SSLR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 31 janvier 2005
» | 1735 |
Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)) |
Mme Catherine Latimer (sous-ministre adjointe par intérim, Direction des politiques en matière de droit pénal et justice communautaire, ministère de la Justice) |
Le président |
Mme Catherine Latimer |
Le président |
Mme Catherine Latimer |
» | 1740 |
» | 1745 |
Le président |
Mme Catherine Latimer |
Le président |
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD) |
» | 1750 |
Mme Lucie Angers (avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice) |
Mme Libby Davies |
Mme Lucie Angers |
» | 1755 |
Mme Libby Davies |
Mme Lucie Angers |
Mme Catherine Latimer |
¼ | 1800 |
Le président |
M. Mark Warawa (Langley, PCC) |
Mme Catherine Latimer |
M. Mark Warawa |
¼ | 1805 |
Mme Catherine Latimer |
M. Mark Warawa |
Le président |
M. Mark Warawa |
¼ | 1810 |
Mme Lucie Angers |
¼ | 1815 |
M. Patrice Corriveau (analyste principal des politiques, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice) |
Mme Catherine Latimer |
Le président |
Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ) |
Mme Catherine Latimer |
¼ | 1820 |
Mme Paule Brunelle |
Mme Lucie Angers |
Mme Paule Brunelle |
Le président |
Mme Libby Davies |
¼ | 1825 |
M. Patrice Corriveau |
Mme Libby Davies |
M. Patrice Corriveau |
Mme Catherine Latimer |
Le président |
M. Mark Warawa |
¼ | 1830 |
Mme Catherine Latimer |
M. Mark Warawa |
Mme Catherine Latimer |
Le président |
Mme Paule Brunelle |
Mme Catherine Latimer |
¼ | 1835 |
Le président |
Mme Libby Davies |
Mme Catherine Latimer |
¼ | 1840 |
Mme Libby Davies |
Mme Catherine Latimer |
Mme Libby Davies |
Mme Catherine Latimer |
Mme Lucie Angers |
Mme Catherine Latimer |
Mme Lucie Angers |
Mme Catherine Latimer |
Mme Libby Davies |
Le président |
Mme Libby Davies |
Mme Lucie Angers |
Mme Libby Davies |
Mme Catherine Latimer |
Mme Libby Davies |
Mme Lucie Angers |
¼ | 1845 |
Mme Libby Davies |
Mme Catherine Latimer |
Mme Libby Davies |
Le président |
Mme Catherine Latimer |
Le président |
M. Mark Warawa |
Mme Catherine Latimer |
M. Mark Warawa |
Le président |
Mme Libby Davies |
Mme Catherine Latimer |
¼ | 1850 |
M. Patrice Corriveau |
Mme Lucie Angers |
Mme Libby Davies |
Le président |
Mme Paule Brunelle |
Mme Lucie Angers |
¼ | 1855 |
Mme Paule Brunelle |
Mme Lucie Angers |
Mme Paule Brunelle |
Le président |
Mme Lucie Angers |
Le président |
Mme Catherine Latimer |
Le président |
Mme Catherine Latimer |
Mme Suzanne Wallace-Capretta (gestionnaire de recherche, Division de la recherche, Justice Canada) |
½ | 1900 |
Mme Libby Davies |
Mme Suzanne Wallace-Capretta |
Mme Libby Davies |
Mme Suzanne Wallace-Capretta |
Mme Libby Davies |
Mme Catherine Latimer |
Mme Libby Davies |
Mme Suzanne Wallace-Capretta |
Le président |
Mme Suzanne Wallace-Capretta |
Le président |
Mme Suzanne Wallace-Capretta |
Mme Libby Davies |
Le président |
CANADA
Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 31 janvier 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
» (1735)
[Traduction]
Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)): Mesdames et messieurs, je déclare la séance ouverte. Nous allons parler des prochaines séances quand nous aurons terminé ce soir. Je vous encourage à profiter des provisions qui sont à l'arrière, parce qu'il se peut que nous soyons ici un bon moment.
À l'ordre du jour, nous devons entendre le témoignage de Catherine Latimer.
Catherine, vous avez des collaborateurs ou collègues avec vous?
Mme Catherine Latimer (sous-ministre adjointe par intérim, Direction des politiques en matière de droit pénal et justice communautaire, ministère de la Justice): Oui.
Le président: Pourriez-vous aussi les présenter?
Mme Catherine Latimer: Je suis accompagnée de Lucie Angers, Patrice Corriveau et Suzanne Wallace-Capretta, si vous avez des questions à poser sur les chiffres.
Le président: Normalement, vous avez une dizaine de minutes pour faire votre présentation. Vous avez déjà témoigné ici à de nombreuses reprises, alors vous connaissez la musique, puis nous passerons aux questions.
Mme Catherine Latimer: Je vous remercie.
C'est un très grand plaisir que d'être ici, avec le comité.
Comme vous le savez, le ministre de la Justice, Irwin Cotler, a écrit au président du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile pour appuyer et encourager les travaux de ce comité. Il a décidé que l'une de ses grandes priorités, en tant que ministre de la Justice, doit être la protection des personnes vulnérables, et comme les événements tragiques qui surviennent continuent de nous le démontrer, peu de gens sont plus vulnérables que les travailleurs du sexe. Il est impatient de connaître les résultats de votre étude et de recevoir vos conseils sur des moyens de mieux protéger les travailleurs du sexe et les collectivités dans l'ensemble.
Le ministre Cotler souhaite que les fonctionnaires du ministère de la Justice vous aident dans la mesure du possible. J'espère que nous pourrons vous être utiles aujourd'hui, et nous serons heureux d'avoir d'autres occasions d'appuyer les importants travaux du comité.
Je sais que M. Richard Mosley et Mme Lucie Angers ont comparu devant vous en octobre 2003 et vous ont donné un aperçu des lois criminelles, de leur historique, en rapport avec le commerce du sexe, et des conclusions et recommandations que renfermaient divers rapports concernant ces lois, comme les rapports Fraser, Badgley et le rapport F-P-T. Plutôt que de revenir sur ces rapports en détail, je propose que nous vous remettions des documents d'information, et étant donné que nous avons une dizaine de minutes, j'ai pensé qu'il serait bon de nous concentrer sur une récapitulation des lois en vigueur actuellement concernant le commerce du sexe; deuxièmement, de décrire les approches qui se rapportent au commerce du sexe que le ministère de la Justice a mises en oeuvre dans un éventail de domaines connexes; et troisièmement, de signaler certaines des critiques, des conclusions et des recommandations qui ont été faites au sujet des lois qui visent le commerce du sexe. Ensuite, nous nous efforcerons de répondre aux questions que le comité peut avoir à poser aux représentants du ministère de la Justice.
Selon la loi actuelle, vous le savez probablement, la prostitution en tant que telle n'est pas illégale au Canada, mais une série de dispositions connexes s'appliquent au commerce du sexe. C'est une infraction, en vertu du Code criminel, que de détenir ou d'habiter une maison de débauche; c'est à l'article 210 du Code criminel. Le proxénétisme ou le fait de vivre des produits de la prostitution sont interdits par l'article 212, et le fait de communiquer dans un endroit public dans le but de se livrer à la prostitution est interdit par l'article 213 du Code criminel.
Nous avons des données statistiques sur les tendances, relativement à l'application de ces lois, que nous pouvons vous remettre si cela vous intéresse, puis j'aimerais vous parler de certaines des mesures qu'a adoptées récemment le ministère de la Justice relativement à ces questions. Comme vous le savez, c'est un enjeu social très compliqué, et il faut vraiment des approches très complexes et à multiples facettes pour régler le problème.
L'un des aspects que le ministre a décrété être une priorité pour lui, c'est le trafic de personnes. C'est une forme lucrative et inhumaine de crime organisé, qui comprend souvent l'exploitation sexuelle grave. Dans le discours du Trône du 5 octobre 2004, le gouvernement s'est engagé à proposer des mesures législatives pour prévenir le trafic de personnes. Cette infraction englobe le recrutement, le transport ou l'hébergement de personnes aux fins de leur exploitation, généralement dans l'industrie du sexe. Ce peut être outre-frontières ou au pays même. C'est quelque chose qui nous préoccupe beaucoup.
Le Canada a bien un programme de sensibilisation, et nous avons adopté plusieurs mesures préliminaires pour essayer d'endiguer ce problème particulier. Comme le ministre de la Justice a fait une priorité de la protection des personnes vulnérables, il a déclaré que c'est un domaine où des mesures seront prises pour prévenir ces pratiques, permettre d'intenter des poursuites judiciaires contre les auteurs de ces pratiques, et aider les victimes de cette exploitation sexuelle.
L'un des aspects que le président du comité connaît particulièrement bien, c'est l'initiative de renouvellement de la justice pour les jeunes. Elle a été lancée en 1999, et la nouvelle loi est entrée en vigueur en avril 2003, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Étant donné le taux élevé d'incarcération de jeunes au Canada, ce nouveau régime avait un objectif de désincarcération, de déjudiciarisation. Ainsi, la criminalisation inutile des jeunes est découragée, et ce régime vise aussi les situations où les enfants exploités dans le commerce du sexe sont à nouveau victimisés.
» (1740)
Le ministère a fait d'amples recherches sur les jeunes qui participent au commerce du sexe. Nous remettrons volontiers tous les documents d'information que nous avons sur les recherches, si cela peut être utile.
