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ENVI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 28 mars 2001

• 1532

[Français]

Le président (M. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bon après-midi, mesdames et messieurs. Comme vous le savez, nous continuons notre travail sur le projet de loi C-5, Loi concernant la protection des espèces sauvages en péril au Canada.

[Traduction]

À l'intention de ceux qui participent à nos travaux pour la première fois, quelques mots d'explication. Nous entendons des témoins dans le cadre de notre étude du projet de loi C-5, Loi sur les espèces en péril, avant de passer à l'étude article par article du texte législatif, qui aura lieu ultérieurement.

Aujourd'hui, des fonctionnaires de deux ministères nous font le grand honneur de témoigner devant nous, ceux du Patrimoine canadien et d'autres du ministère des Pêches et des Océans. Vous êtes manifestement prêts à commencer; nous allons donc vous laisser choisir qui va prendre la parole en premier. Cela dit, auriez-vous l'obligeance de limiter vos remarques à 10 minutes environ chacun afin de nous donner suffisamment de temps pour tenir une ou deux rondes de questions, le cas échéant?

Qui veut commencer? Monsieur Amos, soyez le bienvenu à notre comité.

[Français]

M. Bruce Amos (directeur général, Parcs nationaux, ministère du Patrimoine canadien): Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité permanent.

[Traduction]

Bonjour, monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité permanent. Je suis heureux de vous présenter aujourd'hui le point de vue de Parcs Canada sur le projet de loi C-5, la Loi sur les espèces en péril. J'ai remis au greffier des exemplaires de ma déclaration dans les deux langues officielles.

Je suis accompagné aujourd'hui de M. Nick Lopoukhine, directeur exécutif de la Direction de l'intégrité écologique.

• 1535

Le message que nous aimerions vous adresser est que ce projet de loi viendrait compléter nos lois actuelles et augmenter notre capacité de protéger et de rétablir les espèces en péril que l'on trouve sur les terres que nous administrons.

L'Agence Parcs Canada a été créée par une loi du Parlement en 1998, loi qui est entrée en vigueur en avril 1999. Dans l'ensemble, le mandat de l'Agence est de protéger et de mettre en valeur des aspects importants du patrimoine naturel et culturel du Canada afin d'en favoriser la connaissance, l'appréciation et la jouissance par le public, de manière à en assurer à long terme l'intégrité écologique et commémorative.

À l'heure actuelle, l'Agence gère 39 parcs nationaux et réserves de parcs nationaux, trois aires marines de conservation, 132 lieux historiques nationaux et neuf canaux historiques. Ce réseau couvre près de 250 000 kilomètres carrés, et représente plus de 2 p. 100 de l'assise territoriale du Canada.

Cela fait déjà plusieurs années que Parcs Canada veille à protéger et à améliorer le statut des espèces sauvages dans les parcs nationaux. En vertu de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et ses règlements, la faune, la flore et les ressources naturelles des parcs nationaux bénéficient de mesures de protection, qu'elles soient en péril ou non. Le passage que je vais citer est tiré de la loi révisée, qui a été promulguée le 19 février et donc adoptée il y a relativement peu de temps. Il y est dit:

    La préservation ou le rétablissement de l'intégrité écologique par la protection des ressources naturelles et des processus écologiques sont la première priorité du ministre pour tous les aspects de la gestion des parcs.

Il ressort clairement de cette disposition que les parcs nationaux doivent être gérés de façon à protéger les espèces en péril. Près de la moitié des espèces en péril répertoriées au Canada se rencontrent régulièrement dans nos parcs nationaux. Là, leur population et leurs habitats sont protégés. Nous maintiendrons les activités qui ont contribué à ce jour à protéger et à rétablir les populations de plusieurs de ces espèces, tels le bison, la grue blanche et le renard véloce.

Les fonds supplémentaires que nous avons reçus en mars 2000 nous ont permis d'élaborer un programme plus complet de protection et de rétablissement des espèces en péril dans les parcs et leurs environs. L'an dernier, nous avons engagé dans des postes à plein temps 16 spécialistes des espèces en péril et fait démarrer des projets de rétablissement visant plusieurs espèces. Citons entre autres choses, la construction d'une passe à poisson de plus de 2 millions de dollars au Lieu historique national du Canal-de-Saint-Ours. Ce projet vise à sauver le chevalier cuivré, une espèce menacée, et les stocks de plusieurs autres poissons du Richelieu.

Nous avons bénéficié pour ce projet de l'appui financier et technique d'autres ministères fédéraux, dont Pêches et Océans Canada, du gouvernement du Québec, de chercheurs scientifiques et d'organisations non gouvernementales.

[Français]

Nous estimons que le projet de loi C-5 augmenterait de plusieurs façons notre capacité à protéger efficacement et à rétablir les espèces en péril sur les terres que nous administrons: d'abord, en nous obligeant à préparer des stratégies de rétablissement de concert avec d'autres intervenants et dans des délais précis; ensuite, en imposant de nouvelles exigences pour l'émission de permis autorisant des activités pouvant nuire aux espèces en péril; enfin, en augmentant la protection des espèces en péril dans les parcs nationaux et autres lieux que nous gérons.

Permettez-moi de vous expliquer brièvement chacun de ces avantages.

• 1540

[Traduction]

Le projet de loi exige la préparation de stratégies de rétablissement pour l'ensemble des espèces en péril figurant sur une liste, à l'intérieur d'échéances claires et en collaboration avec d'autres gouvernements, les organisations autochtones et toutes les autres parties intéressées. Parcs Canada participera activement à la préparation des stratégies pour toutes les espèces qui fréquentent les terres que nous administrons. Dans certains cas, nous prendrons l'initiative.

Les nouvelles exigences relatives aux stratégies et aux plans d'action feront en sorte que nos efforts pour protéger les espèces en péril et leurs habitats ne se limitent pas aux parcs nationaux, mais s'inscrivent dans une approche basée sur la coopération et la connaissance qui permettra de s'occuper, de façon globale, des besoins des espèces en péril. C'est la meilleure façon non seulement de protéger et de rétablir les effectifs de ces espèces, mais aussi de contribuer à préserver et à rétablir l'intégrité écologique des parcs nationaux, conformément aux recommandations que faisait récemment la Commission sur l'intégrité écologique des parcs nationaux du Canada et, je tiens à le signaler, aux changements récents apportés à la Loi sur les parcs nationaux du Canada que j'ai déjà citée.

Deuxièmement, le projet de loi C-5 fixe de nouvelles exigences qui baliseraient mieux notre pouvoir d'autoriser des activités sur les terres que nous gérons, lorsque ces activités peuvent nuire aux espèces en péril, à toute partie de leur habitat essentiel, ou aux résidences de ces espèces. Le projet de loi limiterait les raisons pour lesquelles ces activités pourraient être autorisées, imposerait une série de conditions préalables ainsi que des modalités d'obtention d'un permis ou de conclusion d'une entente. Les exigences législatives proposées relativement aux espèces visées sont conformes à nos politiques et pratiques actuelles et les renforcent.

En troisième lieu, le projet de loi C-5 renforcerait les dispositions sur la conservation de la Loi sur les parcs nationaux du Canada et de ses règlements en resserrant les mesures de protection des espèces en péril. Les interdictions générales prévues dans le projet de loi C-5 s'ajouteraient aux interdictions déjà prévues par la Loi sur les parcs nationaux du Canada. De plus, les pénalités proposées dans le projet de loi C-5 pour des infractions touchant les espèces en péril sont d'un tout autre ordre que les pénalités générales que contient notre loi.

Permettez-moi, en terminant, d'aborder brièvement l'aspect de l'éducation du public et des communications. Bien que cela ne soit pas strictement lié à l'étude du projet de loi C-5, j'aimerais mettre en lumière le rôle que joue Parcs Canada dans la sensibilisation du public canadien à la situation des espèces en péril.

Pour que nous puissions freiner la disparition des espèces au Canada, il faut absolument que la population comprenne l'importance de préserver la biodiversité, et appuie les actions que nous entreprenons. Parcs Canada a l'occasion de jouer un rôle prépondérant de sensibilisation et d'éducation sur le sort des espèces en péril grâce aux programmes d'interprétation que nous offrons chaque année à nos 20 millions de visiteurs, et au nombre encore plus élevé de personnes qui fréquentent notre site Web.

Monsieur le président, membres du comité, voilà qui conclut mes observations. Merci beaucoup de m'avoir permis de m'adresser à vous.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Amos.

Qui va prendre la parole maintenant? Monsieur Davis. Je vous souhaite la bienvenue.

M. John Davis (sous-ministre adjoint, Sciences, ministère des Pêches et des Océans Canada): Merci, monsieur le président.

[Français]

Bon après-midi, monsieur le président et membres du comité permanent.

[Traduction]

Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour présenter la perspective du MPO au sujet du projet de loi C-5—Loi sur les espèces en péril ou LEP. À votre invitation, j'ai présenté notre perspective au sujet de l'ancien projet C-33 en septembre dernier, et mes observations aujourd'hui seront sensiblement de même nature.

À titre de ministère responsable de la conservation de toutes les espèces aquatiques au Canada, le MPO appuie la protection et le rétablissement des espèces en péril.

À de nombreux égards, la LEP proposée serait le prolongement logique de notre engagement déjà ferme envers la conservation des espèces aquatiques—engagement précisé dans d'autres mesures législatives fédérales importantes comme la Loi sur les pêches et la Loi sur les océans.

Au cours des dernières années, nous avons travaillé avec Environnement Canada, Parcs Canada, d'autres ministères fédéraux, d'autres gouvernements, ainsi que toute une gamme d'intervenants pour préparer et fignoler ce projet de loi. Nous avons participé à de nombreuses consultations avec notamment les groupes autochtones, les groupes environnementaux, d'autres gouvernements, les entreprises du secteur et des ONG, sur la meilleure façon d'appliquer cette loi. De nombreux intervenants clés du MPO se sont faits entendre, et leurs opinions ont contribué à façonner ce projet à mesure qu'il avançait.

• 1545

Nous reconnaissons que tous les points soulevés ne peuvent être inclus dans le projet de loi, mais nous croyons que le libellé de ce projet—dans sa forme actuelle—nous offre l'approche équilibrée dont nous avons besoin. Tout au long de la préparation du projet de loi, nous avons mis de l'avant trois priorités que nous estimions être essentielles à son application et qui répondraient à nos besoins et nous permettraient d'atteindre nos objectifs ministériels.

À notre avis, le projet de loi C-5 devait reconnaître le rôle de premier plan du ministère des Pêches et des Océans en ce qui concerne les espèces aquatiques de compétence fédérale; être écrit de façon à ce que ses dispositions puissent être appliquées efficacement; permettre que les activités de pêche et d'aquaculture durables se poursuivent, tant qu'elles ne mettent pas les espèces en danger. Le projet de loi C-5 respecte ces trois exigences.

En tout premier lieu, selon la LEP proposée, le ministre des Pêches et des Océans serait désigné à titre de ministre fédéral responsable des espèces aquatiques. La LEP rendrait cette désignation très concrète en donnant au MPO de nouvelles responsabilités et des responsabilités renforcées dans de nombreux domaines: contrôle et évaluation des espèces, pouvoirs d'application des règlements, préparation et application de plans de rétablissement et toute une gamme d'activités comme les enquêtes obligatoires et les initiatives d'information publique.

À l'heure actuelle, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, COSEPAC, a désigné six espèces ou population de mammifères marins comme étant en péril et cinq espèces ou population de mammifères marins menacées. Celles-ci comprennent la baleine franche de l'Atlantique, la baleine boréale, certaines populations de bélugas, ainsi que la population résidente d'épaulards de la côte ouest du Canada.

Dans les eaux intérieures, le comité a désigné neuf espèces ou population de poissons en péril et 16 menacées.

D'autres espèces en péril menacées dont nous sommes responsables comprennent la tortue luth et l'ormeau nordique.

Selon le projet de loi, le ministère des Pêches et des Océans participerait aux travaux du Conseil canadien pour la conservation des espèces en péril, se joignant ainsi à d'autres ministres fédéraux et provinciaux responsables de la faune. Le ministère continuerait de consulter ses nombreux intervenants—y compris les gouvernements, l'industrie, les ONG et les groupes autochtones—pour sonder leurs priorités et préoccupations au sujet des espèces canadiennes en péril.

[Français]

Étant donné que cette mesure législative a certaines répercussions importantes sur trois ministères fédéraux, et touche à une gamme d'autres ministères, une organisation et une coordination interministérielles fortes sont nécessaires. C'est pourquoi nous nous sommes joints à nos collègues d'Environnement Canada et de Patrimoine Canada pour établir un cadre de cogestion de la loi. Nous avons préparé un accord formel décrivant nos responsabilités respectives et nous nous rencontrons régulièrement pour discuter des meilleures façons d'appliquer les programmes découlant de la stratégie fédérale pour les espèces en péril et de la loi proposée.

Cette approche conjointe sera d'une valeur inestimable lorsque nous prendrons des décisions critiques au sujet de la protection des espèces en péril.

[Traduction]

En effet, la consultation et la collaboration—à tous les niveaux—doivent être au coeur même de ces travaux. L'approche coopérative utilisée pour préparer la loi doit, logiquement, entrer en jeu dans son application.

