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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 055 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 6 novembre 2012

[Enregistrement électronique]

  (1535)  

[Traduction]

    Bonjour, mesdames et messieurs.
    Nous poursuivons notre étude des soins offerts aux membres des Forces canadiennes malades ou blessés. Nous sommes très chanceux de revoir le brigadier-général Jean-Robert Bernier, médecin-chef des Forces canadiennes et commandant du Groupe des services de santé des Forces canadiennes. Il lui incombe d'assurer la prestation de tous les services de santé aux militaires, depuis les soins primaires jusqu'aux soins en santé mentale et aux soins de santé dispensés aux militaires déployés.
    Selon le Rapport du Médecin-chef 2010, il est également chargé de dispenser des conseils en matière médicale à l'échelle de toute la chaîne de commandement. D'un point de vue stratégique, cela comprend conseiller les cadres ministériels supérieurs pour les questions importantes liées à la santé, assurer la liaison avec d'autres organisations sanitaires militaires et civiles, établir la stratégie ainsi que les politiques et les procédures pour le réseau professionnel technique au sein du Groupe des services de santé des FC, et suivre les développements en matière de santé dans le monde.
    Le lieutenant-colonel Alexandra Heber, psychiatre principale et chef de clinique au Centre de soutien pour trauma et stress opérationnels d'Ottawa l'accompagne.
    Soyez les bienvenus parmi nous.
    Nous allons commencer par vos observations préliminaires, général Bernier. J'apprécierais que vous ne dépassiez pas 10 minutes.

[Français]

     Mesdames et messieurs, je vous remercie de l'intérêt constant que vous portez aux membres des Forces canadiennes et de l'appui que vous leur accordez. Je vous remercie également de me donner l'occasion de vous parler de nouveau de ce sujet crucial.
    Étant donné votre intérêt pour la santé mentale des membres des Forces canadiennes, je suis accompagné aujourd'hui du lieutenant-colonel Alexandra Heber, qui est parmi nos quatre psychiatres principaux. Elle est également chef de clinique à notre Centre de soutien pour trauma et stress opérationnels d'Ottawa.

[Traduction]

    Depuis ma dernière comparution devant le comité, plusieurs événements ont fait évoluer nos programmes et services de santé. Aucune institution tenue par des hommes ne saurait être parfaite, et la nature de certaines maladies ou blessures fait qu'elles ne peuvent être guéries ou qu'un rétablissement complet est impossible dans bien des cas, mais nous sommes conscients de la nécessité de l'apprentissage et de l'amélioration continus, et nous avons un avantage par rapport aux autres instances de santé, soit que les FC disposent d'un contrôle central sur la plupart des aspects de notre organisation et de notre population ayant une influence sur la santé.
    Par exemple je peux orienter les efforts, les champs de pratique, l'emploi, les normes professionnelles, les études et l'instruction de nos groupes professionnels de la santé de façon à maximiser la cohérence et la coordination des services de santé, tandis que la direction non médicale peut contrôler les éléments professionnels qui contribuent à la santé, comme l'éducation générale sur la santé, les tendances culturelles et l'attitude des dirigeants pour réduire les stigmates, les mesures de soutien des pairs et de la famille, etc.
    Ce contrôle central de la plupart des facteurs liés à la santé explique en partie pourquoi les Forces canadiennes peuvent produire une unité de soins à un coût légèrement inférieur à celui des instances de santé civiles, tout en offrant un programme plus vaste dans des domaines comme la santé mentale, et pourquoi nous pouvons mettre en oeuvre des changements assez rapidement pour donner suite à des rapports d'évaluations internes ou externes, comme ceux récemment produits par l'ombudsman des FC et le vérificateur général. Bien que toutes les préoccupations figurant dans ces rapports fassent l'objet de mesures, la plupart de celles concernant les FC étaient déjà en cours avant même la publication des rapports.
    Le contrôle et la coordination centralisés des FC sont aussi particulièrement cruciaux pour la santé mentale, où les meilleures issues découlent d'un étroit partenariat entre le personnel médical, le patient et la chaîne de commandement.
    Nous avons cependant des problèmes qui exigent une attention et des efforts soutenus. Si la fin des opérations de combat en Afghanistan a réduit le rythme des opérations de plusieurs armes des FC, ce n'est pas le cas des services de santé en ce qui concerne la santé mentale. Bien des cas de maladie mentale liés à un traumatisme mettent des années à se manifester, et notre étude sur l'incidence cumulative des blessures de stress opérationnel associées à l'Afghanistan montre, par exemple, que nous pouvons nous attendre à entre 1 300 et 1 500 autres cas de TSPT dans les années à venir, chacun d'eux exigeant des soins et un soutien imposants afin de limiter l'évolution de la maladie et de maximiser les chances de rétablissement.
    Un défi particulier consiste à identifier et à faire soigner tous les réservistes qui souffrent de problèmes de santé liés au service militaire après qu'ils aient repris le service à temps partiel. Leur unité de la Réserve peut se trouver loin des bases des FC, dans une région où les services en santé mentale offerts par leur province sont limités, et ils peuvent avoir un accès au soutien militaire et social chez eux moindre que leurs collègues de la Force régulière, compte tenu de la distance par rapport à une forte population de collègues militaires ayant l'expérience des déploiements.
    Toutefois, nos problèmes touchent généralement les membres réguliers et les réservistes des Forces canadiennes. Ils doivent être réglés dans le contexte d'une pénurie nationale de professionnels en santé mentale, de la nécessité d'un leadership fort et du soutien des pairs pour que les victimes aient rapidement accès aux soins, de la nature de certains troubles qui peuvent empêcher la victime de reconnaître qu'elle a besoin de soins, du respect du traitement et de l'amélioration clinique.

