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SRID Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON HUMAN RIGHTS AND INTERNATIONAL DEVELOPMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DES DROITS DE LA PERSONNE ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 23 octobre 2001

• 1537

[Traduction]

La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

Le Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international tient sa douzième réunion. Nous poursuivons notre étude de la situation en Colombie.

Nous accueillons aujourd'hui plusieurs témoins bien informés que va nous présenter, je pense, Kathy Price, du groupe Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice.

Allez-y.

Mme Kathy Price (recherchiste et conseil, Droits de la personne en Amérique latine, Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice): Je voudrais remercier le sous-comité de nous avoir invités à comparaître devant lui aujourd'hui. Nous allons vous faire entendre trois grands porte-parole de la société civile colombienne.

Le groupe Initiatives oecuméniques canadiennes pour la justice, que je représente et qui a accueilli nos visiteurs colombiens à Ottawa, est une coalition nouvelle qui regroupe des églises canadiennes, des organisations et des communautés religieuses, l'ancien Comité inter-églises des droits humains en Amérique latine et l'Agence d'entraide des églises pour le développement et la justice.

Le Comité inter-églises des droits humains en Amérique latine a comparu devant le sous-comité le 30 mai, de concert avec Lilia Solano, qui représente la Commission pour la paix et les droits de la personne du Conseil des églises évangéliques en Colombie. Nous invitons les membres du comité, et surtout les nouveaux, à prendre connaissance du mémoire que nous avons présenté ce jour-là et des recommandations que nous avons formulées.

Il est impératif que le Canada tienne compte du point de vue des associations réputées et représentatives de la société civile colombienne au moment d'élaborer sa politique concernant la Colombie. La voix de ces éminents Colombiens—représentant Paix Colombie ou le Réseau pour la paix en Colombie, l'Assemblée permanente de la société civile pour la paix et la Commission pour la paix et les droits de la personne du Conseil des églises évangéliques en Colombie—est très importante. Elle représente un mouvement grandissant dans tous les secteurs de la société, un mouvement qui prône une solution négociée au conflit armé en Colombie qui se fonde sur le respect des droits de la personne et de la justice sociale.

Ils vous en diront plus à ce sujet. Toutefois, je vous encourage non seulement à appuyer les propositions qu'ils vont vous formuler, mais aussi leur droit d'expression. Les dangers auxquels s'exposent les personnes comme celles qui comparaissent devant vous aujourd'hui et qui parlent au nom de la paix, de la justice et des droits de l'homme sont énormes.

J'ai en main un communiqué du 30 septembre qui a été émis par les forces paramilitaires. Je vous en laisse une copie. Il mentionne le nom de Jorge Rojas, et constitue une menace directe pour sa vie.

• 1540

De façon plus précise, nous vous encourageons à discuter de la sécurité de Jorge Rojas et des autres membres du groupe Paix Colombie avec les autorités colombiennes, et d'appuyer aussi leur droit de s'exprimer sans crainte de représailles.

Merci.

La présidente: Allez-vous nous présenter les témoins?

Mme Kathy Price: Je pense qu'ils vont se présenter eux-mêmes.

M. Jorge Rojas (représentant, Paix Colombie (Interprétation)): Je tiens à vous remercier de nous avoir invités, aujourd'hui, à discuter de la situation en Colombie et ailleurs dans le monde, et à vous soumettre des propositions qui, nous l'espérons, convaincront la société canadienne, et l'État canadien, de la nécessité de nous aider à trouver une solution à cette crise.

La situation en Colombie se détériore de jour en jour à cause du conflit armé. Tous les segments de la société sont touchés. Sur les 20 personnes qui, tous les jours, trouvent la mort, 15 meurent au travail, chez elles ou dans la rue. Elles ne participent pas au conflit armé. Ce sont des civils qui ne sont pas armés. Les cinq autres meurent comme combattants. Je vous encourage donc à considérer l'aspect inégal de la situation.

Chaque jour, au moins 1 000 personnes sont déplacées. Elles fuient à cause du conflit armé. Ce phénomène ira évidemment en s'aggravant si le processus de négociation est interrompu ou suspendu. Nous avons l'impression de vivre dans un contexte de guerre, en raison surtout de la nouvelle situation que crée la lutte antiterroriste à l'échelle mondiale.

Les groupes armés, les guérillas et les paramilitaires, continuent de terroriser la population civile. Toutefois, nous estimons que le conflit en Colombie est essentiellement politique, et que ce sont des facteurs socio-économiques qui en sont à l'origine.

Nous proposons au comité, et au gouvernement du Canada, d'unir leurs efforts aux nôtres pour que nous puissions trouver des alliés qui nous aideront à mettre un terme au conflit en Colombie.

• 1545

Nous avons cinq propositions à formuler. Les voici: assurer le respect des droits de la personne et du droit international humanitaire pour éviter que la situation ne dégénère en conflit généralisé; appuyer les initiatives de la société civile colombienne en nommant un représentant des Nations Unies qui se chargera de promouvoir le dialogue entre le gouvernement et les guérillas; appuyer la trêve qui est proposée en vue de mettre un terme au conflit, de même que la mise en place d'un mécanisme international de vérification; éradiquer, à la fois manuellement et volontairement, toutes les cultures illégales de drogue dans le cadre de la trêve qui est proposée; renforcer la société civile en proposant des solutions de rechange démocratiques qui nous permettront de bâtir une société nouvelle.

