Passer au contenu
Début du contenu

SRID Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

SUB-COMMITTEE ON HUMAN RIGHTS AND INTERNATIONAL DEVELOPMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DES DROITS DE LA PERSONNE ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 14 mars 2001

• 1530

[Traduction]

La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): La séance est ouverte. Mesdames et messieurs, c'est la première séance du Sous-comité des droits de la personne et du développement international pour la présente session.

Pour la gouverne des membres du comité, je tiens à vous dire qu'à la prochaine séance, nous aurons des exposés du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, puis de l'ACDI, au sujet de leurs activités liées à notre mandat. Cela devrait aider les nouveaux membres du comité et mettre à jour les connaissances de ceux qui reviennent siéger ici.

Nous allons avoir aujourd'hui un aperçu de la situation actuelle et des perspectives d'avenir en Colombie. Nous allons commencer par l'honorable David Kilgour, secrétaire d'État du Canada pour l'Amérique latine et l'Afrique, qui s'est rendu récemment en Colombie à plusieurs reprises. Peut-être pourra-t-il nous dire combien de fois. Nous entendrons ensuite plusieurs visiteurs colombiens qui représentent la main-d'oeuvre, les groupes de femmes, les groupes autochtones, ainsi que d'autres qui sont ici pour sensibiliser davantage les Canadiens à la situation en Colombie.

M. Svend Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): J'ai un rappel au Règlement, madame.

La présidente: Oui.

M. Svend Robinson: Pourrions-nous avoir des services d'interprétation en espagnol pour nos invités colombiens?

La présidente: Oui, lorsqu'ils prendront la parole.

M. Svend Robinson: Ils souhaitent entendre les témoignages.

La présidente: Nous n'avons pas ces services d'interprétation, désolée.

M. Svend Robinson: Pourquoi pas?

La présidente: Non. Nous avons un traducteur, mais pas...

La greffière du comité: Nous avons eu de la difficulté à avoir un traducteur. Cette personne va arriver à 16 h 15.

M. Svend Robinson: Si je comprends bien, ils ne pourront pas suivre ce qui va être dit.

La présidente: Je suis désolée—pour les invités—de ne pas avoir la traduction en espagnol, mais nous aurons un traducteur lorsqu'ils prendront la parole. Dites-le-leur.

Cela étant dit, je cède la parole au ministre Kilgour.

[Français]

L'hon. David Kilgour (secrétaire d'État (Amérique latine et Afrique)): Madame la présidente, chers collègues,

[Traduction]

Je dois également présenter mes excuses, madame la présidente, étant donné que ma déclaration n'a pas été traduite en français et en anglais, j'en suis désolé. J'aimerais qu'elle soit traduite en espagnol également. Elle sera disponible par la suite et je me ferais un plaisir de l'envoyer à tous ceux qui le désirent.

J'aimerais féliciter le comité d'avoir pris la décision d'examiner la question des droits de la personne en Colombie. Je me suis rendu à Bogotá à six reprises en ma qualité de secrétaire d'État. Le mois dernier, j'y étais à l'occasion d'un symposium d'une durée d'une semaine sur le maintien de la paix dans les Amériques, présenté par le Centre Pearson pour le maintien de la paix. Près d'une centaine de Colombiens représentant tout un éventail d'institutions, y compris des organismes des droits de la personne, y ont participé. Madame la présidente, chaque fois que je vais en Colombie, je me rends compte à quel point la situation dans ce pays est compliquée. Je sais que mon collègue, en fait mon confrère de la classe de 1979—nous ne sommes plus que trois, madame la présidente—s'y est également rendu.

Je suis plus désorienté chaque fois que je vais en Colombie. Il n'y a pas de solution rapide ou facile aux questions compliquées de l'exclusion sociale, du trafic de stupéfiants, de la violence de l'insurrection et du non-respect des droits de la personne auxquelles se heurte le pays. Je pense qu'il est juste de dire, toutefois, que les stupéfiants sont ce qui alimentent la plupart des actes d'horreur commis en Colombie, qui aujourd'hui coûtent la vie à 71 personnes en moyenne par jour.

[Français]

La Colombie fait face à des difficultés monumentales, et brosser le tableau complet de la situation prendrait plusieurs heures au moins. Cependant, pour nous aider à comprendre certaines des forces qui sont en jeu, je commencerai aujourd'hui en parlant brièvement des quatre groupes dont les objectifs influent négativement sur la situation des droits de la personne en Colombie. Il s'agit des Forces armées révolutionnaires colombiennes, FARC, de l'Armée de libération nationale, ELN, des forces paramilitaires et la situation militaire.

• 1535

[Traduction]

Dans les années 50, 60 et 70, sont apparues diverses bandes de partisans ayant adhéré à un programme de réforme agraire maoïste. La plus importante et la plus ancienne de ces bandes était constituée des Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia (FARC), qui compteraient aujourd'hui, selon les estimations, de 15 000 à 20 000 membres. En plus d'être actives partout en Colombie, les FARC occupent une zone «démilitarisée», couvrant une superficie égale à celle de la Suisse, consentie par le gouvernement d'Andres Pastrana à la fin de 1998 en tant qu'élément catalyseur et zone sûre pour la conduite des négociations de paix.

Les actes de violence perpétrés par les FARC dans le pays sont multiples et englobent l'exécution sommaire de civils qu'elles accusent de contester leurs objectifs, les attaques armées prenant pour cibles les installations de la police et de l'armée, et l'utilisation de bouteilles explosives causant la mort et la destruction sans discernement.

Les FARC financent leurs grandes opérations militaires et de guérilla principalement à l'aide du produit des enlèvements et du trafic de la cocaïne. Les enlèvements avec demande de rançon perpétrés par les FARC prennent notamment pour cibles des citoyens colombiens sélectionnés au préalable, des gens ordinaires kidnappés à des barrages routiers érigés au hasard et des personnes qui sont «achetées» à des bandes criminelles.

On trouve également dans les «prisons» des FARC une multitude de soldats et d'agents de police qu'elles ont capturés. Les FARC ont refusé à la Croix rouge internationale d'avoir accès à leurs prisonniers.

Malgré les offres répétées faites par le président Pastrana au cours des deux dernières années, les FARC ont refusé jusqu'à présent de faire tout compromis significatif dans le cadre des pourparlers en cours avec le gouvernement. Cette attitude fait ressortir leur conviction qu'une victoire militaire sur l'armée colombienne est toujours possible, et leur crainte des représailles que pourraient exercer les groupes paramilitaires si les membres de FARC se désarmaient unilatéralement.

L'absence de tout compromis de la part des FARC jusqu'à présent a entraîné une désillusion de l'ensemble de la population à l'égard du processus de paix ainsi qu'un affaiblissement du soutien que suscitent les offres de paix du président Pastrana.

Cependant, les optimistes espèrent que la décision prise récemment par les FARC de permettre l'observation internationale des négociations de paix débouchera sur des perspectives d'avenir plus positives.

L'Ejército de Liberación Nacional—ELN—qui compte de 4 000 à 5 000 membres, est la deuxième bande de partisans en importance. Créée à partir d'une idéologie empruntant à la fois à Che Guevara et au mouvement de la théologie de la libéralisation, l'ELN s'est financée elle aussi grâce aux produits de l'extorsion, des enlèvements et, bien sûr, de la drogue. L'ELN a été particulièrement active dans la destruction des infrastructures publiques telles que les tours électriques et les ponts.

L'ELN se serait considérablement affaiblie ces derniers mois et elle semble aujourd'hui disposée à envisager sérieusement la perspective d'accords de cessez-le-feu et de paix, ainsi que la possibilité de rendre les armes et d'intégrer la société colombienne. Convaincu qu'il est possible de parvenir à la paix avec l'ELN, le gouvernement colombien lui a offert sa propre zone afin que les pourparlers de paix puissent être menés dans un environnement sûr.

L'activité paramilitaire existe sous une forme ou une autre en Colombie depuis plusieurs décennies. Cependant, c'est dans les années 80 que les groupes paramilitaires ont amorcé leur montée rapide en tant que «protecteurs» engagés par des barons de la drogue, des propriétaires fonciers et des gens d'affaires. En outre, l'institution militaire colombienne étant manifestement incapable de contrôler le territoire national par ses propres moyens, elle a elle-même constitué de nombreuses unités paramilitaires ou a consenti à leur création dans le cadre d'un effort visant à soutenir la lutte contre les groupes de guérilleros en plein essor.

Bien que le gouvernement colombien les ait déclarées illégales au milieu des années 90, les forces paramilitaires semblent toujours bénéficier de l'appui d'une grande partie de la population colombienne. En plus de recevoir des dons en espèces de propriétaires fonciers et d'autres gens d'affaires, les forces paramilitaires reçoivent également des fonds provenant des milieux de la drogue en plein essor. Cependant, contrairement aux groupes de guérilleros, elles n'ont pas recours aux enlèvements comme principal moyen de financer leurs activités.

Ainsi que l'indiquent les chiffres précités, les groupes paramilitaires en plein essor commettraient aujourd'hui la majorité des exécutions sommaires en Colombie et engagent de plus en plus les bandes de partisans dans des affrontements militaires directs. Malheureusement, dans le cadre de leur campagne contre la guérilla, les paramilitaires assassinent régulièrement des civils accusés de «collaborer» avec les guérilleros.

• 1540

Madame la présidente, l'institution militaire colombienne compte un effectif de 146 000 membres environ. En dépit de sa taille imposante, l'armée n'est jamais parvenue, en 37 ans de conflit interne, à monter une action décisive soutenue contre les guérilleros, qui constituent la principale force armée dans de vastes zones du territoire national. Je me demande combien de membres du comité savent que dans les régions périphériques, près de 200 localités colombiennes ne bénéficient pas des services réguliers de police, des forces armées ou de toute autre forme de présence de l'État.

