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SSLR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 11 mai 2005




¼ 1820
V         Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.))
V         M. Berry Vrbanovic (président, Comité permanent sur la sécurité et prévention de la criminalité en sein des collectivités, Fédération canadienne des municipalités)

¼ 1825

¼ 1830
V         Le président
V         M. Ross MacInnes (Street Teams Initiatives)

¼ 1835
V         Le président
V         Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD)

¼ 1840
V         M. Berry Vrbanovic
V         Mme Libby Davies
V         M. Berry Vrbanovic

¼ 1845
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         M. Ross MacInnes
V         Mme Libby Davies
V         M. Ross MacInnes

¼ 1850
V         Mme Libby Davies
V         M. Ross MacInnes
V         Mme Libby Davies
V         Le président
V         L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.)
V         M. Ross MacInnes
V         L'hon. Hedy Fry

¼ 1855
V         M. Ross MacInnes

½ 1900
V         M. Berry Vrbanovic

½ 1905
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         Le président
V         M. Ross MacInnes
V         Le président
V         M. Ross MacInnes
V         Le président
V         M. Ross MacInnes
V         Le président
V         M. Ross MacInnes

½ 1910
V         Le président
V         M. Ross MacInnes
V         Le président
V         M. Ross MacInnes
V         Le président
V         M. Berry Vrbanovic
V         Le président
V         Mme Libby Davies

½ 1915
V         M. Ross MacInnes
V         M. Berry Vrbanovic
V         Mme Libby Davies
V         M. Berry Vrbanovic
V         Mme Libby Davies
V         M. Berry Vrbanovic
V         Le président
V         L'hon. Hedy Fry

½ 1920
V         M. Berry Vrbanovic
V         L'hon. Hedy Fry
V         M. Berry Vrbanovic
V         L'hon. Hedy Fry
V         M. Ross MacInnes

½ 1925
V         L'hon. Hedy Fry
V         Le président
V         M. Ross MacInnes
V         Le président
V         M. Ross MacInnes
V         Le président
V         M. Ross MacInnes
V         Le président
V         M. Ross MacInnes
V         M. Berry Vrbanovic
V         Le président
V         Mme Laura Barnett (attaché de recherche auprès du comité)

½ 1930
V         M. Ross MacInnes
V         Mme Lyne Casavant (attachée de recherche auprès du comité)
V         M. Ross MacInnes
V         Mme Lyne Casavant
V         Le président
V         M. Berry Vrbanovic
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         M. Berry Vrbanovic
V         Le président










CANADA

Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 030 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 11 mai 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¼  +(1820)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Maloney (Welland, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

[Français]

    Nous entamons la séance no 30 du Sous-comité de l'examen des lois sur le racolage du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile.

[Traduction]

    Bonsoir. Nous accueillons ce soir M. Berry Vrbanovic, de la Fédération canadienne des municipalités, ainsi que M. Ross MacInnes, de Street Teams Initiatives.

    D'habitude, messieurs, les témoins ont à peu près 10 minutes pour faire une déclaration, après quoi les députés ont à tour de rôle sept minutes pour poser des questions. Si le temps le permet, nous passerons ensuite à des tours de trois minutes.

    Je vous demanderais, monsieur Vrbanovic, de commencer.

+-

    M. Berry Vrbanovic (président, Comité permanent sur la sécurité et prévention de la criminalité en sein des collectivités, Fédération canadienne des municipalités): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Bonsoir, mesdames et messieurs. Je suis heureux de pouvoir présenter au comité mon point de vue sur la prostitution et le racolage. Je comparais devant vous à titre de conseiller municipal de la ville de Kitchener ainsi que de président du Comité permanent sur la sécurité et la prévention de la criminalité au sein des collectivités, de la Fédération canadienne des municipalités.

    Il est important de souligner que le Comité sur la sécurité et la prévention de la criminalité de la FCM s'est penché sur la question de la prostitution et du racolage rapidement en 2000, mais n'a pas vraiment élaboré de politique sur le sujet. Cela dit, je pense que vous conviendrez que les municipalités canadiennes sont les premières appelées à améliorer la santé et la sécurité des collectivités du pays. Force est de constater que la prostitution est un problème local d'une importance nationale.

    Les Canadiens n'aiment pas qu'il y ait de la prostitution dans leur quartier. Ils veulent que les parcs soient propres, et non jonchés de condoms et d'aiguilles. Ils veulent se sentir en sécurité quand ils se promènent dans la rue le soir, et ils veulent être fiers du quartier dans lequel ils vivent. Ils veulent un milieu de vie agréable et sécuritaire.

    En tant que représentants élus, nous devons être honnêtes avec nous-mêmes et avec nos citoyens. En fait, nous savons que nous ne réussirons jamais à éliminer complètement la prostitution de nos rues, ce que beaucoup de nos citoyens ont du mal à accepter. Même si des progrès ont été réalisés au cours des dernières années et que les autorités disposent de plus de moyens pour aider les travailleurs du sexe à s'en sortir, beaucoup de nos citoyens ne seront satisfaits que quand il n'y aura plus de prostituées dans nos rues. Or, cet objectif n'est tout simplement pas réaliste.

    Comme vous le savez mieux que quiconque, la perception est la réalité si bien que, pour changer la réalité, il faut changer la perception. D'entrée de jeu, je souligne que je crois fermement que notre objectif collectif qui est d'améliorer la santé et la sécurité de nos quartiers doit s'étendre à l'ensemble de nos citoyens, y compris ceux qui sont forcés de se prostituer. Nous aurons le droit de crier victoire quand tout le monde se sentira en sécurité.

    Pour cela, il ne faut rien de moins qu'un changement magistral dans les attitudes et les perceptions des Canadiens à l'égard de la prostitution et des travailleurs du sexe. Il est temps d'arrêter de les considérer comme des criminels et de commencer à reconnaître qu'ils sont victimes, victimes d'abus, victimes de crimes, victimes de toxicomanie et victimes du cercle vicieux qui les empêche de s'en sortir. Il est temps de privilégier la réduction des conséquences néfastes par rapport aux sanctions et à l'application de la loi.

    Je suis sûr que vous pouvez tous me donner des exemples de travailleurs du sexe qui ne répondent pas à la définition de victime, et c'est vrai qu'il y en a. Mais nous ne rendons service à personne en fermant les yeux sur la dure réalité et le fait que la vaste majorité des travailleurs du sexe sont des victimes. Si nous l'admettions au départ au lieu d'en faire abstraction et de souhaiter le contraire, nous pourrions peut-être faire quelque chose.

    Depuis des années, les municipalités comme la ville de Kitchener travaillent avec les forces policières locales et les services sociaux pour régler un certain nombre de problèmes liés à la prostitution et au racolage, avec des moyens budgétaires et juridiques limités. Il faut reconnaître que notre succès a été au mieux mitigé.

    À mon avis, nos résultats sont timides en grande partie à cause de ce que les collectivités de l'ensemble du pays pensent profondément de la prostitution. Malheureusement, pendant trop longtemps, les Canadiens ont associé le problème de la prostitution et du racolage seulement à la sécurité de leur quartier, à leur sécurité. Pour bien des gens, le problème est bien simple : la prostitution mène à la criminalité et à la toxicomanie, ce qui crée de l'insécurité. Si on peut seulement éliminer les prostituées, on va rendre nos rues plus sécuritaires. Cette perception est bien franchement étroite, bornée, égoïste et stérile.

    Il est certes crucial d'améliorer la sécurité de nos quartiers, mais ce n'est pas le seul problème qu'il faut chercher à résoudre. En fait, jusqu'ici, les méthodes conventionnelles d'application de la loi se sont avérées insuffisantes et inefficaces pour améliorer la sécurité des quartiers. Pour réussir à régler les problèmes de prostitution et de racolage, il faut s'attaquer aux causes profondes de la criminalité et chercher d'abord comment empêcher les gens de se tourner vers l'industrie du sexe. Nous devons aussi reconnaître que le développement social peut nous aider à réduire l'exploitation des travailleurs du sexe.

    Des stratégies de prévention du crime, des centres de traitement de la toxicomanie, des logements abordables, des programmes de formation et d'emploi et d'autres mesures sociales sont tous des moyens qui ont leur importance si on veut réussir à régler les problèmes de prostitution et de racolage. Tous ces services sociaux doivent être offerts de façon intégrée pour qu'il soit possible de répondre sans délai à une prostituée qui veut enfin s'en sortir. Quand les prostituées décident de rompre le cycle de la dépendance, nos administrations doivent être prêtes à leur tendre la main.