Enfin, vous devriez savoir qu'il existe en Colombie une société prête à lutter et à travailler pour empêcher l'extension du conflit—pour éviter la guerre—sauf que cette société a besoin de l'appui de la communauté internationale pour promouvoir le respect des principes démocratiques et des droits de la personne, et la paix.

Mme Nelly Albaran (représentante, Assemblée permanente de la société civile pour la paix (Interprétation)): Jorge vous a brossé un tableau assez sombre de la situation en Colombie. Il vous a parlé des pertes de vies humaines, de la disparition des valeurs, surtout sociales. Or, qu'a fait la société civile pour réagir?

La société civile s'est organisée et a réclamé la paix, de même que le respect des droits de la personne et du droit international humanitaire. Toutefois, la réalisation d'un tel objectif passe par l'adoption de nouvelles normes éthiques. Nous ne pouvons réorganiser une société et un pays si nous ne respectons pas les droits universels de la personne et le droit international humanitaire.

• 1550

Nous devons lutter contre les trafiquants de drogue. Nous devons aussi, maintenant, lutter contre les terroristes. Cela semble donc vouloir dire que la guerre devient la responsabilité de l'État. Nous n'acceptons pas cette solution dans notre cas. Pour pouvoir bâtir un pays nouveau et une société nouvelle, il nous faut réunir les conditions que j'ai déjà mentionnées: soit le respect des principes démocratiques et des droits de la personne.

Donc, nous vous demandons de souscrire à notre raisonnement et à notre approche et de dire que, ce que nous voulons, c'est la vie, non pas la mort et la guerre.

J'aimerais, si je puis me le permettre, ouvrir une parenthèse. Hier, nous sommes allés visiter le site appelé point zéro, où se dressaient les tours jumelles. Nous avons versé des larmes. Pourquoi, me suis-je demandé? Ces morts sont pour nous des étrangers. Ce ne sont pas nos morts. Le fait est qu'ils sont eux aussi des victimes de la brutalité. Nous ne vous demandons pas de verser des larmes pour nos morts; toutefois, ces milliers de morts vous concernent également.

Notre message est le suivant: la vie est plus importante que la guerre. Nous devons mettre un terme au conflit qui nous saigne, qui mine notre société, qui la tue. Nous devons arrêter la guerre. Pour y arriver, il faut que communauté internationale appuie nos efforts en faveur d'une refonte de la société, de l'économie et du régime politique. Il n'est pas bon d'agir isolément, que ce soit sur le plan individuel ou en tant que société.

• 1555

Enfin, rapidement, nous vous demandons d'essayer de mieux comprendre le processus qui a cours en Colombie afin d'éviter les nombreux malentendus qui peuvent survenir. Par exemple, nous pouvons dire que nous appuyons la Colombie parce que nous appuyons le président Pastrana et le processus de paix, ou nous pouvons dire que nous appuyons la Colombie parce que nous appuyons le plan Colombia avec toutes les ramifications et conséquences qu'il entraîne. Nous tenons à ce que vous sachiez que toute médaille a son revers.

Vous pouvez appuyer, comme nous le faisons, le président et taire toute critique. Or, nous tenons à souligner le fait que des erreurs ont été commises dans le cadre du processus de paix. Nous n'avons pas l'intention de critiquer le plan Colombia, mais nous tenons à dire que celui-ci comporte des côtés négatifs pour la société colombienne.

Donc, sauf votre respect, nous demandons au Parlement d'essayer de comprendre l'ensemble du processus colombien, pas seulement la situation actuelle. Cela vous permettra de mieux comprendre la société que nous tentons de bâtir.

Je tiens à vous remercier de votre attention. Nous accepterons volontiers de vous expliquer plus à fond les positions que nous avons adoptées.

M. Ricardo Esquivia Ballestas (directeur, Commission des droits de la personne du Conseil des églises évangéliques de Colombie (Interprétation)): Je m'appelle Ricardo Esquivia. Je représente les églises protestantes et les communautés afro-colombiennes.

Pour bâtir la paix dans une société civile, il faut la démocratie, et c'est ce que nous voulons en Colombie. La paix n'est possible qu'à l'intérieur d'un cadre démocratique. La guerre met fin à tout effort de démocratisation, et on ne peut construire un pays quand on est en guerre. Nous avons donc cherché à promouvoir la société civile démocratique, à instituer le droit et à sauver nos institutions.

Nous participons à de nombreux processus et à diverses initiatives de paix en Colombie. Toutefois, nous constatons que bon nombre de ces initiatives sont entreprises isolément et que nous devons unir nos efforts. Nous voulons donc coordonner nos actions et travailler ensemble en vue de renforcer notre communauté, qui commence à manifester des signes de désespoir.

• 1600

Nous avons créé un réseau, un comité de liaison, qui cherche à axer ses efforts sur la réalisation d'initiatives conjointes destinées à favoriser le respect des droits de la personne et la paix. Voilà la démarche que nous comptons adopter pour, encore une fois, instituer le droit.

Nous avons, l'an dernier, à San José, dans un effort concerté, rassemblé la société civile, l'État et la communauté internationale. Le Canada était présent.