  (1540)  

[Français]

    Bien qu'une perspective objective et relative continue d'indiquer que les Forces canadiennes disposent peut-être du meilleur système de santé global du Canada et de l'OTAN, nous devons et nous pouvons continuer de nous améliorer. Ainsi, en santé mentale, nous avons de bonnes ressources et nous disposons d'un plan dynamique pour améliorer le recrutement du personnel clinique, ce qui permet de réduire davantage les temps d'attente pour des soins et d'améliorer d'autant les communications, l'éducation et les traitements.
     Nos problèmes, qui sont d'ordre systémique, sont réglés de façon progressive. Pour les soins en santé mentale, nous avons des temps d'attente globaux nettement moins longs. En outre, notre nombre de dispensateurs de soins par personne est plus élevé que dans toute autre institution canadienne.

[Traduction]

    La qualité de nos programmes et notre leadership en santé mentale continuent aussi d'être reconnus par des autorités externes indépendantes. Ainsi, le sénateur Dallaire s'est fait dire, lors de la conférence de l'American Psychiatric Association de cette année que le « programme du Canada pour les blessures de stress opérationnel est considéré comme l'exemple à suivre par les États-Unis et, l'espère-t-on, par d'autres pays ».
    Dre Fiona McGregor, présidente sortante de l'Association des psychiatres du Canada, a récemment déclaré publiquement que « les Forces canadiennes ont raison d'être fières de leur programme en santé mentale, qui a été reconnu par leurs alliés de l'OTAN et des organismes civils ».
    Pour sa part, l'ombudsman des FC a déclaré dans son dernier rapport que « les soins et le traitement des membres des Forces canadiennes qui souffrent d'un traumatisme lié au stress opérationnel se sont améliorés depuis 2008 et qu'ils sont nettement supérieurs à ceux qui existaient en 2002 ».
    Cette norme élevée de soins est non seulement le résultat d'un contrôle global centralisé du système de santé militaire, mais aussi de l'extrême motivation et du grand dévouement des membres des FC. Ainsi, le personnel des Services de santé a traité de nombreuses personnes souffrant de blessures horribles en Afghanistan, il a souvent côtoyé la mort, il a connu le plus grand nombre de victimes et de morts au combat après les spécialistes de l'arme de combat, et la maladie mentale et le suicide le touchent comme tout autre élément des forces armées.
    Bien que les spécialistes médicaux qui élaborent nos programmes de santé soient des non-combattants, ils sont d'abord et avant tout des soldats, et la plupart ont été envoyés en mission en sachant mieux que quiconque que leur vie, leur santé et celles de leurs amis dépendaient de la qualité des programmes et des services qu'ils élaborent.
    Un solide appui de la direction de la Défense contribue aussi grandement à la qualité de notre programme et à notre confiance en notre capacité de nous améliorer progressivement pour relever nos défis. On en a récemment eu la preuve grâce au solide appui de la direction ainsi qu'à sa forte participation à une série de briefings régionaux sur la santé mentale des FC qui ont été donnés cette année, à un récent symposium sur la santé mentale réunissant le Canada, les États-Unis et le Royaume-Uni qui s'est tenu à l'ambassade du Canada à Washington, et au Symposium du Chef du personnel militaire sur la santé mentale à l'intention des hauts dirigeants des FC qui a eu lieu en octobre.
