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CHER Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 25 février 1999

• 1120

[Français]

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Nous allons débuter la deuxième table ronde du Comité permanent du patrimoine canadien, qui poursuit son étude sur le rôle du gouvernement canadien par rapport à la culture et aux arts et aux défis auxquels nous devrons faire face au cours des prochaines années.

Nous avons débuté ce travail il y a environ deux ans. Dans le cadre de notre évaluation, nous sommes venus écouter les gens sur le terrain. Je voudrais vous remercier d'être venus en aussi grand nombre aujourd'hui. De nombreuses personnes ont manifesté leur intérêt à venir comparaître ici, à Montréal.

[Traduction]

Je vous remercie sincèrement d'avoir accepté de venir nous rencontrer aujourd'hui. J'ai trouvé que la première table ronde était excellente.

[Français]

Nous cherchons à savoir ce que vous pensez du rôle actuel du gouvernement fédéral dans le soutien des programmes culturels au Canada. Est-ce qu'il fait votre affaire? Est-ce qu'il est satisfaisant par rapport à votre propre milieu?

Nous avons décidé d'étudier le rôle éventuel du gouvernement canadien par rapport à trois principaux défis que nous avons identifiés. Premièrement, il y a le défi du changement démographique dans notre pays, le vieillissement de la population et le changement de la composition de la population canadienne à la suite d'une immigration soutenue. Deuxièmement, il y a toute la question de l'évolution technologique, y compris l'Internet et le multimédia. Troisièmement, il y a la mondialisation des marchés,

[Traduction]

tous les problèmes de l'OMC et de l'ALENA et de la défense de notre identité culturelle dans ce contexte.

[Français]

Finalement, face à ces défis et face à ce que vous vivez aujourd'hui, quel devrait, selon vous, être le rôle futur du gouvernement fédéral en matière de soutien à la culture canadienne? Devrait-il agir à titre de législateur, d'appareil de financement ou de soutien moral?

[Traduction]

Dans quelle direction le gouvernement du Canada devrait-il faire évoluer son soutien à la culture au pays?

[Français]

Lors de la première table ronde, il y a eu un échange assez intéressant entre M. Pierre-Marc Johnson et M. Robert Pilon de l'ADISQ. M. Johnson nous recommandait de mettre beaucoup plus l'accent sur l'appui à l'exportation et de soutenir les appareils culturels lorsqu'ils font face à divers changements à l'étranger et doivent concurrencer des institutions massives. M. Pilon nous enjoignait de ne pas oublier le produit domestique, parce que sans le produit domestique, sans les créateurs et sans l'individu, on risque de faire la pire exportation et de tout perdre.

En fin de compte, les gens nous ont dit que

[Traduction]

les deux sont très importants. L'un ne va pas sans l'autre. Ils sont interdépendants.

[Français]

Nous devrions peut-être nous pencher sur ce côté de la médaille. Je vous invite à prendre la parole en français ou en anglais, selon ce que vous préférez.

[Traduction]

Exprimez-vous en français ou en anglais. L'interprétation est assurée.

[Français]

Avant que nous entamions nos discussions, j'aimerais que nous nous présentions afin que tout le monde sache qui on est et quelle organisation on représente. Madame Tremblay, est-ce que vous voulez prendre la parole.

Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Avant qu'on commence cette deuxième table ronde, la SOCAN aimerait faire une mise au point afin que le comité ne soit pas induit en erreur. Si vous me le permettez, je vais la faire en leur nom.

L'enveloppe budgétaire totale de la Commission du droit d'auteur s'élève à environ un million de dollars. L'an dernier, elle a connu un déficit de 200 000 $ qu'ont assumé, à parts égales, le ministère du Patrimoine canadien et celui de l'Industrie, d'où la participation de 100 000 $ du ministère du Patrimoine canadien à laquelle faisait allusion Mme Lafleur.

Le président: Merci beaucoup, madame Tremblay. Les deux ministères ont donc contribué à parts égales pour combler ce déficit. Merci beaucoup.

[Traduction]

Peut-être chacun pourrait-il se présenter et nous dire quelques mots de

[Français]

leur assise, leur milieu et les personnes qu'ils représentent.

• 1125

Mme Chantal Fortier (conseillère de développement, Groupe TVA Inc.): Bonjour, je m'appelle Chantal Fortier et je représente le Groupe TVA.

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Je m'appelle John Godfrey et je suis député de Don Valley-Ouest, dans la région de Toronto, et membre du Comité permanent du patrimoine canadien.

M. Rob Braide (vice-président et directeur général, CJAD 800 AM et Mix 96 Variety, Standard Broadcasting Compagny): Rob Braide, vice-président et directeur général de CJAD et Mix 96, les postes de radio de la Standard Broadcasting Company à Montréal.

[Traduction]

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, Réf.): Je m'appelle Inky Mark, député du Manitoba et principal porte-parole de l'opposition pour les questions du patrimoine canadien.

Mme Zakia Demaghelatrous (directrice générale, Geordie Theatre Productions): Je m'appelle Zakia Demaghelatrous et je suis directrice générale de Geordie Theatre Productions, compagnie de théâtre professionnelle itinérante pour le jeune public ici au Québec.

[Français]

M. Richard Paradis (président, Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films): Richard Paradis, président de l'Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films.

Mme Louise Baillargeon (présidente-directrice générale, Association des producteurs de films et de télévision du Québec): Louise Baillargeon, présidente-directrice générale de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec. Je représente la production indépendante.

Le président: Madame Baillargeon, j'ai cru comprendre que vous deviez nous quitter avant la fin de la séance.

Mme Louise Baillargeon: Je dois malheureusement assister à des funérailles en début d'après-midi. Je suis accompagnée de Mylène Alder, qui pourra répondre à vos questions après mon départ.

Le président: D'accord.

Mme Mylène Alder (directrice des affaires juridiques et des relations de travail, Association des producteurs de films et de télévision du Québec): Je représente également l'APFTQ. Je suis la directrice des affaires juridiques et des relations de travail.

M. Howard Scott (Association des traducteurs et traductrices littéraires du Canada): Je m'appelle Howard Scott et je représente l'Association des traducteurs et traductrices littéraires du Canada.

Mme Denise Boucher (présidente, Union des écrivaines et écrivains québécois): Denise Boucher, présidente de l'Union des écrivaines et écrivains québécois.

[Traduction]

Mme Judy Brandeis (directrice administrative, Literacy Partners of Quebec): Je m'appelle Judy Brandeis et je suis la directrice administrative de Literacy Partners of Quebec.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Suzanne Tremblay, députée du Bloc québécois et porte-parole pour le Patrimoine canadien.

Mme Monique Savoie (directrice générale, Société des arts technologiques): Monique Savoie, directrice générale de la Société des arts technologiques.

M. Peter Sandmark (coordonnateur national, Alliance de la vidéo et du cinéma indépendant): Peter Sandmark, coordonnateur national de l'Alliance de la vidéo et du cinéma indépendant, une association de cinéastes et vidéastes indépendants à travers le Canada.

M. Gaston Blais (attaché de recherche après du comité): Gaston Blais, délégué à la recherche pour le comité.

Le président: Je m'appelle Clifford Lincoln. Je suis député de Lac-Saint-Louis et président du Comité permanent du patrimoine canadien.

Le greffier du comité: Je m'appelle Norm Radford et je suis le greffier du comité.

Le président: Nous n'avons pas prévu de règles particulières pour le déroulement de cette séance et les députés ne feront pas de présentations. Nous sommes plutôt ici afin de vous écouter. J'espère que nos échanges s'avéreront assez positifs. N'hésitez pas à émettre des points de vue contradictoires. La parole est à vous. Qui désire commencer?

Monsieur Paradis.

M. Richard Paradis: J'ai le plaisir d'entamer les discussions. Bonjour, tout le monde, madame Tremblay et monsieur Godfrey.

Le message qu'aimerait vous laisser la communauté de la production et de la distribution aujourd'hui—et j'imagine que Louise va enchaîner après moi—, c'est qu'il est important que le gouvernement, et surtout le gouvernement actuel, continue d'appuyer autant le développement des contenus canadiens que l'exportation. On arrive à une période où il y a effectivement une évolution technologique qui facilite l'accès à certains produits pour les auditeurs ou les téléspectateurs de partout au monde. Nous croyons que le Canada a su établir une industrie qui est en mesure de fournir ce type de produits au niveau planétaire, Nous avons de plus l'avantage de faire les choses dans les deux langues.

Je soulèverai quelques points qu'il est important que votre comité retienne. Vous savez que le gouvernement a établi un comité consultatif sur la politique du cinéma et que son rapport est actuellement entre les mains du gouvernement. Nous espérons que le gouvernement ne laissera pas ce rapport prendre le même chemin que les rapports précédents, cela pour une raison très simple.

Dans l'industrie de la télévision, il y a un programme conjoint des secteurs public et privé qui verse 200 millions de dollars par année pour la création d'émissions de télévision en langue française et en langue anglaise. Depuis la création de ce fonds, on a constaté qu'on peut avoir beaucoup de succès auprès des téléspectateurs en développant des contenus qui véhiculent les valeurs canadiennes. Le gouvernement a mis en place une structure pour aider les industrie du disque, du livre et de la télévision. Le cinéma, qui est quand même fondamental à une culture, a besoin d'une aide supplémentaire, surtout compte tenu des réductions budgétaires qu'ont subies au cours des dernières années Téléfilm Canada, qui était le principal outil du gouvernement canadien pour aider le cinéma, et l'Office national du film, que vous devez visiter cet après-midi.

• 1130

Certaines des recommandations que contient ce rapport sont le fruit des travaux qu'ont réalisés tous les membres de l'industrie, y compris les distributeurs, les producteurs et les propriétaires de salles. Nous avons essayé d'être le plus réalistes possible et en sommes venus à la conclusion que si on veut avoir un cinéma canadien, il faut mettre en place des mécanismes en vue de l'appuyer.

J'ai entendu Mme Tremblay discuter de la répartition des responsabilités entre deux ministères. Nous partageons cette préoccupation et nous avons été très surpris lorsque le gouvernement conservateur a séparé culture et communications, alors que partout ailleurs, y compris au Québec, on les regroupées. Tout d'un coup, le gouvernement fédéral a décidé de s'accaparer les anciens actifs du ministère des Communications qu'il avait confiés au ministère du Patrimoine canadien et de les transférer au ministère de l'Industrie, dans le sens très économique de la chose. Cela a créé des problèmes parce qu'on a transformé notre approche face à la culture et qu'on lui a donné un penchant beaucoup trop industriel. Je crois que l'ancien gouvernement conservateur voulait répondre aux attentes des industriels, qui voulaient augmenter l'intérêt des investisseurs, surtout étrangers, pour leurs produits.