Tout au long de la préparation du projet de loi, notre deuxième priorité a été tout simplement son applicabilité. Nous croyons que le projet de loi est applicable tel quel.

Comme je l'ai mentionné, le MPO aurait d'importantes responsabilités en vertu de cette loi, et nous avons établi l'échelle des priorités de notre approche pour être en mesure de respecter nos obligations. Cela signifie déterminer les enjeux, les espèces et les populations les plus critiques et faire un travail aussi rigoureux que possible en ce qui les concerne.

La prudence fiscale exige que nous adoptions une approche équilibrée et que nous traitions chaque enjeu ou espèce au cas par cas, selon les priorités. Nous devons choisir ce qui exige le plus notre attention.

Par ailleurs, il faudra s'occuper des modalités de pêches intérieures qui existent dans certaines provinces. De façon générale—en vertu de la Constitution du Canada et de la Loi sur les pêches—le gouvernement fédéral est chargé de la conservation de toutes les espèces dans les pêches commerciales, récréatives ou de subsistance. Mais des ententes permettent à certaines provinces de gérer les pêches intérieures au nom du gouvernement fédéral. Il nous faut travailler avec les provinces pour faire en sorte que les rôles et les responsabilités de protection des poissons d'eau douce en péril soient clairs et conformes aux modalités en vigueur.

• 1550

Conformément à la vaste gamme de modalités de collaboration que prévoit le projet C-5, nous travaillons étroitement avec les provinces pour élaborer les mécanismes de collaboration dont nous avons besoin pour faire en sorte que les espèces d'eau douce reçoivent la protection qu'elles requièrent.

Notre troisième priorité était de faire en sorte que les pêches et l'aquaculture durables puissent continuer tant qu'elles ne mettaient pas les espèces en péril. La conservation est prépondérante dans notre stratégie de gestion des pêches. Nous tenons à ce que les pêches que nous gérons ne soient pas en péril. Si l'on détermine que des espèces sont en péril—comme nous l'avons vu dernièrement pour certains stocks de coho du Pacifique et certains stocks de poissons de fond de l'Atlantique—la Loi sur les pêches nous autorise à appliquer des mesures de gestion pour faire en sorte que ces espèces ne fléchissent pas davantage.

Par exemple, nous avons le pouvoir de limiter—ou de fermer—une pêche particulière si elle a d'importantes répercussions nuisibles sur des espèces marines en péril. Nous avons déjà utilisé ce pouvoir. Depuis 1998, par exemple, le MPO a fermé ou limité certaines pêches du saumon du Pacifique en raison des risques de prises accessoires qu'elles posaient pour les stocks de coho en péril des rivières Skeena et Thompson.

Par conséquent, nous considérons les dispositions de protection et de rétablissement des espèces de la LEP comme complémentaires à nos pouvoirs actuels. Elles nous offrent des outils additionnels solides qui peuvent nous aider à mieux assumer nos responsabilités de conservation.

En outre, les dispositions que propose la LEP au sujet des habitats essentiels viendraient s'ajouter aux pouvoirs de protection de l'habitat du poisson que prévoit la Loi sur les pêches. En vertu de la LEP, la capacité du ministre que prévoit la Loi sur les pêches d'autoriser l'altération de l'habitat du poisson—dans le cas de la construction d'un pont par exemple—serait bien sûr limitée s'il était déterminé que cet habitat était essentiel pour des espèces en péril.

Sur l'importance des sciences, pour prendre de telles décisions, le gouvernement fédéral a toujours eu recours à de bons conseils scientifiques. Avec la LEP dans sa forme actuelle, nous ferions de même. Le MPO appuie un processus consultatif scientifique large et transparent pour évaluer si une espèce est en péril et pour faire des recommandations aux ministres. Nous appuyons les initiatives prises par le COSEPAC pour élaborer et appliquer les processus scientifiques rigoureux, uniformes et transparents qui sont requis.

Nos processus ministériels d'examen scientifique des évaluations des stocks—par lesquels des recommandations sont présentées au ministre—comprennent maintenant la participation à la fois d'universitaires et d'experts de l'industrie. Le MPO s'engage à publier les résultats de telles évaluations rapidement et de façon accessible, et nous considérons que les efforts faits par le COSEPAC pour publier les résultats de ses évaluations rapidement sont très positifs.

En conclusion, le MPO a travaillé avec ses partenaires fédéraux, les provinces et les organisations non gouvernementales pour faire en sorte que le projet de loi C-5 constitue une approche équilibrée à la large gamme de préoccupations exprimées. La Loi sur les espèces en péril proposée fait en sorte que ces espèces ne disparaissent pas.

Dans ses activités régulières, le MPO prend déjà des mesures pour assurer la protection et le rétablissement des espèces marines menacées. Avec d'autres ministères fédéraux, nous avons reçu de nouveaux fonds du Budget 2000 pour développer des activités de protection et de rétablissement des espèces en péril, et nous avons utilisé ces nouvelles ressources pour augmenter notre capacité interne et pour appuyer ce rétablissement de certaines espèces. Cette nouvelle loi donne des pouvoirs additionnels et les lignes directrices fédérales claires dont nous avons besoin pour assurer la survie à long terme des espèces dont les niveaux d'abondance sont dangereusement bas au Canada.

Voilà qui termine mon intervention. Je vous remercie de m'avoir permis de m'adresser au comité.

[Français]

Monsieur le président, membres du comité permanent, je termine ainsi. Merci beaucoup.

[Traduction]

J'ai à mes côtés M. Howard Powles, directeur de la Science de la biodiversité, et Mme Darlene Smith, conseillère principale, Science de la biodiversité. Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Merci, monsieur Davis.

Y a-t-il d'autres interventions? Dans ce cas, nous allons passer aux questions. La liste des demandes d'intervention est très longue. M. Mills, M. Bigras, M. Comartin, M. Herron, Mme Kraft Sloan, M. Reed et Mme Carroll.

Monsieur Mills, vous avez cinq minutes.

M. Bob Mills (Red Deer, AC): Merci, monsieur le président.

Ma première question s'adresse au MPO, à M. Davis.

Tout d'abord, ce que je peux dire sur cette mesure législative, c'est qu'il est indispensable de l'annoncer très clairement, en faisant référence spécifiquement à la coopération. Or, le ministère a fait ou dit dans ce domaine des choses qui m'amènent à croire que ce n'est peut-être pas le cas. J'aimerais entendre votre réponse à ce sujet.

• 1555

Je vais donner quelques exemples et montrer qu'il pourrait y avoir un problème, ou une certaine suspicion chez les Canadiens. Je vais parler de cas que je connais, et je suis certain qu'il en existe ailleurs dont je n'ai pas été informé.

Vous insistez sur la nécessité de travailler avec les provinces. Or, je me demande si la coopération à ce niveau est suffisante, étant donné, par exemple, que l'année dernière, on a vu 70 agents du ministère des Pêches et des Océans en Alberta. Ce sont des agents fédéraux des pêches qui ont pour mission d'appliquer les règles du ministère. J'ai entendu dire que la même chose s'était produite au Manitoba et en Ontario. Je suis sûr que vous avez une réponse et des motifs à ce sujet, mais le problème, c'est qu'on donne ainsi l'impression qu'Ottawa exerce une lourde mainmise sur la province. Il n'est pas question ici de coopération.

Deuxièmement, vous avez parlé de ponts. C'est un sujet qui pose problème dans ma circonscription, où on avait construit un pont qui n'avait aucun point de contact avec la rivière qu'il franchissait. En fait, il était assis sur les berges de ce cours d'eau. On l'a construit pendant l'hiver, et le cours d'eau n'a pas été touché. Il s'agissait d'une route forestière. Selon les motifs invoqués par le MPO, le pont projetait son ombre sur la rivière à certaines heures de la journée et les poissons présents dans ce cours d'eau pouvaient subir un préjudice du fait de cette ombre portée. Ce genre de règles ne favorisent certainement pas la coopération entre les utilisateurs et les propriétaires.

J'ai posé une question sur l'aquaculture et sur la façon dont l'introduction de poissons modifiés génétiquement risquaient de porter préjudice à des espèces en péril.

Je pourrais continuer, mais je veux vous donner la possibilité de répondre.

M. John Davis: Vous avez tout à fait raison, monsieur Mills, il faut des communications très claires, nous devons les améliorer, et je pense qu'il est dans l'intérêt de tous de favoriser de meilleures communications et d'assurer l'efficacité de nos relations de travail avec les provinces.

En ce qui concerne la situation de l'Alberta, je crois savoir qu'il y a 31 agents de conservation et de protection dans les Prairies, et une quinzaine en Alberta. Ils ne sont donc pas 70, mais 15. Il s'agit d'une démarche qui nous amène à installer de nouveaux services de l'habitat dans tout le pays. Je prévois quelques difficultés de départ, et des problèmes comme celui-ci montrent bien la nécessité d'indiquer clairement comment les deux paliers de compétence vont devoir collaborer. Nous faisons un travail considérable dans le domaine de l'habitat, il est donc essentiel d'être clair et de viser la complémentarité. Vous faites donc bien de porter ces problèmes à notre attention.

Dans le cas particulier de ce pont, il aurait peut-être fallu expliquer plus clairement le raisonnement des biologistes; encore une fois, il importe de bien communiquer avec les personnes qui subiront les effets de ce genre d'interventions. Je suis convaincu que des améliorations s'imposent dans ce domaine.

M. Bob Mills: En l'occurrence, il y a eu des communications avec le ministre et son ministère, qui a reçu de nombreuses lettres; on a pris des photos, l'affaire a fait les manchettes de tous les journaux et personne, pas même parmi les écologistes, n'a pu comprendre comment une ombre portée sur un cours d'eau pouvait porter préjudice à la reproduction des poissons. Mais de toute évidence, c'était pourtant bien le problème. Ce genre d'incident vous cause beaucoup de tort et nous en cause aussi quand nous proposons une mesure législative protégeant les espèces en péril. On fait naître la crainte d'une intervention massive du gouvernement, et c'est, à mon sens, le pire ennemi de ce projet de loi.

M. John Davis: Oui.

M. Bob Mills: En ce qui concerne les parcs, dans mon secteur, on se pose bien des questions sur l'efficacité... D'après vos déclarations, vous n'avez pas fait preuve d'une grande efficacité dans la protection des espèces en péril présentes dans les parcs. L'exemple qu'on cite souvent concerne encore une fois ma région, c'est celui de l'escargot des sources d'eau chaude de Banff. Il est évoqué par de nombreux écologistes qui disent que l'escargot est encore présent que c'est une espèce en péril, qu'on le sait depuis longtemps, et que pourtant, Parcs Canada ne fait rien pour le protéger ou pour le mettre à l'abri.

• 1600

Ma question est donc bien simple: Comme vous n'intervenez pas dans un dossier aussi évident, est-ce que vous allez protéger toutes les autres espèces présentes dans les parcs?

Vous avez parlé de l'Internet et de tout le reste, et je reconnais avec vous que ces nouvelles technologies peuvent être très efficaces. Mais je pense que Parcs Canada est en mesure de participer au processus d'éducation et de sensibilisation pour faire connaître le projet de loi C-5 et les espèces en péril. J'aimerais savoir si vous avez des plans précis à ce sujet, en dehors de l'utilisation de l'Internet et des moyens de communication qui sont déjà en service.

M. Bruce Amos: Je vais d'abord répondre à la dernière question, si vous me le permettez. Nous n'avons pas de plans en version définitive, mais je peux vous dire ce que nous pouvons faire. Nous avons l'intention de consacrer une partie des ressources supplémentaires du budget de l'an 2000 aux communications et à la sensibilisation. En collaboration avec le ministère des Pêches et des Océans et avec celui de l'Environnement, nous allons pouvoir améliorer l'utilisation de notre site Web où, comme je l'ai dit, nous accueillons des millions de visiteurs du Canada et de l'étranger, et faire de ce site un centre d'information sur les espèces en péril au Canada.

Je pense aussi que nous avons maintenant une excellente occasion de produire avec d'autres services de nouveaux documents éducatifs qui devraient être disponibles dans nos sites et dans les parcs, de façon à intégrer les espèces en péril à nos programmes d'interprétation, que ce soit dans les terrains de camping ou ailleurs dans les parcs. Dans nos programmes de sensibilisation, nous constatons que nous réussissons assez bien à rejoindre ceux qui viennent visiter les parcs, mais tous les Canadiens n'ont pas ce privilège et nous voulons tirer un meilleur parti non seulement de l'Internet, mais aussi des autres moyens. Nous travaillons avec les ministères de l'Éducation pour faire modifier les programmes d'enseignement dans plusieurs provinces. Il est possible d'intégrer l'information sur les espèces en péril dans nos programmes d'information du public.

En ce qui concerne les espèces en péril dans les parcs nationaux, je reconnais que nous pourrions faire mieux. Nous avons reçu un excellent avis du récent groupe de travail sur l'intégrité écologique, qui nous a communiqué des recommandations précises que notre ministre s'affaire à concrétiser.

