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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 26 avril 2001

• 0910

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte, et je souhaite la bienvenue à tous les gens ici présents ce matin.

Comme vous le savez, nous étudions le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces.

Nous recevons aujourd'hui de distingués témoins qui viennent de diverses provinces du pays. Nous accueillons en effet des représentants des gouvernements du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve et du Labrador, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard.

Comme vous le savez, vous avez une dizaine de minutes pour faire une déclaration. Nous vous poserons ensuite des questions. Évidemment, nous pouvons vous accorder un peu plus de temps si nécessaire.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à l'honorable Norman Betts, ministre des Finances du Nouveau-Brunswick; à l'honorable Joan Marie Aylward, ministre des Finances de Terre-Neuve et du Labrador; à William Hogg, sous-ministre en Nouvelle-Écosse; et à l'honorable Patricia Mella, trésorière de l'Île-du-Prince-Édouard. Bienvenue à tous.

Nous allons commencer par M. Betts. La parole est à vous.

L'hon. Norman Betts (ministre des Finances, gouvernement du Nouveau-Brunswick): Monsieur le président, nous avons prévu prendre la parole selon un autre ordre, si vous n'avez pas d'objection.

Le président: Je suis très souple, comme le gouvernement fédéral. C'est d'accord.

L'hon. Joan Marie Aylward (ministre des Finances, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador): Je vais commencer. J'aimerais vous présenter mon sous-ministre adjoint, Terry Paddon.

Nous avons discuté de nos déclarations et prévu l'ordre dans lequel nous allions les faire. Nous avons pensé qu'il vaudrait peut-être mieux que vous attendiez que nous ayons tous pris la parole avant de poser des questions. Vous entendrez ainsi tout ce que nous avons à dire, ce qui favorisera la discussion.

Le président: Très bien. Allez-y.

Mme Joan Marie Aylward: Merci beaucoup.

Je vous remercie de me donner l'occasion de présenter aujourd'hui devant votre comité le point de vue du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador sur le projet de loi C-18, qui doit modifier le plafond prévu aux termes du programme des paiements de péréquation. Étant donné que mes collègues des autres provinces de l'Atlantique soumettent suffisamment de chiffres, je me propose de parler en termes plus généraux de la façon dont le gouvernement et la province que je représente envisagent la question du plafond.

Pour le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, il y a deux questions primordiales à considérer dans la question du plafond des paiements de péréquation: premièrement, la question de savoir si un plafond est vraiment nécessaire et, deuxièmement, si un plafond est imposé, il faut s'assurer qu'il est équitable et raisonnable.

Sur le premier point, je tiens à dire, pour mémoire, que la province est fondamentalement opposée à l'imposition d'un plafond et croit qu'il devrait être éliminé du programme. C'est ce que nous pensons depuis longtemps, et cette opinion est partagée par les autres provinces bénéficiaires des paiements de péréquation. Les provinces concernées étaient de cet avis en 1982, quand le plafond a été imposé pour la première fois et encore en 1999, date du dernier renouvellement du programme.

Depuis 1999, les ministres des Finances de l'Ouest, ceux de l'Atlantique, le groupe des ministres des provinces bénéficiaires, les ministres des Finances des provinces et territoires ainsi que les premiers ministres provinciaux ont tous demandé l'élimination immédiate et permanente du plafond. Jusqu'à présent, le gouvernement fédéral n'a pas répondu à ces demandes.

Cette situation oblige les provinces concernées à se rabattre sur le deuxième point, à savoir faire tout ce qui est nécessaire pour s'assurer que le plafond imposé par le gouvernement fédéral est équitable et raisonnable.

Soyons clairs. Le plafond imposé en 1999 ou celui qui est prévu dans le projet de loi C-18 n'a pas l'appui du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador. Le plafond ne devrait pas être un mécanisme dont le gouvernement fédéral se sert pour restreindre et supprimer la croissance normale du programme, et c'est malheureusement ce qu'il est devenu dans sa dernière version.

Je vais rapidement rappeler comment les paiements de péréquation sont déterminés et comment nous concevons le lien entre eux et le plafond. La norme qui sert à calculer les paiements des provinces concernées est, simplement, la moyenne des revenus des gouvernements qui pourraient être générés par cinq provinces. La performance des revenus potentiels de ces cinq provinces représente, pour le gouvernement fédéral, la moyenne de la capacité de générer des revenus de toutes les provinces. Une fois la norme déterminée, les provinces dont la capacité de générer des revenus est inférieure à la moyenne reçoivent des paiements de péréquation pour les élever à la norme. Mais je suis sûre que le comité est au courant.

• 0915

Il importe de remarquer que l'Alberta est exclue de la norme actuelle, ce qui signifie que les revenus lucratifs du pétrole, même s'ils sont parfois volatils, sont au coeur de la force fiscale de cette province et ils sont exclus de l'équation servant à déterminer la norme. La province la plus riche, capable de se payer les meilleurs services publics et de percevoir les taxes les plus faibles, n'a qu'un impact minime sur les paiements de péréquation des provinces bénéficiaires.

L'objectif de la péréquation, tel qu'il est énoncé dans la Constitution, est de garantir que toutes les provinces ont des revenus suffisants pour maintenir des services publics de niveaux raisonnablement comparables et des régimes fiscaux raisonnablement comparables. On ne peut atteindre cet objectif que si les provinces concernées reçoivent, de façon continue, des revenus qui correspondent à la norme. Les provinces bénéficiaires diraient que la norme actuelle des cinq provinces n'est pas suffisante pour atteindre cet objectif, mais c'est une question dont il faudra débattre une autre fois. Il est évident que si les bénéficiaires doivent avoir des services et des régimes fiscaux raisonnablement comparables, ils ne peuvent pas y arriver sans avoir des niveaux de revenus raisonnablement comparables, et c'est à cela que le programme de péréquation doit servir.

En réalité, le plafond sert d'abord à vérifier le niveau annuel des transferts déterminé par la norme, qui représente, selon la définition fédérale, une moyenne juste du potentiel de génération de revenus des provinces conformément à l'obligation constitutionnelle. Ensuite, on évalue arbitrairement si ce niveau est trop élevé pour le gouvernement fédéral.

Ce plafond, s'il sert à réduire le niveau des transferts, fait en sorte que les provinces reçoivent des montants inférieurs à la norme et donc, par définition, elles se retrouvent dans une situation où elles sont incapables de maintenir des services raisonnablement comparables dans un régime fiscal raisonnablement comparable. Plus le plafond limite la croissance du programme, plus les niveaux des services et des régimes fiscaux sont en péril dans les provinces concernées.

Lorsque le niveau de la norme augmente et fait augmenter les transferts de péréquation, on note en général dans les provinces une forte expansion de l'assiette fiscale et la croissance des revenus. Si les revenus des provinces augmentent fortement, on remarque presque toujours que c'est en réponse à une économie nationale forte et, en retour, on peut constater une forte croissance des revenus fédéraux, ce qui fournit au gouvernement fédéral les ressources financières nécessaires à la croissance des transferts de péréquation. Il y a donc une réelle possibilité qu'un plafond restrictif, tel que celui qui a été imposé en 1999, pourrait faire baisser les paiements de péréquation durant une période de forte croissance des revenus du gouvernement fédéral et renvoyer une part des revenus du programme de péréquation dans un surplus fédéral déjà bien nanti. Ce qui signifie que les provinces les plus pauvres sont privées de ces revenus et peuvent devoir envisager la réduction des services et l'augmentation des impôts, alors que le surplus du gouvernement fédéral augmente. Notre province récipiendaire refuse d'accepter que cette mesure est appropriée dans la perspective du développement national et du fédéralisme fiscal coopératif.

Comme nous l'avons déjà dit, notre objectif, si nous ne réussissons pas à convaincre le gouvernement fédéral d'éliminer le plafond, est de nous assurer que le plafond imposé est équitable et raisonnable. Mes collègues de la région atlantique et moi-même venons aujourd'hui vous dire que le plafond, même modifié par le projet de loi C-18, n'est pas équitable et raisonnable et, de plus, à mon avis, il établit un précédent assez négatif pour l'avenir du programme de péréquation. On doit se demander comment définir équitable et raisonnable alors que le gouvernement fédéral insiste pour maintenir ce plafond.

Dans le cadre de cette discussion, il faut rappeler que l'objectif du programme de péréquation est d'abord d'aider les provinces les moins nanties à maintenir des normes canadiennes acceptables de services publics. Cet objectif devrait l'emporter, dans l'établissement des taux de transferts, sur la question de savoir si le gouvernement fédéral peut se permettre ces dépenses. S'il y a une préoccupation légitime que le gouvernement fédéral peut avoir à l'égard de la nature sans limite de la péréquation, c'est qu'il faudrait établir des mesures de protection contre les augmentations élevées et imprévisibles des transferts, de manière à ne pas déstabiliser la planification fiscale fédérale de façon inacceptable. Ce serait conforme aux déclarations du gouvernement fédéral sur la nécessité d'avoir un mécanisme de plafonnement.

Le gouvernement fédéral a plusieurs fois expliqué la raison d'être du plafond. Je cite l'extrait de la lettre adressée par un ancien ministre fédéral des Finances à un de mes prédécesseurs:

    [...] le but du plafond était de protéger le gouvernement fédéral contre une augmentation trop rapide des transferts de péréquation.

• 0920

Cette explication est reprise dans d'autres documents fédéraux au sujet de la péréquation. Par exemple, et je cite:

    Le plafond est important car il sert à protéger le gouvernement fédéral d'augmentations importantes et imprévues dans les coûts du programme.

Si l'on revient à 1982, quand le plafond a été imposé pour la première fois, c'était à la suite d'une période d'instabilité quand la crise du pétrole des années 70 avait créé un environnement où l'augmentation importante et imprévue et les augmentations imprévues dans les coûts du programme présentaient des risques réels. Ce risque avait été largement éliminé en 1982, quand le gouvernement fédéral a changé la norme du programme qui est passée de 10 provinces à la norme actuelle de cinq provinces, de manière à en retrancher l'Alberta et ses pétrodollars. Une grande partie de l'instabilité, de l'imprévisibilité et du risque associés aux paiements de péréquation peut être attribuée aux revenus tirés des ressources naturelles qui, de par leur nature, sont dictés par le marché et peuvent donc changer rapidement et sensiblement.

Le facteur de risque associé au revenu tiré des ressources naturelles étant en grande partie éliminé du programme, tout ce qui pourrait représenter un risque pour le gouvernement fédéral, en ce qui concerne l'augmentation des paiements, est simplement fonction du potentiel de production de revenus des provinces servant de norme et des provinces bénéficiaires. La seule chose qui pourrait créer une croissance trop rapide serait une croissance trop rapide de l'économie—un boom économique—ou une montée en flèche des taux d'imposition des provinces, surtout des provinces riches où la population est plus nombreuse, car le calcul des paiements de tranfert s'effectue en fonction du nombre d'habitants.

Voyons un peu ce qui arriverait dans ces deux scénarios.

Pour être honnête, je n'ai guère de sympathie pour le gouvernement fédéral si l'augmentation rapide des transferts de péréquation est provoquée par une croissance économique rapide au pays. Je cite à nouveau un document fédéral:

    [...] les revenus fédéraux, qui financent les transferts de péréquation, ont tendance à croître à un taux semblable à celui du PNB [...]

En d'autres mots, les transferts peuvent augmenter rapidement quand la performance économique est forte, mais les revenus du fédéral croissent au même rythme, de sorte que le gouvernement fédéral ne risque pas d'avoir une crise fiscale sur les bras. Dans un pareil contexte, il semblerait que la nécessité de protéger le gouvernement fédéral contre des augmentations importantes et imprévues des coûts du programme doive être remise en question et qu'elle ne soit pas vraiment pertinente.

En théorie, les paiements pourraient aussi croître rapidement si les impôts étaient sensiblement augmentés, surtout dans les provinces les plus peuplées qui servent de norme. Le revenu fédéral n'augmenterait pas aussi vite, mais le relèvement de la norme pourrait faire augmenter les transferts de péréquation. Une telle éventualité est toutefois peu probable, car la mode est actuellement aux réductions d'impôts. En fait, au contraire, les réductions d'impôt dans les provinces riches, surtout de l'impôt sur le revenu des particuliers qui forme l'assiette fiscale de la péréquation, signifient une baisse des transferts aux provinces bénéficiaires.

Les déficits élevés auxquels ont dû faire face tous les gouvernements dans les années 80 et au début des années 90 ont fait progresser les taux d'imposition partout au pays, alors qu'aujourd'hui, c'est à qui, sur la scène nationale et internationale, a les impôts les plus bas. Plutôt que de monter en flèche, les taux d'imposition reculent constamment. Les principales provinces se font concurrence pour abaisser toujours plus le taux d'imposition. D'une certaine façon, cela a des conséquences fâcheuses sur les provinces les plus pauvres.

Même si toutes les provinces ont connu une solide croissance économique, certaines jouissent d'une plus grande latitude sur le plan fiscal et elles se sont servi de cette latitude pour abaisser leurs taxes, de sorte qu'il règne un climat fiscal très compétitif au Canada. Mais le Canada possède un système de péréquation limité qui tient compte des revenus des gouvernements, sans égard aux services requis, du côté des dépenses. Les paiements de péréquation versés aux provinces moins bien nanties sont donc affectés par la concurrence fiscale.