Nous avons également tenu, dans le cadre de l'Assemblée permanente de la société civile, une séance plénière qui a permis de réunir 3 500 personnes. Nous avons, pendant une semaine, tenu des discussions à l'échelle nationale avec différentes communautés. Nous sommes en train d'organiser un congrès national auquel participeront des représentants de nombreuses associations de la de la société civile. Nous avons des propositions concrètes à soumettre en vue de bâtir un pays nouveau. C'est ce dont a besoin, selon nous, la société colombienne.

Comme nous sommes en pleine période électorale, nous voulons profiter de cette occasion pour soumettre ces propositions aux vainqueurs éventuels du premier tour.

Nous aimerions beaucoup que le Canada, le peuple canadien et le Parlement assistent au congrès national à titre d'observateurs et pour qu'ils puissent voir la société civile à l'oeuvre quand elle formulera sa requête au gouvernement et aux forces qui l'opposent.

• 1605

Le Canada pourrait envoyer un comité parlementaire en Colombie afin qu'il rencontre les représentants du gouvernement et le peuple colombien. Une telle démarche nous serait d'une grande utilité. Nous serions prêts à aider le comité, que ce soit pour établir des contacts ou organiser des réunions avec des secteurs de la société civile et autres groupes de notre pays.

Nous pourrions parler de bien d'autres choses, mais nous pourrons peut-être éclaircir les points qui vous intéressent lors de la période des questions.

Je tiens à vous remercier de nous avoir donné l'occasion de vous rencontrer. Nous savons que votre temps est précieux. Nous sommes heureux d'avoir eu la possibilité de nous faire entendre et de discuter avec vous.

Encore une fois, nous vous invitons à venir nous rendre visite. J'espère que vous unirez vos efforts aux nôtres en vue d'amener la paix en Colombie. Nous sommes convaincus que cette paix profitera à l'ensemble des pays de l'hémisphère, y compris le Canada.

La présidente: Merci beaucoup.

Je tiens surtout à remercier l'interprète. Je n'ai pas saisi votre nom.

Mme Maria Elena Sandoz (interprète): Maria Sandoz.

La présidente: Merci beaucoup. L'interprétation est un métier difficile.

Nous allions arrêter pendant cinq minutes et tenir un vote rapide, mais comme nous n'avons pas le quorum, nous allons devoir attendre.

Nous allons passer aux questions.

[Français]

Monsieur Dubé.

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Je n'ai peut-être pas compris. Avez-vous précisé le moment où aura lieu le congrès de la société civile que vous voulez organiser?

[Traduction]

M. Ricardo Esquivia Ballestas (Interprétation): Il aura lieu l'an prochain, les 23, 24 et 25 mars.

[Français]

M. Antoine Dubé: Vous avez également parlé d'une visite du comité. On y songe et il reste à l'officialiser. Est-ce que les députés ici pourront assister à ce congrès en tant qu'observateurs?

[Traduction]

M. Jorge Rojas (Interprétation): À notre avis, ce congrès réunira un grand nombre de participants et il aura de nombreuses ramifications. Il s'agira d'un congrès de la société civile qui réunira le plus grand nombre possible de participants. Nous espérons qu'il y aura des observateurs de l'Union européenne, d'États européens, du Congrès américain et aussi du Parlement canadien. Y assisteront également les sociétés locales qui appuient les efforts visant à promouvoir un processus de paix indépendant et autonome pour la société civile colombienne.

[Français]

M. Antoine Dubé: Vous avez abordé plusieurs aspects, et je ne veux pas me prononcer tout de suite sur vos propositions qui, à première vue, semblent remplies de bon sens.

• 1610

Vous avez dit qu'il y avait des côtés négatifs au Plan Colombie, et j'aimerais vous donner la chance d'en parler.

[Traduction]

Mme Nelly Albaran (Interprétation): Plusieurs études analytiques du plan Colombia ont été réalisées. Il y a un élément principal qui se dégage des nombreuses conclusions, soit la nécessité de renforcer le régime militaire. C'est le principal volet du plan. Nous croyons que cette démarche mènera la Colombie vers la guerre et qu'elle l'éloignera du processus de paix.

Dans l'ensemble, les sommes consacrées aux programmes sociaux sont faibles. Cela ne veut pas dire que le plan Colombia ne prévoit pas la mise en place de tels programmes, mais plutôt qu'il privilégie surtout les efforts de guerre, puisqu'ils bénéficient de ressources financières énormes. C'est là un des côtés négatifs du plan.

Par ailleurs, le fait de stimuler et d'appuyer les efforts de guerre, de renforcer l'armée, contribue à appauvrir les agriculteurs. Il s'agit d'agriculteurs qui ont de petites exploitations et qui pratiquent, pour la plupart, la culture traditionnelle du coca. Or, ils sont en train de procéder à la fumigation des champs en raison des changements qui découlent du plan Colombia. Voilà un autre facteur à l'origine du déplacement des populations. Et n'oublions, bien entendu, les effets toxiques de cette pratique sur la population et les terres, et donc sur l'écosystème.

• 1615

Comme vous pouvez le constater, il y a absence de cohérence à la base. On ne peut pas, en toute logique, parvenir à la paix en faisant la guerre. Notre société souffre du fait que l'on consacre peu d'argent au volet social, mais beaucoup d'argent au volet militaire.