En ce qui concerne l'escargot de Banff, je vais demander à Nik Lopoukhine de vous répondre, car pour autant que je sache, nous avons pris des mesures précises pour régler le problème dès que nous en avons été informés.

Nik, vous devez bien avoir quelques éléments à ajouter.

Le président: Nous devrons attendre le deuxième tour. Nous avons déjà pris du retard.

[Français]

Monsieur Bigras, s'il vous plaît.

M. Bernard Bigras (Rosemont—Petite-Patrie, BQ): Merci, monsieur le président.

Dans un premier temps, je vais poser des questions aux représentants du ministère des Pêches et des Océans.

On sait que l'actuelle Loi sur les pêches comporte une définition assez large du poisson, qui inclut les mollusques et les animaux aquatiques. Cette définition sera inévitablement incluse dans la définition des espèces aquatiques du projet de loi C-5.

Vous avez dit tout à l'heure que le projet de loi C-5 vous donnera clairement des pouvoirs d'intervention accrus. Pour nous, il est clair que les espèces sans valeur commerciale ou ne présentant pas d'intérêt pour les pêcheurs sportifs ne relèvent pas de la compétence du fédéral.

Ma question est la suivante: si le gouvernement fédéral décidait d'intervenir sur la base du projet de loi C-5, par l'entremise de votre ministère, afin de protéger des espèces sans valeur commerciale, ne croyez-vous pas qu'on prêterait le flanc à une contestation juridique sur la base des compétences fédérales?

M. Howard Powles (directeur, Sciences de la biodiversité, ministère des Pêches et des Océans Canada): Je vais essayer de répondre à votre question. Du point de vue des océans, on considère que toutes les espèces dans les océans, à toutes fins utiles, sont de juridiction fédérale parce que les océans sont considérés comme des terres fédérales.

Cependant, au Canada, dans les eaux intérieures, dans les eaux douces, l'organisation des pouvoirs entre le fédéral et le provincial donne au fédéral la juridiction sur les espèces reliées directement ou indirectement aux pêches.

• 1605

Nous considérons que le projet de loi ne nous donne pas de nouveaux pouvoirs, sauf pour l'application du—je ne connais pas le terme français—safety net. Dans le cas des espèces qui ne sont pas de juridiction fédérale, il y aura possibilité pour le fédéral d'intervenir si la province n'applique pas des mesures équivalentes.

M. Bernard Bigras: Donc, vous confirmez que sur la base du principe du double filet, de la façon dont la loi est rédigée actuellement, le gouvernement fédéral pourrait très bien intervenir.

M. Howard Powles: C'est ça, si la province n'applique pas les mesures appropriées.

M. Bernard Bigras: Excellent.

J'ai une autre question qui s'adresse à M. Amos. Certains croient fondamentalement que sur la base des champs de compétence fédérale et sur la base des terres fédérales, on devrait avoir une loi fédérale plus rigoureuse, plus forte, qui inclue différents aspects. Plusieurs intervenants sont venus nous dire qu'il y avait très peu de collaboration de la part des ministères avec Environnement Canada quant à la compétence fédérale. On pense à des aspects tels les oiseaux migrateurs, qui ne seraient pas couverts par le projet de loi actuel.

Vous dites dans votre présentation:

    Nous estimons que le projet de loi C-5 augmenterait de plusieurs façons notre capacité à protéger efficacement et à rétablir les espèces en péril sur les terres que nous administrons:

Étant donné que votre mandat est, au fond, de mettre en valeur et de protéger notre patrimoine naturel, comment faites-vous pour concilier le fait que dans bien des aspects, la loi n'intègre pas, par exemple, les oiseaux migrateurs, alors que votre rôle est de protéger le patrimoine naturel sur le territoire fédéral? Ne trouvez-vous pas qu'il y a une contradiction entre ce que vous dites et ce que la loi va venir appliquer?

M. Bruce Amos: Non, je ne vois pas de contradiction entre ce que j'ai dit et la loi. Je faisais référence aux terres qui tombent sous la responsabilité de l'Agence Parcs Canada, c'est-à-dire les parcs nationaux, les réserves des parcs nationaux, les lieux historiques et les canaux. Ce sont nos responsabilités. Dans ces cas-ci, comme je l'ai mentionné, je pense que nos responsabilités sont claires et que le projet de loi augmente et complète les dispositions qui sont déjà en place pour ces terres dont Parcs Canada est responsable.

M. Bernard Bigras: D'accord. Mais vous savez qu'il y en a certains qui disent que toute la question des oiseaux migrateurs, par exemple, ne serait pas couverte par la loi. Étant donné que votre mandat est de protéger le patrimoine naturel, comment vous sentez-vous face à cela, entre ce mandat qui est de protéger le patrimoine naturel et les espèces, et le fait que vous avez une loi qui, fort probablement, ne couvre pas les oiseaux migrateurs, par exemple?

M. Bruce Amos: Il est clair que les oiseaux migrateurs et leurs habitats dans les parcs nationaux ou ailleurs dans les terres gérées par Parcs Canada sont protégés et le seront. Je ne peux pas parler en détail du reste des responsabilités d'autres ministères pour les oiseaux migrateurs, mais en ce qui concerne les parcs nationaux, ces espèces, comme toutes les autres, sont protégées et, à notre point de vue, ce projet de loi améliorera leur protection.

M. Bernard Bigras: D'accord. Donc, estimez-vous que C-5 intègre toute la question des oiseaux migrateurs, par exemple, ou de toutes les espèces aquatiques? Selon votre interprétation, le projet de loi C-5 couvre-t-il les oiseaux migrateurs et permet-il d'en assurer la protection?

M. Bruce Amos: Vous me demandez jusqu'à quel point ce projet de loi protège les oiseaux migrateurs. Je m'excuse, mais c'est une question qu'il faut adresser aux responsables du ministère de l'Environnement.

[Traduction]

Le vice-président (M. Bob Mills (Red Deer, AC)): Monsieur Comartin.

M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Plusieurs groupes nous ont dit, par écrit ou oralement, notamment hier, que des amendements qui renforceraient ce projet de loi bénéficieraient d'un appui massif dans tout le pays. Nous avons soumis aux groupes d'hier des propositions provenant de l'opposition, qui visent à renforcer la loi afin qu'elle protège davantage les espèces en péril. On nous a répondu que la difficulté, c'était l'attitude des autres ministères qui cherchent à protéger leur pré carré.

• 1610

J'ai eu l'impression que vos deux ministères étaient visés dans cette affirmation, et je voudrais donc vous poser deux questions. Tout d'abord, que répondez-vous à cela? Deuxièmement, avez-vous rédigé des notes ou des exposés de position dans vos deux ministères? Avez-vous rédigé des avis concernant ce projet de loi et son prédécesseur, qui a été proposé en 1996?

M. John Davis: Je vais répondre sur la question de la protection du pré carré.

Je ne sais pas exactement de quoi il s'agit, mais je peux vous assurer que les ministères ont collaboré efficacement à la rédaction du projet de loi et à la stratégie. Ils avaient fait de même pour le projet de loi précédent. Il y a eu beaucoup d'allées et venues en comité, des échanges de points de vue et une abondante documentation qui s'est échangée au sein de l'équipe. Voilà comment nous avons procédé.

Howard, pouvez-vous nous donner des détails?

M. Howard Powles: Pour les exposés de position, nous discutons de ce projet de loi depuis plusieurs années. Il y a eu beaucoup de documents de travail.

Ce projet de loi est une priorité pour le gouvernement fédéral, et nous n'entendons pas le contester. Nous l'avons toujours approuvé et nous veillerons à l'appliquer efficacement. Nous avons rédigé plusieurs documents de travail à l'interne, et il n'est pas exact de dire qu'il y a eu de la résistance et que chacun a cherché à défendre son pré carré.

M. Bruce Amos: Je considère qu'il y a eu entre les ministères une attitude de collaboration.

Je ne sais pas exactement ce que vous voulez dire quand vous parlez de pré carré, mais le souci de Parcs Canada a été véritablement d'assumer pleinement ses responsabilités et de jouer son rôle d'intendant des ressources qui se trouvent dans les parcs nationaux, notamment tout ce qui peut figurer sur la liste des espèces en péril. Nous avons toujours considéré qu'il nous incombe, aux termes de la Loi sur les parcs nationaux, de collaborer avec les autres ministères pour faire aboutir ce projet de loi, et nous tenons à en assumer la responsabilité. C'est ce qu'atteste le projet de loi.

M. Joe Comartin: Je voulais aussi savoir si votre ministère a présenté des exposés de position concernant les projets de loi antérieurs et celui-ci.

M. Bruce Amos: Pour le projet de loi précédent, je n'en suis pas certain. Je ne peux vous répondre qu'en termes généraux.

Le présent projet de loi a fait l'objet de consultations approfondies et a donné effectivement lieu à un grand nombre de notes d'information, d'analyses et de comptes rendus. Effectivement, il y a de nombreux documents internes sur la nature de ce projet de loi.

M. Joe Comartin: Je voudrais parler... Il me reste encore du temps.

Le vice-président (M. Bob Mills): Brièvement.

M. Joe Comartin: Je serai bref.

En ce qui concerne l'utilisation de la liste du COSEPAC, avez-vous pris position pour indiquer si elle devait avoir un fondement scientifique ou si c'était au Cabinet d'en décider? Avez-vous une note à ce sujet?

M. Bruce Amos: Pas à ma connaissance. Il me semble que c'est le point de vue du gouvernement plus que celui du ministère.

M. Joe Comartin: Je m'en rends bien compte. Mais je voulais savoir si votre ministère a pris position par écrit.

M. Bruce Amos: Non, ce thème n'a pas été au centre des discussions au sein de mon ministère.

Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Herron.

• 1615

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Je ne sais pas si, avant de venir à cette réunion, vous avez eu l'occasion de prendre connaissance des questions que j'ai posées sur le projet de loi C-33. En effet, j'ai l'intention de rester sur la même voie.

Le vice-président (M. Bob Mills): Bien.

M. John Herron: Un grand nombre de témoins nous ont dit que sur certains aspects, ils avaient remonté la barre. Si l'on regarde ce qu'a fait le groupe de travail sur les espèces en péril en 1996 et son exposé de position, de même que les interventions des ONG, des industries pétrolières et gazières, des pâtes et papiers, du secteur minier, on voit que sur certains aspects qui relèvent de la compétence fédérale, la barre a été placée un peu plus haut.

Je voudrais poser ma première question à Parcs Canada. La LFP ne rend pas obligatoire la protection de l'habitat essentiel des espèces en péril. Cet habitat n'est pas protégé obligatoirement dans le cadre du projet de loi. Ne trouvez-vous pas un peu absurde qu'on utilise ce genre de formule discrétionnaire en dehors du permis ministériel dans les parcs nationaux?

M. Bruce Amos: Monsieur le président, je ne suis pas certain d'avoir parfaitement saisi la question.

M. John Herron: En résumé, pourquoi est-ce que Parcs Canada n'exige pas d'intégrer au projet de loi sur la protection des espèces en péril la protection de l'habitat essentiel dans les parcs nationaux? Est-ce que Parcs Canada s'y oppose?

M. Bruce Amos: Parcs Canada estime que dans les parcs nationaux, l'habitat est protégé par la Loi sur les parcs nationaux et par les règlements d'application. C'est sans doute la loi de protection la plus énergique que le Parlement du Canada ait adoptée, et cette protection s'applique dans les parcs nationaux du Canada en vertu de la loi et des règlements.

M. John Herron: Mais étant donné que la loi utilise une formule discrétionnaire, en vertu de laquelle le ministre «peut» protéger l'habitat essentiel dans les secteurs relevant de la compétence fédérale, cette loi risque d'occasionner un recul par rapport aux outils d'intervention dont vous disposez actuellement. En outre—et j'aimerais avoir l'avis à ce sujet des représentants des pêches—aux termes des articles 35 et 36 de la Loi sur les pêches, on peut même prétendre que vous avez déjà des moyens d'intervention pour protéger l'habitat du poisson et des autres espèces aquatiques. Mais comme le projet de loi utilise la formule «peut», on risque d'obtenir un effet pervers en ce sens que la loi qui protège les espèces qui ne sont pas en péril leur assure une meilleure protection qu'aux espèces qui sont effectivement en péril.

Comment faites-vous l'adéquation entre les deux?

M. John Davis: Je vais vous répondre, monsieur Herron.

Le ministère est conforté par le fait que, dans le cas des espèces aquatiques, comme vous le dites vous-même, les dispositions de la Loi sur les pêches assure effectivement la protection de l'habitat. Par conséquent, nous sommes extrêmement bien équipés pour prendre l'initiative et intervenir à peu près immédiatement en invoquant les dispositions concernant l'habitat selon le mandat qui nous est donné par la Loi sur les pêches. Nous pouvons intervenir en eau douce, car nous en avons le droit partout au Canada dans le cas des espèces aquatiques. La loi est extrêmement rigoureuse à cet égard.

S'agissant maintenant de la mise au point de stratégies de rétablissement, nous envisageons également la possibilité de désigner sous un angle scientifique les habitats essentiels, ce qui pourrait également avoir son importance pour la pêche.