Ceci m'amène à la question du pourcentage de propriété étrangère dans les entreprises de communication, dont la limite s'établit à 49 p. 100. Parce que cette question relève justement d'Industrie Canada, il y a une poussée pour laisser entrer de plus en plus des intérêts américains ou étrangers dans nos industries des communications. Il faut faire attention parce que tout ce qui s'appelle culture ou contenu doit être, dans un certain sens, non pas protégé, mais apte à véhiculer nos valeurs et l'identité canadienne, qui est différente de l'identité américaine. Il ne faut pas que la propriété passe majoritairement à des étrangers dans le domaine de la radiodiffusion. Comme on le voit dans d'autres secteurs, dont celui des télécommunications, ce sont des Américains qui deviennent présidents une fois qu'ils ont pris le contrôle d'entreprises canadiennes. Il est difficile de s'imaginer qu'une personne du Tennessee puisse avoir la même perception de ce qu'est le Canada et de ce que peut ressentir un Canadien.

D'ailleurs, dans le domaine du magazine, vous êtes en train de vivre votre propre petite saga. Il y a quelque chose qui fait qu'on est différents au Canada et qu'on se sent différents des Américains. C'est la raison pour laquelle tant d'Américains viennent rester ici; on est bien ici et il y a moins de violence. C'est une place où il est agréable de vivre. Ce sont ces aspects qu'on reflète dans nos productions et c'est ce qui intéresse les autres pays. Mais il faut maintenir les moyens de sauvegarder cela.

Puisque plusieurs autres intervenants se trouvent autour de cette table, je vais leur céder la parole, mais j'aimerais revenir par la suite pour parler de la Société Radio-Canada.

Le président: Mme Boucher a demandé la parole.

Mme Denise Boucher: Bonjour, monsieur le président. Bonjour, madame Tremblay. Bonjour, tout le monde.

J'ai présenté notre mémoire à M. le greffier et lui ai demandé de vous en transmettre une copie. Puisque vous aurez l'occasion de le lire, je serai brève.

Je voudrais tout d'abord parler de ce gouvernement canadien qui est pour moi un gouvernement étranger à beaucoup de points de vue. En tant qu'artiste, je ne fais pas allusion à des problèmes linguistiques ou politiques, mais je trouve curieux que ce gouvernement n'ait pas de ministère des Affaires culturelles. Il est fort étrange qu'on n'ait pas inscrit le mot «culture» dans l'appellation d'un ministère et qu'on ne la nomme pas dans les instances du pouvoir, surtout quand elle est en danger et que Mme Sheila Copps est obligée de se démener fort pour faire reconnaître cette différence ou instance culturelle dans tous les accords que nous signons avec les autres pays. Elle aurait intérêt à nommer son ministère «ministère de la Culture», et non pas «ministère de la Culture et des Communications«, la communication étant un autre monde. La culture étant un monde en soi, il faut lui garder sa particularité.

• 1135

J'aimerais que vous transmettiez une recommandation à Mme Sheila Copps. Je regrette qu'elle n'ait pas lu Machiavel. Elle saurait que pour être un grand prince ou un grand gouvernement, elle devrait avoir à sa droite un architecte et à sa gauche un poète, non pas pour que les artistes puissent faire preuve de sa grandeur en sa nom, mais pour qu'elle puisse démontrer sa propre grandeur. Elle devrait faire cela dans l'anonymat si elle veut que nous soyons de bons artistes. Il est très, très important qu'elle ne nous oblige pas à sortir avec son drapeau et qu'elle nous laisse pleine liberté. C'est cela qui démontrera sa grandeur. J'ai bien confiance aux luttes qu'elle mène à l'heure actuelle pour la culture.

Puisque j'ai déposé un mémoire écrit, je vous laisse à cette lecture. Merci.

Le président: Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey: J'aimerais poser une question à M. Paradis et aux autres personnes qui représentent le secteur du cinéma.

J'aimerais m'assurer d'avoir bien compris les grandes lignes de la pensée M. Paradis. Il semble être en faveur des recommandations du comité consultatif au sujet du secteur du cinéma qui sont devant la ministre du Patrimoine canadien à l'heure actuelle. J'aimerais savoir si les autres représentants du secteur pensent de la même façon.

Ma deuxième observation s'adresse à mes collègues qui siègent à ce comité. Il me semble que puisque ces recommandations ont déjà été formulées, notre défi consiste à intégrer ce rapport et ses recommandations à notre propre rapport. Nous devrons toutefois diviser nos recommandations selon les secteurs.

M. Richard Paradis: Si vous décidiez d'intégrer ces recommandations à votre rapport, nous en conclurions que de plus en plus de gens au gouvernement et au Parlement appuient les démarches de l'industrie. Je laisserai Louise vous parler de l'opinion du secteur de la production au sujet du rapport.

Le président: Madame Baillargeon.

Mme Louise Baillargeon: Les membres de l'Association des producteurs de films et de télévision du Québec appuient certainement l'esprit du rapport, ainsi que les recommandations qui incitent le gouvernement du Canada à s'impliquer au même titre qu'il s'est impliqué ailleurs, par le passé, lorsqu'il a créé Téléfilm Canada, la SDICC à l'époque, uniquement pour la production de longs métrages. Nous croyons que le gouvernement du Canada se doit, comme tout État occidentalisé, de s'impliquer et de s'assurer que ses artistes et ses créateurs puissent s'exprimer par le long métrage.

Quant aux recommandations précises, nous sommes prêts à en discuter. Je sais que certaines d'elles ont créé des remous. Nous en appuyons l'esprit et nous sommes prêts à discuter de la façon de les mettre en oeuvre, sans nécessairement nous attarder aux chiffres précis. La somme totale que demande l'ensemble de l'industrie du cinéma semble valable et nous pourrions discuter de la façon dont elle pourrait être répartie.

J'aimerais ajouter que j'appuie également la position de Richard. Par le passé, le gouvernement du Canada a permis l'éclosion d'une industrie du cinéma et de la télévision forte.

• 1140

Le Fonds de télévision arrive à terme dans un an. Il a permis une augmentation considérable des émissions canadiennes sur nos écrans et il a également permis une augmentation considérable des cotes d'écoute.

Nous sommes un très grand pays sur le plan géographique, mais un très petit pays sur le plan démographique. Notre marché est restreint et, à l'instar des autres pays du monde, si on exclut les États-Unis, le gouvernement canadien se doit d'offrir d'abord à sa population des histoires dans lesquelles elle se reconnaisse, que ce soit à la télévision, dans les longs métrages, dans les livres ou dans les chansons. Il faut que notre population puisse se reconnaître; c'est un choix social que nous devons faire. Je ne pense pas qu'on puisse, comme citoyens et comme gouvernement, s'en dispenser.

Nous particulièrement, qui sommes voisins d'un géant autosuffisant par la seule force de sa population, ne pouvons accepter de renoncer à ce que nous sommes, c'est-à-dire à l'expression de notre culture.

Téléfilm Canada, le Fonds de télévision, le Fonds de longs métrages et la Société Radio-Canada doivent être maintenus. Radio-Canada a également permis l'éclosion de notre culture et continue à s'engager et à travailler avec les créateurs. La société doit avoir les moyens de continuer à le faire.

Le président: Merci.

Qui voudrait continuer? Monsieur Sandmark.

[Traduction]

M. Peter Sandmark: J'aimerais appuyer les observations de M. Paradis et de Mme Baillargeon sur l'importance de raconter aux Canadiens des histoires à eux.

À propos du rapport qui a été publié, j'aimerais exprimer le point de vue de notre association, qui représente des cinéastes et des réalisateurs, surtout les cinéastes débutants et les indépendants qui travaillent avec de petits budgets. Évidemment, nous espérions qu'il y aurait plus d'argent, mais comme il n'y en a pas eu, peut-être faut-il essayer de dépenser mieux.

Un des éléments de notre mémoire, que nous avons remis au greffier, c'est que nous réclamons un fonds du cinéma indépendant destiné à financer des longs métrages à petit budget. L'idée ici est de faire de la R-D pour l'industrie. Toute industrie saine investit à peu près 10 p. 100 dans la R-D. Il faut nourrir les talents qui viendront grossir les rangs de l'industrie.

Mais je pense que c'est un bon investissement et cela demande peu de fonds. Nous réclamons actuellement un montant de 5 millions de dollars. Nous savons que c'est difficile en l'absence de nouvelles sources de financement pour le cinéma; dans le mémoire, nous demandons également une augmentation du budget de Téléfilm. Ils nous ont dit bien franchement qu'ils ne peuvent plus donner d'argent aux cinéastes indépendants si leur budget n'augmente pas parce que l'argent doit bien venir de quelque part.

Cela dit, je signalerai que Téléfilm nous a dit récemment—je n'ai pas reçu la lettre officielle—qu'ils vont investir 1 million de dollars dans quatre longs métrages au Québec—uniquement au Québec. Ce n'est pas encore le cas du côté anglais, je le précise. Mais suite aux recommandations que nous leur avons faites, ils disent qu'ils sont conscients du besoin. Ils reçoivent beaucoup de demandes. C'est essentiellement pour combler l'écart qui existe entre le Conseil des arts du Canada, qui fait de l'excellent travail—nous n'avons aucune recommandation à propos du Conseil des arts—mais qui ne peut accorder de fonds que jusqu'à concurrence de 60 000 $ pour les films, et Téléfilm, qui s'occupe de projets de plus de 1 million de dollars. Nous voudrions donc combler le fossé pour faciliter la création de films indépendants à petit budget.

Je pense qu'on peut constater le succès du cinéma indépendant aux États-Unis comme cinéma non hollywoodien. Vous connaissez tous sans doute le Sundance Film Festival. On peut faire des choses extraordinaires et nous pouvons raconter nos histoires dans des productions à petit budget.

• 1145

Je pense donc que ce serait le complément. C'est juste que c'est la différence entre...

Je pense que ce que j'essaie de dire c'est que j'appuie la recommandation du rapport pour que de l'argent soit donné automatiquement à certaines compagnies de production qui ont fait leurs preuves.

On recommande aussi dans notre mémoire de confirmer à nouveau le mandat culturel de Téléfilm. Comme on parle de culture et non pas de produits, je pense qu'il est important que les films soient financés de façon sélective, en fonction du mérite et de l'excellence et de la qualité de l'innovation et non en fonction de leur succès commercial.

Je pense qu'à long terme cela va nous rapporter parce que nous aurons de la qualité. Nous atteindrons la scène internationale et nous attirerons l'attention des marchés étrangers. Au bout du compte, cela va nous rapporter mais il faut courir le risque aujourd'hui d'investir dans des projets qui ne paraissent peut-être pas rentables.

Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Paradis, vous voulez ajouter à ces propos?

[Traduction]

M. Richard Paradis: J'aimerais réagir à certaines choses, monsieur le président.

Tout d'abord, depuis plus de 20 ans nous faisons des films d'auteurs ce qui couvre tout l'éventail qui va des films artistiques de haute qualité jusqu'aux oeuvres très expérimentales.

[Français]

Une voix: Elle a parlé en français. Vous pouvez lui répondre en français.

M. Richard Paradis: Oui, mais je peux aussi lui parler en anglais si cela ne vous dérange pas.

[Traduction]

Une des recommandations du rapport est d'avoir des fonds supplémentaires. Le budget moyen des films canadiens est passé de 3 ou 4 millions de dollars à 2 millions de dollars, alors que le budget moyen des films américains est passé de 50 à 70 millions de dollars. Les films canadiens ont beaucoup moins de moyens financiers.