Le plan Colombia entraînera une augmentation des violations des droits de la personne tout en affaiblissant l'écosystème. De nombreuses études le démontrent. Le développement du pays sera, dans l'ensemble, durement touché. Le plan Colombia nuit au développement du pays, comme l'illustrent de nombreuses et excellentes études.

Tout cela crée une situation d'illégalité, qui augmente la fragilité de l'État. En fait, cela contribue à exacerber la crise qui secoue notre pays.

La Colombie manque d'institutions, d'autorité, il n'y a aucun doute là-dessus. Les trois organes de l'État sont minés par la corruption et le trafic de drogue. Cette situation favorise l'enrichissement du particulier au lieu de la société dans son ensemble, ce qui nuit au développement du pays et au processus de création d'institutions.

Le plan a maintenant une portée internationale. On a créé une initiative régionale visant les pays andins. Les efforts déployés favorisent davantage l'approche géopolitique américaine que les intérêts de la Colombie.

En résumé, le Plan Colombie n'est pas la voie de la paix. La voie de la paix est ailleurs. Elle passe par la formulation de politiques d'État qui permettront de trouver une solution négociée au conflit, d'accroître la démocratie, de défendre les droits de la personne et de modifier le contexte économique, social et politique de notre pays, avec la participation de toute la société civile et avec la coopération internationale, dans l'intérêt de tous les Colombiens.

• 1620

La présidente: Je vous remercie.

Nous attendrons un petit moment pour la prochaine question, parce que nous avons une occasion de faire quelque chose qu'a suggéré M. Rojas. Il a parlé de la nécessité d'avoir un médiateur des Nations Unies pour la Colombie.

J'adresse mes prochaines observations à tout le monde, y compris à vous, les témoins. C'est en réalité pour les membres du comité, mais j'aimerais que vous le sachiez.

Je veux signaler aux membres du comité que nous avons la possibilité, la semaine prochaine, de rencontrer le conseil spécial du Secrétaire général des Nations Unies sur l'aide internationale à la Colombie, M. Jan Egeland. Il vient de la Norvège. En raison de notre horaire—ou plutôt du sien, en fait—nous pourrions le rencontrer pour le petit déjeuner à 7 h 30 le 31 octobre. J'aimerais recevoir une motion à ce sujet et avoir votre accord.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Madame la présidente, je propose qu'on adopte la motion telle qu'elle est rédigée.

[Traduction]

La présidente: Est-ce que tout le monde est d'accord?

(La motion est adoptée)

La présidente: Je vous remercie beaucoup.

Madame Beaumier.

Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Je pense qu'il y aura beaucoup de questions à poser et qu'il nous faudra établir un dialogue. J'écoute des exposés sur la Colombie depuis cinq ans maintenant et je n'ai même pas encore pu commencer à comprendre la situation. D'un côté, il y a les trafiquants de drogue qui financent la milice, il y a les multinationales de l'État qui contribuent au déplacement, et puis il y a l'industrie minière. Je sais que le Canada aide à refondre le code d'exploitation minière; cependant, j'apprends que nous le rédigeons de manière à favoriser les multinationales aux dépens des peuples indigènes de là-bas, les Colombiens.

Et il y a aussi les groupes paramilitaires qui sont financés par le gouvernement et qui luttent contre la milice, laquelle est financée par les barons de la drogue. Ils interviennent et, ensemble, tuent les représentants des gouvernements locaux qui représentent véritablement le peuple colombien.

C'est donc très difficile de s'y retrouver dans toute cette situation.

La présidente: Colleen, vous ne vouliez pas vraiment dire que les groupes paramilitaires sont financés par l'État; vous vouliez dire les forces militaires... du gouvernement?

Mme Colleen Beaumier: Non, les groupes paramilitaires. Les paramilitaires, c'est le gouvernement, n'est-ce pas?

La présidente: Non, c'est l'un des groupes terroristes.

Mme Colleen Beaumier: Ce qu'on nous a dit, c'est que les forces paramilitaires sont financées par le gouvernement—pas ouvertement, pas officiellement...

La présidente: Pas officiellement, non. À la façon dont vous l'avez dit, ça semblait officiel.

Mme Colleen Beaumier: Eh bien, non. Et puis nous parlons des barons de la drogue qui financent officiellement la milice.

Il y a une chose qu'il faut comprendre, et c'est que tout le monde, ici, siège à ce comité parce que les droits de la personne nous tiennent à coeur, et nous ressentons une certaine responsabilité face au reste du monde. Cependant, je commence à avoir l'impression que nous patinons. Vous prêchez devant des convertis, alors que ce que nous voulons, c'est trouver des solutions.

Le problème est complexe. Je suis sûre que la solution sera tout aussi complexe—ou peut-être pas. Pouvez-vous seulement nous donner quelque chose de concret que nous puissions mettre dans un rapport pour dire à notre gouvernement: voici ce qu'il faut faire pour aider les gens de la Colombie?

• 1625

M. Jorge Rojas (Interprétation): Tout d'abord, je tiens à vous remercier d'avoir pris cette décision, avec la motion que vous venez d'adopter, qui va dans le sens de notre proposition de tenter de faire nommer un médiateur pour la Colombie. Nous tenons à bien nous faire comprendre. Nous appuyons les travaux de M. Egeland en Colombie, mais ce qu'il nous faut, c'est un médiateur permanent pour appuyer les travaux de M. Egeland en Colombie.