Nous avons eu une discussion en table ronde en mars 2002, avec des professionnels du droit criminel spécialistes du domaine, des défenseurs des intérêts des citoyens, des particuliers qui avaient participé au commerce du sexe quand ils étaient jeunes et d'autres personnes, pour essayer de finir par trouver le meilleur moyen de contrer la série de circonstances assez uniques qui entourent l'exploitation sexuelle des enfants.
L'une des choses que nous avions faites, dans le cadre du renouvellement du système de justice pour les jeunes, c'est que nous avons encouragé la police à envisager d'autres solutions que les poursuites contre les jeunes qui ont commis des infractions aux articles 210 à 212. Selon nous, si des jeunes participent au commerce du sexe, c'est qu'ils ont déjà été victimes de diverses forces, et le fait de les assujettir à un autre processus n'est vraiment pas le meilleur moyen de régler le problème.
L'article 35 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents permet aux intervenants du système de justice pour les jeunes, s'ils sont convaincus que le problème le plus marquant est lié au bien-être de l'enfant—qu'il s'agisse de problèmes d'hébergement ou de besoin de soutien—de référer le jeune aux services sociaux aux fins d'évaluation.
Nous avons aussi financé un site Web sur l'exploitation sexuelle des enfants, et il comporte de l'information à l'intention des intervenants du système judiciaire sur ce problème particulier et les moyens de composer avec lui. Nous sommes très heureux de voir que les résultats préliminaires font état d'une réduction importante du nombre de jeunes accusés d'infractions liées à la prostitution. Ces derniers temps, on a constaté une réduction de 80 p. 100 des accusations portées contre les jeunes. Nous trouvons ces résultats très encourageants.
Néanmoins, nous sommes conscients que les programmes ne sont pas accessibles de façon générale aux jeunes dans le besoin, aux jeunes de la rue. On remarque particulièrement l'absence de programmes pour les jeunes à risque âgés de 14 à 18 ans. Il n'est pas facile pour les jeunes de sortir du commerce du sexe et d'obtenir le soutien important dont ils ont besoin pour cela, et c'est pourquoi cela reste pour nous un aspect de la politique sociale qui a encore besoin de travail et d'assistance.
Les victimes : nous faisons beaucoup de travaux, au ministère de la Justice, portant sur les victimes d'actes criminels, et nous commençons à nous intéresser aux jeunes participants au commerce du sexe sous cet angle. Nous avons mis des ressources à la disposition des proches des prostituées qui ont été tuées en rapport avec la ferme porcine—je suppose pouvoir le dire ainsi. Nous tenons vivement à nous assurer que les victimes aient le soutien et l'aide dont elles ont besoin. Cela nous tient beaucoup à coeur.
Un autre domaine où nous sommes très actifs, et de plus en plus, c'est la justice des Autochtones. Des rapports récents, comme « Stolen Sisters », les conclusions du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, et le rapport du comité du sénateur Chalifoux sur les jeunes Autochtones urbains, insistaient sur la vulnérabilité des peuples autochtones en rapport avec le commerce du sexe.
Nous avons entrepris plusieurs programmes, projets de recherche et consultations. L'un d'eux, par exemple, est le Kani Kanichik de Winnipeg, qui recevra environ 80 000 $ du Fonds du renouvellement du système de justice pour les jeunes, pour concevoir et établir des programmes d'intervention adaptés à la culture à l'intention des jeunes filles de 12 à 17 ans victimes d'exploitation sexuelle. À Edmonton, il y a un autre programme pour les contrevenants adultes, que nous examinons. C'est une espèce de tribunal pour les personnes participant au commerce du sexe. Nous sommes impatients de voir si nous pouvons trouver des modèles d'intervention culturellement pertinente pour aider, et si le comité le souhaite, nous lui remettrons avec plaisir une liste des projets de recherche, consultations et autres mesures se rapportant au commerce du sexe que nous avons entrepris au ministère de la Justice.
Comme vous le savez, de vives critiques ont été exprimées à l'égard des lois actuelles concernant le commerce du sexe. La réforme du droit criminel est toujours un processus itératif alors qu'on s'efforce d'assurer la justice et l'équité dans une société en évolution.
» (1745)
Vous examinez maintenant les lois concernant le commerce du sexe sous un angle analytique légèrement différent de celui sous lequel nous les abordions auparavant. Il y a des occasions de faire d'importantes recommandations sur la manière dont cet aspect du code peut être amélioré.
Les véritables questions qui se posent, c'est si les dispositions du Code criminel exposent les travailleurs du sexe à un risque inutile et comment nous pouvons nous efforcer de contrer ces risques particuliers? Divers rapports, dont le rapport Fraser, ont critiqué l'interdiction des maisons de débauche. D'autres ont critiqué les interdictions de communication, en laissant entendre qu'elles faisaient courir des risques inutiles aux travailleurs du sexe. Peu de critiques ont été exprimées contre l'interdiction du proxénétisme et du fait de vivre des produits de la prostitution, mais il est certain que les deux autres dispositions ont été critiquées sur bien des fronts.
Nous pensons qu'il y a une grande différence d'angle d'analyse, peut-être, quand on a affaire à des jeunes gens mineurs qui participent au commerce du sexe, comparativement à des adultes. Notre attention s'est surtout portée sur les jeunes participant au commerce du sexe, et nous sommes impatients de tenter avec vous de circonscrire tout l'éventail des enjeux relatifs à ce domaine.
Mes collègues et moi-même répondrons volontiers à vos questions. Si vous voulez plus de détails sur l'historique de ces dispositions particulières, nous vous en donnerons aussi avec plaisir, mais c'est en gros là où nous en sommes.
Le président: Merci beaucoup. Vous avez offert de nous remettre des documents supplémentaires. Ce serait très apprécié.
Mme Catherine Latimer: Nous le ferons avec plaisir.
Le président: D'accord, nous allons maintenant passer aux questions.
Libby, voulez-vous être la première?
Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Nous sommes un petit comité, alors je suppose que nous n'avons pas besoin d'observer tous les protocoles.
Je vous remercie d'être venu aujourd'hui. Je suis heureuse de vous voir. J'ai assisté à cette séance d'information, en octobre.
Tout d'abord, je suis tout à fait d'accord avec vous que beaucoup d'attention a été portée sur les mineurs ou les jeunes participants au commerce du sexe qui sont à risque. C'est bien. C'est très important. Bien des études et des travaux des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux se sont concentrés là-dessus, mais il reste encore bien des problèmes assez graves, et je ne voudrais pas en minimiser l'importance. Mais ce qui est tellement frappant, c'est cette crise invisible, en fait, la crise qui fait éruption sur la scène publique de temps à autre avec des situations comme les femmes disparues à Vancouver, c'est la scène des adultes.
J'ai été intéressée de voir la façon dont vous avez décrit cela comme un problème social complexe. Je suis d'accord. L'un des ennuis que nous avons, c'est que depuis tellement longtemps, ce problème a été vu comme un enjeu de la justice criminelle. Je pense que c'est à la source de bien des problèmes que nous avons maintenant. C'est pourquoi lorsque vous posez la question, et je suis d'accord avec cette question, à savoir si les dispositions du Code criminel exposent les travailleurs du sexe à de plus grands risques—Je pense que c'est en gros ce que vous disiez—je dirais que d'après l'information que nous avons, les expériences vécues, les gens à qui nous avons parlé et la collectivité où je travaille, la réponse serait un retentissant « oui ». La loi elle-même est maintenant la cause d'un mal énorme.
Tout d'abord—vous en avez parlé—je m'attaquerais à la disposition interdisant la communication. En fait, cela fait un moment que je demande un moratoire sur l'application de la Loi contre la communication. Je sais que des statistiques donnent à penser qu'il pourrait y avoir moins de femmes accusées, mais la visibilité de la police dans les rues, le déplacement des travailleurs du sexe et la menace de l'application de la Loi contre la communication créent des situations véritablement dangereuses. Les femmes prennent en cinq secondes la décision d'embarquer ou non dans une voiture inconnue et de se laisser amener Dieu sait où, sans nulle part où aller légalement, n'est-ce pas? Une maison de débauche est illégale, etc., etc..
Je pense vraiment que c'est cela, la réalité. J'ai l'impression qu'il y a un virage du mode de pensée, au ministère, pour le reconnaître, parce que pendant longtemps, c'est ce genre de prise de conscience qui manquait.
Je voulais vous poser particulièrement une question sur la disposition sur la communication, et si, grâce aux travaux du ministère de la Justice ou de l'analyse que vous faites, on n'a l'impression que cette disposition qui a été adoptée...quand a-t-elle été adoptée?
» (1750)
Mme Lucie Angers (avocate-conseil, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): C'était en 1985.
Mme Libby Davies: Oui, en 1985, à la suite des conclusions de la Commission Fraser. En principe, c'était pour résoudre le problème de trop grande visibilité de la prostitution dans les rues, mais cette disposition l'a probablement poussée dans l'ombre et l'a rendu moins visible, mais en créant cet énorme danger et ce risque. Je me demande si vous pouvez parler un peu plus de la disposition sur la communication, et dire si votre ministère s'est particulièrement penché sur elle.
Mme Lucie Angers: Lorsque nous sommes venus témoigner ici la dernière fois, j'étais ici pour expliquer un peu ce qu'avait fait le groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution. Il a fait beaucoup de consultations depuis 1992, pour finalement déposer son rapport en 1998. Vous avez raison de dire que l'un des problèmes qui a été cerné, c'est que les consultations nous ont appris qu'il faut nous concentrer sur deux enjeux quand on revient sur la loi, et tout cela. Ils ont dit qu'il faut voir comment on peut réduire le préjudice pour la collectivité—les condoms, les seringues, et tout le reste—mais il faut aussi prévenir la violence contre les prostitués.