M. John Herron: Pourquoi alors le mettre dans le projet de loi si vous nous dites que vous pouvez déjà le faire?

M. John Davis: Le projet de loi vient compléter ce que nous avons déjà concernant le modus operandi entourant les stratégies de rétablissement. Grâce à ce processus...

M. John Herron: Vous êtes donc contre?

M. John Davis: Non, pas du tout, nous sommes parfaitement à l'aise...

Le vice-président (M. Bob Mills): Excusez-moi.

M. John Davis: ...avec la structure actuelle...

Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Herron, vous pourrez poursuivre au second tour.

Karen Kraft Sloan, je vous en prie.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci beaucoup.

Je suis désolée de ne pas avoir sous les yeux la Loi sur les parcs nationaux, et je suis arrivée ici avec un peu de retard, et vous voudrez donc bien m'excuser si ma question vous a déjà été posée, mais j'aimerais que vous me donniez, si c'est possible, une définition de l'intégrité écologique.

M. Bruce Amos: Si vous le souhaitez, monsieur le président, j'ai ici le texte de la loi où figure cette définition.

• 1620

Mme Karen Kraft Sloan: Pourriez-vous nous la lire à haute voix afin que le compte rendu en fasse état?

M. Bruce Amos: Il s'agit donc de la nouvelle Loi sur les parcs nationaux du Canada, disposition 2(1), au chapitre Définitions:

    «intégrité écologique» L'état d'un parc jugé caractéristique de la région naturelle dont il fait partie et qui sera vraisemblablement maintenu, notamment les éléments abiotiques, la composition et l'abondance des espèces indigènes et des communautés biologiques ainsi que le rythme des changements et le maintien des processus écologiques.

Mme Karen Kraft Sloan: Je vous remercie. Cela semble parler davantage du parc à proprement parler que d'un secteur en particulier à l'intérieur de celui-ci. Est-ce que je me trompe?

M. Bruce Amos: Je vais demander à M. Lopoukhine de vous répondre.

M. Nik Lopoukhine (directeur exécutif, Direction de l'intégrité écologique, ministère du Patrimoine canadien): Cette définition, telle qu'elle se trouve dans la loi, définit effectivement l'intégrité écologique. La mettre en oeuvre au niveau du parc proprement dit exige qu'on définisse ce que cela signifie exactement dans le contexte du parc national. Il s'agit de définir les espèces qui s'y trouvent car, dans certains cas, ce sont des espèces disparues qui existaient là il y a plusieurs années et que nous n'avons pas pu réimplanter, comme dans le cas du parc national de la Pointe-Pelée. On y trouvait jadis des loups, mais il n'y en a plus. Il faut donc apporter quelques ajustements à la définition pour un parc en particulier, mais toujours dans le contexte de la définition en question.

Mme Karen Kraft Sloan: Je n'ai pas le texte de la loi sous les yeux, mais il me semble que lorsque vous parlez d'objectifs et de principes, lorsque vous parlez des objectifs de la Loi sur les parcs nationaux—et en particulier en matière d'intégrité écologique—cela contredit quasiment ce qu'on trouve dans la Loi sur la protection des espèces sauvages en péril que nous étudions ici étant donné que la protection des habitats n'est pas obligatoire. C'est précisément là la question qu'ont posée mes collègues qui sont en face de moi.

Vous avez déjà parlé de tout ce que vous faisiez pour préserver les espèces. Ma collègue Mme Carroll a fait valoir qu'il était possible que des espèces abondantes se trouvent mieux protégées que les espèces en péril, et cela qu'il s'agisse des parcs nationaux ou de l'océan.

La disposition de la Loi sur les pêches dont a parlé M. Herron porte—si j'ai bien compris—sur certains éléments déclencheurs par opposition à la dégradation générale de l'habitat et, sur un plan plus général, au maintien de la biodiversité.

Il me semble qu'il y a ici d'énormes contradictions. D'une part, il y a deux mesures législatives différentes. D'autre part, vous parlez avec beaucoup de fierté—à juste titre d'ailleurs—du travail que vous effectuez déjà. Pourquoi donc seriez-vous contre... Vous nous avez dit, je le sais bien, que le texte vous convenait, mais ne seriez-vous pas favorables à ce que la protection des habitats soit obligatoire sur les terres fédérales, et en particulier dans les parcs nationaux?

M. Bruce Amos: Je suis tout à fait d'accord lorsque vous dites que le texte nous convient. Comme je l'ai déjà dit, c'est parce que la Loi sur les parcs nationaux assure déjà la protection de tous les habitats. Outre la nouvelle disposition qui renforce encore l'intégrité écologique, la loi prescrit que les régions doivent être préservées en l'état pour les générations à venir. La loi prescrit clairement qu'il faut préparer des plans de gestion pour les parcs, ce que la nouvelle loi vient encore renforcer. Il y a donc à la fois les règlements d'ordre général et les règlements sur les espèces sauvages.

Nous sommes convaincus que la Loi sur les parcs nationaux offre une excellente protection, probablement la meilleure qui soit pour les habitats et pour les espèces sauvages.

Il est également manifeste que nous avons l'intention—notre ministre a d'ailleurs toute compétence selon le texte de la loi qui lui impose également des obligations très claires—de donner la priorité aux espèces menacées en établissant des stratégies de rétablissement et en dressant des plans d'action. Cette loi va accorder encore plus d'importance aux espèces en péril.

• 1625

Mme Karen Kraft Sloan: Le problème, c'est qu'il y a énormément d'éléments de cette loi qui sont discrétionnaires.

La question a été posée. Vous avez dit que le texte de la loi vous convenait. Vous avez dit que la Loi sur les parcs nationaux offrait un niveau de protection extrêmement élevé et ainsi de suite. Par conséquent, une protection des habitats obligatoire vous mettrait-elle mal à l'aise?

Le vice-président (M. Bob Mills): Pourriez-vous répondre en deux mots, je vous prie?

M. Bruce Amos: Je ne pense pas avoir compétence pour commenter des propositions de modification.

Comme je l'ai déjà dit, le texte actuel nous convient. Nous pensons que c'est ainsi qu'il faut procéder, c'est-à-dire assurer la protection des espèces dans leurs habitats grâce aux dispositions rigoureuses de la Loi sur les parcs nationaux.

Mme Karen Kraft Sloan: Une bonne façon de procéder serait d'avoir une protection des habitats qui soit obligatoire.

Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Reed.

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je suis très heureux que nos deux témoins voient ce projet de loi sous un angle positif et le considèrent comme le juste complément de la situation actuelle. Cela m'encourage beaucoup. C'est assurément un agréable changement par rapport à ce que d'autres témoins sont venus nous dire.

La question des pêches m'intéresse tout particulièrement. Avez-vous le sentiment que cette mesure législative aidera les régions urbaines du Canada à s'éveiller au problème de la dégradation des voies navigables par exemple? Cette loi permettra-t-elle de sortir de l'abîme?

M. John Davis: Monsieur Reed, votre question est excellente.

L'un des avantages de la chose ainsi que des efforts du comité, du gouvernement et de tous les intervenants dans le cadre du projet de loi, c'est qu'il sera peut-être pour beaucoup de gens un genre de sonnette d'alarme qui les poussera à chercher une solution à certains de ces problèmes. Les stratégies de rétablissement auxquelles nous travaillons actuellement nous permettront d'en entendre plus long au sujet des espèces, des habitats et des autres problèmes connexes.

Dans ce sens-là aussi, nous commencerons à voir plus clairement les origines de ces problèmes, qu'il s'agisse de la pollution, de la disparition des habitats, ou encore des changements survenus dans les écosystèmes comme celui des Grands Lacs. Grâce à cela, j'espère que le grand public se trouvera davantage sensibilisé et davantage disposé à prendre conscience, dans son quotidien, des problèmes environnementaux et de prendre fait et cause en conséquence. Je suis convaincu que cela est tout à fait essentiel.

M. Julian Reed: Le préambule est peut-être un peu incohérent, mais moi je parle surtout de la biologie des poissons. Je sais par expérience que beaucoup d'ichtyobiologistes mélangent joyeusement la science, l'alchimie et les idées préconçues, et qu'ils ont tendance à changer d'avis à peu près aussi souvent que je change de sous-vêtements.

Des voix: Oh, oh.

M. Julian Reed: Je parle en connaissance de cause parce qu'il y a un cours d'eau qui traverse mon exploitation agricole sur plus d'un kilomètre, et cela fait des années que j'ai maille à partir avec les biologistes.

Nous entrons maintenant dans une nouvelle ère et nous allons nous préoccuper des espèces menacées comme d'autres choses d'ailleurs. Il y aura des gens qui viendront défendre des projets d'aménagement le long ou à proximité des cours d'eau. Jusqu'à présent—c'est-à-dire depuis trois ou quatre ans peut-être—ce qui s'est passé, c'est que les biologistes avaient supposément pour responsabilité d'imposer et de contrôler plutôt que de faciliter.

Je me demande s'il y aurait eu une quelconque révélation miraculeuse le long du chemin de Damas, une révélation qui aurait changé chez les biologistes, le sens du devoir à l'endroit du public, étant donné que la zone de convergence entre le public et le gouvernement augmente constamment.

M. John Davis: Voilà une excellente question quant à la position que nous devons adopter en matière de décision à caractère environnemental.

Je pense que le grand public va de plus en plus exiger de pouvoir intervenir dans les décisions. Et vous, vous voudrez pouvoir mettre sur la table les informations qui permettront précisément aux gens de prendre des décisions productives en matière de zonage, en matière d'utilisation du sol et de l'eau et ainsi de suite.

• 1630

Effectivement, les biologistes auront des positions bien arrêtées concernant la nécessité de protéger une espèce menacée ou que sais-je encore, mais il faut espérer qu'il y aura un meilleur juste milieu au niveau de la participation du public à ce processus décisionnel.

Je pense que l'autre élément important est que, dans le cas des grosses décisions, il est toujours utile de pouvoir compter sur un groupe de gens, sur un processus d'examen par les pairs, afin de pouvoir disposer des meilleures bases scientifiques possible pour arriver à des positions scientifiquement fondées qui puissent résister à l'examen par les pairs.

Le vice-président (M. Bob Mills): Madame Carroll, vous avez la parole.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci, monsieur le président.

Étant l'épouse d'un avocat plaidant et la mère d'un autre, je vais essayer de vider une question dont nous avons parlé.

Dans la loi qui le concerne, le ministère des Pêches et des Océans assure de façon obligatoire la protection des habitats des espèces de poissons. La Loi sur les parcs assure de façon obligatoire la protection des habitats dans les parcs nationaux. Vous avez tous deux pris part à l'élaboration des textes de loi et, de vos points de vue respectifs, là où vous n'êtes plus d'accord, c'est justement la question de la protection obligatoire des habitats. Maintenant, vous venez témoigner devant nous et vous nous dites que cela ne vous dérange pas que la Loi sur la protection des espèces sauvages en péril ne contienne aucune disposition obligatoire concernant la protection des habitats.

Éclairez donc ma lanterne. Comment pouvez-vous penser que vous avez réussi à renforcer, pour utiliser vos propres paroles... Alors, monsieur Davis, venez à mon secours et dites-moi pourquoi vous ne pensez pas que la loi a effectivement pour résultat pervers d'assurer aux espèces de poissons qui ne sont pas menacées... vous leur offrez cette protection, mais vous ne le faites pas pour les espèces de poissons qui sont menacées et qui le sont peut-être parce que vous ne les aviez pas protégées suffisamment bien au départ.

Je voudrais que vous me disiez tous les deux pourquoi ce texte de loi qui ne fait pas ce que vous faites vous tous les deux, vous convient ainsi.

Monsieur le juge, la défense a terminé sa plaidoirie.

Une voix: Mon Dieu, que c'était beau.

M. John Davis: Permettez-moi de commencer en donnant un point de vue halieutique.

Comme je l'ai déjà dit, nous avons déjà d'excellents moyens. Vous le comprenez bien.

Mme Aileen Carroll: Ne divergez pas, monsieur Davis, continuez tout droit.

M. John Davis: Mais s'agissant de l'aspect purement halieutique de la chose, il est souvent difficile de définir un habitat essentiel sous cet angle. Il s'agit souvent d'espèces migratoires, des différentes utilisations qui sont faites de plusieurs secteurs d'un même cours d'eau, de sorte que pour ce qui est de la pêche, nous estimons que l'élément habitat essentiel découlera très probablement de l'élaboration de la stratégie de rétablissement. À ce moment-là, nous pourrons l'ajouter à notre arsenal de moyens qui nous permettent de protéger l'espèce en question. L'habitat essentiel d'une espèce de poisson ou d'une autre n'apparaît peut-être pas de prime abord. Ce n'est pas aussi évident qu'un nid, un terrier ou quelque chose du même genre dans le cas de la faune terrestre.

Mme Aileen Carroll: Mais il s'agit de poisson et nous parlons d'espèces migratoires... Pardon. Ne me laissez pas vous interrompre lorsque je vous ai posé une question.

Monsieur Amos, voyons voir pourquoi cette apparente incohérence vous satisfait pleinement.