¼  +-(1825)  

    Ce qui se passe dans ma ville de Kitchener illustre parfaitement comment certains problèmes sociaux ont favorisé la prostitution. Pour résumer, la ville de Kitchener ne connaissait pas la prostitution avant l'arrivée du crack dans nos rues. La prostitution a envahi nos rues au même rythme que le crack. Il est vrai que beaucoup de prostituées de la région de Waterloo, qui en compte entre 70 et 100, vendent leurs services pour de la drogue. Malheureusement, ce n'est pas seulement chez nous qu'il en est ainsi.

    Ce que j'aimerais que vous reteniez aujourd'hui, c'est qu'aucun ordre de gouvernement ne peut réussir à régler ce fléau par lui-même. Les problèmes liés à la prostitution et au racolage sont trop complexes et les perceptions sociales trop enracinées pour que quelques changements rapides dans les lois et un financement accru parviennent à régler les choses. Ces réponses faciles au problème sont vouées à l'échec. Pour vraiment trouver des moyens d'améliorer la sécurité des gens en réduisant l'exploitation des travailleurs du sexe au Canada, il va falloir que tous les ordres de gouvernement, les organismes d'application de la loi et les ONG élaborent, en partenariat, une stratégie nationale globale, coordonnée et détaillée.

    Je félicite les membres du comité de reconnaître ces problèmes et d'avoir le courage politique d'examiner ces grands enjeux sociaux et d'envisager un plan national tellement nécessaire. Cependant, je considère que votre travail est seulement la première étape vers un changement véritable en vue de régler de façon efficace les problèmes de la prostitution et du racolage au Canada.

    Malheureusement, les consultations publiques que vous effectuez dans l'ensemble du Canada, du reste utiles, ne seront pas suffisantes. Il faut davantage. Il faut un vrai partenariat et un plan d'ensemble. Nous n'avons pas de plan national depuis trop longtemps. On a laissé les municipalités essayer de régler ces problèmes difficiles et complexes au cas par cas, avec très peu de financement et encore moins de moyens législatifs.

    À défaut de planification et de collaboration, beaucoup de localités du pays dispersent leurs efforts et ne peuvent tirer des leçons des succès ou des échecs des autres. Par exemple, toutes les villes ont essayé d'éliminer la prostitution par la répression et l'application de la loi. Cette stratégie ne fonctionne tout simplement pas et sert seulement à déplacer le problème. Elle ne s'attaque pas à la cause profonde du mal et, bien souvent, ne fait que perpétuer le problème.

    Je demande instamment au comité de recommander que le gouvernement fédéral forme immédiatement un partenariat avec tous les intervenants pour élaborer une stratégie nationale détaillée et coordonnée sur la prostitution et le racolage. Au bout du compte, cette stratégie nationale va rendre service aux travailleurs du sexe et aux citoyens qui exigent que nous prenions des mesures pour améliorer la sécurité de leur quartier.

    Je vais terminer là-dessus, monsieur le président. Je répondrai volontiers aux questions que vous voudrez bien me poser.

¼  +-(1830)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Vrbanovic.

    Monsieur  MacInnes.

+-

    M. Ross MacInnes (Street Teams Initiatives): Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui. Je vous prie d'excuser ma tenue vestimentaire. Air Canada a perdu mes bagages et j'arrivais du ranch.

    Je pense qu'il est important que je vous explique mon parcours. Depuis 1976, c'est-à-dire depuis 29 ans, ma femme et moi travaillons avec des adolescents à risque élevé, qui ont presque tous fait de la prostitution. J'ai dirigé la brigade des moeurs du Service de police de Calgary de 1991 à 1995. J'ai aussi été le directeur exécutif de Street Teams Initiatives depuis ses débuts en 1994 jusqu'en 1999, quand j'ai laissé ma place à quelqu'un d'autre. De 1999 à 2000, j'ai interrogé 300 couples de parents dont les filles faisaient la rue et 800 femmes qui travaillaient dans la rue. En 2001, nous avons lancé le Project 118 Children's Services Society, qui exploite un ranch au nord-ouest de Cochrane, au pied des montagnes, pour repérer, recueillir et réorienter les enfants qui s'engagent dans cette voie.

    J'aimerais aussi faire remarquer que le problème n'est pas tant la prostitution ou la vente de services sexuels par des adultes consentants. En 29 ans, j'ai rencontré quatre femmes qui avaient commencé à faire de la prostitution après l'âge de 19 ans. Comme l'alcool et le tabac, c'est une question d'âge. Nous voulons faire savoir aux gens qu'à un certain âge, que ce soit 18 ou 21 ans, c'est une occupation ou une activité socialement acceptable. Nous voulons faire comprendre aux enfants qu'ils doivent être plus vieux pour s'y adonner.

    Nos enfants en meurent. Au cours des dernières années, j'ai assisté à 19 enterrements. J'avais apporté dans mes bagages, que je n'ai malheureusement pas avec moi aujourd'hui, le document intitulé Children in the Game: Child Prostitution, Strategies for Recovery. On y présente des études de cas d'adultes décédés qui avaient commencé à faire de la prostitution dans l'enfance.

    Il est question au Canada de décriminaliser ou de légaliser la prostitution. Quand je prononce des conférences à l'université ou devant des groupes communautaires, je demande quels sont les critères de la légalisation ou de la décriminalisation. Je devrais d'abord dire que je me suis occupé de toute la question des services d'escorte dans les années 1980. La prostitution légalisée existe aujourd'hui dans presque toutes les villes. C'est ce qu'on appelle les services d'escorte. La ville d'Ottawa, comme toutes les autres, en tire des profits, et ce sont des services qui s'annoncent énormément dans les pages jaunes et dans les journaux. C'est de la prostitution légalisée.

    Si nous envisageons d'établir des quartiers désignés pour, d'une certaine façon, contrôler cette activité, nous avons une série de questions à nous poser. Légalisons-nous la prostitution pour des jeunes de 13, 14, 15, 16 ou 17 ans? Bien sûr que non. Pour les porteurs du VIH ou du sida? Bien sûr que non. Pour ceux, comme Berry en a parlé, qui consomment du crack, de l'héroïne ou de la méthamphétamine en cristaux? Bien sûr que non. Pour des personnes en difficulté d'apprentissage, qui souffrent du syndrome d'alcoolisation foetale ou de maladies mentales? Non, nous le faisons pas. La légalisons-nous dans le cas des personnes qui ont de lourds antécédents criminels ou qui sont violentes? Non plus.

    Dans ce cas, mesdames et messieurs, nous éliminons environ 90 p. 100 des prostitués qui sont dans la rue aujourd'hui, en créant une nouvelle classe de prostitution légalisée, en dehors des services d'escorte.

¼  +-(1835)  

    La plus importante brigade des moeurs par habitant en Amérique du Nord se trouve à Las Vegas, au Nevada, où la prostitution est légalisée. C'est là que le problème de prostitution juvénile est le plus grave. C'est aussi dans le comté de Las Vegas, où la prostitution est légalisée depuis longtemps, qu'on retrouve le plus grand nombre de prostitués porteurs du VIH, après San Francisco et Vancouver.

    Travailler avec les enfants, comme notre famille le fait... Je dois signaler que j'ai 14 filles qui, à une exception près, viennent toutes de la rue.

    Je vais vous lire un texte rédigé par un policier au sujet d'une jeune prostituée :

    

Grimée de rouge, des bagues bon marché aux doigts, elle arpentait la rue ce soir-là.
Nous l'avons aperçue de notre voiture
Tenant une poupée en charpie
Dans la lumière.
Nous avons pensé à nos enfants
Qui, sans l'aide de Dieu ou de la vie, pourraient être à sa place, et nous avons souri.
Confortés dans notre arrogance,
Nous nous disions que ce n'était pas notre problème.
Elle avait choisi sa vie, la rue, ce métier,
Elle pouvait toujours rentrer chez elle.
Nous l'avons croisée sans nous retourner
Et l'avons vue partir avec un client
Son âme déchirée.
Nous l'avons revue deux ans plus tard,
Serrant sa poupée en charpie dans ses bras couverts de marques d'aiguilles.
Je me suis arrêté près du trottoir et je l'ai appelée par son nom,
Qui, voyez-vous, figurait sur nos listes de porteurs du VIH.
Il a bien fallu qu'elle me suive.
Nous sommes aujourd'hui recueillis devant son cercueil.
Elle a l'air si jeune, enfin sereine, loin des traquenards, de la drogue, sans souci.
Le prédicateur prononce quelques mots, la chorale chante, il y a une croix sur le mur
Et une poupée en charpie
Est déposée sur la jeune défunte.
Alors qu'elle repose maintenant en paix,
Les hommes circulent toujours dans les rues, le soir.
Ils ont déchiré l'âme de cette jeune enfant
Et brisé le coeur de Dieu.