N'oublions pas que lorsqu'on parle d'un long métrage, on s'attend à ce que quelqu'un paie 8 $ pour aller le voir. Ce n'est pas comme regarder la télévision chez soi gratuitement, en principe en tout cas. Les gens paient lorsqu'ils vont voir un film; alors que ce soit un film canadien de 2 millions de dollars ou un film américain de 60 millions, ils en veulent autant pour leur 8 $.

C'est pourquoi dans notre rapport nous recommandons qu'on nous accorde des fonds supplémentaires pour nous aider à créer des films qui ont un budget plus raisonnable. Le film que prépare actuellement Denys Arcand, qui peut compter sur un budget de 11 à 12 millions de dollars, nous permettra sans doute de percer les marchés étrangers.

Pour ce qui est plus précisément des recommandations du rapport, nous avons dit que si le gouvernement débloquait des fonds et si nous disposions d'une nouvelle structure de financement des films, une tranche de 20 p. 100 pourrait être accordée aux cinéastes débutants, pour des films d'auteurs, et une de 80 p. 100 irait à des films potentiellement plus commercialement viables.

Il faut sortir de l'ornière des films qui remporte la palme à Cannes mais que personne ne va voir. Nous ne disons pas que nous ne voulons pas faire ces films—ils apportent quelque chose à notre cinéma—mais il faut reconnaître que si nous voulons que l'industrie soit rentable, il faut faire des films que les gens vont payer 8 $ pour aller voir.

Merci.

[Français]

Le président: Merci.

Madame Savoie.

Mme Monique Savoie: Pour ma part, je dirai que la Société des arts technologiques a aussi rédigé un mémoire à l'intention du comité, que je remettrai au greffier, ainsi qu'un profil de la Société des arts technologiques. Nous représentons les nouvelles technologies dans le domaine de la recherche, du développement et de la création.

Puisqu'on a commencé par parler du cinéma et que, évidemment, notre rôle est complémentaire par rapport à ce dont on discute ici, on pourrait peut-être remonter à 1895, année de la première démonstration publique du cinématographe.

Aujourd'hui, on peut parler d'une industrie, mais il faut quand même tenir compte du fait qu'il a fallu 15 ans avant que cette industrie ne voie le jour et avant qu'on trouve une adéquation exacte entre la forme et le contenu. Il a fallu que des artistes travaillent sur ce qu'allait projeter ce cinématographe et on a aussi eu besoin de l'évolution de la technique.

Aujourd'hui, comme à l'époque de Méliès, au tout début du cinéma, bien que les outils soient déjà là, on investit beaucoup dans l'industrie des télécommunications. On a mis beaucoup d'argent, ces derniers temps, dans la mise au point de nouveaux outils. Donc, on en est encore à travailler sur la forme. Pourtant, il faudra aussi élaborer des contenus et, par le fait même, des publics.

• 1150

Ainsi, comme ce fut le cas pour le cinéma, nous avons à définir une adéquation entre la forme et le contenu, ce qui créera éventuellement une industrie.

Nous considérons que si Orson Welles existait aujourd'hui et avait 12 ans, il jouerait probablement avec un Nintendo 64.

Avec l'apparition du numérique, nous avons besoin de nous doter d'espaces d'expérimentation qui permettront aux artistes de participer à la recherche et au développement pour y mettre à contribution leur savoir-faire. Encore là, on sait que, bien qu'on ait mis beaucoup d'argent et d'équipement dans les universités, on n'a pas d'espaces libres à offrir à ces jeunes finissants, sauf peut-être du travail en industrie. Encore là, il faut savoir qu'il y a un espace de travail pour les productions d'auteurs qui est recherché par ces jeunes finissants. Alors, on tente de voir comment on pourrait faire apparaître ces propositions innovatrices.

Pour nous guider, nous avons notre histoire. Nous voudrions revenir aux débuts de l'ONF. On peut considérer que l'ONF a tenu un rôle extrêmement important au Canada en remplissant le rôle d'école. Sont sortis de l'ONF des cinéastes de réputation fort enviable. L'ONF a aussi accueilli à leurs débuts des gens comme Daniel Langlois dont le succès qu'il connaît avec Softimage fait l'envie de tous. Daniel Langlois a pu, à l'ONF, développer ce qu'on appelait Tony de Peltrie.

Quant à la Société Radio-Canada, elle aussi aura fait école. Elle aura fait école puisque, dans les débuts, on a procédé de la même façon qu'on le fait actuellement dans les nouveaux médias, c'est-à-dire du «un pour un». On a diffusé à la télévision des pièces de théâtre; on a donné un lutrin à un lecteur de nouvelles et on l'a projeté sur les écrans. Par la suite, on a progressivement développé une écriture télévisuelle.

Actuellement, il nous arrive la vidéo, un nouveau média qui appartient encore à une nouvelle génération. La vidéo a profité de ces espaces de recherche et de développement qu'ont été PRIM, Vidéographe et le GIV, pour ne nommer que ceux-là. On a donné aux artistes la possibilité d'avoir des laboratoires de recherche et d'expérimentation à la naissance de chacun de ces médias.

Celui qui naît aujourd'hui s'appelle le numérique. Ce média constitue à son tour un espace de recherche qui a aussi besoin de se doter d'espace réel et de soutien réel. C'est ainsi qu'à la Société des arts technologiques, on a créé ce qu'on appelle le laboratoire de culture numérique, où on travaille sur cette nouvelle écriture qu'est le numérique.

Nous comptons parmi nos membres 150 artistes qui viennent de tous les milieux et nous croyons être le nouveau lieu de convergence qui peut accueillir à la fois des architectes, des designers, des auteurs, des poètes, des techniciens ou des ingénieurs, qui travaillent tous ensemble sur la problématique de l'heure en recherche, qui consiste à voir comment on établira cette adéquation entre forme et contenu.

Ce laboratoire se situe au point de rencontre entre le milieu universitaire et le milieu industriel. On essaie de jeter des ponts entre ces deux espaces.

Le président: Madame Savoie, est-ce que vous avez un mémoire écrit que vous allez nous remettre?

Mme Monique Savoie: Nous allons vous le remettre, oui. Toutefois, cette mise en situation n'est pas exposée dans le mémoire. J'essaie tout simplement, par cette prise de position, d'expliquer que si on s'intéresse à l'industrie, il faut aussi, selon moi, s'intéresser très certainement aux créateurs.

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup. Est-ce que vous nous ferez voir le mémoire?

Mme Monique Savoie: Oui.

Le président: Je vais demander au greffier de le faire circuler parmi les membres du comité. C'est gentil.

Madame Baillargeon.

Mme Louise Baillargeon: Je voudrais simplement ajouter quelque chose à ce que M. Paradis a dit tout à l'heure. Lorsque nous parlons de films commerciaux, cela ne veut pas nécessairement dire, dans notre esprit à nous, que ce ne sont pas des films d'auteurs.

À mon avis, le prochain film de Denys Arcand ou Le Violon rouge de François Girard sont à la fois des films commerciaux et des films d'auteurs. Ce sont tout simplement des films qui ont été conçus et réalisés par des artistes qui se sont valu une reconnaissance quelque peu internationale et pour lesquels on a une garantie additionnelle de vente à l'étranger.

Il est donc très important, selon nous, que les programmes ne fassent pas automatiquement que consacrer des équipes, des triumvirats composés du scénariste, du réalisateur et du producteur, ayant déjà fait leurs preuves. Il faut aussi que des sommes soient destinées au développement de nouveaux talents, à de jeunes créateurs, pour que ceux-ci puissent accéder automatiquement à de tels programmes.

• 1155

Mme Suzanne Tremblay: Est-ce que je pourrais poser une question à Mme Baillargeon? Ne pensez-vous pas, madame Baillargeon, qu'on pourrait revenir en arrière et redonner à l'Office national du film le rôle d'école de formation pour les artistes dont on a besoin pour la production de films?

Mme Louise Baillargeon: Nous croyons que l'office a, dans le passé, joué un rôle extrêmement important dans la formation de nos cinéastes, particulièrement au Québec mais également ailleurs au Canada. Je ne pense pas que dans l'élaboration d'une nouvelle politique concernant les longs métrages, l'ONF doive être exclu. L'office a un rôle à jouer. Comment peut-il le jouer avec son budget actuel? Est-ce que l'office aurait besoin de sommes additionnelles pour pouvoir remplir ce rôle? Nous croyons que l'office doit avoir un rôle important, mais qu'on ne peut lui imposer ce rôle sans, par ailleurs, lui accorder plus d'argent.

[Traduction]

Le président: Madame Brandeis.

Mme Judy Brandeis: Bonjour à tous et à vous M. Lincoln.

Au risque de détourner la discussion vers un tout autre sujet, je vais justifier ma présence ici. J'attendais le moment opportun; je ne pense pas qu'il y en aura et je vais donc intervenir maintenant.

Je suis tellement à l'écart de l'industrie que ce n'est peut-être ni l'heure ni l'endroit. Je pense néanmoins que je suis tout à fait à ma place en intervenant ici parce que représente l'alphabétisation au Québec. C'est quelque chose qui touche à tous les domaines où vous travaillez et le message est très simple.

Comme le monsieur l'a dit, il y a des histoires à raconter et des histoires à entendre. Si votre auditoire est composé de gens qui ne savent pas suffisamment lire pour comprendre et même tout saisir, c'est toute notre industrie culturelle qui en souffre.

Nous sommes ici pour faire de la sensibilisation. Comme tout le monde, nous savons que l'argent est important, mais ce n'est pas la seule raison pour laquelle je suis ici. Il faut faire comprendre aux gens de l'industrie et à la classe politique les conséquences socio-économiques de l'analphabétisme.

Notre association, Literacy Partners of Quebec, a enregistré des progrès remarquables et je suis heureuse de voir autour de la table deux personnes avec qui nous sommes associés. J'aimerais encourager les gens à en apprendre davantage sur la façon dont ils peuvent contribuer. CBC Communications à Montréal et la Quebec Drama Federation ont été pour nous des partenaires exemplaires et voient bien le lien entre alphabétisation et culture.

Il y a un nombre effarant de gens qui savent si peu lire qu'ils ne peuvent pas comprendre suffisamment vos récits pour participer à la culture du pays, ou même à leur propre culture.

CBC Communications de Montréal est notre partenaire depuis six ans maintenant. Ils nous ont beaucoup aidés et savent combien il est important que les médias aient un rôle unificateur.

Notre message, c'est l'inclusion. Les derniers travaux de recherche étrangers sur l'alphabétisation des adultes montrent que les médias, électroniques surtout, sont les principaux moyens d'information des analphabètes. C'est pourquoi nous nous tournons vers les gens de la radio et de la télévision—je m'adresse à M. Braide—et leur demandons de reconnaître qu'il y a des gens qui sont dans cette situation et qu'il faut répondre à leurs besoins.

• 1200

En ce qui concerne la Quebec Drama Federation, nous sommes très fiers de notre programme, qui permet de faire venir des troupes de théâtre Comme The Geordie Players, qui offrent gratuitement des billets à des adultes en classe d'alphabétisation qui, autrement, ne sauraient même pas que ces productions théâtrales existent. Grâce à Litteracy Partners of Quebec, ils peuvent aller au théâtre. Grâce à ces billets gratuits, idéalement avec leur enseignant ou leur moniteur et ils peuvent entrer en contact avec la culture, ce qui ne serait pas le cas autrement.