En particulier, les provinces bénéficiaires les plus pauvres sont obligées d'abaisser leurs taxes pour rester compétitives et attirer des investissements alors qu'elles sont incapables de faire face à la concurrence fiscale parce que les transferts de péréquation dictés par les impôts réduits des provinces plus riches éliminent une partie des ressources financières requises. Résultat, les provinces les plus pauvres sont moins capables d'attirer les investisseurs et, à la longue, la prise de décision économique sera faussée, ce qui pourrait creuser encore davantage le fossé entre les provinces riches et les provinces pauvres du Canada et, en fin de compte, affaiblir l'union économique.

Dans cette conjoncture, je refuse d'accepter l'argument fédéral selon lequel le plafond est un impératif fiscal. Je dirais même que c'est tout le contraire. À mon avis, le principal enjeu de la péréquation devrait être de déterminer si le programme répond adéquatement à son objectif constitutionnel. Dans l'avenir prévisible, il semble que le risque soit plus grand maintenant qu'il ne l'a été pendant longtemps que les provinces les plus pauvres ne puissent offrir des services publics comparables à des taux d'imposition comparables, avec toutes les conséquences négatives que cela pourrait avoir sur la fédération.

• 0925

Le plus regrettable, c'est qu'on aurait pu l'éviter en ayant un programme de péréquation qui fonctionne bien, qui donne des ressources fiscales adéquates aux provinces bénéficiaires en fonction de ce que prévoit la Constitution, tout en restant dans les limites des moyens du gouvernement fédéral. Il faut s'interroger au sujet de cette question de savoir si le fédéral peut payer le programme en rapport avec les plafonds.

Selon moi, la question de savoir si le fédéral peut payer est un concept relatif qui change avec le temps. Certainement, on se souvient tous d'un passé assez récent quand les déficits prenaient des proportions gigantesques et que les gouvernements fédéral et provinciaux étaient criblés de dettes. C'est dans ce genre d'environnement que le plafond a été introduit durant les années 80 et maintenu durant les années 90. Pour arriver à contrôler les déficits et les dettes, tous les gouvernements ont été obligés d'adopter des mesures fiscales impopulaires. Nous comprenions que, dans un tel contexte, il fallait déterminer combien d'argent on pouvait emprunter et jusqu'où il fallait augmenter les taxes pour payer les factures. Les mots d'ordre étaient alors les compressions ou contrôles budgétaires. Il était alors plus facile d'accepter le contrôle fédéral des coûts.

La situation a toutefois évolué et, en ce qui concerne le domaine fiscal, encore plus pour le gouvernement fédéral que pour les provinces. À la fin des années 90, le gouvernement fédéral a commencé à amasser des surplus fiscaux de plus en plus importants. Bien sûr, le gouvernement fédéral devait faire face à une dette accumulée importante, mais les provinces aussi. De plus, on réclamait des provinces, qui voient à l'exécution de la majorité des programmes sociaux du pays, qu'elles augmentent les dépenses pour compenser des années de restrictions dans les domaines de la santé, de l'éducation et d'autres services publics. La relance économique des dernières années a permis aux provinces de faire face à certaines dépenses, mais il en reste beaucoup, et pas seulement en santé—où rien ne laisse présager d'une amélioration dans l'avenir immédiat, particulièrement à la lumière du profil changeant de notre population et de son vieillissement.

Les provinces pourraient dire que le gouvernement fédéral n'a pas assumé sa part du financement des programmes sociaux qui sont si chers aux Canadiens et Canadiennes, qui en voient les effets sur le plan culturel. Je dirais même que la difficulté d'offrir des services publics raisonnablement comparables est en règle générale plus grande dans les provinces bénéficiaires. Donc, face aux goussets fédéraux bien garnis et au besoin très réel d'augmenter les dépenses provinciales pour assurer la prestation de services publics essentiels, nous avons une opinion très différente de celle du fédéral quant à sa capacité de financer le programme de péréquation.

De l'opinion du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador, si plafond il y a, il serait équitable et raisonnable dans la mesure où il offre au gouvernement fédéral un degré acceptable de protection contre des augmentations élevées et imprévues des transferts de péréquation seulement si celles-ci ne sont pas compensées par d'importantes augmentations dans les revenus fédéraux. Ces critères ne correspondent pas au plafond imposé au moment du renouvellement du programme en 1999 ni au plafond prévu dans le projet de loi C-18.

Le plafond qui sera instauré, même lorsque le projet de loi C-18 sera proclamé, pourrait restreindre la croissance normale du programme ainsi que la croissance qui serait plus ou moins équivalente à la compensation en croissance du revenu fédéral. Dans un scénario de croissance économique des plus modestes durant la période qui va jusqu'au renouvellement du programme, en 2004, il est possible que les transferts de péréquation atteignent constamment le plafond. Cette situation ne serait ni équitable, ni raisonnable pour les provinces bénéficiaires car la plupart d'entre elles arrivent difficilement à maintenir une situation fiscale responsable.

D'après moi, la situation est assez claire. Le plafond de 2000-2001 et après est fixé d'après une base largement inférieure aux transferts de 1999-2000. En partant d'un niveau bien inférieur aux transferts récents et en augmentant cette base selon le PIB pour établir le plafond, on ne protège pas le gouvernement fédéral, pour citer celui-ci «contre une croissance trop rapide dans les transferts de péréquation», ni «contre les augmentations importantes et imprévues des coûts du programme». Selon l'approche du gouvernement fédéral, et avec le projet de loi C-18, le plafond est destiné à empêcher la croissance normale du programme que le gouvernement a largement la capacité fiscale de financer. À cet égard, la dernière valeur du plafond ne correspond plus du tout à ce qu'il a été ces 20 dernières années. Je crains fortement que ceci établisse un précédent néfaste qui pourrait avoir des conséquences graves sur l'utilité future du programme, si c'est un indice de l'attitude générale du gouvernement fédéral envers la péréquation.

• 0930

Le plafond devrait pour le moins être recalculé sur une base plus réaliste pour que son application s'inscrive dans les paramètres des objectifs établis. Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador est d'avis que le point de départ minimum devrait être le montant total des transferts de 1999-2000. Et je vous fais remarquer que c'est vraiment un plafond minimum qui est beaucoup trop restrictif pour répondre aux objectifs fédéraux.

Pour terminer, je voudrais mentionner rapidement l'importance du programme de péréquation pour Terre-Neuve et le Labrador. On a beaucoup parlé récemment de l'importance d'accroître la contribution fédérale par l'entremise du TCSPS, l'autre programme de transfert, pour financer l'augmentation des coûts des soins de santé dans tout le pays, et ce besoin s'est fait ressentir cruellement. Mais cette année-ci, le TCSPS donnera à notre province environ 300 millions de dollars. Par comparaison avec notre système de santé, dont les frais d'exploitation s'élèveront à 1,4 milliard de dollars et avec notre système d'éducation, qui coûtera trois quarts de milliards de dollars, on peut voir combien il est important d'avoir un système de péréquation robuste et qui fonctionne convenablement.

C'est le système de péréquation, qui nous donne cette année, un milliard de dollars, qui permet de maintenir les services publics dans notre province, et nous devrons nous en contenter pendant quelque temps encore. Notre province a la chance d'avoir de nombreuses opportunités de développement des ressources qui stimulent le développement économique, mais même si tous les objectifs sont réalisés, la péréquation, selon le programme actuel, continuerait à former une composante importante de notre budget.

Au-delà de notre province, en tant que Canadienne, je crois qu'un système de péréquation approprié, qui transfère des fonds aux provinces bénéficiaires, leur permettant ainsi d'estomper les différences économiques et sociales dans tout le pays, est un élément clé du développement national et ne devrait pas être limité. La Constitution du Canada oblige le Parlement à effectuer des paiements de péréquation de façon à ce que les provinces établissent des niveaux de services publics raisonnablement comparables à un niveau d'imposition qui soit raisonnablement comparable. La Constitution impose au gouvernement fédéral le devoir de s'assurer que cette obligation envers la population du Canada est honorée et respectée. J'affirme devant les membres de ce comité que le plafond de péréquation, dans sa forme actuelle et tel qu'amendé par le projet de loi C-18, empêche le gouvernement fédéral de s'acquitter de cette obligation. De plus, la seule chose équitable et raisonnable à faire est de changer ce plafond, s'il ne peut pas être éliminé, de manière à protéger le gouvernement fédéral contre une «augmentation rapide et imprévue dans les coûts du programme», mais non contre la croissance normale du programme, même s'il faut pour cela augmenter largement les transferts, ce qui est normal si le programme vise pour le bien des Canadiens comme il est censé le faire.

Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné cette occasion de m'adresser à vous.

Le président: Je vous remercie, madame la ministre.

Nous laissons maintenant la parole à l'honorable Patricia Mella.

L'hon. Patricia J. Mella (trésorière, gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard): Merci, monsieur le président.

Mesdames et messieurs membres du Comité permanent des finances, M. Greg Selinger, du Manitoba, je suis heureuse de pouvoir participer aux discussions sur le projet de loi C-18, étant donné l'importance, pour le Canada, de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et, en particulier, l'importance de l'incidence de cette modification sur les provinces les moins prospères. Je suis également ravie de participer à cette initiative avec mes collègues de la Nouvelle-Écosse, de Terre-Neuve et du Nouveau-Brunswick. Nous avons discuté en détail de l'incidence du projet de loi C-18, tout comme nos premiers ministres provinciaux, et nous avons formulé de sérieuses préoccupations à l'égard du maintien du plafond que prévoit cette modification. Nos premiers ministres provinciaux ont fait part de leurs préoccupations dans une lettre adressée au premier ministre le 17 avril dernier.

Tout d'abord, je tiens à souligner que chaque gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard s'est opposé à l'imposition d'un plafond sur les paiements de péréquation depuis sa création, en 1982-1983. Nous soutenons encore que le plafond fixé est contraire aux principes du programme de péréquation prévu dans la Loi constitutionnelle. Les membres du comité devraient comprendre que le retrait temporaire du plafond en 1999-2000 prévu dans le projet de loi C-18 démontre clairement que ce plafond, tel qu'il est actuellement défini, a d'importantes répercussions sur les exercices financiers ultérieurs. Autrement, pourquoi l'avoir enlevé? Quelqu'un devait bien être convaincu qu'il avait un effet.

• 0935

Dans le cadre de l'accord conclu entre les premiers ministres le 11 septembre 2000, le projet de loi C-18 abolit le plafond sur les paiements de péréquation pour l'exercice 1999-2000. Il impose de nouveau le plafond sur les droits de péréquation pour les exercices suivant l'exercice 1999-2000, en se fondant sur le montant de 10 milliards de dollars qui est rajusté en fonction du PIB pour les années ultérieures. Il apparaît maintenant clairement que cela entraînera la plus importante diminution des droits de péréquation. Même si nous avons bien accueilli le retrait de l'incidence du plafond sur les droits de péréquation en 1999, l'imposition du plafond pour 2000-2001 et les exercices ultérieurs aura sans doute des répercussions draconiennes sur le programme avec les années.

Je vous invite à regarder le Tableau 1—je rappelle à ceux qui ont une copie de mes observations que ce tableau est à l'endos du document. Le tableau 1 présente le niveau du plafond original s'il avait été en vigueur en 1999-2000 et en 2000-2001, le nouveau plafond, qui montre l'incidence sur les droits de péréquation en 2000-2001 et le montant minimum nécessaire en 2000-2001 pour respecter l'engagement qu'a pris le premier ministre en septembre 2000 envers les premiers ministres des provinces. Le plafond de 1999-2000 est au centre de nos discussions puisque toutes les propositions fédérales qui y sont reliées permettent, à l'intérieur du programme, une croissance égale au taux du produit intérieur brut, à partir de cet exercice. Dans tous les cas, en 2000-2001, le plafond représente 8,4 p. 100, ce qui est le taux de croissance officiel du PIB en 2000, tel que déterminé par Statistique Canada.

Avant les modifications législatives qui ont été apportées au programme de péréquation, le plafond aurait atteint 11,13 milliards de dollars en 1999, ce qui aurait augmenté, avec la croissance du PIB, à 12,06 milliards de dollars. Avec le nouveau plafond prévu dans le projet de loi C-18, les droits de péréquation en 2000-2001 ne pourront pas dépasser 10,84 milliards de dollars.

En août 2000, tous les premiers ministres provinciaux ont affirmé que le plafond fixé pour la péréquation était inadéquat et qu'il devait être aboli, compte tenu des améliorations apportées au Transfert canadien en matière de santé et des programmes sociaux. Le 11 septembre 2000, le premier ministre Chrétien a rencontré les premiers ministres des provinces et des territoires à Ottawa pour résoudre les désaccords continus à l'égard des soins de santé et des paiements de péréquation. À cette réunion, le premier ministre a émis un communiqué dans lequel il a formulé l'engagement suivant envers les provinces.