Une des choses qu'a constatées le groupe de travail, c'est qu'aucun de ces objectifs n'a été concrétisé lorsque nous avons fait une étude plus approfondie sur les ramifications de la Loi. Pour la nuisance, oui, il est certain que cela a résolu certains problèmes dans certaines collectivités. Mais vous savez bien que cela n'a fait que déplacer le problème vers d'autres secteurs.
Vous savez que l'un des problèmes que nous avons cernés, c'est que l'application de la Loi dépendait de ce que la police était appelée et se faisait dire qu'il y avait un problème, et le problème n'était « résolu » que quand il avait été déplacé vers un autre secteur. L'une des choses que le groupe de travail a effectivement constatées—et c'était de toute évidence avant les incidents de Vancouver—c'est que de plus en plus, c'était cette tendance de plus en plus marquée à emmener les prostituées vers les secteurs industriels, là où elles n'avaient pas la protection qu'offre l'achalandage.
Le groupe de travail a effectivement conclu, comme vous le savez—je sais que vous avez lu le rapport—que la Loi n'avait pas eu grand effet sur la prostitution de rue. Comme vous le dites, il y a deux problèmes différents, et je pense que celui sur lequel vous vous concentrez maintenant, c'est plus celui de la prostitution de rue.
Quant à savoir où cela nous mènera, il n'y a pas eu de consensus sur l'abrogation de l'article 213 et tout le reste. Lorsque le ministre Crosby, qui était le ministre à l'époque, a proposé ce qui est devenu l'article 213, c'était pour régler le problème de nuisance; ce n'était pas pour régler tout le problème de la prostitution. Comme nous l'avons dit la dernière fois, selon l'interlocuteur, certains vous diront que cela a été efficace du point de vue de leur collectivité. Mais encore une fois, si vous parlez aux gens qui sont le plus touchés par cette loi—les prostitués-mêmes, ce n'est pas le cas.
» (1755)
Mme Libby Davies: Je ne connais vraiment pas de loi qui ferait qu'on pourrait prendre quelque chose qui est considéré comme une « nuisance »... Je reconnais que le commerce du sexe a des répercussions dans les collectivités locales; c'est un processus catalysé par les plaintes. Mais vous prenez quelque chose qui est considéré comme une nuisance et créez tout un environnement qui fait courir un danger incroyable aux auteurs de cette nuisance, puis vous décrétez avoir résolu le problème. Je trouve que c'est assez contradictoire, et il a fallu tellement de temps pour que cette contradiction devienne vraiment flagrante : il a fallu le meurtre de bien des femmes pour que les gens réalisent que la Loi elle-même, notre position, est très contradictoire. C'est une question politique, c'est une question juridique.
Y a-t-il eu des travaux récemment, ou y en a-t-il qui sont en cours, sur les dispositions relatives à la communication, visant à analyser comment elles sont appliquées ou leur rôle dans ce qui s'est passé à Vancouver? Dans le journal, l'autre jour, il y avait un article sur une autre prostituée trouvée assassinée à Edmonton, gelée à mort. Edmonton a eu toute une série de ces drames aussi. J'ai oublié combien il y en a eu, maintenant, mais c'est quelque chose comme 13.
Une analyse est-elle en cours pour déterminer ce qu'on devrait faire de cet article particulier? Cela semble très urgent. Je ne vois tout simplement pas pourquoi des mesures provisoires ne pourraient pas être prises.
Mme Lucie Angers: Notre collègue, Mme Suzanne Wallace-Capretta, du Service de recherche, a été chargée de rassembler certains chiffres au sujet de l'application de la loi en général au Canada, dans les différentes régions, et de déterminer si elle a eu une incidence plus importante sur les hommes comparativement aux femmes, ce qui semble être le cas, et si on se fie à ces données, comment on peut mieux composer avec le problème.
Mais encore—et c'est certainement le problème qu'a connu le groupe de travail—comment parvenir à un consensus, et faut-il parvenir à un consensus pour régler le problème et que tout le monde soit heureux? C'est certainement l'une des choses que nous avons constatées avec les divers intervenants que nous avons rencontrés. C'est un fait que de rassembler tout le monde dans une salle—prostitués, travailleurs sociaux, et d'autres encore—pour discuter de la question sous l'angle de l'application de la loi amène tout le monde à dire, et maintenant, que faisons-nous? Ensuite, on fait venir les provinces, les territoires et les municipalités qui disent oui, l'abrogation de la disposition sur les maisons de débauche pourrait être une solution intéressante, mais il n'est pas question que ça se passe dans ma cour.
C'est donc un enjeu très compliqué, mais oui, nous faisons, certainement, des analyses sur ce qui se passe.
Mme Catherine Latimer: Comme je l'ai dit tout à l'heure, on peut examiner la question sous différents angles, et les données vous diraient sûrement si les lois actuelles sont appliquées équitablement aux personnes qu'elles visent. Toutefois, la question plus importante que vous posez est de savoir si ces lois ont un impact social plus général tel que la nuisance que nous espérions ou croyions éliminer n'est pas en réalité contrebalancée par des conséquences sociales ou des facteurs de risque plus importants pour une tranche de la population beaucoup plus vulnérable. Le problème est difficile à résoudre parce que souvent, quand on réunit des personnes pour en parler, les travailleurs du sexe n'ont pas exactement la même source d'influence que d'autres personnes plus préoccupées par les conséquences sur leurs quartiers. Il faut parfois faire en sorte d'examiner la question sous le bon angle afin d'être sûr que ce sont des questions relatives à la justice qui sont mises de l'avant, et c'est là tout un défi.
Je sais que nous avons tous le regard tourné vers votre comité, car je crois savoir que vous devez voyager et vous renseigner sur ce qui se fait ailleurs, dans d'autres pays. Nous avons certes effectué de la recherche sur ce qui se passe à l'étranger, sur les modèles qui semblent efficaces et ceux qui ne le seraient peut-être pas afin de voir s'il y avait des mesures raisonnables que nous pouvions adapter à notre situation.
Je conviens avec vous qu'il y a un sentiment d'urgence. Plus nous attendons, plus les personnes vulnérables continuent d'être exposées à des risques. Par contre, il faut que la solution soit efficace. Est-ce la loi interdisant la communication? L'absence de maisons de débauche? Serait-il préférable qu'il n'y ait pas de commerce du sexe sur la rue? C'est une question difficile à analyser, et il nous tarde en réalité de connaître les recommandations du comité.
¼ (1800)
Le président: Libby, je vous remercie.
Les études dont vous venez de parler nous seraient peut-être utiles également.
Mark.
M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président.
J'ai effectivement des questions à poser. Mme Latimer a mentionné que l'incarcération inutile des jeunes est découragée. Pourriez-vous me préciser ce que vous entendez par « inutile »?
Mme Catherine Latimer: Avec plaisir. Si la jeune personne peut être tenue responsable de ses actes qui représentent une infraction sans recours à l'incarcération, nous soutiendrions alors, en règle générale, qu'il vaudrait mieux ne pas l'incarcérer.
Le tort causé au jeune qui est incarcéré est bien documenté—et John, je vous fournirai tout cela avec plaisir, si cela vous intéresse. Depuis longtemps, au Canada, la prison est vue comme une espèce d'école de réforme, de moyen utile de réadaptation. Les études sociales vont certes à l'encontre de cette croyance. Selon nous, le jeune ne devrait pas être soumis à des pénalités plus grandes ou plus sévères que les adultes dans pareilles circonstances et il serait préférable de ne pas l'incarcérer s'il peut être tenu responsable de ses méfaits autrement.
M. Mark Warawa: Merci.
Je vais simplement partager avec vous ma façon de voir les choses, puis je poserai une dernière question. L'expérience que j'ai des jeunes attirés dans le commerce du sexe me vient d'un groupe de travail dont j'ai fait partie. La Colombie-Britannique avait mis sur pied un groupe de travail qui se déplaçait, et il est venu dans la localité où j'habitais. J'étais alors conseiller municipal, et on m'a demandé de travailler avec le groupe de travail.
On nous a dit que souvent, les jeunes étaient attirés dans le commerce du sexe par d'autres jeunes qui se liaient d'amitié avec eux, leur disaient ce qu'ils voulaient entendre, leur achetaient de nouveaux vêtements, des baladeurs, des montres et des bijoux et les invitaient à des soirées. En peu de temps, ils réussissent à sortir les jeunes de leur milieu familial.
Je suis père de cinq enfants, maintenant adultes, mais je peux facilement concevoir comment ils pourraient être dupés et convaincus de quitter un milieu sûr pour un milieu très excitant et séduisant. En peu de temps, le jeune est engagé dans ce mode de vie, il est manipulé et initié aux drogues, puis il se retrouve dans une situation très grave où il a des obligations. Le copain, la copine ou l'ami qui l'a mis dans le pétrin était simplement à la recherche de nouveaux jeunes.
