroulent à Corner Brook à l'heure actuelle, et c'est vraiment un défi pour nous d'aller là-bas couvrir cet événement. Nous y sommes. Nous le faisons. Nous pouvons le faire au niveau des nouvelles locales.

Pour ce qui est de trouver une sorte de mécanisme pour promouvoir ou diffuser les films canadiens en particulier, je vais parler à l'échelle nationale pour le moment. On pourrait peut-être envisager un mécanisme qui consisterait à trouver un moyen d'obtenir des crédits supplémentaires pour les radiodiffuseurs canadiens qui diffusent des émissions de télévision canadiennes et plus particulièrement des films canadiens aux heures de grande écoute. C'est à ces heures que l'on retrouve surtout le public. Je pense que cette stratégie comporte beaucoup d'avantages.

C'est à peu près tout. Merci.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Allez-y, Suzanne.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: J'ai une question à poser à Keith parce que je veux être certaine d'avoir bien compris.

Vous avez dit que Radio-Canada avait des annonces subventionnées. Voulez-vous dire que, parce que Radio-Canada est subventionnée, elle fait un peu de dumping publicitaire, sur le prix des publicités? Est-ce bien ce que vous avez voulu dire? Je n'ai pas très bien compris cette partie.

[Traduction]

M. Keith Soper: Des annonces subventionnées? Non. Je parlais du fait que nous sommes le seul radiodiffuseur privé sur le marché. Si nous avions, par exemple, un autre radiodiffuseur privé—je ne dis pas qu'il y a de la place pour un autre en ce moment, mais s'il y en avait—du point de vue concurrentiel... nous devons travailler dans un environnement où nous devons avoir un rendement acceptable sur l'investissement pour nos actionnaires. La seule façon pour nous de fonctionner, c'est de faire de la publicité locale et nationale.

Cela est parfois très difficile car, comme on le dit, les règles du jeu ne sont pas toujours équitables. Nous n'avons pas d'autre radiodiffuseur privé pour nous aider à garder les tarifs au niveau voulu afin d'obtenir un rendement acceptable sur l'investissement.,

Désolé pour cette confusion, on n'a fait aucune mention des annonceurs ou de quoi que ce soit du genre.

Mme Suzanne Tremblay: Très bien.

Le vice-président (M. Inky Mark): Je donne la parole au monsieur qui se trouve dans l'auditoire. Allez-y.

M. Ron Crocker (témoignage à titre personnel): Je m'appelle Ron Crocker et je travaille pour CBC à Terre-Neuve.

Je voudrais dire que l'on parle depuis longtemps de la publicité subventionnée sur ce marché. À ma connaissance, le CRTC n'a jamais vraiment accepté l'argument présenté par les radiodiffuseurs privés de Terre-Neuve, selon lequel la façon dont la Société Radio-Canada fixe ses tarifs publicitaires dans cette province est inéquitable. Voilà la première chose que je voulais dire.

L'autre chose que je voulais dire est qu'en réalité, les recettes commerciales de CBC servent presque exclusivement à réaliser des émissions canadiennes.

• 1720

Le vice-président (M. Inky Mark): Je vous remercie de vos observations.

Allez-y.

M. Hilary Montbourquette: Plutôt que de parler à titre de représentant de l'AAB, j'aimerais faire un commentaire en tant que citoyen ordinaire, en tant que contribuable, au sujet de ce qu'a dit Joe Jordan.

Je crois que le gouvernement fédéral tente d'accomplir beaucoup dans la communauté culturelle de façon draconienne. Vous voulez résoudre tous les problèmes culturels du pays en tentant d'en arriver à un consensus. À Terre-Neuve, nous sommes aussi distincts que les sont les Québécois au Québec, ou les habitants des Territoires du Nord-Ouest et les habitants de chaque région.

Chaque fois qu'il y a des élections nous parlons de régionalisation. Je pense que si le gouvernement fédéral cessait d'essayer de trouver la solution à ce débat culturel et permettait aux communautés ou aux régions de trouver la meilleure solution culturelle que nous cherchons...

J'estime que le gouvernement fédéral a l'obligation de préserver les archives nationales et qu'il a également l'obligation de s'assurer que les archives provinciales soient préservées. Je pense que vous avez par ailleurs l'obligation d'appuyer des événements comme les East Coast Music Awards, qui sont... On y retrouve les meilleurs talents musicaux du Canada atlantique. À mon avis, en permettant à chaque région de préserver son identité culturelle, le pays en général aura une meilleure présence culturelle. Les écrivains, les peintres et les artistes en profiteront ultimement. On peut ensuite créer une certaine vision vraiment nationale et la communiquer mondialement.

On ne va nulle part dans le monde... si on est à l'étranger, on dit à tout le monde à quel point on est fier d'être Canadien et lorsqu'on est au pays, on dit à tout le monde qu'on est fier d'être Terre-Neuvien d'abord et Canadien ensuite.

Vous avez donc l'obligation de protéger l'identité culturelle, mais je pense que vous devez transférer une partie de ce contrôle aux régions et laisser... Dans le Canada atlantique, nous nous connaissons beaucoup mieux que les gens qui habitent les Prairies et vice versa.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

D'autres interventions? Pat.

Mme Patricia Grattan: Je voudrais faire certains commentaires au sujet de certaines interventions qui ont été faites. Ce qui constitue à mon avis un rôle important pour le gouvernement fédéral est celui de la diffusion, du développement d'un auditoire au pays, car en fin de compte c'est ce qui créera le climat le plus favorable au créateur individuel. J'aimerais certainement que l'on accorde de l'attention aux moyens qui permettront d'y arriver, que ce soit en présentant des productions et des expositions partout au pays...

J'ai entendu le fondateur du Groupe de la Place Royale dire que le groupe avait pu faire un spectacle en Belgique mais pas à Moose Jaw, et à mon avis il y a quelque chose qui ne va pas. Si on a l'impression que les Canadiens n'appuient pas suffisamment notre culture dans certains cas, je pense que c'est parce qu'ils n'y ont pas accès.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Joe.

M. Joe Jordan: Pour revenir sur cette question, et je trouve la discussion très agréable, permettez-moi de mettre mon pragmatisme en perspective, car je ne voudrais pas que vous pensiez que c'est uniquement une question de profit pour moi.

En 1993, je suis allé en Hongrie pour y enseigner pendant trois ans, et à l'époque, la seule culture que je connaissais était celle que je trouvais dans mon yogourt. Je suis arrivé en Europe de l'Est dans une société qui était complètement immergée dans la culture. J'ai vu des enfants se promener dans la rue avec des violons et non des Gameboys. Les églises étaient remplies de musique de chambre en soirée. Des enfants de huit ans m'ont expliqué l'opéra. Je trouvais qu'il manquait quelque chose à notre société. Je suis maintenant un peu comme un ancien fumeur. Je suis la pire personne a qui vous voulez parler de ce genre de choses.

Quelqu'un a dit un jour que la politique gouvernementale ressemble beaucoup aux hot-dogs. On aime les manger, mais on ne veut pas savoir comment ils sont faits. Si vous êtes en train de me dire que nous avons assez d'argent, mais qu'il faut le dépenser à meilleur escient et cesser de mettre en vigueur des politiques qui nous font du tort, en ce qui a trait à l'édification du patrimoine... Je ne pense pas que c'est ce que vous dites. Si je vous ai bien compris, nous avons besoin de ressources financières supplémentaires et, si nous voulons les obtenir, il va nous falloir faire des calculs et commencer à en parler en termes économiques.

Je siège aussi au Comité de l'environnement et je suis confronté au même problème. L'argent n'est pas roi, il nous mène par le bout du nez. Si vous entrez dans une pièce où des gens se trouvent et que vous dites que telles choses sont utiles et que si nous augmentons le financement dans tels domaines, notre pays ne s'en portera que mieux, il vaut mieux que vous soyez en mesure de finir votre phrase. C'est ce qui explique mon pragmatisme. Je me demande comment finir cette phrase. Je suis tout à fait disposé à le faire, mais il faut commencer.

• 1725

Wendy, vous avez fait d'excellentes remarques en disant que l'appui est une condition essentielle à l'épanouissement. C'est un argument valable. Il n'y a pas de honte à faire valoir l'argument économique, car je pense qu'il est essentiel. Nous devons commencer à dire les choses clairement si nous voulons ensuite défendre cet argument sur le plan économique. Sinon, nous nous cognerons la tête contre les murs et ce, par notre faute. C'est l'impression que j'ai, et je pense que nous avons les munitions voulues. Les ressources sont disponibles, c'est évident. Il nous suffit de concevoir une façon de les utiliser à bon escient. Malheureusement, c'est l'une des réalités de la politique gouvernementale.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci, Joe.

Je vais donner la parole à Harry, ce nous amènera à 17 h 30 ou presque.

M. Harry Connors: Encore une fois, Joe a stimulé chez moi la réflexion. Il y a sans doute des choses à faire, et elles n'ont pas secret pour vous. Je vous ai fait quelques suggestions. Nous avons une énorme expérience, cela va sans dire, et c'est sans doute un domaine où nous pouvons unir nos efforts pour trouver une solution.

Prenons l'exemple de personnes comme Donna Button du festival Trinity. Au début c'était une activité culturelle. Il ne fait aucun doute que Donna emploie des gens pour la scénographie, comme acteurs et comme administrateurs artistiques. Nous avons un groupe merveilleux de jeunes administrateurs qui arrivent à peine sur le marché à Terre-Neuve et au Labrador. Je regarde des gens comme Denis Parker et ce qui se passe dans l'industrie musicale. Je vois le nombre de petits studios qui existent actuellement à Terre-Neuve, des studios de qualité supérieure, où l'on fait de l'excellent travail, et où de jeunes artistes et artisans, si je peux utiliser ce terme, apprennent toute une série de nouvelles compétences. Je pense qu'il est donc possible de quantifier cela. Je suis convaincu que si nous y réfléchissons un peu, nous pourrons le faire.

L'art et la culture sont autant à la base de l'activité commerciale que les autres secteurs. Que font les entrepreneurs? Ils ont une idée, essayent de voir comment les mettre en vigueur et la commercialiser. Les artistes créent quelque chose, ils ont une idée, ils lui donnent forme et essayent de la vendre. À mon avis, il n'y a pas de secteur où l'esprit d'entreprise est plus omniprésent que le monde artistique. Que de risques il faut prendre!