Nous visons ainsi à garantir la transition du processus de paix du gouvernement actuel au suivant. Cela garantira aussi une participation accrue de la communauté internationale et de la société civile dans son ensemble, qui, pour l'instant a peu, sinon aucune influence sur les négociations pour la paix.

Deuxièmement, nous avons effectivement une proposition à présenter au gouvernement du Canada et à la communauté internationale. En Colombie, les négociations sont dirigées par un gouvernement dont la légitimité démocratique est douteuse, dont la capacité de représenter la population est en doute, dont les institutions elles-mêmes traversent une crise et qui négocie avec une guérilla dont la capacité d'obtenir le moindre soutien politique est aussi très douteuse. Par conséquent, il ne nous représente pas. Nous souhaitons faire une proposition, une proposition à l'État au nom de la société civile, qui nous permettrait de renforcer la démocratie, de rétablir la paix et le respect des droits de la personne, et de sortir de ce que vous avez très justement appelé un cercle vicieux où on répond à la violence accrue par le dialogue, lequel n'apporte aucune solution.

Enfin, j'aimerais remercier le gouvernement du Canada pour les mesures qu'il a pris pour renforcer la société civile dans notre pays. L'ambassadeur du Canada en Colombie a réuni les forces de la société civile. Il a fait reconnaître publiquement le travail que fait la société civile pour rétablir la paix. C'est un message très positif, parce qu'il nous reconnaît une bien plus grande légitimité et qu'il rend la situation beaucoup moins périlleuse pour ceux qui recherchent la paix.

J'aimerais, pour terminer, dire qu'il y a des gens, de nos jours, qui sont tués en Colombie pour avoir exprimé ce que nous avons dit ici cet après-midi.

• 1630

La présidente: Oui, je peux le confirmer. J'étais en Colombie en mai. Le dernier commentaire est très vrai, et aussi les observations sur l'ambassadeur... Il fait un merveilleux travail là-bas, et ce serait fantastique s'il pouvait avoir plus d'aide sur place.

Puisque j'en ai le privilège, je vais poser une question.

Le département d'État des États-Unis désigne les FARC, l'ELN et les forces paramilitaires comme des groupes terroristes. Pensez-vous que la guerre que livrent les États-Unis au terrorisme aura une incidence sur la situation, en Colombie? Est-il possible que ces groupes se sentent pressés de conclure la paix plus rapidement?

M. Jorge Rojas (Interprétation): Je pense que ce que vous avez dit est très important, parce que cette lutte contre le terrorisme, ou la guerre contre le terrorisme, devrait à notre avis être multilatérale; elle ne peut se faire de façon unilatérale. Nous avons appris que le gouvernement américain a effectivement ajouté à sa liste des groupes terroristes les noms des principaux acteurs du conflit armé en Colombie. La semaine dernière seulement, le département d'État nous a dit, cependant, que puisque ces groupes n'agissent pas à l'échelle internationale, ils ne constituent pas une priorité stratégique pour le département d'État des États-Unis.

Nous pensons que la guerre contre le terrorisme comporte un danger, et c'est qu'elle pourrait aggraver le conflit plutôt que d'y apporter une solution, parce qu'il y a des secteurs, en Colombie, qui ne croient pas dans la possibilité d'une solution politique. Nous pensons qu'il nous faut désactiver le conflit, qui est le pire conflit que connaisse actuellement l'hémisphère occidental. Nous pensons que la politique américaine soutient les groupes paramilitaires. Le gouvernement américain donne 2 millions de dollars américains par jour à la Colombie pour soutenir les forces militaires, et nous savons que les militaires sont déterminés à appuyer les groupes paramilitaires; par conséquent, elles seront un véhicule du terrorisme, tout autant que la guérilla.

La présidente: Je vous remercie.

Madame Jennings.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Merci, madame la présidente. Merci beaucoup de vos présentations.

Puisque je suis nouvellement nommée à ce comité, je n'ai pas eu le bénéfice, comme mes collègues qui siègent au comité depuis plusieurs années, d'entendre des témoignages sur la question de la Colombie. Toutefois, je me suis quand même intéressée à la situation en Colombie et j'ai quelques questions à vous poser.

• 1635

Vous avez expliqué de façon très éloquente comment l'argent qui est actuellement donné au gouvernement de la Colombie pour le militaire est par la suite dévié vers les groupes paramilitaires.

L'Assemblée permanente de la Société civile et les autres organismes non gouvernementaux dont la mission ou le mandat est de travailler pour la paix considèrent-ils que l'aide internationale à la société civile est suffisante? Si ce n'est pas le cas, comment le Canada ou d'autres pays qui souhaitent que la paix et une vraie démocratie civile s'établissent en Colombie peuvent-ils vous aider à obtenir l'aide dont vous avez besoin pour faire évoluer votre projet?

Si je vous demande ça, c'est que la façon dont vous venez de décrire la situation en Colombie laisse entendre qu'alors que les États-Unis jugent que vos terroristes internes ne sont pas une cible stratégique parce que leurs actes ne débordent pas les frontières de la Colombie, votre gouvernement, qui est en crise et qui n'a donc pas le pouvoir et la capacité de renforcer les institutions gouvernementales démocratiques, semble être dénué de toute crédibilité.