C'est donc sous cet angle qu'on espérait que les jeunes ne seraient pas incarcérés et placés dans un autre milieu dangereux, comme vous l'avez décrit, qu'ils en seraient plutôt extirpés. Au fin fond d'eux-mêmes, ils souhaitent peut-être réintégrer le giron familial, mais parce qu'ils ont honte et qu'ils sont manipulés, ils ne croient pas pouvoir le faire. Toutefois, ils peuvent être extirpés de ce milieu et placés dans un autre d'où, après avoir été « débriefés » et guéris, ils retournent à ce qu'ils veulent vraiment, un environnement sûr.
Pourriez-vous commenter cette façon de ne pas recourir forcément à l'incarcération? Existe-t-il des programmes que nous pouvons utiliser pour extirper les jeunes de ce milieu? Pour le sortir de là, le policier arrêterait le jeune, après quoi il lui fournirait l'occasion de quitter le milieu s'il le souhaite vraiment.
¼ (1805)
Mme Catherine Latimer: Votre description de la manière dont on s'y prend pour attirer les jeunes dans le commerce du sexe est très juste, en ce sens que ceux qui tentent de les exploiter peuvent souvent être très manipulateurs. Je préciserais cependant que beaucoup de ces jeunes ne viennent pas d'un milieu familial très solide. Beaucoup de jeunes les plus à risque sont ceux de la rue, qui ont fugué, qui ont de mauvaises relations avec leurs familles ou viennent de foyers où il y a de la violence, quoi qu'il en soit, et qui sont particulièrement vulnérables aux marques d'affection. Ils ne voient pas l'éventuelle exploitation qui les accompagne. Je suis d'accord avec vous qu'ils se retrouvent dans une situation très difficile et pris dans un piège émotionnel, ce qui les amènent souvent à consommer et avoir beaucoup d'autres problèmes qui compliquent tout.
Il n'est pas facile d'aider les jeunes à se sortir de pareilles situations, une fois qu'ils y sont. On a tenté diverses approches. Il existe des études sur certaines d'entre elles. Nous avons mené un certain nombre de projets pilotes. Une des méthodes prometteuses que nous aimerions explorer davantage consiste à jumeler les jeunes qui se trouvent dans de pareilles circonstances avec des jeunes qui ont des connaissances expérientielles et qui s'en sont sortis, parce qu'ils connaissent mieux que d'autres la façon de s'en sortir. Le mentorat de ces jeunes qui essaient de s'en sortir par des personnes qui ont réussi à le faire semble prometteur.
Pour ce qui est de placer ces jeunes sous des soins thérapeutiques en institution, l'expérience nous a appris que la formule n'est pas très efficace. Sous le régime de la Loi sur les jeunes délinquants, les jeunes, particulièrement les jeunes femmes, étaient souvent incarcérés pour promiscuité sexuelle. Il est difficile de faire en sorte que ce genre d'approche ne porte pas atteinte aux droits des jeunes et ne finisse pas par représenter une espèce d'incarcération, en dépit des meilleurs motifs qui pourraient nous animer.
Nous partageons avec plaisir ce que nous savons des techniques utilisées pour aider les jeunes à sortir du commerce du sexe, mais c'est certes un défi. La question est très compliquée et, souvent, ces jeunes n'ont pas le soutien d'un milieu familial stable et fort, ce qui complique encore plus la situation.
M. Mark Warawa: Y a-t-il une limite de temps?
Le président: Je vais être aussi généreux avec vous que je l'ai été avec Mme Davies. Vous avez trois minutes.
M. Mark Warawa: J'aurais un autre commentaire à faire au sujet des jeunes attirés dans le commerce du sexe. Dans les cas types que nous avions examinés, ils étaient classés en groupes socio-économiques. Les groupes représentaient toute la gamme. Autant ont été convaincus de quitter de bonnes familles aimantes et sûres qu'il en venait de familles dysfonctionnelles. Ce n'est peut-être pas avéré à l'échelle du pays, mais c'est ce que j'ai vu, moi.
J'aimerais m'arrêter quelques instants aux clients. J'ai vu quelques exemples de la façon dont on les traite. Ainsi, à New Westminster, en Colombie-Britannique, un tribunal y a été formé à leur intention. Il semblait connaître beaucoup de succès. Je n'ai pas eu de suivi à ce sujet, mais l'idée semblait très bonne. Les clients passaient la journée assis dans la salle d'un tribunal siégeant toute la journée et entendaient les parents d'enfants exploités dans le commerce du sexe, voire d'ex-prostitués. Ils entendaient donc le point de vue de parents et de travailleurs du sexe qui n'en faisaient plus le commerce. Ils entendaient des femmes et, parfois, des garçons décrire la souffrance continue qu'eux, les clients, causaient et de quelle manière ils mettaient en danger les jeunes et des adultes. Après avoir été tenus responsables de leurs actes pendant toute une journée, la probabilité qu'ils recommencent était grandement diminuée. C'était très intéressant à voir. Beaucoup d'entre eux étaient ébranlés et pleuraient. Cela leur ouvraient les yeux.
L'autre exemple que j'ai vu concerne la publication par les médias locaux des noms des clients. On montait une opération policière, et les noms des clients arrêtés étaient rendus publics. Toutefois, il y a toute cette question de la Charte.
Vous pouvez peut-être commenter ces deux exemples qui cherchent avant tout à éliminer à la source la demande de commerce du sexe.
¼ (1810)
Mme Lucie Angers: Oui, nous l'avons fait. Je suis même allée à cette salle de tribunal, bien que je n'aie pas été arrêtée pour ce genre d'infraction. J'y suis allée, et cela faisait partie des points examinés par le groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur la prostitution. Nous nous sommes rendus sur place et avons constaté ce qui se passait. Nous nous sommes entretenu avec des clients qui s'y trouvaient.
Le rapport du groupe de travail remonte à 1998, comme je l'ai dit, de sorte que beaucoup d'autres études ont probablement été faites pour savoir si la formule est efficace. À l'époque, le rapport a certes été critiqué par plusieurs personnes parce que le taux de récidive, en termes de condamnations aux termes de l'article 213, a toujours été relativement faible. Deux pourcent à peu près des hommes recommencent ou sont arrêtés à nouveau pour le même genre d'infraction. Donc, quand la situation est vue sous cet angle, il n'est pas clair que la formule est efficace de toute façon.
De plus, certains affirmaient que les clients, la plupart d'entre eux des hommes, se verraient imposer des peines inférieures à ce qu'ils auraient eu autrement, parce qu'ils ne sont tenus d'y passer qu'une soirée ou un après-midi. Ils n'ont pas besoin de le dire à qui que ce soit. Après coup, ils réfléchissent à leur comportement et à tout le reste. Cependant, les gens avec lesquels nous avons parlé et ceux qui achetaient souvent ce genre de services étaient d'avis que la formule... Vous avez raison, parce que les clients disaient: « Oh, je ne me rendais pas compte de l'impact que cela avait sur vous; j'ignorais que vous veniez d'un milieu où vous avez été sexuellement agressée. » Cela a certainement changé leur perception de l'expérience vécue par les prostitués.
Mais à nouveau, en rapport avec cette question, j'imagine qu'il faudra faire une étude plus à jour, et je ne sais pas, à moins que mes collègues ne le sachent, si la formule est efficace ou pas.
Pour ce qui est du genre de campagne qui cherche davantage à faire honte aux clients à laquelle ont eu recours diverses villes canadiennes, vous avez mentionné les problèmes évidents posés par la Charte. Autre problème qu'on nous a fait remarquer, c'est que dans bien des cas, les médias ne souhaitaient pas prendre part à ce genre de campagne. Cela revenait plus ou moins à afficher chez le dépanneur la photo du client. La mesure était mitigée. À cet égard, le groupe de travail a effectivement recommandé que le moyen soit constamment réévalué pour voir s'il était efficace, mais je ne suis pas sûre, par rapport à ...
Mes collègues ont peut-être quelque chose à ajouter.
¼ (1815)
[Français]
M. Patrice Corriveau (analyste principal des politiques, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): À ce jour, deux grandes recherches ont été faites sur les clients. L'une a été réalisée en France en septembre 2004 par Saïd Bouamama et s'appelle « L'homme en question, le processus du devenir client de la prostitution ». L'autre a été effectuée par un Suédois qui s'appelle Manson. Toutes les deux tirent la conclusion que les clients habitués de prostituées ne représentent que 30 p. 100 des clients. C'est donc dire que 70 p.100 des clients, grosso modo, utiliseront la prostitution une ou peut-être deux ou trois fois dans leur vie, mais jamais plus. Cela remet un peu en question l'efficacité de ces programmes.
Par ailleurs, bien que je ne sache pas jusqu'à quel point ces statistiques sont valables, voici une statistique importante: le pourcentage des clients qui sont également des parents serait de 55,5 p. 100. J'imagine qu'un père est conscient que sa fille pourrait se trouver dans cette situation. Il faut donc faire attention quand on parle de l'efficacité de ces programmes.
[Traduction]
Mme Catherine Latimer: J'imagine qu'en règle générale, les clients des travailleurs du sexe sont mis en accusation en vertu de l'article 213, c'est-à-dire de la disposition interdisant la communication. De nombreux clients ont peut-être recours aux travailleurs du sexe sans être mis en accusation parce qu'ils utilisent des services d'escorte ou passent par divers autres moyens. Donc, vous n'atteignez qu'un certain genre de clients. Il est difficile de savoir ce que vous obtenez avec ces chiffres et quelles sont les sensibilités.
Le président: Je vous remercie.
Madame Brunelle.