    Le ministre des Finances examinera davantage cette question après avoir consulté les ministres provinciaux des Finances. Le premier ministre convient que les mesures nécessaires seront prises pour s'assurer qu'aucun plafond ne s'applique à l'exercice 1999-2000. Par la suite, la formule de péréquation établie s'appliquera, ce qui permettra au programme d'égaler le taux de croissance du PIB.

Ce sont les 12 derniers mots qui sont importants. Ils démontrent très clairement que le gouvernement fédéral s'engageait à abolir le plafond pour 1999, ce que fait le projet de loi. En outre, le premier ministre Chrétien avait également accepté que le ministre fédéral des Finances tienne des discussions sur cette question. Le projet de loi C-18 respecte le premier de ces engagements, et nous en sommes heureux.

La deuxième partie de ces engagements est sérieusement compromise, car le gouvernement fédéral maintient le plafond à 10 milliards de dollars. La plus récente prévision fédérale dans le cadre du programme de péréquation pour l'exercice 1999-2000 est déjà de 10,792 milliards de dollars. C'est l'estimation que le gouvernement fédéral a effectuée pour 1999-2000, et il veut abaisser le plafond à 10 milliards de dollars.

Comme il est indiqué dans le tableau 1, le programme doit pouvoir augmenter en 2000-2001 jusqu'à au moins 11,7 milliards de dollars en vue de permettre une croissance de 8,4 p. 100 du PIB. De toute évidence, cela est impossible si le plafond est fixé à 10,84 milliards de dollars, comme il est indiqué dans le projet de loi C-18. Il n'y aurait donc aucune croissance, non pas du PIB, mais aucune croissance dans le programme entre 1999-2000 et 2000-2001, ce qui, à mon avis, est contraire à l'engagement du premier ministre.

• 0940

En faisant passer le plafond de 12,6 milliards de dollars à 8,4 milliards de dollars, il baisse de plus d'un milliard de dollars par année, par rapport au niveau précédent. C'est la première fois qu'on voit une réduction aussi importante du plafond depuis la création du programme. Le nouveau plafond représentera seulement 1,04 p. 100 du PIB, ce qui est inférieur aux droits de péréquation ou au plafond qui ont été fixés depuis la création du programme.

Le tableau 2 montre les droits de péréquation et le plafond comme un pourcentage du PIB depuis 1982-1983. Avant les modifications législatives de 1999, le ministère fédéral des Finances sous-estimait sérieusement les niveaux des paiements de péréquation et, par conséquent, pensait qu'un plafond de 10 milliards de dollars pour 1999-2000 favoriserait la croissance normale dans le programme. Le ministère a également déterminé qu'un montant de 10 milliards de dollars serait assez élevé pour pouvoir adopter de nouvelles mesures techniques qui avaient été mises en place à ce moment-là. Les recalculs annuels des droits de péréquation ont produit une suite de paiements plus importante que le ministre fédéral des Finances ne l'avait prévue, surtout en raison de la forte croissance économique au Canada. Cette croissance a également eu une forte incidence sur les recettes fédérales. Ainsi, le nouveau plafond de 10 milliards de dollars est tout à fait insuffisant pour couvrir les paiements de la première année de la modification législative. La solution est d'abolir complètement le plafond ou de le recalculer à un niveau qui favorise le même taux de croissance que le PIB, comme le premier ministre s'est engagé à le faire.

Je présente au Comité des finances deux modifications possibles au projet de loi C-18. Premièrement, le paragraphe 4(9) de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces devrait être abrogé. C'est l'amendement que je préfère. La deuxième option serait de remplacer le renvoi au montant de 10 milliards de dollars à l'alinéa 4(9)b) par «la prévision finale pour 1999-2000».

La première modification éliminerait le plafond du programme. La deuxième modification permettrait au programme d'obtenir une croissance égale à celle du PIB. C'est ce que le premier ministre a affirmé qu'il ferait. De toute évidence, ce n'est pas la mesure que nous préférons, mais, à tout le moins, nous aimerions qu'elle soit appliquée.

Si le gouvernement fédéral acceptait les modifications proposées au projet de loi C-18, il montrerait à ma province qu'il respecte son engagement envers les principes du programme de péréquation. Je me préoccupe beaucoup, comme mes collègues l'ont indiqué, de l'incidence sur la qualité des services publics et sur la capacité d'avoir des taux d'imposition concurrentiels dans ma province si le plafond reste en place au cours des prochaines années. Les résidents de l'Île-du-Prince-Édouard ont droit au même niveau de soins de santé, d'éducation et d'infrastructure économique que les résidents des autres provinces. Les entrepreneurs de l'Île-du-Prince-Édouard doivent profiter des occasions dans les marchés internationaux et nationaux selon un principe d'égalité des chances.

Vous serez peut-être surpris d'apprendre que l'Île-du-Prince-Édouard a connu l'an dernier le meilleur taux provincial de croissance de l'emploi, démontré par le succès fondé sur l'exportation dans des industries de pointe comme le secteur aérospatial, le secteur de fabrication des métaux et les innovations biochimiques. Nous travaillons activement avec le secteur privé pour assurer le maintien de la croissance économique durable. Cependant, il y a croissance économique quand les entreprises de l'Île-du-Prince-Édouard peuvent accéder à des services sensiblement comparables à des taux d'imposition sensiblement comparables. La réussite du secteur privé nous permettra au fil du temps de dépendre de moins en moins du programme de péréquation. Cette dépendance est en train de diminuer. Nous devons offrir un système fiscal concurrentiel aux habitants de l'Île-du-Prince-Édouard.

• 0945

J'insiste beaucoup sur le rôle que le programme de péréquation joue pour réduire les disparités fiscales entre les provinces. Le rôle spécial du programme de péréquation est clairement indiqué dans la Constitution canadienne. Si le programme de péréquation n'existait pas, le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard pourrait, cette année, verser seulement 3 915 $ en services à chaque insulaire à partir de ses propres recettes, si le taux d'imposition national lui était imposé. Dans le cadre du programme de péréquation, le gouvernement fédéral fait passer ce montant à 5 766 $ pour chaque résident. Mais ce montant est inférieur à celui dont disposent les provinces les plus prospères.

L'écart fiscal entre les provinces sera encore plus grand quand le plafond s'appliquera. La stabilisation qui caractérise le programme de péréquation actuel est importante. En 2000-2001, les transferts de péréquation de 269 millions de dollars à l'Île-du-Prince-Édouard ont représenté 28 p. 100 de l'ensemble des transferts à la province. Les paiements de péréquation correspondent approximativement à nos dépenses combinées dans les secteurs de l'éducation et des transports dans n'importe quelle année. Selon des estimations prudentes, mon ministère a calculé que les dispositions du projet de loi C-18 réduiront les droits de péréquation à l'Île-du-Prince-Édouard de 9 millions de dollars pour l'année à venir.

L'accroissement des disparités fiscales aura de réelles conséquences négatives sur la concurrence et l'équité au sein de la fédération. Dans un document conjoint publié à la conférence annuelle des premiers ministres, tous les premiers ministres étaient d'avis que la péréquation permettrait d'améliorer le rendement économique des pays en s'assurant que les entreprises d'un bout à l'autre du pays puissent faire concurrence dans les marchés intérieurs et internationaux sans avoir à déménager pour profiter des taux d'imposition les plus bas.

J'aimerais souligner le travail de l'un des éminents économistes du Canada, le professeur Robin Broadway de l'université Queen's, qui documente depuis plusieurs années l'inefficacité économique qui résulte du déménagement de résidents simplement pour profiter de taux d'imposition plus bas. En ce qui a trait à l'équité, la Constitution canadienne assure à tous les Canadiens un traitement sensiblement comparable de la part de leurs gouvernements au chapitre de la santé et de l'éducation, peu importe où ils habitent. Les Canadiens se déplacent de plus en plus, c'est un fait. Ils savent, de façon très concrète, combien de temps il faut pour embaucher un médecin de famille à l'Île-du-Prince-Édouard, ils connaissent l'état de leurs routes et des immeubles publics et ils savent combien d'impôt ils paient. Ils connaissent les montants auxquels les Canadiens moyens ont droit et les sommes qu'ils ne reçoivent pas.

En terminant, je tiens à préciser que le ministre fédéral des Finances connaît mes préoccupations. Le ministère des Finances semble se préoccuper du contrôle des coûts de la péréquation, malgré le besoin de faire respecter les principes fondamentaux du programme. Il serait inacceptable que le gouvernement fédéral choisisse de réduire le programme de façon aussi rigoureuse, compte tenu des importantes recettes fédérales. Nous estimons que le plafond pourrait avoir une incidence sur le programme d'environ 380 millions de dollars par année. Cela ne mènerait pas le gouvernement fédéral à la ruine.

Je me préoccupe essentiellement du fait que le gouvernement fédéral ne semble pas tenir compte des conséquences de cette restriction. Le premier ministre de ma province s'attendait à ce que des discussions sérieuses aient lieu pour déterminer le plafond approprié afin de permettre aux droits de péréquation d'égaler le taux de croissance du PIB, comme le premier ministre l'a promis. Je vous incite fortement, en tant que membres du comité, à appuyer les modifications que je propose au projet de loi C-18.

Merci.

Le président: Je vous remercie, madame Mella.

M. Hogg a maintenant la parole.

M. William Hogg (sous-ministre des Finances, gouvernement de la Nouvelle-Écosse): Merci, monsieur le président.

Le ministre des Finances de la Nouvelle-Écosse, l'honorable Neil LeBlanc, regrette de ne pouvoir être ici. Il se remet actuellement d'une chirurgie, c'est pourquoi il ne peut être présent aujourd'hui.

Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.

    Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.

Un grand nombre d'entre vous sauront que cette citation est tirée du paragraphe 36(2) de notre Constitution. J'estime que cet engagement, inscrit dans notre Constitution, est menacé par le plafond de péréquation.

• 0950

Permettez-moi un instant de détruire le mythe qui existe à propos de la péréquation. Les paiements de péréquation ne sont pas, comme nous le lisons souvent dans la presse, des paiements versés aux provinces pauvres par les provinces riches. Ces paiements sont plutôt puisés à même les impôts payés par l'ensemble des Canadiens, y compris ceux de la région de l'Atlantique. Les paiements de péréquation représentent environ 27 p. 100 des revenus de notre gouvernement et servent à payer les services publics évoqués au paragraphe 36(2). Ces revenus sont essentiels à notre capacité d'assurer des soins de santé et un système d'éducation de qualité ainsi que d'autres services publics importants. Le plafond de péréquation restreint de façon arbitraire la capacité du programme à atténuer les disparités entre les provinces.

Je comprends parfaitement la nécessité de maîtriser les coûts. En Nouvelle-Écosse, conformément à notre plan quadriennal, notre budget sera finalement équilibré de façon consolidée d'ici l'an prochain. Afin de pouvoir respecter ce plan, nous avons dû prendre des décisions difficiles au chapitre des dépenses. Cela dit, la situation fiscale du gouvernement fédéral n'est plus la même aujourd'hui qu'en 1982. Étant donné que les conditions qui ont exigé l'imposition du plafond n'existent plus, ce plafond n'a plus sa raison d'être.

Le plafond va à l'encontre de l'engagement énoncé dans la Constitution et contribue de fait à accroître les disparités entre les provinces riches et celles qui sont moins bien nanties. Tandis que la croissance va bon train dans les provinces riches, ce qui leur permet d'améliorer les services et les programmes publics, le plafond de péréquation restreint la capacité des provinces pauvres à suivre le rythme. Comme vous le constatez, cela mène rapidement à un système à deux vitesses au Canada dans le domaine des services publics essentiels. C'est précisément cette situation que les paiements de péréquation visaient à prévenir. Nous permettons que les programmes et les services publics des provinces riches s'améliorent à mesure que l'économie s'y porte mieux, mais nous laissons l'économie des provinces pauvres croître jusqu'à un niveau prédéterminé seulement. Je doute fort que c'était ce qu'avaient en tête les auteurs de notre Constitution quand ils ont rédigé le paragraphe 36(2).

Comment une province comme la Nouvelle-Écosse peut-elle suivre? La solution à ces pressions sur les coûts ne réside pas uniquement dans notre système fiscal. Il est essentiel de maintenir un système fiscal concurrentiel afin d'attirer et de retenir dans notre province des investissements privés.

Comme je l'ai dit plus tôt, le plafond actuel de péréquation a été mis en place à une époque où le gouvernement fédéral était aux prises avec une dette et un déficit croissants. Même si les provinces faisaient face au même problème, le plafond a été imposé pour limiter le montant des paiements versés par le gouvernement fédéral en vertu du programme. Cette mesure unilatérale a privé les provinces de millions de dollars en revenu à un moment auquel leur déficit, leur dette et les coûts de leur programme augmentaient. Le déclenchement de la disposition plafond du programme en 1988-1989 a fait perdre à la Nouvelle-Écosse plus de 235 millions de dollars au cours des trois années qui ont suivi. En 1993-1994, elle a perdu un autre 3,4 millions de dollars en raison du plafond.

Lors du renouvellement de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces en 1999-2000, le gouvernement fédéral a non seulement décidé de conserver le plafond, en dépit des graves préoccupations exprimées par les provinces pauvres, mais il a aussi abaissé de façon arbitraire la base servant au calcul du plafond annuel. Cette modification a automatiquement éliminé la marge qui existait relativement à l'ancien plafond et a engendré des paiements de péréquation beaucoup plus bas pour les provinces bénéficiaires.

