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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des finances


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 8 mai 2002




¹ 1535
V         La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.))
V         Dr Brian Crowley (président, Atlantic Institute of Mark et Studies)
V         La présidente
V         Dr Brian Crowley
V         La présidente
V         Dr Brian Crowley
V         La présidente
V         Dr Brian Crowley

¹ 1540

¹ 1545

¹ 1550
V         La présidente
V         M. Finn Poschmann

¹ 1555
V         La présidente

º 1600
V         Mme Tracy Snoddon (témoignage à titre personnel)

º 1605
V         La présidente
V         M. Richard Harris (Prince George--Bulkley Valley, Alliance canadienne)

º 1610
V         Dr Brian Crowley
V         La présidente
V         M. Finn Poschmann

º 1615
V         M. Richard Harris
V         Dr Brian Crowley
V         M. Richard Harris
V         Dr Brian Crowley
V         La présidente
V         Mme Pauline Picard (Drummond, BQ)

º 1620
V         Dr Brian Crowley
V         Mme Pauline Picard
V         Dr Brian Crowley
V         M. Finn Poschmann

º 1625
V         La présidente
V          Mme Tracy Snoddon
V         Mme Pauline Picard

º 1630
V         Dr Brian Crowley
V         La présidente
V         M. Finn Poschmann
V         La présidente
V         M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.)
V         M. Finn Poschmann
V          Mme Tracy Snoddon
V         M. Shawn Murphy
V          Mme Tracy Snoddon
V         M. Shawn Murphy
V          Mme Tracy Snoddon
V         Dr Brian Crowley

º 1635
V         M. Shawn Murphy
V         Dr Brian Crowley
V         La présidente
V         M. Scott Brison (Kings--Hants, PC)

º 1640
V         Dr Brian Crowley

º 1645
V         M. Scott Brison
V         La présidente
V          Mme Tracy Snoddon
V         M. Scott Brison

º 1650
V          Mme Tracy Snoddon
V         La présidente
V         M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.)
V         La présidente
V         M. Finn Poschmann

º 1655
V         Dr Brian Crowley
V         La présidente
V          Mme Tracy Snoddon
V         M. Bryon Wilfert

» 1700
V         Dr Brian Crowley
V         La présidente
V         M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD)
V         Dr Brian Crowley
V         M. Lorne Nystrom
V         Dr Brian Crowley

» 1705
V         M. Lorne Nystrom
V         Dr Brian Crowley
V         M. Lorne Nystrom
V         Dr Brian Crowley
V         M. Lorne Nystrom
V         Dr Brian Crowley
V         M. Lorne Nystrom
V         M. Finn Poschmann
V         M. Lorne Nystrom
V         Dr Brian Crowley
V         M. Finn Poschmann

» 1710
V         La présidente
V         M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.)

» 1715
V         Dr Brian Crowley
V         M. Finn Poschmann
V          Mme Tracy Snoddon
V         Dr Brian Crowley

» 1720
V         La présidente
V         M. Richard Harris
V         Dr Brian Crowley
V         M. Richard Harris
V         La présidente
V         Mme Sophia Leung (Vancouver, Kingsway, Lib.)

» 1725
V         M. Shawn Murphy
V         Mme Sophia Leung
V         La présidente
V         M. Finn Poschmann
V         Dr Brian Crowley

» 1730
V         La présidente
V          Mme Tracy Snoddon
V         La présidente










CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 099 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 8 mai 2002

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.)): Bonjour tout le monde.

    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons aujourd'hui discuter de la péréquation.

    Nous avons aujourd'hui trois témoins à entendre, Brian Lee Crowley, président de l'Atlantic Institute of Market Studies, Finn Poschmann, analyste principal des politiques à l'Institut C.D. Howe, et Tracy Snoddon, de l'université Sir Wilfrid Laurier. Soyez les bienvenus.

    Nous devrions peut-être vous donner la parole dans l'ordre où vous apparaissez à l'ordre du jour. Vous disposerez chacun d'une dizaine de minutes et, lorsque vous aurez fini, les membres du comité consacreront le reste de la séance à vous poser des questions.

    Monsieur Crowley, vous avez la parole.

+-

    Dr Brian Crowley (président, Atlantic Institute of Mark et Studies): Madame la présidente, j'aimerais que vous nous précisiez à quelle place nous nous situons à l'ordre du jour.

+-

    La présidente: Vous êtes le premier monsieur Crowley, suivi de M. Poschmann, puis Mme Snoddon.

+-

    Dr Brian Crowley: J'ai un exemplaire du texte de mon exposé, si cela peut être utile aux interprètes.

+-

    La présidente: Oui. Vous pouvez le donner à notre greffier, qui le fera ensuite traduire et le distribuera.

+-

    Dr Brian Crowley: Ce n'est qu'une version approximative, madame la présidente.

+-

    La présidente: C'est très bien comme ça.

+-

    Dr Brian Crowley: Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité ici aujourd'hui pour traiter d'un sujet, la péréquation, qui me paraît d'une importance fondamentale, non seulement pour ma région, les Maritimes, mais pour l'ensemble du pays.

    Il y a une règle incontournable en économie qui fait que lorsqu'on subventionne une activité, elle prend de l'ampleur, et que lorsqu'on la taxe, elle régresse. Lorsqu'on subventionne la production de lait, de pétrole ou de soins de santé, c'est parce que l'on estime que, si on laisse faire le marché, la production dans ces domaines sera inférieure à ce que souhaite le gouvernement. Nous en voulons davantage, donc nous payons. Par contre, chacun sait que lorsqu'on taxe certaines activités, que ce soit l'effort, le travail, la consommation, l'épargne ou des activités productives de l'économie en général, la quantité produite diminue en fonction de l'augmentation des taxes. Si j'évoque cette question dans le cadre de la péréquation, mesdames et messieurs, c'est parce que ce programme fédéral, dont la portée est énorme, subventionne des activités très précises et en taxe d'autres. L'effet net, à mon avis, est d'empêcher dans une très large mesure les provinces les moins développées de combler le fossé qui les sépare des provinces plus riches dans notre pays.

    Les tenants du régime actuel vous diront que la péréquation n'a jamais eu pour but de combler le fossé avec le reste du pays, mais tout simplement d'offrir une compensation sous la forme d'une subvention se substituant au pouvoir d'imposition des provinces les moins riches. Nous nous sommes toutefois aperçus, près d'un demi-siècle plus tard, après avoir versé plus de 180 milliards de dollars de paiements en péréquation—et cela sans compter l'inflation—que les mesures incitatives produisent un effet et que celles qui sont liées à la péréquation peuvent pénaliser les provinces les plus pauvres en les empêchant de développer leurs économies et en les incitant à dépendre de manière permanente des transferts fédéraux. Je suis le premier à reconnaître qu'il est bon de partager, mais nos ententes financières n'ont certainement pas pour rôle de maintenir les provinces les plus pauvres dans un état de splendide dépendance, mais au contraire de les aider à s'en sortir toutes seules. La plus grande victoire du fédéralisme en matière financière serait et devrait être, à mon avis, la suppression de la nécessité de recourir à des paiements de péréquation. Il ne s'agit pas d'écarter la péréquation en tant que finalité, mais de supprimer la nécessité des paiements.

    Pour que vous compreniez bien l'effet pernicieux de la péréquation, laissez-moi revenir sur les différentes activités que subventionne ou que taxe la péréquation. Je commencerai par ce qu'elle taxe. Quelles sont les activités que taxe la péréquation et que les provinces qui en bénéficient sont donc amenées à réduire? À mon avis, il y en a de deux types: les activités économiques productives dans les provinces les moins riches, et les éléments d'actif provinciaux qui changent de forme sans création de nouvelles richesses. Je vais vous expliquer ce que j'entends sur ces deux plans.

    Sur le premier point, je vais vous donner un exemple concret, parce que je considère que c'est plus parlant. Vous êtes nombreux, j'en suis sûr, à connaître le gisement de Voisey Bay; c'est une mine très riche découverte au Labrador il y a un certain nombre d'années. Vous savez que ce gisement minier n'a pas encore été mis en exploitation. Des négociations très difficiles continuent à se dérouler entre le gouvernement de Terre-Neuve et Inco, qui possède les droits sur la mine. Je prétends que si ce gisement était situé en Ontario ou en Alberta, des provinces qui défraient la péréquation et non pas qui en bénéficient, ce gisement serait déjà en exploitation à l'heure actuelle et emploierait une grande quantité de personnel, ce qui représenterait un gros investissement pour la province. Je prétends que l'une des grandes raisons pour lesquelles le gisement de Voisey Bay n'a pas été mis en exploitation à Terre-Neuve, c'est la formule de péréquation. Je m'explique.

¹  +-(1540)  

    Dans les provinces qui défraient la péréquation, la mise en valeur d'un gisement comme celui de Voisey Bay procure deux séries d'avantages. Il y a tout d'abord les recettes fiscales qu'en retire la province étant donné que ce sont évidemment les provinces qui sont propriétaires des ressources naturelles et qu'elles perçoivent donc les redevances, l'impôt sur le revenu, les taxes de vente et tout ce qui découle de cette mise en valeur. Par ailleurs, il y a les nombreux emplois créés par cet investissement ainsi que l'augmentation de la capacité de production. À Terre-Neuve comme dans toutes les autres provinces bénéficiaires de la péréquation, par contre, on ne retire essentiellement qu'une série d'avantages. Le bénéfice des recettes fiscales disparaît parce qu'elles sont désormais défalquées par le gouvernement fédéral du montant des paiements de péréquation. En gros, 90 p. 100 de ces recettes sont déduits par le gouvernement fédéral au titre de la péréquation et, par conséquent, l'effet marginal sur les recettes provinciales reste très faible. Il s'ensuit que la seule série d'avantages tirés de la péréquation que les provinces qui en bénéficient peuvent faire valoir aux yeux de leur population, la seule chose que l'on retire de la mise en valeur d'un projet comme celui de la mine Inco, ce sont les emplois, parce qu'elles ne vont retirer aucune recette fiscale supplémentaire pour payer les différents programmes et l'ensemble des prestations dont cette population a besoin. Par conséquent, les négociations ont évidemment échoué entre Inco et Terre-Neuve sur la quantité d'emplois créés à la suite de ce projet, selon que l'on va installer une fonderie, en fonction des conditions attachées à l'exportation de minerais, etc., même si la capacité de transformation est excédentaire à l'heure actuelle au Canada.

    Je pourrais dire bien d'autres choses à ce sujet, mais je veux passer à d'autres points qui me paraissent importants. Je pourrais éventuellement vous donner lors de la période des questions des exemples illustrant cet état de chose.

    Je vous signale en passant que cette thèse s'appliquant à la désincitation économique qui est implicite dans la péréquation fait de plus en plus l'unanimité. Laissez-moi vous citer l'ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, Frank McKenna, qui a déclaré, lors d'une entrevue qu'il a accordée récemment à mon collègue Peter Holly, du Frontier Centre de Winnipeg, que la péréquation et autres transferts fédéraux fournissaient très peu d'incitations aux provinces qui en bénéficiaient à créer leurs propres sources de recettes, étant donné qu'il fallait les rétrocéder par le jeu de la péréquation.

    Par ailleurs, j'ai évoqué le fait que la péréquation était aussi un fardeau pour les provinces qui en bénéficiaient parce qu'elle les amenait à revoir tous leurs éléments d'actif et à les redistribuer sans créer de nouvelles richesses économiques. Cela peut vous paraître obscur, mais je vais vous donner un exemple concret. La Nouvelle-Écosse a éventuellement le plus haut niveau d'endettement par habitant dans le pays—si elle n'a pas le plus haut, elle arrive en deuxième position—alors qu'elle a d'autre part d'importants éléments d'actif financiers dans son bilan, tels que les ressources forestières ou le gaz naturel au large des côtes. Si elle appliquait de bons principes économiques, elle pourrait chercher à nettoyer son bilan en vendant une partie de ces éléments d'actif et en apurant ses dettes. On ne créerait aucune nouvelle richesse économique, on se contenterait de prendre un élément d'actif existant et de le comptabiliser sous une autre forme de manière à pouvoir rembourser ses dettes. Toutefois, dès que l'on procède à cette transformation, dès que l'on prend un élément d'actif existant pour transformer, par exemple, du gaz naturel ou des forêts en liquidités, Ottawa s'empare de ces éléments d'actif, jusqu'à 90 p. 100 du total, au titre de la péréquation. Une province comme la Nouvelle-Écosse n'a donc pas intérêt à apurer son bilan en transformant ces éléments d'actif pour payer ses dettes.