[Français]
Mme Paule Brunelle (Trois-Rivières, BQ): Bonjour, mesdames et monsieur. Il me fait plaisir de vous voir aujourd'hui. Je suis une nouvelle députée et je m'occupe d'un nouveau dossier. Pour moi, il faut adopter une approche non moralisatrice et parler de respect et d'ouverture dans ces dossiers afin de les aborder de façon concrète et efficace.
Madame Latimer, vous nous avez dit que le ministre s'intéressait à la protection des personnes vulnérables. Il me semble qu'il est beaucoup question de protection contre la violence, de vie et de santé. Il arrive souvent que des jeunes doivent se protéger de leur propre famille et fuir un foyer où on les force à vivre une relation incestueuse.
Vous avez dit qu'il y avait eu une réduction du nombre d'accusations portées contre les jeunes. Y a-t-il moins de jeunes qui pratiquent la prostitution, ou si ce sont plutôt les forces policières qui interviennent moins ou différemment? Il me semble qu'il existe de plus en plus de problèmes, et des problèmes plus complexes au niveau de l'itinérance, de la drogue et des fugues, problèmes qui conduisent souvent les jeunes à la prostitution. Les problèmes sont multiples et, par ailleurs, on intervient moins.
A-t-on des données récentes à ce sujet? Est-on capable d'intervenir au niveau social pour prendre en charge les gens et les aider?
[Traduction]
Mme Catherine Latimer: Vous avez soulevé là un point très intéressant en ce qui concerne les jeunes travailleurs du sexe. Il représente un problème social plus important, et il faut que de nombreux intervenants participent à la solution.
Le ministère de la Justice et le droit pénal ne conviennent pas vraiment comme principaux outils pour régler ce phénomène social particulier.
Notre approche relativement à ce problème posé par le système de justice pour les jeunes est certes de les considérer déjà comme des victimes, et il ne semble pas correct d'en faire des victimes à nouveau en portant des accusations contre eux. Cette pratique a donc été découragée sous le régime de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Le fait que moins d'accusations sont portées, comme vous le faites remarquer, ne signifie pas forcément que le nombre d'incidents impliquant de jeunes travailleurs du sexe a baissé. Je n'ai aucune raison de croire que ces données ont changé.
Pour régler cette question, il faut vraiment avoir le genre de soutien social qui aide les jeunes de la rue, ceux servent de passeurs, qui sont placés dans des foyers nourriciers et qui ne s'en sortent pas bien, qui sont indigents et à risque. Il existe des mesures que l'on peut prendre en termes de prévention du crime, mais à mon avis, il faut aussi travailler en collaboration avec les services de protection de l'enfance, de logement et divers autres pour faire en sorte d'avoir en place à l'intention de ces jeunes des services sociaux de base.
Je peux vous donner une idée de la baisse du nombre de mises en accusation. En 1998, c'est-à-dire l'année qui a précédé l'entrée en vigueur de l'initiative de renouvellement du système de justice pour les adolescents, 189 jeunes ont été accusés d'infractions liées à la prostitution. En 2003, le nombre avait chuté à 40. C'est là une réduction considérable.
¼ (1820)
[Français]
Mme Paule Brunelle: Cela veut dire que les forces policières ont une attitude différente devant la problématique des jeunes.
Vous avez dit une chose qui m'a surprise, à savoir qu'on ne pouvait pas critiquer le proxénétisme. Pouvez-vous nous donner des détails à ce sujet? Est-ce qu'en criminalisant plutôt les proxénètes, on n'aurait pas un début de solution à ce problème?
Mme Lucie Angers: Lorsque Mme Latimer disait qu'on avait moins critiqué le proxénétisme, elle parlait du Code criminel qui, comme vous le savez, comporte des dispositions à cet égard. Un article très long, soit l'article 212, traite de la question du proxénétisme, tant chez les adultes que chez les enfants. Ces dispositions n'ont pas été très critiquées, mais il y a certainement consensus concernant le proxénétisme dans la société. On critique certainement toute personne qui en force une autre à se soumettre à des actes qui constituent de l'exploitation sexuelle.
C'est dans ce sens que Mme Latimer disait cela. Au contraire, c'est une des choses que nous avons constatées dans nos recherches. Dès qu'il s'agit d'abus ou d'exploitation, il y a consensus dans la société: que ce soit dans le cas des adultes ou dans celui des enfants, il faut criminaliser ce type de comportement.
Mme Paule Brunelle: Merci.
[Traduction]
Le président: Nous pouvons peut-être entamer un tour de table de trois minutes, Libby.
Mme Libby Davies: Je lisais de la documentation que nous avons reçue des attachés de recherche au sujet de la situation dans les Pays-Bas. On a notamment—je ne suis pas sûre de l'année—établi une distinction, dans le code pénal néerlandais, entre ce qui est qualifié de prostitution volontaire et de prostitution involontaire. Ici, du moins à Vancouver, on parle de commerce du sexe de survie, puis de l'autre partie du commerce du sexe, dont en réalité il est rarement question. J'ignore même l'importance de ce commerce—les services d'escorte, les salons de massage, toutes ces formes que nous ignorons complètement.
Cela met en relief des faits très intéressants, parce que si tout ce qui s'est fait jusqu'ici repose sur un jugement moral de ce qui est bien, de ce qui est mal ou de ce qui représente de l'exploitation, nous avons donc eu tendance à nous concentrer seulement sur la partie visible. Si c'est une forme de prostitution que nous voyons, nous la qualifions de terrible, de mauvaise et nous nous y attaquons, mais si nous ne la voyons pas, par exemple les services d'escorte, alors nous avons tendance à l'ignorer.
De fait, aux Pays-Bas, ils font cette distinction. D'après ce que j'ai lu et avec un peu de chance, nous pourrions en apprendre davantage à ce sujet à un moment donné, puisque leurs approches sont différentes, selon l'aspect étudié. Je me demandais simplement si, au sein du ministère de la Justice, vous abordez ce qui serait considéré comme de la prostitution pour « survivre » différemment de la prostitution faite par « choix » et s'il existe des études à ce sujet qui permettent de connaître l'impact qu'a l'exécution de la loi sur le phénomène. Il s'agit là à mon avis d'une grande question dont nous n'avons pas vraiment débattu.
¼ (1825)
[Français]
M. Patrice Corriveau: Je ne suis pas sûr d'avoir compris la question.
[Traduction]
Mme Libby Davies: Je crois que le cornemuseur qui joue durant les dîners célébrant Robbie Burns se trouve en haut.
[Français]
M. Patrice Corriveau: Au départ, la question essentielle est de savoir si on considère la prostitution comme un travail. Au ministère de la Justice, on regarde principalement deux cas de figure, celui de l'Allemagne et des Pays-Bas, qui sont des pays un peu plus réglementaristes, et celui de la Suède, qui a une attitude complètement inverse qu'on appelle le néo-abolitionnisme. Ces deux approches ont pour but de protéger les femmes au maximum, mais les principes de base sont opposés.
Pour la Suède, par exemple, la prostitution est toujours une violation des droits de l'homme assimilée à l'esclavage. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que la femme ne choisit jamais réellement d'être prostituée. Selon cette théorie, les femmes seraient toujours manipulées. Même quand elles prônent elles-mêmes la décriminalisation, elles se prostitueraient contre leur plein gré. Ce serait relié à leurs conditions de vie—violence, viol—, que vous avez mentionnés tout à l'heure.
En Allemagne et aux Pays-Bas, on ne veut pas infantiliser et victimiser les individus. On part du principe qu'il existe effectivement une prostitution forcée, et on réprime ce genre de prostitution. Par ailleurs, on croit qu'il existe aussi une prostitution dite volontaire et on tente d'encadrer cette prostitution en éliminant la clandestinité qui, selon les tenants de cette approche, accroît la vulnérabilité. On veut diminuer la stigmatisation des prostituées et encourager une meilleure lutte contre la transmission du VIH/sida, parce que cela est réglementé. On combat la prostitution forcée, la prostitution juvénile et les situations d'abus en imposant une série d'obligations légales comme celles d'avoir un permis de travail et de s'inscrire dans des maisons de débauche.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
[Traduction]
Mme Catherine Latimer: La question que vous avez soulevée au sujet du caractère volontaire ou de l'exploitation associée au commerce du sexe est importante, et on a tendance à croire que, par définition, les jeunes travailleurs du sexe sont exploités. Quand il est question d'adultes, il est moins sûr que tous ces travailleurs du sexe devraient être considérés comme étant exploités. Ils sont capables de décider rationnellement qu'ils vont le faire par choix, que parmi leurs diverses options, c'est la meilleure et que c'est ce qu'ils vont faire.
Je serais très curieuse de voir les résultats des travaux de votre comité à ce sujet, parce qu'il s'agit d'adopter un principe, c'est-à-dire de déterminer comment aborder ces questions particulières.
Le président: Je vous remercie.
Mark, aviez-vous des questions?
M. Mark Warawa: Ma question concerne la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et la façon dont elle traite les jeunes par opposition aux adultes. Si j'ai bien compris, sous le régime de cette loi, si un policier ramenait un enfant à la maison, que les parents demandaient à en connaître la raison et si l'enfant interdisait au policier de renseigner les parents sur la nature de l'infraction, le policier ne pourrait le faire.
La loi est plutôt nouvelle. Quand je suis allé à la séance d'information à son sujet, il y a huit mois environ, on s'inquiétait entre autres du virage que nous fait prendre la loi. Supposons qu'un jeune qui faisait le commerce du sexe ou qui avait été manipulé pour en faire était ramené à la maison par un policier. Est-ce bien ainsi que vous interprétez la loi?