M. Bruce Amos: Je ne vois là aucune incohérence. La Loi sur les parcs nationaux protège tous les habitats et toutes les espèces et, par conséquent, il s'agit véritablement d'une protection obligatoire qui existe déjà en vertu de la loi.

Cette loi-ci nous permettra de faire mieux encore du fait qu'elle exige la préparation de stratégies de rétablissement et de plans d'action, non seulement de notre part pour les parcs eux-mêmes, mais également en collaboration avec des partenaires pour des écosystèmes plus vastes et avec des échéances précises.

J'ai parlé des sanctions plus lourdes dans le cas des espèces inscrites sur la liste qu'on trouve dans les parcs nationaux. Ces sanctions sont plus lourdes que celles qui sont déjà prévues par notre propre loi dans le cas des espèces sauvages. Il y a par ailleurs des restrictions, comme je vous l'ai dit, soit un cadre de référence plus rigoureux dont notre ministre va devoir tenir compte lorsqu'il voudra accorder des permis ou signer des ententes qui risquent d'avoir une incidence sur les espèces énumérées dans la liste ou leurs habitats essentiels.

Le projet de loi renforce donc de trois façons les moyens dont nous disposons déjà mais, je le rappelle, la Loi sur les parcs nationaux nous donne déjà le cadre juridique nécessaire pour assurer la protection de toutes les espèces sauvages ainsi que leurs habitats dans les parcs nationaux.

• 1635

Selon le texte actuel de la Loi sur les parcs nationaux, personne ne peut occuper ou utiliser un parc sauf autorisation prévue par la loi. À moins que les règlements ne l'autorisent expressément, rien ne peut se passer. Une utilisation ou une occupation non autorisées sont contraires à la loi et punissables en vertu de celle-ci.

Cela dit, nos règlements relatifs aux espèces sauvages ainsi que les règlements d'ordre général sont généralement restrictifs et non le contraire. Ils disent par exemple: «Il est interdit de...», et ils précisent toute une série d'interdictions. C'est ainsi que notre loi est rédigée, d'où sa force.

Le vice-président (M. Bob Mills): Madame Carroll, pourriez-vous attendre le second tour?

Mme Aileen Carroll: Certainement, monsieur le président. Je vous remercie. J'en prends note.

Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Savoy, je vous prie.

M. Andy Savoy (Tobique—Mactaquac, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Merci à vous pour ces excellents exposés, messieurs.

Je me demande jusqu'à quel point la loi est vraiment applicable, en particulier dans le cas des espèces aquatiques d'eau douce. Ma circonscription se trouve dans l'intérieur des terres, et j'ai pu constater chez moi que l'abondance des poissons diminue sans cesse, au détriment aussi bien de la pêche sportive que de la pêche commerciale, même si cela concerne surtout la pêche sportive. Vous nous avez dit que, conformément aux dispositions du projet de loi C-5 concernant la coopération, vous devez travailler avec les provinces pour mettre en place des mécanismes de coopération. Pouvez-vous me donner quelques exemples de ces mécanismes que vous envisagez? Je pose ma question à M. Davis.

M. John Davis: Je vous remercie.

Ces mécanismes de coopération, monsieur Savoy, il y en a plusieurs. Pour commencer, nous partageons les méthodologies biologiques destinées à élaborer les stratégies de rétablissement et les plans d'action, c'est-à-dire la façon dont nous pourrions nous y prendre pour assurer la protection de tel ou tel type d'espèce et pour identifier les éléments les plus importants de leur cycle biologique, ou encore les raisons pour lesquelles ces espèces sont moins abondantes, en d'autres termes les causes du problème. Ensuite, nous partageons les informations, les résultats des recherches scientifiques ainsi que le volet communication—c'est-à-dire la façon dont, ensemble, nous pourrions communiquer d'un gouvernement à l'autre. Il y a également la participation aux consultations: que pouvons-nous faire pour assurer la participation des diverses parties prenantes dans un secteur donné, pour travailler avec les Premières nations, ou avec les responsables de la conservation des ressources en eau douce, et ainsi de suite.

Les plans de rétablissement qui sont tellement essentiels pour toutes ces espèces font en fait intervenir toute une série de gens qui se retrouvent réunis autour de la table. J'ai d'ailleurs fait partie du groupe qui étudie une stratégie de rétablissement pour la baleine franche, et j'ai vraiment été encouragé de voir qu'il y avait là des Canadiens et des Américains, des gens qui représentaient les différents pouvoirs publics, d'autres qui représentaient les ONG, tous réunis dans la même salle afin de mettre au point des stratégies pour la baleine franche. Il y avait également des pêcheurs, ainsi que des représentants du secteur des transports.

Voilà donc un exemple qui montre comment nous parvenons à faire les choses ensemble. Mais au bout du compte, tout revient à cette notion de collectivité dont je vous ai déjà parlé.

M. Andy Savoy: Vous parlez de mettre en oeuvre «des mesures de gestion pour faire en sorte que ces espèces ne fléchissent pas davantage». Vous parlez aussi de mesures pénales, comme limiter ou éliminer certaines pêches. A-t-on songé—je sais que oui, mais je veux savoir dans quelle mesure—à empoissonner les pêcheries, notamment dans l'intérieur?

M. John Davis: Oui, ce sont toutes des stratégies qui sont de mise: l'empoissonnement; le stockage de gènes; parce que si nous sommes à un niveau très bas, nous risquons de perdre du matériel génétique; créer plus d'habitats et de l'habitat productif, tout en protégeant certains éléments; examiner la végétation riveraine et les choses de ce genre pour protéger les alevins; lutter contre le ruissellement provenant de l'exploitation forestière ou de l'agriculture. Tous ces éléments pourraient faire partie d'une stratégie de rétablissement et il faut effectivement procéder à ce genre de réflexion et collaborer.

M. Andy Savoy: Merci.

Le vice-président (M. Bob Mills): Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Amos, je lis ceci au paragraphe 127(1) du projet de loi:

    Le ministre organise au moins tous les deux ans une table ronde réunissant des personnes concernées par les questions de protection des espèces sauvages en péril au Canada [...]

Je crois savoir que c'est presque textuellement ce que l'on retrouve dans la Loi sur les parcs nationaux. Comment la population réagit-elle à cette disposition. La trouvez-vous utile?

M. Bruce Amos: C'est très semblable à une disposition que le Parlement a ajouté à la Loi sur les parcs nationaux lors des dernières révisions. Cette disposition invite notre ministre, dans ce cas-ci... je vais citer la disposition, si vous le voulez bien:

    Le ministre organise au moins tous les deux ans une table ronde réunissant des personnes concernées par les questions qui relèvent de l'Agence et chargée de l'aviser sur les résultats obtenus par l'Agence dans la réalisation de la mission [...]

Je me suis trompé, il ne s'agit pas de la Loi sur les parcs nationaux mais bien de la Loi sur l'Agence Parcs Canada. Je me suis trompé parce que cela figure dans la loi sur notre agence.

• 1640

Nous sommes sur le point de tenir la première table ronde des ministres consacrée à Parcs Canada. Elle se tiendra la semaine prochaine, de lundi à mercredi. Pour ce qui est de son issue, nous sommes optimistes. Je peux vous dire que nous avons passé plusieurs mois à la préparer avec un large éventail d'intéressés. La planification a été en grande partie déterminée par les avis des trois comités consultatifs, que le ministre a créés, dont les membres proviennent de divers horizons, à l'extérieur du programme. Il y a des Autochtones, des représentants de l'industrie touristique, des organisations non gouvernementales et d'autres. Les conseils concernant les préparatifs viennent d'un large éventail de personnes intéressées par les parcs nationaux et les sites historiques nationaux.

Ils semblent avoir préparé—et nous avec eux—une rencontre fort intéressante. Ce seront pour nous des journées passionnantes. Les grandes questions auxquelles fait face l'agence sont sur la table. L'organisation s'est faite de façon ouverte et transparente.

Dans la loi, il est question des recommandations qui pourront en découler et nous nous attendons à ce qu'il y en ait. Je sais que la ministre les prendra très au sérieux. Elle sera là pendant deux des trois jours de la table ronde, à la séance d'inauguration et à la séance de clôture. Cela ne vous donne qu'un aperçu de la façon dont la rencontre est préparée. À Parcs Canada, nous la prenons très au sérieux. C'est un mécanisme important de responsabilisation, que le Parlement a incorporé dans notre loi, dans le but de passer en revue nos progrès, nos réalisations et nos lacunes dans d'autres domaines pour en discuter et formuler des recommandations.

Nous avons donc hâte et d'ici peu, nous et les autres participants pourrons vous donner une meilleure idée de son issue.

Mme Karen Redman: Comment la population réagit-elle à la table ronde que vous organisez? Bien? Y a-t-il beaucoup d'intérêt?

M. Bruce Amos: Oui et le large éventail d'intéressés ont consacré beaucoup de temps à préparer la rencontre. Beaucoup de gens ont consacré leur temps libre aux travaux des comités consultatifs, à préparer les exposés et à s'assurer que la rencontre sera fructueuse.

Nous attendons environ 80 personnes de partout au pays, et passablement de jeunes.

Mme Karen Redman: Merci.

Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Laliberte.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, Lib.): Merci, monsieur le président.

J'ai une ou deux questions à propos de l'applicabilité de la loi. Est-ce que Parcs Canada a créé des zones tampons autour des parcs qui existent déjà? Y a-t-il eu des actions en ce sens?

M. Bruce Amos: L'expression «zone tampon» a plusieurs significations. Si vous parlez d'une zone officielle qui relèverait de l'agence en vertu de la Loi sur les parcs nationaux, non. En vertu de la loi, nous ne sommes responsables que du territoire délimité par les parcs nationaux.

L'idée d'une zone tampon, toutefois, suppose que les parcs ne sont pas des écosystèmes complets. Si nous voulons protéger l'intégrité écologique et les espèces en péril qui y habitent, nous devons collaborer avec des partenaires sur une base plus large. C'est la position de Parcs Canada. C'est la façon de procéder qui nous a été vigoureusement recommandée par la Commission sur l'intégrité écologique: de travailler davantage en partenariat et en coopération.

• 1645

Les renseignements dont nous disposons montrent bien qu'on ne peut protéger l'intégrité écologique des parcs nationaux en se contentant de gérer ce qui se passe uniquement à l'intérieur. Cette façon de faire est bien inscrite dans la loi.

Il se peut que nous ayons la responsabilité première de préparer les stratégies de rétablissement de certaines espèces qui se trouvent en grande partie à l'intérieur d'un parc national, mais c'est rare. L'escargot de Banff est un exemple que je connais d'une espèce que l'on retrouve uniquement à l'intérieur d'un parc national. Ce n'est habituellement pas le cas.

Que nous ayons la responsabilité première si l'espèce se trouvait essentiellement dans le parc ou que nous soyons un partenaire parce qu'elle ne se retrouve que partiellement dans le parc, la loi nous oblige à collaborer avec d'autres et à préparer des stratégies de rétablissement, ce qui suppose de délimiter l'habitat essentiel. C'est un élément important des stratégies de rétablissement.

M. Rick Laliberte: On peut donc affirmer que même si la Commission sur l'intégrité écologique ne le dit pas à Parcs Canada, on est maintenant conscients du fait qu'à l'extérieur des parcs, il y a lieu de prendre des mesures?

Maintenant, pour ce qui est de faire participer les propriétaires et les provinces à cette tâche immense—c'est un défi surmontable aussi dans le cas de la LEP. Vous allez désigner l'habitat là-bas; vous allez compter sur la liste des espèces en péril. Dans ce cas-ci, la liste ne sera pas incorporée d'office à la LEP. Elle devra être passée en revue ici.

Quelle est votre position à propos de la liste du COSEPAC, qui ne servira pas de point de départ? Quelqu'un frappe à la porte et nous dit occupons-nous de ces espèces; prenons des mesures pour leur habitat. Maintenant, on dirait que l'on crée un autre obstacle avant que ça devienne mesurable ou quelque chose qui puisse être mis en oeuvre en premier lieu pour la protection.

M. Bruce Amos: Je ne sais pas exactement comment coïncideront les révisions du COSEPAC avec vos délibérations et celles du Parlement sur le projet de loi. Mon collègue des Pêches et Océans voudra peut-être intervenir là-dessus, parce que je sais que Howard Powles est plus près du COSEPAC, des révisions et de ses travaux que moi.

Il est certain que nous voulons tous avoir le plus tôt possible une bonne Loi sur les espèces en péril.

M. John Davis: Eh bien, nous en avons parlé lors de notre dernière comparution. Au risque de me répéter, nous estimons qu'il est tout à fait approprié de donner au gouverneur en conseil un pouvoir d'appréciation lui permettant d'examiner la liste des espèces et de faire des consultations. De fait, il est nécessaire de consulter divers intéressés, en particulier les Autochtones. C'est un élément essentiel du processus.

Vous avez aussi entendu le témoignage de M. Green du COSEPAC, qui estime que s'il y avait inscription d'office, immédiate, les scientifiques du COSEPAC subiraient quantité de pression. Ils ne voulaient pas servir de repoussoirs. Nous sommes d'accord avec ce clivage. Laisser au Parlement son pouvoir d'appréciation est justifié, surtout lorsque des intéressés et des conséquences importantes sont en jeu.