Récemment, le gouvernement a intensifié les efforts déployés afin de confronter les forces paramilitaires, Dieu merci. Néanmoins, d'après le gouvernement de Colombie, les forces paramilitaires posent peut-être le plus grave problème dans le pays et la collusion entre l'armée et les forces paramilitaires serait toujours importante, particulièrement aux échelons intermédiaires et inférieurs de l'armée.

[Français]

Quand on parle de lutte contre la drogue, comme on peut le deviner lorsqu'on sait que les guérilleros, les paramilitaires et les militaires dépendent fortement de l'argent provenant des milieux de la drogue, la Colombie se trouve au centre d'une industrie illégale qui cultive, conditionne et distribue près de 70 p. 100 de la cocaïne vendue dans le monde et plus des deux tiers de l'opium produit à l'échelle de l'hémisphère.

En dépit de la campagne de pulvérisation aérienne antidrogue amorcée en décembre dans les principales régions productrices, on ne sait toujours pas dans quelle mesure la production et l'exploitation des stupéfiants en provenance de la Colombie seront touchées.

[Traduction]

Comme dans d'autres pays andins, le Pérou et la Bolivie par exemple, les petits producteurs touchés par les efforts d'éradication de la drogue sont fort intéressés par la possibilité de produire et d'exporter d'autres cultures. Le gouvernement colombien et les guérilleros ont demandé à cet égard l'aide d'autres pays, dont le Canada.

Madame la présidente, j'aimerais dire quelques mots au sujet du Plan Colombia. Soucieux de résoudre les problèmes auxquels fait face le pays, le gouvernement colombien a élaboré une stratégie globale, soit le Plan Colombie. Évaluée à 7,5 milliards de dollars, cette stratégie a pour objectif de favoriser les progrès dans les domaines suivants: processus de paix, économie, développement social, lutte contre le trafic de drogue, réforme judiciaire, protection des droits de la personne et avancement de la démocratie.

Lors de la réunion du 8 mars entre le gouvernement colombien et les négociateurs des FARC, ces derniers ont confirmé que le mouvement de guérilla appuyait la stratégie antidrogue actuelle du gouvernement, mais qu'il jugeait que les fonds destinés au «volet militaire» du Plan Colombie devaient plutôt être consacrés, entre autres, au développement social. Je tiens à préciser que le volet militaire englobe les fonds destinés à aider les forces militaires colombiennes à reprendre le contrôle des régions productrices.

J'aimerais maintenant vous parler des droits de la personne, qui est le thème de la réunion d'aujourd'hui. La population civile en Colombie, qui regroupe environ 40 millions d'habitants, se trouve dans la ligne de feu des groupes armés. Ce sont des civils, le plus souvent des défenseurs des droits de la personne, des intervenants sociaux, des journalistes et des analystes politiques, des syndicalistes, les personnes déplacées de Paez et des Autochtones, qui sont le plus souvent les cibles des guérilleros et des paramilitaires.

Toutes les trois heures, en moyenne, il se produit un nouvel enlèvement fortement médiatisé. Comme je l'ai déjà mentionné, chaque jour, la violencia entraîne directement la mort, en moyenne, de 71 hommes, femmes ou enfants. On me dit que ces décès, pour la plupart, ne sont pas attribuables au conflit. En 2000, il y a eu quelques 25 000 décès et 3 500 enlèvements liés au conflit. En outre, depuis 1985, le conflit interne a forcé 2 millions de personnes à fuir leur foyer.

À l'heure actuelle, il y a au moins un organisme de défense des droits de la personne, soit la commission de juristes de Colombie, qui juge que les FARC, l'ELN et d'autres bandes de partisans plus petites sont responsables de 22 p. 100 environ des violations graves des droits de la personne, dont 51 p. 100 des enlèvements avec demande de rançon. La commission attribue environ 2 p. 100 des violations à des actions directes de l'institution militaire colombienne. Les forces paramilitaires ou les groupes illégaux d'autodéfense sont tenus responsables de 72 p. 100 des violations graves des droits de la personne, dont 5 p. 100 des enlèvements. Malheureusement, quels que soient les auteurs de ces crimes, il y a un degré élevé d'impunité lorsqu'il est question des violations des droits de la personne en Colombie. Pris ensemble, ces facteurs font de la situation des droits de l'homme en Colombie la plus grave à l'échelle de l'hémisphère.

• 1545

[Français]

En matière d'aide canadienne, le Canada fait ce qu'il peut pour améliorer la situation des droits de la personne en Colombie. Entre autres initiatives, le Canada soutient activement des projets axés sur la sécurité humaine, le développement économique et social, les besoins des personnes déplacées dans leur propre pays, la formation en droit de la personne à l'intention des militaires, le bureau de Bogotá au Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, le conseiller spécial du secrétaire général des Nations Unies pour l'aide internationale et la Colombie. On sait qu'un programme dynamique d'intervention en matière des droits de la personne est mené par l'ambassade.

Dans le cadre de son aide publique au développement, le Canada accorde un autre financement pour des activités de surveillance, les droits de la personne, la lutte contre la culture, l'impunité et la sensibilisation aux droits de la personnes.

Par ailleurs, le Canada était invité à prendre part au processus de la paix de ELN et de FARC.

[Traduction]

Pour ce qui est du processus de paix, comme je constate que je prends beaucoup de temps, je pourrais peut-être laisser ce thème de côté. Si quelqu'un veut l'aborder, j'en parlerai. Bien entendu, il est lié aux droits de la personne, mais ne vient pas directement

[Français]

sous les points touchant les

[Traduction]

droits de la personne.

Je terminerai en disant que le gouvernement du Canada et une multitude de citoyens canadiens—environ 1 800 Canadiens qui vivent en Colombie—sont véritablement préoccupés par les difficultés que connaît la population colombienne du point de vue socio-économique et sur le plan de la sécurité humaine. Bien que la conclusion d'accords visant à remédier à ces problèmes relève essentiellement des Colombiens eux-mêmes, je suis d'avis que le comité et les Canadiens sont tout à fait disposés à accompagner le peuple colombien dans son cheminement vers un meilleur avenir.

J'espère que les graphiques se passent d'explications et sont conforment à ce que j'ai dit.

Merci.

La présidente: Merci, monsieur le ministre.

Je m'excuse, je ne l'ai pas saluée en entrant, parce que je ne l'ai pas reconnue, mais j'aimerais vous présenter l'ambassadeur de la République de Colombie au Canada, Mme Fanny Kertzman. Bienvenue.

Je sollicite maintenant la collaboration des membres du comité. Si nous utilisons l'ancienne formule, qui était de 10 minutes pour chaque parti, vous ne pourrez poser qu'une seule question, et peut-être même pas—quatre questions seront posées. Pouvons-nous limiter les interventions à cinq minutes? Ensuite, si quelqu'un veut poser une nouvelle question...?

D'accord, nous allons commencer par M. Goldring.

M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, AC): Merci, madame la présidente, et merci beaucoup, monsieur Kilgour, pour votre exposé.

D'après ce que vous avez dit, on peut certainement qualifier la situation dans ce pays de chaotique.

D'après ce que j'ai compris, les bandes de partisans évoluent habituellement dans les régions principales du pays. Vous avez dit qu'une des bandes occupe une zone couvrant une superficie égale à celle de la Suisse. Pouvez-vous me dire quel pourcentage de la superficie totale du pays est occupé par les FARC, et par l'ELN? Est-ce comparable? Je présume que le gouvernement et les militaires occupent le reste du territoire. Avez-vous une idée du pourcentage de la superficie qu'elles occupent?

M. David Kilgour: Je ne sais pas si vous voyez le tableau, mais la zone occupée par les FARC correspond grosso modo à celle que vous voyez ici.

M. Peter Goldring: D'accord.

• 1550

M. David Kilgour: Mais n'oubliez pas que les FARC sont présentes dans tout le pays, ou du moins dans certaines parties du pays.

M. Peter Goldring: Mais c'est la zone qu'elles occupent?

M. David Kilgour: Oui, et elles exercent un contrôle total sur celle-ci.

M. Peter Goldring: Cela correspond à 10 ou 20 p. 100 de la superficie du pays?

M. David Kilgour: Je dirais plutôt 5 ou 10 p. 100.

M. Peter Goldring: D'accord.

M. David Kilgour: Comme je l'ai mentionné, ils ont entrepris des négociations en vue d'attribuer une zone de même taille à l'ELN.

M. Peter Goldring: Donc, la majorité du territoire est contrôlée par le gouvernement et les militaires?

M. David Kilgour: Les chiffres à ce sujet varient, et l'ambassadeur aurait sans doute des données plus précises à vous fournir, mais environ 50 p. 100 du territoire se trouverait sous l'emprise des FARC.

Est-ce que l'ambassadeur souhaite dire quelque chose à ce sujet?

M. Peter Goldring: Compte tenu du fait qu'une bonne partie du territoire est contrôlée par le gouvernement—on précise, dans une des notes que j'ai ici, que le Canada verse de l'aide au gouvernement colombien. Pouvez-vous nous donner quelques précisions et nous expliquer à quoi sert l'aide accordée?

M. David Kilgour: Il y a d'abord la surveillance du respect des droits de la personne. Nous avons accordé une subvention de 600 000 $ au Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, subvention qui s'ajoute aux 500 000 $ que nous lui avons déjà versés.

M. Peter Goldring: Mais on parle ici d'une aide d'environ 33 millions de dollars.

M. David Kilgour: Oui, j'y arrive.

Le Fonds canadien d'initiatives locales vient en aide au bureau de l'ombudsman national et finance des programmes qui ont pour but de lutter contre l'impunité—je n'ai pas de chiffres avec moi, mais je pense que la subvention s'élève à environ 500 000 $. Nous finançons aussi un projet bilatéral de 1,5 million de dollars, sur cinq ans, qui appuie les efforts des ONG colombiennes de défense des droits de la personne. Grâce à un projet entrepris conjointement avec l'Organisation canadienne pour le développement et la paix, nous disposons d'une base de données sur...