¼ (1830)
Mme Catherine Latimer: Pas du tout. En fait, cette loi prévoit la possibilité pour les policiers de donner des avertissements et de faire des mises en garde, y compris de parler aux parents du jeune ou à ceux qui l'élèvent de son comportement, pour voir s'ils ne peuvent pas régler le problème entre eux. La loi ne prévoit certes pas que le jeune peut interdire aux policiers d'aborder ces questions avec les parents.
M. Mark Warawa: Voilà qui me rassure. Je vous remercie.
Pourriez-vous nous décrire les différentes approches législatives à l'égard de la prostitution adulte par rapport à la prostitution juvénile?
Mme Catherine Latimer: La Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents définit effectivement ce qui est criminel comme étant ce qui est déjà prévu dans le Code criminel. La raison pour laquelle c'est ainsi, comme je l'ai mentionné, c'est qu'il y avait auparavant beaucoup d'infractions liées au statut juridique de la personne qui avaient, en droit pénal, des conséquences sur les jeunes, qui reflétaient un comportement qui n'aurait pas été qualifié de criminel s'il avait été le fait d'adultes. La loi dispose que, si l'infraction commise par un adulte relève du droit pénal, elle en relève également si elle est commise par un adolescent, mais si l'infraction n'est pas criminelle pour un adulte, elle ne devrait pas entraîner de conséquences pénales pour l'adolescent. C'est essentiellement la distinction qui est établie.
Cette position donne lieu à des questions forts intéressantes au sujet de ces dispositions particulières et de toutes les dispositions liées au commerce du sexe, parce que si l'adolescent y participe, sur le plan technique, c'est un crime aux fins de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Certains ont fait valoir que nous ne devrions peut-être pas qualifier de criminel un comportement que beaucoup considèrent comme de l'exploitation sexuelle d'enfants et d'adolescents. On ne devrait tout simplement pas le considérer comme un crime quand la personne qui y prend part a moins de 18 ans. Cela donne lieu à d'autres problèmes, mais c'est certes une solution que l'on pourrait envisager. Ce n'est pas l'approche qui a été adoptée dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Donc, essentiellement, est considérée comme une infraction chez un jeune de 12 à 18 ans ce qui est prévu dans le Code criminel et qui serait considéré comme une infraction si la personne était adulte.
Le président: Merci, Mark.
Paule.
[Français]
Mme Paule Brunelle: Nous avons vu récemment des cas de danseuses et de travailleuses domestiques qui sont entrées au Canada et qui sont devenues des travailleuses du sexe. On sait que la situation est entre les mains de criminels. Des femmes se retrouvent dans des situations vraiment difficiles: leur passeport est confisqué, elles vivent dans la terreur, etc. Selon vous, devons-nous modifier la loi afin d'éviter ces problèmes ou devons-nous plutôt prendre des mesures correctives? La loi est-elle vraiment adéquate sur ce plan? Comment pouvons-nous empêcher ces situations?
[Traduction]
Mme Catherine Latimer: Vous avez soulevé un point très intéressant, à savoir le trafic des femmes, qui arrivent au Canada pour travailler dans le commerce du sexe. Cette activité est presque toujours liée au crime organisé. Il est difficile d'obtenir des chiffres exacts. Selon ceux de la GRC, qui ne font pas l'unanimité, ce trafic ferait annuellement entrer 800 personnes au Canada et en ferait sortir 1 100. Notre pays n'est donc pas simplement un point de transit, puisque ce trafic semble toucher également des citoyens canadiens, qui sortent de notre pays. Par conséquent, c'est une infraction à deux égards, ce qui est troublant. Ce n'est pas seulement l'ensemble de cette question qui est troublant; cet élément particulier l'est également.
En ce qui concerne le cadre législatif pour s'attaquer à cette question, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés a fait du trafic de personnes une infraction en 2002. Cependant, sur le plan des mesures à prendre au pays, je pense qu'il est logique et nécessaire d'ajouter une infraction à cette loi. Dans le discours du Trône du 5 octobre, il est certes souligné que le gouvernement s'engage à établir une telle infraction. C'est une priorité pour le ministre de la Justice. Je crois donc que qu'une mesure sera mise en oeuvre à cet égard.
Quant à savoir si une mesure législative constitue une solution pertinente au problème, je répondrai que ce ne l'est probablement pas. Les lois pénales sont adoptées a posteriori; beaucoup de difficultés, de problèmes et de tourments seraient survenus avant que les lois pénales ne permettent de trouver et d'inculper le coupable. La solution privilégiée par notre ministre porte non seulement sur la prévention avant tout ainsi que sur la mise en oeuvre d'un cadre législatif pertinent pour poursuivre ceux qui exploitent les autres, mais également sur les mesures à prendre pour venir en aide à ceux qui subissent cette exploitation.
Certains se sont inquiétés de la possibilité que des personnes ayant pu faire l'objet d'une exploitation sexuelle au Canada soient retournées dans leur pays d'origine, où elles pourraient retomber dans le même cycle du crime organisé qui les a conduites au Canada et sans que ne soient traités leurs graves problèmes psychologiques et physiques. La façon dont elles ont été traitées peut avoir entraîné beaucoup de problèmes.
Il s'agit donc d'une question complexe à laquelle le ministère s'attaque de concert, je pense, avec environ 12 autres ministères en vue d'élaborer un plan concerté qui réponde à la vaste gamme des besoins à ce chapitre.
¼ (1835)
Le président: Madame Davies.
Mme Libby Davies: Je pense que le travail que j'ai accompli chez moi m'a permis de réellement bien saisir ce qui cloche. Je suis tout à fait certaine de ce qui ne va pas et des répercussions des lois. Ce n'est peut-être pas le cas des autres, mais je pense que j'ai bien saisi bien ce dont il est question.
Ce que je trouve beaucoup plus difficile—et je suis sûre que nous devrons vous convoquer de nouveau pour aborder cette question—, c'est d'explorer certaines des solutions et d'examiner les compétences en découlant. Nous avons d'une part le Code criminel, mais nous savons qu'il y a également des lois provinciales et même des règlements municipaux qui encadrent le tout et par lesquels peuvent être établis notamment le recours éventuel aux mesures coercitives ou à la menace d'un tel recours.
L'une des questions que je me pose est la suivante: si une municipalité décidait d'imposer une certaine forme de permis, une telle initiative serait-elle ultra vires par rapport au Code criminel? Si nous cherchons des solutions juridiques—et vous n'êtes pas tenue de répondre à toutes ces questions aujourd'hui—, il s'agira là de certaines des questions qui, d'après moi, surgiront.
J'ignore si les autorités législatives collaborent. Devons-nous modifier d'abord le Code criminel, qui autoriserait alors les municipalités à prendre certaines mesures? Je pense qu'on critique beaucoup la solution proposée par rapport aux répercussions dans une collectivité. Revenons au point que vous avez abordé précédemment lorsque vous avez signalé que les autorités fédérales, provinciales et territoriales ne sont pas parvenues à un consensus. Je pense que nous devons nous efforcer de laisser s'établir le consensus au niveau local, car c'est là où le problème se pose et où le consensus doit être dégagé—et c'est ce qui se produit—, mais les questions de compétence sont assez complexes. N'étant pas juriste, je n'y comprends absolument rien. Auriez-vous l'obligeance de nous fournir certaines précisions à cet égard?
Mme Catherine Latimer: Nous serions certes très heureux de comparaître de nouveau pour vous exposer certains modèles qui ont été utilisés par rapport à d'autres types d'infraction, afin que vous puissiez en avoir une idée. Vous me permettrez cependant de vous donner un exemple illustrant ce que vous faites valoir; il s'agit d'une solution susceptible d'être adaptée au niveau local.
Les dispositions du Code criminel sur les jeux de hasard comportent une interdiction formelle des jeux de hasard à moins que ceux-ci ne soient autorisés et réglementés par une province. La réglementation de l'activité incombe effectivement à un ordre de gouvernement différent, qui doit déterminer ce qui devrait être permis ou interdit. Il peut y avoir une certaine marge de manoeuvre à cet égard.
Sur le plan des politiques, nous souhaiterions que soit déterminée la nature de ce pouvoir réglementaire. D'après vous, quel mécanisme la province, la municipalité ou une autre autorité devrait-il établir pour garantir que cette activité ne soit pas criminelle, c'est-à-dire qu'elle n'entraîne aucun préjudice, risque inutile ou autre?
Il faut s'attaquer à ces aspects d'une certaine façon pour dépasser un certain niveau. Par exemple, supposons que vous songez à un mécanisme en vertu duquel le Code criminel stipulerait que cette activité est... Prenons l'exemple des maisons de prostitution ou des produits de la prostitution, qui sont interdits à moins d'être réglementés et autorisés par X. Nous souhaiterions savoir ce que nous espérons obtenir par la voie réglementaire, notamment promouvoir la sécurité individuelle ou prendre les mesures que vous jugez nécessaires pour enlever à cette activité son caractère criminel et réduire les risques en découlant. C'est certes un modèle que nous avons envisagé.
¼ (1840)
Mme Libby Davies: C'est ce qui se produit dans le cas des jeux de hasard. Cette activité est régie par le Code criminel, mais il existe une certaine marge de manoeuvre quant aux modalités, pourvu que le tout soit réglementé par une province.
Mme Catherine Latimer: Oui.
Mme Libby Davies: Même au niveau municipal?