    Je vais maintenant examiner rapidement ce que subventionne la péréquation parce que si, d'un côté, elle taxe l'activité économique du point de vue de la province, et assez sévèrement, elle subventionne par ailleurs de nombreuses activités et fait en sorte que celles-ci se multiplient. Ce que subventionne avant tout la péréquation, c'est bien entendu le gouvernement provincial. À partir du moment où on part du principe qu'il faut subventionner ce que l'on veut voir se multiplier, la péréquation a pour effet de produire davantage de gouvernement provincial dans les Maritimes. Je considère d'ailleurs qu'il est de notoriété publique que les Maritimes sont trop gouvernées au Canada. Bien des gens voient avec stupéfaction se perpétuer des provinces si nombreuses au service de si peu d'habitants, mais l'on ne devrait pas se surprendre que les gouvernements prennent tant de place dans notre région comparativement à la taille de notre économie productive étant donné que les contribuables des autres régions du pays nous paient pour que nous ayons une plus grosse fonction publique que nous le souhaiterions si nous devions payer nous-mêmes la facture. Il paraît évident que Terre-Neuve n'aurait pas le rapport élèves-professeurs le plus faible dans le pays, que la Nouvelle-Écosse n'aurait pas le plus grand nombre d'universités par habitant au pays, que le Manitoba ne serait pas la province qui consacre le plus d'argent aux soins de santé par habitant si les contribuables de chacune de ces provinces devaient payer eux-mêmes la facture. Il est pratiquement certain que si les Maritimes ne recevaient pas de grosses subventions des contribuables fédéraux, il y aurait bien davantage de collaboration et d'entraide par dessus les frontières des provinces.

    Je vous signale en passant que la péréquation pose un certain nombre de problèmes épineux pour ce qui est de la responsabilité financière dans une démocratie. En vertu du principe selon lequel il ne peut y avoir d'imposition sans représentation, nous nous attendons normalement à ce que l'électorat qui vote en faveur de certaines politiques soit aussi celui qui assume le fardeau de l'impôt devant permettre de payer les politiques qu'il soutient. Avec la péréquation, ce lien de cause à effet est évidemment rompu. Le personnel politique des provinces bénéficiant de la péréquation peuvent promettre à leurs électeurs des programmes en sachant qu'ils n'auront pas à imposer le fardeau fiscal devant permettre de les payer et les électeurs peuvent tranquillement voter des dépenses qu'ils défraieront en compagnie d'autres personnes qui ne votent pas dans la province. De ce point de vue, la péréquation subventionne l'irresponsabilité en démocratie.

¹  +-(1545)  

    Je dirai pour finir que la péréquation peut subventionner de mauvaises politiques économiques. Vous êtes nombreux à connaître en la matière les travaux de Tom Courchene, qui remontent déjà aux années 70, dans lesquels il a montré que la péréquation indemnisait le Québec en lui permettant de verser le salaire minimum le plus élevé en Amérique du Nord. Toutefois, je pense que nous pouvons aujourd'hui prolonger les travaux de Courchene. Ainsi, mon institut est sur le point de publier une étude de Ken Boessenkool, un analyste des politiques publiques renommé qui travaille entre autres pour l'Institut C.D. Howe, à Calgary. Dans cette étude qu'il s'apprête à publier, Ken procède dans les faits à une analyse démontrant ce que prédit la théorie économique, à savoir que les incitations données par la péréquation encouragent les provinces qui en bénéficient à maintenir leur taux d'imposition, notamment l'imposition sur le revenu, à un niveau plus élevé qu'il ne le serait autrement.

    Je suis sûr que l'on pourrait évoquer bien d'autres sujets, mais laissez-moi vous dire, pour résumer, que selon la thèse que je viens de vous présenter, les provinces qui bénéficient de la péréquation n'ont aucune raison d'essayer d'optimiser à long terme leurs recettes fiscales et leur développement économique, dont la plus grande partie des bénéfices serait rétrocédée à Ottawa, qui comparativement est un gouvernement bien plus riche. Au contraire, elles ont tout intérêt à essayer d'extorquer des avantages superficiels de l'industrie locale qui sont, bien souvent, à très court terme et portent sur des emplois relativement peu qualifiés. Au large des côtes de l'Atlantique, par exemple, on construit des structures périmées d'extraction du pétrole par gravité, ou on exige que les entreprises fassent de vagues promesses d'exploration et de mise en valeur massive en contrepartie des droits de forage. On pourrait vendre ces ressources dès le départ, apurer l'énorme endettement et réduire le lourd service de la dette, mais après la ponction faite par Ottawa, ça n'en vaut pas la peine.

    Pour résumer, la péréquation taxe fortement l'activité économique productive dans les régions les moins développées du pays ainsi que les tentatives faites par les gouvernements les plus pauvres pour développer davantage leurs propres ressources. Pour les gouvernements placés dans cette situation, un dollar d'impôt tiré des nouvelles recettes locales ne laisse de manière générale que 10 sous susceptibles d'être effectivement dépensés, alors qu'un dollar de plus transféré par le gouvernement fédéral ou emprunté peut être intégralement et immédiatement affecté à des dépenses. Pourquoi s'étonner alors que nombre de ces provinces ont appris à être dépendantes et sont tellement endettées?

    Merci, mesdames et messieurs.

¹  +-(1550)  

+-

    La présidente: Nous allons maintenant donner la parole à monsieur Poschmann.

+-

    M. Finn Poschmann (analyste principal des politiques, Institut C.D. Howe): Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les membres du comité, et merci de m'avoir invité aujourd'hui.

    Je considère qu'il est compréhensible que très peu de Canadiens s'intéressent à l'examen détaillé de la péréquation financière fédérale, mais il faut bien voir que ce programme nous coûte plus de 10 milliards de dollars par an, soit 10 milliards de dollars en impôts fédéraux que paie la population canadienne, et que les montants versés en argent au titre du programme qui lui fait pendant, le TCSPS, nous coûte près de 19 milliards de dollars par an. Ce sont là des chiffres considérables. Ils méritent que l'on s'y arrête lorsque nous nous efforçons de faire fructifier l'argent du gouvernement fédéral, surtout lorsqu'on sait que la péréquation, de la manière dont elle est pratiquée, a des incidences sur les contribuables et sur leurs gouvernements qui sont loin d'être parfaites.

    Lorsqu'on lui pose la question, la population canadienne a tendance à s'accorder avec le principe de la péréquation, tel qu'il est enchâssé dans la Constitution. L'objectif est de permettre aux différentes provinces de délivrer les services essentiels sans avoir à lever des impôts qui s'écartent notablement de la norme nationale. Toutefois, la Constitution, comme ce fut le cas dans le cadre de nombreux débats qui ont eu lieu sur la question ces deux dernières années, n'entre pas beaucoup dans les détails.

    Depuis 1957, ce programme permet de redistribuer l'argent de l'impôt fédéral entre les provinces pour compenser la faiblesse de l'assise fiscale de certaines d'entre elles. Ce programme fonctionne selon un mécanisme très simple. Les recettes provinciales font l'objet d'une évaluation détaillée selon les catégories et on les exprime sous la forme d'un certain montant par habitant. Ce que peut prétendre recevoir chaque province, c'est la différence entre son assiette fiscale multipliée par un taux d'imposition national moyen correspondant à la norme à l'échelle du pays, le tout évalué par tête et multiplié par la population provinciale. En principe, c'est donc effectivement très simple. Ce programme, reconduit tous les cinq ans, l'a été pour la dernière fois en 1999. Nous allons donc aborder la deuxième moitié du mandat actuel, et il est donc temps de le réexaminer.

    Il est important de procéder à un examen, parce que les programmes gouvernementaux ont tendance à acquérir une certaine inertie. Les institutions, les comportements et même les personnalités ont tendance à s'adapter à certaines caractéristiques de ces programmes. Une attitude de défense passionnée du statu quo devient à l'occasion une seconde nature pour le personnel politique et ses partisans. C'est pourquoi il est important d'instaurer librement le débat et de ne pas manquer les possibilités qui s'offrent.

    Ce que je reproche à la base au principe de la péréquation, c'est qu'il exerce une influence éventuellement pernicieuse sur l'établissement des politiques provinciales. Quelle que soit la manière dont ils sont conçus, cependant, l'existence de programmes de transfert entre les provinces fait que celles-ci vont tenir compte de ces rentrées d'argent en établissant leur fiscalité et en prenant leurs décisions de dépenses. Il est normal qu'elles le fassent, sinon ces programmes n'auraient aucun sens.

    Mon message est donc bien simple: il nous faut examiner ces programmes d'un oeil critique. Si la population canadienne veut que l'on procède à des transferts entre les régions, nous sommes libres de le faire. Nous devons avoir exactement à l'esprit pour quelle raison nous souhaitons en avoir et chercher à éviter les répercussions négatives.

    Avant d'en arriver là, j'aimerais faire quelques observations au sujet de la taille du programme et de la portée implicite des transferts. Quelle est l'ampleur des transferts effectifs que les Canadiens ont apparemment votés? Je vous renvoie ici à mon illustration. Si vous regardez uniquement la partie du haut du tableau, vous voyez que ce sont là juste les paiements faits par les contribuables fédéraux aux capitales provinciales aux termes de la péréquation et du TCSPS. Donc, en haut et à gauche, nous avons simplement un peu plus d'un milliard de dollars qui représente, par exemple, les paiements de péréquation auxquels a droit Terre-Neuve. Sur le tableau suivant, vous voyez le coût implicite du programme, en partant du principe que l'ensemble de ce programme est financé par les contribuables provinciaux à concurrence de leurs contributions relatives aux coffres provinciaux. Le troisième tableau fait état de la différence. Pour reprendre l'exemple de Terre-Neuve, cette province reçoit plus de 10 p. 100 de l'ensemble des prestations versées au titre du programme de péréquation, comme au tableau 1, mais les contribuables de Terre-Neuve défraient moins de un pour cent du coût total. Les bénéfices nets versés en leur nom à la capitale provinciale s'élèvent à quelque 1 milliard de dollars soit, comme on peut le voir au quatrième tableau, à environ 2 000 $ pour chaque homme, chaque femme et chaque enfant habitant dans la province. Inversement, chaque homme, chaque femme et chaque enfant des familles de contribuables habitant en Ontario ont versé une somme nette de 45 $ au titre de la péréquation et du TCSPS.

¹  +-(1555)  

    Cette illustration n'est là que pour vous faire apprécier concrètement l'ampleur des transferts entre les provinces. Si l'on raisonne au niveau de la famille type, il faut multiplier ces chiffres par quatre. Chaque famille de Terre-Neuve bénéficie de 8 000 $ et il en coûte 2 000 $ pour une famille de quatre personnes en Ontario. Ce sont là des sommes importantes et je pense que nous devrions le garder à l'esprit lorsque nous parlons du programme.

    Quant à la question des résultats pernicieux, que vient d'évoquer Brian, le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, John Hamm, ainsi que l'ancien ministre de l'industrie, Brian Tobin, entre autres, en ont déjà assez longuement discuté. Ils considèrent que la péréquation réduit fortement les bénéfices tirés par la province des investissements ou de la promotion du développement, ce qui à leurs yeux pose un véritable problème pour la mise en valeur des ressources naturelles. C'est aussi mon avis. Cela s'explique par le fait que le surcroît d'activité économique amené par ces projets renforce l'assiette fiscale de la province, telle qu'elle est mesurée par la formule de péréquation, entraînant une diminution des sommes versées à ce titre. On ne reproche pas nécessairement à ce programme d'être injuste, parce que la province conserve, bien évidemment, les recettes tirées de l'exploration du gaz naturel, par exemple, mais en supprimant le bénéfice net tiré par les résidents de la mise en valeur des ressources naturelles, il se peut que l'on soit tenté de ne pas mettre en valeur ces ressources. Brian vient d'illustrer cette situation. Je ferai simplement remarquer qu'en vertu de cette logique, pratiquement tous les projets de mise en valeur perdent de leur élan, ce qu'a illustré là encore Brian en disant que l'on avait tendance ainsi à empêcher les provinces d'harmoniser comme elles le devraient leur développement économique.

    Les changements apportés par le passé au programme de péréquation ont cherché à remédier en partie à cette situation, mais cela reste un problème. Certains responsables ont envisagé ces deux dernières années d'apporter de nouveaux changements écartant purement et simplement les recettes tirées des ressources naturelles, par exemple, de la formule de péréquation. Je préférerais une solution faisant appel à un programme plus simple ne dépendant pas directement des choix fiscaux faits par les provinces et ne favorisant pas un type de projet par rapport à un autre de manière à s'assurer que les distorsions entraînées nécessairement par le programme soient largement réparties et aussi faibles que possible.

    Il est indéniable que les transferts fédéraux faussent les décisions provinciales. C'est ainsi que ces 10 dernières années, les transferts fédéraux se sont élevés en moyenne à 40 p. 100 du total des recettes du gouvernement de l'Î.-P.-É. et à 44 p. 100 de son programme de dépenses, ce qui suffit largement à peser sur les décisions locales prises en matière d'impôt et de dépenses. Chaque fois que la province dépense un dollar, le gouvernement de l'Î.-P.-É. n'assume donc le coût politique que du prélèvement de 60 cents d'impôt à ses résidents. La conséquence, comme l'a très bien fait remarquer Mike Smart, de l'Université de Toronto, c'est qu'une province bénéficiant de la péréquation est largement assurée contre le coût des mauvaises décisions économiques, ce qui épargne aux gouvernements les répercussions financières découlant des bonnes ou des mauvaises décisions économiques qu'ils ont prises. Par contre—et là encore Brian l'a fait remarquer—les provinces nanties, qui ne bénéficient pas des paiements de péréquation, font face directement aux conséquences de leurs choix, bons ou mauvais, sous la forme de baisse ou d'augmentation d'impôts susceptible d'attirer ou de repousser les investissements. Ces choix ont des conséquences très directes pour les poches des gouvernements et de leurs électeurs.