    Ce policier a assisté aux obsèques de cette toute petite femme, de 4 pieds et 11 pouces.

    Voilà ce qui conclut ma déclaration.

+-

    Le président: Merci, monsieur MacInnes.

    Nous allons commencer le premier tour avec Mme Davies.

+-

    Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): D'abord, merci aux deux témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Je suis désolée de notre retard, mais la situation est très spéciale ici. Je suis heureuse que nous ayons quand même tenu la séance, parce que vous êtes venus de Calgary et de Kitchener. Merci beaucoup d'être ici.

    Berry, je vais d'abord m'adresser à vous. Merci de votre mémoire.

    Je crois que les municipalités ont fait beaucoup de chemin sur cette question. J'ai siégé au conseil municipal de Vancouver dans les années 1980, à l'époque ou les municipalités réagissaient différemment d'aujourd'hui. On misait beaucoup sur la répression, ce qui a beaucoup divisé les gens. J'ai bien aimé les observations que vous avez faites aujourd'hui. Si c'est le point de vue de la FCM, je pense que c'est vraiment bon signe.

    Ross, dans ce que vous faites, on voit vraiment que vous voulez aider les gens.

    Il faut être clair, cependant. À ce que je sache, personne ne préconise vraiment la légalisation de la prostitution, même pas la décriminalisation dans le cas des prostituées de moins de 18 ans. Je pense que c'est important de bien faire la distinction.

    J'ai deux ou trois questions à vous poser.

    D'abord, Berry, Ross a parlé des services d'escorte. Il y a la prostitution de rue, ou ce que'on appelle souvent le commerce du sexe de survie, et il y a aussi les services d'escorte. On ne voit pas ces activités de la même façon. Nous avons tendance à tolérer les services d'escorte ou à fermer les yeux dans leur cas, peut-être parce qu'on ne les voit pas, et on ne considère pas qu'ils constituent un problème. Quant à la prostitution de rue, on a tendance à vouloir la régler par la répression.

    J'aimerais savoir si la FCM a réfléchi à la prostitution par rapport aux services d'escorte, et si elle songe ou non à une stratégie—vous avez parlé d'une stratégie nationale—que nous devrions encourager, pour assurer la sécurité et minimiser les risques et les méfaits, un régime plus réglementé pour les activités comme les services d'escorte et les salons de massage. J'aimerais savoir si vous avez réfléchi à la question et quelle stratégie nationale vous aimeriez avoir.

    J'aimerais demander à Ross si votre projet vous amène à recueillir les jeunes dans le cadre du programme de protection qui existe en Alberta. Vous pourriez peut-être nous en parler. Nous nous sommes demandés s'il est plus fructueux d'offrir des choix et de l'aide aux gens que d'adopter des méthodes coercitives. J'aimerais savoir ce que vous pensez de la Protection of Children Involved in Prostitution Act, ou la loi sur la protection des enfants s'adonnant à la prostitution, et si vous mettez cette loi en application dans le travail que vous faites.

    Berry pourrait peut-être répondre le premier.

¼  +-(1840)  

+-

    M. Berry Vrbanovic: Merci, madame Davies.

    D'abord, pour ce qui est des services d'escorte, la FCM n'a pas pris position de façon officielle. En fait, à la suite de ma comparution d'aujourd'hui et comme il va y avoir une table ronde bientôt, nous voulons engager d'autres discussions avec nos membres pour définir notre position sur la question.

    Nous savons qu'il y a différentes façons de traiter les services d'escorte dans les différentes régions du pays. Certaines municipalités les réglementent et d'autres pas. Encore une fois, cela peut être attribuable en partie à ce que prévoient les lois provinciales et municipales, qui peuvent varier.

    Le week-end dernier, le Toronto Star faisait état d'une récente enquête selon laquelle la ville avait octroyé des permis à des commerces censés être des salons de massage et qui se sont avérés être, comme le journal le disait, pratiquement des bordels. Je pense que nous voulons examiner la situation de plus près pour nous faire une meilleure idée de la question.

+-

    Mme Libby Davies: La police interviendra-t-elle s'il s'agit de bordels? Prend-t-elle des mesures énergiques ou laisse-t-elle simplement les choses aller?

+-

    M. Berry Vrbanovic: Je pense que des mesures seront probablement prises par suite de cette enquête médiatique. Les municipalités envisagent d'octroyer des permis à ce genre d'établissement, mais c'est difficile à gérer sur le plan de l'application de la loi, notamment en raison du manque de ressources. Si je ne me trompe pas, dans ma municipalité, la ville de Kitchener, il y a quatre salons de massage légaux. On entend parfois parler d'autres salons, qui sont en réalité des salons pour adultes, mais qui ont un permis pour d'autres types d'activités. Habituellement, ces établissements font l'objet de représailles parce qu'ils ne détiennent pas un permis et n'ont pas en place les mécanismes de contrôle requis.

    Je pourrais peut-être ajouter, monsieur le président, que dans le document dont je parle, la version finale que nous avons préparée, il manque en quelque sorte une page sur l'expérience à Kitchener. J'espère donc qu'au moment opportun, j'aurai la chance d'en parler officiellement.

¼  +-(1845)  

+-

    Le président: Si vous voulez vraiment que ce soit consigné, nous y reviendrons vers la fin.

    Nous allons poursuivre. Madame Davies, vous avez encore une minute environ.

+-

    Mme Libby Davies: J'ai posé une question à Ross au sujet des mesures législatives en Alberta. J'ajouterais peut-être un autre point.

    Il m'apparaît évident, comme pour d'autres, que la prise de mesures de répression contre les prostitués de la rue ne servent à rien et sont en fait nuisibles. Si nous criminalisons les gens et les faisons pénétrer dans le système judiciaire, à quoi tout ça servira-t-il? J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

    Êtes-vous en faveur de la prise de mesures de répression? Croyez-vous que ça doit jouer un rôle? Ou voyez-vous plutôt ces mesures—comme les dispositions sur la communication et les maisons de débauche—comme étant des efforts futiles qui n'ont rien donné et qui, selon beaucoup de gens, contribuent en fait à mettre en péril les travailleurs du sexe dans la rue?

    Dans quelle direction faut-il aller?

+-

    M. Ross MacInnes: C'est très difficile à dire parce que des mesures de répression ont toujours été dans le portrait. L'application de la loi joue un rôle particulier dans la rue; c'est souvent un mécanisme informel—pour établir des limites, un code vestimentaire. En terme de population et de compréhension, le rapport entre les policiers de la brigade des moeurs et la plupart des prostitués dans la rue et les agences d'escorte est étroit. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que sur le plan de l'application de la loi, les mesures ne sont pas du tout efficaces.

    Mais on a affaire ici à deux choses différentes. La loi sur la protection des enfants s'adonnant à la prostitution ne concerne pas les adultes. C'est pour les jeunes contrevenants. Aimeriez-vous que j'en parle?

+-

    Mme Libby Davies: On dirait que je vous ai posé deux questions. La première portait sur les mesures législatives visant à protéger les enfants, et l'autre sur l'application de la loi en général en ce qui a trait aux adultes.

+-

    M. Ross MacInnes: La loi sur la protection des enfants s'adonnant à la prostitution a été adoptée il y a huit ou neuf ans en raison du nombre élevé d'enfants dans les rues de Calgary; certains soirs, on pouvait en compter de 300 à 400. C'est difficile de travailler avec cette population car on a parfois affaire à des jeunes qui ont une dépendance et qui retournent au bout de quatre ou cinq minutes dans la rue après que l'on a procédé à une arrestation volontaire où, en vertu de la loi sur la protection de l'enfance, qu'on les a placés dans un foyer de groupe. Il devient donc impossible de stabiliser la situation tant que des ressources n'ont pas été assignées.