Mme Catherine Latimer: Les dispositions régissant les jeux de hasard relèvent des provinces.
Mme Lucie Angers: Je vais renchérir sur les propos de Cathy. Comme vous le savez, le problème découlant des dispositions sur la communication... Après plusieurs consultations, certaines municipalités, particulièrement Calgary, ont décidé de réglementer ce qu'elles considéraient être la nuisance découlant de la prostitution, en se fondant sur le principe que la prostitution était néfaste et entraînait beaucoup de répercussions néfastes, entre autres. La Cour suprême a invalidé le règlement en 1983, faisant valoir que vous ne pouvez pas réglementer une activité intrinsèquement néfaste, comme la prostitution. Vous pouvez réglementer la nuisance, la façon dont les gens entretiennent leurs biens, etc., mais vous ne pouvez pas réglementer une activité considérée comme intrinsèquement néfaste.
Le droit pénal et la procédure pénale relèvent du gouvernement fédéral, mais les provinces sont compétentes en matière de droit de propriété et de droit civil. La nuisance est du ressort du droit de propriété et du droit civil.
Mme Catherine Latimer: Comme la congestion de la circulation, l'abandon de détritus...
Mme Lucie Angers: Effectivement.
C'est ainsi que les choses se passent. Cathy a raison. L'article 207 du Code criminel offre aux provinces un moyen qui leur offre une solution et auquel elles ont confiance. Je le répète : le problème, c'est que le tout peut relever du Code criminel, mais doit être encadré à l'échelle provinciale.
Mme Catherine Latimer: Les provinces seraient consentantes.
Mme Libby Davies: Puis-je intervenir à cet égard?
Le président: Certainement.
Mme Libby Davies: Nous devrons examiner le tout plus exhaustivement. Cela veut-il dire que le traitement ne sera pas uniforme au Canada?
Mme Lucie Angers: Éventuellement.
Mme Libby Davies: Je me rappelle que, à Vancouver, nous avons déjà bien essayé de nous attaquer à la pornographie, en tentant de réglementer notamment l'affichage. Nos mesures ont fini par être invalidées. J'ignore si vous vous en souvenez. C'était dans les années 80.
Je saisis ce que vous dites. Effectivement, le gouvernement fédéral devrait apporter des modifications pour offrir une certaine marge de manoeuvre aux provinces.
Mme Catherine Latimer: Par la voie réglementaire, effectivement.
Mme Libby Davies: Une certaine forme de réglementation serait autorisée, mais rien ne le garantirait. Il incomberait à chaque province ou territoire de réglementer ou non.
Les choses se corseront. J'ai toujours pensé que nous pourrions toujours mettre les autorités municipales à contribution à propos des permis, du zonage ou... Je ne veux pas aborder la question des quartiers de prostitution. Je pense que c'est un problème très grave. Mais, si nous agissions autrement, pourrait-on envisager une telle solution? Cela serait-il possible uniquement si la province l'autorisait?
Mme Lucie Angers: Jusqu'à ce que le Code criminel contienne... Le problème—ce à quoi Patrice faisait allusion—, c'est qu'il s'agit de déterminer si vous décriminalisez ou si vous réglementez. Si vous décriminalisez et enlevez les articles 213 et 210 du Code criminel tout en conservant probablement l'article 212, c'est comme si vous disiez que la prostitution est acceptable, que c'est une activité comme les autres et qu'il incombe aux municipalités de la réglementer. En vertu du droit de propriété et du droit civil, les municipalités peuvent réglementer les heures et.... Je pense que c'est ce à quoi faisait allusion Patrice ainsi que vous par rapport à la situation à Amsterdam, notamment.
¼ (1845)
Mme Libby Davies: Je pense qu'il serait vraiment utile si nous avions—
Mme Catherine Latimer: Si vous aviez une gamme de solutions.
Mme Libby Davies: Effectivement, parce que je ne comprends pas nécessairement les conséquences des diverses modifications juridiques, et je pense qu'il serait vraiment utile de connaître les paramètres.
Le président: À cet égard, une telle situation ne déboucherait-elle pas sur une application de la loi disparate dans les dix provinces et les trois territoires, qui pourraient adopter des modèles légèrement différents?
Mme Catherine Latimer: C'est certes un scénario possible, tout comme lorsque nous avons établi les dispositions régissant les jeux de hasard. Il pourrait donc y avoir des casinos au Manitoba, mais pas en Saskatchewan. Il incombait aux autorités provinciales en matière de jeux de hasard de décider s'elles le souhaitaient ou non.
Comme l'a signalé Mme Davies, la difficulté réside dans le fait que cela relève, dans bien des cas, des autorités locales. Les localités n'ont pas toutes le même niveau de tolérance à l'égard de certains types de comportement, et il est difficile de savoir comment il est possible de composer avec ce problème, étant donné qu'il s'agit du droit criminel qui, généralement, est appliqué de façon uniforme au pays. Dans la façon de s'attaquer à ce problème, il existe donc des modalités délicates.
Le président: Merci.
Mark, souhaitez-vous intervenir de nouveau?
M. Mark Warawa: J'aurais une observation à formuler et une question à poser au sujet des administrations locales.
Nos derniers échanges ont été très intéressants. Les administrations locales peuvent réglementer les activités par le zonage, si elles le souhaitent. Une activité pourrait être autorisée dans un secteur où cela n'est peut-être pas préférable—par exemple, dans un centre commercial—ou elle pourrait faire l'objet de restrictions découlant d'un système de permis commerciaux. Il existe plusieurs solutions créatives.
Le problème, ce sont les recommandations que vous pouvez apporter. C'est une question complexe, mais on nous a parlé de deux solutions différentes qui sont appliquées en Europe. Formulerez-vous des recommandations?
Mme Catherine Latimer: Non, nous ne formulerons aucune recommandation particulière. Comme fonctionnaires, nous donnons des explications sur la loi, sur les mesures que les autres ont mis en oeuvre et sur les possibilités qui s'offrent, mais nous sommes en quelque sorte limités. Nous conseillons le ministre de la Justice, et je suis assez certaine qu'il aimerait beaucoup vous entretenir des diverses options.
M. Mark Warawa: Merci.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
Mme Libby Davies: J'en ai encore une.
En fait, je cherche simplement à obtenir certains renseignements, et nous n'avons pas encore abordé la perspective dans laquelle aborder les choses. Je sais que certains ont envisagé le tout sous l'angle des droits de la personne. M. Cotler possède certains renseignements à cet égard, et je pense qu'il a manifesté un certain intérêt.
Je me demande ce que vous pouvez nous dire à propos des répercussions sur la violation des droits de la personne par l'application de la loi, parce qu'il en découlerait apparemment un avantage pour la société, quelle que soit la norme adoptée, alors que le tout crée en fait un énorme préjudice. Je vous demande également si le ministère a envisagé cette question sous l'angle des droits de la personne.
Mme Catherine Latimer: Mon commentaire sera simplement d'ordre général.
Le ministre Cotler a effectivement rencontré ce groupe particulier. J'ignore la teneur des échanges, mais je sais que Patrice est au fait de ces questions.
Essentiellement, nous abordons toutes les questions en tenant compte des droits de la personne et de la charte. C'est ce que nous faisons systématiquement lorsque nous envisageons un problème particulier et que nous essayons d'obtenir une évaluation de la part de tous les intervenants, y compris ceux dont les droits pourraient être violés à la suite de l'adoption de certaines solutions. Pour nous, tout cela est essentiel pour déterminer la solution pertinente à adopter ou la recommandation à élaborer.
Patrice, souhaitez-vous ajouter une observation? Je sais que le ministre a effectivement rencontré Pivot.
¼ (1850)
[Français]
M. Patrice Corriveau: Je crois que lorsque le ministre a rencontré les gens du Groupe Pivot, il a reçu 91 affidavits de personnes prostituées qui demandaient de revoir la situation afin de vérifier s'il y avait une attaque aux droits humains. Selon un jugement de la Cour suprême... Je ne le trouve pas.
Mme Lucie Angers: Le jugement de la Cour suprême date de 1990 et c'était une référence à l'article 195.1, qui est devenu l'article 213. Il s'agit de l'arrêt Skinner et de l'arrêt Stagnitta, où la cour a dit que, contrairement à ce que prétend le Groupe Pivot, la liberté d'expression n'était pas violée par l'article 213 même si cela traitait de la communication. Cela posait certainement des problèmes du point de vue de la liberté d'expression. Cependant, cette disposition était sauvée par l'article 1 parce qu'elle constituait un mal nécessaire pour essayer de contrer la nuisance qui entourait la prostitution. C'est donc un droit. Le Groupe Pivot disait également que toute la question de la liberté et de la sécurité par rapport aux principes de justice fondamentale était aussi violée à cause du fait que les personnes prostituées doivent aller de plus en plus loin pour pratiquer une activité qui est légale, mais qui met leur vie en danger. C'est la prétention que le groupe a exposée au ministre.
[Traduction]
Mme Libby Davies: J'ignore si nous pouvons poursuivre dans la même veine, mais je sais qu'un grand nombre s'intéresse à cette question. Nous devrons peut-être revenir également sur cette question lorsque comparaîtront d'autres témoins.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
Vous avez la parole, Paule.