    Au niveau de la conception du programme de péréquation, il y a une autre faille majeure en ce sens que l'on se réfère à un taux d'imposition moyen à l'échelle du pays pour évaluer la capacité d'une province à lever l'impôt. Il s'ensuit que le choix d'un taux d'imposition effectué dans une province comme l'Ontario va influer sur le montant des paiements de péréquation effectués par le gouvernement fédéral à l'Î.-P.-É., ce que n'ont pas nécessairement voulu les électeurs de l'Ontario ni, peut-on soutenir, leurs homologues de l'Est du pays. Nous pouvons et nous devons amortir ces retombées économiques aberrantes en apportant des changements décisifs à la formule de péréquation tout en maintenant des transferts interprovinciaux de même ampleur et allant à peu près dans le même sens que celui qu'ont apparemment choisi les électeurs canadiens.

    Quoi qu'il en soit, voilà maintenant près de quarante ans que ce programme est en place, soit une durée de vie très longue dans le monde des programmes, qui changent bien souvent, ce qui nous laisse entendre qu'effectivement ce programme est politiquement viable dans la pratique, mais que des modifications seraient par ailleurs les bienvenues. Donc, même si la situation n'est toujours pas parfaite, les décideurs canadiens se voient offrir ici une chance de l'améliorer.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Madame Snoddon, c'est à vous.

º  +-(1600)  

+-

    Mme Tracy Snoddon (témoignage à titre personnel): Je vous remercie à mon tour de m'avoir invitée à vous exposer mon point de vue sur la péréquation.

    Je soutiens que la péréquation est une composante importante de notre fiscalité fédérale. Comme vient de le signaler M. Poschmann, voilà déjà longtemps qu'il est en place et il mérite tout l'intérêt que vous lui portez. Du point de vue de l'universitaire et sur le plan théorique, je dois dire que l'on peut avancer de solides arguments économiques en faveur du principe de la péréquation. On peut faire état de ses avantages sur le plan de l'efficacité comme sur celui de l'équité. Nous avons par ailleurs une obligation constitutionnelle vis-à-vis de la péréquation, sans compter les engagements historiques dont nous avons donné la preuve.

    Je vais évoquer la formule actuelle, qui part d'une norme établie à l'échelle de cinq provinces. Elle est en place depuis 1982. Les questions que je me pose—et tout le monde se pose peut-être les mêmes—c'est de savoir si notre système actuel répond aux objectifs que l'on s'est fixés lors de sa conception, s'il va y répondre à l'avenir et s'il existe de meilleures solutions.

    Je répondrai oui, avec des réserves, à la question de savoir si le système actuel répond aux objectifs que l'on s'est fixés à l'origine. Il réduit, de manière peut-être imparfaite, les différences d'assiette fiscale ou de capacité à lever l'impôt. Laissez-moi donc tout d'abord vous dire quelques mots au sujet des inconvénients, des imperfections, si vous voulez, du système actuel.

    Je tiens à dire tout d'abord que la péréquation ne se fait pas dans toutes les provinces. Autrement dit, la norme ne renvoie pas à une moyenne nationale, elle n'englobe pas les dix provinces. En ce sens, elle est imparfaite. En second lieu, ce n'est pas un mécanisme parfait comme le préconise la théorie économique et nombre d'économistes. Le transfert ne se fait pas directement des provinces nanties en faveur des provinces dans le besoin, c'est plutôt un mécanisme global administré par le gouvernement fédéral. Il a donc tendance à intervenir sur une plus grande échelle.

    En plus de ces deux lacunes sur le plan de la théorie économique, la péréquation pose d'autres problèmes dont certains ont déjà été évoqués. D'aucuns prétendent qu'elle déstabilise les recettes propres des provinces et qu'au lieu d'amortir les fluctuations de celles-ci elle les renforce ou les amplifie, contrairement aux objectifs fixés à l'origine.

    Il y a aussi la question des rentrées d'argent imprévisibles. Les paiements de péréquation sont difficiles à prévoir, parce qu'ils se projettent dans l'avenir. Par conséquent, il faut procéder à de nombreux ajustements au titre des années antérieures, et c'est un problème qui se pose actuellement au Québec ainsi que dans d'autres provinces bénéficiaires.

    On a aussi fait allusion à l'effet pernicieux des incitations fiscales, et en théorie ces arguments peuvent se justifier. On a aussi évoqué jusqu'à un certain point l'effet pernicieux de la redistribution effectuée par le mécanisme actuel de péréquation.

    Enfin, et ce n'est pas son moindre défaut, ce système est bien difficile à comprendre, même pour des gens comme moi qui se penchent sur son fonctionnement depuis un certain nombre d'années.

    Ce sont là quelques-unes des imperfections, et il s'agit maintenant de se demander à quel point le système actuel est imparfait. Pour savoir si notre système actuel répond à nos besoins ou aux objectifs que l'on s'est fixés, s'il va continuer à le faire à l'avenir et s'il existe de meilleures solutions de rechange, nous devons nous demander quelle est l'ampleur de ces défauts. Pour les besoins de mon argumentation, je m'en tiendrai donc à une question dont on a déjà parlé tout à l'heure, à savoir le caractère pernicieux des incitations fiscales.

º  +-(1605)  

    En théorie et par le jeu de la formule de péréquation, nous voyons que l'on décourage les provinces bénéficiaires de développer de nouvelles ressources, puisque cela oblige ces dernières à rétrocéder en quelque sorte les gains obtenus. En second lieu, nous avons vu qu'en théorie la formule de péréquation peut inciter les provinces bénéficiaires à relever leurs taux d'imposition au-dessus de ce qu'ils seraient autrement. Les impôts ont de manière générale un effet de distorsion et cela va donc coûter de l'argent aux économies de ces provinces. Troisièmement, nous constatons que la péréquation, du fait de l'application de la formule, incite les provinces à surutiliser une assiette fiscale déjà faible. Ce sont là des probabilités assez forte qui résultent de la théorie et de la mécanique de l'application de la formule de péréquation.

    La question que je me pose, et que vous vous posez peut-être aussi, c'est de savoir quels sont les effets dans la pratique de cette situation? Autrement dit, quelles sont les preuves ou les données concrètes dont nous disposons pour dire qu'il y a là de gros obstacles qui entraînent des coûts véritables pour l'économie? Possède-t-on au contraire la preuve que l'on peut négliger la plupart de ces effets de désincitation, parce qu'ils sont relativement faibles? Je pose donc la question de savoir dans quelle mesure les provinces bénéficiaires ont décidé de ralentir la mise en valeur de leurs ressources naturelles et quelle est l'ampleur de ces effets. Je me demande aussi dans quelle mesure ces provinces ont relevé leurs taux d'imposition entraînant des distorsions en raison de l'effet pernicieux de ces incitations fiscales? Quels sont les coûts véritables pour l'économie? Nous avons besoin de répondre à toutes ces questions pour pouvoir véritablement penser aux réformes devant permettre de remédier aux lacunes de notre système, si tant est qu'il y ait des lacunes.

    Pour ce qui est du système actuel, nous ne disposons pas vraiment des données précises et des statistiques économiques nous permettant de nous prononcer dans un sens ou dans l'autre. Je sais qu'il se fait dans ce domaine des recherches qui nous aideront à répondre à ces questions, mais elles ne sont pas encore disponibles et restent incomplètes. Tant que nous ne connaissons pas dans la pratique l'ampleur des facteurs de désincitation dus à la formule actuelle, nous ne pourrons pas nous prononcer sur l'éventualité d'adopter une meilleure formule.

    Ce n'est là qu'un des éléments en jeu, l'effet pernicieux des incitations fiscales. Lorsqu'on se penche sur d'autres séries d'éléments, on se rend compte que les montants des paiements de péréquation sont difficiles à prévoir à l'avance et qu'ils ne sont déterminés ou arrêtés définitivement qu'environ 30 mois ou même trois ou quatre ans après la fin de l'exercice correspondant, ce qui est un long décalage. Ces fluctuations brutales des paiements sont sources d'incertitude dans les provinces considérées. Nous aimerions savoir quels sont leurs effets réels. Dans quelle mesure influent-elles sur les décisions prises par les provinces en matière de fiscalité, de dépenses et de recettes? Je me consacre moi-même à ces questions à l'heure actuelle, mais les travaux ne sont pas terminés.

    Je considère qu'il y a encore bien des réponses à apporter. Les économistes universitaires nous ont longuement parlé des principes de la péréquation, ce qui est important, et ont développé la théorie, mais cette théorie s'écarte jusqu'à présent de la pratique. La théorie ne tient pas compte des réalités financières auxquelles font face les différents gouvernements, et néglige totalement les risques dus à l'instabilité des recettes. Il est donc difficile de faire des prévisions au sujet de l'influence exercée par la formule actuelle sur les décisions provinciales.

    Quelles sont donc mes conclusions? En ma qualité d'universitaire, je suis tentée de dire qu'il nous faudrait étudier davantage la question, mais je ne le ferai pas car ce serait une dérobade. Oui, bien sûr, je vais dire qu'il faut faire des recherches, mais aussi que je suis très encouragée par le fait qu'il se fait beaucoup de recherches intéressantes et nouvelles à l'heure actuelle, surtout depuis les cinq dernières années en fait. S'il faut absolument apporter un changement, et je crois que ce sera nécessaire, nous devrons le faire en toute connaissance de cause et en fonction de données plus précises.

    Je vous remercie.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Monsieur Harris va entamer une première ronde de questions de 10 minutes.

+-

    M. Richard Harris (Prince George--Bulkley Valley, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente, et je remercie les intervenants de leurs observations judicieuses.

    J'assistais il y a quelques années à un petit colloque organisé par Herb Grubel, que certains d'entre vous connaissent peut-être, et ce dernier faisait état d'une corrélation directe entre le niveau de responsabilité, celui des prestations et le dynamisme des gens. Il se servait de l'exemple des franchises en matière d'assurance. En s'appuyant sur des statistiques précises, il nous a clairement démontré que plus la franchise était basse et plus les prestations élevées, moins les gens prenaient de précautions et moins ils devenaient responsables. Au contraire, bien entendu, plus la franchise était élevée, plus les gens prenaient des précautions et faisaient preuve de responsabilité. Il y avait donc un avantage d'un côté de l'équation et une désincitation de l'autre.

    C'est ce que je vois ici. Il me semble que l'on décourage fortement les provinces qui se situent en dessous de la moyenne, celles qui ne sont pas nanties, d'essayer de s'améliorer, de remettre de l'ordre dans leurs finances, de prendre de sages décisions d'investissement et de s'efforcer d'être plus responsables dans l'administration des gouvernements provinciaux. Leurs paiements de péréquation vont bien entendu diminuer à mesure qu'elles vont se rapprocher de la moyenne pour disparaître finalement lorsqu'elles auront fait suffisamment de progrès. On pourrait penser que les populations souhaitent se retrouver au-dessus de ce seuil pendant un certain temps, mais j'ai bien peur que l'on ait tendance à s'habituer et à se sentir à l'aise lorsqu'on bénéficie d'une telle manne financière tous les ans. D'un autre côté, les provinces qui se débrouillent bien avec cette formule semblent être pénalisées pour avoir fait de bonnes affaires et pris de bonnes décisions.

    Ce que vous me dites m'apparaît donc logique. S'il apparaît très clairement aujourd'hui que cette formule décourage les provinces qui sont à la traîne et qu'elle risque aussi de décourager celles qui s'en sortent mieux, pourquoi continuons-nous à la pratiquer? Voilà déjà près de 50 ans que nous faisons cette expérience. A-t-on l'espoir de mettre sur pied une formule ou un programme susceptible de nous faire sortir de ce mécanisme de péréquation? Avons-nous l'espoir de nous en sortir un jour et de faire bénéficier nos provinces du système de libre entreprise?

º  +-(1610)  

+-

    Dr Brian Crowley: Nous avons chacun des commentaires à faire sur ce point. Je vais répéter ce qu'a déclaré Tracy. Nous avons tous une idée des répercussions probables de la structure d'incitation, mais nous n'avons pas beaucoup de données précises dans bien des domaines. Je peux vous conter toutes sortes d'anecdotes, que je considère comme étant parlantes, pour vous démontrer en long et en large que certains gouvernements, dans des circonstances bien précises, ont agi de façon tout à fait contraire à la promotion du développement économique, mais nous n'avons pas une bonne vue d'ensemble.

    Tracy a aussi raison, à mon avis, lorsqu'elle nous dit que ces dernières années on s'est penché plus que jamais sur le problème. De toute évidence, on considère dans mon institut qu'il s'agit là d'une question de politique majeure. Nous avons beaucoup travaillé sur la question et il reste bien du travail à faire. Nous sommes, à mon avis, en train d'établir sur des bases scientifiques plus solides le fonctionnement de ce programme. Il est vrai que ce programme est en place depuis bien 40 ans et que nous aurions peut-être dû faire ce travail plus tôt, mais il faut dire qu'il évolue constamment. Je pense que nous en arriverons à un point où nous pourrons faire intervenir davantage de gens parce que nous serons en mesure de mettre le doigt sur davantage d'éléments précis, qui ne seront plus seulement anecdotiques, ce qui nous permettra d'évoluer considérablement dans le domaine de la péréquation. Toutefois, il s'agit là uniquement de mon point de vue.

+-

    La présidente: Monsieur Poschmann.