M. Peter Goldring: Est-ce que ces initiatives visent essentiellement à favoriser la paix et le respect des droits de la personne?

M. David Kilgour: Oui.

M. Peter Goldring: Vu l'importance de l'aide accordée, pouvez- vous me dire si la Colombie a signé la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant? Si oui, l'article premier dispose qu'un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans. Toutefois, l'article 38 précise que les enfants ayant atteint l'âge de 15 ans peuvent participer aux hostilités. En fait, ils peuvent s'enrôler volontairement à n'importe quel âge. Compte tenu de l'aide fort importante qui est accordée, ne devrait-on pas, dans un premier temps, chercher à tout le moins à établir une certaine collaboration pour que les enfants ne soient pas enrôlés dans les forces armées dans le but de participer aux hostilités?

M. David Kilgour: Je sais que la Colombie a signé la convention et que cette question préoccupe beaucoup le Canada.

On me dit qu'il y a des enfants non pas dans l'armée, mais dans les bandes de partisans. Ils sont recrutés dans des endroits comme la partie sud de Bogotá.

Le gouvernement fait de son mieux...

M. Peter Goldring: Je sais, mais comme on nous propose une approche qui, dans l'ensemble, est très complexe, et comme on ne peut pas tout faire en une journée, est-ce que cela ne devrait pas constituer une de nos priorités? Ne devrait-on pas exiger que toutes les parties concernées collaborent à tout le moins ensemble pour éviter qu'on distribue des AK-47 à nos enfants pour qu'ils participent à des hostilités dans une zone de guerre?

M. David Kilgour: Je suis tout à fait d'accord avec vous. À ma connaissance, le gouvernement colombien, à son honneur, ne compte pas d'enfants dans les forces armées. Le problème, comme vous le savez sans doute, c'est que les enfants sont recrutés par les bandes de partisans.

La présidente: Merci. Vous pourrez poser d'autres questions plus tard, monsieur Goldring.

Monsieur Bellemare.

[Français]

M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): Merci, madame la présidente.

Monsieur le ministre, est-ce que vous pourriez décrire la Colombie comme un pays où c'est l'anarchie?

M. David Kilgour: C'est une excellente question. J'ai dit tout à l'heure que d'après mes renseignements, il y a 200 petites villes dans les régions périphériques de la Colombie où même la présence de la police et des forces armées manque. Ce sont des communautés qui manquent absolument de la protection la plus fondamentale qu'on peut avoir dans une société. Ce n'est pas clair sur la carte, mais il y a des montagnes qui coupent le pays en deux: à gauche, ce sont des montagnes et à droite, ce sont des prairies. Dans les petites villes isolées, la situation est telle que vous l'avez décrite.

• 1555

M. Eugène Bellemare: Étant donné que c'est anarchique, est-ce qu'on ne met pas nos citoyens en danger? Si j'ai bien compris, il y a plusieurs personnalités, même des membres de leur Parlement, qui sont enlevées et probablement tuées dans certains cas. Je crois que nous avons des ingénieurs miniers qui travaillent en Colombie ainsi que des enseignants, des représentants des ONG et des missionnaires. Compte tenu du fait que nous sommes intéressés au développement de la Colombie, est-ce qu'on prend certains risques en envoyant des citoyens canadiens travailler là-bas?

M. David Kilgour: C'est absolument vrai, monsieur Bellemare. J'ai rencontré, dans le sud de Bogotá, il y a trois semaines, des gens qui travaillent pour des ONG et qui courent des risques énormes. Comme je l'ai dit, il y a maintenant 3 400 enlèvements par année. Par exemple, on me dit que si vous êtes dans une voiture et qu'on vous arrête, les ravisseurs prennent votre portefeuille et avec l'ordinateur, ils peuvent calculer combien d'argent vous avez dans votre compte de banque. Ils sont tellement sophistiqués et, comme vous l'avez signalé, si vous êtes Canadien ou Canadienne, vous êtes un candidat pour les ravisseurs, bien sûr.

M. Eugène Bellemare: Alors, avec qui transige-t-on? Si on peut transiger avec le gouvernement colombien pour maintenir de bonnes relations avec ce pays et pour l'aider à se développer, surtout en matière de droits de la personne, il semble y avoir des noyaux partout, des sous-pays en somme. Il y a des gens en rébellion ici, des guérillas à un autre endroit qui contrôlent... De façon pratique, est-ce qu'on doit transiger avec ces différents pseudo-gouvernements?

M. David Kilgour: Jusqu'à maintenant, le gouvernement négocie avec le FARC qui utilise un noyau de ce pays comme base où ils ont des prisonniers, par exemple, et on négocie maintenant avec le ELN pour une autre base territoriale. À part ces deux bases que j'ai mentionnées, qui sont entre les mains des rebelles, je pense que c'est tout pour le pays.

À mon avis, bien sincèrement, le gouvernement cherche le moyen d'avoir une paix durable dans le pays. Il y a, je pense, 10 millions de Colombiens qui ont protesté dans la rue il y a un an et demi avec no más ce qui veut dire no more, ça suffit. Avec les chiffres que j'ai mentionnés, vous pouvez imaginer la vie d'un Colombien. L'économie ne marche pas très bien maintenant. Il y a 30 p. 100 de chômage, semble-t-il. C'était une des économies les plus fortes de l'Amérique latine jusqu'à il y a deux ans et les gens cherchent des moyens de quitter le pays.

La présidente: Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Merci, madame la présidente.

C'est ma première participation au Sous-comité sur les droits de la personne et le développement international. J'ai lu autant que j'ai pu et une de mes lectures a été celle du troisième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international sur la Colombie, en date du 11 février 2000, à la suite d'une analyse de la situation. Ce comité a fait sept recommandations dont quatre concernaient particulièrement le gouvernement du Canada. J'en cite une parce que je ne sais pas si vous avez le rapport. Ce que je voudrais savoir, par rapport au suivi—ça fait quand même un an—, c'est ce qui a été fait concrètement par le gouvernement du Canada, à la lumière des recommandations que le Comité des affaires étrangères avait faites. Je vous invite à regarder davantage la cinquième recommandation au bas de la page où il est dit:

• 1600

    Appelle le gouvernement du Canada à exercer une surveillance accrue sur l'impact du commerce et de l'investissement des entreprises canadiennes en Colombie, afin de s'assurer que la présence et les activités de ces entreprises n'enveniment pas le conflit ou la situation des droits de la personne, et à faire rapport au Comité sur cette question;

C'est vrai qu'il y a eu des élections, mais je vous demande ce qui a été fait.

M. David Kilgour: Parlez-vous du numéro 4 qui porte sur les investissements et tout ça?

M. Antoine Dubé: C'est celle au bas de la page, la cinquième. Il y a sept recommandations dans le rapport, n'est-ce pas?

M. David Kilgour: Oui. Vous parlez de la quatrième ou de la cinquième?

M. Antoine Dubé: Je parle de la cinquième, en particulier. Vous pouvez répondre de façon générale, mais j'aimerais que vous consacriez davantage de temps à celle-là.

M. David Kilgour: C'est un bon sujet qui est très important.

Comme je l'ai dit plus tôt, jusqu'à maintenant, si je comprends bien, il n'y a pas de plaintes contre les compagnies du Canada. Elles n'ont rien fait de mal. J'ai parlé avec des hommes d'affaires et des femmes là-bas et c'est tellement difficile. Par exemple, il y a des endroits où il y a des explosions à tous les trois mois. C'est tellement difficile avec les enlèvements.

Si vous avez des faits qui démontrent qu'on a fait quelque chose qui n'était pas acceptable, par exemple, en matière d'environnement, le gouvernement de la Colombie insiste sur les bonnes pratiques. Jusqu'à maintenant, semble-t-il, on n'a pas eu de plaintes contre les compagnies du Canada pour ce qui est des situations environnementales. On a à peu près six ou sept millions de dollars qui sont investis dans ce pays. C'est une économie très importante, un pays très important pour le commerce et les investissements du Canada.

M. Antoine Dubé: J'ai une dernière question sur le rapport du Comité des affaires étrangères qui s'adressait au gouvernement. J'imagine qu'un comité ne peut pas donner de directives, d'ordres au gouvernement, mais faire une recommandation. Est-ce qu'il y a eu une réponse écrite à ce rapport?

M. David Kilgour: Oui, il y a un rapport écrit. Malheureusement, c'est en anglais. Est-ce qu'on a une version en français? Je peux vous donner une copie de ça.

M. Antoine Dubé: Est-ce que le comité a déjà ce rapport?

M. Svend Robinson: Oui, on a reçu une réponse. On a reçu une réponse de de l'ancien ministre Axworthy.

[Traduction]

La présidente: Non. Le comité principal en a reçu une copie, mais pas le sous-comité. Nous pouvons vous en faire parvenir une.

[Français]

M. Antoine Dubé: Merci.

[Traduction]

La présidente: Avez-vous terminé, monsieur Dubé?

[Français]

M. Antoine Dubé: Oui, j'ai terminé.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Robinson, et ensuite monsieur Cotler.

M. Svend Robinson: Merci, madame la présidente.

J'aimerais souhaiter la bienvenue au ministre, et je tiens à le remercier pour l'intérêt qu'il porte à la Colombie. Je sais qu'il s'y est rendu à plusieurs reprises.

J'ai eu moi-même le privilège de visiter la Colombie il y a quelques mois de cela. J'ai accompagné l'ambassadeur Rishchynski, de même que son personnel fort dévoué et travailleur, à Barrancabermeja, à un moment très critique. Comme le sait le ministre, la situation à Barranca est absolument effarante. Neuf personnes ont été tuées par des paramilitaires dans les 24 heures qui ont précédé mon arrivée. Et comme l'indique le ministre, il y a un degré élevé d'impunité dans le pays.