    Mais surtout, cela se reflète dans l'initiative du ministre de la Défense visant à accroître le budget militaire consacré à la santé mentale de 11,4 millions de dollars pour atteindre les 50 millions de dollars annuellement, malgré que tous les éléments du MDN doivent contribuer à la réduction du déficit national.
    Le feld-maréchal et vicomte Slim, l'un des grands commandants de la Deuxième Guerre mondiale, a souligné avec justesse que « ce sont les officiers au front plutôt que les médecins qui gagnent plus de la moitié des batailles contre les maladies ». Les efforts visant à favoriser, à protéger et à rétablir la santé des membres des FC ont bénéficié d'un fort appui de la direction des forces armées et l'on s'attend à ce que cet appui se maintienne.
    Les FC sont tout aussi actives et reconnues comme leader dans d'autres domaines de la santé militaire. Par exemple, le colonel Homer Tien, directeur médical du plus gros centre de traumatologie du Canada, est largement reconnu pour son leadership exceptionnel en intervention médicale visant à sauver des vies, lequel s'est manifesté lors de la fusillade qui a eu lieu à Toronto le 16 juillet 2012.
    Le Système d'information sur la santé des Forces canadiennes est le premier système pancanadien de dossiers médicaux électroniques. Il permet aux cliniciens militaires d'avoir accès au dossier médical de notre population très mobile, à partir de n'importe où dans le monde, que ce soit sur terre ou en mer. Le système a reçu un prix de distinction lors de la Conférence et exposition sur la technologie dans l'administration gouvernementale de cette année; il est donné comme modèle pour les autres ministères par le dirigeant principal de l'information du gouvernement fédéral. Nous avons établi une chaire de recherche des FC sur les traumatismes liés au service militaire, et nous nous efforçons d'établir une chaire de recherche des FC sur les soins intensifs liés au service militaire.
    Notre médecin-chef adjoint a été choisi pour présider le Comité de recherche de l'OTAN sur la santé, la médecine et la protection, et des membres du personnel des Services de santé et des FC assument des rôles de leadership dans pratiquement toutes ses activités de recherche liées à la santé mentale. Cette année, l'OTAN a choisi le Canada comme récipiendaire du Prix Larrey pour la plus grande contribution médicale à l'égard de l'alliance, en reconnaissance de notre excellence lorsque nous avons établi et dirigé le tout premier hôpital multinational de rôle 3 de l'OTAN durant des opérations de combat.

  (1545)  

[Français]

    Les membres des Forces canadiennes acceptent de prendre des risques extrêmes et de faire des sacrifices lorsqu'ils protègent notre pays. Voilà pourquoi ils méritent que les Forces canadiennes leur accordent une grande priorité en leur offrant une norme de soins de santé qui optimise leur protection et leurs chances de rétablissement après une maladie ou une blessure. Les chefs de la Défense nationale et les services de santé des Forces canadiennes sont déterminés à maintenir ou à améliorer cette norme.

[Traduction]