J'ai toujours été reconnaissant à l'un de mes amis qui a déclaré qu'être créatif, c'est être généreux avec ses idées, et les artistes sont les gens les plus généreux qui soient car ils n'hésitent pas à transmettre leurs idées. Ils nous font cadeau d'une chose très fondamentale.

Je voulais faire une brève remarque au sujet des médias. Les opinions divergent sur ce point, c'est évident. Pour ma part, j'estime autant les médias du secteur public que ceux du secteur privé. Ils ont tous un apport à faire à leur façon. Mais ils ont tous également une incidence bien particulière.

Je voudrais vous raconter une histoire qui explique ce qui a poussé la société NewTel à intervenir dans les arts. Cela remonte à l'année 1979. Nous fêtions notre 60e anniversaire et nous cherchions des moyens de célébrer. Nous avions participé à des activités assez classiques d'aide au monde artistique comme l'OSN, l'orchestre symphonique, etc., et Chris Brookes nous est tombé dessus un beau jour et a commencé à nous parler de cette tournée de mimes.

À la même époque, il se trouve que nous discutions avec un groupe de nos ingénieurs car nous travaillions à ce moment-là au Labrador sur l'extension du réseau téléphonique. Nous avons commencé à comprendre que lorsque nous installions le système dans une collectivité, cela donnait aux gens non seulement accès au téléphone mais également à la télévision et à la radio; cela avait une incidence énorme en permettant aux gens d'être reliés au monde des communications. Toutefois, cela contribuait aussi à détruire les communications. Il n'y avait plus de discussions autour de la table de cuisine. Il n'y avait plus le genre de traditions orales qui existaient par le passé, la musique et autres, car les gens disaient: «Bon, je vais regarder la télévision. Je veux être comme eux. Je veux faire tout cela.» Denis et moi avons aussi traversé cette phase au cours de notre vie. Et nous avons commencé à comprendre la responsabilité qui nous incombait.

Je ne suis pas en train de vous faire mon baratin de relationniste. C'était une responsabilité fondamentale, au même titre que notre organisme essaye de ne pas nuire à l'environnement dans le cadre de ses activités. Nous devons récupérer les communications pour nos gens en tant qu'organisme. C'est ce qui nous a poussés à réinvestir dans le domaine artistique. Nous sommes conscients du fait que les technologies que nous représentons ont une incidence.

• 1730

S'agissant des médias, je voulais dire qu'ils ont aussi une incidence. J'ai parfois l'impression que les journalistes sont convaincus que leur rôle consiste uniquement à informer leur auditoire. Or, il n'y a pas que cela; ils ont aussi une incidence au niveau mental et émotif. Ainsi, au lieu de nous battre pour un petit morceau de territoire, je pense que nous devrions plutôt joindre nos efforts pour trouver une façon de faire passer le message, de livrer aux gens le contenu culturel.

C'est pourquoi j'invite sérieusement le gouvernement à financer davantage les arts. Je crois que c'est essentiel à une société saine.

Je divague un peu, mais je reviens à peine de Corner Brook.

Je conclurais en disant qu'un bon nombre d'entre vous ont sans doute vu une émission de Ged Blackmore intitulée From Discovery to Awakening. Au sein de notre société, cela nous a toujours frappés de voir que quelle que soit l'activité, qu'il s'agisse d'un événement sportif ou d'un groupe de gens qui discutent comme ceux qui vont participer à la prochaine conférence du Canada ou qui ont participé aux célébrations du 500e anniversaire de Cabot il y a environ deux ans, il me semble que les organisateurs nationaux et locaux ont conclu qu'il fallait absolument que l'événement comporte un élément artistique. Il est intéressant de voir que personne ne peut prétendre avoir visité Terre-Neuve et le Labrador tant qu'on n'a pas été en contact avec son monde artistique. Tant que vous n'avez pas vécu cela, vous n'avez pas vraiment visité la région et vous vous sentirez lésés si vous partez sans y avoir goûté d'une certaine façon.

Dans les mesures que nous prenons, je pense que nous sommes conscients de tout cela. Nous essayons peut-être de rationaliser et de donner un sens aux mots, et d'essayer de mesurer les revenus qui en découlent. Je comprends ce que vous dites; je pense que nous devons le faire. Mais dans notre façon d'être, chaque jour de notre vie, nous reconnaissons l'importance de cette question et nous devrions agir conformément à nos principes, à mon avis.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

Je vais donner la parole à Suzanne et Wendy, et nous terminerons avec Charlie.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Une question qu'on n'a pas abordée prend, me semble-t-il, une dimension importante ici, à Terre-Neuve. On m'a dit récemment que l'année dernière, tout près de 30 000 personnes avaient quitté l'île pour aller s'installer ailleurs au pays. Il s'agissait principalement de jeunes qui voulaient trouver du travail. Trouvez-vous difficile que le population soit aussi disséminée et aussi peu nombreuse? Quel impact cela peut-il avoir au niveau culturel? C'est la quatrième question qu'on vous posait. L'évolution démographique ne semble pas du tout à la hausse ici, à Terre-Neuve. Quel impact cela peut-il avoir chez vous? Est-ce qu'il y en a qui peuvent commenter rapidement sur cette question?

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Je vais demander à Mary de répondre à cela.

Mme Mary Pratt: De toute évidence, cet exode a un effet très bénéfique sur le reste du pays.

Des voix: Ah ah!

Mme Mary Pratt: Évidemment, les Terre-Neuviens ont toujours éprouvé le besoin de quitter leur île. Je connais une jeune fille qui travaille pour moi—en fait, nous sommes parentes par alliance—et qui vient d'un port éloigné. Elle me dit: «Tu sais, cela fait des années que je n'ai pas entendu quelqu'un dire qu'il va travailler au Labrador ou à Goose Bay pour la saison.» Lorsque je suis arrivée à Terre-Neuve, les Terre-Neuviens se déplaçaient d'un endroit à l'autre à l'intérieur de la province ou du pays pour trouver de l'emploi. La nature de nos ressources et de notre infrastructure était telle qu'il fallait toujours se déplacer, mais nos ressources ont disparu. On ne peut plus aller pêcher au Labrador, car il n'y a plus de poisson là-bas, et on ne peut plus non plus chasser le phoque.

Il y a bien des choses dont nous avons été privées, de ce point de vue, et nous en sommes bien attristés. Il y a de nombreuses mères qui ne verront pas leurs enfants atteindre l'âge adulte et qui ne verront pas leurs petits-enfants. Heureusement, mes enfants sont tous restés ici. Tous sont restés, même l'avocat, et il a une chronique dans le journal. Les autres ont pu rester ici parce qu'ils travaillent dans le domaine artistique. Je vois mes dix petits-enfants, mais j'ai beaucoup de chance.

• 1735

Le vice-président (M. Inky Mark): Est-ce que quelqu'un d'autre voudrait répondre à Mme Tremblay? Allez-y, Charlie.

M. Charlie Power: Il est certain que chacun, dans cette salle, serait heureux de prendre la parole pour parler des effets de l'émigration à Terre-Neuve et au Labrador. Je me limiterai à l'essentiel pour dire qu'en matière culturelle, Mary a dit l'exacte vérité. Trente mille Terre-Neuviens répartis dans l'ensemble du Canada, ça fait beaucoup d'airs d'accordéon, beaucoup de musique et beaucoup de chansons dans toutes les régions du Canada qui, sinon, en auraient été privés. En un sens, cette émigration aide le Canada à améliorer son image culturelle.

D'un autre point de vue, je crois que la perte d'un si grand nombre de jeune a amené notre communauté culturelle—et c'est là qu'on voit son importance—à se battre pour sa survie. Chaque artiste le fait à sa façon. C'est le cas d'Alan Doyle, du groupe Great Big Sea. C'est un ami à moi, de Petty Harbour, où on a fermé trois usines de transformation de poissons. C'est le cas de Con O'Brien et des Irish Descendants, un groupe de Bay Bulls où on trouvait autrefois une usine de transformation qui employait 600 travailleurs, mais qui n'a plus d'usine aujourd'hui.

D'une façon ou d'une autre, c'est tout simplement une question d'autopréservation. Cette émigration nous apprend que nous avons beaucoup à préserver. Nous sommes sans doute moins à pouvoir le faire, mais nous sommes déterminés à survivre collectivement.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Wendy.

Mme Wendy Lill: Voilà un plaidoyer très éloquent, qu'il convient de rapprocher de la politique culturelle. Que doit-être notre politique en matière d'art et de culture? À mon avis, elle ne doit pas se limiter à l'aspect financier.

Je suis bien convaincue que la politique ne doit pas se limiter à l'argent. De toute évidence, elle doit porter sur ce dont vous venez de nous parler tous les deux. Elle doit se préoccuper de préserver les choses qui nous tiennent à coeur. Le Canada n'est pas une société commerciale, c'est un pays. Nous sommes convaincus d'avoir des valeurs et de la valeur. Nous voulons préserver tout cela, et élaborer des politiques en matière d'immigration, de télévision et de galeries d'art.

Au fait, ce que vous nous dites, Charlie, c'est que quelles que soient les circonstances, vous voulez préserver ce qui compte pour vous, et ce n'est pas une question d'argent. Qu'on me comprenne bien, l'argent est une bonne chose, mais en un sens, il faut que ces valeurs survivent indépendamment des considérations financières. En tant que groupe et en tant que nation, nous devons décider de l'emploi du budget de la culture et de ce qu'on peut faire pour assurer cette survivance.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Je donne la parole à Joe, puis nous aurons une intervention du public.

M. Joe Jordan: Je suis tout à fait d'accord, Wendy. Le défi que nous avons à relever, c'est notamment de devoir discuter de coûts avec des gens qui définissent la culture de façon étroite. Si nous réussissons à leur montrer ce qu'il en coûtera de ne rien faire... Au rythme où vont les choses, je crois que c'est de ce point de vue qu'il faut se placer. Il faut leur présenter ces coûts de façon beaucoup plus large, en les amenant à réfléchir sur ce qu'il en coûte de ne pas avoir une société saine et vivante dotée d'industries culturelles prospères. Ce sont là des coûts très réels, qui devront souvent être acquittés par la génération suivante. Il faut présenter les choses de façon à faire ressortir les facteurs économiques qui obligeront les décideurs à agir.

Le vice-président (M. Inky Mark): Il y a quelqu'un dans le public qui veut intervenir. Allez-y.