Une visite au musée, c'est quelque chose d'extraordinaire étant donné tout ce qu'on peut voir, mais il manque quelque chose si on n'arrive pas à lire les descriptions.

J'appuie donc l'action de tous ceux qui sont autour de la table et j'encourage le gouvernement, les ministères et en particulier le Comité du patrimoine canadien à soutenir les futurs projets culturels, mais aussi à reconnaître qu'il y a des gens que l'analphabétisme empêche de jouir de cette culture.

Nous sommes reconnaissants du travail fait par le gouvernement fédéral au cours des dix dernières années, en particulier le ministère du Développement des ressources humaines. Notre travail maintenant est de commencer à sensibiliser les autres ministères. C'est pourquoi il nous a semblé tout à fait opportun de venir ici pour communiquer avec les gens du patrimoine et de transmettre le message aux autres ministères pour que nous soyons conscients des liens qui sont essentiels à l'appréciation de la culture au Canada.

M. Howard Scott: J'aimerais discuter brièvement de deux points qui préoccupent l'Association des traductrices et traducteurs littéraires.

La première est ce qu'on appelle la question des tierces langues. La traduction littéraire au cours du dernier quart de siècle, c'est-à-dire depuis qu'elle bénéficie de l'aide du Conseil des arts du Canada, fait essentiellement intervenir le français et l'anglais, comme une sorte de prolongement de la politique de bilinguisme et de biculturalisme, ce qui est excellent en soi.

Ces dernières années, toutefois, de plus en plus de nos adhérents travaillent dans d'autres langues sans, pour la majorité d'entre eux, recevoir le moindre soutien du Conseil des arts du Canada, à moins qu'il ne s'agisse déjà d'un ouvrage canadien. Depuis quelques années, nous tentons d'obtenir des fonds pour ceux qui travaillent dans d'autres langues, surtout qu'aujourd'hui le Canada est vraiment une terre d'immigration. Il y a beaucoup de gens qui travaillent et écrivent dans d'autres langues ici, et il y a un bassin de traducteurs qui pourraient traduire des livres d'autres pays également.

Il y a quelques années, le Conseil des arts de l'Ontario avait un programme pilote très intéressant de traductions d'oeuvres à partir d'autres langues et qui faisait intervenir un traducteur et un éditeur ontariens. Malheureusement, ce programme a été victime des compressions budgétaire au Conseil des arts de l'Ontario.

Pas plus tard qu'hier soir, j'ai rencontré un nouveau membre de notre association. Il m'a dit que son rêve était de traduire Mordecai Richler en russe. Ce serait magnifique s'il y avait de l'aide financière pour ce genre d'initiatives.

L'autre élément, c'est que les traducteurs littéraires sont très bien placés pour faire office d'agents littéraires, en quelque sorte, pour la littérature canadienne à l'étranger. C'est un rôle que nous jouons souvent au Canada entre les communautés de langues anglaise et française. C'est souvent le traducteur qui proposera un projet de traduction à un éditeur dans l'autre langue. Nous faisons de même dans d'autres pays. Qui en effet est mieux placé pour vendre un livre canadien à la foire du livre de Guadalarjara que quelqu'un d'origine latino-américaine qui vit au Canada et qui connaît bien la littérature canadienne?

• 1205

Les traducteurs littéraires sont en contact permanent avec des gens de l'étranger. Nous assistons à des conférences, comme le congrès mondial de la Fédération internationale des traducteurs, qui se tiendra cette année à Mons, en Belgique, et à diverses autres conférences dans le monde. Lorsque l'on parle de faire rayonner la culture canadienne à l'étranger, il ne fait pas de doute que les traducteurs littéraires ont un rôle à jouer.

[Français]

Le président: Est-ce qu'il y a d'autres commentaires? Monsieur Godfrey.

[Traduction]

M. John Godfrey: Monsieur Scott, j'aimerais poser une courte question.

D'après ce que vous dites, j'imagine que vous travaillez dans un sens seulement; autrement dit, nous ne faisons pas de traduction en Tamoul ou autre langue de ce genre.

Nous essayons de faire connaître à un auditoire francophone et anglophone l'oeuvre d'écrivains qui habitent au Canada, comme Josef Skvorecky, par exemple, et qui écrit dans sa propre langue. Savez-vous si l'intérêt est plus grand pour ce genre de choses au Canada anglais ou au Canada français? Peut-être est-il impossible de le savoir parce qu'on n'a jamais vraiment tenté l'expérience?

M. Howard Scott: Je ne pense pas qu'il existe beaucoup d'information là-dessus, mais c'est quelque chose d'important, pour ceux qui au Canada écrivent dans d'autres langues et veulent faire connaître leurs oeuvres en français ou en anglais.

Nous aimerions aussi que la traduction élargisse son champ. Il y a un bassin de traducteurs dans les métiers culturels au Canada qui, par exemple, pourraient traduire des ouvrages d'autres pays, les éditer ici et les vendre à l'étranger, en français et en anglais et peut-être même en d'autres langues. Il ne faut pas forcément que ce soit un auteur canadien.

M. John Godfrey: Le défi à relever est donc semblable à celui des spécialistes du doublage au Québec de films anglais en français. Il y a toujours le problème que l'on connaît avec la France.

Peut-on faire traduire par des hispanophones canadiens qui savent l'anglais des ouvrages latino-américains qui pourraient ensuite être vendus sur le marché international? À part les motifs commerciaux, y a-t-il d'autres raisons pour lesquelles on pourrait le faire? Y a-t-il des raisons d'ordre culturel pour que l'État canadien finance cette activité? Bien sûr, nous profiterions de l'existence de ces traductions, mais le reste du monde anglophone ou francophone aussi. Pourquoi est-ce que cela devrait être une priorité?

M. Howard Scott: Eh bien, on parle de plus en plus de toutes sortes d'échanges commerciaux avec le reste des Amériques et de l'expansion du commerce. C'est un facteur.

M. John Godfrey: Dois-je comprendre d'après ce que vous dites que votre objectif premier serait le monde hispanophone et lusophone du reste des Amériques?

Le président: John, pourrait-on abandonner cette discussion? Je pense que nous prenons une tangente.

[Français]

J'aimerais revenir sur un point dont ont parlé brièvement Mme Boucher et M. Sandmark par rapport à ce que M. Paradis et Mme Baillargeon ont dit. Ce débat ressemble un petit peu à celui qu'on a entendu lors de la première table ronde au sujet de toute la dichotomie et du conflit qui existe entre, d'une part, les créateurs qui cherchent à se développer à la base et qui n'ont pas d'argent et, d'autre part, l'impératif très important que M. Paradis et Mme Baillargeon ont souligné, à savoir que si on veut réussir à pénétrer un marché qui se fait de plus en plus compétitif et à faire face à la concurrence qui se fait à l'échelle mondiale aujourd'hui, il faut avoir les outils nécessaires pour faire les choses en grand. C'est toujours le problème qui se pose: comment est-ce qu'on rejoint les deux?

Nous devrions peut-être nous arrêter sur cet aspect et essayer de trouver un filon quelconque.

• 1210

Lors du débat de ce matin, M. Pilon a donné une interprétation de la remarque de M. Johnson comme étant quelque chose de très blanc et noir, tandis que M. Johnson a essayé de dire qu'il ne voulait pas être blanc et noir et qu'il souhaitait que les deux se passent en même temps et qu'il y ait une fusion des deux. Mais comment le gouvernement peut-il faire cette fusion? C'est cela, le défi. Comment est-ce que le gouvernement peut, avec des moyens limités, aider les petits tout en aidant en même temps les grands?

Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: Nous devrions peut-être faire une remarque préliminaire si on veut rejoindre les deux aspects dont on a débattu ce matin. M. Pilon affirmait qu'il fallait avoir une bonne production locale avant d'aller sur le marché international, tandis que M. Johnson semblait dire: Faisons-nous confiance. En tout cas, c'est ce que M. Pilon semblait comprendre: Faisons-nous confiance; on va exporter, ça va bien aller et on va vendre des choses.

Les gens du cinéma me corrigeront si je me trompe, mais ils semblent croire que l'industrie du cinéma au Québec et l'industrie du cinéma au Canada sont deux choses ou deux mondes tout à fait différents. L'industrie du cinéma au Québec est plus difficilement exportable que l'industrie du cinéma canadien-anglais, qui a un marché beaucoup plus large. On pourrait donc difficilement faire une politique mur à mur pour les deux industries parce qu'on risquerait de restreindre l'une et d'empêcher l'autre de se développer.

Le président: Est-ce qu'un film comme Le Violon rouge se situe dans l'un ou l'autre?

Mme Suzanne Tremblay: C'est du cinéma québécois.

Le président: Oui, je le sais, mais on l'a exporté à grande échelle.

M. Richard Paradis: Je crois que l'ensemble de l'industrie est d'accord pour dire que c'est un film exceptionnel, bien que pas nécessairement unique. Il apporte quelque chose de nouveau dans notre cinéma, entre autres parce qu'on y parle, si je me souviens bien, cinq langues. Il contient des images absolument magnifiques. J'encourage ceux qui ne l'ont pas encore vu à aller le voir. Il vaut la peine de débourser 8 $ pour le billet d'entrée. Ce film trouvera probablement son chemin à travers le marché international.

J'aimerais revenir aux propos de M. Pilon. Il y a deux raisons pour lesquelles le cinéma québécois fonctionne de la façon dont il fonctionne dans notre marché. D'abord, il y a la langue. La grande majorité des gens qui restent au Québec parlent uniquement le français. Ils sont donc intéressés par les contenus dans leur langue. D'autre part, les contenus des films québécois sont excessivement locaux. On n'a qu'à regarder un film comme Les Boys, qui a justement remporté un grand succès l'année dernière et qui continuera d'être un succès cette année. C'est un film qui est très près des Québécois et qui véhicule leur vécu. Je crois que vous avez tous reçu Les Boys 1 pendant la période des Fêtes puisqu'on l'a acheminé au Parlement. C'est un film très coloré, avec un langage très québécois, devant lequel les Québécois se sentent à l'aise. Pourtant, ce film n'a probablement aucune chance de percer sur les marchés internationaux. Par contre, les films produits au Canada anglais se retrouvent souvent sur la scène internationale. On ne les identifie pas nécessairement à une ville et ils ont peut-être un potentiel plus grand sur le marché international.

Tout comme l'industrie de la télévision, l'industrie du cinéma a atteint une certaine maturité. Les gens de l'industrie, certaines personnes au gouvernement et Mme Copps reconnaissent qu'il y a une distinction entre les deux marchés. D'ailleurs, la Loi sur la radiodiffusion fait maintenant état du fait que le marché francophone doit être dans certains cas réglementé de façon différente, au niveau des politiques, du marché anglophone. Je rejoindrais le point de vue de M. Pilon.

Vous nous avez demandé comment on pouvait faire le lien entre les créateurs et le reste du système. Il va sans dire qu'en l'absence de création, tous les gens qui sont dans la production et dans la distribution n'auront rien à faire. Il y a donc une réaction en chaîne.