    Je serais heureux de répondre du mieux que je peux à vos questions concernant le système de santé des Forces canadiennes et d'obtenir les réponses que je ne pourrai vous donner sur-le-champ.
    Je vous remercie.
    Merci, général Bernier. J'ai bien aimé ces observations préliminaires.
    Nous amorçons notre tour de sept minutes.
    Monsieur Harris, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, général Bernier, de votre présence parmi nous. Nous sommes heureux de vous accueillir.
    Vos responsabilités sont manifestement légion, pour employer un terme militaire, mais de toute évidence, la protection des Forces est extrêmement importante dans une opération militaire et la prestation de soins aux soldats blessés et malades est l'une des responsabilités que nous étudions.
    Quant à l'une de nos préoccupations, ou des miennes du moins, par suite de certains événements récents, notamment les préoccupations de votre prédécesseur face à l'obligation de pratiquer des compressions de nature administrative, et à la lumière du rapport du général Leslie, que vous connaissez sans aucun doute, de même que certaines remarques formulées par le premier ministre l'autre jour à la cérémonie de passation de commandement pour le chef d'état-major de la Défense, je suppose qu'une façon crue de l'exprimer serait de vous demander: est-ce que vous croyez que votre travail fait partie de la tête ou de la queue des Forces canadiennes?
    Craignez-vous d'être vu comme une partie de la queue et que votre capacité d'administrer vos programmes puisse être touchée?
    Je vous remercie pour cette question, monsieur.
    On a parfois l'impression, surtout après de longues périodes de paix, que le système des soins de santé constitue plutôt une arme de soutien, parce que nous avons le double rôle de maintenir le système de santé statique, interne, le rôle global d'un ministère de la Santé, avec des éléments d'un ministère de l'Éducation, d'un ministère du Travail, etc. — tout ce qui concerne la santé. Toutefois, tous ces rôles sont désormais reconnus, surtout après une décennie d'opérations en Afghanistan. Presque tous les commandants militaires qui ont été affectés à des opérations de cette nature sont clairement conscients du rôle de protection de la force et de l'impact sur le moral des troupes.
    Certains m'ont dit que nous devrions être considérés comme une arme d'appui au combat, au minimum, plutôt qu'un service de soutien logistique du combat, à cause de notre importance cruciale. Nos cliniciens, en particulier nos techniciens médicaux mais même nos médecins, sont à l'avant avec l'infanterie, à la pointe, que ce soit en patrouille ou dans une base d'opérations avancée et ce genre de choses. Le commandant de l'armée m'a dit plusieurs fois que le moral des troupes, leur volonté de se battre et leur empressement à se sacrifier sont clairement liés à la confiance qui les habite qu'on prendra bien soin d'eux par la suite et que le système médical leur donnera toutes les chances de survivre s'ils devaient être blessés.
    De même, je mentionnerai en passant que l'appui des politiciens et du grand public joue aussi un grand rôle dans leur motivation et leur volonté de faire des sacrifices.
    J'ai confiance, surtout après 10 ans d'opérations, que la visibilité de certaines opérations — par exemple les opérations d'aide humanitaire en Haïti — que le service médical est l'arme appuyée plutôt que l'arme d'appui du service. On reconnaît largement, non seulement au niveau de l'état-major mais dans l'ensemble des forces armées, que le système de santé est essentiel et que plusieurs éléments du système sont réputés être à la pointe.
    Si je comprends bien, vous êtes d'accord avec votre prédécesseur que toute réduction du financement des services de santé nuirait à la capacité des Forces canadiennes de continuer à agir efficacement.
    Toute diminution des ressources affectées à la santé aurait un certain impact, mais il serait possible d'atténuer de différentes façons la majorité sinon pratiquement la totalité des éléments de cet impact. Nous pouvons réaliser de nombreux gains de productivité. Nous sommes extrêmement efficaces, comme en témoigne l'examen effectué par un vérificateur indépendant pour le compte de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, qui a conclu que nous coûtons moins cher que les systèmes de santé civils. Il y a différentes façons — d'ordre financier — d'atténuer l'impact et de garantir que les services dont nos soldats ont besoin leur seront dispensés d'une façon ou d'une autre.
    L'appui clinique fourni aux troupes sur le terrain sera maintenu d'une façon ou d'une autre. Nous optimiserons l'utilisation de nos ressources. Comme toutes les composantes du ministère de la Défense, nous avons une responsabilité envers le contribuable de maximiser notre efficacité et d'éviter les coûts superflus. Nous subissons les mêmes examens que toutes les composantes du ministère de la Défense et de l'administration publique doivent subir pour garantir que l'argent des contribuables est utilisé de la façon la plus responsable possible.
    Toutefois, cela dit, les services dont les soldats ont besoin continueront d'être assurés.