    Pendant environ un an, divers intervenants se sont réunis, un peu comme ce comité, pour se demander comment intervenir. Ce groupe a défini diverses mesures. La première mesure—qui a depuis été modifiée—était une détention initiale de 72 heures s'il y avait prostitution ou risque très élevé de prostitution, c'est-à-dire qu'on tentait activement de les recruter. Les jeunes étaient détenus dans des cellules pendant assez longtemps pour, notamment, les stabiliser afin de faire un bilan de leur santé, à la fois physique et émotionnelle, et pour que des ressources puissent intervenir. De ce que j'ai pu voir, cette mesure a connu un succès phénoménal. C'est une mesure contraignante, mais je crois que dans la vie il y a des décisions d'adultes et des décisions d'enfants; dans ce cas-ci, les adultes ont décidé que ce comportement devait cesser.

    Pour répondre à votre question, cette mesure est encore en vigueur et continue d'être utilisée, peut-être pas autant qu'auparavant parce que le nombre d'enfants n'est plus le même. Elle freine la victimisation. Il y a des viols, et en plaçant les jeunes à un endroit, on y met fin, puis on évalue dans quelle direction on veut aller... et on assigne des ressources. À l'heure actuelle, nous avons 12 enfants au ranch et quatre d'entre eux... Disons qu'ils sont venus sous escorte.

¼  +-(1850)  

+-

    Mme Libby Davies: Sont-ils tenus de rester au ranch? Doivent-ils y rester pendant un certain temps?

+-

    M. Ross MacInnes: Non. Ils arrivent au ranch, puis les parents et les escortes s'en vont. Il revient ensuite à mon personnel de les retenir en touchant leur coeur; jusqu'à maintenant, nous n'en avons pas perdu un.

    Ces enfants ne veulent pas être dans la rue. Ils ne veulent pas se prostituer. Quand ils ont accès à un environnement chaleureux qui leur permet d'avancer, ils ne veulent pas revenir en arrière. Ça ne s'est jamais produit. Même dans la famille. Jamais un enfant n'a dit qu'il ne voulait pas être dans une famille et qu'il préférait retourner se prostituer dans la rue. Ça n'arrive pas.

    Il faut que les enfants aient cette option. Je crois que cela va dans le même sens que ce que vous et Berry avez dit. Il faut des solutions de rechange, mais trop souvent il n'y en n'a pas.

    Est-ce que ça répond à vos questions concernant la loi sur la protection des enfants s'adonnant à la prostitution?

+-

    Mme Libby Davies: Oui.

+-

    Le président: Merci, madame Davies.

    Madame Fry.

+-

    L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    J'aimerais poser à M. MacInnes quelques questions précises au sujet des jeunes.

    Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire, comme l'a fait Mme Davies plus tôt, qu'il est nullement question de considérer l'exploitation sexuelle des jeunes comme une option viable. Nous voulons faire quelque chose pour venir en aide aux jeunes.

    Lorsque vous procédez à l'arrestation de jeunes et les mettez en détention dans le cadre de votre programme de refuge... vous dites que vous avez actuellement 12 enfants et qu'ils ne cherchent pas à quitter les lieux. Combien de temps restent-ils? Où les envoyez-vous par la suite? Vont-ils dans des familles adoptives? Sont-ils seulement placés dans des familles?

    D'après tout de ce que j'ai lu et entendu, les jeunes dans la rue qui sont exploités sexuellement viennent de foyers où ils ont été abusés physiquement ou sexuellement. Ces enfants s'enfuient de situations familiales difficiles.

    À Vancouver, certains nous ont déclaré qu'ils venaient de Calgary. Ils ont dit qu'ils ne voulaient être en aucun cas dans un milieu familial ou tout autre environnement où il y a des gens qui représentent l'autorité. Ils ont grandi en se méfiant de ces personnes et en se sentant mal à l'aise autour d'eux. Dès qu'ils en ont eu la chance, ils sont allés dans un endroit où on ne pourrait pas les retrouver.

    Je crois que c'est un véritablement problème. Il faut discuter de la façon d'aborder ce genre de situation. Je ne vois pas comment on peut traiter l'abus sexuel des enfants dans leur foyer. Des membres de la famille sont responsables d'un pourcentage élevé des agressions, et bon nombre d'enfants ne veulent pas les dénoncer. Puisqu'ils ne peuvent se résigner à le faire, ils s'enfuient. En général, ils se sentent coupables et ont l'impression d'avoir causé l'éclatement de la famille.

    Je veux vraiment parler un peu plus de ce qui arrive à ces jeunes gens. À Vancouver, ceux qui provenaient de Calgary nous ont dit qu'ils se sont enfuis dès la première occasion car ils ne croyaient pas aux mesures d'application de loi. Une des choses qu'ils refusent, c'est que quelqu'un vienne leur dire ce qu'ils ont à faire. Ils en ont marre de se faire dire quoi faire. Ils ne font confiance à personne.

+-

    M. Ross MacInnes: Ce sont également des adolescents.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Exactement.

    En ce qui concerne l'autre document de la Fédération des municipalités canadiennes, nous sommes tous d'accord pour dire que le système ne fonctionne pas très bien dans le cas de certains modèles. Nous avons examiné la situation à Vancouver entourant le meurtre et la disparition d'un grand nombre de prostituées. On commence à voir ça en Alberta.

    On nous dit que les prostituées et les travailleurs du sexe en danger sont surtout ceux qui travaillent dans la rue. Ils essaient de survivre. Ils préfèrent des situations à haut risque plutôt que de se passer de drogue ou de nourriture. Ce sont des gens désespérés qui n'accordent pas autant d'importante que nous pourrions le penser au risque d'être enlevés ou tués. Ils n'ont pas l'impression d'avoir le choix. Nous devons vraiment aborder cette situation.

    Mme Davies vous a posé une question sur les agences d'escorte et les salons de massage. Nous avons entendu des témoignages de gens qui travaillent dans ce milieu. Bon nombre d'entre eux le font par choix. Ce ne sont pas des travailleurs qui cherchent seulement à survivre, mais bien des gens qui ont choisi de travailler là. Ils s'y sentent en sécurité. Ces femmes disent qu'on devrait leur permettre de choisir le travail qu'elles veulent faire.

    Il ne s'agit pas ici de dire si c'est le genre de travail qu'on voudrait que nos filles et nos petites-filles fassent. La question porte sur la possibilité pour les femmes de faire librement des choix, de ne pas succomber à des pressions, de ne pas être exploitées, de ne pas être entraînées dans le commerce de la drogue et de ne pas être obligées de faire ce métier parce que c'est la seule façon qu'elles peuvent s'en sortir; elles doivent pouvoir le choisir librement.

    Évidemment, on parle de deux groupes de femmes différents. Celles qui sont dans la rue semblent être les femmes les plus en danger. Ce sont elles qui disent qu'en les décriminalisant, on pourrait mettre en place bon nombre de règlements et de normes pour améliorer leur sécurité et peut-être les aider à obtenir l'aide dont elles ont besoin pour régler leurs problèmes de drogue, etc. Elles auraient un meilleur accès aux systèmes et pourraient faire des choix une fois prêtes.

    J'aimerais que M. MacInnes réagisse à mes propos sur les jeunes, puis que Berry commente les questions touchant la Fédération.

¼  +-(1855)  

+-

    M. Ross MacInnes: Notre programme s'appelle Project 118 Youth Ranch, et la phase initiale est de 98 jours. C'est la période de résidence minimale. En tout, le programme prend cinq ans.

    Le programme a certaines caractéristiques. Je ne brosserai pas toute son histoire, mais disons que c'est un programme dirigé par les parents ou la collectivité et non par le gouvernement. Ce programme a vu le jour à la suite de recherches, où on a interviewé 800 enfants et 300 couples dont les filles ne sont jamais revenues à la maison, en vue de mettre sur pied un programme qui permettrait de traiter de façon unique les problèmes d'abus au sein des familles, la perte de contrôle d'une situation et la façon de rétablir des liens.

    Il s'échelonne sur cinq ans. Pendant les trois premiers mois, les enfants habitent au Ranch. Ils ne le quittent pas pendant trois mois. Nous disposons d'un psychiatre, de psychologues, d'une infirmière, de chefs et de chevaux—des éléments intervenant sur le plan thérapeutique et éducationnel.

    Pendant les trois mois suivants, notre personnel accompagne les enfants dans le foyer, peu importe lequel. Ils peuvent être dans leur propre famille, chez une grand-mère ou dans une famille d'accueil. Il n'y a aucune adoption en raison de l'âge des jeunes, mais il peut y avoir un placement en famille d'accueil selon la façon dont fonctionnent les familles dans la collectivité.