[Traduction]

La présidente: Marlene, je pense que vous devriez donner à l'interprète un moment pour vous rattraper. C'est difficile pour elle, si elle doit vous interpréter pendant que vous parlez. Si vous pouviez parler, puis lui donner un moment pour traduire, ce serait plus facile pour eux de vous comprendre.

Mme Marlene Jennings: D'accord.

[Français]

Je la félicite parce qu'elle traduit assez bien. J'ai presque perdu le fil de ma pensée.

C'est quasiment comme si vous étiez dans une situation où vous n'aviez d'autre choix que celui de créer un genre de gouvernement parallèle et alternatif qui se dotera de programmes et de politiques, cela à un point tel qu'à un moment donné, vous allez pouvoir prendre le «pouvoir». Ai-je raison de croire que la situation devra ultimement être celle-là?

[Traduction]

M. Jorge Rojas (Interprétation): Lorsque nous parlons du gouvernement et des groupes paramilitaires, nous ne pouvons pas dire ici que le gouvernement applique une politique institutionnelle de soutien des groupes paramilitaires, mais nous pouvons dire que le gouvernement n'a pas de politique pour lutter contre eux. Par conséquent, que ce soit l'un ou l'autre, en ce qui concerne l'État, c'est très grave.

• 1640

Mme Nelly Albaran (Interprétation): J'aimerais ajouter quelque chose au sujet des groupes paramilitaires, mais peut-être une perspective légèrement différente, et ainsi pourrez-vous vous faire une idée, d'après l'exemple que je vais donner, de qui est intéressé à financer les forces paramilitaires.

Je suis conférencière universitaire en philosophie. L'un des économistes de notre université, de la faculté des sciences humaines, a été assassiné à la sortie de l'une de ses classes de deuxième cycle. Il s'intéressait à l'analyse de la société civile. Il avait participé à des tentatives antérieures de négociation et de dialogue en vue de la paix entre le gouvernement et la guérilla. Il était déterminé à susciter des changements dans la vie de la Colombie et pourtant, sans procès, il a été abattu.

Aujourd'hui, il me semble que des gens sont réunis ici, qui analysent la vie en Colombie et qui font des recherches sur le sujet. Il y a des chercheurs de l'Amérique latine, et je connais beaucoup de leurs adjoints colombiens aussi.

Jorge vient de dire que de nombreux activistes peuvent perdre la vie rien que pour s'être exprimés, ou pour avoir fait des recherches, ou pour avoir tenté de trouver la vérité et d'exprimer la vérité. C'est ce qui est arrivé à Antonio Jesus Bejarno.

Qui aurait intérêt à abattre des gens comme lui? Qui aurait intérêt à abattre Eduardo Pizarro, un autre analyste politique qui est venu au Canada? Il arrivait à l'université. C'est quelqu'un qui publiait sans attendre les conclusions de ses recherches sociales. Alors je demande qui aurait intérêt à abattre ces gens et à les réduire au silence?

La présidente: Avez-vous une autre question, Marlene?

Ricardo.

• 1645

M. Ricardo Esquivia Ballestas (Interprétation): Il y a deux questions concrètes qui ont été soulevées par les députés, et sur lesquelles j'aimerais faire quelques commentaires. La première est: comment le Canada peut-il appuyer la société civile en Colombie?

Eh bien, tout d'abord, puisque le gouvernement américain appuie la guerre très concrètement et la finance en fournissant des considérables sommes au gouvernement de la Colombie, la société civile a tout autant besoin d'un financement suffisamment important et flexible pour lui permettre de prendre des mesures pouvant neutraliser les mesures de soutien de la guerre. C'est un moyen d'aider la société civile. Cela pourrait se faire par l'entremise de l'ambassade, des ONG, ou du gouvernement—ce qui est jugé le plus approprié.

Deuxièmement, la députée Jennings disait que, peut-être, les organisations de la société civile devraient établir un gouvernement parallèle. Eh bien, cela pourrait faire partie des propositions qui devraient être présentées à notre congrès, qui doit avoir lieu en mars, l'année prochaine. Nous avons besoin de propositions et de suggestions pour nous donner une idée de la manière dont nous pouvons créer un nouveau pays et de nouvelles institutions. Ces propositions pourraient être présentées au gouvernement et à la guérilla qui prétendent représenter la Colombie. Cette assemblée, ce congrès, vous permettraient d'intervenir directement et de façon concrète.

Nous pensons que ce sont deux moyens dont vous pourriez appuyer la société civile en Colombie.

M. Jorge Rojas (Interprétation): De notre côté, nous avons deux choix. Le premier est de continuer d'appuyer le processus de paix, qui fait l'objet de négociations entre deux parties qui, selon nous, ont peu, sinon pas de légitimité dans un pays qui est de plus en plus désinstitutionnalisé. Autrement dit, ces négociations sont dirigées par ceux qui tiennent les armes, et ils prétendent négocier l'avenir de l'ensemble de notre pays.

Il y a, selon nous, une autre solution, et c'est que nous présentions des propositions, que nous décidions de transformer le pays. À notre avis, les négociations de paix, telles qu'elles sont actuellement, ne sont seulement qu'un moyen, mais pas une fin en soi. Pour trouver la solution, il se peut qu'il nous faille trouver un moyen au nom de la société civile, qui serait une intervention d'urgence de la société civile dans un pays où il y a une anomie politique absolue, et pour cela, il nous faut le plein appui de la communauté internationale, sans lequel nous ne pouvons pas proposer d'autres solutions.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Antoine Dubé: On parle ici d'options pour régler les conflits et ramener ou développer la paix. Dans le fond, je trouve vos cinq propositions intéressantes. Je pense qu'elles collent bien à la réalité.