Il y a une autre chose qui est importante. Il faut s'assurer que l'information utilisée pour les instructions est scientifiquement fondée. Il est important de bien étudier certaines espèces et d'obtenir du COSEPAC les meilleurs avis qui soient. Cela doit être fait.

Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Knutson.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Merci, monsieur le président.

Madame et messieurs, puisque vous avez tenu une série de consultations et un dialogue intensif entre ministères, pourriez-vous nous expliquer comment il se fait que si nous protégeons l'habitat dans les parcs, l'habitat des poissons, pourquoi ne le faisons-nous pas pour toutes les espèces au bord de l'extinction qui relèvent de nos pouvoirs? Pourquoi est-ce que ce ne serait pas obligatoire?

• 1650

M. Howard Powles: Dans les domaines de compétence fédérale, nous avons effectivement le pouvoir de protéger l'habitat, soit en vertu de la Loi sur les parcs nationaux soit de la Loi sur les pêches.

Il est certain que la LEP n'a pas pour but, pour ce qui concerne nos espèces, de remplacer la Loi sur les pêches. Elle est son complément. Il serait faux de dire qu'une fois qu'une espèce est en péril elle ne tombe plus sous le coup de la Loi sur les pêches. Elle est visée par les deux lois.

M. Gara Knutson: Je parlais d'autres animaux.

M. Howard Powles: D'autres animaux comme...

M. Gar Knutson: Les ours et les oiseaux migrateurs.

M. Howard Powles: Je ne sais pas si nous pouvons parler des ours et des oiseaux migrateurs.

M. Gar Knutson: Nous protégeons l'habitat des poissons. C'est un volet important de la loi. Un élément important de la Loi sur les parcs est de protéger l'habitat. Pourquoi le gouvernement n'estime-t-il pas qu'un élément important de cette loi-ci soit de protéger l'habitat des animaux, autres que des poissons, qui ne se trouvent pas dans les parcs, mais qui relèvent quand même de la compétence fédérale?

M. Bruce Amos: En ce qui concerne l'habitat essentiel, le paragraphe 58(3) dit ceci: «Le ministre compétent est tenu de faire la recommandation s'il estime qu'aucune disposition de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, n'ait aucune mesure prise sous le régime... ne protège la partie de l'habitat essentiel.»

M. Gar knutson: C'est un critère subjectif. C'est laissé à son appréciation.

M. Bruce Amos: Le ministre est tenu de faire la recommandation s'il estime qu'aucune disposition ne protège l'habitat.

M. Gar Knutson: C'est un critère subjectif. Je me trompe ou non? C'est laissé à son appréciation.

M. Bruce Amos: S'il y a un élément d'appréciation, c'est dans les mots «il estime».

M. Gar Knutson: Cela ne voudrait rien dire si un tribunal ou un scientifique estimait que l'habitat est essentiel. C'est le ministre. Corrigez-moi si je me trompe, parce que vous comprenez mieux la loi que moi, mais c'est la définition même d'un pouvoir d'appréciation. C'est avec la formule «s'il estime» que l'on donne ce pouvoir dans la loi.

M. Bruce Amos: C'est ce que dit le texte. Pour ce qui concerne un parc national, nous tenons pour acquis que chacun estime que la protection a été instaurée.

M. Gar Knutson: Voyons le paragraphe 59(1):

    Sur recommandation faite par le ministre compétent après consultation de tout autre ministre compétent, le gouverneur en conseil peut, par règlement, prendre des mesures de protection de l'habitat essentiel [...]

C'est bien facultatif, n'est-ce pas?

M. Bruce Amos: Oui. Le paragraphe suivant, 59(2), dit ceci:

    Le ministre est tenu de faire la recommandation si, d'une part, un programme de rétablissement ou un plan d'action désigne une partie de l'habitat essentiel comme protégée et, d'autre part, il estime qu'il est nécessaire de la protéger.

Le vice-président (M. Bob Mills): Il vous reste 30 secondes.

M. Gar Knutson: Merci.

Nous nous entendons bien pour dire que c'est au cabinet de décider de protéger l'habitat essentiel, même si nous avons protégé l'habitat essentiel des poissons et des animaux dans les parcs. Je me demande où est la logique.

M. Bruce Amos: Les parcs sont déjà protégés par une autre loi.

M. Gar Knutson: Oui, et les poissons sont protégés par la Loi sur les pêches.

M. Bruce Amos: Oui.

M. Gar Knutson: Pourquoi ne protégeons-nous pas l'habitat des oiseaux visé par la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs ou une autre loi fédérale?

M. Bruce Amos: Je ne connais pas bien la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et je ne peux donc pas vous dire avec certitude ce qu'elle dit. Il vaudrait mieux demander à Environnement Canada ou à un avocat.

• 1655

Chose certaine, dans la mesure où cette disposition parle de ce que «estime» le ministre, le texte exige de lui qu'il se forme une idée. Mais pour moi la disposition va dans le sens de faire une recommandation sur la conservation puisqu'il est tenu de le faire s'il l'estime opportun. Mais, oui, il y a un élément d'appréciation.

Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Knutson, je précise que des représentants du ministère de la Justice viendront mercredi prochain; il serait peut-être bon de commencer par cette question pour obtenir une réponse plus claire.

M. Bruce Amos: J'aurais dû dire d'entrée de jeu que je ne suis pas avocat.

Le vice-président (M. Bob Mills): Le greffier me dit que c'est encore à confirmer, mais lorsqu'ils viendront ce sera une bonne question à leur poser.

M. Gar Knutson: Ce n'est pas une question pour les avocats. Ce n'est pas une question juridique.

Le vice-président (M. Bob Mills): Eh bien, c'est une interprétation.

Nous passerons maintenant à M. Forseth pour un deuxième tour.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, AC): Merci, monsieur le président.

La définition de «poisson» qui figure dans la Loi sur les pêches—et qui serait incorporée dans la définition de l'expression «espèce aquatique» donnée dans le projet de loi C-5—est large, car elle englobe les mollusques, les crustacés et les animaux aquatiques ainsi que les oeufs, spermes, larves, naissain et alevins de ces espèces. Mais on pourrait soutenir que les espèces sans valeur commerciale ou ne présentant pas d'intérêt pour les pêcheurs sportifs ne révèlent pas de la compétence du fédéral du fait qu'elles ne se prêtent pas à la pêche. Si le gouvernement fédéral intervenait en vertu du projet de loi C-5 pour protéger une espèce dont la pêche ne constitue pas une activité économique importante, risquerait-il d'être poursuivi en vertu de la constitution pour avoir pris des mesures débordant la compétence fédérale?

M. John Davis: C'est une question très intéressante. Nous considérerions les espèces qui se prêtent à la pêche comme relevant essentiellement du fédéral.

Mais on peut soutenir un autre argument ici. Les éléments d'un écosystème importants pour la survie d'une pêcherie pourraient très bien être concernés si elle relève de cette compétence. Imaginons qu'une truite ou une espèce commerciale dépend d'une espèce qui ne l'est pas pour se nourrir. On pourrait soutenir que cela relève toujours du gouvernement fédéral.

M. Paul Forseth: J'ai une autre question, qui a déjà été posée. Il s'agit de la liste du COSEPAC. Il a déjà sa liste pour l'an 2000. La question est la suivante. Lorsque le projet de loi sera adopté, pourquoi cette liste ne deviendrait-elle pas la liste de référence? De toute évidence, ce n'est pas ce que le projet de loi prévoit, et je voudrais une réponse plus développée sur les raisons de ce choix. Pourquoi procédons-nous ainsi vu les critiques formulées par un grand nombre d'ONG qui font beaucoup de tapage à propos de la liste?

M. John Davis: Pour nous, de nombreuses questions sont très importantes ici. Tout d'abord, il est important que nous prenions le temps de consulter les intervenants au sujet de la liste plutôt que de garder automatiquement la liste sans avoir pris le temps de les consulter au sujet d'une liste qui pourrait avoir une incidence très grande sur les collectivités et le mode de vie des gens. On estime qu'il est important que les ministres tiennent compte de leurs points de vue avant de prendre une décision.

Il y a ensuite un deuxième élément, c'est-à-dire qu'il faut avoir les bons renseignements scientifiques dans le cadre de l'évaluation pour déterminer comment une espèce sera inscrite sur la liste. Dans le cas de certaines espèces, l'information date d'environ 20 ans et doit être mise à jour. La reconduction automatique de la liste sans faire de mise à jour serait problématique car nous n'aurions pas alors les meilleurs renseignements sur lesquels fonder nos décisions.

Cela revient en fait à certaines choses dont nous avons parlé précédemment. Il s'agit du principe d'exercice de l'appréciation, par opposition à la mise en oeuvre automatique.

M. Paul Forseth: Monsieur Amos, avez-vous autre chose à ajouter?

M. Bruce Amos: Non.

M. Paul Forseth: Merci.

Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Herron.

M. John Herron: J'aimerais revenir aux questions nous avons abordées précédemment. Vers la conclusion de mes premières questions, je crois, monsieur Davis, que vous aviez dit que vous n'étiez pas contre la protection obligatoire de l'habitat essentiel pour les espèces en péril. Vous ne diriez pas que vous êtes pour, mais vous avez dit que vous n'êtes pas contre, n'est-ce pas?

M. John Davis: J'ai dit que j'étais à l'aise avec cette partie du projet de loi telle qu'elle a été rédigée.

M. John Herron: Je ne vous demande pas de faire des observations sur l'amendement, mais quelle serait l'incidence sur vos mesures s'il y avait protection obligatoire de l'habitat essentiel? Cela changerait-il quoi que ce soit?

• 1700

M. John Davis: Tout d'abord—et je vous répondrai en donnant le point de vue du MPO—il serait très difficile pour nous de définir ce qu'est l'habitat essentiel, de sorte qu'il y aurait immédiatement un problème d'interprétation.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Prenons une espèce de saumon qui vit sur la côte Ouest. Ce saumon vient au monde en eau douce, il s'en va ensuite en mer, il nage presque jusqu'au Japon et revient. Quel est donc l'habitat essentiel de cette espèce de saumon? Est-ce là où il est produit, la zone de frai? Est-ce l'estuaire qu'il emprunte pour se rendre de l'eau douce à la mer, où il subit des changements physiologiques fondamentaux? Est-ce le régime d'alimentation en haute mer? Pour nous, c'est une question très difficile. Pour certaines espèces de poisson, l'habitat essentiel pourrait être défini comme étant la zone de reproduction clé.

M. John Herron: Notre comité s'est penché sur le projet de loi C-65 qui prévoyait la reconduction de la liste, d'une liste fondée sur des faits scientifiques plutôt qu'une liste politique, ainsi que la protection obligatoire de l'habitat essentiel dans les domaines de compétence fédérale. Tous ces élément sont dorénavant laissés à l'appréciation aux termes de cette version de la LEP dans le projet de loi C-5, alors que ce n'était pas le cas dans le projet de loi C-65.

Ce n'est pas un reproche que je vous fais. Vous êtes des fonctionnaires professionnels, vous faites votre travail de façon très professionnelle. Mais j'aimerais attirer l'attention sur une question très importante. Si on prend le groupe de travail de 1996 sur les espèces en voie de disparition, si on prend le groupe de travail très savant sur les espèces en péril, si on tient compte du genre de questions qui ont été posées ici au comité. Je ne fais pas vraiment un sondage, mais M. Knutson, M. Laliberte, Mme Kraft Sloan et Mme Carroll semblent dire qu'il faut que la barre soit un peu plus haute en ce qui a trait à la liste scientifique et à la protection obligatoire de l'habitat essentiel qui relèvent de la compétence fédérale. Donc, je pense que cela devrait attirer notre attention pour que nous examinions cet aspect en particulier, car c'est quelque chose que nous devrons sans doute faire lorsque le moment sera venu de proposer des amendements.

Pourquoi étiez-vous en faveur de la liste scientifique, de la protection obligatoire de l'habitat essentiel dans les régions qui relèvent de la compétence fédérale et des espèces transfrontalières qui étaient prévues dans le projet de loi C-65 en 1996 tandis que vous dites maintenant que cela peut-être laissé à l'appréciation? Qu'est-ce qui a changé au cours de ces trois années?

M. John Davis: Il est difficile pour moi de répondre à cette question, puisque je n'étais pas là il y a trois ans. Pouvez-vous répondre à la question?

M. Howard Powles: Je peux peut-être donner une réponse très brève. Ce n'était pas mon dossier, mais on m'a dit que pour le projet de loi C-65 on n'avait pas fait une consultation aussi générale que pour le projet de loi C-33 et le projet de loi C-5 et que ces questions dans le projet de loi C-65 étaient vraiment problématiques pour certaines provinces, par exemple.

M. John Herron: C'est peut-être le cas, mais même si nous avons maintenant un meilleur processus de consultation qu'auparavant, les gens que nous consultons disent qu'il faut garder tout cela obligatoire, non pas discrétionnaire.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Bob Mills): Merci.

Je vais vous demander à tous d'être vraiment brefs car il y aura un vote dans environ 25 minutes. Donc, si nous pouvons nous en tenir à une petite question avant de passer à un autre intervenant, cela aiderait beaucoup. Il reste encore six personnes sur la liste.