Le plafond n'a jamais atteint un si bas niveau par rapport au PIB. Avant le renouvellement de 1999-2000, le plafond des paiements de péréquation était environ 1,16 p. 100 des niveaux du PIB national. Cela, à tout le moins, permettait au montant total de prestations autorisées de croître au rythme de la croissance économique—la croissance prévue au départ par le plafonnement. L'établissement arbitraire du plafond en 1999-2000 à 10 milliards de dollars a fait disparaître cette marge de croissance et annulé le but visé par le plafond.

Comment a-t-on pu permettre que cela se produise? Depuis l'entrée en vigueur du plafond de péréquation en 1982-1983, le gouvernement a été calculé par rapport à une nouvelle année de base à chaque renouvellement successif de la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le nouveau montant de base utilisé pour calculer le niveau du plafond pour chacune des périodes successives de renouvellement quinquennal était habituellement fixé en fonction du dernier niveau des droits de l'année de référence. Ce ne fut pas le cas en 1999-2000.

• 0955

En dépit des appréhensions des provinces, le gouvernement fédéral a choisi arbitrairement 10 milliards de dollars à l'origine des nouveaux accords comme montant de base du plafond et a légiféré en conséquence. Il a refusé d'écouter, toutefois, les provinces qui estimaient que le plafond était trop bas et qu'il se pourrait en réalité que la disposition plafond soit déclenchée la première année même du renouvellement. En fait, le gouvernement maintenait catégoriquement que, compte tenu de l'expérience passée, cela n'arriverait pas. Eh bien, c'est arrivé.

Les dernières prévisions en ce qui a trait à la péréquation pour 1999-2000 font état d'un montant total de prestations autorisées de 10,79 milliards—presque 800 millions de plus que le plafond fixé par voie législative pour cette année-là. La forte croissance du produit national brut national au cours de l'année a contribué grandement à cette croissance des droits. Le tollé soulevé par les provinces moins bien nanties à l'égard de ces prévisions mises à jour a finalement été entendu l'automne dernier. Le premier ministre s'est engagé envers les premiers ministres des provinces à abolir le plafond pour 1999-2000.

Cette décision fédérale de reconnaître la portée du plafond et l'injustice qu'il représenterait pour les provinces en difficulté, associée à leurs propres situations financières grandement améliorées, revêt une très grande importance pour la Nouvelle-Écosse. Cela devrait sauver à ma seule province des réductions prévues de 62 millions de dollars pour cette année-là. On ne peut trop exagérer l'importance de ces fonds supplémentaires pour nous aider à assumer les coûts de programmes publics essentiels. Ce qui nous inquiète vraiment beaucoup, toutefois, c'est que le plafond n'est éliminé que pour une année seulement. Le plafond de 10 milliards qui avait été fixé par voie législative pour 1999-2000 sera appliqué de nouveau pour déterminer le niveau de plafond des paiements de péréquation des années ultérieures.

Une fois que les derniers chiffres sont présentés sous forme de tableau, nous savons déjà que le niveau des droits à la péréquation dans les années subséquentes ne permettra pas que les droits augmentent au rythme de croissance du PIB, simplement en raison du point de départ artificiellement bas du plafond. Pour que le programme puisse croître au rythme de croissance du PIB, comme c'était prévu, il faudrait que le plafond pour 2000-2001 puisse croître à partir du dernier niveau du droit de l'année précédente. Cela signifierait un plafond qui atteindrait au moins 11,7 milliards de dollars, compte tenu des prévisions les plus récentes des droits de 1999-2000 et de la croissance du PIB. En utilisant 10 milliards de dollars comme point de départ, toutefois, on s'assure que le plafond ne dépasse pas 10,84 milliards de dollars—croissance minimale pour 1999-2000, et une baisse des revenus de presque un milliard de dollars. Cela va à l'encontre de l'engagement que le premier ministre avait pris lui-même à la suite de la conférence des premiers ministres de septembre 2000.

La question fondamentale que nous devons nous poser aujourd'hui est la suivante: est-ce que les conditions pénibles imposées par le plafond des paiements de péréquation disparaîtront après 1999-2000? Est-ce que les pressions sous-jacentes qui continuent de menacer la capacité des provinces moins bien nanties à offrir des niveaux comparables de services de base et qui ont incité le premier ministre à éliminer le plafond pour cette seule année, disparaîtront? Je peux vous assurer que ce n'est pas le cas en Nouvelle-Écosse.

À l'instar de la plupart des provinces, la Nouvelle-Écosse s'emploie à gérer le taux de croissance de ses dépenses au titre des soins de santé, à répondre aux besoins en matière d'éducation et à financer efficacement tous les programmes sociaux. La capacité de la Nouvelle-Écosse de créer de nouvelles sources de revenu pour maintenir des niveaux de service comparables tout en réduisant ses charges fiscales provinciales pour rester concurrentielle, est vraiment menacée. Comment une province comme la Nouvelle-Écosse peut-elle espérer soutenir la concurrence d'économies plus fortes qui affichent des excédents faramineux et offrent des incitatifs fiscaux pour encourager les investissements tant de la part des particuliers que des entreprises?

J'incite vivement le comité des finances à reconnaître le rôle important que joue la péréquation pour régler ces problèmes cruciaux et à modifier le projet de loi C-18 de manière à abroger le paragraphe 4(9) de la Loi sur les arrangements fiscaux en le gouvernement fédéral et les provinces ou, à tout le moins, à en modifier le libellé de manière à y remplacer le montant prescrit de 10 milliards de dollars par «le dernier montant estimatif pour 1999-2000».

Pour terminer, j'aimerais remercier les membres du comité de nous avoir écoutés aujourd'hui. J'espère que nous avons su vous convaincre de l'importance fondamentale d'un système solide de transferts de péréquation au sein de la fédération. Nous voyons le Canada comme un pays fort et unifié où existent des niveaux de programme comparables et des niveaux d'imposition concurrentiels peu importe votre province de résidence.

La situation financière du gouvernement fédéral s'est grandement améliorée au cours des dernières années. Toutes les provinces, y compris les moins bien nanties, ont grandement contribué à ce redressement. Il est temps que nous reconnaissions le risque très réel auquel ont été exposés nos programmes et services nationaux à la suite de cette mesure d'austérité arbitraire prise par le gouvernement fédéral et que nous respections l'engagement constitutionnel qui rend ce pays si unique et que nous envient d'autres nations de par le monde.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Hogg.

Nous allons maintenant entendre l'honorable Norman Betts.

• 1000

M. Norman Betts: C'est avec plaisir que j'ai fait distribuer un petit cadeau de la part du premier ministre Bernard Lord, une carte laminée sur laquelle figure l'article 36 de la Constitution. Nous le faisons pour deux raisons: premièrement, pour montrer que l'article 36 comporte deux paragraphes, c'est-à-dire le paragraphe 36(1) où il est question de disparité régionale et le paragraphe 36(2) de péréquation. Nous sommes ici aujourd'hui pour parler du paragraphe 36(2).

Le projet de loi C-18 traite explicitement du plafond du Programme de péréquation. Depuis son instauration en 1982-1983, le plafond est une préoccupation constante du Nouveau-Brunswick.

[Français]

La premier ministre et les ministres des Finances de l'Atlantique sont inquiets des répercussions potentielles du plafond de péréquation et ont demandé au gouvernement fédéral de l'éliminer de façon définitive.

[Traduction]

Les premiers ministres et les ministres des Finances de l'Atlantique sont inquiets des répercussions potentielles du plafond de péréquation et ont demandé au gouvernement fédéral de l'éliminer de façon définitive.

Les provinces bénéficiaires ne sont pas les seules à s'inquiéter du plafond et des répercussions qu'il pourrait entraîner. À la conférence annuelle des premiers ministres d'août 2000, les premiers ministres se sont ralliés pour réclamer, parmi d'autres réformes budgétaires, l'élimination du plafond des paiements de péréquation.

Dans les faits, le projet de loi C-18 modifierait la loi de façon à éliminer le plafond du Programme de péréquation pour 1999-2000. À mon avis, voilà une mesure positive, mais je suis déçu de constater que le plafond de péréquation n'est pas éliminé de façon définitive. En réalité, la modification proposée au projet de loi C-18 ne permettra même pas aux droits au titre du Programme de péréquation d'augmenter au rythme de croissance de l'économie en 2000-2001 et après, comme c'était le cas auparavant.

Le Programme de péréquation vise à rehausser au niveau de la norme établie la capacité à percevoir des recettes par habitant des provinces bénéficiaires, de telle sorte que ces provinces soient en mesure d'assurer des niveaux de services publics et de fiscalité comparables à ceux des autres provinces. Grâce au programme, les règles du jeu sont plus équitables parmi les provinces.

L'inclusion du Programme de péréquation dans les modifications constitutionnelles de 1982 en souligne l'importance. Vous avez déjà entendu cela aujourd'hui, mais je crois que cela vaut la peine de le répéter. Le paragraphe 36(2) précise clairement que:

    Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour qu'ils puissent assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparable.

Le Nouveau-Brunswick prétend que le plafond des paiements de péréquation contrevient à l'esprit et à l'intention de l'engagement constitutionnel en limitant la capacité du programme d'atteindre ses objectifs fondamentaux.

Lorsque le plafond est appliqué, les provinces bénéficiaires reçoivent des paiements de péréquation inférieurs à la somme calculée au moyen de la formule. Les droits calculés selon la formule de péréquation sont rabaissés au niveau du plafond en fonction du nombre d'habitants. Il s'ensuit que les provinces bénéficiaires n'atteignant plus le niveau de la norme désigné, les inégalités financières que la formule est censée réduire s'élargissent.

Avant 1999-2000, le plafond a été appliqué à quatre reprises, soit aux exercices 1988-1989, 1989-1990, 1990-1991 et 1993-1994, et a éliminé plus de 3 milliards de dollars des sommes calculées selon la formule auxquelles avaient droit les provinces bénéficiaires de paiements de péréquation. Dans le cas du Nouveau-Brunswick, les réductions des droits calculés selon la formule de péréquation ont atteint 190 millions de dollars.

Jusqu'au renouvellement du programme en 1999, le niveau du plafond était fixé de manière relativement constante. D'abord, on établissait une année de référence à laquelle le plafond des paiements de péréquation ne pouvait s'appliquer. Durant l'année de référence, il était garanti que les provinces bénéficiaires recevraient leurs droits calculés selon la formule. Puis, le niveau du plafond des années subséquentes était établi en fonction du taux de croissance économique cumulatif par rapport à l'année de référence, appliqué au niveau du droit établi pour l'année de référence. Les droits au titre de l'année de référence concordaient à peu près aux droits calculés selon la formule.

• 1005

En 1999, le renouvellement du programme de péréquation n'a pas eu lieu selon l'usage. Le plafond a été calculé par rapport à une nouvelle année de référence, soit 1999-2000. Toutefois, contrairement aux années antérieures, un plafond arbitraire de 10 milliards de dollars a été fixé pour 1999-2000, les droits des années futures pouvant augmenter jusqu'à concurrence du taux de croissance du PIB cumulatif à partir du niveau fixé pour l'année de référence. Il s'ensuit que le plafond pourrait s'appliquer à l'année de référence, comme aux années subséquentes. En vertu des mesures législatives actuelles, le plafond est estimé à 10,8 milliards de dollars en 2000-2001, selon la projection de croissance actuelle de 8,4 p. 100 du PIB.

Ce sont surtout les préoccupations du gouvernement fédéral en matière de capacité financière qui ont mené à cette modification du plafond. Il s'agissait aussi de répondre aux préoccupations exprimées antérieurement par le vérificateur général du Canada, qui avait commenté l'incertitude engendrée par un droit au titre d'une année de référence qui changeait au fur et à mesure que de nouvelles données étaient connues.

Il faut souligner que cette modification a eu pour effet de sensiblement rabaisser le niveau du plafond pour 1999-2000 et les années subséquentes. En fait, elle a entraîné une réduction sans précédent du plafond.

Si l'usage passé avait été suivi, le plafond n'aurait pas été appliqué en 1999-2000. Les droits calculés selon la formule pour 1999-2000, lesquels, selon les estimations, se situeraient légèrement en dessous des 10,8 milliards de dollars, serviraient de base pour fixer le plafond des années futures. Étant donné la projection de croissance de 8,4 p. 100 du PIB, le plafond de 2000-2001 serait de l'ordre de 11,7 milliards de dollars, et non de 10,8 milliards comme le prescrit la mesure législative actuelle.

Le projet de loi C-18 propose d'éliminer le plafond fixe de 10,8 milliards de dollars pour 1999-2000. Ce faisant, les droits pour l'année en question seraient fondés sur l'estimation la plus récente des droits calculés selon la formule, lesquels seraient, comme nous l'avons indiqué plus haut, de 10,8 milliards de dollars. L'élimination du plafond pour 1999-2000 serait conforme à l'usage passé, selon lequel le plafond ne pouvait être appliqué à l'année de référence.