• 1650

Tout d'abord, vous proposez le respect du droit humanitaire international, donc une forme de justice pour punir ceux qui commettent des assassinats auprès de membres de la société civile. Il faut trouver les moyens de les punir, mais il faudrait peut-être aussi prévenir et trouver des moyens d'assurer une sécurité personnelle aux leaders des organisations civiles. Depuis plusieurs semaines, depuis le printemps même, chacun des témoins que nous avons entendus nous a dit que l'on entendait parler d'assassinats de personnes qui avaient parlé. Cela m'apparaîtrait comme la priorité n° 1. Comment pourrait-on faire pour assurer une meilleure sécurité personnelle aux leaders de la société civile, à ceux qui parlent de paix et de changement?

J'aimerais vous entendre là-dessus, parce que tout à l'heure, par le biais d'une résolution, on a donné notre appui aux autres points: l'international, le facilitateur. En tout cas, on va le donner. C'est sûr que l'idéal est de travailler par l'action multilatérale, par les Nations Unies. Tout le monde est d'accord là-dessus.

À la fin, quand on arrive à la question de l'appui à la société civile, peut-être me direz-vous qu'il faut de l'argent, mais je pense qu'il faut autre chose. Il faudrait peut-être—et je vais le répéter—des moyens concrets qui pourraient assurer à cette société civile ne serait-ce que la tenue pacifique d'un congrès sur la paix civile chez vous. On peut prêcher la paix, mais la difficulté, pour un député qui est à l'extérieur et qui ne veut pas se mêler des choses intérieures... On ne vous demandera pas de vous mêler de nos réalités intérieures. Mes collègues d'en face savent très bien de quoi je veux parler, mais concrètement, comment peut-on vous aider à faire en sorte que, premièrement, vous ayez une meilleure sécurité personnelle, que, deuxièmement, il y ait une participation massive à votre congrès et qu'enfin, il y ait une présence internationale? Cela peut être fait par les autres, mais les deux premiers m'apparaissent extrêmement importants. J'aimerais entendre des demandes concrètes d'appui là-dessus.

Tant qu'à y être, aussi bien poser ma dernière question tout de suite. À votre connaissance, est-ce que certains des nombreux assassinats qui ont eu lieu depuis des années ont entraîné des condamnations précises ou même des procès des gens qui ont commis ces assassinats, ou si ces crimes sont toujours restés impunis?

• 1655

J'aurais un peu de difficulté à appuyer des mesures qui feraient qu'il y aurait des gens chez vous qui parleraient, parce que d'après ce que l'on comprend, lorsqu'ils parlent, ils se font tuer ensuite. J'hésiterais un peu à appuyer de telles mesures.

[Traduction]

M. Jorge Rojas (Interprétation): Je suis tout à fait d'accord que ce qu'il nous faut, c'est l'appui politique de la société civile. Il y a beaucoup de gouvernements qui participent au processus pour le soutenir dans les négociations entre le gouvernement et la guérilla des FARC. Ce qu'il nous faut, ce sont des gouvernements qui soutiendront la société civile qui veut la paix en Colombie.

Ce que nous voudrions, c'est donner plus de poids aux efforts que déploie déjà le gouvernement du Canada—c'est-à-dire créer un médiateur entre la société civile et la communauté internationale. Autrement dit, nous devrions nous représenter devant la communauté internationale. Cette rencontre-ci, au Parlement, est un moyen très net et précis de le faire. Il y a beaucoup de gouvernements et de parlements qui sont prêts à écouter nos propositions, à faire de nous un sujet dont ils peuvent vraiment discuter et à devenir des interlocuteurs dans le processus de paix en Colombie.

Nous aimerions aussi, peut-être, que vous envoyiez un message au gouvernement de la Colombie pour lui demander d'offrir de pleines garanties à ceux qui travaillent pour la paix. On ne peut jamais trop insister sur le respect des droits de la personne dans un pays où les gens sont menacés et tués. Tout appui politique que vous pouvez fournir augmentera les garanties pour ceux qui continuent à oeuvrer pour la paix.

La présidente: Avez-vous une courte question?

Mme Marlene Jennings: J'essaierai d'être brève.

La présidente: Posez une courte question, et la réponse sera courte.

Mme Marlene Jennings: D'accord.

• 1700

[Français]

J'ai une petite correction à apporter. Je ne disais pas moi-même qu'une option serait de créer des institutions et un gouvernement parallèles. J'essayais d'expliquer que, selon ce que j'avais compris de vos présentations, la description que vous nous aviez fournie de la situation en Colombie semblait mener à une conclusion de ce genre. J'apprécie fort les options que M. Rojas et M. Esquivia ont données, qui sont autres qu'un gouvernement parallèle.

Je voudrais comprendre quelque chose. Je vois sur la liste que nous avons ici, sur l'ordre du jour, que vous, monsieur Esquivia, êtes le directeur de la Commission des droits de la personne. Est-ce un organisme non gouvernemental ou un organisme gouvernemental?