[Français]
Mme Paule Brunelle: Il y a un sujet dont nous n'avons pas parlé, et c'est tout ce qui touche Internet. Nous savons que la loi, comme vous le disiez, est souvent un peu en retard—on peut simplifier en disant cela par rapport à ce qui se passe—et on voit toute l'ingéniosité... Comment peut-on contrôler, au niveau juridique, tous ces débordements et cet accès que nous avons? Cela devient quand même très inquiétant. Y a-t-il des ententes internationales à ce sujet? Y a-t-il quelque chose à faire?
Mme Lucie Angers: Comme vous le dites, la loi est souvent en retard par rapport aux développements technologiques. L'explosion d'Internet a donné lieu, au sein du gouvernement, à la nécessité de revoir le Code criminel afin que les infractions commises sur Internet puissent être criminalisées, comme celles commises par lettre.
Pour ce qui est de la question de la prostitution en relation avec Internet, c'est plus délicat. Bien qu'on ait créé des infractions spéciales, particulières, pour la pornographie juvénile sur Internet, on n'a pas mis à jour de la même façon les dispositions relatives à la prostitution adulte.
Par contre, les cours interprètent les textes de loi à la lumière des développements qui se produisent dans le domaine technologique. L'article 213, de la manière dont il est rédigé, pourrait vraisemblablement s'appliquer à Internet. Par exemple, dans le cadre d'un forum de discussion sur Internet où deux personnes communiquent entre elles, l'une des personnes dit qu'elle aimerait avoir des relations sexuelles avec l'autre personne et qu'elle demande tel tarif, et propose la même chose à n'importe qui.
Par contre, toute la difficulté est de le prouver. Le problème n'est pas tellement que cela se produise dans le cadre d'un forum de discussion, mais plutôt la publicité qui en est faite. Par exemple, supposons que je suis prostituée et j'ai une page web où j'offre tel service qui va coûter tant. Dans ce cas, il semblerait difficile d'appliquer l'article 213, de l'adapter aux nouvelles technologies.
L'alinéa 213(1)c), qui interdit à quelqu'un de communiquer avec une personne dans un endroit public—Internet est un endroit public quand on participe à un forum de discussion —, ne pourrait même pas s'appliquer si j'avais une page web et que je sollicitais toute personne en général, mais personne en particulier, même si j'étais dans un endroit public et que je voulais obtenir les services sexuels d'une personne qui les propose. C'est d'abord une question de preuve. La communication va souvent avoir lieu au moment où la personne, ayant pris note du numéro de téléphone, va téléphoner pour dire qu'elle aimerait rencontrer cette personne, à tel moment... C'est à ce moment-là que la communication a lieu, et non au moment—je ne suis pas ici pour donner des avis juridiques—où la personne note simplement le numéro de téléphone.
Dans ce contexte, cette publicité n'est pas illégale dans les journaux, même si on dit offrir des services sexuels. On n'en voit pas fréquemment dans les journaux habituels. Ce n'est pas en tout cas une infraction normalement punissable.
¼ (1855)
Mme Paule Brunelle: Si on offre les services d'un mineur, c'est un problème.
Mme Lucie Angers: Dans le cas d'un mineur, c'est l'article 212 tel qu'il est rédigé qui traite de la question de la prostitution des enfants. Ce type de conduite serait certainement couvert par la loi parce qu'il y est dit: « communique avec quiconque en vue d'obtenir, moyennant rétribution, de tels services. » Cet article a été modifié en 1997, justement pour tenir compte de l'utilisation d'informateurs, mais aussi pour tenir compte des pratiques sur Internet. Ce serait couvert par la loi dans ce cas, mais cela semble difficile dans le cas d'adultes.
Mme Paule Brunelle: Merci.
[Traduction]
Le président: J'ai une question. Je pense que, dans votre témoignage d'aujourd'hui, vous avez indiqué qu'environ seulement 2 p. 100 des clients de la prostitution de rue sont inculpés de communication. Est-ce exact?
Mme Lucie Angers: Je m'excuse. J'ai signalé que 2 p. 100 étaient des récidivistes, c'est-à-dire qu'ils avaient commis plus d'une fois l'infraction. Il y en a bien davantage qui sont inculpés en vertu de l'article 213. Le nombre de condamnations est assez élevé, variant entre 2 000 et 3 000. Ce n'est certes pas uniquement 2 p. 100 qui sont accusés. Le nombre est beaucoup plus élevé.
Le président: Merci.
Mme Catherine Latimer: En 2003-2004, 1 004 accusations ont été portées contre des hommes et 775 contre des femmes.
Voulez-vous connaître les statistiques relatives aux condamnations et aux peines?
Le président: Cela serait intéressant, du moins pour les condamnations, mais pas tellement en ce qui concerne les peines.
Mme Catherine Latimer: Je vous présente Suzanne Wallace-Capretta qui travaille au sein de notre groupe de recherche et de la statistique au ministère de la Justice.
Mme Suzanne Wallace-Capretta (gestionnaire de recherche, Division de la recherche, Justice Canada): Je suis assez contente que vous me posiez cette question. Il existe des statistiques très intéressantes sur la communication, et je peux vous en faire part.
Les données proviennent du Centre canadien de la statistique juridique. Je pense que Roy Jones vous a donné certaines statistiques générales, et j'ai examiné le tout plus en détail. Il s'agit de l'Enquête sur les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes. Vous avez signalé, Libby, que davantage d'hommes que de femmes étaient accusés de communication. Selon les statistiques des dix dernières années, il y a un nombre légèrement supérieur d'hommes qui sont accusés de communication, mais ce nombre est pratiquement égal à celui des femmes. Comme Catherine l'a souligné, le nombre d'accusations portées contre des hommes en vertu de l'article 213 s'établissait à 1 004 en 2003-2004, ce qui constitue 56 p. 100 des accusations, comparativement à 44 p. 100 pour les femmes.
C'est un résultat qui est, selon moi, assez intéressant. Lorsque nous examinons la répartition par sexe des adultes qui ont été condamnés et incarcérés en vertu de l'article 213, nous nous rendons compte que les femmes sont plus susceptibles d'être incarcérées à la suite d'une infraction pour communication. C'était assez—
½ (1900)
Mme Libby Davies: Qu'entendez-vous par « incarcérer »?
Mme Suzanne Wallace-Capretta: Si une personne est inculpée en vertu de l'article 213 et si elle est déclarée coupable, la peine la plus grave est l'incarcération. Nous avons constaté que plus de femmes sont incarcérées—
Mme Libby Davies: Que signifie « incarcérer »?
Mme Suzanne Wallace-Capretta: Emprisonner.
Mme Libby Davies: Maintenant, je comprends.
Mme Catherine Latimer: D'autres peines peuvent être imposées, notamment une amende ou une probation, mais lorsqu'il y a incarcération, ce qui est généralement la peine la plus grave, le nombre de femmes incarcérées est de beaucoup supérieur.
Mme Libby Davies: Pouvez-vous nous citer des chiffres comparatifs entre les sexes?
Mme Suzanne Wallace-Capretta: Selon les chiffres comparatifs entre les sexes pour l'année 2003-2004, 17 hommes et 198 femmes ont reçu une peine d'emprisonnement aux termes de l'article 213. C'est donc dire que 92 p. 100 étaient des femmes.
Le président: Une telle fermeté est-elle imputable au fait qu'il s'agissait de multirécidivistes?
Mme Suzanne Wallace-Capretta: Nous avons déjà examiné les explications possibles. Je pense qu'il y en a plusieurs. À mon avis, celle-ci est certes tout à fait plausible. Il y en a une autre d'après l'une des conclusions du rapport FPT sur la prostitution, dont Lucie a parlé aujourd'hui : les femmes sont plus susceptibles de ne pas comparaître; par conséquent, elles sont davantage aux prises avec le système de justice pénal et seraient condamnées in absentia.
Je pense qu'une autre explication découlerait des échanges qui ont porté aujourd'hui sur les clients. Après avoir terminé les cours du Programme de déjudiciarisation de la prostitution, les clients se voient imposer un sursis, ou l'accusation est retirée. Je pense que cela pourrait certainement avoir également une influence.
Le président: Est-il possible d'établir si ces hommes étaient peut-être des clients ou des prostitués?
Mme Suzanne Wallace-Capretta: Malheureusement, je ne peux pas vous le dire pour l'instant.
Mme Libby Davies: Je ne pense pas faire erreur en disant que, au cours de la dernière décennie, le nombre de condamnations—d'hommes ou de femmes—a baissé.
Au début, j'ai essayé de faire valoir qu'obtenir un tableau de la situation actuelle en matière de condamnations n'est en fait qu'un élément de la question. Il faut également tenir compte de la menace de condamnation, ce qui est beaucoup plus difficile à quantifier. J'ignore comment vous y parviendrez. La police obtient des condamnations parfois, mais simplement leur présence et les outils dont ils disposent créent un environnement susceptible de déboucher sur une foule d'autres conséquences. Vos propos sont vraiment importants, mais il y a également un autre aspect à considérer par rapport à la menace.
Le président: Je vous remercie de votre présence ce soir.
Je souhaiterais vous signaler que, après que nous aurons terminé nos consultations à Ottawa et dans les autres villes canadiennes, nous voudrons peut-être vous convoquer de nouveau pour examiner avec vous certaines des conclusions et des constatations auxquelles nous serons parvenus. Le comité le souhaiterait grandement.
Je vous remercie encore une fois.
Pour l'instant, je voudrais simplement suspendre la séance pendant cinq minutes pour que les témoins puissent sortir. Puis, nous examinerons certaines questions de régie interne concernant nos travaux à venir, l'adoption des budgets, etc.
[La séance se poursuit à huis clos.]