• 1215

On a mis en place des mécanismes tels que le Conseil des arts et l'Office national du film auquel vous avez fait allusion. Ce dernier jouait auparavant un rôle au niveau de la création de nouveaux talents, mais il n'a pas vu l'opportunité, dans les années 1980, d'aller vraiment au fond de cette question et de la développer. Il semblait craindre d'être reconnu comme étant une école et pas autre chose. C'est pourquoi il a décidé de se diriger dans d'autres domaines et de se tourner vers les nouveaux médias et l'animation. Puis là, tout le monde se demande ce que fait l'office.

Entre-temps, il y a des instituts de recherche qui se développent, comme l'INIS à Montréal qui s'occupe du côté de la création pour le cinéma, le Canada Film Centre à Toronto et la même chose dans l'Ouest à Winnipeg. Tout d'un coup, l'industrie avait concerté ses efforts et créé des centres pour le développement des talents.

L'office n'ayant plus nécessairement ce rôle, que fait-on de lui au niveau du développement de la création? Que fait-on du Conseil des arts dans ce domaine? Il faut faire attention et s'assurer d'établir des critères qui laissent libre cours à la création, mais qui identifient aussi un point d'arrêt, où on se demande à un moment donné s'il y a un potentiel de rentabilité.

Si on songe à mettre en oeuvre une nouvelle politique du film avec un nouveau fonds, il faudra établir des critères dans le cadre desquels une personne qui revient une deuxième année chercher de l'argent pour faire un film pourra dire: «J'ai remporté des prix à Cannes et à Berlin» ou encore: «J'ai un box-office de 5 millions de dollars et j'aimerais faire un autre film pour aller chercher encore 5 millions de dollars.» C'est comme cela qu'on aura éventuellement une industrie rentable. Il faut mettre en place des mécanismes pour arriver à cela et établir des critères qui nous assureront que ces gens ne seront pas toujours dépendants du gouvernement.

Le président: Madame Alder, M. Braide m'avait demandé la parole avant vous, mais je vous laisserai faire un bref commentaire.

Mme Mylène Alder: Je désirais compléter les propos de Richard. Je crois que M. Pilon avait raison de dire qu'on doit remporter un succès chez nous pour être plus fort en vue de l'exportation. Une des façons d'atteindre ce succès, c'est d'atteindre une masse critique de production. C'est également un des points que soulève le rapport du comité consultatif sur le financement du long métrage.

Le président: Monsieur Braide.

[Traduction]

M. Rob Braide: Monsieur Lincoln, je me sens un peu hors de mon élément ici aujourd'hui. La brochette de témoins d'aujourd'hui est majoritairement composée de représentants du cinéma et le seul autre radiodiffuseur privé ici représente la télévision. Ils s'occupent tous de visuel alors que moi je fais de l'audio.

Le président: C'est pourquoi votre travail est d'autant plus important.

M. Rob Braide: Je vais répondre dans une certaine mesure à la question que vous posiez sur la façon de combiner les deux aspects.

Sans vouloir faire de reproches à qui que ce soit, je pense être le seul ici à ne pas demander d'argent ou à ne pas demander au gouvernement de dépenser plus d'argent. C'est tout le contraire. Je pense que l'industrie de la radio en particulier tient davantage à inciter les entreprises à augmenter l'offre. L'offre est un gros problème dans l'industrie de la radio et de la télévision, et aussi dans celle du cinéma. Il y a d'autres solutions que de verser des fonds publics à ces organisations.

J'ai siégé au premier conseil d'administration de Musique Action ici au Québec. J'ai aussi siégé au conseil de FACTOR. Ce sont les organisations qui financent les bourses à la relève et la création de nouveaux produits musicaux. Ces formules ont réussi à divers degrés. On a tendance à financer les organisations ou les entreprises plus grandes, tandis que le type qui chante dans la rue devant le métro n'a jamais l'occasion de faire une maquette. Je pense que les bourses à la relève sont vraiment ce qui compte pour la création, pas seulement à la radio mais aussi à la télévision et au cinéma.

Pour moi, le gouvernement devrait examiner la possibilité d'accorder des allégements ou des encouragements fiscaux pour augmenter l'offre. Je sais que l'Association canadienne des radiodiffuseurs a fait des démarches vigoureuses auprès de Patrimoine Canada à ce sujet.

• 1220

Nous voulons que l'on s'occupe de l'augmentation du contenu canadien en instaurant une échelle mobile de crédits pour le temps d'antenne canadien sur les stations radiophoniques. Par exemple, Bryan Adams est tantôt canadien tantôt étranger, d'après les définitions du CRTC: il représenterait donc un crédit de 0,5 ou une demi-diffusion. Un disque canadien normal qui correspond à la définition du MAPL recevrait un crédit. Un disque canadien tout nouveau, un artiste avec un nouveau CD à la station, recevrait 1,5 crédit. Cela irait jusqu'au 35 p. 100. L'industrie de la radiodiffusion estime que ce serait une façon pour le gouvernement d'inciter les radiodiffuseurs à augmenter l'offre.

Encore une fois, je ne sais pas exactement comment accorder des encouragements aux maisons de production, mais je sais qu'il est possible d'accorder des crédits d'impôt importants. On pourrait même encourager les particuliers à investir dans des compagnies en accordant des dégrèvements semblables à ceux du célèbre REAQ, qui existaient au Québec il y a quelques années. De cette façon, on encouragerait vigoureusement l'offre et plus de citoyens apporteraient leur aide et connaîtraient mieux le secteur culturel canadien.

Depuis longtemps au Canada on se demande si la culture doit être encouragée à coup de lois ou si elle doit s'exprimer et s'épanouir en fonction du marché. Il est évident que je suis en faveur de la deuxième option et que c'est sans doute la position de l'industrie à laquelle j'appartiens. Mais je pense aussi que l'État devrait essayer d'encourager les producteurs à augmenter l'offre parce que c'est une question vitale pour l'Association canadienne des radiodiffuseurs.

Les choses vont assez bien actuellement. Il y a des produits canadiens d'excellente qualité, surtout dans le domaine musical. Je sais que la télévision a d'autres problèmes, mais je peux dire que le matériel qui arrive au bureau de mon directeur musical est assez bon. Il nous en faut plus, surtout qu'on exige davantage de contenu canadien.

Voilà donc mon message. Pour ce qui est de concilier les deux impératifs, ne vous contentez pas d'examiner que le financement; examinez les méthodes d'incitation de l'industrie privée pour pouvoir trouver des solutions au problème de l'offre.

Le président: Merci. Vous parlez d'incitations fiscales et de mesures économiques.

M. Rob Braide: Précisément.

[Français]

Le président: Madame Boucher.

Mme Denise Boucher: En tant qu'écrivaine, je suis très intéressée par les propos de M. Braide. La littérature, l'écriture, est le fondement même de plusieurs industries culturelles, y compris le cinéma. Je remarque toutefois que la littérature n'est privilégiée que par Radio-Canada ou CBC. On réserve très peu d'espace à l'écriture dans les autres stations, qui font plus leur miel avec les communications, la chanson et la musique.

[Traduction]

M. Rob Braide: Vous n'avez pas écouté CJAD.

Mme Denise Boucher: Je parlais de l'art.

[Français]

et du cinéma. Cela soulève fondamentalement les mêmes questions. Le Conseil des arts du Canada réservait certaines sommes aux écrivains. Quand est arrivée l'idée de créer les industries culturelles, on a pris les sommes habituellement réservées aux créateurs eux-mêmes et on les a données à l'industrie, en y faisant des ajouts, bien sûr, privant ainsi les créateurs de leur revenu, d'un moyen de subsistance. Si on avait été vraiment progressiste et qu'on avait eu la volonté de féconder le milieu et de lui donner des chances de survie autant territoriales que nationales et mondiales, on aurait conservé ces sommes affectées aux créateurs de fond et ajouté d'autres capitaux pour que l'industrie puisse profiter de ces actes créateurs.

Le président: Cela commence à devenir intéressant.

• 1225

Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: J'espère que ça continuera. Vous dites, monsieur Braide, que vous êtes à peu près le seul autour de la table à ne pas demander de l'argent, et j'imagine que le groupe TVA est dans le même lot que vous, mais quand vous demandez une réorganisation fiscale ou des réductions fiscales, ne demandez-vous pas de l'argent d'une manière détournée?

M. Rob Braide: Je suis d'accord avec vous, mais ce serait une autre façon de faire les choses; ce serait une solution de rechange. Un incitatif au niveau des taux réduirait effectivement les revenus du gouvernement et, en fin de compte, ce serait la même chose. Je crois toutefois qu'on réussirait à aider un peu plus la création de cette manière.

Mme Suzanne Tremblay: J'ai très bien compris votre point de vue. Je voulais juste établir le fait que...

M. Rob Braide: Je suis d'accord avec vous.

Mme Suzanne Tremblay: ...vous êtes aussi un demandeur d'argent, mais d'une autre manière. Cette approche ressemble à celle du gouvernement, qui nous dit qu'il remet de l'argent dans la santé, alors que tout ce qu'il fait, c'est faire passer les réductions budgétaires de 42 milliards à 30 milliards de dollars.

[Traduction]

M. Rob Braide: Mais nous sommes aussi un cotisant net à la SOCAN et bientôt aux droits voisins. C'est nous qui diffusons le contenu canadien, et nous versons des sommes considérables à Musique Action et à FACTOR.

[Français]

Mme Suzanne Tremblay: Enfin, je pense qu'on a su rétablir un peu les faits.

Lors de notre voyage dans les Maritimes, on a entendu dire que les radiodiffuseurs se plaignaient que Céline Dion n'était pas toujours reconnue comme une chanteuse canadienne et qu'elle ne comptait pas toujours dans les quotas canadiens. Je crois qu'il faut faire attention de ne pas tomber dans le piège de la culture américaine non plus. Quand Céline Dion chante le Titanic, elle ne chante rien de canadien. Elle est une Canadienne qui chante un produit culturel américain.

M. Rob Braide: Mais lorsque Shania Twain chante à la cérémonie des Grammys, est-elle une chanteuse canadienne ou américaine? Elle chante dans un style américain.

Mme Suzanne Tremblay: Ce n'est pas le style qui compte, mais bien le contenu.

M. Rob Braide: Est-ce une distinction au niveau linguistique?

Mme Suzanne Tremblay: Non.

M. Rob Braide: Au niveau du contenu?

Mme Suzanne Tremblay: Il faut se demander si c'est un créateur canadien qui a composé la musique et écrit les paroles. Si tel est le cas, c'est un contenu canadien, qu'il soit chanté par Sheila Copps, par vous, par moi ou par Céline Dion.

M. Rob Braide: Sheila Copps est-elle une chanteuse?

Des voix: Ah, ah!

Mme Suzanne Tremblay: Non, mais laissez-moi finir d'exprimer mon point de vue.

M. Rob Braide: Je n'éprouve aucun problème face à cela, madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: Je ne m'adresse pas forcément à vous personnellement, monsieur Braide. Je ne veux pas établir de dialogue avec vous. Est-ce que vous pourriez fermer son micro, s'il vous plaît?