+-

    M. Finn Poschmann: On peut toujours espérer, n'est-ce pas?

    Comme l'ont déclaré les autres intervenants, il y a au moins certains travaux théoriques qui appuient la thèse de l'assurance. Je me suis d'ailleurs servi moi-même de cette analogie pour illustrer le fait que la péréquation assurait les provinces contre un certain nombre de mauvais résultats économiques découlant de mauvais choix de politiques fiscales. Je reconnais bien humblement qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui vont être convaincus. Ce programme, plus ou moins sous sa forme actuelle, est en place depuis plus de 40 ans. Avant cela, il y avait déjà un siècle que l'on procédait à des transferts intergouvernementaux.

    La raison est avant tout politique. Nous sommes au Canada, un pays qui a de multiples paliers de gouvernement. Si l'on en parle et si l'on s'efforce de s'en écarter, c'est parce que plus on réussit à réduire la portée du programme, moins on a de problèmes accessoires. Cela provient de la nécessité de rendre compte des dépenses et des recettes. Le gros problème ici vient du fait que l'on rend compte différemment de l'augmentation des impôts et de la mise en place des programmes correspondants et c'est justement à mon avis cette difficulté à rendre des comptes qui justifie justement que l'on s'oppose à un élargissement du programme.

º  +-(1615)  

+-

    M. Richard Harris: Ne pensez-vous pas, étant donné que certaines provinces bénéficient des paiements de péréquation depuis si longtemps, que tout parti politique qui se proposerait de mettre fin à ces paiements commettrait un véritable suicide politique dans ces provinces et que tout parti ou gouvernement fédéral décidant de prolonger l'application du programme de péréquation serait par conséquent bien accueilli par ces provinces non nanties? Est-ce que l'on ne revient pas à la politique? Est-ce la raison pour laquelle on n'a pas cherché à régler le problème?

+-

    Dr Brian Crowley: Vous êtes le spécialiste en matière politique. Nous ne sommes que des techniciens. Nous devons reconnaître que vous en savez plus que nous sur ce point.

+-

    M. Richard Harris: Je vous demande votre avis à ce sujet. Disons que je veux vous mettre sur la sellette.

+-

    Dr Brian Crowley: Tout dépend si les gens sont en mesure de voir qu’il y a des solutions de rechange. Il est indéniable que voilà 40 ans que le programme de péréquation est en place, que l’on transfère de gros montants d’argent et que nombre d’habitants des provinces qui en bénéficient en sont devenus dépendants. Je ne fais pas là de jugement moral. Un employé du gouvernement provincial, un enseignant, un travailleur de la santé, comprend bien que son emploi dépend jusqu’à un certain point du maintien de la péréquation dans sa province.

    Cela tient donc à l’inertie politique et en outre au fait que tout ministre des Finances provincial qui bénéficie de la péréquation y tient comme à la prunelle de ses yeux parce que c’est de l’argent sonnant et trébuchant. Si vous lui dites d’abandonner la péréquation, de développer son économie et de faire appel à ses propres sources de revenus, il va vous demander de quelles sources de revenus il s’agit. S’il bénéficie de la péréquation, c’est justement parce qu’il n’a pas suffisamment de sources de revenus. Vous n’allez pas le persuader si facilement. Pour que les gens adoptent des solutions de rechange, il faut leur démontrer qu’il y a une raison valable. Je ne pense pas que la population canadienne, et cela s’étend aux habitants des Maritimes et des provinces moins développées, soit très heureuse de devoir bénéficier des transferts venus d’autres régions du pays, mais les gens ont besoin qu’on leur explique quelles sont les solutions de rechange. Frank McKenna a évoqué par exemple la possibilité de mettre en place un régime qui, au lieu d’être fondé uniquement sur les transferts, ferait appel à des réductions d’impôts fédéraux dans les provinces les moins bien nanties afin de favoriser la croissance du secteur privé et de bénéficier d’une assiette fiscale élargie. Je pense que des idées comme celles-là méritent que l’on s’y attarde et que l’on en discute sérieusement.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Ms. Picard, do you have a few questions? Start if you please.

[Français]

+-

    Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Merci beaucoup.

    C'est vrai qu'on ne peut pas mêler les valeurs et les chiffres quand on parle de péréquation, mais pour moi, la péréquation avait un but, soit la répartition de la richesse.

    Je trouve très difficile de vous entendre quand vous dites que la plupart des provinces qui sont bénéficiaires de la péréquation en sont dépendantes. D'ailleurs, mon collègue de l'Alliance semble penser la même chose que vous. Vous semblez dire que ces provinces n'en sont pas réellement fières, mais qu'elles ne font pas grand-chose pour s'en sortir. C'est comme si on disait aux personnes bénéficiaires de l'aide sociale qu'elles aiment vivre de l'aide sociale et qu'elles ne se prennent pas en main, et qu'on est fatigués de payer pour cela.

    Je viens du Québec et je ne crois pas que le Québec soit très fier d'être dépendant du système de la péréquation. Je pense qu'il a prouvé, au cours des dernières années, qu'il faisait tous les efforts possibles pour baisser son taux de chômage et créer de l'emploi. Selon les dernières statistiques de Statistique Canada au sujet de l'emploi, c'est le Québec qui a créé le plus d'emplois.

    Je trouve ça un peu triste quand on nous dit que la péréquation a des effets pervers parce que les provinces se fient à la péréquation et ne vont pas plus loin. C'est comme si elles se disaient que c'est leur vache à lait, que c'est comme ça et que c'est correct. J'ai de la difficulté à croire ça.

    C'est un commentaire. J'ai peut-être mal saisi le sens de vos propos. Si c'est le cas, corrigez-moi.

    Je voudrais aussi vous poser une question. Dernièrement, le gouvernement fédéral a constaté qu'il avait versé un montant de 800 millions de dollars en trop au Québec, de 1999 à 2000 et de 2001 à 2002. On dit:

Ce dépassement est attribuable à une croissance économique plus rapide que prévu au Québec, ainsi qu'à une modification de la façon dont Statistique Canada calcule la valeur des résidences.

    Bien sûr, cela a été un choc pour le Québec. Comme vous le disiez tout à l'heure, il ne peut pas faire autrement que de tenir compte de cette somme de 800 millions de dollars dans ses prévisions budgétaires. C'est tout à fait normal. On dit au Québec qu'il s'attendait à recevoir 800 millions de dollars, mais qu'on a fait le calcul et qu'on lui retire ces 800 millions de dollars. Tous les programmes qui avaient été prévus dans les budgets sont ébranlés, et tout le monde a un peu peur.

    Qu'est-ce qu'on peut faire pour prévenir ces grandes fluctuations des paiements de péréquation qui sont potentiellement déstabilisantes? En général, quelle est l'ampleur des ajustements annuels?

º  +-(1620)  

+-

    Dr Brian Crowley: Si vous me le permettez, je vais répondre d'abord à votre commentaire, puis je vais céder la parole à Finn et à Tracy.

    Je pense qu'il est important de tirer un peu au clair le sens de mes propos.

+-

    Mme Pauline Picard: Oui.

+-

    Dr Brian Crowley: Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'il y a une différence entre les intentions d'un programme social ou la péréquation, et les effets qu'on peut identifier.

    Souvent, il y a un écart qui peut être assez énorme entre les intentions, qui sont d'aider les gens, etc., et les résultats. Les intentions sont exactement ce qu'elles devraient être, mais il faut aller plus loin que les intentions et creuser un peu pour voir si un programme comme celui de la péréquation, qui est conçu d'une certaine façon, dans les faits, agit sur les actions, les politiques et les gestes qui sont posés par les gouvernements qui sont récipiendaires de paiements de péréquation.

    Je prétends, et je crois que Finn abondait dans le même sens, qu'on peut identifier, de la part des gouvernements des provinces qui reçoivent la péréquation, des comportements qui vont à l'encontre de l'objectif de développer l'économie de ces provinces. L'objectif de la péréquation, à mon sens, n'est pas de faire des paiements de péréquation. L'objectif au Canada, à mon sens, devrait être d'éliminer l'écart entre les provinces les plus riches et les provinces les plus pauvres.

    Si l'effet de la péréquation est de maintenir et même d'aggraver l'écart entre ces deux classes de provinces, c'est un problème. Voilà le sens de mon propos.

[Traduction]

+-

    M. Finn Poschmann: Laissez-moi vous dire une chose.

º  +-(1625)  

[Français]

    Le gouvernement du Québec a pris une bonne décision en 1966 ou 1967. Le gouvernement fédéral lui a offert un choix.

[Traduction]

    On pourrait faire appel à un certain montant d’argent pour appuyer les programmes provinciaux d’enseignement supérieur et jusqu’à un certain point de la santé, ou on pourrait recourir aux points d’impôts, le gouvernement fédéral renonçant dans une certaine mesure à percevoir l’impôt pour laisser un peu plus de place aux impôts provinciaux. Le Québec est la seule province qui a accepté cette offre du gouvernement fédéral et je pense qu’il a fait un très bon choix en préservant ainsi la liberté d’action du gouvernement québécois dans les décisions prises en matière de recettes et de dépenses sans avoir à lutter contre les empiétements qu’aurait sinon entraîné nécessairement l’intervention du gouvernement fédéral grâce à son pouvoir de dépenser. Je pense que les autres provinces ont eu tort de ne pas saisir cette possibilité en se réservant le choix de redistribuer les impôts selon les divers paliers de gouvernements et en évitant les inconvénients politiques qui découlent du fait de prélever des impôts au nom d’un gouvernement et des les affecter à des dépenses au nom d’un autre.

+-

    La présidente: Madame Snoddon.

+-

     Mme Tracy Snoddon: Laissez-moi vous répondre au sujet des répercussions entraînées par les fluctuations de la péréquation, des erreurs s’appliquant à la détermination des montants et du fait que trois ans plus tard on peut avoir commis des erreurs auxquelles les provinces devront s’ajuster. Ce n’est pas nouveau. C’est un gros événement, mais ça c’est déjà produit auparavant et, dans le cadre de négociations politiques, on a déjà vu renoncer au remboursement des redressements demandés à d’autres provinces bénéficiaires. Toutefois, il n’en est pas toujours ainsi. Les exemples ne manquent pas. Je travaille moi-même sur cette question et je me penche sur l’étendue de ces fluctuations et de leurs conséquences sur les décisions financières prises par les provinces.

    L’une des solutions consisterait à mettre en place une formule de péréquation axée sur le passé--c’est une chose qui a déjà été proposée ailleurs--et plutôt que de se pencher sur les années à venir, on examinerait le manque à gagner au cours des trois années antérieures pour faire ensuite la moyenne; on disposerait alors de renseignements plus précis pour décider des montants à accorder. On aurait plus d’information et l’on ferait vraisemblablement moins d’erreurs. On n’a pas encore pleinement discuté de cette possibilité, mais les responsables commencent aujourd’hui à se demander si cela ne permettrait pas de réduire les fluctuations des montants accordés et rendre ceux-ci plus certains. Des travaux sont en cours pour évaluer les coûts d’une telle solution permettant de réduire le niveau d’incertitude.

[Français]

+-

    Mme Pauline Picard: Toute cette question de la péréquation semble très compliquée. Je sais que vous êtes très versés là-dedans. Imaginez-vous combien il nous est difficile de vous suivre. Heureusement que les explications sont claires.

    Faudrait-il, comme on dit parfois, «scrapper» cela et trouver une autre formule plus simple pour que ce soit plus juste et plus équitable pour les 10 ou 11 provinces canadiennes?

º  +-(1630)  

+-

    Dr Brian Crowley: Encore une fois, je suis certain que chaque personne va avoir son mot à dire là-dessus.

    Personnellement, en me basant sur les recherches qu'on a faites jusqu'à maintenant à mon institut, sur les lectures que j'ai faites et sur les conversations que j'ai eues, j'arrive à la conclusion qu'on devrait aller vers autre chose.

    Je pense qu'il est possible de concevoir un programme qui va en faire davantage pour encourager le développement local des économies provinciales sans qu'il y ait une crise dans les finances publiques de ces provinces. C'est ça, le défi: c'est la période de transition du système actuel vers autre chose.

    Évidemment, la péréquation a ses défenseurs, dont certains sont très ardents, mais je pense que les recherches démontrent de plus en plus les défaillances du programme actuel. On peut comparer le système de transfert canadien à d'autres systèmes de développement économique, notamment à celui de l'Irlande, qui est un excellent exemple. Ils ont choisi une tout autre série de priorités. La péréquation serait un élément à changer si on voulait aller dans ce sens-là.

[Traduction]

+-

    La présidente: Monsieur Poschmann.

+-

    M. Finn Poschmann: Nous ne sommes pas sur le point d’abandonner la péréquation, quelle que soit la validité de cette méthode. Je tiens simplement à signaler que la commission Séguin a fait un certain nombre de propositions très judicieuses en matière de redistribution de la fiscalité et qu’une telle démarche permettrait au gouvernement fédéral de réduire ses dépenses en matière de transferts, mais à condition uniquement qu’on laisse aux provinces la possibilité d’intervenir en recourant à leur propre fiscalité, ce qui déplacerait les responsabilités du gouvernement fédéral vers les provinces en fonction de la répartition des responsabilités constitutionnelles dont nous parlons.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    J’ai sur ma liste monsieur Murphy, monsieur Brison, monsieur Wilfert, trois députés du Parti libéral suivi du représentant du NPD. Nous poursuivons donc nos délibérations.