Comme je n'ai que quelques minutes, je vais poser deux ou trois questions, et je demanderais ensuite au ministre d'y répondre.

La première porte sur le plan Columbia. Comme le sait le ministre, la dimension militaire du plan Columbia a été vivement dénoncée par de nombreux observateurs, y compris le Parlement européen et bon nombre des représentants de la société civile en Colombie. J'ai rencontré des représentants élus, des sénateurs et des membres du congrès qui ont dit qu'ils avaient été tenus à l'écart du processus d'élaboration du plan Columbia.

• 1605

Franchement, beaucoup d'entre nous sommes déçus de voir que le gouvernement canadien n'a pas dénoncé avec force la dimension militaire du plan.

Le ministre a dit que le gouvernement n'a pas appuyé le plan Columbia. Je l'invite aujourd'hui à adopter une position beaucoup plus ferme, à dire clairement que le Canada n'appuie pas la dimension militaire du plan Columbia; que nous croyons qu'il faudrait plutôt mettre l'accent sur le développement socio-économique; que le plan Columbia, à certains égards, vise non pas à favoriser la lutte antidrogue, mais plutôt à promouvoir la stratégie militaire américaine contre les bandes de partisans stationnées dans le Sud. Comme le sait le ministre, le plan Columbia ne comporte pas de dimension militaire pour le Nord, par exemple.

Le ministre est-il prêt à dénoncer vivement la dimension militaire du plan Columbia?

Je voudrais poser deux autres questions. D'abord, le ministre peut-il nous dire si le Canada participe de façon directe ou indirecte à la dimension militaire du plan Columbia? De façon plus précise, je veux savoir s'il y a des entreprises canadiennes qui assurent l'entretien des hélicoptères utilisés dans le cadre du plan Columbia, ou si des hélicoptères canadiens participent maintenant à la dimension militaire du plan Columbia.

Enfin, madame la présidente, concernant la Colombie, quel rôle le Canada compte-t-il jouer au cours de la prochaine réunion de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies? Comme le sait le ministre, la situation s'est détériorée. La situation relative aux droits de la personne est désastreuse.

J'ai rencontré Anders Kompass, le représentant des Nations Unies, qui a vivement critiqué le gouvernement colombien. Il a dit que la situation s'était détériorée, que la collusion entre les paramilitaires et les militaires était flagrante dans des endroits comme Putumayo, par exemple.

Madame la présidente, allons-nous exiger que la Commission des droits de l'homme des Nations Unies adopte à cet égard une résolution ferme et non pas nous contenter encore une fois d'une simple déclaration de la présidence? Allons-nous prendre position sur la question, étant donné la détérioration de la situation en Colombie?

La présidente: Monsieur le ministre.

M. David Kilgour: Monsieur Robinson, j'ai fait partie du comité de la justice pendant quatre ans, et j'aimerais bien avoir une minute pour répondre.

M. Svend Robinson: Prenez tout le temps que vous voulez, monsieur le ministre.

M. David Kilgour: D'abord, en ce qui concerne la dimension militaire ou la composante antidrogue du plan colombien, nous avons beaucoup de doutes là-dessus. Nous ne l'avons pas appuyée, comme on vous l'a sûrement dit en Colombie, et j'espère qu'on vous l'a répété à maintes reprises.

Nous jugeons que le gouvernement a été élu de façon démocratique. Nous savons qu'il traverse une période très difficile, et mon collègue, M. Robinson, en est fort conscient. Comme vous le savez, il s'agit du seul conflit actif dans l'hémisphère et au moment où on se parle, il cause probablement des pertes de vies humaines. C'est une situation terrible, et nous voulons que le processus de paix porte fruit.

Comme l'indiquent sûrement les notes d'information, le Canada a fait beaucoup pour favoriser le processus de paix. Nous avons exercé des pressions auprès du gouvernement dans divers domaines, dont celui des droits de la personne, et avons rompu tout lien avec les paramilitaires.

Le député a posé une question au sujet des hélicoptères canadiens, et je suis certain qu'il pense à Vector. Nous n'avons accordé aucun permis d'exportation pour des pièces d'aéronefs, bien que la société aérospatiale Vector ait annoncé la signature d'un contrat. Nous avons communiqué avec l'entreprise et ses affiliées, et nous espérons obtenir l'information dont nous avons besoin.

Si le contrat prévoit l'exportation de pièces ou de technologie, nous allons...

M. Svend Robinson: Et qu'en est-il de l'entretien des hélicoptères?

M. David Kilgour: Je crois comprendre que... en Colombie ou ici?

M. Svend Robinson: Oui. Par Vector.

M. David Kilgour: Non. Nous n'assurons pas l'entretien d'hélicoptères militaires. Si mon collègue a des renseignements là- dessus, j'aimerais bien qu'il m'en fasse part.

La dernière question portait sur les droits de la personne...

M. Svend Robinson: Je m'excuse. Je vous ai demandé s'il y avait des hélicoptères canadiens, en Colombie, qui avaient peut- être transité par les États-Unis.

M. David Kilgour: Voilà une question bien formulée.

À ma connaissance, il n'y a pas d'hélicoptères militaires qui ont été envoyés en Colombie. Mais M. Robinson sait fort bien qu'il existe des accords de défense entre le Canada et les États-Unis, et je suis certain que c'est là où il veut en venir par sa question.

• 1610

Je ne veux pas me lancer dans une longue discussion sur ces accords. Nous allons appuyer toute déclaration bien sentie de la part de la présidence de la Commission des Nations Unies sur les droits de l'homme.

M. Svend Robinson: Et qu'en est-il de la résolution?

M. David Kilgour: Pour l'instant, nous nous sommes engagés à appuyer toute déclaration bien sentie de la part de la présidence.

M. Svend Robinson: Pas une résolution?

La présidente: Monsieur Cotler.

M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Je tiens mois aussi à féliciter le ministre pour l'intérêt, le dévouement et l'attachement exemplaires dont il a fait montre dans ce dossier, entre autres.

Je voudrais vous poser une série de questions qui se recoupent et qui découlent, en partie, de certaines de vos observations.

Vous avez dit que les violations des droits de la personne ne sont pas directement liées au processus de paix. Bien entendu, le processus de paix peut avoir une incidence sur ces violations. Je vous demanderais de nous parler, peut-être parce que vous n'en avez pas eu le temps, des liens qui existent entre le processus de paix et les droits de la personne—les pires violations des droits de la personne ont tendance à être commises dans le contexte du conflit qui oppose le gouvernement et les groupes armés. Pour ce qui est de la participation des FARC et de l'ELN au processus de paix, je me demande si les paramilitaires ne peuvent pas, eux aussi, être invités à prendre part au processus.

M. David Kilgour: Merci d'avoir soulevé la question, monsieur Cotler.

Le processus de paix a progressé très, très lentement. On aurait fait, dernièrement, un pas en avant. En toute justice, toute personne qui se rend dans ce pays va vous dire que certaines parties au processus ne veulent pas la paix. Souhaitez-vous vraiment, si vous encaissez des centaines de millions de dollars par année et que vous risquez de ne plus rien toucher, ou de toucher beaucoup moins, qu'on change le statu quo? C'est une des questions qui hante tous ceux qui participent aux processus de ce genre, soit est-ce qu'on souhaite vraiment avoir la paix.

Personne ne met en doute la sincérité du président Pastrana. Il a posé beaucoup de gestes courageux, y compris celui de signer l'entente de Los Pozos avec le chef de guérilla, il y a une dizaine de jours de cela. Il a tout mis en oeuvre pour favoriser la paix, et ce n'est que depuis une semaine ou dix jours que la situation a évolué.

Est-ce que le député a une copie de l'entente que le président et le chef des FARC ont signée?

M. Irwin Cotler: Non. On en a parlé, mais je n'ai pas de copie de l'entente même.

M. David Kilgour: Nous allons vous en fournir une.

L'entente, entre autres, ouvre la voie, pour la première fois, à la participation de la communauté internationale. Le Canada y participe, ainsi que plusieurs autres pays. Par exemple, le Canada et neuf autres pays—la Suède, la France, Cuba, le Mexique, le Venezuela, la Norvège, l'Espagne, l'Italie et la Suisse—ont été invités, par les deux parties, à participer, en tant que modérateurs, au processus de paix de concert avec les FARC. Le rôle des modérateurs sera d'encourager et de favoriser les négociations entre les FARC et le gouvernement.

Cuba, la Norvège, la Suisse, la France et l'Espagne ont servi de modérateurs dans les discussions entre le gouvernement et l'ELN. Cinq autres pays—le Canada, le Japon, la Suède, le Portugal et l'Allemagne—ont été invités à envoyer des vérificateurs dans la zone qu'on propose d'accorder à l'ELN. Le Canada doit, entre autres, s'assurer que le rôle de vérificateur ne comporte aucun danger.

Mais M. Cotler, en se fondant sur sa vaste expérience, pense peut-être que la paix, une fois acquise, va mettre fin à la violence et aux terribles violations des droits de la personne qui sont commises. Je suis certain d'ailleurs que les 40 millions de Vénézuéliens espèrent la même chose, mais comme le dirait M. Robinson, qui est également allé là-bas, nous doutons que les choses se passent ainsi.

Comme je l'ai déjà mentionné, on a l'impression que si le trafic de stupéfiants est tellement prospère, on ne sera pas porté à rechercher la paix. Si vous gagnez énormément d'argent, voulez- vous vraiment mettre fin à une activité qui vous permet de vendre de la cocaïne ou de l'héroïne? En fait, un des participants à la conférence de paix, une personnalité fort respectée en Colombie, a dit qu'il ne voyait pas comment on pouvait avoir la paix si aucune mesure n'était prise pour mettre fin au trafic de drogue. C'est comme l'histoire de l'oeuf et de la poule: si les stupéfiants continuent d'être envoyés de la Colombie vers des endroits comme Montréal et Ottawa, comment pouvons-nous instaurer la paix? Vous pouvez me faire part de votre opinion là-dessus après la réunion, si vous voulez, ou nous pouvons en discuter maintenant.