M. Ron Crocker: Je voudrais faire un commentaire sur les revenus commerciaux, mais en me gardant de tout militantisme.

Voici l'un des thèmes de réflexion que je tiens à soumettre au comité: Quels que soient les mécanismes de soutien dont on fait la promotion pour les arts sous toutes leurs formes, il faut rester très sensibles aux impératifs régionaux, voire même provinciaux dans notre pays. Je ne pense pas qu'on le soit toujours suffisamment. J'ai l'impression que les Canadiens vivent dans la terreur, ou du moins dans l'inquiétude de voir le pays se fragmenter. Ces sentiments nuisent à la promotion des arts et à la production culturelle au niveau provincial ou régional.

• 1740

Ce n'est pas par hasard si les émissions de télévision réalisées au Québec rejoignent un très vaste auditoire—évidemment, c'est aussi à cause de la langue—mais ce n'est pas non plus un hasard si on trouve le même phénomène à Terre-Neuve. On constate que presque tout ce que nous produisons à CBC, que soit pour la radio ou la télévision, bénéficie d'un plus vaste auditoire régional à Terre-Neuve que la plupart des productions venant d'ailleurs. Ce n'est pas que les Terre-Neuviens ne s'intéressent pas à ce qu'on produit dans d'autres régions du Canada, ni même dans d'autres parties du monde. Mais il reste que tout le monde reconnaît, de William Faulkner à James Joyce ou même à Norman Spector, récemment, dans le Globe and Mail—que la culture est régionale et locale dans ses germes et dans ses racines.

Il s'agit-là d'un commentaire général, mais pour vous donner un exemple bien concret concernant Terre-Neuve, il est très difficile, pour une compagnie locale de production de télévision ou pour une compagnie indépendante, d'avoir accès aux fonds fédéraux disponibles aux réalisateurs d'émissions télévisées. En effet, avec une population de 500 000 habitants, nous n'atteindrons jamais le type de production et nous n'aurons jamais les compagnies de production que l'on trouve en Colombie-Britannique, en Ontario ou même en Nouvelle-Écosse où existent des compagnies de production très vigoureuses.

À mon avis, l'activité créatrice et la promotion des produits culturels au niveau régional devraient susciter beaucoup moins de crainte—et je pense que le mot «crainte» n'est pas trop fort. Évidemment, je ne parle pas ici de la région au sens géographique; je la prends au sens culturel, en fonction des caractéristiques de la population, qui sont faciles à identifier à Terre-Neuve et dans certaines provinces, mais plus difficiles à identifier dans d'autres.

Au Canada, il est sans doute préférable de considérer la production culturelle et artistique globale comme un ensemble de foyers de production qui émanent de l'expérience culturelle, voir raciale, de la population, et je pense que cette façon de voir les choses devrait effrayer personne. Il faudrait au contraire la promouvoir et l'encourager. Je ne pense pas qu'elle puisse contribuer à la fragmentation du pays ou l'accentuation des écarts géographiques, linguistiques ou culturels au sein de la communauté canadienne. J'y vois au contraire un facteur d'homogénéité et d'unification.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup.

Nous allons laisser le mot de la fin à votre député, Charlie Power.

M. Charlie Power: Merci, monsieur le président. Je voudrais faire quelques remarques très simples.

Tout d'abord, je remercie tous les participants de Terre-Neuve. Je peux vous assurer, monsieur le président, que si les avis avaient été envoyés plus efficacement, cette salle aurait été pleine; il nous faut du temps pour débattre de toutes ces questions.

Deuxièmement, je remercie mes collègues d'avoir pris le temps de se rendre à Terre-Neuve. Pour ceux d'entre vous qui ne le sauriez pas, cette semaine est une semaine de relâche à la Chambre des communes. La plupart des députés veulent rentrer dans leur circonscription pour s'occuper de leurs propres dossiers politiques. Nous sommes heureux que le comité ait pris le temps de voyager dans tout le pays pendant une semaine de relâche à la Chambre des communes. Merci d'être venus à St. John's.

En ce qui concerne mon premier argument, je dirai simplement que si je regarde votre programme pour les prochains jours, je vois que vous passez six heures à Halifax et cinq à Toronto. La prochaine fois que vous organiserez vos séances, vous vous souviendrez qu'il faut redresser la situation et consacrer plus de temps à la culture et au patrimoine à Terre-Neuve que dans la plupart des autres provinces canadiennes.

Merci beaucoup d'être venus ici.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci de vos aimables commentaires.

Au nom du Comité du patrimoine, j'aimerais remercier tous nos invités ainsi que les membres de l'auditoire pour leur participation à cette première réunion du comité. Nous savons tous que notre pays peut s'enorgueillir d'une culture extraordinaire. Nous cherchons simplement à l'améliorer et à faire en sorte qu'il y ait toujours une grande culture canadienne.

Merci encore. Je déclare que cette partie de la séance est levée.

• 1745




• 1802

Le vice-président (M. Inky Mark): Nous reprenons la réunion au nom du Comité du patrimoine. Je voudrais souhaiter la bienvenue de nos trois invités pour ce débat ouvert sur toute la question du patrimoine à Terre-Neuve. Je vous invite à vous présenter vous-même, et nous ferons la même chose.

Mme Elizabeth Batstone (sous-ministre adjointe, Culture et Patrimoine, ministère du Tourisme, de la Culture et des Loisirs, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador): Mes fonctions culturelles couvrent toute la gamme des arts, des industries culturelles, des archives, du patrimoine édifié, c'est-à-dire à peu près tout. Du côté de la nature, elles englobent les parcs, les régions sauvages et les réserves écologiques. Je crois que c'est une très bonne combinaison, car ces éléments font eux aussi partie de notre culture. En fait, Mme Tremblay et moi-même en avons parlé aux toilettes, et s'il y a bien une chose qui rapproche les Terre-Neuviens et les Québécois au plan culturel, c'est qu'aucun d'entre nous n'a à se demander ce qu'est la culture, car tout en fait partie.

M. Michael Clair (directeur suppléant, Culture et Patrimoine, ministère du Tourisme, de la Culture et des Loisirs, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador): Je suis un subordonné de Liz et je suis responsable des musées, des sites historiques, des arts d'exécution et de tout ce genre de choses.

Mme Shelley Smith: Je m'appelle Shelley Smith et je suis directrice des Archives provinciales, c'est-à-dire que je suis archiviste provinciale. Je porte indifféremment les deux titres.

Mme Penney Houlden: Je m'appelle Penney Houlden, je suis conservatrice en chef du Musée de Terre-Neuve, qui est un musée provincial.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci. Je vais maintenant demander à Mme Tremblay de se présenter.

Mme Suzanne Tremblay: Bonjour; je m'appelle Suzanne Tremblay, je suis député de Rimouski—Mitis et porte-parole du Bloc québécois en matière de Patrimoine canadien.

M. Joe Jordan: Je m'appelle Joe Jordan. Je suis député fédéral de Leeds—Grenville, dans le sud-est de l'Ontario.

Le vice-président (M. Inky Mark): Je m'appelle Inky Mark. Je suis député réformiste de Dauphin—Swan River et porte-parole principal de mon parti en matière de Patrimoine canadien.

Mme Wendy Lill: Je m'appelle Wendy Lill et je suis député de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. Je suis la porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière de patrimoine et de culture.

• 1805

[Français]

M. Gaston Blais: Je m'appelle Gaston Blais et je suis délégué à la recherche pour le comité.

Le greffier: Je m'appelle Norm Radford et je suis le greffier du comité.

[Traduction]

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci beaucoup. Vous avez la parole.

Mme Elizabeth Batstone: Merci.

Pour intervenir devant le comité, nous avons jugé préférable que Michael et moi ne participions pas directement à la tribune publique, tout simplement parce qu'il s'agit d'une tribune qui, à notre avis, s'adresse spécifiquement aux artistes et aux organismes artistiques, aux gens qui s'occupent de culture et de patrimoine et aux télédiffuseurs. C'est pour cela que Shelley et Penny sont assises à cette table, à cause de leurs responsabilités particulières.

En ce qui concerne notre intervention devant le comité—nous espérons qu'elle sera de courte durée—nous avons jugé utile de parler de gouvernement à gouvernement de la façon dont notre province et le gouvernement fédéral pourraient agir plus efficacement et obtenir un meilleur résultat en matière de conception et de financement des programmes culturels et patrimoniaux à l'avenir.

J'aimerais reprendre certains arguments présentés au cours de la tribune publique. L'appui du gouvernement fédéral en matière de culture et de patrimoine est grandement apprécié, et j'espère qu'il va non seulement se maintenir, mais aussi se renforcer.

Que les budgets restent les mêmes ou qu'ils augmentent, notre province considère qu'il reste du travail en ce qui concerne les programmes existants: il faut resserrer leurs critères et leurs objectifs, il faut analyser leur efficacité et il faut miser davantage sur la collaboration dans les prises de décisions qui les concernent, de façon à tirer un meilleur parti des ressources financières investies à Terre-Neuve et au Labrador.

Il est inconcevable que les besoins en programmes soient les mêmes à Terre-Neuve et au Labrador qu'en Ontario, au Québec ou en Saskatchewan. Une solution uniforme se traduit toujours par des résultats décevants pour tous les intéressés. Si l'on veut employer efficacement l'argent du contribuable, c'est une réalité dont on doit impérativement tenir compte.

Je vais maintenant inviter mes collègues à vous donner quelques détails concernant leurs secteurs d'activité, mais avant cela je voudrais faire des commentaires d'ordre général sur ce qui a été dit ici aujourd'hui. Le premier concerne les aspects économiques de la culture et du patrimoine.

La question des considérations économiques ou de l'analyse coûts-avantages est souvent un écran de fumée qui nous empêche de voir ce que nous voulons regarder. Si l'on se sert d'un étalon économique, il convient de se poser un certain nombre de questions et de se mettre d'accord sur les réponses avant de pouvoir en tirer parti. Si, en fonction de cet étalon économique, on exige un rendement d'un dollar pour chaque dollar investi, on ne s'intéresse qu'au rendement immédiat. En revanche, on peut également prendre l'étalon du rendement à plus long terme.

• 1810

La perspective économique qu'il faut adopter dans le domaine culturel s'intéresse aux effets économiques à long terme que peut obtenir une société qui se connaît elle-même, qui reconnaît la valeur de l'individu et du groupe et qui est capable de se doter de ce dont elle ne dispose pas encore. De ce point de vue, il en va de la société comme de l'individu.