    Après cette période, les enfants passent à la prochaine étape du programme qui s'intitule « LIFE », dont l'acronyme en anglais signifie « vivre comme un citoyen à part entière ». Ce programme couvre 16 ensembles de compétences différents pour aider les jeunes à réintégrer la société.

    Voilà donc ce qu'ils font après leur séjour de 98 jours au ranch. Ce séjour est suivi d'une autre période de trois mois avec surveillance à la maison, peu importe où c'est. Ça peut être un foyer d'accueil ou chez un membre de la famille élargie. Puis, pendant les quatre ans et demi qui suivent, l'approche est un peu comme celle des AA. C'est donc un programme de soutien à long terme.

    Pour ce qui est des antécédents des enfants, on voit de tout : problème de dépendance à la méthamphétamine, au crac ou à la cocaïne, exploitation sexuelle, comportement provocant, prise de risques extrêmes. On parle de jeunes de 13 à 18 ans, 18 ans étant l'âge de l'adolescent le plus vieux que nous avons accueilli.

    Une des caractéristiques du programme, c'est que l'enfant doit être jumelé à un champion. Il peut s'agir d'un bénévole de notre organisation, d'un parent ou d'un grand-parent. Le taux de réussite est plus élevé d'environ 30 points de pourcentage si l'enfant a un champion, c'est-à-dire un adulte qui lui dit qu'il ne le lâchera pas pendant cette période.

    Lorsque Barbara Coloroso ou les autres psychologues travaillent avec les adolescents, ils identifient trois comportements clés. Le premier est de défier l'autorité. Nous l'avons tous fait lorsque nous étions adolescents, même les députés du Parlement. Le deuxième est la prise de risques par les jeunes. Le troisième est le niveau de mélatonine chez ces jeunes. Ils ne s'endorment qu'à une heure du matin, alors que je suis prêt à me coucher à 21 heures.

    Il faut donc tenir compte de ces caractéristiques dans tout programme de réhabilitation. La plupart des enfants que nous accueillons manquent de sommeil de façon chronique, ce qui influe sur leur capacité d'apprentissage, leur estime de soi, la gestion de la colère, etc. parce qu'ils ont sommeil tout le temps. Ils ne se couchent pas avant minuit ou une heure du matin. Notre propre système scolaire traditionnel leur demande de se lever tôt, vers 6 ou 7 heures. C'est biologique et chimique. Il y a diverses caractéristiques à prendre en compte quand il s'agit de jeunes à haut risque.

    Je ne m'attarderai pas trop longtemps sur ce sujet, juste assez pour peut-être répondre aux questions qu'on m'a posées sur les jeunes.

    Les jeunes peuvent venir au ranch sous escorte ou sur ordonnance du tribunal, par exemple. On fait ce qu'il faut pour changer très rapidement leur perception pour que ça devienne quelque chose qui leur tient à coeur. Au cours des 18 derniers mois, le plus gros problème que nous avons eu avec les 28 enfants que nous avons accueillis, c'était de les obliger à partir après trois mois. C'est difficile.

    Merci.

½  +-(1900)  

+-

    M. Berry Vrbanovic: Madame Fry, je voudrais faire valoir plusieurs points concernant votre question.

    Premièrement, j'ai signalé dans mon exposé que nous reconnaissons tous que les problèmes liés au commerce du sexe ne disparaîtront jamais complètement et qu'ils séviront toujours dans nos collectivités. C'est sous l'angle du développement social que nous devons trouver les solutions; nous devons nous occuper à la fois des travailleurs du sexe et, au bout du compte, des clients. Je donnerai sous peu des exemples de ce que nous cherchons à faire à Kitchener.

    Auparavant, parlons de ce que vous avez abordé à propos des agences d'escorte et des solutions possibles à ce problème. À mon avis, il est important de souligner encore une fois que la FCM n'a pas encore adopté de position officielle sur les agences d'escorte. Je crois cependant qu'il convient d'indiquer que l'octroi de permis à ces agences vise à nous assurer qu'il n'y a aucune activité criminelle et que les mesures sont prises pour veiller à la santé et à la sécurité du personnel.

    Cependant, on nous a signalé notamment que, le cas échéant, ce permis coûte si cher que cette solution de rechange n'apparaît tout bonnement pas rentable aux yeux de certaines. Elles préféreraient travailler dans de telles conditions à cause des avantages sur le plan de la santé et de la sécurité, mais le coût du permis est prohibitif et elles reviennent donc simplement à la prostitution de rue. Je pense qu'il faut tenir compte de ces aspects très attentivement.

    Chez-nous, nous avons dégagé deux principes lorsque nous nous sommes attaqués à certains de ces problèmes.

    Premièrement, il faut mettre en oeuvre des programmes à l'intention des travailleuses du sexe. Nous avons essayé d'adopter une approche globale en collaborant avec les organismes sociaux de notre localité, la police et les autres intervenants, pour d'offrir de l'aide à la femme qui décide de quitter ce milieu. Nous lui cherchons une place dans un centre de désintoxication ou un refuge, et nous essayons de lui trouver un emploi, etc. Cependant, nous nous heurtons au manque de ressources, qui est très franchement le principal problème. Si nous sommes parvenus à des ébauches de solution, c'est vraiment grâce au projet de mobilisation visant à nettoyer le coeur de notre centre-ville de concert avec les groupes locaux, la police, les membres de la collectivité, etc. Cependant, nous nous sommes rapidement rendu compte que le problème restait entier, car vous ne pouvez pas dire à une travailleuse du sexe souhaitant quitter le milieu de la prostitution qu'elle devra attendre deux mois pour figurer sur la liste d'attente d'un centre de désintoxication. Cela ne tient pas debout. Quelques jours plus tard, elle sera de retour dans la rue. Voilà quel est le problème.

    Par contre, nous avons élaboré un programme à l'intention des clients de la prostitution, programme qui s'est révélé passablement efficace. Au cours des huit dernières années, environ 800 hommes ont participé au programme, et le taux de récidive est très faible. Pendant la durée du programme, c'est-à-dire un jour, un avocat de la Couronne, une infirmière de la santé publique, une jeune femme qui a grandi dans un quartier en proie à la prostitution, un père dont les filles ont été sollicitées par des clients, une ancienne travailleuse du sexe, un ancien proxénète, la femme d'un ancien client et, enfin, le client prennent la parole. Nous avons établi le portrait du client moyen: c'est un homme dans la mi-trentaine ayant fait des études postsecondaires. Cette journée se révèle très enrichissante sur le plan de la sensibilisation puisque les clients n'avaient jamais envisagé les répercussions éventuelles sur leur vie et, ce qui est plus important, sur l'ensemble de la collectivité. Pour cette raison, le programme offre, selon nous, des résultats positifs.

    Des exemples donnés pour Kitchener et des commentaires généraux formulés par la FCM, nous pouvons conclure qu'il faut envisager différentes solutions de rechange pour s'attaquer à ces problèmes sous l'angle du développement social. À elle seule, aucune solution ne se révélera efficace.

½  +-(1905)  

+-

    Le président: Merci.

    Madame Davies, vous disposez de trois minutes.

+-

    Mme Libby Davies: Merci.

    Si vous souhaitez poser une question, je pourrai patienter avec plaisir.

+-

    Le président: En général, on nous a signalé que les travailleuses du sexe n'entretiennent pas de bonnes relations avec la police, à l'exception des membres de l'escouade de la moralité. Par conséquent, elles ne le signalent pas à un agent de police lorsqu'elles ont notamment subi une raclée, parce que celui-ci ferait la sourde oreille. En outre, elles font l'objet de propos assez cruels et sont en butte à l'indifférence, ce qui les blesse certes dans leur estime de soi.

    Quelle est votre opinion à cet égard?

+-

    M. Ross MacInnes: Je trouve cela paradoxal. Je suis d'accord en ce qui concerne les policiers en général mais en ce qui a trait aux membres de l'escouade de la moralité...

+-

    Le président: Non, les membres de l'escouade de la moralité se comportent correctement. C'est ce qu'on nous a dit. Cependant, c'est tellement paradoxal de la part d'un agent de police qui patrouille.