+-

    M. Shawn Murphy (Hillsborough, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Je vous informe que je suis originaire des Maritimes, de l’Île-du-Prince-Édouard plus précisément. J’ai lu vos mémoires et je suis d’accord avec la plus grande partie de ce qui a été dit ici aujourd’hui. Nous avons cependant passé beaucoup de temps à répertorier les problèmes plutôt qu’à trouver des solutions. Je suis d’accord pour dire que la péréquation crée évidemment bien des difficultés. Elle place certaines activités en dehors du secteur de l’économie de production. Je pense qu’elle fausse les politiques publiques, notamment dans le secteur de la santé et de l’éducation. Elle introduit beaucoup de clientélisme au sein du système, ce qui se traduit par de nombreuses difficultés liées au capital humain. Comme on l’a signalé, il y a aussi le problème du devoir de rendre des comptes, les fonds étant perçus à un palier du gouvernement et dépensés à un autre palier, ce qui est illogique. Toutefois, comme l’a mentionné monsieur Poschmann, voilà 45 ans que la péréquation existe. Il semble que Ralph Klein soit le plus grand partisan de la péréquation et l’on peut donc difficilement imaginer qu’il puisse y avoir un véritable bouleversement dans ce domaine dans l’immédiat.

    Si l’on devait apporter deux ou trois modifications précises plutôt que de tout bouleverser de fond en comble, qu’est-ce que vous recommanderiez pour réorienter le régime et le rendre plus efficace pour tout le monde?

+-

    M. Finn Poschmann: Il faudrait tout d’abord modifier la norme de référence en passant de cinq à dix provinces. En second lieu, il faudrait s’assurer que la couverture des assiettes fiscales soit aussi large que possible afin de réduire au maximum les distorsions entraînées par le régime. Des changements d’une plus grande portée pourraient être introduits sur une période de 10 ou de 20 ans pour ce qui est du mécanisme de transmission, mais à court terme il serait plus facile de mettre en oeuvre des changements mineurs de ce type.

+-

     Mme Tracy Snoddon: Je souscris à cette analyse et j’ajouterais qu’il y a un avantage paradoxal à plafonner les montants actuels de péréquation. Bien des gens y sont opposés, et sur le plan des principes je suis prête à m’y opposer moi-même, mais le plafonnement des paiements de péréquation permet entre autres d’éviter les dérives. Par conséquent, si les paiements de péréquation s’opposent au développement économique, il suffit de les plafonner. C’est une façon de limiter les dégâts éventuels.

+-

    M. Shawn Murphy: Il y a une limite à l’heure actuelle, les montants sont plafonnés.

+-

     Mme Tracy Snoddon: Effectivement.

+-

    M. Shawn Murphy: Est-ce que vous préconisez la suppression du plafonnement?

+-

     Mme Tracy Snoddon: Non, je dis qu’il faut le maintenir.

+-

    Dr Brian Crowley: Laissez-moi vous dire, puisque nous avons réussi aujourd’hui à attirer l’attention de gens comme vous--parce que vous êtes les responsables et parce que vous aurez un rôle important à jouer en la matière--sur un programme qui depuis des années apparaît bien obscur et que personne n’arrive à comprendre--dès qu’on parle de péréquation, tout le monde ouvre de grands yeux, moi le premier--il y a une chose que l’on pourrait faire pour avancer dans une certaine mesure sans vouloir tout bouleverser. Le ministre des Finances, Paul Martin, et l’ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick, Frank McKenna, en ont parlé, et je pense que cette proposition en vaut la peine. Théoriquement, on prend de l’argent aux riches contribuables de l’ensemble du pays pour le transférer aux provinces les moins développées mais, dans la pratique, étant donné que les gros contribuables sont tous regroupés aux mêmes endroits, il s’agit avant tout de transferts en provenance de l’Ontario et de l’Alberta. Au lieu de prendre simplement cet argent pour le donner aux gouvernements provinciaux, vous devriez au minimum mettre en place l’un des éléments de la formule préconisée par le Prix Nobel Jim Buchanan. C’est l’un des pères de la péréquation, et il a pris la parole lors d’une rencontre organisée à Montréal il y a deux mois. En proposant au départ la formule de péréquation en 1947, il avait bien précisé qu’il ne fallait pas donner l’argent aux gouvernements mais aux particuliers et se servir du régime fiscal pour que cet argent aille à la population afin qu’elle puisse décider de ce qu’elle va en faire. Vous pourriez instaurer en partie cette formule et, au lieu d’accorder simplement un transfert en espèces, ce que l’on fait à l’heure actuelle dans le cadre de la péréquation, vous pourriez instituer un transfert en argent plus faible s’accompagnant d’un certain montant de transfert fiscal, ce qu’évoquait en partie Finn tout à l’heure, afin de réduire la charge fiscale fédérale dans les provinces bénéficiaires de la péréquation en laissant au système le soin d’absorber l’ensemble.

    Nous savons tous que les programmes de développement économique et que les pays qui ont le plus de succès dans le monde sont ceux qui s’efforcent de limiter leur charge fiscale. Les provinces qui bénéficient de la péréquation au Canada ne sont pas en mesure de concurrencer l’Ontario, l’Alberta, les États-Unis ou l’Irlande pour ce qui est de la réduction de leur fardeau fiscal. Nous pourrions prélever une partie de cet argent sur le régime de péréquation et nous en servir pour réduire le fardeau fiscal fédéral dans les provinces non nanties et renforcer leur économie. On élargirait ainsi l’assiette fiscale. À l’heure actuelle, nous sommes tous sollicités dans les provinces bénéficiaires de la péréquation, nous sommes à la traîne par rapport à des provinces comme l’Alberta et l’Ontario, et aujourd’hui la Colombie-Britannique, dont le fardeau fiscal baisse, et les effets qui se font sentir à la marge sur nos économies sont très significatifs.

º  +-(1635)  

+-

    M. Shawn Murphy: En théorie, je crois que vous avez raison, mais il faut tenir compte ici de la réalité. Si nous disions demain aux quatre ministres des Finances des Maritimes qu’on va leur supprimer la péréquation pour la remplacer, par exemple, dans le cas de l’Île-du-Prince-Édouard--j’ai les chiffres ici, ça va se monter à 251 millions de dollars l’année prochaine--par une baisse, je présume, des taux d’imposition des entreprises, on se heurterait à une réaction très hostile, non seulement dans les Maritimes, mais aussi dans l’ensemble du Canada.

+-

    Dr Brian Crowley: Je peux vous dire simplement que lorsqu’il s’est rendu à Halifax en janvier, Paul Martin a évoqué lui-même la question. Il a déclaré qu’il avait parlé à un certain nombre de premiers ministres, qui s’étaient montrés très favorables. Frank McKenna a déclaré la semaine dernière lors d’une entrevue que c’était la chose à faire. De plus, il ne s’agit pas uniquement de la péréquation. On peut penser aussi aux crédits consacrés au développement régional ainsi qu’à bien d’autres subventions très politisées qui ne nous ont pas aidé à combler le fossé existant. Plutôt que de dépenser de l’argent, pourquoi ne pas combler ce fossé en recourant à la fiscalité? Je considère que nous sommes largement à la traîne par rapport à des pays comme l’Irlande, la Hollande ou la Géorgie après avoir essayé pendant 40 ans de combler ce fossé sans grand succès. Nous avons dépensé beaucoup d’argent et nous n’avons pas obtenu grand-chose en retour. Je pense donc qu’il est temps que nous nous demandions si nous ne pouvons pas faire mieux autrement. Nous y consacrons beaucoup d’argent. Le problème ne vient pas de l’argent, mais du fait que nous n’obtenons pas les résultats que nous attendons.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Monsieur Brison, suivi de MM. Wilfert et Nystrom.

+-

    M. Scott Brison (Kings--Hants, PC): Merci, madame la présidente, et je remercie chacun d’entre vous d’être intervenus aujourd’hui.

    Il faut avouer que nous avons besoin d’un mois et plus d'étude sérieuse, et pas simplement sur la péréquation. Nous devons nous pencher sur les déséquilibres fiscaux et sur l’harmonisation des stratégies de développement économique avant d’essayer d’envisager une politique donnant des résultats. Une grande partie de la situation actuelle s’explique par la politique, par opposition aux mesures économiques prises par les pouvoirs publics. Si l’on considère les objectifs de la péréquation tels qu’ils ont été exprimés au départ, soit plus ou moins un même niveau d’imposition et de services à l’échelle du Canada, il est évident que le régime est en faillite à l’heure actuelle étant donné, et on en a parlé, que le fossé s’élargit entre les provinces sur le plan de la capacité fiscale et financière. Nous ne savions pas il y a 20 ans, ou ce n’était pas aussi largement accepté, à quel point la politique fiscale était déterminante pour une économie.

    La disparité des impôts à l’échelle du pays pose un problème intéressant. Ne serait-il pas possible d’apaiser les préoccupations de M. Murphy concernant le choc initial? Est-ce que le gouvernement fédéral ne pourrait pas, par exemple, décréter que l’on va maintenir aux mêmes niveaux les montants de péréquation pendant 10 ans en se servant du levier de la fiscalité pour essayer d’instiller une croissance économique pour permettre aux provinces non nanties, au bout de cette période de 10 ans, de se passer de la péréquation? Le premier ministre Hamm et d’autres premiers ministres ont évoqué la question de la rétrocession, et l’on pourrait dire à une province comme la Nouvelle-Écosse que pendant 10 ans on ne va pas réduire les paiements de péréquation d’un montant à peu près équivalent à ses nouvelles sources de revenus. La province serait ainsi protégée à court terme, mais il y aurait une contrepartie; le gouvernement provincial devrait s’engager, à l’issue de cette période, à prendre ses responsabilités et à se dégager de ce système.

    On pourrait procéder ainsi dans le secteur du développement économique. Le budget de l’APECA dans les Maritimes est de 360 millions de dollars par an. Les impôts fédéraux sur les entreprises dans les Maritimes, comme ça tombe bien!, sont à peu près du même montant, soit 380 millions de dollars par an. Certains comparent l’Irlande au Canada. Ce n’est pas une bonne comparaison, en raison des transferts de l’UE, mais elle est bien meilleure avec les Maritimes. Ne s’agirait-il pas là d’une redistribution et d’une stratégie économique assez facile à justifier, si l’on supprimait l’APECA et les impôts fédéraux sur les entreprises dans les Maritimes?

    Sur un autre plan, la Nouvelle-Écosse reçoit 160 millions de dollars de l’APECA. Selon la façon dont on fait les calculs, cela va faire probablement sur les 15 ans à venir des recettes nettes actualisées de quelque 3 à 4 milliards de dollars. Un tel montant permettrait de réduire d’un tiers le niveau d’endettement de la province et d’améliorer considérablement la situation financière des habitants de la Nouvelle-Écosse.

º  +-(1640)  

    J’aimerais que l’on envisage des moyens pratiques de recourir au développement économique ou d’adapter nos stratégies en la matière pour d’essayer d’instituer de meilleurs niveaux de croissance. Il n’y a aucune finalité à l’heure actuelle. Les stratégies de développement économique deviennent les chasse gardées de ces organisations de développement économique comme l’APECA ou le ministère de la diversification économique de l’Ouest et, dans le cadre de la péréquation, comme de celui de nos stratégies de développement économique régional, il serait bien plus sain, à mon avis, de se fixer des objectifs bien précis, et je pense que la fiscalité a un rôle à jouer en la matière. Dans quelle mesure, selon vous, ces propositions ont leur utilité dans la pratique?

+-

    Dr Brian Crowley: En tant que ressortissant des Maritimes, puisque vous avez cité précédemment cette région, il serait peut-être bon que j’intervienne ici. Je tiens à signaler au comité que mon institut a publié deux ouvrages qui nous concernent directement ici. Le premier, Road to Growth, publié il y a deux ans, se penche sur un certain nombre de modèles économiques dans le monde qui ont rattrapé très rapidement les économies les plus riches. Nous avons ensuite rédigé l’ouvrage Retreat from Growth, dans lequel nous avons rapproché la politique de ces différents pays, l’Irlande, la Hollande, la Géorgie, etc., de ce que nous avons fait dans les Maritimes ces 30 dernières années au moyen des transferts fédéraux, par exemple. En substance, nous avons fait exactement l’opposé de pays comme l’Irlande.

    Je suis d’accord avec vous pour dire qu’il n’y a aucune finalité, pour reprendre votre terminologie et que nous ne savons pas exactement où nous allons. On ne fait que s’occuper de l’intendance, mais je pense que nous devons effectivement chercher à atteindre des objectifs précis. Il faut en arriver à un point où nous n’aurons plus besoin de la péréquation. La péréquation n’est pas un bien en soi. Nous voulons en fait un pays au sein duquel la prospérité est mieux répartie, non pas parce que c’est le bon vouloir du gouvernement, mais parce que nous aurons réussi à inciter toute notre population à oeuvrer en faveur du développement économique. Bien des spécialistes de la péréquation vont vous dire que celle-ci n’a bien sûr rien à voir avec le développement économique et qu’il ne faut pas tout mélanger. Je pense que c’est une erreur.