Toutefois, en vertu du projet de loi C-18, le plafond de 2000-2001 et des années futures continuera à être calculé en fonction du niveau de 10 milliards de dollars fixé pour 1999-2000, et non du droit le plus récent calculé selon la formule. Par conséquent, le plafond de 2000-2001, en vertu du projet de loi, serait de 10,8 milliards de dollars. Comme les droits pour 1999-2000 sont actuellement estimés à un peu moins de 10,8 milliards de dollars, la croissance permise du programme serait au minimum, bien en deçà du taux de croissance du PIB. Or, l'ancienne façon de calculer aurait permis une croissance du programme pouvant atteindre le taux de croissance du PIB à partir des droits de 1999-2000 au titre de l'année de référence.

Il est concevable que, en vertu du projet de loi C-18, les droits de 2000-2001 soient limités à un niveau inférieur à celui des droits de 1999-2000 calculés selon la formule. Cela signifierait d'une année à l'autre un plafond permettant une croissance négative, plutôt qu'une croissance positive. On ne peut laisser une telle situation se produire.

Étant donné les circonstances actuelles, il est très probable que le plafond s'applique en 2000-2001 et, peut-être, aux années futures. Tandis que les provinces moins nanties doivent envisager la possibilité de réduction des droits calculés selon la formule, la position financière du gouvernement fédéral est très positive et le demeurera dans un avenir prévisible.

Pour mettre les répercussions du plafond des paiements de péréquation en perspective, précisons que, en attendant l'adoption du projet de loi C-18, le plafond de 1999-2000 réduit actuellement de 50 millions de dollars la somme à laquelle le Nouveau-Brunswick a droit selon la formule. De nos jours, avec 50 millions de dollars, on peut fournir environ 11 jours de soins de santé aux Néo-Brunswickois, assurer le coût d'un millier d'infirmières ou construire 25 kilomètres de nouvelles autoroutes à quatre voies, projet que nous essayons de terminer. Sur le plan des recettes, cette réduction représente plus de 5 p. 100 des recettes provinciales perçues au titre de l'impôt sur le revenu des particuliers.

Le projet de loi C-18 est d'autant plus inquiétant si l'on se rappelle les déclarations du premier ministre du Canada en septembre 2000, à la réunion des premiers ministres. Dans un communiqué émanant de la réunion:

    [...] le premier ministre a convenu de prendre les mesures nécessaires pour qu'aucun plafond ne soit appliqué à l'année financière 1999-2000. Par la suite, la formule de péréquation établie s'appliquera, la péréquation augmentant au rythme de croissance du PIB.

• 1010

Comme je l'ai déclaré plus tôt, le projet de loi C-18 est une mesure positive, puisqu'il élimine le plafond pour 1999-2000. Cependant, ce projet de loi ne respecte pas l'engagement du premier ministre et il ne suit pas l'usage passé, puisque les droits ne peuvent pas augmenter au rythme de croissance de l'économie.

L'élimination du plafond que propose le projet de loi C-18 pour 1999-2000 transmet des messages importants. Premièrement, le projet de loi reconnaît l'importance du programme de péréquation pour les provinces moins nanties, ainsi que le rôle qu'il joue pour faire en sorte que l'engagement constitutionnel soit mieux rempli. Deuxièmement, il reconnaît que le plafond fixé arbitrairement à 10 milliards de dollars était très bas. Au moment où ce niveau a été fixé, les droits au titre du programme ont été passablement sous-estimés, ce qui a eu un impact direct sur l'établissement du niveau du plafond. Enfin, troisièmement, il montre que le gouvernement fédéral a les moyens financiers d'offrir le programme en 1999-2000, sans qu'il soit nécessaire d'appliquer un plafond de péréquation. On pourrait donc penser que le gouvernement fédéral a les moyens financiers de laisser le programme augmenter au rythme de croissance du PIB à partir du niveau de 1999-2000 calculé selon la formule. Le produit intérieur brut est un indicateur couramment utilisé pour mesurer la croissance économique et la prospérité. Depuis l'instauration du plafond, la croissance du PIB et la croissance du produit national brut ont toutes deux permis d'évaluer la capacité financière fédérale.

Le Nouveau-Brunswick croit fermement que, par principe, le plafond de péréquation doit être aboli, et nous continuerons de faire pression pour obtenir son élimination définitive. Dans le contexte du projet de loi C-18, le Nouveau-Brunswick est prêt à appuyer, comme mesure provisoire, un amendement qui éliminerait le plafond pour la durée de la période actuelle de renouvellement du programme de péréquation.

À défaut de son élimination, il faudrait apporter au projet de loi C-18 des amendements afin que les droits au titre du programme pour 2000-2001 et les années futures puissent augmenter au rythme de croissance du PIB cumulatif à partir du niveau de 1999-2000 établi par la formule.

[Français]

Je vous remercie de cette occasion de comparaître devant le comité aujourd'hui.

[Traduction]

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant le comité aujourd'hui et j'espère que mes préoccupations, ainsi que celles de mes collègues de l'Atlantique, seront dûment prises en considération. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Merci.

Le président: Merci, monsieur le ministre.

Nous en arrivons maintenant à la session des questions et réponses et nous allons avoir une ronde de cinq minutes. Je donne la parole à M. Cullen pour commencer.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci, mesdames et messieurs les ministres, pour vos exposés.

Vous savez, nous comprenons l'importance des programmes de péréquation pour les provinces. Je crois que vous seriez également prêts à reconnaître que le programme de péréquation est l'un des deux grands programmes—le TCSPS étant l'autre—qui augmentera de 35 milliards de dollars—c'est de l'argent frais—au cours des quelques prochaines années. L'année dernière, le programme partenariat pour l'investissement dans l'Atlantique s'élevait à 700 millions de dollars. La péréquation doit donc par conséquent être envisagée dans ce contexte.

Vous montrez dans votre tableau que la péréquation diminue par rapport au PIB. Bien sûr, toutes les dépenses du gouvernement fédéral diminuent par rapport au PIB. En fait, la diminution de la péréquation serait bien inférieure à celle du total des dépenses directes du programme fédéral. En réalité, la péréquation a augmenté de près de 32 p. 100 depuis 1993-1994. C'est le seul programme qui n'ait pas été visé par l'examen de programmes et en 2001, il représente 10,8 milliards de dollars, du jamais vu.

J'aimerais faire quelques observations rapides au sujet de la réunion des premiers ministres de septembre 2000. Il me semble que l'on a l'impression que le ministre des Finances n'a pas respecté son engagement relatif à une rencontre avec les ministres provinciaux. Or, il a effectivement rencontré les ministres provinciaux des Finances, et aucun engagement n'a été pris pour calculer le plafond pour 2000-2001 et les années subséquentes en fonction des droits de 1999-2000. Du point de vue du gouvernement, le projet de loi C-18 répond aux engagements du premier ministre.

• 1015

Très brièvement, au sujet de la capacité financière. Les provinces donnent l'impression qu'elles doivent supporter toutes les dépenses, tandis que le gouvernement fédéral dispose de toutes les recettes. Pour la gouverne du comité et pour celle des Canadiens, j'aimerais vous présenter quelques faits.

Les recettes des provinces, y compris les transferts, dépassent les recettes fédérales depuis presque 25 ans. Deuxièmement, la dette provinciale correspond à la moitié de celle du gouvernement fédéral. Troisièmement, les frais de la dette absorbent un quart de toutes les recettes fédérales, contre près de 12 p. 100 des recettes provinciales et territoriales.

Un des ministres des Finances a cité le rapport du vérificateur général. Il est tout à fait vrai que le vérificateur général a critiqué le plafond de péréquation précédent. Il a indiqué que ce plafond n'offrait pas au gouvernement une protection fiscale contre l'emballement de la croissance du programme. Maintenant, si nous ne faisions que—et c'est bien ce que je veux dire, parce que certaines des options présentées dépassent celle-ci—calculer le plafond par rapport aux droits de 1999-2000, le coût de la péréquation pourrait augmenter de 4 milliards de dollars. Du point de vue du gouvernement, ce n'est pas financièrement possible.

Dans ce contexte—la péréquation faisant partie de deux grands programmes de transfert, la croissance du TCSPS, la capacité fiscale fédérale par opposition à la capacité fiscale provinciale, la question de la capacité financière soulevée au Parlement par le vérificateur général et l'impact du changement de l'année de référence—je me demande si les ministres provinciaux des Finances ont des commentaires à faire.

Mme Patricia Mella: J'aimerais revenir sur un ou deux points dont vous avez fait mention. Tout d'abord, en ce qui concerne le financement TCSPS, nous avons tous parfaitement conscience des fonds qui y ont été injectés et nous en sommes tous reconnaissants. Cela a pris beaucoup de temps, mais a permis de renforcer le programme. Je crois que de l'avis de tous les Canadiens, c'était une priorité qu'il fallait financer et c'est ce qui s'est produit.

Il me semble toutefois qu'il vaudrait la peine de faire remarquer ici que cette augmentation du financement TCSPS dont les gens ont été particulièrement satisfaits n'a pas été aussi positive pour ma province. Elle n'a pas considérablement aidé les quatre provinces présentes ici aujourd'hui. De tous les fonds ajoutés au TCSPS, 97 p. 100 ont été affectés à trois provinces: l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta. C'est un élément du problème auquel nous sommes constamment confrontés.

Les gens ne cessent de dire que nous obtenons des fonds pour la santé, des fonds pour le TCSPS, et que nous n'avons aucune raison de nous plaindre. Ma province a reçu de 7 à 8 millions de dollars supplémentaires. Le déficit du secteur de la santé était de 11 millions de dollars, si bien que ces nouveaux fonds n'ont même pas permis d'absorber le déficit pour cette année-là.

Le TCSPS est une formule de financement proportionnel au nombre d'habitants qui a été convenue par les ministres des Finances et les premiers ministres. Au moment de cet accord, j'étais présente et l'engagement pris était le suivant: dans le cas du TCSPS, le financement serait proportionnel au nombre d'habitants et vous seriez de notre côté au moment du réexamen de la question de la péréquation.

Nous nous retrouvons donc avec le TCSPS dont le financement est proportionnel au nombre d'habitants. La plupart des fonds vont être affectés aux provinces dont la population est la plus importante. Nous ne nous y sommes pas opposés. Nous savons que la population y est plus importante et que par conséquent, le nombre de maladies est plus élevé, etc. L'engagement pris à ce moment-là toutefois, c'était que l'on se pencherait aussi sur la péréquation.

Le financement des soins de santé n'apporte pas de solution au problème. C'est en fait ce qui finance nos soins de santé. La péréquation sert à financer les soins de santé pour l'Île-du-Prince-Édouard. Nous obtenons près de 75 millions de dollars au titre du TCSPS. Le budget de la santé est de 340 millions de dollars. Si nous obtenons 75 millions de dollars au titre du TCSPS, où obtenons-nous le reste? À même nos propres recettes et grâce à la péréquation. Par conséquent, si vous plafonnez la péréquation et que nous n'obtenons pas cet argent, vu que le financement au titre du TCSPS est proportionnel au nombre d'habitants, nous avons moins d'argent pour la santé, si bien que les services offerts ne peuvent pas être les mêmes.

Pour ce qui est de votre second point au sujet du ministre des Finances qui avait convenu de nous rencontrer pour discuter de cela, je dois dire qu'il nous a effectivement rencontrés dans les régions—dans mon cas, personnellement, ce dont je le remercie—mais la décision avait déjà été prise. Je ne suis pas sûre que ce soit le bon processus de consultation.

• 1020

Il est important que tout le monde sache que les paiements de transfert, appelés péréquation, diminuent en tant que pourcentage des recettes fédérales et ne cessent de diminuer; le programme de péréquation diminue.

Pourtant, les gens disent que nous recevons beaucoup d'argent supplémentaire. C'est ce que j'entends constamment dire dans ma propre assemblée législative. Toutefois, c'est comme si vous disiez que votre salaire est plus élevé cette année qu'il y a dix ans. Effectivement, nous avons reçu de l'argent supplémentaire, mais il y a eu aussi croissance de l'économie. La formule de péréquation est fondée sur le fait que si l'économie canadienne est forte, les recettes se multiplieront et la richesse sera redistribuée afin que tous les Canadiens puissent recevoir des services essentiels. C'est l'essence même de la péréquation. Par contre, plafonner un programme serait censé nous rendre égaux? Je ne sais pas comment vous pouvez l'affirmer. Lorsqu'il y a plafonnement, l'égalité n'est réalisée que jusqu'à un certain point.

Le président: Monsieur Epp.

M. Ken Epp (Elk Island, AC): Merci, monsieur le président.

Merci de votre présence ici. Ayant grandi en Saskatchewan et étant devenu député, me trouver ici et entendre l'opinion des ministres provinciaux des Finances est une occasion toute spéciale et je me considère privilégié de vous écouter aujourd'hui.

J'ai plusieurs questions que j'aimerais poser et la première est vraiment très rapide. L'un de vous a dit que tous les premiers ministres s'étaient entendus au sujet de l'élimination du plafond. Le mot «tous» a été dit et j'ai mis un petit point d'interrogation à côté. Cela a-t-il vraiment fait l'unanimité? Si oui, cela le renforce considérablement.