La personne qui se connaît elle-même se respecte, respecte sa dignité et connaît sa place dans la société. Celui qui peut faire confiance à son savoir est moins exposé aux vicissitudes de la vie. Celui qui ne se connaît pas et ne connaît pas sa place dans la société, qui n'a pas confiance dans ses propres moyens et qui n'a jamais appris à se faire confiance, se laissera facilement abattre. Il n'en va pas différemment dans la société.

La société dans laquelle nous vivons, c'est la société de la culture et du patrimoine de Terre-Neuve et du Labrador; nous appartenons donc à une famille nationale de cultures diverses. Le gouvernement provincial et le gouvernement national devraient avoir pour mission de faire en sorte que les valeurs culturelles et patrimoniales puissent s'épanouir dans toute leur diversité pour produire une société forte, dont le dynamisme produira des avantages économiques. Si tel n'est pas le cas, notre histoire ne nous aura servi à rien.

J'aimerais aborder cette discussion sur la base d'un indicateur économique, en comparant avec certains jalons. En effet, si nous ne voyons que les détails, nous allons perdre de vue ce qu'est véritablement une société qui se connaît et se comprend elle-même. La culture et le patrimoine servent à cela; c'est un miroir qui nous permet de nous voir et, à partir de là, de créer.

Je suis née et j'ai été élevée dans un des petits ports isolés de Terre-Neuve, dans une petite île au large de la côte Nord-Est. Les termes «art» et «culture» sont des termes que les gens des ports isolés de Terre-Neuve ne connaissaient pas. Si vous leur aviez demandé s'ils s'intéressaient aux arts ou s'ils avaient une vie culturelle, ils n'auraient même pas compris la question. Mais dans ces ports isolés, et également à Saint-Jean, cela n'empêchait pas les gens de créer. Ils créaient pour le plaisir, pour renforcer les liens de leur société, et c'est cette effervescence créatrice qui leur permettait de survivre.

Dans la communauté où je suis née, on disait d'une personne qui résolvait facilement les problèmes: «Elle peut changer le cul du chat sans lire les instructions.» Autrement dit, quand on avait un problème, il fallait le résoudre. C'est à cause de cette vision créatrice que les gens avaient; et aujourd'hui, dans notre société, nous devons trouver des moyens d'encourager les gens à ne pas être des consommateurs passifs de culture ou de divertissements étrangers, mais au contraire à favoriser la créativité de notre société, à nous considérer comme des créateurs dans tous les aspects de notre vie. Cela devrait nous permettre d'améliorer notre climat économique, et en même temps de créer une société qui comprend la place qu'elle occupe dans le monde.

Je sais bien que tout cela peut sembler prétentieux, mais lorsque le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial se concertent pour élaborer des programmes et des modes de financement, ils doivent le faire en comprenant bien que la culture n'est pas seulement un produit, et que, dans le fond des fonds, le plus important, c'est de confier les programmes aux gens qui doivent vivre avec.

• 1815

Je vais maintenant céder la parole à Penny, qui s'est occupée personnellement de certains programmes du patrimoine et qui a des observations à faire.

Mme Penny Houlden: Ce que je vais dire n'est pas vraiment préparé, et si vous avez des questions ou des réactions, j'aimerais beaucoup les entendre.

À propos de ce que Liz vient de dire, à Terre-Neuve nous vivons dans un environnement qui se heurte de front à tous ces changements dont on parle tant. Tous les thèmes qui figurent dans vos cinq questions occupent une place fondamentale dans notre expérience.

À cause du moratoire de la morue et du déclin considérable de nos pêches, nous assistons actuellement à un exode important. Nous avons donc le sentiment très crucial que nous sommes en train de perdre notre culture et nos communautés. Et à cause de cela, parmi les gens ordinaires, on assiste à un mouvement incroyable pour préserver cette histoire en créant des musées communautaires.

En même temps, il faut absolument que nous trouvions d'autres modes économiques, et dans ce domaine le tourisme occupe une place très importante. D'un autre côté, nous voyons dans les musées un certain salut, et nous espérons, en organisant des voyages axés sur le patrimoine, insuffler une nouvelle vie dans des communautés qui déclinent actuellement.

C'est un secteur où l'on assiste à une croissance incroyable. En effet, les gens souhaitent s'engager dans cette voie, et nous sommes heureux de voir que le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial aident ces gens-là, qui dans l'ensemble sont des bénévoles, à réaliser leurs rêves.

En même temps, nous devons répondre aux besoins de nouveaux auditoires. Les circuits du patrimoine sont considérés comme des circuits de haut niveau et suscitent beaucoup d'attentes. Par conséquent, il importe de leur offrir un produit de qualité. Nous devons également pouvoir profiter des occasions que nous offre la technologie nouvelle, affirmer notre culture sur l'Internet et nous assurer que notre mémoire collective se perpétue et que les gens savent ce que nous pouvons leur offrir. C'est un outil de marketing. Nous vivons donc dans un environnement assez étrange: d'une part, nous sommes en train de perdre notre économie et notre sentiment d'appartenance, mais en même temps nous essayons d'en tirer le meilleur parti possible.

Grâce à certaines ententes fédérales-provinciales, nous avons vu des modèles de développement très réussis, et j'espère que cette discussion conduira à de nouveaux programmes bien adaptés à nos besoins locaux, et cela, en collaboration avec les deux paliers de gouvernement.

Mme Elizabeth Batstone: Je ne sais pas si vous voulez me poser des questions ou si vous préférez une courte déclaration.

Le vice-président (M. Inky Mark): Commencez par une courte déclaration, après quoi les membres du comité vous poseront des questions.

Mme Shelley Smith: Peut-être pourrais-je commencer par une observation qui, devant un auditoire plus vaste, pourrait être considérée comme une provocation. Liz vous a dit qu'elle a été élevée dans un port isolé de Terre-Neuve et que les gens ne considéraient pas que leurs activités étaient une forme de culture. Cela est dû principalement au fait que le concept de la culture de Terre-Neuve a été inventé par un groupe d'universitaires venus d'ailleurs, des gens qui sont arrivés à l'Université Memorial pendant les années 60 et qui se spécialisaient dans le folklore. Ils ont créé un département du folklore à l'Université Memorial et ont découvert qu'il y avait ici des choses qui méritaient d'être enregistrées et préservées. Ce qu'ils ont commencé se poursuit aujourd'hui; il y a un service d'archives folkloriques extrêmement dynamique à l'Université Memorial, un des meilleurs services d'archives folkloriques en Amérique du Nord.

• 1820

En fait, même les archives provinciales ont débuté sur le campus de l'Université Memorial, mais, au départ, c'était surtout une collection de dossiers gouvernementaux qui avaient survécu à l'époque coloniale et dont les historiens avaient besoin pour faire de la recherche. Autrement dit, les archives provinciales n'ont pas vu le jour parce que les gens avaient le sentiment d'avoir une culture et un patrimoine à préserver. C'est seulement après que ce groupe de personnes, des universitaires de l'extérieur de la province, eurent inventé notre culture pour nous que nous avons commencé à nous y intéresser.

Mme Elizabeth Batstone: Ils l'ont découverte.

Mme Shelley Smith: Ils l'ont inventée en tant que culture. Pour nous, c'était notre mode de vie. Comme je l'ai dit à une ou deux personnes, c'est à cela que je pense quand je vois les gens se tourmenter à essayer de définir la culture canadienne, quand je vois le temps qu'on passe à chercher une définition, une définition qu'on pourra mettre dans une boîte avec une étiquette. En fait, nous avons toutes sortes de cultures.

Comme Liz l'a dit, à cause de ces cultures, les programmes du gouvernement fédéral, qu'il s'agisse de programmes culturels, de programmes de santé ou d'éducation, ne peuvent pas être appliqués exactement de la même façon dans toutes les provinces du pays. Quand on va au fond des choses, on s'aperçoit que ces cultures déterminent beaucoup plus les modes d'application, les mécanismes de consultation, les particularités démographiques des provinces, que les formules de financement.

À l'heure actuelle, à propos des archives, notre réalité démographique fait qu'on voit aujourd'hui des gens qui travaillaient jadis dans le secteur des pêches vouloir travailler dans les musées et dans les services d'archives. Il y a de la place pour certains d'entre eux, mais comme Penny l'a mentionné dans son exposé tout à l'heure, dans certains cas nous sommes forcés de les accueillir, car nous n'avons personne d'autre à notre disposition. Cela dit, ils n'ont pas toujours la formation dont nous avons besoin. Par contre, ils ont besoin de travailler, et c'est probablement un phénomène qu'on trouve plus fréquemment dans les secteurs des archives et des musées que dans le reste de la ville.

Il faut donc comprendre qu'il n'est pas toujours possible d'enfoncer une cheville carrée dans un trou rond, et lorsque la réalité sociale change, comme cela se produit actuellement dans la province, il convient de remettre en question tous les programmes, et pas seulement les niveaux de financement.

D'autre part, j'aimerais revenir sur une observation que Joe a faite tout à l'heure au sujet de l'Internet, qui tend à mettre tout le monde sur un pied d'égalité. À mon avis, c'est tout à fait exact, mais ce n'est pas forcément une bonne chose.

Il existe une grande crainte dans mon secteur, à savoir que, comme les archives américaines—ainsi que certains autres fonds archivistiques importants—peuvent rendre accessibles leurs dossiers sur Internet, on demandera à tous les fonds archivistiques du pays ou de tous les musées de faire de même. Cela exigerait cependant d'affecter à cette fin des ressources qui sont essentielles à l'exécution de fonctions de base comme l'organisation, la description et la préservation des archives.

Cette approche risque d'être très nocive. Elle risque de compromettre des initiatives comme le Réseau canadien d'information archivistique, qui mérite d'être financé, puisque leur but est d'accroître la présence canadienne sur l'Internet... On craint donc que le gouvernement fédéral ne réinvestisse dans des initiatives semblables des fonds qui nous ont pourtant été accordés à d'autres fins.

Je crois exprimer le point de vue des fonds archivistiques de cette province en disant que sans les fonds qui leur ont été accordés par le Conseil canadien des archives, bon nombre d'entre eux n'existeraient pas. Ces archives ne seront peut-être pas prêtes avant cinq, six, sept, ou même dix ans, à vraiment tirer parti de l'Internet. On est loin du tout ou rien dans ce cas.

Le vice-président (M. Inky Mark): Michael.