[Traduction]

M. Ricardo Esquivia Ballestas (Interprétation): C'est une commission qui oeuvre pour la paix et la défense des droits de la personne, et cette commission fait partie des églises protestantes. Elle n'est donc pas officielle et c'est simplement le moyen qu'ont trouvé les églises protestantes de soutenir la paix et les droits de la personne.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup de l'éclaircissement parce que c'est frappant. Ici, au Canada, la Commission canadienne des droits de la personne est un organisme créé par le gouvernement qui a des pouvoirs statutaires, des pouvoirs d'enquête, le pouvoir de recevoir des plaintes, etc., et chacun des gouvernements provinciaux a également mis sur pied sa propre commission.

Je pense que le fait que les Églises protestantes aient été obligées de mettre sur pied une telle commission, portant le nom de Commission des droits de la personne, témoigne de façon éloquente du fait que si jamais un organisme du même nom existait en vertu d'une loi du gouvernement colombien, cet organisme serait, semble-t-il, sans effet réel. Est-ce exact? C'est ma dernière question.

• 1705

[Traduction]

M. Ricardo Esquivia Ballestas (Interprétation): J'aimerais donner un éclaircissement. Cette commission a été créée par les églises protestantes parce qu'elles étaient touchées par le conflit armé. Les églises souhaitent contribuer à la création de cette commission pour renforcer la société civile. En Colombie, je ne pense pas qu'on puisse dire qu'une commission semblable existe, une commission spécifique de l'État. Il y a plusieurs entités qui porteraient ce nom, mais c'est plus une couverture.

Mme Nelly Albaran (Interprétation): J'aimerais préciser que le gouvernement a créé, par exemple, des comités des droits de la personne pour l'armée, ou pour certaines institutions—dans certaines institutions. Mais je pense que Ricardo a raison de dire qu'ils ne sont pas particulièrement efficaces.

Il existe un comité permanent des droits de la personne, qui est un comité national, lequel reçoit toutes les plaintes relatives aux violations des droits de la personne, et il fait ses enquêtes avec l'aide du conseil des avocats de la Colombie dont je suis membre.

J'aimerais mentionner un peu le travail que fait l'Assemblée permanente de la société civile pour la paix. Elle regroupe environ 800 institutions. Ce peut être des regroupements de fermiers ou de paysans, des groupes d'indigènes, des groupes de femmes, d'universitaires, d'aînés ou d'étudiants. L'Assemblée réunit tout ce monde-là. Elle tient des séances plénières, où des politiques peuvent être décidées. Le principal but qui est visé est de renforcer la société civile. C'est donc qu'elle soutient les initiatives de développement que présentent les organisations elles-mêmes.

• 1710

Ainsi, les fermiers ou les paysans peuvent présenter d'excellents projets, et aussi les peuples indigènes.

C'est l'un des moyens par lesquels vous pouvez appuyer le renforcement de la société civile; cependant, l'Assemblée permanente, en tant que telle, n'est pas subventionnée. Son financement vient de projets individuels ou des organisations qui la composent.

Je ne veux pas dire que les gens qui participent à l'assemblée n'ont pas d'aspirations politiques. Ce ne serait pas forcément vrai; ils en ont peut-être. Cependant, l'Assemblée elle-même n'a pas de vocation politique. Nous ne cherchons pas à obtenir de votes, nous ne participons pas à des élections et nous ne présentons pas de candidats. Nous sommes indépendants des partis politiques, indépendants du gouvernement et nous travaillons de façon autonome avec les organisations qui composent l'Assemblée.

Nous sommes aussi très déterminés à travailler dans les régions de la Colombie. Nous pensons qu'un nouveau pays se construit à partir de la base, des communautés, des municipalités, des régions. La paix ne peut pas venir d'un décret qui part du sommet.

[Français]

M. Antoine Dubé: Est-ce que votre participation à la réunion d'aujourd'hui est connue publiquement chez vous? Si oui, pensez-vous que c'est un facteur aggravant pour votre sécurité personnelle?

[Traduction]

M. Jorge Rojas (Interprétation): Le gouvernement de la Colombie n'est absolument pas content de nos activités aux États-Unis, en Europe et au Canada.

En Colombie, la direction des affaires étrangères sont un privilège exclusif et excluant. Le gouvernement national ne consultera, à part lui-même, que les anciens présidents, les présidents antérieurs du pays, mais certainement pas la société civile.

Il y a des généraux, dans l'armée, qui considèrent que cette commission, et la dizaine d'autres personnes qui étaient à Washington, D.C., font pression pour créer un obstacle à l'aide militaire. Par conséquent, nous en déduisons que nous serons les cibles des groupes paramilitaires. Nous avons déjà reçu des menaces d'eux, de toute façon.

Le gouvernement est tout à fait au courant de notre participation, laquelle a été parfaitement transparente. Nous avons informé le ministère des Affaires étrangères; nous avons informé les ambassades. Alors la réponse est oui, c'est très dangereux pour nous.

[Français]

M. Antoine Dubé: Merci.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui. Je présume qu'il n'y a pas d'autres questions.

Que nous allions en Colombie ou pas, nous présenterons un rapport au gouvernement avec des recommandations visant une politique canadienne. J'espère que si vous lisez notre rapport final, vous serez satisfaits de ce que vous y trouverez.

Je vous souhaite un bon retour chez vous, en toute sécurité.

Je déclare la séance levée.

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