M. Norman Betts: De concert avec le TCSPS, cela a fait l'unanimité des premiers ministres. Cela a fait l'unanimité des ministres des Finances, bien sûr, comme partie de l'ensemble, de concert avec le TCSPS. Il s'agissait effectivement d'un accord unanime.

M. Ken Epp: Merci. Je voulais simplement vous donner la possibilité de le souligner, car il est important que ce soit bien compris.

Nous savons qu'à l'unanimité, vous voulez vous débarrasser du plafond de manière permanente. C'est ce que j'ai compris—je voulais en être sûr pour effacer tout doute dans mon esprit. Bien sûr, vous-mêmes et tous les habitants de vos provinces êtes également des contribuables fédéraux. Vous considérez que vous représentez vos habitants, vos contribuables, ainsi que vos provinces, qui sont bénéficiaires, lorsque vous envisagez de supprimer ce plafond.

Vous avez avancé un argument assez probant, à savoir que le plafond ne met pas en fait le gouvernement fédéral à l'abri de fortes variations. Cela me semble un peu ambigu. Vous dites que cela ne met même pas le gouvernement fédéral à l'abri de fortes augmentations et vous vous appuyez sur le fait que lorsque le produit intérieur brut augmente, les recettes du gouvernement augmentent, si bien que le gouvernement fédéral ne court aucun risque. Ce concept est intéressant et je vous remercie de l'avoir présenté.

Je ne sais pas si l'un de vous veut intervenir à ce sujet, mais en ce qui concerne les paiements de péréquation, j'aimerais savoir... c'est l'un de mes thèmes préférés depuis que je siège au comité des finances, à cause de ses répercussions énormes dans tout le pays. Ces paiements doivent être versés comme il le faut, mais ils sont assortis d'énormes problèmes. Aucun de vous ne s'est penché sur cette question. Bien sûr, ce n'est pas l'objet du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, mais comme vous l'avez fait remarquer, prévoir des recettes éventuelles en fonction d'une norme de cinq provinces—l'Alberta en étant exclue—semble un système archaïque qu'il faudrait vraiment revoir à fond.

J'ai une question à deux volets et j'aimerais que vous y répondiez tous brièvement, si possible. Souhaiteriez-vous que le gouvernement fédéral s'efforce vraiment de revoir la formule de péréquation? Ensuite, ou en même temps, préfériez-vous qu'elle soit fondée sur un coût réel et non sur une projection de recettes et devrait-elle être proportionnelle au nombre d'habitants?

Je remarque en regardant les chiffres que, par habitant, les montants que reçoivent les provinces bénéficiaires sont assez différents. J'imagine que ceux d'entre vous dont les montants sont en bas de l'échelle n'en sont pas satisfaits, tandis que ceux dont les montants sont en haut de l'échelle de l'augmentation par habitant souhaiteraient probablement, compte tenu de la générosité des Canadiens, qu'ils soient égalisés ou du moins qu'ils ne soient pas trop différents.

• 1025

C'est donc une question très vaste et je vous donne maintenant la possibilité d'y répondre.

Mme Joan Marie Aylward: J'ai quelques observations à faire.

Vous avez parlé des variations et de la protection dont jouirait le gouvernement fédéral. Je crois que cette protection a été assurée lorsqu'il est passé d'une norme de dix provinces à une norme de cinq provinces, retirant des provinces comme l'Alberta. Par conséquent, cette protection contre la fluctuation a été rendue possible lorsqu'il est passé à une norme de cinq provinces.

Pour ce qui est de la péréquation, j'aimerais faire quelques observations, car je sais que nous sommes ici pour défendre un point de vue. Pour une province comme la mienne, je crois qu'il importe de dire que la péréquation est un programme essentiel. Nous avons besoin de la péréquation et nous en aurons besoin pour encore longtemps.

Ne serait-ce que pour vous donner une idée, il faudrait un projet Hibernia tous les deux ans pendant douze ans pour que nous puissions générer suffisamment de recettes. C'est en fait ce dont nous aurions besoin pour sortir du programme de péréquation. Cela voudrait dire un projet de production pétrolière une année donnée qui se terminerait l'année suivante pendant qu'un autre prendrait la relève. Par conséquent, pour nous, comme je l'ai fait remarquer, l'avenir du programme de péréquation est long. Nous savons que même dans le meilleur des cas, nous en aurons besoin pendant encore longtemps.

Devrait-il être revu à fond? Cela m'inquiète quelque peu, car j'ai entendu certains de mes collègues de l'Ouest se demander ce qui arriverait s'il fallait contribuer davantage au programme de péréquation. Comme ma collègue Pat l'a indiqué, nous avons été très ouverts, lorsqu'il a été envisagé de financer le TCSPS proportionnellement au nombre d'habitants, car bien évidemment, une population plus nombreuse nécessite plus de soins, la demande est en expansion, mais très franchement, tout est relatif.

Le premier témoin a parlé de la dette et du fait que le gouvernement fédéral avait une dette beaucoup plus lourde. Notre dette est le triple de ce que nous dépensons chaque année. En effet, notre endettement s'élève à 10 milliards de dollars alors que nos dépenses varient entre 3,6 et 3,7 milliards de dollars. Donc, c'est peut-être vrai en général, mais faux en particulier.

Aimerions-nous, par conséquent, que le régime de péréquation soit complètement refondu? Le résultat éventuel m'inquiète un peu. Sur le plan culturel, je m'inquiéterais de ce qui pourrait se produire.

C'est un programme important. C'est un programme que nous aimons tous, particulièrement les provinces bénéficiaires, mais c'est aussi un programme, en rapport avec cet enjeu particulier, qui va à l'encontre de l'esprit et de tout l'aspect culturel de ce qu'est censé, selon la Constitution, être un programme de péréquation.

La disparité dont vous avez parlé est un autre enjeu important, mais la disparité concerne davantage la capacité fiscale des diverses provinces. Sur le plan géographique, nous aimerions tous nous trouver où se trouve l'Alberta, d'avoir une aussi grande richesse. Au petit déjeuner aujourd'hui, nous avons discuté des dépenses accrues de l'Alberta et de ce que cela signifiera pour bon nombre d'entre nous, dans les autres provinces, alors que nous nous efforçons de trouver des moyens de répondre à nos demandes croissantes, particulièrement dans le domaine de la santé, parce qu'une plus grande partie de notre population est vieillissante. Il y a aussi la question de l'exode, plus aigu dans la région atlantique du Canada. Note main n'a pas de très bonnes cartes, pour ainsi dire.

Donc, aux fins de la réunion d'aujourd'hui, comme je l'ai dit, j'ai écouté avec une certaine appréhension des témoins qui vous ont précédée parler du cercle vicieux de l'aide sociale qui est associé à la péréquation, et c'est un concept qui m'inquiète beaucoup. Si les fonctionnaires et d'autres provinces voient la péréquation comme faisant partie du cercle vicieux de l'aide sociale, comme un programme qui décourage la croissance des programmes ou de l'économie provinciale, ce serait un précédent inquiétant. La question me préoccupe au plus haut point.

À nouveau, j'aimerais terminer en disant que le plafond aura un impact très limité sur notre province. Bien que les augmentations du TCSPS aient été minimes, nous aurons certes dépensé chaque sou, et il nous en faut d'autres. Bien qu'il s'agisse de nouvel argent, si vous remontez assez loin en arrière, c'est encore moins que ce que nous avions prévu de recevoir à l'origine.

La péréquation est un excellent programme, mais il faut continuer de le modifier de manière à ce qu'il réponde vraiment aux besoins et qu'il permette d'assurer la prestation de services raisonnables et comparables partout au pays.

• 1030

Le président: Madame la ministre, je vous remercie.

M. Ken Epp: D'accord. J'aimerais poser d'autres questions à ce sujet, cependant.

Il me semble très évident que la prestation de services—j'irais même au-delà des soins de santé et de l'éducation, mais je crois que ce sont là les deux secteurs où les paiements sont très expressément fonction de la population—de santé pour 2 000 personnes coûte deux fois plus cher que pour 1 000 personnes... à plus grande échelle.

Mme Joan Marie Aylward: Ce n'est pas tout à fait juste.

M. Ken Epp: Vous ne seriez pas d'accord?

Mme Joan Marie Aylward: Quatre-vingt pour cent des dépenses de santé sont engagées durant le dernier cinquième de notre vie.

M. Ken Epp: Toutefois, c'est la même chose partout au pays.

Mme Joan Marie Aylward: Effectivement, mais si votre population compte un pourcentage plus élevé de personnes âgées, vos coûts seront supérieurs. Ce ne sont pas vraiment les nombres qui posent problème.

M. Ken Epp: D'accord. Toutefois, la situation serait la même partout au pays.

M. Norman Betts: Permettez-moi de faire valoir un autre point à ce...

M. Ken Epp: Je ne crois pas que nous devrions négocier ces détails. Quand je vois la formule actuelle et les 32 catégories de revenus éventuels qui pourraient être accumulés, je me souviens qu'il y a quelques années, le Manitoba avait reçu 50 millions de dollars environ en moins en péréquation parce sa population n'achetait pas assez de billets de loterie. J'estime que de pareils critères sont sans rapport avec la péréquation. Elle devrait se fonder sur le coût de la prestation du service.

Au sein de la grande famille qu'est le Canada, je n'ai aucune difficulté à dire qu'il faut mettre en commun de l'argent pour assurer la prestation de services égaux dans le domaine de la santé et de l'éducation, de l'infrastructure économique et d'autres domaines pour que notre collectivité, c'est-à-dire le Canada, soit un pays solide où chacun est traité équitablement. Le principe est bien beau, mais il semble que la formule actuelle puisse être améliorée. Je comprends vos préoccupations si cela signifie qu'il va falloir tout recalculer et réduire, mais si la formule est améliorée, qu'elle est plus équitable, et qu'en fait, là où la population n'obtient pas suffisamment de fonds, elle accroît en réalité les paiements de péréquation, n'y seriez-vous pas favorable?

Le président: Nous devrions laisser Norman Betts répondre.

M. Norman Betts: Comme commentaire général, je commencerai, au sujet de votre allusion aux dépenses par habitant, par vous donner un exemple.

Le Nouveau-Brunswick a une population de 760 000 personnes, soit à peu près la même que la ville de Calgary, et cette population est dispersée sur un territoire plutôt immense. Si nous avions à concevoir à partir de rien un système de soins de santé pour la ville de Calgary, nous pourrions probablement aboutir à un régime plutôt ordonné. C'est impossible au Nouveau-Brunswick. Notre capacité à assurer la prestation des services, étant donné notre population et l'étendue géographique de notre territoire, est certes... Donc, le financement calculé en fonction du nombre d'habitants nous cause des difficultés.

Le Nouveau-Brunswick est un merveilleux endroit où vivre. Nous l'adorons. Je ne voudrais pas vivre ailleurs. Mais, pour cette même raison, la prestation de services n'y est pas très efficace. C'est le cas, qu'il s'agisse de routes ou de quoi que ce soit. Le Nouveau-Brunswick a plus de routes par habitant que toute autre province au Canada. Nous avons plus de ponts, en nombre réel, que toute autre province. Je ne critique pas. J'énonce un fait.

Il faut donc être prudent quand vient le temps de financer d'après le nombre d'habitants, et nous l'avons admis dans le calcul du TPSCS, mais le programme de péréquation est conçu en fonction de la performance de chacun par rapport aux autres. Nous serions certes ravis, à un autre moment, de discuter de l'éventail des recettes assujetties à la péréquation et de toutes ces autres questions, mais ce n'est pas vraiment la raison de notre présence ici aujourd'hui.

Cependant, au sujet de cette trentaine d'articles de recettes, le Nouveau-Brunswick est un contributeur net au programme de péréquation pour certains d'entre eux, qu'il s'agisse de potasse, de produits forestiers ou de métaux de base. Nous contribuons au programme. Le programme est donc conçu en vue d'uniformiser les règles du jeu.

Le premier ministre du Nouveau-Brunswick, M. Lord, est constamment en train de dire—M. Godin peut certes le comprendre—que le Nouveau-Brunswick sera fort quand ses régions seront fortes. De la même façon, le Canada aura une base solide quand ses régions auront une base solide, et le programme de péréquation est un programme fondamental et constitutionnel destiné à le faire.

Pourrait-on en améliorer le fonctionnement? Oui. La question immédiate est de décider, étant donné le stade où il en est actuellement, si l'existence du plafond en a limité la capacité d'atteindre ses objectifs, en dépit de ses imperfections, et c'est là la raison de notre présence ici aujourd'hui.

Le président: Monsieur le ministre, je vous remercie beaucoup.

Madame Picard.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le président, je voudrais m'excuser de mon retard auprès des honorables témoins que nous recevons aujourd'hui au comité. Comme j'ai manqué la plupart des discours, je voudrais passer la parole à M. Godin, mais d'abord, je voudrais quand même dire aux témoins que je comprends leurs préoccupations. Je comprends aussi que depuis la coupure de 1994 dans le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, les besoins dans les provinces sont de plus en plus grands et que vous avez à gérer de manière très serrée. Vous avez toute mon admiration pour cela.

• 1035

Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais passer la parole à M. Godin.

Le président: Monsieur Godin.