M. Michael Clair: J'aimerais remercier le comité de l'occasion qui m'est donnée de lui exposer mes vues.

Nous hésitions à exprimer des vues en public, étant donné que les messages électroniques et les télécopies que nous avons reçus ne nous ont pas vraiment permis de nous faire une bonne idée du sujet de la discussion. Nous vous remercions de nous consacrer un peu de temps.

• 1825

J'aimerais d'abord faire quelques observations générales avant d'aborder des questions plus précises.

Pour bien comprendre l'importance de la culture et du patrimoine à Terre-Neuve—dont plusieurs personnes vous ont parlé éloquemment—il suffit de penser à l'importance qu'ils ont au Québec. Le Québec et Terre-Neuve sont comparables sur ce point. L'isolement du Québec est attribuable au fait qu'il ne parle pas la même langue que le reste du Canada, et notre isolement est attribuable à notre éloignement géographique. La culture qui caractérise Terre-Neuve a mis 500 ans à se constituer et est tellement distincte de la culture du reste du Canada que nous avons notre propre dictionnaire d'anglais.

J'ajouterai qu'il n'existe pas une seule culture terre-neuvienne; il y a la culture autochtone, la culture francophone, la culture de Notre Dame Bay et celle de Fortune Bay. Nous sommes cependant unis par une histoire commune vieille de 500 ans.

Il y a cependant quelque chose que je n'arrive pas à comprendre. Notre province est riche. Nous avons apporté beaucoup de richesses au Canada. Nous lui avons apporté le pétrole au large des côtes, des ressources minières, du poisson et de l'énergie hydroélectrique. Nous sommes cependant une province pauvre. J'aimerais comprendre comment Terre-Neuve s'est retrouvée dans cette situation.

À mon avis, une part du problème est attribuable au fait que le gouvernement fédéral n'est pas présent dans cette province. On n'y trouve pas de grande base militaire comme celle qui existe à Halifax. L'industrie aérospatiale n'y est pas représentée comme à Montréal. Il n'y a pas de DEVCO comme au Cap-Breton. La présence fédérale dans cette province est beaucoup moins marquée que dans d'autres provinces.

On peut aussi dire que la présence culturelle du gouvernement fédéral n'est pas très manifeste à Terre-Neuve. On a fermé le bureau de l'ONF dans notre province. Le ministère du Patrimoine canadien compte un bureau régional à Terre-Neuve, mais on ne peut pas dire que le gouvernement fédéral est très bien représenté dans la province dans le domaine culturel. Le Conseil des arts du Canada ne compte pas non plus de bureau à Terre-Neuve, etc.

Nous attachons beaucoup d'importance à la culture, mais les ressources qui sont affectées dans ce domaine ne le reflètent pas. Très honnêtement, je ne crois pas non plus que le gouvernement provincial appuie financièrement suffisamment les activités culturelles, mais nous travaillons à changer la situation. Nous pensons que le gouvernement fédéral devrait être mieux représenté dans cette province.

Nous estimons jouir d'un avantage comparatif dans le domaine de la culture. La Saskatchewan, elle, jouit d'un avantage comparatif dans la production du blé. Il est beaucoup moins coûteux de produire du blé en Saskatchewan que ce ne l'est à Terre-Neuve. Par ailleurs, il est beaucoup moins coûteux de produire de la culture à Terre-Neuve qu'ailleurs au pays parce que nous avons des histoires à raconter et des artistes talentueux pour les raconter. Bref, nous avons ce qu'il faut pour créer de la culture dans cette province. Le sol est bon en Saskatchewan pour le blé. Notre sol est bon pour la culture. Nous n'avons pas les ressources voulues pour transformer le blé en pain et pour le vendre sur les marchés internationaux. Nous n'avons pas non plus l'infrastructure, comme les studios de télévision, qui existe au Québec. Nous n'avons pas de studios d'enregistrement. Nous n'avons pas l'infrastructure de base dans le domaine culturel.

Il faudrait comprendre l'importance que revêt la culture dans cette province. Si le gouvernement fédéral le comprenait, il verrait que nous jouissons d'un avantage comparatif dans ce domaine. Investir un dollar dans la culture à Terre-Neuve rapporte bien davantage qu'en Saskatchewan, pour reprendre cet exemple, ou qu'ailleurs. Nous aimerions que le gouvernement fédéral s'en rende compte.

Comme je le disais plus tôt, nous essayons de créer dans cette province... Liz a fait remarquer plus tôt que les gens de Terre-Neuve ont une conception intuitive de la culture. Le poisson ne se demande pas ce qu'est l'eau. Or, nous commençons à croire dans cette province qu'il faut protéger la culture. Voilà pourquoi nous nous intéressons au modèle du Québec. Nous nous intéressons à vos institutions. Nous étudions les mesures que vous prenez au Québec pour voir si elles ne pourraient pas être adoptées ici. Nous discutons de ces questions avec nos collègues du Québec.

Voilà pour ce qui est de ma déclaration préliminaire. J'aimerais un peu plus tard aborder cinq questions bien précises.

Le vice-président (M. Inky Mark): Je vous remercie. Je vais d'abord demander aux membres du comité s'ils ont des observations à faire ou s'ils ont des questions à poser.

Madame Tremblay, voulez-vous commencer?

• 1830

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Monsieur Clair, vous avez abordé votre présentation de façon très sentie. D'une certaine façon, j'ai été un peu émue par la présentation que vous avez faite. Je dois dire à mes collègues que je viens de passer une semaine avec la sénatrice Cook et le sénateur Doody, qui sont de Terre-Neuve. J'ai appris seulement jeudi que je venais ici, car on a fait un échange entre l'Est et l'Ouest. Toute la semaine, nous avons beaucoup parlé de Terre-Neuve et du Canada. J'avais beaucoup de curiosité par rapport à Terre-Neuve. J'avais le sentiment, après les visites antérieures que j'avais faites ici, que le Québec et Terre-Neuve avaient beaucoup en commun, et vous l'avez exprimé de façon un peu émouvante cet après-midi.

Verriez-vous d'un bon oeil que le gouvernement fédéral reconnaisse que la culture est de compétence provinciale et signe des ententes formelles avec les provinces pour que la plupart des programmes soient administrés localement? On veut que demeurent les institutions comme Téléfilm, l'Office national du film et Radio-Canada, et il n'est pas question de toucher à cela, mais certains programmes pourraient être administrés localement. Je pense, par exemple, aux artistes qu'on peut aider, aux orchestres qu'on va subventionner, à ceux à qui on va donner quelque chose dans le domaine de la musique. Iriez-vous jusque-là quant au rôle du gouvernement fédéral?

Il y a les quatre points que j'ai mentionnés et j'en ajoute un cinquième, soit la conservation. C'est une dimension que je trouve extrêmement importante et que j'avais oubliée. Comment voyez-vous cela?

[Traduction]

Mme Elizabeth Batstone: Je crois que je peux dire que nous aimerions participer bien davantage aux décisions touchant la mise en oeuvre des programmes culturels fédéraux.

Il ne fait aucun doute dans mon esprit ni dans celui des personnes de mon ministère avec lesquelles je travaille qu'il faut revoir toute la question de la mise en oeuvre des programmes culturels pour voir s'ils atteignent leurs objectifs. Cet examen doit tenir compte de la situation particulière de cette province.

Cet examen devrait idéalement être mené par la province, mais il pourrait aussi s'agir de simplement s'assurer que les objectifs du programme d'aide aux musées, par exemple, répondent aux besoins de chaque province, qu'il s'agisse de Terre-Neuve et du Labrador, de la Nouvelle-Écosse, du Québec ou de l'Ontario.

Je crois qu'idéalement les programmes culturels et les programmes de protection du patrimoine devraient être gérés par la province. Ces programmes devraient être conçus pour répondre aux besoins particuliers de la province.

M. Michael Clair: Liz, j'aimerais ajouter qu'il y a un prix à payer pour les provinces défavorisées. Le prix à payer, c'est l'abandon de leur fierté. Les provinces riches financent elles-mêmes leurs propres programmes culturels, mais les provinces défavorisées doivent compter sur le financement du gouvernement fédéral, qui leur dicte ensuite la façon dont elles doivent dépenser ces fonds. Les provinces ne sont pas toutes traitées de la même façon.

Nous aimerions gérer nos programmes culturels de la même façon que le font l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique. Nous avons les compétences voulues pour le faire. La façon dont les programmes sont actuellement mis en oeuvre est trop compliquée.

• 1835

Mme Elizabeth Batstone: J'aimerais ajouter que nous obtenons une très bonne collaboration des représentants du ministère du Patrimoine canadien dans cette province. Nous n'aimerions certainement pas que vous pensiez que nous nous plaignons d'eux. Ils doivent cependant se reporter aux lignes directrices et aux critères en place pour mettre en oeuvre les programmes fédéraux. Ils font de leur mieux pour être souples et pour tenir compte de la situation particulière de notre province. L'idéal serait cependant que nous soyons chargés de concevoir et de mettre en oeuvre nous-mêmes les programmes.

Au cours des dernières années, nous avons conçu et mis en oeuvre, en collaboration avec le gouvernement fédéral, des accords fédéraux-provinciaux touchant les industries culturelles. Bien que le gouvernement fédéral et la province contribuent respectivement 70 p. 100 et 30 p. 100 des fonds pour la mise en oeuvre de ces programmes, les décisions sont prises en commun. Si les milieux artistiques sont satisfaits de la situation actuelle, c'est que les accords fédéraux-provinciaux prévoient une participation égale de la province.

Le vice-président (M. Inky Mark): Madame Tremblay.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: J'ai une toute petite question pour madame. J'en ai parlé un peu tout à l'heure, en privé, mais j'aimerais qu'on y revienne pour que ce soit consigné au compte rendu. Pourriez-vous élaborer sur la collaboration entre les musées nationaux et les musées provinciaux pour ce qui est de l'échange d'artefacts, etc.?

[Traduction]

Mme Penny Houlden: Je parlais à Mme Tremblay d'un fait que j'ai appris l'autre jour et qui montre, à mon avis, que les institutions nationales conçoivent peut-être leur rôle autrement que nous concevons le nôtre dans les régions.