• 1615

La présidente: Monsieur Cotler, vos cinq minutes sont écoulées. Vous pourrez peut-être intervenir à nouveau, mais je n'en suis pas certaine.

Monsieur Goldring.

M. Peter Goldring: Merci, madame la présidente.

J'aimerais d'abord faire un commentaire et ensuite poser une question.

Monsieur le ministre, je sais que nous sommes pressés par le temps, mais vous avez mentionné certaines des initiatives qui figurent sur la liste des programmes d'aide. Je me demande si vous pouvez déposer auprès du comité la liste des programmes d'aide, de l'aide financière, du personnel ou du matériel qu'on prévoit fournir.

M. David Kilgour: Je vais la déposer, madame la présidente.

La présidente: Monsieur Goldring, avez-vous une question?

M. Peter Goldring: Oui; je tenais à dire ceci avant de poser une question.

Monsieur le ministre, j'aimerais revenir à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant. J'aimerais que vous m'aidiez à comprendre, car il me semble qu'il y ait un peu de confusion, un peu d'hypocrisie. Alors que selon l'article 1, enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans, dans cette convention pourtant, dont le Canada est signataire—et au cours des enquêtes, aucune objection n'a été faite à cet égard auprès des Nations Unies, même jusqu'au moment de son acceptation—l'article 38 prévoit seulement que les États parties s'abstiennent d'enrôler dans leurs forces armées toute personne n'ayant pas atteint l'âge de 15 ans. En d'autres termes, une personne âgée de 10 ans, de 12 ans, pourrait se porter volontaire.

Étant donné que ce rapport sur la Colombie indique que 30 p. 100 des forces des guérilleros sont des enfants, ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, que pour des raisons d'équité et de logique, au Canada et dans d'autres pays, cet article 38 relatif aux enfants enrôlés dans les forces armées des pays stipule qu'il s'agit d'enfants de moins de 18 ans et non de moins de 15 ans; autrement dit, des enfants âgés de 17 ans ou moins? Ne serait-ce pas raisonnable? Comment peut-on imaginer que le Canada soit signataire d'une telle norme des Nations Unies?

M. David Kilgour: La présidence dirait probablement que cela ne se rapporte pas à ce dont nous parlons aujourd'hui, mais...

M. Peter Goldring: Il s'agit des droits de la personne.

M. David Kilgour: Pour ce qui est de la Colombie, ce pays ne permet pas aux enfants de moins de 18 ans de joindre les rangs de l'armée. Une loi a été adoptée l'année dernière à cet effet.

Je le répète, car on ne le dira pas assez souvent: ce sont les groupes de rebelles qui utilisent les enfants.

M. Peter Goldring: Ils sont toutefois en négociation actuellement.

M. David Kilgour: Oui, c'est exact, et je suis sûr que le gouvernement de Colombie, le gouvernement du Canada ainsi que n'importe quel gouvernement souhaitent qu'aucun enfant de 13 ou 14 ans ne soit entraîné dans des combats de quelque côté que ce soit.

M. Peter Goldring: N'est-ce pas une question de droits de la personne pour le reste du monde et comment se fait-il que le Canada soit partie à cette convention? N'est-ce pas incompatible avec nos opinions quant aux droits de la personne à l'échelle de la planète?

M. David Kilgour: Avec tout le respect que je vous dois, nous avons suffisamment de problèmes reliés aux droits de la personne en Colombie pour nous lancer dans ce débat.

M. Peter Goldring: Merci.

La présidente: Merci.

Monsieur Robinson, puis, monsieur Cotler.

M. Svend Robinson: Merci. J'aimerais revenir sur quelques questions que j'ai posées plus tôt.

Ce qui est préoccupant au sujet du Plan Columbia, ce sont les opérations d'épandage et la dimension militaire, alors qu'il existe d'autres solutions beaucoup plus pertinentes à la tragédie que traverse la Colombie actuellement. Le Parlement européen, par exemple, a parlé de l'importance de solutions négociées et convenues dans la lutte contre les cultures illégales—une réforme agraire et des cultures de substitution—comme par exemple, lutter contre la pauvreté extrême qui touche beaucoup de paysans et offrir à ces derniers des solutions de rechange intéressantes, comme l'extirpation manuelle au lieu de l'épandage.

• 1620

J'aimerais de nouveau poser la même question au ministre. Le ministre a déclaré que le Canada n'a pas appuyé la dimension militaire du Plan Columbia. Le Canada a-t-il exprimé sa préoccupation à cet égard? Le ministre a-t-il exprimé sa préoccupation, son opposition à la dimension militaire du Plan Columbia lors de son dialogue avec les représentants officiels du gouvernement colombien?

M. David Kilgour: Pour répondre à la première partie de la question, je dirais que le gouvernement colombien est prêt à négocier la substitution des cultures, mais il est également vrai que les barons de la drogue font pousser certaines de ces cultures dans de vastes plantations contrôlées par les rebelles, si je puis m'exprimer ainsi. En fait, à un moment donné, les trafiquants de drogue embauchaient les forces paramilitaires pour protéger leurs champs.

M. Svend Robinson: En fait, l'institution militaire de Colombie ne traite absolument pas avec les forces paramilitaires.

M. David Kilgour: Le gouvernement de Colombie a pris position. J'ai posé la question au président Pastrana lorsque je l'ai rencontré, et il s'efforce activement de faire tarir les sources de financement qui alimentent les forces paramilitaires. Vous savez très bien, monsieur Robinson, qu'elles sont passées de 4 000 à 8 000 personnes ces deux dernières années.

M. Svend Robinson: Et bien sûr, à Putamayo, par exemple, les forces paramilitaires mènent des opérations dans des endroits que l'armée connaît parfaitement bien et pourtant, rien n'est fait pour réagir à ce problème.

Le ministre a-t-il effectivement condamné la dimension militaire du Plan Columbia lors de son dialogue avec le gouvernement colombien? S'est-il associé aux autres pour la condamner? Il déclare que nous ne l'avons pas appuyée, mais a-t-il exprimé ses préoccupations à cet égard?

M. David Kilgour: Nous défendons les droits de la personne. Comme les gens que vous avez rencontrés vous l'ont dit, nous avons défendu les droits de la personne...

M. Svend Robinson: Ce n'est pas ce que je veux savoir. Je pose une question au sujet de la dimension militaire du Plan Columbia. Le ministre l'a-t-il condamnée?

M. David Kilgour: Comme je l'ai dit plus tôt, nous avons décidé ni de l'appuyer ni de la condamner.

M. Svend Robinson: C'est une excuse-bidon, avec tout le respect que je vous dois, madame la présidente.

Le ministre a également répondu à ma question au sujet des ventes militaires. Si je me souviens bien, le ministre a déclaré que Vector n'assure pas l'entretien des hélicoptères militaires. J'ai parlé au PDG de Vector et il n'a pas pu me le garantir. Le ministre est-il en mesure de le faire?

M. David Kilgour: La filiale canadienne de Vector n'assure pas l'entretien des hélicoptères militaires. Autant que je sache, Vector a des filiales dans diverses parties du monde, mais la filiale canadienne, à notre connaissance, n'assure pas l'entretien des hélicoptères militaires. Nous leur parlons régulièrement à ce sujet.

M. Svend Robinson: Le ministre ne sait pas si des hélicoptères qui proviennent du Canada sont actuellement utilisés dans le cadre du Plan Columbia.

M. David Kilgour: Si vous trouvez quelque chose, monsieur Robinson, je vous serais reconnaissant de me le dire immédiatement. Il n'y a pas d'hélicoptères militaires.

M. Svend Robinson: Le ministre ne conviendrait-il pas que ce serait tout à fait inacceptable si c'était effectivement le cas?

M. David Kilgour: Certainement.

M. Svend Robinson: Ma dernière question, de nouveau, porte sur la dégradation de la situation des droits de la personne en Colombie, le fait que le représentant NU, Anders Kompass—et j'imagine que le ministre a rencontré Anders Kompass.

Je ne suis pas sûr que les fonctionnaires qui accompagnent le ministre ont été présentés. Ce monsieur a-t-il été présenté?

M. David Kilgour: Nous pouvons le faire après. Ne gaspillez pas le temps dont vous disposez pour vos questions.

La présidente: Désolée, nous aurions dû le faire.

M. Svend Robinson: C'est simplement parce qu'il a régulièrement donné des renseignements.

Le représentant NU que j'ai rencontré a déclaré que la situation s'est considérablement aggravée et qu'il était très préoccupé par l'échec du gouvernement colombien, à savoir notamment qu'il n'a pas réussi à rompre les liens entre les forces paramilitaires et l'armée; la question de l'impunité se pose. Pourquoi le ministre et le gouvernement ne sont-ils pas prêts à appuyer des mesures plus énergiques qu'une autre déclaration de la présidence à la prochaine séance de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies? La situation a empiré et pourtant, nous disons qu'une autre déclaration de la présidence suffit. Pourquoi le ministre n'est-il pas prêt à entendre la voix des ONG et de la société civile en Colombie également et à dire que le Canada doit faire comprendre à la Colombie que cette impunité, que cette violence doivent cesser?

M. David Kilgour: De mon point de vue, c'est une observation. Madame la présidente, si les membres du comité souhaitent recommander ce qui vient juste de l'être, je peux vous assurer que le gouvernement envisagera la question très sérieusement.

La présidente: Merci, monsieur le ministre.