Monsieur Comartin.

M. Joe Comartin: Cela va être difficile pour moi, monsieur le président, car ma question comporte deux éléments.

Monsieur Amos, en ce qui concerne Banff—et il s'agit là en partie d'un exemple—je crois comprendre que dans le cas de certaines espèces comme le naseux des rapides de Banff, la physe des fontaines de Banff dont on a déjà parlé, le grizzli dont on a déjà parlé, le fait que ces espèces soient en voie de disparition est en partie attribuable à l'aménagement qui se fait à l'heure actuelle dans ce parc. Êtes-vous d'accord avec cela?

M. Bruce Amos: Je pense qu'il a été clairement prouvé que par le passé certains travaux d'aménagement dans les parcs nationaux et d'autres pratiques de gestion dans les parcs ont eu des conséquences négatives sur les espèces, notamment sur certaines espèces qui sont en péril.

• 1705

M. Joe Comartin: Très bien.

Deuxièmement, avant d'accorder un permis d'aménagement, il faut répondre à trois critères. Si j'ai bien compris, ces critères sont les suivants: Toutes les solutions de rechange susceptibles de minimiser les conséquences négatives de l'activité ont été envisagées; toutes les mesures possibles seront prises afin de minimiser les conséquences négatives; et l'activité ne mettra pas en péril la survie ou le rétablissement de l'espèce. Si j'ai bien compris le projet de loi, ce sont les critères que votre ministère est prêt à utiliser à l'avenir lorsqu'une demande de permis sera présentée relativement à l'aménagement d'un parc?

M. Bruce Amos: Je crois comprendre que ces critères s'appliqueraient à Parcs Canada et à notre ministre des parcs nationaux, si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle. Il s'agit de l'une des mesures de renforcement du projet de loi relativement aux espèces inscrites et à leur habitat.

M. Joe Comartin: Très bien.

Le vice-président (M. Bob Mills): Monsieur Reed.

M. Julian Reed: Ma question s'adresse à n'importe lequel des témoins. Lorsque vous parlez des espèces en péril, voulez-vous parler des espèces qui sont mises en péril par les actions des êtres humains sur la terre, ou est-ce que cela inclut les espèces qui seraient perçues comme étant naturellement en déclin? Au cours des millénaires, les espèces sont apparues et sont reparties, ont été remplacées par d'autres, etc. Je me demande si vous avez...

M. John Davis: Cela comprend à la fois l'impact humain et les changements dans l'écosystème, ou le processus naturel également. C'est une combinaison de ces choses qui peut faire qu'une espèce est en péril. Comme nous le savons, de nombreuses espèces sont disparues dans le monde et il serait sans doute naïf de notre part de penser que nous pouvons entièrement prévenir la disparition de ces espèces. Mais si on prend chaque cas individuellement et qu'on examine les causes du problème, nous pouvons déterminer quelles ont été les conséquences des interventions humaines et voir s'il y a une façon d'améliorer la survie et le rétablissement de ces espèces, de leur donner le meilleur avantage possible en vue de rétablir et de maintenir la biodiversité. Il sera sans doute très difficile d'empêcher la disparition de certaines espèces, et ce serait sans doute aller contre l'ordre naturel des choses si nous pouvions réussir à le faire entièrement.

M. Julian Reed: Ma question supplémentaire est la suivante: les êtres humains font-ils partie de la nature?

M. John Davis: Oui, et les êtres humains compte parmi ce qui a le plus d'impact sur la nature.

M. John Davis: La raison pour laquelle je pose la question, c'est que j'ai eu une confrontation avec une biologiste concernant l'impact d'un réservoir de retenue d'eau sur une rivière qui avait à peu près la taille d'un étang de castor. Je lui ai dit: «Si vous pensez que cela peut nuire à la qualité de l'eau, alors il nous faudra détruire toutes les digues de castor au pays». Elle a répondu: «Oh non, c'est différent, ces digues de castor ont été faites par la nature. Le réservoir de retenue sera construit par des êtres humains».

Le vice-président (M. Bob Mills): Merci. Monsieur Bigras.

[Français]

M. Bernard Bigras: Merci, monsieur le président.

J'aimerais aborder la question du dragage, plus particulièrement dans le fleuve Saint-Laurent. On sait que depuis 1960, le gouvernement fédéral procède à des opérations de dragage du fleuve Saint-Laurent, cela dans le but de faciliter la navigation de navires commerciaux. Inévitablement, ces opérations de dragage ont un impact non seulement sur la qualité de l'eau, mais aussi, je suppose, sur les habitats. Je pense que c'est assez évident.

Quelles seraient les conséquences du projet de loi C-5 sur les opérations de dragage faites par le gouvernement fédéral? Est-ce que vous avez analysé le lien entre les opérations de dragage et leurs conséquences sur l'habitat, et ce projet de loi?

• 1710

[Traduction]

M. John Davis: Je pense que ce que vous voulez dire, c'est que le dragage vise à rendre l'eau plus profonde pour les navires commerciaux, ce qui signifie que l'on dérange ou que l'on enlève une partie du fond marin ou du lit du fleuve.

Aux termes du projet de loi C-5, si cette activité se faisait à un endroit où il y avait une espèce en péril et que cela avait un impact sur l'espèce, il faudrait examiner s'il est approprié ou non de mener ce genre d'activités et déterminer quel en serait l'impact réel.

Il ne fait aucun doute qu'il faudrait tenir compte de ce genre d'activités humaines si elles avaient un impact sur les espèces en péril.

Le vice-président (M. Bob Mills): Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll: Merci.

J'ai une dernière question à poser aujourd'hui au sujet de l'habitat essentiel.

Monsieur Amos, en réponse à une question précédente, je crois que vous avez mentionné que vous n'étiez pas à l'aise de recommander un amendement à cet égard. Je ne serais certainement pas à l'aise non plus si j'étais à votre place.

Ce que certains d'entre nous tentent de faire comprendre, c'est que nous sommes déçus d'avoir été mis dans cette position, car nous constatons que deux ministères ont été habilités par cette loi et doivent l'administrer en tenant compte de l'habitat essentiel et des exigences obligatoires à cet égard. Nous sommes désolés que l'intervention de vos deux ministères ne se soit pas traduite par cette même priorité dans le projet de loi à l'étude. Alors je vous en prie, ne croyez pas que nous vous demandons d'apporter un amendement.

Et oui, monsieur Davis, je comprends tout à fait, ayant grandi au bord de l'océan, qu'il n'est pas facile pour vous d'appliquer des définitions, même pour ce qui constitue les eaux internationales. Mais le bon sens doit certainement prévaloir dans votre ministère. Avec un peu de bon sens, vous pouvez décider ce que vous pouvez protéger et là où vous ne pouvez pas le faire, parce que vous n'en avez pas les moyens financiers ou la compétence au niveau territorial.

Enfin, je veux tenter d'obtenir une réponse à cette dernière question, car monsieur Amos, j'ai eu de la difficulté avec votre réponse sur les permis d'exemption. C'est quelque chose qu'on a mentionné avant-hier au cours d'un témoignage et nous n'avons pas eu l'occasion d'en parler. Corrigez-moi si je fais erreur, mais je pense que vous avez répondu à M. Comartin en disant que vous pensez que Parcs Canada n'avait pas de problème avec ces trois critères. En fait, je pense que vous avez dit que Parcs Canada vous aiderait. Je ne crois pas que ce soit le cas, car je pense qu'il y a vraiment une impasse dans la LEP concernant les permis d'exemption. Je vais m'expliquer.

Je pense que c'est une impasse et je vais vous dire pourquoi. Je pense que la question disait que l'article 74 stipule que le ministre compétent peut délivrer un permis d'exemption permettant à une personne de mener une activité touchant une espèce en voie de disparition ou un élément de son habitat essentiel seulement lorsque l'on a satisfait aux trois critères suivants: premièrement, toutes les solutions de rechange susceptibles de minimiser les conséquences négatives ont été envisagées; deuxièmement, toutes les mesures possibles seront prises afin de minimiser les conséquences négatives; et troisièmement, l'activité ne mettra pas en péril la survie ou le rétablissement de l'espèce. Ces trois critères exigent une attention supplémentaire lorsqu'il s'agit d'espèces en péril qui va au-delà des exigences habituelles de la Loi sur les pêches ou d'autres lois fédérales.

J'aurais posé la question à vous deux, mais M. Comartin vous l'a posée à vous. Mon problème, c'est que, si j'ai bien compris, aux termes de la LEP, les ministères fédéraux ne seront pas tenus d'appliquer ces trois critères lorsqu'ils délivreront des permis en vertu d'autres lois fédéraux pour autoriser des activités touchant l'habitat des espèces en voie de disparition. Étant donné que les trois critères prévus dans la LEP ne s'appliquent que lorsqu'on doit obtenir un permis d'exemption aux termes de la loi, mais que la loi ne rend pas obligatoire la protection de l'habitat, il ne sera jamais nécessaire de demander un permis d'exemption aux termes de la LEP. Il ne sera donc jamais nécessaire d'appliquer les trois critères.

Je sais que c'est complexe, mais ce que nous voulons dire, c'est que s'il n'y a aucune raison qui justifie le déclenchement de ces dispositions, cela équivaut à une impasse.

Monsieur Powles, aidez-moi.

M. Howard Powles: Puis-je ajouter quelque chose?

Ces trois critères, si vous considérez le paragraphe 74(2), ne s'appliquent qu'aux permis délivrés pour trois types d'activités précises: des recherches scientifiques sur la conservation des espèces, les activités qui profitent à l'espèce ou des activités qui ne touchent l'espèce que de façon incidente. Un permis ne pourra donc être délivré que pour ces trois catégories d'activités.

• 1715

Mme Aileen Carroll: Uniquement dans ces trois cas?

M. Howard Powles: Oui, c'est ainsi que nous interprétons le projet de loi. L'espèce serait touchée de façon incidente en cas de projet de mise en valeur d'hydrocarbures ou d'une autre activité qui fait indirectement du tort à une espèce en voie de disparition, et dans ce cas on pourrait délivrer un permis en appliquant ces trois critères.

Mme Aileen Carroll: Et d'autres ministères fédéraux auraient des obligations?

M. Howard Powles: Nous sommes tenus de respecter les dispositions de cet article, cela ne fait aucun doute. Il existe des catégories d'activités très strictes pour lesquelles on pourra autoriser...

Mme Aileen Carroll: Cela déclenchera l'application de cette disposition.

M. Howard Powles: ...des mesures pouvant nuire à une espèce en voie de disparition.

Mme Aileen Carroll: Merci.

Ce serait la même chose à Parcs Canada?

M. Bruce Amos: Désolé, je n'ai pas bien compris ce qui vous préoccupe.

Mme Aileen Carroll: En réalité, je ne vous aurais pas posé la question; en toute franchise, je me serais adressée à Pêches et Océans. C'est le fait que vous ayez répondu à une question au sujet d'une préoccupation semblable qui a créé chez moi cette confusion. Je pense que je n'ai plus de temps, et je ne veux pas vous mettre sur la sellette.

M. Bruce Amos: J'ajoute que l'article 75 porte précisément sur les accords ou permis conclus ou délivrés par un ministre compétent en application d'une autre loi fédérale. C'est peut-être mon interprétation, à savoir que l'alinéa 75a) prévoit clairement que les exigences des paragraphes 74(2) et 74(16) doivent être remplies, ce qui inclut les buts, conditions préalables et conditions régissant l'activité en question.

D'après nous, donc, cela s'appliquera également à tout accord ou permis conclu ou délivré par mon ministre aux termes de notre loi qui touche une espèce inscrite ou son habitat essentiel. C'est mon interprétation de cette disposition, mais compte tenu de votre question, je vais me repencher sur la question avec notre conseiller juridique pour m'assurer que nous comprenons...

Mme Aileen Carroll: Je ferai de même.

Merci, monsieur le président.

Le vice-président (M. Bob Mills): Si vous pouviez fournir ce renseignement au comité, ce serait formidable.

Madame Karen Kraft Sloan.

Mme Aileen Carroll: J'ai horreur de devoir consulter continuellement les avocats.

Mme Karen Kraft Sloan: Merci beaucoup.

J'examine le paragraphe 27(1) du projet de loi. Il porte sur la liste des espèces en péril établie par le gouverneur en conseil. Si le COSEPAC présente un rapport, le gouverneur en conseil doit-il dans des délais précis déclarer qu'il va suivre le conseil du COSEPAC concernant l'inscription d'une espèce sur cette liste? L'avis doit-il être donné dans un délai précis?

M. Howard Powles: Non, il n'y a pas de délai précis pour tenir compte de cette recommandation et la concrétiser dans un règlement.

Mme Karen Kraft Sloan: Et si le gouverneur en conseil décide de ne pas suivre cette recommandation et de l'inclure dans le règlement? Il n'y a pas non plus de délai dans ce cas, si la réponse est négative.