Je sais que le Musée canadien des civilisations connaît de sérieuses difficultés financières et qu'il lui faut lever des fonds en faisant payer un droit d'entrée aux visiteurs ainsi que par d'autres moyens. Voici cependant quelque chose qui m'a beaucoup surprise. Nous organisons actuellement un échange d'artefacts avec ce musée. Nous leur avons demandé de nous prêter des artefacts pour une exposition que nous montons actuellement. On vient de nous communiquer ce qu'il nous en coûterait pour emprunter ces artefacts. J'ai été surprise de recevoir ce barème des frais, parce que nous n'aurions jamais songé à demander au Musée des civilisations de payer pour l'emprunt de nos artefacts.

Nous aimerions beaucoup pouvoir faire connaître notre histoire par ce musée. Nous nous attendrions à ce qu'on nous traite de la même façon. À mon avis, les artefacts qui se trouvent à Ottawa devraient être considérés comme appartenant à notre patrimoine commun. Nous ne devrions pas avoir à payer pour les emprunter.

J'attire votre attention sur cette situation parce que je crois que le musée national perd de vue son mandat dans son effort pour équilibrer son budget. Il n'est peut-être pas précisé par écrit nulle part que le musée a pour rôle de rendre notre culture accessible à tous les Canadiens, mais je crois que c'est bien là son mandat.

Mme Elizabeth Batstone: Cet exemple est d'autant plus intéressant que des musées de la Scandinavie nous prêtent des artefacts gratuitement pour les inclure dans une exposition sur les Vikings Skraelings que nous montons pour célébrer l'avènement du nouveau millénaire.

• 1840

Le vice-président (M. Inky Mark): Joe.

M. Joe Jordan: Cela en dit long sur toute la formule du recouvrement des coûts, qui a aussi été adoptée dans d'autres secteurs.

Je commence à comprendre mieux ce dont il s'agit. Je sais que j'ai offensé certaines personnes lorsque j'ai voulu donner un ton économique au débat. Vous m'avez convaincu qu'il fallait aborder la question sous un autre angle. On ne peut pas réduire la culture à un produit. Ce n'en est pas un. C'est la mauvaise approche à adopter.

Vous semblez avoir manifesté quelque surprise, ou même de la frustration, face à cette recherche et à cette soif de culture. Il ne faut pas oublier, toutefois, que dans certaines régions du pays nous sommes culturellement stériles, et les gens qui posent ces questions sont des gens qui ne verront pas un brin d'herbe ni n'entendront de la musique en direct pendant un mois—qui, pour une raison ou une autre, ont éliminé cela.

Il y a donc vraiment des régions du pays qui n'apprécient pas cela ou qui l'ont perdu. Qui sont complètement déconnectées de ce genre de choses.

Pour revenir un peu sur ce que disait Mme Tremblay—je ne veux pas entrer dans les questions de compétence, mais la discussion que nous tenons a fait un peu la lumière là-dessus—je crois que les provinces sont véritablement des frontières culturelles, si l'on considère l'histoire de notre pays. Dire que c'est de compétence provinciale, c'est ouvrir la porte aux discussions, mais je crois que l'on peut tout de même dire: c'est la façon dont a évolué notre pays...

Non seulement les provinces sont des frontières culturelles, mais, quelquefois, la géographie est aussi à l'origine du développement culturel, comme dans le cas de Terre-Neuve.

Je crois que l'on peut donc très bien dire que respecter les frontières provinciales correspond en fait à respecter les frontières culturelles.

Cela dit, je ne pense pas qu'il y ait un transfert à 100 p. 100. Vous parlez de contributions égales. Je dirais que la culture canadienne est plus que l'ensemble de ses cultures distinctes. Il y a des synergies qu'il faut également encourager. Un certain équilibre est donc nécessaire.

Dernier point, à propos d'Internet; je suis issu du monde universitaire, et vous avez tout à fait raison de dire qu'il ne faut pas perdre de vue le fait que c'est un outil; ce n'est pas cela qui fera tout. Dans le monde de l'éducation, certains ont pensé que cela pourrait remplacer le professeur. On a jugé que cela permettrait de faire les choses plus économiquement. Il faut vraiment éviter de penser ainsi. On voit cela et on se dit: ma foi, on n'a pas besoin de musées; il y a les musées virtuels. On perd ainsi de vue ce que l'on essaie de faire.

Vous avez tout à fait raison; je crois que vos craintes sont fondées.

Mme Elizabeth Batstone: J'aimerais dire une ou deux choses, car je crois que vous avez touché à une partie du sujet dont je dirais que nous devrions discuter ici; à savoir qu'il y a véritablement un rôle pour les programmes fédéraux et que ce que nous avons probablement fait, c'est perpétuer des programmes et des attitudes vis-à-vis de programmes qui ont peut-être évolué il y a deux ou trois décennies, alors que le Canada, Terre-Neuve et le monde étaient très différents de ce qu'ils sont aujourd'hui.

Que faut-il rechercher dans notre pays comme présence fédérale et nationale? Nous devons nous assurer que les gens qui, dans certaines régions du Canada, pour une raison ou une autre, comme vous le dites, vivent dans des tours et ne voient jamais de brins d'herbe, sinon dans la jardinière accrochée à leur fenêtre, avec un peu de chance...

Comment les gens des petits ports de Terre-Neuve et ces gens-là, et ceux qui vivent en Saskatchewan et en Colombie-Britannique ou encore au Yukon, peuvent-ils se rejoindre? C'est cela le rôle du gouvernement fédéral dans le développement de notre pays. Il nous faut trouver des moyens qui permettent aux habitants de Terre-Neuve et du Labrador de rejoindre ceux du Québec ou du Yukon, car, loin de nous diminuer, cela ne peut que nous permettre de nous développer. Cela est source d'une complexité similaire à l'appartenance à une grande famille. Quand on est membre d'une grande famille, il y en a dans cette famille qu'on aime, d'autres moins; on s'entend avec certains, mais pas avec d'autres. Mais l'on profite de tout cet ensemble qui fait partie de soi.

• 1845

Peut-être que nous devrions passer beaucoup plus de temps à discuter des programmes fédéraux, et non pas de la façon dont ils sont mis à la disposition des artistes ou des musées; il s'agit plutôt là de frontières provinciales ou culturelles. Concentrons-nous sur la façon dont les diversités culturelles de notre pays peuvent être partagées entre tous. Il y à peine deux décennies, il existait d'importants programmes de subventions permettant aux gens de voyager ailleurs au pays, afin d'y vivre, d'y passer un certain temps et de partager des expériences avec d'autres. Dès que sont apparues les compressions budgétaires, ces programmes ont disparu.

M. Joe Jordan: Nous commençons à dire des choses trop sensées.

Mme Elizabeth Batstone: C'est donc le moment d'arrêter.

Le vice-président (M. Inky Mark): Y a-t-il d'autres questions? D'accord. Wendy.

Mme Wendy Lill: Je dois dire que cette conversation est très intéressante. C'est très enrichissant.

Je suis bien d'accord avec vous pour ce qui est... vous pensez à des choses comme Katimavik, des choses qui ont permis à beaucoup de gens de tout le pays de voyager, à des jeunes, à des gens idéalistes qui ont réellement fait des choses et continué toute leur vie avec leur famille... qui ont secoué la réalité.

Il y a aussi l'idée du système de radiodiffusion public, qui, comme vous le savez, manque depuis longtemps d'argent. Cela permettait toutefois d'entendre l'humour de Terre-Neuve, un petit peu de l'humour de la Nouvelle-Écosse et du théâtre d'Orangeville, en Ontario, dans tout le pays—des petits aperçus pervers et spéciaux de différentes régions. Je dis «pervers», car certains l'étaient. On en entend beaucoup moins, et je trouve que c'est tragique. Je continue à dire qu'un des outils de développement à notre disposition, c'est le système de radiodiffusion public, et que nous devons nous assurer qu'il a les moyens de survivre.

J'aimerais poser une question, parce que vous êtes là et que vous êtes des législateurs provinciaux. Parlez-nous des emplois, du Conseil des ressources humaines du secteur culturel, de l'argent dont il disposait. Je crois qu'il y avait 8 millions de dollars l'année dernière. J'ai du mal à savoir ce que l'on a fait de cet argent, mais je sais qu'une bonne partie a disparu et que c'est parce que les emplois étaient transférés au secteur provincial. Il s'agit d'emplois culturels qui passent au secteur provincial. Et je ne comprends absolument pas ce qui s'est passé. Je sais simplement qu'il y a des tas de gens... Savez-vous de quoi je parle?

M. Joe Jordan: Parlez-vous du transfert?

Mme Wendy Lill: Je parle du CRHSC, du Conseil des ressources humaines du secteur culturel et de Jean-Philippe Tabet. Lorsque j'exerçais des pressions...

M. Joe Jordan: Est-ce que cela fait partie de l'entente sur le marché de la main-d'oeuvre?

Mme Wendy Lill: Oui. Donc, en quelque sorte, il...

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Joe Jordan: ...

Mme Wendy Lill: Ma foi, cet argent était là parce que beaucoup d'artistes contribuent à l'assurance-emploi en faisant toutes sortes de travaux. Toutefois, ils ne perçoivent jamais de prestations parce qu'ils gagnent cet argent en travaillant comme serveurs et ils ne travaillent jamais suffisamment d'heures. Sachant donc qu'il y a des gens qui cotisent à cette caisse, ceux qui travaillent dans le secteur culturel, mais qui n'ont pas accès comme d'autres à l'assurance-chômage, mettent de l'argent dans cette caisse. Et je crois qu'il devait y avoir 7 millions de dollars l'année dernière et que finalement cela ne faisait plus que 2 millions de dollars. La raison en est qu'il fallait absolument faire quelque chose, puisque cela allait être transféré aux provinces.

Ce qui se produit, c'est que nous dévoluons continuellement nos programmes aux provinces. Le problème est donc le suivant: nous dévoluons sans cesse nos pouvoirs aux provinces et nous ne les avons donc plus. Où sont-ils passés? Où se trouve l'argent qui a été transféré aux provinces?

Vous êtes une province. Donc, aidez-moi. Savez-vous ce dont je parle?

Mme Elizabeth Batstone: Pas tellement bien.

Mme Shelley Smith: Cela n'est pas parvenu à notre ministère.

Mme Elizabeth Batstone: Je suppose que vous parlez d'une somme d'argent qui a été versée à la caisse de transition concernant le marché du travail par l'intermédiaire du Conseil des ressources humaines du secteur culturel. Ces sommes sont alors administrées par un autre ministère. Je dois avouer que je ne sais pas comment a évolué ce programme.