+-

    M. Ross MacInnes: C'est exact. Les prostituées sont victimisées non seulement par les policiers, mais également par les travailleurs sociaux et les professionnels de la santé, tous croyant que leurs activités sont de nature criminelle. Les membres de l'escouade de la moralité envisagent le tout sous un angle tout à fait différent. Ils deviennent presque leurs protecteurs. C'est à eux qu'elles s'adressent en général. Il y a 10 ans que je ne commande plus l'escouade de la moralité, mais je reçois encore des coups de fil. C'est donc différent.

    Les services de police doivent être bien formés sur la nature de la culture régnant dans la rue, c'est-à-dire sur les lois, les règlements, les tenues vestimentaires, les couleurs, les marques de cigarettes et la monnaie d'échange. Il existe une telle culture, que la plupart des policiers ne parviennent pas à comprendre.

+-

    Le président: Croyez-vous ou estimez-vous que les enfants impliqués dans le commerce du sexe courent davantage de risques en raison de la criminalisation de la plupart des aspects de la prostitution? La plupart sont criminalisés. Estimez-vous que c'est un facteur de risque pour les enfants?

+-

    M. Ross MacInnes: Le danger est énorme. Premièrement, ces enfants sont victimes d'un viol—il n'y a pas d'autre expression, ils ont 13 ans—, qu'il y ait échange d'argent ou non. Le facteur de risque est énorme. Ils sont dans l'ignorance, même lorsqu'il s'agit de leur propre sécurité. Ils ignorent une chose aussi simple que la protection contre les MTS. Les risques sont donc énormes. Personne ne les protège, sauf peut-être une autre fille—je parle surtout de filles, mais il y a aussi des garçons—ou le proxénète qui est censé accorder une certaine forme de protection.

    Pour en apprendre davantage sur les facteurs de risque, vous n'avez qu'à lire les journaux de l'Alberta et de la Colombie-Britannique, au sujet de la porcherie de Pickton et de tous les aspects de cette culture. Les risques sont énormes.

+-

    Le président: Cependant, le mandat de notre comité consiste à étudier nos lois sur le racolage pour chercher à améliorer la sécurité des travailleurs du sexe et de nos collectivités, à réduire l'exploitation des femmes et des travailleurs du sexe ainsi qu'à diminuer les risques qu'ils courent. Je m'adresse à vous deux : quelles recommandations formuleriez-vous pour que nous puissions nous acquitter de ce mandat?

+-

    M. Ross MacInnes: Premièrement, je souscris aux programmes à l'intention des clients, mais je proposerais une forme différente. À mon avis, il faudrait deux ans d'incarcération suivis d'un atelier d'une demi-journée. Je rejette l'idée d'un seul atelier donné le samedi. Lorsque des agents d'infiltration arrêtent un client dans la plupart des villes, celui-ci doit participer à un atelier d'une journée, au cours duquel cet homme de 35 ans apprend que c'est condamnable de retenir les services sexuels d'un enfant ou d'une prostituée. Si vous ne l'ignorez à 35 ans, vous avez des problèmes encore plus graves.

    Deuxièmement, lorsque des agents d'infiltration procèdent à des arrestations, aucun programme de ce genre n'est offert aux femmes dans aucune ville. Elles sont alors traduites devant un tribunal et sont de nouveau victimisées. C'est le monde à l'envers. Nous considérons que les clients sont mal compris ou ne saisissent pas les conséquences de leurs gestes, mais on juge que les filles en sont au courant et on les astreint au processus judiciaire. Notre société fait vraiment fausse route. Nous devons préalablement rétablir les choses en déterminant qui est vraiment la victime.

    Ce n'est pas uniquement la prostitution en soi. La prostitution est légale au Canada. Ce qui est illégal, c'est la sollicitation en public. La société doit comprendre quelles sont ses convictions à cet égard. Je pense que tout cela s'inscrit dans un plus vaste tableau—de la législation concernant les drogues à la pornographie. C'est une question de moralité. Il faut trouver une façon de parvenir à un certain niveau—j'ignore si on peut parler de compréhension—, mais il faut certes un niveau de base.

    Je pense que vous êtes les quatrième ou le cinquième comité devant lequel je comparais. Cela remonte aux années 80. On s'est penché sur cette question dans l'Ouest—en Saskatchewan et en Alberta—, ainsi qu'en Ontario auparavant et dans les Maritimes. C'est la première fois au niveau fédéral. Nous semblons toujours aux prises avec ce problème.

½  +-(1910)  

+-

    Le président: La Suède criminalise le client mais pas la prostituée. Recommanderiez-vous une telle approche?

+-

    M. Ross MacInnes: Oui. L'un des programmes les plus efficaces que j'ai constaté est celui dans l'État de New York, non pas la ville mais un des arrondissements. Je pense que la peine est systématiquement une année d'incarcération et une amende de 2 000 $. La prostitution de rue est presque disparue du jour au lendemain.

+-

    Le président: Croyez-vous qu'elle soit devenue clandestine?

+-

    M. Ross MacInnes: Eh bien, la drogue constitue la monnaie d'échange. On a ouvert quelques centres de désintoxication notamment, ce à quoi Berry a fait allusion. Je pense que nous avons traité le problème très cavalièrement par le passé, particulièrement en ce qui concerne les programmes à l'intention des clients. Je ne suis pas en désaccord avec Berry—je sais bien qu'on doit administrer la ville—, mais par rapport à l'efficacité à long terme de ces programmes, car le client sait que ses gestes sont condamnables.

+-

    Le président: Berry, avez-vous d'autres observations à formuler avant la fin de mes sept minutes?

+-

    M. Berry Vrbanovic: Je suis tout à fait d'accord qu'il faut insister sur le fait que les travailleurs du sexe sont les victimes de cette situation. Il faut s'assurer de disposer des ressources et des programmes nécessaires afin de pouvoir aider la personne qui choisit de quitter ce mode de vie, particulièrement celle qui consomme de la drogue, etc. C'est fondamentalement un cercle vicieux et un gouffre.

    Dans notre collectivité, nous avons mis en oeuvre un programme à l'intention des clients essentiellement parce que nous nous sommes rendu compte que cette solution était efficace pour nous attaquer au problème, et nous avons obtenu des résultats fructueux. En axant la répression sur le client—et non pas sur la travailleuse du sexe—ainsi qu'en mettant en oeuvre le programme à l'intention des clients lorsque le juge estime qu'il s'agit d'une solution de rechange valable, nous avons pu nous attaquer à cet aspect du problème.

+-

    Le président: Madame Davies, vous disposez de trois minutes.

+-

    Mme Libby Davies: Je veux revenir aux programmes à l'intention des clients. Je ne veux pas vous contredire, mais je pense que nous sommes aux prises avec un genre de démonstration des contradictions.

    Nous avons entendu le témoignage d'escortes à Montréal. Nous leur avons demandé de décrire leurs clients et elles nous ont répondu qu'il s'agissait de cadres de direction et de gens d'affaires. Une femme a indiqué que certains de ses clients étaient gravement handicapés et que la relation n'était toujours pas d'ordre sexuel. C'est parfois uniquement de nature physique mais ce n'est pas nécessairement de caractère sexuel.

    Ce fut très intéressant. Nous pensons toujours que les clients ne sont que de méchants prédateurs—et je ne nie pas qu'il y en ait—, mais ils ne le sont pas tous nécessairement.

    Je m'interroge toujours au sujet des programmes à l'intention des clients. Allons-nous viser les clients et les astreindre à suivre un tel programme parce qu'ils ont mal agi sur le plan moral? Allons-nous par conséquent traiter de la même façon tous les hommes qui ont recours aux services d'escortes comme cet homme handicapé? L'obligerons-nous à suivre le programme? Je ne le pense pas.

    Pourquoi agissons-nous alors ainsi? Est-ce parce qu'ils sont pas pris sur le fait dans la rue? Est-ce parce qu'ils sont violents? Le cas échéant, nous pouvons recourir à d'autres lois—agression, viol, lésions corporelles, etc.?

    À mes yeux, c'est très intéressant car cela fait vraiment ressortir certaines contradictions. Pour quel motif affirmons-nous que nous viserons principalement les clients et les obligerons à suivre ces programmes? Est-ce une question de moralité ou est-ce le fait qu'on perçoit qu'il y a un préjudice? Le cas échéant, pourquoi n'appliquons-nous pas cette solution à tous? Je me demande bien pourquoi.