M. Rob Braide: C'est très poli, ça. Allez-y.

[Traduction]

Mme Suzanne Tremblay: Ce n'est pas parce que je ne veux pas que vous parliez, monsieur. C'est une question technique.

[Français]

J'aimerais soulever deux questions. Au cours des trois derniers jours où nous avons voyagé, nous avons entendu dire que le Conseil des arts était devenu très élitiste, qu'il fallait quasiment être déjà bon pour qu'il nous accorde des fonds, que les fonds qu'il consent se concentrent à peu près aux mêmes endroits et qu'il néglige beaucoup les régions. Lorsqu'on parle de régions, on ne parle pas que de la Nouvelle-Écosse ou l'Île-du-Prince-Édouard en général, mais des régions à l'intérieur même de ces provinces. On semble vouloir créer des fonds un peu partout. Dans le domaine de l'édition, je constate que plus tu produis ou plus ton chiffre d'affaires est élevé, plus on t'aide. Est-ce qu'on aide finalement les créateurs qui sont déjà installés? Est-ce qu'on va continuer d'avoir une politique visant à aider les riches, les mieux nantis ou les plus avancés, comme on semble vouloir le faire du côté du sport professionnel où on aide les millionnaires plutôt que ceux qui s'adonnent au sport amateur?

Je suis un peu inquiète. Je voudrais savoir ce que vous pensez de toutes ces choses-là. Décrivez-moi votre propre situation face à cela.

Le président: Monsieur Sandmark.

M. Peter Sandmark: Je représente des gens qui travaillent de façon moins coûteuse. Donc, plus de gens peuvent produire des choses. C'est le public qui en sort gagnant car il y a plus de produits culturels.

• 1230

La raison pour laquelle on peut dire que le Conseil des arts est élitiste, c'est qu'il y a plus de demandes. Dans notre secteur, on vise un taux de succès de un sur cinq ou de un sur quatre, mais c'est souvent un sur huit. Le nombre de demandes augmente sans cesse parce que les jeunes veulent faire des films ou des vidéos avec les nouveaux médias. Donc, il n'y a pas assez d'argent.

Pendant que j'ai le micro, j'aimerais...

Mme Suzanne Tremblay: Avant de... [Note de la rédaction: Inaudible].

M. Peter Sandmark: Non, mais les commentaires de M. Braide m'ont donné à penser. On devrait dire de façon officielle qu'une politique culturelle devrait être basée sur les créateurs et sur leur financement. Je pense qu'on a entendu la même chose dans différents secteurs. Pourquoi? Eh bien, parce qu'il faut qu'il y ait de la création, qui est la base de tout.

Monique a parlé du concept de la numérisation. Je crois qu'on peut envisager l'avenir en termes de numérisation des médias. En ce moment, le concept du contenu canadien et québécois est très fort et important pour les médias où on a un espace limité, comme la radio, la télévision, etc. Avec la numérisation des médias, la question de la capacité disparaîtra et le concept de contenu canadien n'existera plus pour nous protéger ou pour réserver un espace aux oeuvres canadiennes et québécoises.

Comment protégera-t-on la création canadienne dans un contexte numérique? Ce sera international et il n'y aura aucun contrôle. On n'arrête pas à la frontière les lignes de fibre optique. Je crois donc qu'il ne restera plus que le soutien à la création. Cela revient aux créateurs et créatrices. Si on ne les soutient pas, on n'aura pas de contenu canadien. Je ne sais pas dans combien d'années cela va venir, mais il y a déjà des radios numériques sur Internet. You noticed, Mr. Braide. Je ne sais pas si CJAD est disponible sur Internet, mais il y en a déjà qui le sont. Ce n'est qu'une question de temps. Les oeuvres littéraires, la musique, le film et la vidéo seront diffusés dans cette nouvelle forme qu'on n'avait même pas imaginée il y a peu de temps et dont Monique a parlé. C'est ce sur quoi on doit mettre l'accent.

Le président: Je vais donner la parole à Mme Boucher et ensuite à Mme Demaghelatrous, qui a bien besoin d'avoir la chance de parler. Madame Boucher.

Mme Denise Boucher: Je voudrais répondre à Mme Tremblay à propos de la répartition de l'argent au Conseil des arts. Les subventions sont accordées par secteur. Il y a des bourses pour les débutants, pour ceux qui sont en début de carrière, en milieu de carrière et en fin de carrière.

Cette lutte pour obtenir de l'argent dresse les créateurs les uns contre les autres. Il ne faut pas que les jeunes auteurs ou les jeunes écrivains en veuillent à des écrivains plus vieux d'obtenir des subventions. Il faut que le Conseil des arts lui-même augmente les sommes qu'il octroie. Si le Conseil des arts réduit son budget d'un tiers, il ne faut pas que la chicane s'installe entre les créateurs pour voir qui va avoir la part du morceau qui reste. Que cela se passe entre les régions ou entre les catégories d'âges, il y a des jeux de discrimination qui sont en train de se dessiner et qu'il faut absolument éviter. Il faut avoir une pensée beaucoup plus juste et beaucoup plus noble. On a ici des créateurs. Pensons à Gauvreau, qui est une sommité internationale, ou à Gaston Miron, un très grand poète qui est mort il y a deux ans et qui est mort pauvre, sans avoir payé son compte d'Hydro-Québec. Il ne faudrait pas lui en vouloir parce qu'il est célèbre, parce que la célébrité dans ce pays, à cause de la population restreinte, ne garantit jamais des revenus honnêtes.

• 1235

Le président: Madame Demaghelatrous.

Mme Zakia Demaghelatrous: Bonjour, mesdames et messieurs.

[Traduction]

Moi aussi j'ai l'impression d'être sortie de mon élément. Je représente les petites troupes de théâtre, au niveau local.

Tout ce dont on parle ici aujourd'hui revient à une pénurie de fonds. Financer le processus de création, c'est merveilleux, mais cela ne peut pas se faire dans le vide. C'est tout le projet qui doit être financé. Le problème de la politique de financement actuellement, c'est qu'il faut faire de multiples demandes à divers ministères pour obtenir les fonds destinés à un seul projet. Et d'un point.

L'autre recommandation des troupes de théâtre qui appartiennent à la Professional Association of Canadian Theatres, que vous allez rencontrer à Toronto prochainement, je crois, vise le Conseil des arts du Canada: l'augmentation de 25 millions de dollars de son budget devrait être permanente. Cela va à l'encontre de ce que Mme Tremblay a dit. Ce n'est pas tant une question d'élitisme qu'une question de manque de fonds: il y a en si peu, qu'il faut choisir entre donner très peu de fonds à beaucoup de gens ou suffisamment d'argent pour pouvoir produire son travail, auquel cas certains se trouvent exclus et c'est malheureusement le cas des jeunes troupes de théâtre.

Gordie a toujours soutenu les jeunes troupes. C'est chez nous que se forment les acteurs qui passent ensuite au cinéma et à la télévision pour faire de l'argent—et c'est tant mieux pour eux.

Cela nous paraît très important et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Quelle devrait être la participation de l'État canadien? Comme bailleur de fonds, à coup sûr. Nous ne saurions trop insister sur la présence de l'État. Il doit être un organisme de financement à l'aide de tous les secteurs de la culture.

C'est tout ce que je voulais dire. Merci.

Le président: Monsieur Mark.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

Cela revient toujours à une question d'argent. Ces trois derniers jours, la discussion a toujours commencé par la culture et a toujours fini par l'argent. Un attaché de recherche nous a dit hier, je crois, que les trois quarts du financement consacré à la culture aboutissent dans les trois plus grandes villes du pays. Il se pose aussi toujours la question de l'accès au financement. La répartition est-elle juste et équitable? Qui devrait y avoir droit? La question se pose quel que soit le montant et peu importe si les fonds augmentent ou pas.

C'est intéressant. Encore une fois, on entend divers sons de cloche, selon que celui qui parle est un artiste ou un producteur. Un artiste nous a dit que l'État n'a rien à voir à la culture et qu'il devrait se contenter de financer l'instruction parce que, comme artiste, il estime que c'est à l'école que naît la créativité; c'est là que l'enfant est créateur et que l'artiste émerge. Pour lui, le secteur culturel devrait s'occuper de créer de la richesse. Je pense qu'il faut l'écouter, mais comment y parvient-on? Nous savons que la culture crée la richesse sauf que l'on ne s'entend pas sur la manière d'y parvenir.

Merci.

Le président: Si l'argent est le dénominateur commun aujourd'hui, combien...? Il me semble

[Français]

le problème est peut-être la façon de trouver assez d'argent et de le distribuer. C'est le point qu'a soulevé M. Braide.

[Traduction]

M. Braide dit que cela devrait passer par des incitations économiques. Pouvez-vous imaginer une combinaison d'éléments: des subventions aux artistes démunis qui n'ont pas droit à des allégements fiscaux de toute façon, parce que la plupart d'entre eux ne paient pas d'impôt—ils gagnent 12 000 $—et des incitatifs fiscaux aux autres?

[Français]

Est-ce qu'on pourrait envisager une espèce de système mixte?

[Traduction]

M. Rob Braide: Je n'irais jamais suggérer d'éliminer tout le financement. Je ne suis pas aussi radical.

Le président: Je n'ai pas dit cela. J'essaye seulement d'avoir une idée de ce que pensent les gens...

M. Rob Braide: Je dirai qu'il est essentiel d'avoir une combinaison des deux. Je crois que les incitatifs devraient se trouver non pas tant du côté des particuliers, même si c'est un domaine qui pourrait être examiné, mais plutôt du côté des entreprises qui travaillent dans le secteur du spectacle.

• 1240

Si vous gagnez 100 millions de dollars par an grâce à Céline Dion, vous devriez pourvoir, grâce à des incitatifs fiscaux, financer les bourses à la relève, investir au bas de l'échelle. Il s'agit d'accorder des incitatifs aux entreprises plutôt qu'aux particuliers, car cela permettra de créer une compagnie de disques ou un nouvel organisme et les entreprises investiront dans ceux qui veulent exprimer leur culture, les enverront dans un studio d'enregistrement, leur donneront un stylo et de l'encre, ou les placeront devant un micro.

Telles sont les idées qui me viennent à l'esprit, monsieur Lincoln; je n'ai pas réfléchi longuement à la question. Mais je vois là une possibilité.

Encore une fois, je ne préconise absolument pas d'éliminer le financement, car j'ai vu, surtout dans le cas d'organisme, comme Musique Action, que le gouvernement a d'excellentes raisons de contribuer financièrement à la culture. Je ne suis pas un conservateur radical.

[Français]

Le président: Aux États-Unis, le système des fondations à but non lucratif pour aider les différents secteurs est très poussé. Il y a quelques années, le gouvernement donnait des incitatifs dans le domaine de la conservation des terres pour créer des fondations spécialisées. Est-ce une avenue qui devrait être explorée dans le domaine de la culture?