Cela ne s'est certainement pas traduit directement en activité culturelle dans les domaines dont nous traitons, mais cela a produit beaucoup de... ma foi, j'allais dire «douteuse», mais je ne sais pas si je puis le dire, car je n'en suis pas suffisamment certaine. Je dirais que cela a amené une certaine formation dans un secteur ou un autre de ce que l'on appelle en général le secteur culturel.

• 1850

M. Joe Jordan: Wendy, certaines des ententes existent et d'autres non. L'Ontario n'en a pas; donc la différence entre 7 et 2 millions de dollars reflète peut-être le fait que le gouvernement fédéral continue cela dans certaines provinces et pas dans d'autres. Il y a un véritable mélange dans tout cela.

Mme Wendy Lill: Nous parlons tous de quelque chose que nous ne connaissons pas assez.

Quel genre de modèle voulez-vous voir pour la formation d'artistes et d'autres membres du secteur culturel? Je sais que vous avez parlé de cela à plusieurs reprises, dit qu'il fallait que les gens puissent suivre un certain apprentissage—le terme ne s'applique pas forcément bien—dans les arts, les faire travailler dans des théâtres et apprendre le métier, les éclairages, leur permettre d'acquérir des connaissances technologiques qui leur permettent d'aller en fait plus loin dans leur discipline.

Nous avons ici d'un côté le gouvernement fédéral et de l'autre la province. Suivons simplement un artiste qui veut obtenir un peu d'argent. Quelle est la meilleure façon de s'y prendre?

Mme Elizabeth Batstone: La marche à suivre est extrêmement complexe pour un artiste ou une organisation artistique. Une des choses qu'il faut examiner, et examiner de très près, c'est la diffusion des programmes et des possibilités de financement existants, en particulier dans une province comme Terre-Neuve, où le ralentissement de l'économie fondée sur les richesses naturelles provoque un exode des habitants de Terre-Neuve et du Labrador vers ce qu'ils espèrent être un nouveau salut, à savoir le tourisme culturel. Il y a là toutefois plusieurs dangers.

D'une part, évidemment, le fait que tout le monde ne va pas pouvoir se lancer en tourisme ou en tourisme culturel. D'autre part, les gens ne connaissent pas en général ce que c'est. Ainsi, lorsqu'il y a des programmes fédéraux offerts par exemple par Développement des ressources humaines Canada ou par l'intermédiaire d'un tas d'autres nouveaux programmes, et qu'il y a ensuite tous les organismes de financements provinciaux, c'est un véritable labyrinthe pour quiconque souhaite faire quelque chose qui lui semble correspondre à la définition de culture, et qui créé un projet qu'il essaie de vendre. C'est ce qui se passe.

Prenez l'intervention de George Chalker à propos du patrimoine construit. Nous luttons sur tous les fronts contre les projets élaborés pour le tourisme culturel qui consistent en fait à construire quelque chose. Il y a une localité où l'on veut construire un vieux port de Terre-Neuve, et dans un coin tout près qui est déjà un vieux port de Terre-Neuve...

M. Michael Clair: Où les bâtiments se détériorent.

Mme Elizabeth Batstone: Oui, les bâtiments originaux, avec leur architecture, tombent en ruine. Mais parce qu'ils sont allés ailleurs au Canada et aux États-Unis où l'on construit des tas de belles choses toutes neuves pour les touristes, ils se disent: «C'est ce que nous devons faire. Nous allons construire un port de Terre-Neuve et nous allons faire venir les touristes.» Ils laissent tomber le port qui s'écroule. Essayer de les convaincre—et rassurez-vous, j'en arrive à ma conclusion—qu'il serait préférable de voir ce qui devrait être rebâti dans leur localité même est très compliqué.

Alors voilà ce que je voulais dire: il existe des programmes fédéraux qui relèvent d'un tas d'ententes qui pourraient leur donner les moyens de faire cela. Nous ne le faisons pas.

Mme Wendy Lill: Permettez-moi de vous demander une précision. Y a-t-il de l'argent, fédéral ou provincial, à leur donner pour rebâtir leur propre localité?

Mme Elizabeth Batstone: Pas du tout assez.

Mme Wendy Lill: Obtiendraient-ils davantage d'argent pour quelque chose de nouveau?

Mme Elizabeth Batstone: Oui.

M. Michael Clair: Comme l'a mentionné George Chalker à propos du patrimoine construit, on obtient davantage de subventions pour démolir. Si je suis propriétaire d'un bâtiment, aux termes des dispositions de la législation fiscale, il est plus avantageux pour moi de démolir ce vieux bâtiment et d'en construire un nouveau. Il est également plus avantageux, dans le cadre du programme de subventions, de ne pas réparer les bâtiments qui tombent en ruine et d'en construire des copies un peu plus loin. C'est illogique.

• 1855

Mme Elizabeth Batstone: On ne précise jamais aux gens que restaurer leurs bâtiments ne signifie pas qu'ils sont obligés de vivre dans des conditions inconfortables et à l'ancienne. Il y a des tas de gens qui disent qu'ils veulent mettre des fenêtres coulissantes modernes, etc., et qui ne veulent pas vivre dans une maison inconfortable.

Il faut pouvoir expliquer logiquement aux intéressés—tout en leur offrant une aide financière—qu'ils peuvent rendre leurs maisons tout aussi confortables et modernes qu'ils le souhaitent, avec toutes les commodités à la page, sans pour autant détruire l'intégrité architecturale du bâtiment. La province est tout autant à blâmer. Ni la province ni le gouvernement fédéral n'ont beaucoup investi pour attaquer la question de front ou pour démontrer aux intéressés que lorsqu'ils ont le choix ils peuvent très bien restaurer leurs maisons pour les embellir, les rendre confortables et les moderniser, sans pour autant en détruire la valeur par toutes sortes d'autres moyens. Il n'existe aucun programme innovateur qui incite les gens à le faire.

Le vice-président (M. Inky Mark): À ce sujet-là vos règlements sur l'intégrité patrimoniale du bâtiment s'appliquent-ils à l'ensemble du bâtiment ou seulement à la façade?

M. Michael Clair: À l'extérieur, car c'est ce qui nous intéresse le plus.

Mme Elizabeth Batstone: Il n'existe pas de règlement provincial à cet égard. Toutefois, diverses municipalités, telles que St. John's et d'autres, ont adopté des règlements municipaux qui sont appliqués de façon inconstante, à mon avis. La province n'a adopté aucune loi ni aucun règlement là-dessus, et il y a un vide énorme à combler, car le problème n'est pas fédéral, mais provincial.

Le vice-président (M. Inky Mark): Dans la province du Manitoba—et les administrations municipales ont emboîté le pas—si vous êtes propriétaire d'un bâtiment désigné patrimonial par la municipalité et que vous voulez de l'argent pour le rénover, vous devez vous tourner vers la province. Mais on exige que l'extérieur...

M. Michael Clair: Ici aussi. Si vous recevez une subvention pour rénover votre propriété, vous devez signer une servitude sur cette dernière.

Mme Elizabeth Batstone: Il y a quelques années, le gouvernement fédéral a réussi un coup de maître en lançant son programme de participACTION pour promouvoir la santé et la forme physique chez les Canadiens. Il a lancé une offensive générale sur les drogués de la télé, de façon très innovatrice, et a réussi à changer la mentalité des Canadiens.

On ne peut pas dire que les Canadiens se sont rattrapés et sont maintenant aussi en forme que le fameux Suédois de 65 ans—en tout cas personne n'a essayé de nous en convaincre—mais ils sont beaucoup plus sensibilisés à la forme physique et au besoin de faire des exercices et de l'activité physique régulièrement. Ils sont aussi conscients des méfaits du tabagisme et qu'il ne faut pas prendre le volant après avoir consommé de l'alcool. Ce changement de mentalité est dû à des efforts concertés déployés pour sensibiliser la population.

Il y a une chose que le gouvernement pourrait faire très efficacement et qui profiterait à tous les Canadiens, où qu'ils habitent. Il pourrait concevoir un programme inédit et novateur qui permettrait d'exposer les Canadiens fréquemment et régulièrement aux questions de culture et de patrimoine, non pas de façon sérieuse, qui porte à l'ennui, mais de façon amusante. Il me semble que cela pourrait donner de bons résultats, car les Canadiens seraient exposés au genre de choses qu'ils comprennent très bien lorsqu'on leur en parle individuellement, mais auxquelles ils ne songent pas collectivement comme faisant partie de leur vie de tous les jours. Si participACTION a réussi, pourquoi un programme comme celui-là ne réussirait-il pas?

Mme Shelley Smith: Actuellement, nous dépendons de la Fondation Bronfman, qui produit les vignettes Reflets du patrimoine diffusées dans les cinémas: tous les films américains que nous allons voir au cinéma sont précédés de cette petite vignette offrant un contenu canadien.

Mme Elizabeth Batstone: Nous avons eu notre reflet du patrimoine.

M. Michael Clair: La discussion, il y a quelques instants, au sujet de DRHC me rappelle que je voulais signaler à quel point je suis heureux qu'il existe un ministère de la Culture. Il en existe un à l'échelle provinciale et un autre à l'échelle fédérale, mais, malheureusement, ces ministères ont une influence très limitée sur le domaine de la culture.

• 1900

Dans notre province, par exemple, c'est DRHC qui joue un rôle important en matière de culture. Comme le signalait Mme Batstone, il rate parfois le coche, mais, comme il a de l'argent, il peut agir sur des questions d'ordre culturel ou patrimonial.

Dans notre province, l'APECA investit beaucoup dans la culture, de même que Patrimoine Canada. Affaires étrangères et Commerce international a également une grande force de frappe en matière de culture, à cause de l'accord multilatéral sur l'investissement, et parce qu'il subventionne les artistes qui se rendent à l'étranger, notamment.

Le ministère des Pêches et des Océans joue également un rôle important dans notre province en matière de culture, étant donné que c'est lui qui récupère les épaves de navire ou d'avion.

Revenu Canada, pour sa part, joue un rôle important parce qu'il accorde le statut d'organisme de bienfaisance à des groupes à but non lucratif. Je sais qu'en Irlande, par exemple, les artistes sont exonérés d'impôt. Souhaiterait-on faire la même chose dans notre province?