    Je dois dire que je me pose des questions à cet égard. Pourquoi agissons-nous ainsi? Est-ce uniquement pour nous rassurer et penser que nous nous attaquons au problème correctement alors que, en fait, nous ne le faisons pas, je pense? Nous faisons peu de cas d'une bonne partie de ce problème parce qu'il n'est pas apparent. C'est lorsque les problèmes sont apparents que la société est disposée à intervenir, souvent lorsqu'il s'agit d'une question d'ordre moral. Cependant, sur les autres plans, nous fermons les yeux et disons que ce n'est pas vraiment une question d'ordre moral.

    J'ignore ce que vous en pensez. Je ne veux pas vous contredire, mais il y a tous ces paradoxes. Ross, vous faites ressortir un aspect. Nous nous le demandons si souvent, mais quel est donc ce niveau de base?

    Je veux bien préciser que je ne parle pas des jeunes qui sont exploités sexuellement. C'est une question tout à fait différente. Je fais allusion à des activités entre des adultes consentants.

½  +-(1915)  

+-

    M. Ross MacInnes: J'abonde dans votre sens. Nous arrêtons le proxénète qui tire profit de la prostitution, mais chaque ville fait comme lui en obtenant de l'argent des prostituées en échange d'un permis d'agence d'escortes. Il n'y a aucune différence. L'un est un particulier alors que l'autre est une personne morale. Le problème est donc fort complexe, impliquant des questions morales, des problèmes juridiques et bien d'autres aspects.

+-

    M. Berry Vrbanovic: Je pense que vous avez posé des questions vraiment pertinentes, madame Davies, sur des problèmes avec lesquels sont aux prises les intervenants qui, dans notre collectivité, sont engagés très activement dans les programmes s'adressant aux clients ou aux prostituées. Comment parvenir à un juste équilibre et s'attaquer efficacement à tous ces problèmes?

    Je peux vous dire que les personnes avec qui je me suis entretenu ont notamment insisté sur le fait que la mise en oeuvre du programme à l'intention des clients n'est certainement pas une question d'ordre morale. L'objectif visé est vraiment de les amener à comprendre les répercussions de leurs gestes, premièrement sur les travailleuses du sexe—comment ils contribuent à favoriser leur toxicomanie et autres problèmes—et deuxièmement sur la collectivité. C'est pourquoi on demande par exemple la participation d'un père de filles qui ont été sollicitées et de femmes qui ont été approchées par des clients, alors qu'elles ne sont certainement pas des... Elles habitent simplement le quartier.

+-

    Mme Libby Davies: Donc, c'est plus lié à la rue?

+-

    M. Berry Vrbanovic: Oui, c'est certainement plus lié à la rue et à l'effet sur la collectivité en général et pour ce qui est des individus, à la prostituée ou à quelqu'un vivant dans la collectivité.

+-

    Mme Libby Davies: Pensez-vous que le problème serait réglé en les faisant travailler à l'intérieur, en éliminant la loi sur les maisons de débauche ou en les autorisant à travailler dans leur propre maison?

+-

    M. Berry Vrbanovic: Je crois que les gens cherchent encore les solutions. Je ne suis pas sûr, que ce soit au nom de ma collectivité ou du point de vue national au niveau de la FCM, je peux vraiment dire aujourd'hui que c'est la voix que nous devrions suivre. En fin de compte, il faut des solutions de rechange qui, idéalement, permettraient aux personnes dans ce genre d'activités de s'en sortir et de mettre en place des mécanismes pour les aider quand elles décident de le faire.

+-

    Le président: Madame Fry.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Je vais continuer sur ce que disait Mme Davies, car c'est, à mon avis, le problème qu'il faut attaquer en priorité.

    Comme l'a dit Mme Davies, des femmes nous ont dit qu'un grand nombre de clients ne sont pas nécessairement des prédateurs, mais des gens normaux. Certaines ont même dit qu'ils étaient un peu débiles, ils ne pouvaient pas avoir petites amies ou quoi que ce soit.

    Ces gars disent qu'ils ont des besoins—comme tous les êtres humains—et ils n'ont pas de petites amies et ne peuvent pas en trouver. Que font-ils? S'ils ont des déficiences ou ont d'autres raisons au sein de leur famille pour chercher à avoir des relations sexuelles avec d'autres personnes, ce sont eux qui utiliseront les services des prostituées souterraines quand vous aurez retiré les prostituées du système. Par souterraines, je veux dire les salons de massages et les services d'escortes quasi légaux.

    Puis, les prostituées de rue doivent affronter les prédateurs, les misogynes, les hommes qui haïssent les femmes et qui cherchent à les maltraiter, les violer et leur faire violence. Donc, il ne leur reste que ce genre de clients. Elles ont dit que c'était à ce genre d'individus qu'elles avaient affaire. C'est ce qui reste pour les prostituées de rue.

    Elles estiment—et je crois que M. MacInnes en a parlé—que deux ou trois samedis de cours obligatoires pour clients de prostituées n'ont aucun effet sur quelqu'un qui a un besoin sexuel fondamental et ordinaire et qui ne sait pas comment le satisfaire autrement. Donc, certaines de ces femmes ont même dit qu'elles estimaient rendre service.

    Revenons maintenant au fait qu'il semble y avoir deux types d'adultes dans la prostitution. Les femmes qui n'ont pas le choix et qui le font pour cette raison et les femmes toxicomanes, qui sont exploitées de diverses façons, mauvais traitements, etc. Cela comprend toutes les femmes dans la rue qui n'ont absolument pas de choix. Ce sont des femmes qui ont besoin d'aide pour à avoir accès à des centres de traitement, etc. Puis, il y a les femmes qui travaillent dans des services d'escortes et des salons de massages et qui le font parce qu'elles pensent que c'est un travail valable. Et c'est là que l'on se demande comment régler ce problème.

    Elles ont dit qu'il fallait décriminaliser et réglementer la prostitution de plusieurs façons, en laissant certaines municipalités réglementer où elle se fera, quand et de quelle façon. Il y a des examens de santé. Il faut donc aller dans ces endroits et s'assurer que les limites d'âge sont respectées et que tous les règlements sont absolument sûrs—que le frais à payer sont suffisamment bas pour ne pas continuer à les exploiter, qu'il n'y ait pas d'élément criminel, etc. Ou alors, vous les laissez travailler chez elles, peut-être deux ou trois ensemble pour qu'elles puissent s'assurer une protection mutuelle. C'est une bonne façon d'aborder cette question tout en offrant des services de prévention et de réhabilitation à celles qui veulent arrêter étant donné qu'elles se sont prostituées pour survivre.

    C'est ce que l'on nous répète sans arrêt. Je crois que nous devons chercher une solution à ce problème. Nous avons les points de vue de deux types de femmes qui se prostituent et de deux types d'hommes qui utilisent les services sexuels des femmes. Voilà le problème qui nous préoccupe.

½  +-(1920)  

+-

    M. Berry Vrbanovic: Permettez-moi de commencer. Je pense que c'est probablement le problème que nous connaissons tous. Vous avez tout à fait raison de dire qu'il y a deux groupes : celui des femmes et celui des clients. Les municipalités ne se sont pas entendues sur une stratégie nationale pour régler ce problème.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Pensez-vous qu'il appartient aux municipalités de réglementer ce qui se passe chez elles—les permis, etc.—comme c'est le cas dans des villes comme Vancouver?

+-

    M. Berry Vrbanovic: Finalement, le permis et la réglementation relèveraient probablement des compétences des municipalités. Je pense que cela ne sera le cas que s'il y a un financement adéquat provenant d'autres paliers de gouvernement pour soutenir le travail qui doit accompagner cette réglementation.

+-

    L'hon. Hedy Fry: Ross, que pensez-vous du fait qu'en criminalisant tous les clients, nous risquons de victimiser tous ceux qui d'une certaine façon ont réellement besoin de services sexuels?

+-

    M. Ross MacInnes: Je ne suis pas psychologique, je suis un ancien policier, donc je ne sais pas ce qui se passe dans leur esprit. Vous pourrez croire que j'aborde la question d'un point de vue moral, mais ce n'est pas le cas. Si une jeune femme âgée de 19 ans—car ce sont en majorité des femmes—se demande si elle doit faire des études pour devenir infirmière, médecin, charpentier ou prostituée et qu'elle prenne une décision éclairée, c'est son choix. D'après mon expérience, ça ne se passe pas ainsi. La décision est prise longtemps avant. Donc, nous avons affaire à des femmes qui le font maintenant qui se disent heureuses, contentes, etc., mais elles étaient impliquées dans des activités sexuelles... et vous savez que nos statistiques indiquent qu'environ 85 p. 100 de ces femmes viennent de milieux où la violence sexuelle était répandue. Elles ont échoué dans la prostitution et aujourd'hui, parce qu'elles ont 25 ans, elles disent qu'elles en sont très satisfaites.