M. Yvon Godin (Acadie—Bathurst, NPD): Merci à ma collègue du Bloc. Merci, monsieur le président.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins qui représentent les ministères des Finances des provinces Atlantiques. Je pense que c'est important de dire que j'apprécie que vous soyez ici aujourd'hui, à Ottawa, pour faire des revendications sur des choses qui, je pense, sont dues. Puisqu'on a seulement cinq minutes, je vais essayer de faire un petit aperçu de la façon dont je vois certaines choses et j'aimerais ensuite obtenir des réponses.

Si on dit que la Constitution de 1982 nous a donné des lois, je pense que toutes les provinces du Canada étaient assises à la table et qu'il y a eu un vote dans toutes les provinces puisque la Constitution ne peut pas être modifiée sans le consentement de toutes les provinces.

Alors, j'aimerais vous poser la question suivante. Avez-vous pensé à poursuivre le gouvernement fédéral devant les tribunaux pour ne pas avoir respecté la Constitution? C'est une de mes questions. Est-ce que les provinces de l'Atlantique et peut-être aussi le Manitoba, s'il fait partie du programme de péréquation, ont eu l'idée de poursuivre le gouvernement devant les tribunaux? On n'aurait peut-être pas besoin de le poursuivre s'il y avait une élection à tous les ans puisque le gouvernement fédéral, au moment de l'élection, a augmenté le financement pour 1999-2000. C'est une belle annonce avant une élection, mais ça ne va pas plus loin que ça.

Là-dessus, j'aimerais faire un commentaire, par exemple, au sujet des problèmes économiques des provinces Atlantiques. Ce n'est pas seulement vrai dans les provinces Atlantiques; je pense que c'est vrai partout au pays où il y a eu des coupures. Je ne veux pas m'en tenir juste à ça, mais juste faire un lien. Les coupures à l'assurance-emploi, selon Statistique Canada, s'élèvent à 278 millions de dollars par année pour la province du Nouveau-Brunswick seulement. Seulement dans Acadie—Bathurst, on perd 69 millions de dollars en bénéfices, ce qui veut dire que c'est de l'argent qui a cessé d'entrer dans la province. Je suis certain que l'Île-du-Prince-Édouard a ses chiffres aussi et que Terre-Neuve a les siens. Des sommes records ont été perdues. C'est de l'argent qui n'entre plus dans les provinces.

Selon le programme d'assurance-emploi, par exemple, plus l'économie s'améliore, plus le nombre de semaines baisse. Si le taux de chômage dans la région d'Acadie—Bathurst est de 18 p. 100, le bénéficiaire a droit à 32 semaines d'assurance-emploi. S'il est de moins de 13 p. 100, le bénéficiaire a droit à peu près à 24 semaines. Alors, chaque fois que l'économie s'améliore, on dirait qu'il y a une punition. Je pense que le système est à l'envers.

Ce que j'entends ici ce matin pour les transferts de péréquation, c'est la même chose. Si le système s'améliore, si l'économie s'améliore, c'est une punition. Je pense que c'est là où ce n'est pas juste, pas correct. Cela n'encourage pas les gens à vouloir travailler fort et à s'améliorer parce qu'à chaque fois qu'ils le font, ils sont punis. C'est le contraire qui devrait se produire. Si l'économie s'améliore et que les transferts augmentent parce que les gens ont travaillé fort pour améliorer l'économie, on devrait être capables d'en arriver à de meilleurs résultats.

Là-dessus, j'aimerais dire aussi qu'il faudrait que les autres provinces du pays reconnaissent que des provinces comme le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve et l'Île-du-Prince-Édouard envoient leurs enfants à l'école, qu'elles paient pour leur éducation, et qu'après qu'ils ont fini leurs études, ils s'en vont travailler en Alberta ou à Toronto. Ce sont les autres provinces qui reçoivent ces gens dont on a payé les études.

Je pense que c'est la ministre de l'Île-du-Prince-Édouard ou M. Betts du Nouveau-Brunswick qui disait que ça coûte peut-être beaucoup plus cher pour nous d'avoir des hôpitaux à la grandeur de la province, puisqu'il n'y a que 670 000 habitants dans la province. Il ne faut pas oublier aussi qu'il y a des personnes dont la moyenne d'âge est plus élevée. Tous nos jeunes s'en vont dans les universités ailleurs et ne reviennent pas dans nos provinces. Ils s'en vont travailler ailleurs parce que l'économie y est meilleure et parce que leurs chances d'avoir des emplois sont meilleures. La moyenne d'âge des gens est plus élevée et les soins de santé coûtent plus cher.

Alors, avec tout ça, je pense avoir garroché beaucoup de choses. J'aimerais avoir des réponses à ces questions, même si les provinces sont prêtes à aller contre le fédéral. Si on veut un pays uni, il faut travailler ensemble. Il faut être prêt à partager. C'est comme une famille: si un parent n'est pas prêt à partager avec un de ses enfants qui a un problème, ça tue une famille. Alors, si on veut avoir l'unité dans un pays, il faut être prêt à partager. Comment voyez-vous mes commentaires?

Merci.

• 1040

[Traduction]

Le président: Je ne vois pas de question dans ce que vous avez dit. C'était un commentaire, c'est cela?

M. Yvon Godin: Non, il y avait une question. J'ai demandé s'ils avaient jamais songé à poursuivre le fédéral devant les tribunaux.

Le président: Vous avez raison.

M. Yvon Godin: C'est ma question.

Le président: C'était au début de votre intervention, n'est-ce pas?

M. Yvon Godin: C'est une question. La deuxième que je souhaitais poser, c'est de savoir s'il n'est pas vrai que, dans notre province, nous payons les études des jeunes, puis qu'ils partent.

Monsieur le président, pour être poli, j'ai de nombreuses questions à poser en faisant de nombreux commentaires. En fin de compte, si vous écoutez bien mes commentaires, vous trouverez toujours une question. Je vous remercie.

Mme Patricia Mella: Pour ce qui est de savoir si nous souhaitons traîner le gouvernement fédéral devant les tribunaux, nous aimerions, je crois, convaincre le gouvernement fédéral qu'il y a moyen de régler la question. Les tribunaux ne seraient pas mon premier choix comme moyen d'apporter des modifications. Je ne crois pas vraiment qu'il soit nécessaire d'en arriver là. Il existe suffisamment de bonnes raisons, solides et logiques, pour justifier une réévaluation du projet de loi C-18 de manière à ce qu'il réponde à certaines de nos préoccupations.

Par ailleurs, je ne suis pas vraiment en faveur de revoir tout le programme—c'est un bon programme. J'étais en Irlande, il y a deux ou trois ans, lorsque les membres de l'Union européenne débattaient d'un certain nombre de programmes qu'ils essayaient de mettre sur pied. Le programme canadien de péréquation fait l'envie du monde entier, quand on lui permet de fonctionner comme il est censé le faire. On l'a laissé faire, et il a contribué à atténuer les disparités. Parce que l'Île-du-Prince-Édouard touche des paiements de péréquation, cela ne signifie pas que notre économie n'est pas plus forte. Nous ne nous contentons pas de nous asseoir et d'attendre un chèque du fédéral, sans rien faire. Toutes sortes d'indices nous permettent d'affirmer que notre économie est plus forte. Nous avons dépensé plus des revenus que nous avons accumulés nous-mêmes pour assurer la prestation de nos services—c'est notre objectif. Le programme n'est donc pas un désincitatif; c'est un égalisateur, une chance pour les Canadiens de jouir d'un niveau comparable de services.

Nos impôts ne se comparent pas à ceux d'autres provinces. L'Ontario a un taux d'imposition du revenu des particuliers de quelque 40 p. 100, alors que celui de l'Île-du-Prince-Édouard est de 57,5 p. 100—j'ignore si, en Alberta, il existe un impôt sur le revenu des particuliers. Cependant, l'expression «niveaux comparables d'imposition» me fait sourire. En ma qualité de ministre des Finances, j'estime que je fais de mon mieux pour abaisser le taux, mais la possibilité de le réduire au niveau de certaines provinces... Nous n'en voulons pas aux autres provinces qui peuvent le faire. Leurs économies sont en pleine croissance, elles contribuent à l'économie canadienne. C'est bon pour tout le monde. Toutefois, nous estimons que la péréquation est aussi avantageuse pour elles. Nous ne croyons pas que nous voulons d'un pays qui a deux ordres de citoyens. Nous voulons un pays qui a au moins la chance d'offrir des niveaux comparables de services partout, et le programme de péréquation le permet. Il y a sensiblement contribué au fil des ans. Beaucoup l'ont mal interprété, mais ceux d'entre nous qui le connaissent et qui observent son fonctionnement savent qu'il fonctionne bien.

Je pourrais vous parler d'assurance-emploi, mais je préférerais ne pas le faire. Je ne suis pas ici pour en parler. Nous éprouvons toutes sortes de problèmes avec les chômeurs, avec ceux qui ne travaillent que 14 semaines par année et ainsi de suite. Nous sommes venus ici vous entretenir du projet de loi à l'étude qui sera débattu en Chambre. Les députés décideront à ce moment-là soit de l'adopter ou de le modifier. Nous aimerions que vous recommandiez qu'il soit modifié, que le plafond de 10 milliards de dollars...

Vous pouvez vous lever et remercier le premier ministre et le ministre des Finances d'avoir aboli le plafond. Plus les applaudissements seront nourris, plus le programme me plaira—et je ne suis pas libérale. C'est une bonne idée de dire merci quand on sait qu'on a un bon outil en main. Toutefois, nous préférerions ne pas avoir à revenir chaque année pour demander qu'il soit modifié. Le plafond de 10 milliards de dollars va réduire l'argent auquel nous avons droit. Nous le savons. Ce n'est pas une éventualité. Nous savons que c'est ce qui va arriver. C'est de santé, d'éducation, de routes dont on parle et, si cet argent disparaît, il n'y a qu'une issue logique. Les provinces qui sont riches et qui ne sont pas bénéficiaires de péréquation connaîtront une croissance économique, alors que l'économie des autres déclinera et que l'écart grandira. C'est en réalité simple. Ce n'est pas compliqué du tout.

• 1045

Quant à savoir si le gouvernement fédéral peut se payer le luxe de faire cela—il n'a pas à s'inquiéter. Le tableau que voici montre que les paiements de péréquation baissent en termes de pourcentage des revenus fédéraux. Quand l'économie ralentit au pays, cette formule est conçue pour réduire les paiements. Les paiements sont fonction de la santé de l'économie. Toutefois, quand l'économie recommence à croître, quelqu'un quelque part a décidé que les paiements ne remonteraient pas. Quel genre de système est-ce cela?

Le programme est censé fonctionner comme il a été conçu, et le plafond est en réalité l'élément qui en marquera la fin. Puis nous aurons toutes sortes de discussions sur les raisons pour lesquelles il faudrait avoir un programme pour l'Atlantique et un programme pour l'Ouest. Nous discuterons de tous ces programmes à la pièce.

C'est un excellent système de péréquation qui a bien fonctionné jusqu'à maintenant. Mais si le plafond est maintenu jusqu'en 2004—nous ne parlons pas seulement de cette année—ma province perdra 9 millions de dollars cette année. Je me demande ce que nous allons perdre en 2004. Nous pourrions perdre bien des millions de dollars.

Vous pensez savoir quel sera l'état de votre économie en 2004—mais je vous dirai tout de suite que je ne sais pas trop dans quel état sera celle de ma province. Nous sommes confrontés au chancre de la pomme de terre et à quelques autres problèmes, si bien que nous ne savons pas quel sera l'état de notre économie.

Mais je sais que, quand je tiens compte de la péréquation dans le budget, j'ai moins d'argent, pas plus. Cela va à l'encontre de l'objectif du programme.

Je ne veux pas parler de recours légaux, parce que ce n'est pas la façon dont ceux d'entre nous qui sont en politique depuis longtemps veulent régler les problèmes de ce genre. Nous ne demandons rien de déraisonnable. Nous ne demandons pas au gouvernement fédéral l'argent qu'il n'a pas.

Si le surplus de 12 milliards de dollars ou à peu près diminue, la formule va diminuer et nous toucherons moins d'argent. Ce n'est pas un problème. Nous savons pourquoi nous obtenons moins, parce que l'économie ralentit. Mais il y a un problème quand à Ottawa on nous dit: «On peut assurer la péréquation jusqu'à cette limite, mais pas au-delà, désolé». À mon avis, c'est le seul sujet dont on devrait discuter aujourd'hui.

M. Norman Betts: Si vous me le permettez, j'aimerais faire un bref commentaire pour répondre à M. Godin—et je pense que ma collègue Mme Mella a répondu de façon fort éloquente. Je trouve qu'elle a bien exprimé la question.

Mais pour ce qui est de savoir si nous avons pensé aller devant les tribunaux à ce sujet, la réponse est non. Je pense que des gouvernements précédents du Nouveau-Brunswick ont envisagé cette possibilité, mais nous aimerions mieux avoir des tribunes comme celle-ci pour pouvoir négocier. Nous choisirions plutôt la voie de la négociation.

Pour résumer les propos de Pat, je sais, monsieur Godin, que vous représentez la péninsule acadienne et, Elsie, vous connaissez sûrement ce qu'on dit dans les villages de pêche: «Tous les bateaux montent avec la marée». C'est justement l'objectif de la formule de péréquation. Quand le Canada connaît la prospérité, le programme est conçu pour assurer que tout le monde en profite. De même, quand l'économie marque un recul, la formule de péréquation rétablit l'équilibre.