Industrie Canada est lui aussi un intervenant clé grâce à Internet, car il fait visiter nos produits culturels sur Internet et encourage le commerce électronique. La culture étant une industrie à fort contenu intellectuel et les industries du savoir circulant très bien sur Internet, notamment, plus nous améliorerons le commerce électronique, plus nos agences en bénéficieront, elles qui doivent trouver d'autres moyens d'aller chercher des fonds, le gouvernement étant moins généreux qu'avant.

Vous voyez que plusieurs ministères du gouvernement fédéral jouent un rôle important en matière de culture, mais la coordination entre eux fait cruellement défaut. Je ne m'en prends pas uniquement au gouvernement fédéral, puisque je pourrais dire la même chose de la province. Nous essayons de rétablir la situation et nous nous tournons pour cela vers le modèle québécois, qui semble pousser plus loin que le gouvernement fédéral la coordination de ses diverses agences.

Si l'on voulait donner une tâche supplémentaire au ministère du Patrimoine canadien, on pourrait lui demander d'assurer la coordination entre les divers ministères du gouvernement fédéral. Cela nous paraît souhaitable. Ensuite on pourrait assurer la coordination au palier provincial.

Enfin, si le gouvernement fédéral devait annoncer un excédent budgétaire...

Mme Suzanne Tremblay: On ne sait jamais.

M. Michael Clair: ...je lui signalerais que nous célébrons cette année le 50e anniversaire de notre adhésion à la Confédération. Comme le mentionnait plus tôt Mary Pratt, notre province a une grande ambition, celle de construire un nouveau musée, de nouvelles archives et un nouveau musée des beaux-arts. Or, ce projet coûte très cher, même si la province nous a assuré qu'elle y contribuerait. Nous remercierions le gouvernement fédéral de toute aide financière qu'il pourrait nous fournir.

M. Joe Jordan: Est-ce que vous venez de faire une demande?

M. Michael Clair: Pas encore. Je ne fais que préparer le terrain.

Mme Shelley Smith: Ce n'est qu'un préavis.

M. Joe Jordan: Je vois.

M. Michael Clair: Mais ce qui est encore plus important, à mon avis, c'est de vous rappeler que le Conseil des arts du Canada n'est pas représenté actuellement dans notre région. Il ne compte ni représentant de Terre-Neuve ni représentant de l'Île-du-Prince-Édouard, notamment. Étant donné l'importance que nous accordons à la culture dans notre province, je le répète, nous préférerions qu'un représentant de Terre-Neuve siège de façon permanente au Conseil des arts. Je ne sais pas si la politique du conseil est d'avoir un représentant par province, mais nous souhaiterions vivement qu'un représentant de notre province y siège.

Mme Suzanne Tremblay: Je pense que ce sont les régions qui sont représentées plutôt que les provinces.

M. Joe Jordan: Oui, les régions.

M. Michael Clair: Dernière chose: je connais bien le programme d'aide aux musées. J'imagine que c'est la même chose avec les archives. Ce programme a été plutôt malmené ces derniers temps. Lorsque nous envoyons notre demande, nous ne savons jamais si nous recevrons un accusé de réception ni dans quel état se trouve le programme. L'année dernière, il a presque frôlé la crise. Nous avons envoyé notre demande en février, et nous devions recevoir une réponse en juin. Or, il nous a fallu attendre le mois d'octobre, et nous avons perdu beaucoup de temps. Nous aimerions que ce programme devienne plus efficace, peu importe la façon dont on y parviendra.

Mme Shelley Smith: Puisque l'on a mentionné à quelques reprises le programme des archives, je vous signale que la contrepartie au programme d'aide aux musées est le programme de financement du Conseil canadien des archives.

Il n'arrive évidemment pas à la cheville des autres programmes fédéraux, car il a très peu d'argent. C'est un programme de financement beaucoup plus modeste que ceux des autres secteurs, mais on a réussi malgré tout à resserrer son budget au cours des dernières années.

• 1905

Lorsque le programme a été lancé, la part de Terre-Neuve se chiffrait à 100 000 $ par année, et je crois savoir, d'après ce qu'a dit plus tôt Larry Dohey, qu'elle a chuté aujourd'hui à 58 000 $ ou à 60 000 $. Toutefois, parallèlement au resserrement des crédits, la demande augmente à cause de ce que nous vous avons expliqué au sujet des archives et des musées communautaires, et elle augmente aussi du simple fait que les Terre-neuviens s'intéressent collectivement plus qu'avant à cette question et y sont plus sensibilisés.

Au cours des trois ou quatre dernières années, on a eu l'impression que les lignes directrices s'appliquant au financement devenaient de plus en plus restrictives, au point que certains des petits centres archivistiques de la province gérés par des bénévoles ne se donnent même plus la peine d'envoyer une demande d'aide financière, car leurs bénévoles trouvent que la demande d'aide est impossible à remplir. Certains d'entre eux ont même l'impression que c'est une stratégie qu'utilise le gouvernement pour éviter que l'on ne demande une petite part des fonds qui sont toujours en décroissance et pour éviter que le manque flagrant d'argent ne soulève un tollé parmi les intéressés. C'est très frustrant.

Le programme me semble très bien géré au palier national et ne semble pas souffrir de la confusion dont souffrait le programme d'aide aux musées. Les échéanciers et les lignes directrices sont très clairs. Toutefois, ces dernières deviennent de plus en plus restrictives, les fonds de contrepartie sont de plus en plus difficiles à trouver, et on comprend de moins en moins quel genre de projet correspond aux lignes directrices. Soit dit en passant, j'ajoute que l'on s'attend à ce que des gens fassent tout ce travail pour 2 000 $ à 7 000 $ à peine.

Le vice-président (M. Inky Mark): J'avais une question à poser au sujet des associations et organisations du domaine culturel qui oeuvrent au palier national. Avez-vous l'impression qu'elles réussissent convenablement à vous représenter à l'échelle nationale?

Mme Elizabeth Batstone: De qui parlez-vous exactement?

Le vice-président (M. Inky Mark): Je parle des organismes nationaux comme, par exemple, l'Association des musées canadiens.

Mme Elizabeth Batstone: J'aimerais justement parler de l'Association des musées canadiens. Il s'agit là d'une organisation extrêmement efficace, qui dessert particulièrement bien le milieu muséal. Je suis ravie de constater que le gouvernement fédéral a fait appel de façon très active à l'association au cours des dernières années.

Sauf erreur, et ça fait 20 ans que je la connais, l'Association des musées canadiens a aidé le programme d'aide aux musées à allouer ses subventions, et a donné un coup de main tout récemment au projet Jeunesse Canada au travail et à d'autres projets connexes. Cela a donné d'excellents résultats, étant donné qu'ils connaissent bien le secteur et peuvent beaucoup plus efficacement cibler les projets. Cela a donné de bons résultats, et je confirmerais que l'AMC représente le milieu muséal très correctement.

Le vice-président (M. Inky Mark): J'ai rencontré à Ottawa plusieurs des membres du groupe national. Je me demandais si, à votre avis, ils devraient aider à décider la façon dont les fonds devraient être répartis.

Mme Penney Houlden: Oui et non.

Ces gens ont une très bonne perspective nationale de la situation et ne seront peut-être pas en mesure de nous aider autant dans un cadre régional. En effet, ils ont dû limiter le nombre de membres siégeant à leur conseil d'administration pour des raisons d'économie. Le conseil d'administration n'a donc plus de représentants régionaux. Voilà pourquoi je crains qu'ils ne saisissent pas bien la situation locale autant qu'ils le devraient au moment d'élaborer les critères.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

Madame Tremblay.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Cela déborde peut-être un peu le cadre de l'objectif qu'on poursuivait en venant ici, mais vous avez dit dans votre présentation que votre ministère était presque une copie du ministère du Patrimoine canadien; c'est-à-dire que vous avez à peu près les mêmes dossiers, dont celui les parcs. Vous avez les parcs, n'est-ce pas?

Une voix: Yes.

Mme Suzanne Tremblay: Avez-vous été informés du projet de loi C-48, dont le but est de créer des aires marines de conservation, notamment à Bonavista? Est-ce que votre gouvernement a une position officielle sur cette question?

[Traduction]

Mme Elizabeth Batstone: Oui. Il y a un ou deux ans, la province signait avec le gouvernement fédéral un protocole d'entente lui permettant de prendre part à l'étude de faisabilité, à l'étude de tous les détails et à l'étude des réactions locale et provinciale à tous les enjeux entourant l'éventualité de définir une zone de protection marine dans la province. Le projet a presque abouti. À mon avis, on n'en est pas encore au point où l'on puisse dire que le projet doit ou ne doit pas être concrétisé, mais on en est plutôt arrivé au point où il serait souhaitable d'étudier les avantages et les désavantages de concrétiser le projet.

• 1910

Dans le climat actuel qui entoure à Terre-Neuve la question des eaux côtières, je pense qu'il faudra livrer une bataille formidable afin de convaincre tant soit peu la population locale qu'une aire de conservation marine serait autre chose qu'une simple restriction qui l'empêchera d'accéder à l'eau. Je pense qu'on aura beaucoup de chemin à faire avant de pouvoir définir cette aire de conservation marine et de voir comment elle jouera son rôle au niveau local.

Le vice-président (M. Inky Mark): Très bien.

Au nom des membres du comité, nous vous remercions de votre attention. Vous nous avez beaucoup éclairés sur le fonctionnement du gouvernement à Terre-Neuve. Vos commentaires nous aideront certainement à mieux définir la manière d'améliorer et de promouvoir la culture canadienne.

Mme Elizabeth Batstone: Nous sommes heureux d'avoir eu l'occasion de vous adresser la parole, aussi bien que de participer à ces audiences publiques. Lorsque nous nous sommes préparés à témoigner, nous nous sommes retrouvés dans une position assez intéressante, étant donné que tous nos politiciens étaient partis en campagne électorale pour trois semaines. La plupart des gens de notre ministère n'étaient pas en ville non plus. Ils sont à Corner Brook pour les jeux du Canada. Nous avions le choix entre vous présenter un exposé formel approuvé par tous ou vous parler à coeur ouvert. Nous avons choisi cette dernière option, et heureusement notre discours correspond à... Ce forum est beaucoup trop important pour que l'on se permette d'y parler en jargon bureaucratique lorsqu'il faut s'exprimer en termes clairs.

M. Joe Jordan: Nous n'en comprenons pas un mot de toute manière.

Des voix: Oh, oh!

Mme Elizabeth Batstone: Merci beaucoup.

Le vice-président (M. Inky Mark): Merci.

La séance est levée.