    Après tant d’années, tant d’argent dépensé et tout ce que nous venons de dire au sujet de l’influence sur le comportement des provinces, nous avons besoin de repenser l’ensemble de ce programme sous réserve des études précises qui pourront être faites. Je recommande que nous examinions toutes les stratégies dont nous venons de parler. Il y en a d’autres que nous pourrions évoquer. Je vous précise simplement que la Nouvelle-Écosse paye un peu plus de 1 milliard de dollars d’intérêt sur sa dette chaque année et touche 1,4 milliard de dollars au titre de la péréquation, soit un bénéfice net, si l’on exclut le service de la dette, de 400 millions de dollars susceptibles d’être affectés aux programmes. Doit-on envisager une façon quelconque d’apurer la dette en contrepartie de la péréquation? Je sais qu’il y a des risques ici qu’il convient d’évaluer sur le plan de la morale politique, mais il y a bien des façons d’agir de façon plus créatrice que nous ne l’avons fait jusqu’à présent. Je considère par ailleurs que nous manquerions complètement la chance qui s’offre à nous si nous ne cherchions pas, non seulement à remédier au problème de la péréquation, mais aussi à mettre en place un système améliorant le niveau de prospérité de l’ensemble des Canadiens pour que nous n’ayons plus besoin de la péréquation. Voilà quelle est la finalité, à mon avis.

º  +-(1645)  

+-

    M. Scott Brison: Sur ce point précis, si l’on actualise le montant actuel des paiements de péréquation sur une période de 15 ans en Nouvelle-Écosse, on se retrouve avec un montant de deux et demie à trois fois supérieur à celui de la dette provinciale. Vu sous cet angle, on commence à comprendre pourquoi la péréquation n’a pas grand-chose à voir avec l’économie à l’heure actuelle et beaucoup à voir avec la politique, notamment avec le contrôle exercé par les partis fédéraux sur les électorats régionaux. Je pense qu’il nous faut faire preuve d’un peu plus de franchise lorsque nous traitons de ces questions, parce que cela n’a plus rien à voir aujourd’hui avec l’économie, si ce n’est avec de mauvais principes économiques.

+-

    La présidente: Madame Snoddon, vous avez quelque chose à ajouter?

+-

     Mme Tracy Snoddon: Je pense qu’il est très important de voir cela comme un tout, parce que les interactions sont si nombreuses qu’il est impossible de les séparer. Je m’inquiète au sujet du fédéralisme à la demande à partir du moment où l’on réduit l’impôt fédéral sur le revenu des entreprises. Je crois qu’il y a ici des risques.

+-

    M. Scott Brison: Certaines personnes ont fait état de cet argument. Je sais que les fonctionnaires des Finances ont déclaré qu’on ne pouvait pas abaisser les impôts sur les entreprises dans les Maritimes. Selon elles, en fait, il est tout à fait légitime d’injecter 360 millions de dollars chaque année dans les Maritimes à condition que l’on en fasse rien. Je sais que ce n’est pas la thèse que vous présentez.

º  +-(1650)  

+-

     Mme Tracy Snoddon: Supposons, nous dites-vous, qu’il leur faille se débrouiller toutes seules dans 10 ans, par exemple. Est-ce là un engagement crédible? Je ne le crois pas. Dans 10 ans, si ce n’est pas encore fait, allons nous voir disparaître la péréquation? Je ne le crois pas, à moins que l’on ait mis en place une politique crédible nous permettant d’y parvenir, et nous ne l’avons pas fait. Nous ne savons pas encore comment faire pour l’instant. Si l’on veut pouvoir réfléchir à la question pendant ce délai, il faut que l’on ait pensé à des mécanismes qui doivent nous permettre d’y parvenir effectivement. À maintes reprises au cours de notre histoire nous avons changé d’avis à la date limite et décidé de poursuivre comme avant.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Monsieur Wilfert, vous disposez de 10 minutes.

+-

    M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Je veux évoquer la procédure devant nous amener à adopter une nouvelle loi sur la péréquation en avril 2004. Auparavant, cependant, je tiens à faire observer que de toute évidence les avantages de la Confédération ne peuvent pas être présentés sous forme de bilan. La péréquation n’est peut-être pas la panacée, mais je pense que c’est un objectif louable car nous voulons ainsi nous assurer que tous les Canadiens, quelle que soit la région de notre pays où ils habitent, disposent raisonnablement des mêmes services publics. Je considère que c’est un objectif honorable. Ce n’est peut-être pas la solution miracle, mais cela tient à la nature de notre pays. Nous n’avons pas encore entendu parler d’une véritable solution de rechange à la péréquation, ce qui m’amène à vous poser ces questions au sujet de la procédure instituée en 2004.

    Comme vous le savez tous--et je crois que ce ne sera pas une grande surprise--tous les gouvernements veillent à leurs propres intérêts. Les provinces qui bénéficient de la péréquation ne vont évidemment pas se lever pour réclamer à grands cris qu’on change les règles. Mes amis d’en face aiment parler d’imposition, et je me plais à dire que le gouvernement fédéral comme les provinces ont les mêmes pouvoirs fiscaux, partant de la même assise, mais que les provinces, bien évidemment, hésitent davantage à en faire usage. Les recettes des provinces ont en fait largement augmenté au cours des deux dernières décennies comparativement aux nôtres. Le service de notre dette se monte à 24 p. 100 alors que le leur est de 12 p. 100. Il y a bien des facteurs que l’on pourrait prendre en compte.

    Pour en revenir toutefois à cette nouvelle loi d’avril 2004, traditionnellement les fonctionnaires fédéraux rencontrent leurs homologues provinciaux. Différents ministres font des commentaires. Vous savez probablement que le Sénat a publié il y a un jour ou deux un rapport comportant huit recommandations. Avec tout le respect que je dois au Sénat, je ne pense pas qu’il y ait là rien de nouveau; tout cela nous a déjà été dit par les provinces. J’aimerais que vous me disiez, étant donné la nécessité de rendre des comptes et l’objectif de transparence que nous jugeons tous important, moi y compris, ce que nous devrions faire à votre avis pour promouvoir un débat à l’échelle nationale, si un débat s’avère nécessaire, afin de mettre en place cette loi. De toute évidence, c’est une chance qui s’offre à nous. Vous avez évoqué les commentaires faits par différents ministres provinciaux et fédéraux d’hier et d’aujourd’hui. Qu’est-ce qui, selon vous, nous permettrait de lancer au moins la discussion pour que nous puissions, au bout du compte, nous dire que nous avons débattu de la question, que telle ou telle chose nous paraît faisable et d’autres non, afin d’écarter ce que je considère comme vous comme un état de dépendance, les gouvernements provinciaux, plus précisément, n’étant plus encouragés à prendre certaines initiatives qui leur faudrait prendre si nous ne les payions pas pour penser à leur place.

+-

    La présidente: Monsieur Poschmann.

+-

    M. Finn Poschmann: Je ne sais plus par où commencer. Je souscris largement aux observations du député, en ce sens que l’un des objectifs, à mon avis, sur lequel nous pouvons raisonnablement nous entendre, c’est d’avoir des services à peu près comparables d’une province à l’autre. Il y aura peu d’économistes pour contester le caractère raisonnable de cet objectif de convergence économique dans le cadre de la politique fédérale. La question est de savoir si la péréquation, telle qu’elle est conçue, est un outil efficace pour atteindre cet objectif, et les éléments de preuve dont nous disposons ne sont pas très probants. Lorsqu’on examine la performance économique des provinces bénéficiant de la péréquation comparativement à celle des autres depuis une quarante d’années même si, par exemple, Terre-Neuve se débrouille relativement bien depuis un an ou deux, on voit qu’il y a deux mondes avec d’un côté les riches et de l’autre les pauvres. La convergence que nous souhaitons ne se produit pas et rien ne nous prouve que la péréquation n’a pas été un handicap plutôt qu’une aide.

    Cela nous amène automatiquement à la question suivante. Que veut-on mettre à la place? C’est une très bonne question. Si nous disposions de tout l’argent et de tout le temps au monde, il nous faudrait un peu revenir en arrière et nous assurer que ce programme ne prenne pas de l’ampleur, que les provinces disposent d’une marge suffisante pour adopter de bonnes politiques en matière de fiscalité et de dépenses, et qu’on ne les pénalise pas au niveau des recettes lorsqu’elles font les bons choix. Les difficultés de la péréquation viennent en partie de là. Lorsqu’une province fait le bon choix, elle perd effectivement une partie de ses recettes. Voilà une raison de se méfier du programme.

    Il y a là une véritable possibilité. Le gouvernement fédéral pourrait réduire les paiements tout en se retirant parallèlement du champ de la fiscalité. Dans le même temps, les provinces pourraient investir le champ de la fiscalité si elles le souhaitent. Certaines provinces augmenteraient les impôts alors que d’autres ne changeraient rien à leur façon de faire. On n’obtiendra pas aujourd’hui ni même demain des services égaux dans toutes les provinces mais, à long terme, cette égalité de traitement doit être précisément le but visé. C’est sur ce point que nous pouvons nous faire l’écho de certaines déclarations des premiers ministres de l’est du pays, et d’ailleurs d’autres premiers ministres provinciaux. Ils affirment que la finalité doit être la suppression des paiements de péréquation. Je pense que c’est le meilleur objectif qui soit.

º  +-(1655)  

+-

    Dr Brian Crowley: Je suis d’accord avec Finn. Je pense que vous pourriez aller plus loin car, comme je vous l’ai dit tout à l’heure, aucun ministre des Finances d’une province bénéficiant de la péréquation ne fera la bêtise de renoncer à un dollar de recettes aujourd’hui contre l’éventualité de toucher un dollar de recettes demain. Nous avons besoin de promouvoir la confiance dans le cadre d’une stratégie différente. Je pense que l’une des façons d’y parvenir est de commencer par les subventions traditionnelles au développement économique, celles de l’APECA, par exemple, mais il y en a bien d’autres. Agissons dans le cadre des mesures fiscales et non pas des programmes de dépenses. Penchons-nous sur leurs effets. S’ils sont positifs et si nous en avons la preuve, nous pourrons alors commencer à instiller la confiance dont nous aurons besoin, avec nos partenaires au sein du régime fédéral-provincial, pour renoncer progressivement aux transferts de péréquation en faveur d’un régime axé davantage sur la fiscalité.

    Pour en revenir à votre question précise, je pense que vous disposez du cadre nécessaire et de la procédure que vous appelez de vos voeux. C’est ici même. C’est justement à vous qu’il appartient d’agir. Le comité des finances est l’un des plus prestigieux, j’irais même jusqu’à dire le plus prestigieux, de la Chambre des communes. Vous avez le pouvoir d’instaurer un débat national, d’inviter des responsables compétents à vous entretenir de la question et de rédiger un rapport susceptible de motiver le gouvernement fédéral. Pourquoi aller chercher ailleurs que dans cette pièce?

+-

    La présidente: Madame Snoddon.

+-

     Mme Tracy Snoddon: J’aimerais ajouter une chose. Il est probable qu’en 2004 ces nouvelles orientations ne seront pas opérationnelles, mais je suis convaincue cependant qu’il y a une chose que l’on peut faire pour ménager l’avenir, soit présenter quatre solutions de rechange au système actuel afin de disposer d’un certain nombre de variantes en faisant appel aux montants attribués par le passé en fonction de la moyenne. Il s’agirait de répertorier ces différentes solutions, de suivre l’évolution des formules macroéconomiques proposées en parallèle en faisant preuve dans le même temps d’ouverture pour ne pas simplement mettre au courant un petit aréopage au sein du ministère des Finances, mais aussi des universitaires comme moi-même, qui souhaitent disposer de cette information.

+-

    M. Bryon Wilfert: Pour y parvenir, il serait par conséquent fondamental d’établir des critères de mesures appropriés. Vous proposez donc que d’un côté on ait recours à cette procédure, faisant intervenir traditionnellement des fonctionnaires qui se renvoient la balle à différents niveaux. Nous voulons que les gens s’engagent, ce qui fait partie intégrante de la procédure dont nous discutons ici, et je suis d’accord avec vous pour dire que c’est ici un bon point de départ. De toute évidence, cependant, étant donné qu’il y a tellement de groupes et d’organisations qui sont intéressés, il nous faut élargir les critères de mise en oeuvre de cette procédure. En imaginant que l’on dispose de quatre ou cinq scénarios au bout du compte, on aura véritablement besoin de critères de mesure très clairs et il faudra alors de se demander qui va procéder aux mesures. Pourriez-vous nous commenter rapidement la chose?

»  +-(1700)  

+-

    Dr Brian Crowley: Bien entendu, c’est l’un des problèmes dans le système actuel: même si cela fait des années que nous l’administrons et après tant d’argent dépensé, nous ne savons toujours pas vraiment ce que l’on obtient. Nous savons comment l’argent est dépensé, mais nous ne savons pas grand-chose du résultat net, quand on tient compte à la fois des effets pernicieux et des incidences favorables. Nous commençons à nous en faire une meilleure idée. Tout revient à ce qu’a dit Finn au sujet de la responsabilité et du devoir de rendre des comptes. Si nous cherchons à mettre en oeuvre d’autres solutions, il faut le faire dans de bonnes conditions. Ne procédons pas comme nous l’avons fait pendant 40 ans dans le cadre du régime de péréquation, dont nous ne connaissons pas les résultats avec certitude.