M. Svend Robinson: Merci.

La présidente: Monsieur Cotler.

M. Irwin Cotler: J'aimerais poursuivre sur cette lancée, parce que, monsieur le ministre, vous avez fait mention du rapport de l'Association des juristes colombiens selon lequel les forces paramilitaires sont accusées de 72 p. 100 des homicides extrajudiciaires et de la plupart des violations choquantes des droits de la personne. Comme nous le savons toutefois, le nombre et la force des paramilitaires augmentent et l'impunité continue d'être absolue. Parce que je sais que l'ambassadeur du Canada a demandé au gouvernement de traduire en justice les forces paramilitaires, et que dans le cadre du récent accord, l'accord de Los Pozos, le gouvernement a convenu de créer une commission pour étudier les façons de freiner les forces paramilitaires, je vous pose la question suivante... Je me demande si l'on pourrait recommander quoi que ce soit de précis à ce sujet, même par l'entremise de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies.

• 1625

M. David Kilgour: Il ne fait aucun doute que la seule façon de désactiver les forces paramilitaires consiste à couper leur financement. Elles sont bien payées, et, comme je l'ai dit, elles ont doublé de volume en l'espace d'une année environ. Si l'on pouvait demander aux gens de cesser de leur envoyer des chèques chaque mois ou de faire des dépôts d'argent pour elles, elles s'amenuiseraient sans doute très rapidement. C'est l'argent qui leur permet de continuer.

M. Irwin Cotler: Sait-on si des sociétés canadiennes sont complices des violations des droits de la personne?

M. David Kilgour: Pas que je sache et si vous-même ou quiconque ici présent apprend quoi que ce soit à ce sujet, je lui demanderais de me le faire savoir immédiatement. Les Canadiens auxquels nous parlons en Colombie sont aussi préoccupés par la situation que n'importe qui. Ils ne peuvent pas sortir de Bogotá, la capitale, sans courir de risques extrêmes. Des sociétés comme Enbridge ont eu beaucoup de difficultés. Non, les Canadiens sont préoccupés par la situation et souhaitent la paix autant que n'importe qui. Comme je l'ai dit, je vous serais reconnaissant de me faire savoir si vous découvrez qu'un Canadien ou une société canadienne aide les forces paramilitaires à survivre.

Leur brutalité est... Lorsque j'étais en Colombie, on m'a dit, entre autres, que les FARC se rendent dans un village et exigent d'être nourris. Avec un fusil sur la tempe, les gens les nourrissent puis, deux jours plus tard, les forces paramilitaires arrivent et disent: «Vous avez nourri ces gens-là», et commencent à les abattre. C'est horrible. Tous les pays de l'hémisphère doivent trouver une façon de les aider à mettre un terme à tout cela. Le président Pastrana a demandé l'aide du Canada et de tous les pays qui se trouveront au sommet afin que toutes les parties en jeu en Colombie parviennent à une paix viable.

La présidente: Monsieur Cotler, avez-vous une autre question?

M. Irwin Cotler: Non, merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Nous avons Ron Davidson. Pourriez-vous le présenter en premier lieu?

M. David Kilgour: J'aimerais présenter Jean-Paul Ruszkowski. Il a vécu au Pérou pendant 14 ans et il est citoyen canadien. C'est un de mes conseillers.

La présidente: Nous avons Ron Davidson—l'avez-vous déjà présenté? Parfait.

Monsieur le ministre, si vous souhaitez rester, ne nous gênez pas. Je sais que vous avez probablement d'autre chose à faire. Vous souhaiterez peut-être entendre ce que ces gens ont à dire—vos fonctionnaires peuvent également rester s'ils le souhaitent.

Nous vous remercions de nouveau d'avoir bien voulu comparaître. Pourriez-vous faire en sorte que nous ayons des copies de votre déclaration au début de la séance? Nous la ferons traduire pour tous en anglais, en français et en espagnol.

M. Svend Robinson: Madame la présidente, j'ai un rappel au Règlement. Je n'ai pas encore eu la possibilité de parler à M. Bellemare ni non plus à M. Cotler de l'autre côté de la table, mais je crois, pour donner suite à la proposition du ministre, que le comité souhaiterait peut-être présenter une motion au sujet de la position que nous pourrions adopter à la prochaine séance de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies; je serais heureux de travailler avec d'autres membres du comité pour arriver à une...

La présidente: Peut-être pourrions-nous en discuter après cette réunion, lorsque vos amis ici auront tous eu la possibilité de parler. Nous ne voulons pas prendre leur temps.

Nous allons faire une pause de deux minutes.

• 1629




• 1635

La présidente: Nous allons maintenant entendre le témoignage de nos visiteurs de la Colombie. J'aimerais avoir une précision. Est-ce que ces gens de la Colombie sont en visite ici, ou vivent- ils au Canada mais sont originaires de la Colombie?

M. Pablo Alejandro Leal (Campagne de solidarité Canada- Colombie): Ils sont de la Colombie; ils sont en visite.

La présidente: Rien qu'en visite, ils ne vivent pas ici?

M. Pablo Alejandro Leal: C'est bien cela.

La présidente: D'accord. Je vous remercie.

Peut-être, monsieur Leal, pouvez-vous les présenter.

M. Pablo Alejandro Leal: D'accord.

Je tiens à vous remercier, tous, d'être ici et de nous donner cette occasion d'exposer ces points de vue dont, autrement, vous n'entendriez pas parler au sujet de la Colombie. Notre démarche s'insère dans une campagne que nous appelons une «tournée des luttes populaires et invisibles», pour représenter les groupes sociaux et secteurs populaires dont les voix tendent à être étouffées au milieu des conflits. Nous privilégions ces mouvements parce que nous croyons que leurs propositions, leurs solutions à la guerre, ont des chances de réussir et ne parviennent pas jusqu'aux tribunes visibles d'où elles pourraient être entendues et négociées. Ils ont des points de vue, sur le conflit qui sévit en Colombie, qui diffèrent, par exemple, du Plan Colombie et du concept selon lequel ce sont les drogues qui alimentent la guerre et qui sont la principale cause du conflit. Ces autres problèmes se rapportent plutôt à la justice sociale, la création d'une démocratie légitime, etc.

Chacun de ces intervenants va se présenter très brièvement, et présenter le mouvement qu'il représente, quels principes il défend, certains de ses éléments et aussi des préoccupations qu'il veut faire connaître au gouvernement canadien au sujet de la Colombie, dont le gouvernement pourrait peut-être tenir compte dans l'élaboration de ses politiques à l'égard de la Colombie, pour permettre à ces gens d'avoir plus de visibilité et d'être plus entendus.

La présidente: Je vous remercie. Qui commence?

M. Pablo Alejandro Leal: Ezequiel Vitonas Talanga.

La présidente: Nous avons un interprète, dont la prestation suivra chaque intervention, donc ceci prendra pas mal plus de temps. Nous demandons aux intervenants de faire un effort de concision, et nous poserons des questions brèves, en espérant obtenir de brèves réponses.

Est-ce qu'il va parler pendant cinq minutes, puis elle traduira après?

M. Svend Robinson: Je crois que chacun a deux minutes.

La présidente: Deux minutes.

M. Svend Robinson: Oui.

La présidente: Allez-y, donc.

M. Ezequiel Vitonas Talanga (province de Cauca, sud-est de la Colombie) (Interprétation): Je suis Ezequiel Vitonas Talanga. Je suis un leader autochtone de la région de Cauca, et je représente les gouvernements autonomes. Nos gouvernements sont reconnus dans la loi constitutionnelle de 1991, et nous travaillons pour dresser ce que nous appelons un plan de vie.

• 1640

Notre organisation est reconnue à trois niveaux de gouvernement: au niveau des municipalités, au niveau provincial et au niveau national. Par conséquent, nous pouvons conclure des ententes avec les organismes internationaux.

Notre plan de vie propose un développement différent, non violent, et nous nous opposons à la guerre, sous toutes ses formes. Nous voudrions que le gouvernement canadien reconnaisse les secteurs sociaux et reconnaisse que la solution, pour la Colombie, est dans l'investissement social. Nous parlons de drogue, de guérilla en Colombie, mais le problème date de plus longtemps, et il vient du manque d'investissement social. Si nous ne parvenons pas à résoudre le problème social, nous ne ferons que maquiller nos problèmes, sans rien résoudre.

La présidente: Qui prend la parole ensuite, monsieur Leal?

M. Pablo Alejandro Leal: M. Carlos Rosero, du Mouvement pour l'autonomie des afro-Colombiens.

La présidente: Je vous remercie.

M. Carlos Rosero (leader national, Mouvement pour l'autonomie des afro-Colombiens) (Interprétation): Nous considérons que nous, des communautés d'origine africaine, avons subi le déplacement de 317 000 personnes et qu'il n'y a eu aucune mesure de protection de la vie. Dans certains cas, il y a même eu collaboration entre les forces militaires et paramilitaires derrière ces déplacements. Il n'y a pas que l'armée, mais aussi les forces paramilitaires. Quatre pour cent des déplacements sont attribuables à l'armée, mais 55 p. 100 aux forces paramilitaires. Les guérillas en provoquent aussi 20 p. 100, le reste étant causé par d'autres facteurs.

Dans les régions où se fait le déplacement, ce qui nous préoccupe, ce sont les méga projets, particulièrement ceux de la région de Buenaventura de la province de Cauca, parce qu'ils ont des répercussions directes sur les communautés. Nous proposons que des moratoires soient imposés sur ces projets, en raison des répercussions qu'ils ont sur lesdites communautés environnantes.

• 1645

Pour nous, le Plan Colombie ce n'est que des voeux. Il n'y a pas une composante militaire ou une composante sociale. Nous ne voulons pas que ce projet valide la terreur que connaissent les gens de la région.

La présidente: Je vois merci.