    Je ne pense pas que nous aurions ce problème si nous avions réglé la question de l'exploitation sexuelle et des enfants, des deux sexes, il y a longtemps. Si une femme décide de devenir une escorte, de travailler dans des maisons de débauche ou quoi que ce soit, quand elle a 19 ans, c'est un choix éclairé et c'est ce qu'elle a décidé. Mais, ce n'est pas ce cas de figure.

    En ce qui concerne les clients, à ce stade, nous n'en sommes pas préoccupés. Ce qui me préoccupe vraiment, c'est ce que je vois dans les rues. Je le vois encore toutes les nuits—des hommes qui paient plus pour ne pas utiliser de préservatif, tous les risques qui sont pris, la violence dans les rues. Il y a aussi de la violence dans les services d'escortes, mais pas autant. Certains hommes ont peut-être de bonnes raisons, parce qu'ils sont seuls, débiles ou quelque soit l'expression, d'utiliser les services des prostituées, mais un grand pourcentage recherche des sensations fortes et ils sont aussi violents. Les clients sont violents. C'est ce que je rencontre dans le Programme de cours obligatoires pour clients de prostituées.

    Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question, madame Fry.

½  +-(1925)  

+-

    L'hon. Hedy Fry: Je crois que vous avez répondu.

+-

    Le président: Monsieur MacInnes, le nombre de prostituées femmes est supérieur à celui des hommes qui se prostituent. Est-ce que Street Teams Initiative a affaire avec des jeunes hommes prostitués ou transgenderistes?

+-

    M. Ross MacInnes: Street Teams initiative s'est transformé en plusieurs organisations. Je dirige aujourd'hui la partie ranch et oui, nous travaillons aussi avec des hommes.

+-

    Le président: Est-ce que le programme est différent?

+-

    M. Ross MacInnes: Très différent, très différent.

+-

    Le président: Comment?

+-

    M. Ross MacInnes: La différence essentielle chez les adolescents—et vous le savez mieux que moi—c'est que les filles ont des relations sexuelles pour être aimées et les garçons utilisent l'affection pour avoir des relations sexuelles. Ce sont deux attitudes totalement différentes et c'est la même chose pour la méthode thérapeutique.

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    Le président: Donc il y a un désaccord sur la participation du crime organisé et des proxénètes. Certains disent qu'ils sont dominants et contrôlent le commerce du sexe; d'autres avancent le contraire. Cette question s'adresse à vous deux, est-ce que vous constatez la présence du crime organisé ou de proxénètes ou est-ce que ces femmes travaillent de façon autonome?

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    M. Ross MacInnes: Soit dit en passant, je ne vois pas autant de proxénétisme aujourd'hui qu'il y a quelques années. Le proxénétisme a changé à cause des risques. En outre, il y a une plus grande marge de profit en vendant des drogues et surtout la méthamphétamine en cristaux, il y a eu donc un changement. Le crime organisé est encore présent, mais je ne vois pas autant de proxénétisme direct qu'il y a six, huit ou dix ans. Non, je ne le vois pas.

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    M. Berry Vrbanovic: Les municipalités membres de notre fédération n'ont pas indiqué le crime organisé était un problème prioritaire. Nous avons beaucoup plus entendu parler de liens entre la prostitution et les drogues que de liens entre la prostitution et le crime organisé. Cela ne veut pas dire que des problèmes ou des liens n'existent pas, mais ce n'est pas le problème majeur soulevé par les municipalités membres de notre fédération

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    Le président: Est-ce que nos attachés de recherche ont des commentaires ou des questions?

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    Mme Laura Barnett (attaché de recherche auprès du comité): Nous avons parlé, pas ici aujourd'hui, de la limite d'âge de 18 ans et de ce que cela signifie précisément. Nous réprimons très sévèrement toutes les prostituées de moins de 18 ans et nous n'aimons pas utiliser l'expression « prostituées enfants »; nous parlons « d'enfants exploités au moyen de la prostitution ». Pourtant, en même temps, les moins de 18 ans sont quelques fois arrêtés et accusés de prostitution. En tant qu'ancienne policière de la brigade des moeurs, je me demande à quand faut-il protéger un enfant et quand faut-il accuser quelqu'un de moins de 18 ans de prostitution?

½  -(1930)  

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    M. Ross MacInnes: Jusqu'à environ 1993, le Code criminel était le seul outil dont nous disposions. En vertu de la Loi sur le bien-être de l'enfance nous appréhendions une jeune qui se prostituait, la ou le présentions, car dans deux ou trois cas il s'agissait d'un garçon, à un juge du tribunal pour adolescents et elle disait que c'était son choix de vie. La seule chose que nous pouvions dire était: « Il ne faut plus faire cela. On vous envoie dans un centre de détention pour jeunes contrevenants. Au moins, vous serez sauvée. Je préfère aller vous visitez là-bas et que d'assister à vos funérailles ». C'était tout à fait inapproprié, mais c'était la seule façon de les protéger.

    La situation s'est améliorée aujourd'hui grâce à certains outils dont nous disposons depuis peu. La Loi sur le bien-être de l'enfance a été un peu remaniée en Colombie-Britannique et en Alberta. Je ne sais pas si c'est le cas ici. Beaucoup de changements ont été apportés au bien-être de l'enfance. Donc, s'il n'y a pas de prédateur...

    Si un jeune de 17 ans recrute un jeune de 13 ou 14 ans, la preuve est évidente et il y aura des conséquences. Mais le raccrochage est très rarement utilisé contre la prostituée aujourd'hui. Il pourrait être utilisé pour les ramener à l'ordre si certaines provinces n'ont plus cette mesure législative. Elle sert encore à les garder dans un endroit en attendant des ressources. Ce n'est pas du tout approprié, mais il faut faire avec ce que l'on a.

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    Mme Lyne Casavant (attachée de recherche auprès du comité): Vous avez parlé de la Loi de l'État de New York pour les clients. Vous avez dit qu'ils étaient condamnés à un an de prison ou...

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    M. Ross MacInnes: Oui. Malheureusement, je n'ai que quelques références. Je ne l'ai pas ici aujourd'hui

    Cette étude était différente de certaines études classiques. Elle a été faite sur le programme d'échange de seringues etc. qui a commencé, je crois à Long Beach. Une philosophie assez différente a commencé à New York, afin de faire contre poids et aborder la question de la prostitution. Je n'arrive pas à m'en souvenir. Je prendrai vos coordonnées, je la chercherai et vous l'enverrai.

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    Mme Lyne Casavant: Oui, car je crois qu'il serait utile que le comité ait plus d'information sur ce programme et aussi éventuellement sur une étude sur l'effet d'une peine d'emprisonnement sur ces clients. Un grand nombre d'entre eux ont une famille, donc s'ils sont éloignés de leur famille, ils pourraient aussi y avoir beaucoup de difficultés que nous devrions examiner.

    Merci.

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    Le président: Y a-t-il d'autres questions?

    Monsieur MacInnes et monsieur Vrbanovic, je vous remercie d'être venus. Je suis désolé que nos collègues du parti conservateur et du Bloc ont peut-être été obligés de boycotter cette réunion. Je suis sûr qu'ils pourront lire la transcription, et je suis sûr que s'ils avaient été présents, ils auraient trouvé que cela est très instructif et très utile pour nos études. Nous vous remercions pour l'apport que vous avez fait à notre étude. Espérons que le résultat sera positif. Nous apprécions votre apport.

    Avant de lever la séance, Berry, vous vouliez lire quelque chose que vous avez oublié.

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    M. Berry Vrbanovic: En fait, j'en ai parlé dans une des réponses, donc, je crois que ça va?

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    Le président: Très bien.

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    Mme Libby Davies: Il peut aussi...

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    Le président: Il peut être ajouté.

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    Mme Libby Davies: ... faire partie du compte rendu du comité ou alors tout votre exposé sera ici. N'est-ce pas?

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    M. Berry Vrbanovic: Oui.

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    Le président: J'aimerais mettre fin à cette partie de la réunion. Y a-t-il des questions de régie interne?

    Pas de question de régie interne? Alors la séance est levée.