    J’imagine qu’il en est de même pour Finn et son organisation, mais je peux vous dire que mon organisation, un groupe de réflexion sur les politiques publiques implanté dans les Maritimes, qui s’est beaucoup penché sur toutes ces questions, est à votre disposition. Nous aimerions prendre part et apporter notre contribution au débat national. Il y a dans notre pays des gens suffisamment intelligents, en mesure d’entreprendre ce genre d’analyse et d’élargir le débat sans le restreindre aux fonctionnaires des Finances. Il s’agit ici d’un programme national d’une très grande importance, que les gens ne comprennent pas et qui a des effets considérables. Si nous pouvions oeuvrer de concert et faire en sorte que la population le comprenne et commence à envisager des solutions de rechange, je crois que nous aurions rendu un grand service aux pouvoirs publics.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Nous allons maintenant donner la parole à M. Nystrom, qui sera suivi de M. Pillitteri.

+-

    M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Je vous souhaite à tous la bienvenue cet après-midi. J’ai rencontré M. Crowley il y a bien des lunes, alors que nous occupions d’autres fonctions.

    Je vais vous faire une petit cours d’histoire. Lorsque j’ai été élu député pour la première fois au Parlement, Pierre Trudeau a créé en 1968 le ministère de l’Expansion économique régionale, qui a été considéré comme l’un de ses projets révolutionnaires de l’époque. Puis, lors des débats constitutionnels des années 1980-1981, nous avons bien entendu inscrit la péréquation à l’article 36 la loi constitutionnelle. Je me souviens des débats sur la question, de la notion d’enchâssement et de la recherche d’une formulation acceptable pour le Parlement du Canada et pour toutes les provinces. Ce fut là un débat très intéressant.

    Je viens d’une province qui perçoit la péréquation la plus part du temps, même si le solde net n’est pas très élevé, et qui parfois ne la touche pas. En fait, si l’on consulte les statistiques de 1998-1999 en Saskatchewan, on obtient un solde net de 257 millions de dollars en retranchant les coûts des recettes. On est passé ensuite à 147 millions de dollars, puis à 13 millions de dollars en 2001, et enfin à 10 millions de dollars en 2001-2002. C’est donc de très loin le plus faible montant par tête de toutes les provinces du pays. Il y a eu d’ailleurs des années où la Saskatchewan ne touchait rien au titre de la péréquation.

    Je tenais à interroger M. Crowley qui a déclaré, lors de son intervention, que l’on pouvait ainsi sérieusement remettre en cause la possibilité pour une province moins développée de combler le fossé qui la sépare des autres. Je m’interroge sur les politiques suivies lorsque vous nous dites que ce programme exerce éventuellement une influence pernicieuse sur l’établissement des politiques provinciales. Je suis de près la politique du gouvernement de la Saskatchewan et je ne sais pas exactement quelles pourraient être les répercussions dans ce genre de province. Est-ce que vous appuyez vos affirmations sur des exemples précis ou est-ce que vous ne faites que généraliser? Je viens aussi d’une province dont l’économie est parfois volatile. Le marché ne détermine pas les conditions climatiques. Le climat est très sec dans cette province. On n’avait jamais connu de sécheresse comme l’année dernière depuis que l’on tient des statistiques en Saskatchewan.

+-

    Dr Brian Crowley: C’est une question très importante. Je dirais que les effets pervers sont plus ou moins annulés par le fait de se trouver systématiquement aux environs du seuil de péréquation, ce qui fait que parfois on touche la péréquation, parfois non. Lorsqu’on se situe en dessous, à concurrence d’un montant de 1,4 milliard de dollars, comme en Nouvelle-Écosse, on ne peut jamais s’en sortir. Ça ne risque pas de produire l’année suivante. Si je prends la bonne décision...

+-

    M. Lorne Nystrom: Ce sont tous ces gouvernements conservateurs en Nouvelle-Écosse, les socio-démocrates sont en Saskatchewan.

+-

    Dr Brian Crowley: Je pourrais même prendre l’exemple du Manitoba, qui perçoit un montant de péréquation relativement bien supérieur, comparativement à la Saskatchewan.

»  +-(1705)  

+-

    M. Lorne Nystrom: En effet.

+-

    Dr Brian Crowley: Si je ne me trompe, cela correspond dans son cas à quelque 20 p. 100 des recettes provinciales.

    Je crois que les répercussions sont grandes. À mon avis, l’influence qui s’exerce sur les politiques provinciales est d’autant plus élevée que l’on s’enfonce dans les subventions liées à la péréquation. J’ai donc l’impression que vous avez tout à fait raison et qu’il est plus difficile de déceler les effets pervers sur les politiques de la Saskatchewan que sur celles de la Nouvelle-Écosse ou de Terre-Neuve. La liste en est longue comme le bras.

+-

    M. Lorne Nystrom: Je suis heureux que vous fassiez cette réflexion au sujet de la Saskatchewan, étant donné que pour que nous puissions prétendre à bénéficier de la péréquation, tout dépend des conditions climatiques, de l’économie agricole internationale et de différents facteurs qui n’ont rien à voir avec notre économie.

    Pour en revenir aux principes généraux, je relève que vous nous dites que lorsqu’on subventionne une activité, celle-ci se développe. C’est conforme aux principes généraux de l’économie, mais parfois il y a des facteurs comme les guerres commerciales, le montant énorme des subventions dispensées par le projet de loi agricole des États-Unis, soit 180 milliards de dollars sur 10 ans. Cette activité va se développer aux États-Unis, mais diminuer chez nous. Par conséquent, il est là encore difficile de généraliser.

+-

    Dr Brian Crowley: Lorsque les Américains subventionnent l’agriculture, ils développent cette activité, mais les autres en ressentent les contrecoups.

+-

    M. Lorne Nystrom: Oui, ça diminue chez nous, ou en Argentine.

+-

    Dr Brian Crowley: Je suis d’accord, mais ce dont nous discutions ici, c’est des conséquences imprévues de nos politiques.

+-

    M. Lorne Nystrom: Dans le cas du projet de loi agricole, c’est une conséquence voulue.

+-

    M. Finn Poschmann: Je n’aime pas faire dire n’importe quoi aux chiffres, et je tiens ici à relever qu’il y a une hypothèse très claire, même si elle est implicite, qui s’attache aux chiffres nets. Le fait de donner un chiffre net revient à imaginer qu’il est légitime de soustraire effectivement l’impôt implicite de la subvention accordée. Imaginons que tout le monde ait ramené ici ce chiffre à zéro et que l’on ait pu alors décider de se débarrasser de ce programme; il n’y a pas de déplacement net, parce que les impôts vont tout simplement diminuer du même montant. C’est un véritable pari, n’est-ce pas? Pour quelle raison l’Ontario continue, sur le plan politique, à appuyer la péréquation? Cela lui coûte de l’argent, n’est-ce pas? Ne va-t-on pas pouvoir soutenir que l’Ontario, d’un point de vue fiscal, s’en sortirait mieux si elle n’appuyait pas ce programme? Eh bien, pas nécessairement, uniquement si l’on considère que l’argent économisé va effectivement vous revenir sous la forme d’un surcroît de dépenses ou de baisse d’impôt, et il y a là un véritable acte de foi politique. Il faut donc être prudent ici car il faut tenir compte des politiques économiques suivies par les provinces sur toutes ces questions.

    Pour en revenir à la question posée par le député, le premier ministre sortant de la Saskatchewan a souvent préconisé que cette province se débarrasse de l’influence de la péréquation, revienne à la situation antérieure et n’en bouge plus. Je crois que c’est une bonne politique.

+-

    M. Lorne Nystrom: En effet, ce serait le signe que notre économie va mieux. C’est évidemment l’objectif que cherche à atteindre la province depuis un certain temps.

    J’aimerais vous poser une dernière question sur le renforcement de la péréquation par la fiscalité. L’objectif est d’instaurer l’égalité dans toutes les provinces, mais tout dépend de la façon d’arriver à cet objectif. Comment y parvenir par le biais de la fiscalité fédérale? On ne peut pas avoir deux niveaux d’imposition fédérale, un taux d’impôt sur le revenu supérieur en Alberta à celui de l’Île-du-Prince-Édouard.

+-

    Dr Brian Crowley: C’est ce qui se passe à l’heure actuelle pour les impôts fédéraux, même au Québec.

+-

    M. Finn Poschmann: Oui, c’est une illustration des ententes que j’ai évoquées tout à l’heure. Je ne veux même pas parler ici en détail des avantages et des inconvénients de ce système, mais laissez-moi vous dire que c’est une pente extrêmement dangereuse, qu’il s’agisse des impôts sur le revenu des particuliers ou des entreprises. Il n’y a pas seulement les difficultés politiques, il y a aussi les problèmes d’affectation des ressources, les distorsions entraînées par différents taux d’imposition dans différentes provinces--d’énormes problèmes administratifs. Au moment où vous en serez encore à discuter des projets d’amendements à la loi de l’impôt, je serai en train de créer des mécanismes financiers devant permettre de déclarer les coûts dans une province et de toucher les recettes dans une autre. Les risques de distorsion sont énormes. J’ai bien du mal à voir l’intérêt d’une disparité des taux d’imposition selon les provinces, même si je suis tout à fait d’accord avec l’objectif recherché.

»  +-(1710)  

+-

    La présidente: Très bien.

    Monsieur Pillitteri.

+-

    M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Je vous écoute ici avec un certain enthousiasme et il y a bien longtemps que je ne me suis pas assis sur cette chaise au sein du comité de finances. Je veux enchaîner sur les observations faites par mon collègue, M. Wilfert, qui nous rappelle qu’au départ les paiements de péréquation visaient à maintenir les Canadiens dans leurs régions et dans leurs foyers en leur permettant de bénéficier de tous les services dont disposent tous les Canadiens, dans l’ensemble de notre pays, en évitant ainsi aux gens d’avoir à se déplacer à l’intérieur du Canada. Étant originaire de l’Ontario, je le comprends bien et je souscris de tout coeur à cet objectif, mais je relève une observation qu’a faite M. Poschmann à la suite d’une question que lui a posée Mlle Picard au sujet des points d’impôt. Le gouvernement de l’époque savait bien ce que signifiait le fait de laisser, sur le plan fiscal, le terrain aux provinces. Toutefois, le gouvernement fédéral n’a pas fait seulement cette offre au Québec, mais à toutes les provinces. Si certaines provinces ont décidé de s’en prévaloir, tant mieux pour elles. Si elles ne l’ont pas fait, c’était là encore leur prérogative.

    J’aimerais revenir sur le sujet et vous poser une question simple. Ces 20 dernières années, aucun changement n’est intervenu entre les provinces nanties et celles qui ne le sont pas. Avant cela, même l’Ontario a touché à une occasion des paiements de péréquation. C’était une province non nantie. Les besoins ont donc évolué au fil des années d’une province à l’autre. Nous nous rendons compte, avec la découverte du pétrole au large des côtes de Terre-Neuve et du gisement de Voisey Bay, que si elle décidait de mettre en valeur toutes les ressources dont elle dispose, la province de Terre-Neuve deviendrait une province nantie et ne pourrait probablement plus percevoir de paiements de péréquation parce qu’elle mettrait en valeur ses propres ressources.

    Donc, lorsque vous nous dites que la péréquation n’est pas une bonne chose pour notre pays, je m’inscris en faux parce que ce ne sont pas toujours les mêmes provinces qui perçoivent en même temps des paiements de péréquation, il y a eu des variations. Il faut que la croissance de la province s’accompagne de la croissance du secteur privé. Vous êtes en train de me dire, à un entrepreneur comme moi de l’Ontario, du Québec, etc., que le gouvernement, par le biais de la fiscalité, doit intervenir dans ces provinces et stimuler l’économie, inversant donc complètement sa politique et faisant en sorte que les gens se déplacent dans notre pays.

    Que vous le vouliez ou non, notre économie est aujourd’hui mondialisée. J’ai dit l’autre jour à des personnes qui rendaient visite à mon entreprise: Vous voyez ce produit? Il nous vient du Portugal, il est fabriqué en Allemagne, il est estampillé en Californie et nous l’utilisons ici même au Canada--il s’agissait en l’occurrence d’un gros bouchon en liège.

    Si vous me dites qu’il nous faut nous servir de la fiscalité au Canada pour avoir une meilleure compréhension et assurer un meilleur niveau de vie à l’ensemble des Canadiens, et non pas pour accorder une aide temporaire à ceux qui n’ont pas réussi à dispenser eux-mêmes ces services, si vous me dite qu’il faut que le gouvernement intervienne, je ne suis absolument pas d’accord, parce que soudainement vous allez entraîner des distorsions au sein des économies naturelles de ces provinces.

»  +-(1715)  

    Puisque l’on parle de l’Irlande, remettons les choses à leur place. L’Irlande est un pays de quatre millions d’habitants au sein d’une Europe qui en compte 400 millions et vous nous répétez constamment à quel point cette économie s’est bien comportée en bénéficiant de l’ensemble des subventions de la Communauté européenne. Elle profite non seulement de toutes ces subventions, mais aussi de la protection économique de 400 millions de personnes.

    Que répondez-vous à cela, monsieur Crowley?

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    Dr Brian Crowley: Je suis sûr que tout le monde a sa propre idée là-dessus. Vous avez abordé plusieurs points que nous allons reprendre un par un.

    Au sujet, tout d’abord, du nombre de provinces qui dépendent de la péréquation, Je crois que l’Ontario et la Colombie-Britannique étaient les seuls à payer lorsque le régime est entré en vigueur. En Colombie-Britannique, ce n’était pas grand-chose. Je ne pense pas que l’Ontario ait déjà été bénéficiaire de la péréquation.