M. Richard Paradis: Certains ont déjà analysé l'opportunité d'établir, au Canada, des fondations comme il en existe aux États-Unis. Cette tradition existe à Boston, à New York et à Chicago. Des familles qui avaient beaucoup d'argent ont créé des fondations aux États-Unis. On n'a pas cette tradition au Canada. On n'a pas non plus les ressources nécessaires. On n'a pas beaucoup de familles fortunées. Il y en a quelques-unes, mais elles n'ont pas nécessairement choisi d'investir dans la culture.

On pourrait faire une équation. On parle d'argent, mais il faut voir ce que cela représente au niveau de l'importance d'avoir un pays et de se distinguer comme un pays différent. Il faut se rappeler qu'il y a de plus en plus de gens qui viennent habiter au Canada pour des raisons très valables et qui cherchent à faire partie de ce pays, qui est différent des autres. Donc, il faut pouvoir leur offrir quelque chose au niveau des contenus.

Je ne veux pas comparer les budgets alloués à la culture et à la défense, mais on pourrait faire une telle comparaison. Il faut se rappeler qu'environ 80 p. 100 de l'aide du gouvernement canadien à la culture va à Radio-Canada. Radio-Canada en reçoit le plus gros morceau, soit au-delà de 800 millions de dollars par année. Il se pose beaucoup de questions au sujet de Radio-Canada. Est-ce qu'elle joue son rôle et tout le reste? Le montant d'argent qui va au reste de l'industrie n'est pas très significatif étant donné tout ce qu'on veut faire. On essaie de faire des enregistrements sonores, des livres, des films et de la télévision.

Vous avez demandé où l'aide devait s'arrêter. Il y a 20 ans, on a créé Téléfilm Canada et essayé de développer une industrie de la production indépendante. Maintenant, les gens se disent: Alliance, Atlantis et CINAR, c'est gros; c'est à la Bourse de New York. Mais il ne faut pas oublier que c'était notre objectif quand on a établi des fonds pour créer des entreprises comme celles-là. On voulait se donner au Canada des entreprises qui allaient pouvoir faire la concurrence à l'international en développant des contenus canadiens. C'est ce que ces entreprises font et elles font aussi de la production pour les marchés extérieurs.

On devra un jour se poser des questions. On se dit qu'on a peut-être atteint une masse critique d'entreprises importantes. Est-ce qu'il devrait y avoir croissance ou décroissance de l'aide aux grosses entreprises? C'est une question qui doit se poser.

D'autre part, il faut se dire que ces entreprises sont maintenant en mesure de faire des produits à contenu canadien de très, très haute qualité que les Canadiens veulent regarder. Est-ce qu'on veut favoriser seulement les petites entreprises qui font de l'expérimentation? Oui, il faut développer la création, mais il faut aussi développer et maintenir les entreprises fortes.

Le président: Madame Savoie. Oui, allez-y madame.

Mme Suzanne Tremblay: Je ne vois pas de problème à développer de grosses entreprises, mais il va falloir, à un moment donné, qu'elles redonnent de ce qu'on leur a donné. Il faut trouver le moyen de faire en sorte qu'elles partagent un peu leur richesse au lieu de vendre leur entreprise et de partir avec leurs millions. Elles ont fait leurs millions avec ce qu'on leur a donné au départ. Il y a une justice à rétablir là-dedans.

• 1245

Il ne faudrait pas non plus qu'il y ait des critères comme on en a vu, si mes renseignements sont bons. On pouvait produire un seul film. Certains producteurs multipliaient le nombre d'entreprises pour aller chercher d'autres subventions pour faire d'autres films parce que la même entreprise ne pouvait pas en faire deux. Il faut éviter de multiplier les petites entreprises qui n'iront nulle part, qui vont faire un seul film. Il faut bien regarder tout cela pour savoir où on doit mettre l'argent. Ne vaudrait-il pas mieux instaurer un fonds de 2 milliards de dollars? Il ont cet argent car ils l'ont fait pour les bourses du millénaire. Donc, ils pourraient trouver un fonds de deux milliards de dollars et placer cet argent, comme on le fait dans le cas de la Caisse de dépôt au Québec, et, à un moment donné, on ferait des films avec les intérêts et les profits de ces investissements. Cela finirait par croître avec le temps.

Le problème, c'est que la caisse est toujours à sec. C'est ce qui est fatigant pour toute cette industrie. Il faut quémander à chaque année. Nous, de l'opposition, nous devons chialer chaque année parce qu'il n'y en a pas assez. La caisse est toujours vide. Que pourrait-on faire pour qu'elle soit toujours pleine?

Le président: Madame Savoie, avez-vous une réponse?

Mme Monique Savoie: Demander qu'on la remplisse.

Je voudrais d'abord répondre à M. Paradis concernant les petits projets et la notion de «livrable» qu'il y a dans l'industrie. Il faut savoir que François Girard a passé beaucoup de temps, à une époque où il y avait heureusement de l'argent du Conseil des arts du Canada, à faire de la performance, à faire de la vidéo et à expérimenter, et il est devenu un très grand cinéaste dont on est très fiers. Il y en a plusieurs dans ce contexte-là. Il y a d'autres choses qu'il ne faudrait pas négliger, notamment l'espace laboratoire et recherche. Je reviens là-dessus. Je l'ai déjà crié 10 fois et je vais le dire 100 fois. Je pense qu'il faut avoir un espace qui tienne lieu de laboratoire.

Mme Suzanne Tremblay: Recherche-développement.

Mme Monique Savoie: Recherche-développement. Les artistes sont la recherche-développement de l'industrie. Donc, il faut se doter d'espace. Il faut refaire quelque chose d'intéressant avec l'ONF. Écrivons «laboratoire» dessus et allons-y. Travaillons là-dedans, apportons notre numérique et mettons le cinéma à profit. De toute façon, ce qui s'en vient, c'est un maillage des disciplines. Comme je le disais tout à l'heure, des poètes, des cinéastes, des vidéastes se remettront au travail parce qu'on a de nouveaux outils.

On parle de recherche-développement. Dernièrement, à la SAT, on recevait 15 industries dans une délégation montée par M. Hubert Lussier de Patrimoine Canada. Les industries ont dit d'elles-mêmes que maintenant, la recherche-développement dans l'industrie se résumait à un très petit R et à un très grand D, quand ce n'était pas un énorme M pour marketing. Il ne faudra pas s'attendre à ce que tous les success stories viennent du haut; ils viendront certainement du bas.

Le président: Madame Alder.

Mme Mylène Alder: J'aimerais compléter l'intervention de Mme Savoie. On ne nie certainement pas l'importance de la recherche-développement, si on peut l'appeler comme cela, dans notre industrie. Pour paraphraser ce que M. Paradis a dit, ce qui est important pour l'industrie télévisuelle et cinématographique au Canada, c'est que des programmes de financement demeurent en place dans la mesure où ils sont structurants pour l'industrie. Ces programmes devront demeurer tant que l'industrie ne sera pas bien structurée et ne sera pas capable d'être autosuffisante. Si cette structure n'existait pas, vous auriez encore plus de difficulté à aller de l'avant en recherche-développement. La croissance d'une industrie nous permet de consacrer plus d'efforts à la recherche-développement.

Mme Suzanne Tremblay: C'est l'oeuf et la poule. La recherche-développement peut aider à structurer l'industrie.

Mme Mylène Alder: Tout à fait, mais je pense qu'une industrie qui n'est pas structurée n'ira pas loin en recherche-développement. C'est ce que je pense.

Mme Suzanne Tremblay: Cela va aider à structurer l'industrie.

Mme Denise Boucher: J'aimerais répondre à M. Lincoln sur la question des fondations américaines. Il y a des fortunes qui se sont construites aux États-Unis à coups d'exploitation assez cow-boy du territoire et des populations, mais les gens se sont rachetés par la suite. Peut-êre que nos richissimes d'ici ne se sentent pas assez coupables.

• 1250

Au niveau politique, il serait intéressant que, quand les gouvernements sortent, se promènent à travers le monde... Quand le premier ministre Chrétien sort, il pourrait apporter avec lui un film comme Le Violon rouge. Je sais qu'il n'a pas l'habitude de lire des livres, mais il y a peut-être des gens dans son milieu qui en lisent. Il pourrait avoir un livre sous le bras et porter l'événement partout sur la planète. Il se promène beaucoup, et ce serait assez formidable. Il y a des chefs d'État qui font cela.

Par exemple, les Américains, après la Guerre 1939-1945, avaient déjà décidé de leur hégémonie. Comment ont-ils conquis les territoires autrement qu'avec les armes? Les Américains, dans le cadre du Plan Marshall, avaient dit aux Européens: On va vous fournir de l'outillage, des moyens et de l'argent pour reconstruire vos pays à une seule condition: que vous laissiez entrer librement sur vos marchés notre musique, notre cinéma et notre littérature. Les Européens avaient trouvé les Américains naïfs. Je pense que c'était de leur part une décision politique assez puissante pour arriver à des fins que nous connaissons. Il paraît que dans ces lieux politiques-là, en haut, quand les gens sortent, ils devraient nous porter.

Le président: Quand j'ai parlé de fondations, je ne parlais pas des fondations Ford, Rockefeller, Johnson, etc. Ce n'était pas du tout l'idée.

Je veux revenir aux propos de M. Braide, qui avait suggéré la création de bourses de développement pour les jeunes, pour les créateurs, etc. On a récemment créé de tels systèmes pour aider à la conservation des terres, par exemple. On a donné des incitatifs fiscaux à des gens qui avaient l'intention d'investir dans un domaine particulier. Ce serait peut-être une façon de sensibiliser une plus grande partie de la population aux produits culturels. C'est une façon de regarder les choses. C'est un petit peu le propos de Mme Tremblay. Ceux qui font de l'argent, comment le remettent-ils dans le système pour aider les autres? C'est un petit peu ce genre de chose. On donne des incitatifs pour établir des fondations à but non lucratif et ces fondations aident elles-mêmes le système. C'est ce qui a été fait dans le domaine de la conservation des terres, tant ici, récemment, que dans beaucoup d'autres pays.

Avant qu'on termine, les gens du public souhaiteraient-ils s'exprimer? Allez-y. Prenez un micro et identifiez-vous.

Mme Roberta Capelovitch (témoigne à titre personnel): Je m'appelle Roberta Capelovitch et je suis étudiante. J'étudie les matières culturelles. Je voudrais poser une question qui porte sur le domaine du cinéma. J'ai lu le rapport du Comité consultatif sur le long métrage et je voudrais poser une question aux gens du cinéma. Ma deuxième question s'adressera aussi aux autres personnes, qui sont dans les domaines de la littérature et du théâtres, parce que les problèmes sont un peu semblables.

Y a-t-il un conflit entre les productions étrangères tournées au Canada à cause des faibles coûts, qui procurent de l'argent et du travail aux jeunes de l'industrie et qui encouragent l'industrie à vivre ici, et le développement et la production de projets à caractère canadien ou québécois? Dans le rapport, on indique que la question des crédits et des taxes implique un certain conflit. Est-ce que les producteurs locaux doivent bénéficier de certains crédits ou de baisses d'impôt si la production est étrangère?

Ma deuxième question a davantage trait aux propos de M. Paradis. Il a parlé de films qui ont gagné des prix à Cannes et que le public néglige. Il parle peut-être de Last Night et de Un 32 août sur Terre. Le problème réside-t-il dans le montant d'argent qu'on octroie pour aider à la promotion et au marketing des films? Réside-t-il dans l'intelligence dont on fait preuve dans notre marketing?