Ce que l'on a dit et répété à maintes reprises, c'est que le COSEPAC se chargera de l'établissement de la liste scientifique et ensuite, si le cabinet décide de ne pas inscrire une espèce, cela soulèvera un tollé dans le pays et une véritable levée de boucliers de la part de la population, de sorte que le cabinet sera obligé de prendre la mesure qui s'impose—c'est ce qu'on appelle le mécanisme de reddition de comptes. À mon avis, ce mécanisme n'existe pas si aucun délai n'est prévu, si l'on ne prévoit pas de délai raisonnable au bout duquel le cabinet doit répondre à la recommandation du COSEPAC concernant l'inscription d'une espèce.

Par ailleurs, j'aimerais revenir à ce qu'a déclaré plus tôt un des témoins. M. Green, qui dirige le COSEPAC, a soulevé la question des pressions politiques exercées à l'égard des scientifiques membres du COSEPAC en ce qui a trait à l'établissement de la liste.

Près de 600 scientifiques de tout le pays ont signé une lettre disant qu'ils souhaitent l'établissement d'une liste scientifique. J'étais secrétaire parlementaire lors de l'étude du projet de loi précédent, et je sais à quel point les scientifiques de tout le pays ont insisté sur cette question. En fait, j'ai même reçu une lettre d'eux, émanant de l'ancien directeur de la Société royale, M. David Shindler, un éminent écologiste du Canada de renommée internationale. Ils veulent que la liste soit établie par les scientifiques.

À mon avis, pour en revenir à ce que nous disions plus tôt, s'il y a effectivement une importante levée de boucliers de la part du public, leurs décisions sont importantes et ils feront indirectement l'objet de manipulations politiques également. Tout cela n'a pas l'air très logique.

• 1720

Je sais que M. Green dirige le COSEPAC, mais je ne pense pas qu'il soit nécessairement le porte-parole des scientifiques qui se penchent sur ces questions dans tout le pays.

M. John Davis: C'est une remarque intéressante, et l'avenir nous dira comment les choses vont évoluer.

Étant donné la grande visibilité de ce projet de loi, il serait difficile au gouvernement de ne pas tenir compte d'une question pendant longtemps. Il y aura sans doute d'importantes activités de lobbying, et comme vous le dites, elles seront le fait des scientifiques, des groupes environnementaux et d'autres intervenants qui souhaitent qu'on prenne les mesures qui s'imposent pour protéger les espèces.

Mme Karen Kraft Sloan: Le problème, c'est que lorsqu'on parle d'un grizzli, les gens vont être prêts à mener une campagne, mais s'il s'agit d'une espèce dont le nom compte 25 syllabes et est imprononçable, qui vit dans la terre sous un paquet de feuilles, et n'a pas l'air très affectueuse—non que les grizzlis soient affectueux, mais ils sont extrêmement visibles; ce sont de grosses bêtes à fourrure. Il est facile de mener des campagnes pour leur défense, mais il existe d'autres espèces vraiment importantes que les gens connaissent moins bien. Cela pose donc un problème.

Où est le mécanisme de reddition de comptes? Comment déclencher une initiative de la part du gouverneur en conseil? Comment faire participer le grand public à ce débat? Les hauts fonctionnaires nous ont donné l'assurance à maintes reprises qu'il y a eu d'intensives consultations publiques du début à la fin du processus qui a mené à ce projet de loi.

M. John Davis: Vous signalez quelque chose d'important, et c'est en rapport avec la sensibilisation des gens à l'importance de toutes les espèces et à la biodiversité. Comme vous le dites, les gens ont peut-être une attitude différente à l'égard d'un ver de terre ou d'un escargot, ou de ce genre de bête, par rapport à une loutre ou un grizzli, des espèces qui sont visibles.

Mme Karen Kraft Sloan: Mais qui doit se charger de cette sensibilisation? Si le gouvernement n'envisage pas d'établir la liste, le cabinet va-t-il, selon vous, tirer la sonnette d'alarme pour signaler cette lacune?

Le gouvernement ne va pas assumer cette responsabilité et nous allons désormais donner de plus en plus de responsabilités aux simples particuliers, qui sont déjà extrêmement occupés, et qui devront se tenir au courant de ces questions des plus complexes, ainsi qu'aux ONG, dont les ressources sont déjà mises à rude épreuve. Le gouvernement ne va pas éduquer la population au sujet de ces questions si c'est lui qui a l'obligation d'en rendre compte. Cela ne paraît pas logique.

Êtes-vous d'accord ou non?

M. John Davis: Le projet de loi nous permet de sensibiliser les gens à ces questions, et j'aimerais croire que, avec le temps, les Canadiens seront de plus en plus conscients de l'importance de cette question. Le gouvernement n'est pas le seul responsable, tout le monde a un rôle à jouer dans ce genre de questions.

Mme Karen Kraft Sloan: Tout à fait, mais il faut que ce soit compréhensible, et cela risque de créer une sorte de syndrome de la boîte bleue, si nous disons qu'il y a des espèces en voie de disparition, pour que les Canadiens puissent s'endormir le soir convaincus que ces espèces vont être protégées.

C'est un peu comme la boîte bleue. On met ses ordures dans la boîte bleue, et le problème est réglé; nous avons résolu la crise environnementale dans notre pays. En fait, c'est loin d'être le cas.

Le vice-président (M. Bob Mills): J'aimerais donner maintenant la parole à M. Labiberte.

M. Rick Laliberte: Pour en revenir à Parcs Canada, vous avez déclaré que la protection de tous les habitats et de toutes les espèces est obligatoire dans un parc national. C'est bien cela?

M. Bruce Amos: C'est au coeur de la Loi sur les parcs nationaux.

M. Rick Laliberte: En tant que Canadiens, lorsque vous nous offrez 39 parcs nationaux et trois zones de conservation maritime, quel est l'objectif national de nos parcs nationaux? À l'heure actuelle, ces derniers représentent 2 p. 100 de la superficie du Canada. Quel est l'objectif?

M. Bruce Amos: Pour le réseau des parcs nationaux, notre objectif est d'en avoir un dans toutes les régions naturelles ou les principaux écosystèmes du pays. Dans notre cas, nous estimons qu'il y a 39 régions naturelles distinctes: Les terres basses de la Baie d'Hudson, les Rocheuses et d'autres. Notre objectif est d'avoir une bonne représentation de toutes ces régions dans le réseau des parcs nationaux du Canada, non pas pour protéger tous les paysages mais pour prendre un bon échantillon représentatif des régions qui donnent un caractère distinct au Canada et de les protéger, aux termes de la Loi sur les parcs nationaux, dans l'intérêt des générations futures.

• 1725

C'est pourquoi les initiatives gouvernementales visant à créer de nouveaux parcs se concentrent sur les régions naturelles du pays où il n'y a pas encore de parc national, et nous collaborons à cette fin avec des partenaires, les provinces, les territoires et les peuples autochtones notamment, afin de créer de nouveaux parcs nationaux dans ces régions. Voilà notre objectif à long terme.

M. Rick Laliberte: Ne pourrait-on pas dire également: «Pour garantir l'intégrité écologique pour les générations actuelles et futures», ce qui représente un objectif important, mais la LEP vise le même objectif? La protection de notre biodiversité est une question d'intérêt national. Si l'on parle d'objectifs, est-ce que vous visez 10 p. 100 de la superficie du Canada, ou 8 p. 100? Quel est cet objectif en pourcentage? C'est ma question.

M. Bruce Amos: Le gouvernement du Canada ne s'est pas fixé d'objectif exprimé en pourcentage précis pour la réalisation du réseau de parcs nationaux. Notre objectif, c'est d'avoir une bonne représentation des diverses régions et de protéger l'intégrité écologique dans ces endroits.

Quel résultat cela aura-t-il? Cela pourrait être de l'ordre de 3 p. 100 environ lorsque le réseau des parcs nationaux sera complet. À notre avis, protéger notre biodiversité, ce n'est pas se fixer un pourcentage en superficie, mais plutôt se demander si l'on a choisi les bons endroits ou si ces derniers sont protégés de manière efficace.

M. Rick Laliberte: Mais nous, Canadiens, ne pourrions-nous pas utiliser les parcs nationaux comme un des moyens de protéger nos espèces nationales...

M. Bruce Amos: Si, tout à fait.

M. Rick Laliberte: ...si nous procédons convenablement, de façon opportune, et si l'on convainc le service des parcs qui relève de Patrimoine Canada de collaborer avec Environnement Canada et le MPO pour examiner un plan national d'attribution des parcs nationaux dans le pays pour nous assurer que les espèces en péril font partie de vos objectifs?

M. Bruce Amos: Vous avez tout à fait raison. Lorsque j'utilise l'expression générale «représentatif de la région naturelle», l'un des principaux facteurs pris en compte lorsqu'on envisage de créer un futur parc... Il y a d'une part la représentation et notre capacité de protéger l'intégrité écologique, mais d'autre part, les espèces en péril et le besoin de les protéger sont aussi d'importants facteurs à prendre en ligne de compte avant de choisir l'emplacement d'un parc et d'établir ses limites.

M. Rick Laliberte: Comprenez, par opposition à un simple secteur protégé dans certaines régions du pays, il y a des économies qui existent. Si l'on passe d'une économie axée sur le commerce ou l'industrie, il sera peut-être plus possible de créer et de justifier une économie fondée sur le tourisme ou sur un parc. Toutefois, ce sera également très utile pour la biodiversité et pour la protection des espèces. La présence d'un parc national dans la région pourra contribuer fortement à la protection des espèces.

M. Bruce Amos: Vous avez tout à fait raison. C'est pourquoi le projet de loi stipule que notre ministre est l'un des ministres compétents. De toute évidence, nous pouvons jouer un rôle important, plus important que par le passé, pour protéger les espèces en péril du Canada, de concert avec d'autres ministères et d'autres ordres de gouvernement.

M. Rick Laliberte: L'un des mots clés lié à la protection de l'habitat et des espèces dans un parc, c'est «obligatoire», et nous avons essayé de vous convaincre que ce caractère obligatoire est essentiel. Cela donne plus poids aux espèces en péril.

Le vice-président (M. Bob Mills): J'aimerais poser une brève question.

Monsieur Davis, je crois avoir rencontré le même biologiste que M. Reed...

Des voix: Oh, oh!

Le vice-président (M. Bob Mills): ...et sur le même cous d'eau.

La communication et la collaboration sont essentielles. Nous le disons à maintes reprises dans le projet de loi et le ministre l'a déclaré dans son discours. Certains membres du comité l'ont dit également. J'en reviens à mon histoire de rivière et de pont. Il faut un bon programme de communication. Les Canadiens craignent que ce genre de texte de loi n'influe sur leurs moyens de subsistance, leur mode de vie, et ils sont très inquiets.

Le programme de sensibilisation, dont ont parlé les représentants de Parcs Canada et du MPO, ainsi que l'importance de la consultation pour ne pas imposer aux gens des décisions toutes faites, tout cela n'a rien de nouveau et vous l'avez déclaré.

Nous en revenons alors à toute la question de savoir si, quand tout cela sera pris en ligne de compte, il faudra quand même dédommager les gens si leurs moyens d'existence sont remis en question.

J'aimerais savoir, monsieur Davis, si vous avez des exemples concrets de ce genre de chose et comment un projet de loi comme celui-ci pourrait, selon vous, prévoir une indemnisation.

M. John Davis: Pour savoir comment cela fonctionne... L'indemnisation du point de vue des pêches est un peu difficile pour nous dans la mesure où nous venons à peine de recevoir le rapport de M. Pearse, et toute cette question est à l'étude. Nous avons essayé d'envisager comment, du point de vue des pêches, on pourrait déclencher ce mécanisme. Il est possible que si une concession forestière est touchée par un habitat essentiel associé à la production du saumon ou quelque chose du même genre, le problème puisse se poser.

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Je ne pense pas que cela pose un gros problème au ministère pour ce qui est des mesures de compensation qu'il aura à offrir. Nous ne dédommageons pas les gens lorsque nous ouvrons et fermons des pêcheries. Toutes nos décisions de gestion influent sur les moyens d'existence des gens. Nous ne pensons pas non plus que les mesures que nous avons prises dans les zones maritimes ou d'eau douce puissent entraîner une indemnité. À mon avis, il s'agit simplement de voir dans quelle mesure la question de l'habitat essentiel s'applique à nous et aux activités que nous gérons, et dans certains cas très précis.

Le vice-président (M. Bob Mills): Et pourtant dans mon exemple au sujet du pont, cela influait vraiment sur le gagne-pain des gens. Cet hiver-là, 50 personnes n'ont pas pu travailler parce que le pont était inutilisable, parce que le poisson n'avait pas assez de lumière pendant l'hiver. C'est contre ce genre d'événement imprévisible que nous nous battons et la réussite de ce projet de loi... Nous souhaitons tous qu'il donne des résultats, mais c'est contre ce genre de chose que nous nous battons et tous les ministères fédéraux doivent bien le comprendre et l'accepter. C'est pourquoi je pense qu'il faut dire et répéter à maintes reprises, dans le projet de loi, que la collaboration et la consultation sont d'une importance cruciale.

Je ne sais pas si quelqu'un d'autre a une question à poser, mais je tiens à remercier nos témoins de leur présence. N'hésitez pas à rester en contact avec nous et avec d'autres députés. Je vous remercie.

La séance est levée.

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