Je me demande s'il y a des membres du comité qui aimeraient savoir de quelle région il s'agit. Voulez-vous que M. Leal nous le montre, ou est-ce inutile? Ça va? D'accord.

Quel est l'intervenant suivant, monsieur Leal?

M. Pablo Alejandro Leal: Patricia Buritica, de la Fédération syndicale de la Colombie, appelée CUT.

La présidente: D'accord. Patricia, vous avez la parole.

Mme Patricia Buritica (Leader, CUT, (Fédération syndicale)) (Interprétation): Bon après-midi. Merci beaucoup de bien vouloir nous entendre. Je représente le mouvement syndical de la Colombie.

Jusqu'à maintenant, 3 000 membres de notre mouvement ont été assassinés par les forces militaires et paramilitaires. J'aimerais préciser que dans mon pays, une alliance a été formée entre les forces paramilitaires, les forces armées et les entrepreneurs du secteur privé, parce qu'ils veulent nettoyer la région pour éliminer les obstacles aux investissements. Le gouvernement de la Colombie n'a dressé aucun plan clair contre les forces paramilitaires, et n'a formulé que des voeux—nous les avons entendus ici.

Lorsque nous parlons d'actions de gouvernements étrangers auprès d'un pays, ils doivent savoir qu'il s'agit d'un pays en guerre. Les gouvernements de la Colombie et du Canada ont conclu des accords d'investissement, et nous devons reconnaître que tout accord conclu en ce sens doit respecter la vie, parce que 3 000 personnes assassinées et nos leaders syndicaux... sans leaders syndicaux, il n'y a pas d'espoir pour la démocratie dans notre pays.

Nous sommes conscients de la réalité du problème que posent les drogues, mais nous ne pensons pas que la fumigation soit une solution. Les gouvernements locaux, et même les guérilleros l'ont reconnu. Oui, il faut un plan de lutte contre la drogue. La fumigation n'est pas une solution, mais la substitution des cultures pourrait l'être. Il faut régler le problème de la drogue, mais d'une manière qui respecte notre environnement, et particulièrement notre réserve écologique appelée l'Amazonie.

• 1650

M. Pablo Alejandro Leal: C'est le tour de Dora Guzman, de l'organisation populaire féminine de Barrancabermeja.

Mme Dora Guzman (Organización Femenina Popular (OFP), Barrancabermeja) (Interprétation): Je représente le mouvement féminin. Depuis 29 ans, nous sommes actives dans la communauté, nous créons une capacité de formation des gens pour qu'ils deviennent autonomes et bâtissent une société civile.

En tant que femmes, nous avons créé ces processus avec soin au fil des années, mais lorsque est venu le temps de les faire reconnaître, nous nous sommes trouvées harcelées par les forces paramilitaires de la région parce qu'elles ne veulent pas de notre mode de vie. Il nous a fallu tout ce temps pour créer notre mode de vie, parce que nous voulons être différentes, nous voulons vivre autrement, mais lorsque nous voulons nous affirmer ainsi, nous nous heurtons à un mur, et même nos modes de vie s'y heurtent.

Ceci suscite pour nous de grandes préoccupations. En moyenne, nous pouvons dire qu'il y a 1 200 femmes en réel danger de mort parce qu'il n'y a pas moyen de vivre comme nous le voulons, de vivre notre mode de vie, de vivre dans la dignité.

Nous devons être ici pour vous faire le récit de ce que nous avons vécu. Nous avons un besoin immédiat de protection, particulièrement dans la région de Barrancabermeja, et en Colombie en général, pour protéger nos modes de vie.

M. Pablo Alejandro Leal: C'est le tour d'Agustin Reyes, du Mouvement des paysans pour la paix dans les communautés et territoires.

M. Agustin Reyes (Fondateur de ASOPRICOR) (Interprétation): Bon après-midi, et merci de bien vouloir nous entendre.

• 1655

Je viens de Tocaima, et il y a trois ans, les forces paramilitaires ont tué 13 campesinos, des paysans, dans notre région. Ce n'est pas un incident isolé, mais cette pratique s'est répandue dans d'autres régions, aux paysans et aux communautés qui ont un mode de vie différent.

Il n'y a pas de réaction à nos problèmes. Il suffit de regarder les statistiques du gouvernement, qui nous disent que 97 p. 100 des meurtres sont commis en toute impunité. Nous avons choisi de réagir à ces problèmes à notre façon.

Nous nous sommes décrété des territoires et des communautés de la paix, et nous demandons à ces groupes armés de respecter notre autonomie et nos frontières territoriales.

Cependant, nous devons affirmer une chose bien clairement: la paix, à nos yeux, ce n'est pas seulement le silence des armes. Pour nous, la paix c'est aussi l'avènement de la justice sociale, qui n'existe pas dans notre pays.

La paix ne viendra pas seulement de l'élimination des armes. Elle découlera d'un processus où la Commission non seulement reconnaît le rôle des organisations sociales, mais aussi les aide à réaliser ce projet de société nouvelle.

À cet égard, une grande responsabilité vous incombe de donner aux pauvres ce dont ils ont besoin, soit pour les projets de mort, soit pour les projets de vie. À vous de choisir.

Le président suppléant (M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.)): Merci.

M. Pablo Alejandro Leal: Notre dernière intervenante représente La route pacifique des femmes, et c'est Maria del Pilar Cordoba.

Mme Maria del Pilar Cordoba (Ruta Pacifica de Mujeres, La route pacifique des femmes) (Interprétation): Nous sommes un mouvement pacifiste et féministe, et nous nous opposons à la guerre comme solution pour résoudre le problème de la Colombie.

• 1700

Ce que nous proposons, c'est de renforcer la fibre sociale et les organisations sociales, et de trouver des solutions différentes aux conflits que connaît la Colombie. Le travail à faire n'est pas seulement dans les domaines internes, mais aussi dans les esprits, et il nous faut donc démilitariser non seulement l'aspect interne de la guerre, mais aussi ce qui est dans nos esprits.

Le fardeau qu'impose ce conflit armé aux femmes est extrêmement lourd, et nous voulons que soit reconnu l'effet de ce conflit sur les femmes et sur notre société civile.

En tant que mouvement civil de défense de la paix en Colombie, nous demandons non seulement à notre gouvernement colombien, mais aussi à la société canadienne, de s'engager à appuyer les négociations pour la paix et de faire pression en faveur de la rupture de l'alliance entre les forces armées et les forces paramilitaires.

Nous demandons la protection pour toutes les organisations sociales. Les forces armées sont, je le répète, le gouvernement. Nous croyons que les forces armées ne sont pas partie d'une autre armée, mais contre la société civile. Nous demandons donc à tous les organismes internationaux de s'engager à protéger les droits de la personne, à énoncer des stratégies claires de défense des droits de la personne, et d'opter pour la vie et non pour la mort. Nous ne voulons pas d'une vie militaire. Nous ne voulons pas devoir vivre le quotidien en devant être protégés contre ces forces armées; nous voulons vivre une vie normale. Nous pensons que plus d'argent est investi dans la guerre que dans la paix.

La présidente: Avant de passer aux questions, je me demande si vous pourriez leur expliquer—je le répéterai à la fin—combien nous apprécions leur venue ici et que quelqu'un de chaque... Quatre membres du comité leur poseront des questions, et on ne cherche absolument pas à leur poser des colles. Nous sommes ici entre amis et nous essayons de nous renseigner par votre entremise.

Pourriez-vous aussi leur expliquer que nous avons cinq minutes, et ça comprend la question et la réponse.

• 1705

Monsieur Moore.

M. James Moore (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, AC): J'aimerais remercier les participants d'être venus aujourd'hui nous donner ces explications. Je crains d'avoir manqué la première partie, mais j'ai entendu tous les exposés qui viennent d'être faits. Je l'apprécie beaucoup. Je constate la passion que le sujet éveille en chacun de vous.

Le gouvernement du Canada a promis 40 millions de dollars à votre cause, là-bas, pour essayer de trouver une espèce de solution pacifique à la situation. La plupart des parlementaires, et en fait la plupart des Canadiens, aimeraient être convaincus que ces 40 millions de dollars seront dépensés de façon utile et auront un certain effet—un effet pacifiant—pour pouvoir déterminer si nous devrions engager encore plus d'argent dans cette cause s'il a un effet pacifiant.

J'aimerais demander, à personne en particulier, mais j'aimerais avoir une réponse, si vous avez constaté des effets positifs de la contribution du Canada et s'il y a quelque chose que nous pourrions faire de plus que ce que nous faisons actuellement?

M. Ezequiel Vitonas Talanga (Interprétation): Vous devez comprendre qu'il y a eu de l'investissement dans des programmes sociaux, mais qu'il y a aussi de la corruption au sein de nos représentants. La plupart des sommes versées n'atteignent pas réellement l'organisation sociale à laquelle elles sont destinées à l'origine. C'est pourquoi nous insistons toujours pour que l'argent soit acheminé par l'entremise des organisations sociales qui ont des représentants dans le pays, et c'est la seule façon qu'il puisse atteindre les gens auxquels il est destiné.

M. James Moore: Est-ce que M. Talanga veut dire, alors, que la bonne façon de faire pour le gouvernement serait d'acheminer les fonds par l'entremise des ONG, les organisations non gouvernementales—parce que c'est clairement une question de souveraineté; les contribuables et le gouvernement du Canada ne peuvent pas dicter au gouvernement de la Colombie comment dépenser son argent, aussi irrationnelles ses priorités soient-elles. Est-ce bien ce qu'il veut dire, que ce devrait être par l'entremise d'organisations non gouvernementales, et le cas échéant, lesquelles?

• 1710

M. Ezequiel Vitonas Talanga (Interprétation): Lorsque je parle d'acheminement par l'entremise d'organisations, je pense aux organisations que nous représentons ici, parce que notre travail a été très utile.