• 1255

Miramax, une très petite boîte, a su faire un très bon marketing de très petits films qui ont gagné des points dans l'industrie. Je crois que ce problème de distribution et de marketing existe aussi pour les écrivains. On fait la promotion de certains, mais non de certains autres. Au théâtre, il y a les petits et les grands. Merci.

Le président: Le premier volet de votre question est tout à fait d'actualité. Aujourd'hui, comme vous le savez, il y a un grand débat en Colombie-Britannique par rapport à toute cette question de subvention des films. Est-ce qu'on devrait encourager les producteurs étrangers, surtout américains, à venir ici pour créer une industrie de production du film, et quel impact cela a-t-il sur nos créateurs? Monsieur Paradis.

M. Richard Paradis: Les crédits d'impôt qui sont accordés, tant par les provinces que par le gouvernement fédéral, sont très structurants. Il ne faut pas oublier que quand les Américains viennent produire ici, ils utilisent nos techniciens et beaucoup de nos ressources. C'est pour ça qu'ils viennent, d'ailleurs. C'est qu'on a ici des techniciens qui non seulement leur coûtent moins cher, mais dont la qualité est élevée. C'est pour cela qu'ils viennent ici plutôt que d'aller en Europe ou ailleurs.

Sur la question de la recommandation sur le crédit d'impôt qui est appliqué aux productions étrangères, je pense que deux facteurs ont amené le comité à arriver à cette conclusion. Premièrement, quand l'aide à la production étrangère a été établie, le dollar canadien valait environ 10 cents de plus qu'aujourd'hui. Deuxièmement, il n'y avait presque pas de mesures semblables dans les provinces. Depuis près de deux ans, on se rend compte que les provinces ont toutes commencé à octroyer des crédits d'impôt pour les productions. Les provinces jouent l'une contre l'autre. Elles augmentent leurs crédits d'impôt pour attirer les productions. On voit des productions qui partent de l'Alberta pour aller à l'Île-du-Prince-Edward. Mais c'est correct. C'est ainsi que le marché fonctionne.

L'aide des provinces varie de 4 à 11 ou 12 p. 100. Cette aide des provinces n'existait pas auparavant. Donc, on s'est dit qu'il y avait suffisamment d'incitatifs dans le système avec l'aide des provinces et la valeur du dollar canadien et qu'on devait s'arrêter là. Quand un Américain vient faire un film ici et que cela lui coûte 30 cents sur le dollar, c'est peut-être un peu exagéré. Si on est obligé de trouver de nouvelles sources de financement pour aider le film canadien... Quelqu'un disait tout à l'heure qu'il y avait no more money. Eh bien, s'il y a no more money, nous a-t-on dit, nous devons trouver des façons d'en trouver. On a donc dit: S'il y a suffisamment de mesures pour les aider, ils vont rester; prenons la taxe de crédit et envisageons de redistribuer cet argent aux productions canadiennes. C'est un problème en Colombie-Britannique parce qu'ils font effectivement beaucoup de productions américaines, mais c'est toujours le problème au Canada. Ce qui marche dans l'Est ou dans l'Ouest n'est pas toujours... Cependant, l'ensemble de l'industrie, de l'Ouest et de l'Est, a formulé ces recommandations.

Pour ce qui est du commentaire sur Last Night et Un 32 août, il arrive souvent qu'on dépense, pour la mise en marché de films canadiens, trois ou quatre fois plus que ce qu'ils rapportent au box-office. Un des problèmes importants est la grandeur du Canada. Il faut faire de la publicité qui va rejoindre des gens qui sont dispersés. Quand vous ouvrez votre journal le samedi et que vous vous demandez quel film vous irez voir, vous avez probablement de la difficulté à choisir parce qu'il y en a beaucoup. Les Américains prennent beaucoup de place dans la publicité et ont beaucoup de moyens. Ils font de la publicité à la télévision. Une pub à la télé fonctionne très bien. Cependant, une publicité à TVA pour faire la promotion d'un film canadien peut coûter 30 000 $. Si on veut faire une campagne nationale, avec un minimum d'utilisation des médias électroniques, il faut un budget de un million de dollars. Quand on fait 30 000 $, 40 000 $ ou 50 000 $ au box-office avec un film canadien, on ne peut pas s'attendre à ce qu'on puisse avoir un budget de marketing semblable. Il y a des films qu'on essaie maintenant de développer comme Last Night, Un 32 août, et 2 secondes. Ils sont en salle, mais il faut de l'argent pour faire le marketing et la concurrence est féroce.

[Traduction]

Le président: Monsieur Sandmark, je crois que vous avez quelque chose à dire.

M. Peter Sandmark: Je signale que nous approuvons la recommandation du rapport selon laquelle il faudrait accorder plus d'argent pour la commercialisation, à tous les niveaux de l'industrie, parce que c'est nécessaire.

• 1300

Je voudrais ajouter une chose, car l'accord multilatéral sur l'investissement n'a pas été mentionné. S'il était signé, je crois que notre organisme serait pour l'exemption du secteur culturel. S'il était signé, les traités de coproduction qui exigent que les équipes étrangères embauchent des techniciens canadiens, etc., seraient illégaux, si j'ai bien interprété l'accord. Les productions étrangères pourraient venir ici sans avoir à embaucher de Canadiens et elles pourraient se prévaloir de crédits d'impôt parce qu'elles devraient être traitées comme des ressortissants. Je voulais seulement compléter la question de la jeune dame quant à savoir si d'autres menaces planaient sur notre industrie culturelle.

[Français]

Le président: Madame Alder.

Mme Mylène Alder: C'est une question que vos collègues du Comité permanent des finances nous ont posée. Je pense que vous y étiez l'hiver dernier, madame Tremblay. Mme Baillargeon a parlé un peu tout à l'heure de cette recommandation, et je pourrais ajouter que c'est pratiquement un mal nécessaire. Compte tenu des accords internationaux de libéralisation du commerce, les Américains brandissent le spectre de la contestation de la validité de certains de nos programmes nationaux, de sorte qu'il devient peut-être un peu plus difficile d'encourager le gouvernement à cela, ce qui déclencherait une contestation des programmes qui nous sont nécessaires.

J'aimerais en profiter pour aborder un sujet dont on a peut-être un peu moins parlé. Vous nous demandez quelles seraient les principales répercussions de la mondialisation sur notre industrie en ce qui concerne le film, mais aussi en ce qui concerne les autres industries autour de la table. La libéralisation des échanges devient problématique dans la mesure où la culture est traitée comme n'importe quel bien ou service à l'échelle internationale. Je pense à l'Accord multilatéral sur l'investissement mais aussi aux négociations de l'Organisation mondiale du commerce, qui vont reprendre cet automne.

L'APFTQ fait partie d'une coalition qui s'est formée spontanément au Québec. Peut-être en avez-vous entendu parler ce matin. Il y a entre autres l'UNEQ qui est là, ainsi que l'Association des distributeurs. C'est une coalition pour la diversité culturelle. On veut protéger la souveraineté culturelle ainsi qu'un monde entier où toutes les cultures ont le droit d'exister et de s'exprimer.

Nous avons déjà fait des démarches auprès du gouvernement, et il est important que le Comité du patrimoine soit au courant de ces démarches et, si possible, nous appuie afin que l'exception culturelle demeure une priorité.

Nous appuyons ce que fait Mme Copps à ce sujet depuis le début et nous allons continuer à l'encourager, d'une part. D'autre part, à ce sujet-là également, nous avons eu connaissance d'une idée qui a été lancée par le SAGIT sur une initiative canadienne de négociation d'un traité international qui va promouvoir ou enchâsser l'exception culturelle. Cela nous semble une excellente idée à prime abord. Je ne sais pas si mes collègues voudraient renchérir là-dessus.

En ce qui concerne la mondialisation et ses impacts sur le secteur du film, je voudrais ajouter qu'au niveau du cinéma et de la télévision, nous avons un besoin urgent que le ministère du Patrimoine canadien ou celui de l'Industrie voie à clarifier la Loi sur le droit d'auteur quant à la titularité des droits sur l'oeuvre cinématographique. La loi actuelle n'est pas claire et nous occasionne beaucoup de problèmes, et ces problèmes sont multipliés dans un contexte de mondialisation. Nous avons de la difficulté à nous y retrouver et nous devons être en mesure de savoir exactement à qui appartiennent les droits pour exploiter l'oeuvre à travers le monde, cela de façon tout à fait légale et correcte, d'une part. D'autre part, nous avons également besoin d'un régime de copie privée en audiovisuel semblable à celui qui a été adopté pour les enregistrements sonores. C'est une chose qui existe déjà à l'étranger.

• 1305

Nos producteurs sont, dans la plupart des cas, privés de revenu dans les pays où ce régime-là existe. Le Canada n'ayant pas de régime semblable, il n'y a pas réciprocité, ce qui fait que nous avons un manque à gagner qui peut être assez important.

J'ai beaucoup dévié, mais je souhaitais soulever ces deux points avant que se termine la table ronde.

Le président: Vous savez que les membres du comité doivent visiter l'Office national du film et qu'ils doivent reprendre ici, à 15 h 30. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Madame Tremblay.

Mme Suzanne Tremblay: Je voudrais profiter de l'intervention de madame pour dire que le sous-comité du Comité des affaires étrangères qui s'occupe des audiences en vue des négociations qui vont commencer à Seattle, en novembre prochain, devrait se trouver à Montréal à la fin mars. Si vous souhaitez suivre ces choses, vous pourrez à ce moment-là vous faire connaître au greffier de ce sous-comité du Comité des affaires étrangères. Je ne sais pas qui il est, mais vous pourriez contacter le Bloc québécois et on vous mettra en contact avec ces gens-là. Je n'ai pas le numéro de téléphone du greffier, mais cela se trouve facilement. Le sous-comité devrait être ici à la fin mars et vous devriez vous présenter devant tout ce monde-là.

Mme Mylène Alder: Je vous remercie au nom de l'APFTQ et au nom de la coalition. L'APFTQ n'a pas déposé de mémoire, mais nous avons apporté le profil de l'industrie pour 1999 pour tous les membres du comité. Je vais le donner au greffier avant de quitter.

Mme Suzanne Tremblay: Merci beaucoup.

Le président: Je voudrais dire à ceux qui s'intéressent à cette question que la section du commerce international du ministère des affaires étrangères a invité les gens à écrire au sous-comité s'ils ne peuvent pas se présenter devant lui afin de lui faire part de leurs suggestions, de leurs commentaires et de leurs doléances par rapport aux négociations à venir.

[Traduction]

Par conséquent, si c'est une question qui vous tient à coeur, je vous invite à écrire pour faire connaître vos opinions. Contactez votre député fédéral. Obtenez l'adresse et envoyez votre mémoire.

[Français]

Je vous remercie beaucoup de votre participation.

[Traduction]

Merci beaucoup d'être venu. Nous l'apprécions vivement. Cela nous a été extrêmement utile.

[Français]

Merci beaucoup, madame.

La séance est levée.