Pour poursuivre l'analogie, le plafond fait que, quand la marée monte, certains bateaux montent et certains bateaux ne montent pas... et si votre bateau ne suit pas la marée montante, vous coulez. C'est le principe directeur. Il est inscrit dans la Constitution. C'est ainsi que notre pays a été conçu. Le plafond empêche le système de fonctionner comme il le devrait.

C'est un principe fondamental. On peut modifier les modalités, mais c'est ce principe dont vous devez tous tenir compte avant de vous prononcer sur le projet de loi.

Le président: Merci, mesdames et messieurs les ministres. Merci, monsieur Godin.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

Merci à vous tous de nous avoir exposé votre point de vue aujourd'hui. En tant que membre du comité représentant le Canada atlantique, je suis fier que nous ayons l'occasion d'entendre les représentants des finances des provinces de l'Atlantique.

• 1050

Je suis très heureux que la discussion porte sur l'aspect fiscal, parce que je crains énormément la ghettoïsation du développement économique. En effet, certaines provinces peuvent adopter des politiques fiscales ambitieuses, et même abusives, tandis que d'autres provinces, dont la situation financière est moins favorable, sont obligées de maintenir des niveaux d'imposition, ce qui, particulièrement dans la nouvelle économie, freine leur croissance économique. C'est la situation dans l'ensemble du Canada.

La notion d'égalité des chances et d'égalité de l'accès aux leviers de la croissance économique constitue la pierre angulaire du programme de péréquation. Les habitants de la région de l'Atlantique ne demandent qu'à être sur le même pied d'égalité que le reste des Canadiens et à bénéficier d'une certaine croissance économique. C'est pourquoi j'étais heureux que vos propos portent sur l'impôt.

Comme on l'a dit, l'Irlande a essentiellement mis en place une stratégie axée sur l'impôt et elle a investi dans l'éducation postsecondaire. Ce pays a utilisé les transferts de l'Union européenne pour réduire considérablement les impôts et créer un climat économique qui a engendré une croissance de 92 p. 100 du PIB par habitant sur une période de dix ans. Je crois que ce type d'exemple vient renforcer votre point.

En premier lieu, j'aimerais savoir si les gouvernements de la région de l'Atlantique accepteraient un certain niveau de conditionnalité en ce qui a trait aux paiements de péréquation—particulièrement au chapitre de la dette et des impôts. Si vous vous engagiez à réduire la dette et les impôts, le gouvernement fédéral serait peut-être un peu plus sensible à votre cause.

En deuxième lieu, j'aimerais savoir si vous pensez que notre stratégie en matière de développement économique devrait être renouvelée en même temps que le programme de péréquation. Les programmes de développement économique semblent être mis en oeuvre dans la région de l'Atlantique sans véritable consultation préalable, et ils peuvent s'avérer ou non efficaces. Peut-être qu'à long terme les stratégies de développement économique et le programme de péréquation devraient être relativement intégrés.

Ce sont là mes premières questions, et j'en ai deux autres à vous poser.

Mme Joan Marie Aylward: Si nous effectuons une comparaison entre les économies, je crois qu'il est important de signaler que, par exemple, Terre-Neuve se situe à 69 p. 100 du PNB. Cela vous donne une idée de notre situation actuelle et du chemin que nous avons à parcourir.

Pour ce qui est de la dette, nous affectons environ 15 cents de chaque dollar à son remboursement. Nous sommes très conscients de son ampleur et nous savons que, tant qu'elle ne sera pas éliminée, nous ne pourrons connaître une réelle croissance.

Le fardeau fiscal nous importe tous beaucoup. Vous avez raison de dire que plus nos impôts seront élevés, moins les gens seront intéressés à venir démarrer des entreprises chez nous. Nous savons tous que, de nos jours, les entreprises ne viennent plus frapper à votre porte. Il faut faire preuve de dynamisme pour les attirer et faire concurrence aux autres marchés. Un grand nombre d'entre nous se fait concurrence et nous faisons aussi concurrence aux États-Unis pour essayer d'attirer des entreprises dans la région de l'Atlantique. La question de l'assiette fiscale est donc très importante.

En ce qui a trait à la capacité et aux disparités fiscales, je crois que nous sommes tous très déterminés à faire quelque chose. Nous avons tenu des discussions très intéressantes sur la façon de collaborer ensemble en tant que région pour améliorer notre sort. Nous avons discuté de la façon d'attirer des entreprises, d'améliorer notre infrastructure et de répondre aux besoins en matière de soins de santé. Ce sont tous des éléments dont un grand nombre d'entre vous a parlé.

Nous avons discuté de cela du point de vue de l'Atlantique et aussi d'autres programmes. Nous, les ministres des Finances, tentons de trouver des solutions conjointement avec nos premiers ministres. Nous avons aussi tenu des discussions préliminaires avec le ministre fédéral.

M. Norman Betts: Monsieur Brison, j'apprécie votre question. Je suis encore plus heureux maintenant d'avoir distribué la petite fiche sur laquelle figure l'article 36 de la Constitution. Cet article comporte deux paragraphes. Le paragraphe 36(1) porte sur l'engagement à réduire les disparités régionales et le paragraphe 36(2) concerne précisément les paiements de péréquation.

Sur le plan fiscal, le paragraphe 36(2) stipule que nous devons assurer les services publics non seulement à un niveau de qualité comparable, mais aussi à un niveau de fiscalité comparable.

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Selon moi, le paragraphe 36(2) sur les paiements de péréquation vise à permettre aux provinces de suivre le rythme. Le paragraphe 36(1), quant à lui, vise à faire état dans la Constitution des efforts que doivent déployer les provinces pour rattraper leur retard. Il est impossible de maintenir la cadence si le programme conçu pour vous aider à le faire ne fonctionne pas comme il le devrait. C'est pourquoi nous sommes ici—pour vous faire part de la gravité du fait que le plafond empêche le programme de péréquation de fonctionner comme il le devrait.

Nous pouvons certes faire preuve de créativité; c'est assurément ce que nous ferons. Mais il nous faut aussi une aide. Nous devons faire des efforts pour rattraper notre retard, mais parallèlement, le programme de péréquation doit nous permettre de suivre le rythme. C'est pour cela qu'il a été créé.

Le président: Je vais laisser Mme Guarnieri poser une brève question. Ensuite, nous devrons clore la séance, car il faut céder la place au Comité des transports.

Mme Albina Guarnieri (Mississauga-Est, Lib.): Merci.

Je vous souhaite la bienvenue. J'espère que vous continuerez de considérer Ottawa comme la ville des arrangements fiscaux fraternels. Je vous conseille de ne pas adopter la suggestion de M. Godin.

Un des intervenants s'est plaint de l'énormité de la dette et du déficit et a fait valoir que des restrictions budgétaires s'imposaient. L'Ontario est en train de préparer le terrain pour de nouvelles compressions. Tout d'un coup, on nous représente la notion de restriction.

Quel message avez-vous envoyé au marché, à vos consommateurs et à vos contribuables à propos de ce que leur réservera les prochains budgets durant la période actuelle de ralentissement économique?

Mme Patricia Mella: L'Île-du-Prince-Édouard savait parfaitement bien que ses impôts étaient élevés. Nous devions intervenir, alors chacun de nos quatre derniers budgets prévoyait des baisses d'impôt. À l'exception de l'année courante—en raison de la crise liée à la galle verruqueuse, qui était inattendue—nos budgets ont été équilibrés.

Nous avons réduit notre dette provinciale. Nous avons mis en oeuvre un programme de restructuration de la dette et nous prévoyons que la croissance pour la prochaine année s'établira entre 1,5 et 2,5 p. 100. C'est notre meilleure estimation, qui tient pour acquis que le problème des pommes de terre sera réglé, car c'est un élément important qui entre en ligne de compte.

Nous nous sommes engagés à essayer de vivre selon nos moyens et de diminuer le fardeau fiscal afin de pouvoir attirer des entreprises. Cela semble fonctionner. Nous avons obtenu une meilleure note de la part des agences de cotation, ce qui a attiré davantage d'investissements dans la province et ce qui signifie qu'au fil du temps nous aurons notre propre source de revenus qui remplacera les paiements de péréquation.

C'est notre objectif. Nous ne cherchons pas à continuer de dépendre d'un programme qui fait abstraction de la croissance. Nous savons que, dès que nos revenus augmenteront, les paiements de péréquation diminueront. C'est comme ça que le programme fonctionne, et c'est comme ça que nous pensons qu'il doit fonctionner—comme cela a été le cas jusqu'à maintenant.

La seule lacune, c'est le plafond, qui dénature le programme. Nous serons aux prises avec un grave problème jusqu'en 2004, année lors de laquelle le programme sera examiné de nouveau en prévision des cinq années suivantes.

Mme Albina Guarnieri: Prévoyez-vous un ralentissement de la croissance des revenus? Je dis simplement que, si les gouvernements—conjointement avec leur ministre des Finances et tous leurs économistes et conseillers—repensent leurs budgets, le consommateur moyen devra faire de même et repensera ses dépenses. C'est la confiance des consommateurs qui me préoccupe.

Mme Patricia Mella: À ce stade-ci, nous prévoyons encore une croissance. À mon avis, rien n'indique qu'il y a un problème. Nous avons déjà présenté le budget et nous prévoyons que les revenus augmenteront entre 1,5 et 2,5 p. 100 au cours de l'année à venir.

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Les perspectives semblent raisonnablement bonnes, mais nous devons faire en sorte d'obtenir les revenus prévus dans le budget. L'un des postes budgétaires est celui dont nous parlons en ce moment. C'est celui qui pose un problème, car nous savons déjà qu'il y manquera 9 millions de dollars en raison du plafond.

Mme Albina Guarnieri: Est-ce que l'une des autres provinces voudrait...

M. Norman Betts: Si je puis me permettre, je vais faire une brève observation. Nous avons présenté deux budgets au Nouveau-Brunswick depuis que nous sommes au pouvoir. Notre premier budget prévoyait une réduction des dépenses de 100 millions de dollars. Nous sommes la seule province au Canada à avoir fait cela, c'est-à-dire avoir diminué nos dépenses de 100 millions de dollars, et non pas avoir réduit la croissance des dépenses. Je ne prétends pas que cela a été facile, mais ce que nous avons—et votre question est pertinente...

Je vous renvoie à un document dont nous, les ministres des Finances, avons convenu unanimement. Il s'agit d'un document qui porte sur les disparités fiscales au sein du Canada. Notre problème—qui sera celui auquel nous serons tous confrontés au fil du temps—est que nos revenus ne progressent pas aussi rapidement que nos dépenses. Nul besoin d'être économiste pour savoir que, si les revenus n'augmentent pas aussi rapidement que les dépenses, nous nous retrouvons dans le rouge. Les soins de santé sont une compétence provinciale, ce qui nous pose un véritable défi.

En examinant ce document—et je vous encourage à le faire de nouveau—vous constaterez que le gouvernement fédéral se trouve dans la situation inverse. Ses revenus progressent beaucoup plus rapidement que ses dépenses, car les dépenses qu'il doit effectuer en vertu de la Constitution ne progressent pas au même rythme que les nôtres, notamment dans le secteur de la santé.

Les éléments dont nous discutons maintenant, c'est-à-dire les paiements d'égalisation, les paiements de péréquation et le plafond, ne font qu'accentuer les disparités fiscales. Je répondrais à votre question dans ce contexte.

Mme Albina Guarnieri: Je vous remercie de vos explications. Nous consulterons les médias pour prendre connaissance de votre exposé économique.

Le président: Madame Aylward, avez-vous une dernière observation à formuler?

Mme Joan Marie Aylward: Oui, merci beaucoup.

Je voudrais simplement répondre à votre commentaire. Vous avez d'abord parlé de la conjoncture en Ontario. En fait, l'économie ontarienne est en pleine expansion depuis dix ans, et à l'heure actuelle, je sais que la province ne voit pas les choses du même oeil.

Depuis les 11 dernières années, Terre-Neuve subit des restrictions budgétaires. En fait, ce terme est devenu offensant, car nous vivons des compressions depuis tellement longtemps que nous aurions dû enregistrer une croissance. Il est très difficile de renforcer une telle mesure, car cela fait 11 ans que nous en parlons et que nous déployons beaucoup d'efforts pour demeurer prudents sur le plan budgétaire. Cependant, nous avons enregistré une croissance modeste de nos revenus, et nos prévisions sont très favorables.

Pour terminer, je tiens à remercier le comité d'avoir écouté notre point de vue. J'espère que vous pouvez comprendre l'incidence du plafond sur l'ensemble de nos revenus et sur la prestation des services.

Merci beaucoup.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Au nom du comité, je tiens à vous dire que nous vous sommes très reconnaissants d'être venus témoigner. Nous examinerons vos documents et vos exposés, qui sont très complets, lorsque nous étudierons le projet de loi. Merci encore.

Je tiens aussi à remercier le président du Comité des transports, qui nous a gentiment accordé du temps supplémentaire.

La séance est levée.

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