Par exemple, mon organisation représente 70 000 personnes, 15 gouvernements autonomes, et nous avons différents projets, des projets pour les femmes et d'autres projets nécessaires. Lorsque nous mettons l'argent dans ces projets, nous pouvons faire la preuve des bons résultats obtenus. Comme je l'ai dit auparavant, nous sommes une organisation légitime, donc nous pouvons conclure des ententes avec les organisations internationales.

Une autre solution serait par l'entremise des ONG canadiennes, parce que vous ne devez pas oublier qu'en Colombie, il y a des problèmes de corruption. Même maintenant, il y a un problème, et malheureusement, les éléments corrompus ne vont jamais en prison.

M. James Moore: Je vous remercie.

[Français]

Le président suppléant (M. Eugène Bellemare): Merci beaucoup, madame.

Nous allons passer maintenant à M. Dubé.

M. Antoine Dubé: Merci, monsieur le président.

J'ai bien écouté ce que vous avez été dit et lu tout ça. Dans le document qui nous a été préparé, je vois que l'un des objectifs de votre tournée au Canada était de nous sensibiliser à votre situation. Je pense que vous avez bien fait votre travail et qu'on est sensibilisés à votre situation.

Quand on parle d'une tournée, cela suppose peut-être d'autres activités ici, au Canada, D'autre part, si votre tournée vous amène dans d'autres pays, par exemple aux États-Unis, pouvez-vous m'en parler? Pouvez-vous aussi me parler des attentes particulières que vous avez envers le gouvernement du Canada? Vous vous êtes présentés et je vous donne une chance d'en ajouter sur vos préoccupations particulières. Par exemple, je voudrais savoir s'il y a un certain regroupement entre vous et les différents autres ONG. Est-ce qu'il y a de l'espoir de ce côté-là? Est-ce que nous pouvons espérer fonctionner encore mieux avec vous?

D'autre part, vous dites que le Sommet de Québec sur le libre-échange entre les trois Amériques sera un moment très important. Nous, des partis d'opposition et les gens du gouvernement allons insister pour que cette question soit au coeur des discussions sur les échanges bilatéraux.

Merci. J'en ai peut-être trop dit.

[Traduction]

Mme Patricia Buritica (Interprétation): Précisément, nous voulons quatre choses de vous. La première est que vous vous opposiez radicalement au Plan Colombie, qui à nos yeux est un plan de guerre, et que vous appuyiez l'autre solution, qui est le plan social.

• 1715

La deuxième chose est que votre position sur la question des accords de libre-échange des Amériques soit claire, et que vous exigiez du gouvernement tout autant que vous exigez de votre propre société, soit le respect des droits de la personne et des autres droits civils. Nous voulons que vous exigiez du gouvernement de la Colombie qu'il fasse preuve de respect et qu'il mette fin à ces interventions paramilitaires.

La troisième chose est que les fonds investis en Colombie soient affectés au renforcement de la société civile et au rassemblement permanent pour la paix. Nous demandons que vous participiez à toutes les démarches pour la paix dans la société civile, parce que vous avez été invités, en tant que pays, à participer à ce processus de paix.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Cotler.

M. Irwin Cotler: Je vous remercie, madame la présidente.

J'aimerais commencer par exprimer mon admiration pour votre courage, votre détermination, et votre leadership dans la lutte populaire invisible. J'aimerais dire qu'en conséquence de votre témoignage ici aujourd'hui, la lutte populaire est moins invisible et que les stratégies d'exclusion, de discrimination, de déplacement et d'assassinat dirigées contre la population civile sont maintenant plus connues. Personne ici ne peut dire que nous ne comprenons pas pleinement la portée des stratégies appliquées contre la lutte populaire invisible.

Il nous incombe désormais de promouvoir et de protéger les droits humains des peuples autochtones de la Colombie, des afro- Colombiens, des regroupements féminins, et aussi des femmes qui ont été les victimes de viol et d'autres formes de violence sexuelle, des paysans et du mouvement syndical—en fait, je dirais des mouvements sociaux de la Colombie dans l'ensemble et de la société civile, qui sont les cibles spécifiques des tueurs.

• 1720

J'ai une question à poser. Étant donné les tentatives d'extraction et d'expropriation des terres et des ressources, et le déplacement et l'assassinat des gens à ces fins par les intérêts économiques et les forces nationales et transnationales, je me demande si l'un des témoins dispose de preuve de la participation d'intérêts canadiens à ces actes.

M. Carlos Rosero (Interprétation): Il existe chez nous un processus pour modifier la loi sur l'exploitation minière, et nous savons que des ressources canadiennes ont été investies dans ce domaine. Au début, il y a eu des violations des droits des Autochtones et des Noirs au pays. Quand nous avons protesté, ils nous ont dit: «Allez-voir vos sénateurs. Ils vous donneront les réponses».

M. Pablo Alejandro Leal: Pour que ce soit très clair, je précise que l'aide officielle canadienne au développement a appuyé la réforme du code minier, ce qui limite la participation et la consultation au départ.

La présidente: C'est toujours le cas? La situation est-elle meilleure ou pire?

M. Carlos Rosero (Interprétation): Oui, cela continue, car la question a été soumise au congrès, et la première partie de la réforme a déjà été adoptée. Il est donc pas possible de revenir en arrière et d'avoir une consultation de la base ou des intéressés. Je sais qu'il y a, dans le secteur minier, au moins huit ou neuf sociétés canadiennes d'exploitation d'or et d'hydrocarbures.

• 1725

Nous nous demandons en fait si ces modifications de la loi ne visent pas à faciliter l'accès des entreprises canadiennes à ces ressources ou à limiter le droit à la consultation de nos collectivités.

La présidente: Monsieur Bellemare.

[Français]

M. Eugène Bellemare: Merci, madame la présidente.

M. Talanga a fait une affirmation... Préférez-vous que je parle en français ou en anglais, madame?

[Traduction]

Une voix: Je préfère l'anglais.

M. Eugène Bellemare: D'accord.

M. Talanga a dit tout à l'heure quelque chose que j'ai peut- être mal compris. Prône-t-il la division du pays en plusieurs petits États, comme la Colombie un, la Colombie deux, et ainsi de suite?

M. Ezequiel Vitonas Talanga (Interprétation): En Colombie, l'administration est décentralisée. Je disais que les investissements devraient passer par des organismes qui ont prouvé qu'ils étaient capables de bien gérer les ressources. Par exemple, des municipalités se sont fait remarquer pour la qualité de leur plans de développement, mais parce qu'elles ne font pas partie d'un parti politique précis, l'argent ne passe par elles; il passe par d'autres organismes de nature politique qui font peu de cas du bien-être des collectivités.

M. Pablo Alejandro Leal: Si vous me permettez d'apporter des éclaircissements, il a dit qu'il avait été maire de la municipalité de Toribio, qui a mérité un prix pour le meilleur plan de développement de toutes les municipalités colombiennes. Parce qu'il s'agissait d'un gouvernement indigène civil qui n'a pas de lien avec un des deux principaux partis politiques, les ressources ne sont pas rendues jusqu'à la municipalité, comme elles auraient dû le faire en théorie.

M. Eugène Bellemare: Il a été question tout à l'heure de «corruption». J'ai cru comprendre que l'argent venant du Canada n'atteignait pas son but parfois en raison de personnages corrompus en Colombie. Je crois savoir que l'Agence canadienne de développement international contribue 12 millions de dollars par année environ. Nous avons pris un engagement quinquennal qui représente en tout quelque 60 millions de dollars. Notre argent est affecté à la surveillance du respect des droits de la personne, et ces organismes sont des organismes des Nations Unies. Nous finançons des projets par l'intermédiaire du fonds canadien qui est administré par notre ambassade en Colombie. Naturellement, un troisième groupe serait les ONG qui travaillent sur place.

Êtes-vous en train de dire qu'une des maillons de cette chaîne en Colombie est corrompu et que l'argent n'arrive pas à destination?

• 1730

M. Ezequiel Vitonas Talanga: [Le témoin s'exprime dans sa langue]

M. Pablo Alejandro Leal: Il dit qu'il n'est pas personnellement au courant de pareilles situations en ce qui concerne l'argent canadien, qu'il parlait de la coopération internationale en général. Il cite l'exemple d'un plan d'action relatif aux forêts qui avait l'appui de la Banque mondiale et dans le cadre duquel l'argent était versé à condition que l'on soit membre de l'un ou l'autre des partis politiques, et cet argent avait tendance à être débloqué durant les campagnes électorales. Je crois donc qu'il s'exprimait seulement en termes très généraux.

M. Ezequiel Vitonas Talanga: [Le témoin s'exprime dans sa langue]

M. Pablo Alejandro Leal: Il donne l'exemple de paysans qui étaient censés recevoir 100 pesos pour chaque arbre planté et qui n'en ont touché que quelque 70, quatre ans plus tard.

La présidente: Leur versent-ils les intérêts?

M. Pablo Alejandro Leal: Je l'ignore.

La présidente: Il est maintenant plus de 17 h 30. J'aimerais vous remercier tous d'être venus. Vous avez dit que vous veniez nous aider à mieux comprendre ce que sont vos vies en Colombie, et vous l'avez fait. Vous avez parlé avec six députés. Je suis très heureuse que vous ayez pu partager cette information avec nous.

J'aimerais également remercier l'interprète. Elle a fait de l'excellent travail. Je vous remercie beaucoup.

Pour le bénéfice des membres du comité, j'annonce que nous siégerons la semaine prochaine. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et l'ACDI viendront nous mettre au fait des activités qui relèvent de notre mandat. Ce sera particulièrement utile pour les nouveaux, c'est-à-dire à peu près tout le monde, je crois. La réunion aura lieu à la même heure, mercredi prochain.

La séance est levée jusqu'à nouvelle convocation de la présidence.

Haut de la page