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    M. Finn Poschmann: Effectivement, si vous me permettez d’intervenir. Très temporairement, l’Ontario a effectivement pu prétendre à la péréquation, mais c’était trop gênant et les règles ont été modifiées pour que les montants ne soient pas versés.

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     Mme Tracy Snoddon: L’Ontario elle-même a convenu de ne pas recevoir la péréquation.

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    Dr Brian Crowley: Soyons bien clairs. Depuis l’entrée en vigueur du programme, une seule province, l’Alberta, a véritablement réussi à sse sortir de la péréquation. L’Alberta était bénéficiaire de ce programme lorsqu’il a été créé en 1957, puis en est sortie au début des années 1960, si je ne me trompe. La Colombie-Britannique, pour la première fois, passe du statut de payeur à celui de bénéficiaire. Il est donc inexact de laisser entendre qu’il y a eu toute sorte de fluctuations au-dessus et au-dessous du seuil. Une province y a véritablement échappé, une autre tourne autour du seuil et une troisième est passé du statut de province nantie à celle de bénéficiaire. Je ne pense donc pas que cela nous mène très loin.

    En ce qui a trait aux objectifs du programme, j’espère qu’il est bien clair que personne ne conteste les bonnes intentions de la péréquation. Ce dont nous parlons, ce sont des conséquences imprévues qui découlent de la mise en oeuvre de ces bonnes intentions. Il y a justement toute une série de conséquences imprévues qui n’ont rien à voir avec les objectifs de la péréquation. Je m’efforce de dire que nous avons mis les bonnes intentions dans la balance et qu’il faut nous demander si nous avons atteint le bon équilibre.

    Évoquons à l’instant le cas de l’Irlande. Il est vrai que c’est un petit pays au sein d’un grand continent. Les Maritimes sont une petite région au sein d’un grand continent. L’Irlande est plus riche aujourd’hui que le Canada alors qu’elle en était très loin il y a tout juste 15 ans. Si ma mémoire est bonne, les transferts faits par Bruxelles en faveur de l’Irlande ont fluctué ces 15 dernières années entre 5 et 9 p. 100 du PIB de l’Irlande. Les transferts effectués par Ottawa en faveur des Maritimes se sont étagés entre 20 et 40 p. 100 du PIB. Autrement dit, les transferts effectués en faveur des Maritimes, au point le plus bas, ont été deux fois plus élevés que ceux de l’Irlande au point le plus haut, alors que l’Irlande a comblé le fossé qui la séparait des nantis bien plus rapidement que les Maritimes. On n’a donc pas résolu le problème en se contentant d’envoyer des chèques.

    Je me ferai un plaisir de remettre aux membres du comité les ouvrages que j’ai mentionnés Road to Growth et Retreat From Growth, dans lesquels nous décrivons de manière assez détaillée ce qui s’est précisément passé dans ces autres pays comparativement aux Maritimes. Je suis prêt à dire que l’exemple de l’Irlande et d’un certain nombre d’autres pays sont pertinents, si tant est qu'il y ait des analogies parfaites. Les situations sont toujours différentes, je suis d’accord avec vous sur ce point.

    Toutefois, nous sommes certainement en mesure, et nous l’avons répété à maintes reprises aujourd’hui, de prendre du recul et de nous demander si la solution que nous avons adoptée pour les Maritimes est la meilleure, si l’on ne peut pas faire mieux que ce que nous avons fait jusqu’à présent en évitant les erreurs. Bien évidemment, c’est ainsi qu’il nous faut agir.

»  +-(1720)  

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    La présidente: M. Harris, suivi de Mme Leung, disposeront de cinq minutes chacun.

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    M. Richard Harris: J’en conclus que les sept provinces qui bénéficient actuellement de la péréquation, à l’exception de la C.-B., qui vient juste de se joindre au groupe, bénéficient de la péréquation depuis 45 ans.

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    Dr Brian Crowley: Oui. La Saskatchewan se trouve juste à la limite.

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    M. Richard Harris: Au bout de 45 ans d’application de ce programme, il est bien possible que ces provinces soient appelées à en bénéficier encore pendant 45 ans, parce que nous n’avons apparemment pas trouvé de solution de rechange. M. Wilfert s’est demandé quelle était la solution de rechange à la péréquation. D’après moi--vous direz peut-être que je suis stupide--c’est une économie plus dynamique dans les provinces concernées, ce qui s’obtient en faisant progresser les dépenses à la consommation et les investissements des entreprises dans ces provinces, avec comme conséquence davantage d’emplois. En raison des retombées sur la fiscalité, davantage de dollars vont entrer dans les coffres provinciaux et permettre de bâtir davantage d’infrastructures et de fournir plus de services.

    Monsieur Poschmann, vous nous avez dit, je pense, qu’il est inconcevable d’envisager une disparité des taux d’impôt fédéraux selon les provinces et que ce serait un véritable cauchemar. Toutefois, n’est-ce pas ce que nous avons à l’heure actuelle, sous une autre forme, du fait des paiements de péréquation? Ce sont des dollars perçus auprès des contribuables qui sont restitués aux provinces, mais ils le sont au gouvernement et non pas à la population. C’est toute la différence, mais cela prend quand même la forme d’une disparité des taux d’imposition selon les provinces. L’Alberta et l’Ontario ne bénéficient pas de la péréquation, contrairement aux autres provinces.

    Des gens bien plus savants que moi ont préconisé que l’on mette sur pied un programme sur 20 ans pour essayer de se sortir de cette péréquation. Chaque année, on compenserait la réduction des paiements de péréquation par une réduction de l’impôt fédéral. Nous n’essayerons pas de le faire du jour au lendemain, mais sur 20 ans nous pourrions en arriver à un point où les provinces verraient les effets des retombées de la réduction de l’impôt sur le revenu fédéral s’accompagnant d’une progression des dépenses des consommateurs et des investissements des entreprises, ce qui leur ferait effectivement prendre conscience des avantages de cette façon de procéder.

    Il m’apparaît qu’au bout de 45 ans, à partir du moment où ces sept provinces continuent à être bénéficiaires de la péréquation, il y a là un schéma qu’il sera très difficile de casser à moins que l’on se prépare résolument à faire les premiers pas. C’est un acte de foi, mais il faut bien commencer, et attendre 45 ans de plus n’est pas vraiment la solution. Il faut que ces provinces puissent bâtir leur économie afin de se sortir de la péréquation. Il me semble que la C.-B. va en être bénéficiaire pour la première fois de son histoire. Nous n’en sommes pas heureux, nous sommes gênés et, croyez-moi, nous espérons tous pouvoir nous en sortir l’année prochaine. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour y parvenir.

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    La présidente: Je pense qu’il ne reste pas de temps pour la réponse.

    Madame Leung, vous avez la parole.

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    Mme Sophia Leung (Vancouver, Kingsway, Lib.): Merci, madame la présidente.

    Vous nous avez fait tous les trois d’excellents exposés, d’un grand intérêt.

    J’ai encore tout frais à la mémoire--je crois que c’était l’année dernière--le souvenir de tous les ministres de Finances des provinces non nanties venus ici nous demander une augmentation. Cela ne faisait pas bonne impression, mais aujourd’hui je le vois encore d’un oeil bien différent. Nous avons ici un régime national à la Robin Hood, et nous donnons effectivement à ceux qui n’ont pas suffisamment. Je constate cependant que nous avons bien besoin de réforme. Les 33 secteurs permettant de calculer les recettes tirées de l’impôt sont tout à fait absurdes. C’est parfaitement illogique. Je suis sûre qu’il y a bien des malentendus et que c’est la raison de paiements effectués en trop.

    Je suis originaire de la C.-B. Nous appartenons à des partis différents, mais nous convenons qu’il n’est pas très bon de se retrouver dans cette position de demandeur. Nous n’avons pas l’intention d’y rester. Je me suis entretenue récemment avec le premier ministre de la C.-B., et celui-ci ne veut même pas entendre parler de province dans le besoin.

»  +-(1725)  

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    M. Shawn Murphy: Il s’agit cependant des libéraux.

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    Mme Sophia Leung: Une certaine forme de libéraux.

    Quoi qu’il en soit, je tiens simplement à vous dire que nous sommes vraiment très motivés et que nous ne voulons par rester dans cette situation.

    En C.-B., nous avons un grand nombre d’immigrants récents. Ils nous disent qu’il n’est pas étonnant que les Canadiens ne soient pas motivés étant donné qu’il semble que tout leur soit dû, depuis leur naissance jusqu’à leur mort. Cela m’agace souvent, parce que nous faisons preuve de compassion, nous voulons donner, nous ne sommes pas un État providence. D’un autre côté, je suis bien persuadée que les incitations et la motivation ont une grande importance, mais je peux comprendre que dans l’intervalle il faille aider ceux qui sont dans le besoin.

    Je suis vraiment intéressée par les modalités de réforme, par les tentatives en vue de rétablir la motivation. Je sais que notre premier ministre a déjà déclaré que nous allions lancer de nouvelles industries pour faire progresser entre autres les investissements, et que nous allions aussi construire des infrastructures. J’aimerais cependant que nos trois experts nous disent comment ils se proposent de lancer la réforme.

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    La présidente: Monsieur Poschmann.

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    M. Finn Poschmann: C’est une grande question et, là encore, tout dépend en fait de l’horizon qu’on se donne. Si vous voulez des recommandations qui soient vraiment utiles à ce stade, il faut qu’elles portent sur de petites améliorations, il n’y a pas à en sortir. Nous pouvons toujours parler, mais il nous faut mettre sur pied un projet économique et politique de grande envergure avant d’avoir une chance réaliste de mettre en oeuvre une réforme plus fondamentale.

    Je suis toutefois très optimiste. Je suis tout à fait frappée par le fait que tous ceux à qui j’ai pu parler en C.-B. et que tous les responsables politiques que j’ai entendus sont absolument horrifiés par la perspective de devenir des bénéficiaires. C’est là un message très fort qui signifie que tout ne va pas pour le mieux dans le monde de la péréquation.

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    Dr Brian Crowley: J’ai déjà trop parlé de ce que l’on pourrait faire au sujet de la péréquation, mais laissez-moi revenir sur le point qui me paraît véritablement le plus important. S’il nous fallait changer une chose, j’aimerais que l’on ne pense plus à la péréquation en termes de programme prédéterminé au niveau de l’État. C’est devenu une institution qui se perpétue. Il se trouve tout simplement qu’il y a des pauvres et des riches et que nous prenons de l’argent aux riches pour le donner aux pauvres, un point c’est tout. Nous devons réfléchir autrement afin de changer la situation qui nous amène à faire des paiements de péréquation. Si nous réussissons à montrer aux gens où nous voulons les mener, ils nous suivront à partir du moment ou on leur donne un projet pour y parvenir. Le problème, c’est que lorsque les ministres des Finances se présentent à notre porte, ce ne sont que les dollars qui les intéressent--ceux de cette année, même pas ceux de l’année prochaine.

    La seule façon d’améliorer le programme de péréquation est de régler un certain nombre de ces effets pervers et de bien montrer aux gens que ces programmes ont des conséquences imprévues, qu’ils ont des incidences à long terme au sein du système et que la seule façon d’y remédier est d’avoir un projet de rechange à long terme auquel nous pourrons tous souscrire à un moment donné, et de mettre alors en place un programme nous permettant d’y parvenir.

»  -(1730)  

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    La présidente: Madame Snoddon.

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     Mme Tracy Snoddon: Les montants de péréquation progressent au fil des années. Cela s’explique entre autres par le fait que les provinces les plus riches sont de plus en plus riches et qu’à mesure que leur assiette fiscale s’élargit, la péréquation augmente. L’un des problèmes vient du fait que la péréquation est calculée en fonction de cette norme, qui progresse au fil des années. On pourrait donc reconsidérer ce que l’on prend comme norme. Est-ce qu’elle va se déplacer avec le temps en terme de croissance nominale ou réelle, ou est-ce que nous voulons définir à l’échelle nationale certains critères minimums de référence nous permettant d’éviter cette escalade? Par conséquent, une fois que l’on se sera référé à une norme minimale, il ne sera pas nécessaire de faire un calcul en fonction de la moyenne nationale ou de celle de cinq provinces, la norme étant abaissée. On évite alors cette escalade et on plafonne ainsi les effets de la désincitation.

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    La présidente: Je vous remercie.

    Au nom de tous mes collègues présents ici aujourd’hui et de tous les membres du comité des Finances, je tiens à vous remercier de nous avoir fait profiter de votre science et de nous avoir consacré votre temps. Au sein d’un comité qui comporte de nouveaux membres et d’autres plus anciens qui n’ont pas tous la même connaissance des problèmes, nous tenions à discuter, comme nous l’avons fait ici, des questions de fond. Nous y reviendrons peut-être à l’avenir, mais je vous remercie de l’aide que vous nous avez apportée aujourd’hui.

    J'informe mes collègues que nous avions prévu de discuter de notre ordre du jour futur. Comme nous n’avons pas ici même suffisamment de membres ayant droit de vote, je vais reporter cette réunion à un autre jour. M. Cullen nous dit qu’il ne souhaite pas présenter sa motion pour l’instant. Il le fera à un moment donné, après le congé. Je vais donc tout simplement reporter à plus tard l’examen de toutes ces questions.

    Je vous remercie. La séance est levée.