  (1550)  

    Un enjeu qui a été soulevé de temps à autre — et vous l'avez déjà mentionné — est la difficulté de recruter, commune à d'autres professions de la santé, en particulier dans le domaine de la santé mentale. L'enjeu a déjà été soulevé ici dans le cadre de nos travaux il y a quelques années.
    Par exemple nous voyons les plaintes de dispensateurs de services, comme la situation qui s'est produite à Petawawa en avril dernier. On avait donné à entendre à l'époque que les services cliniques éprouvaient des difficultés parce que les charges de travail étaient très lourdes et que les Forces canadiennes affichaient un manque de souplesse. Les cliniciens ont dit que leurs salaires n'étaient pas compétitifs par rapport à ceux que touchaient les titulaires de postes similaires à l'extérieur de la base; que le maintien des effectifs était compromis à cause d'une rigidité totale et d'une absence de souplesse par rapport au travail à temps partiel plutôt qu'à temps plein ou à l'aménagement des horaires de travail, etc., à l'origine d'un roulement élevé du personnel; et que même pour obtenir un diagnostic de maladie mentale, les délais pour passer à l'étape suivante, pour être vu par des cliniciens, étaient déraisonnables.
    Ces plaintes témoignent d'un manque de ressources ou d'un manque de capacité de déployer ces ressources de façon à garantir que les membres actifs des Forces canadiennes reçoivent de l'aide, et nous parlons ici des membres actifs, sans parler de leurs familles. Avez-vous une solution à proposer, ou s'agit-il de l'une de vos préoccupations?
    C'est une préoccupation, et c'est un problème qui afflige toutes les autorités sanitaires au Canada et dans la plupart des pays du monde, mais je peux vous dire que les obstacles à l'atteinte de toutes nos cibles ambitieuses en matière de dotation du personnel en santé mentale, par exemple, ne sont pas liés aux ressources. Ils sont liés à la mobilité géographique ou à la difficulté de convaincre des professionnels de se réinstaller dans des régions relativement éloignées et rurales lorsqu'ils ont la possibilité, vu la pénurie nationale de professionnels de la santé mentale, de trouver du travail dans les grands centres urbains. C'est le principal obstacle.
    Un autre obstacle tient simplement au fait que le processus d'embauche de la fonction publique est long. Nous avons toutefois une échappatoire; nous avons un entrepreneur indépendant, Calian, qui paie les taux du marché pour attirer des gens et dont le processus d'embauche est beaucoup plus rapide. Le problème néanmoins, c'est que même si Calian paie les taux du marché, malgré la rapidité avec laquelle l'entreprise peut recruter des gens, malgré tout cela, les gens ne sont simplement pas prêts à déménager dans certaines régions du pays ou à se relocaliser.
    Assurément, cet argument serait valable pour certaines personnes, mais si elles se plaignent du manque de souplesse, du traitement non compétitif, de l'impossibilité de travailler à temps partiel, etc., il semble y avoir un problème plus fondamental que le simple fait de ne pas vouloir s'installer dans une région rurale.
    Votre temps est écoulé.
    Monsieur Alexander, c'est votre tour.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Médecin-chef, c'est merveilleux de vous revoir.
    J'aimerais avant toute chose vous rendre hommage, à vous et tous vos collègues des Services de santé des Forces canadiennes.
    D'après mon expérience personnelle, d'après tout ce que nous avons entendu ici et d'après tout ce que nous avons lu, je crois honnêtement que l'un des hauts faits en matière de valeur et d'accomplissement du Canada dans la mission de l'Afghanistan dont on ne parle pas revient à votre service — vos services au pluriel — dans l'hôpital de rôle 3 et en général au sein de la Force internationale d'assistance à la sécurité, au sein du contingent canadien.
    Vous avez nos remerciements inconditionnels — de nous tous ici présents, je crois — pour ce travail incroyablement brave et professionnel qui s'inscrit dans une longue tradition dans les Forces canadiennes.
    Je pense à sir Frederick Banting, dont le nom coiffe maintenant la chaire de recherche du colonel Tien, où il essaie de faire le pont entre une partie de l'expérience acquise à Kandahar pour la mettre à profit dans des essais cliniques et des applications dans la vie civile. Nous espérons en entendre davantage à ce sujet au cours de nos travaux.
    Je pense au soldat Richard Thompson — si peu connu — de la guerre d'Afrique du Sud, qui s'est mérité le plus grand des honneurs, encore plus grand que la croix de Victoria, l'Écharpe d'honneur de la Reine, pour sa bravoure comme brancardier.
    Je pense aussi à une visite cette fin de semaine dans la circonscription de M. Opitz, où un récipiendaire de la croix de Victoria repose dans un cimetière près de l'endroit où nous avons souligné le jour du Souvenir. Il s'agit du caporal Frederick George Topham, un technicien médical, qui a fait preuve d'énormément de bravoure sur la rive est du Rhin en mars 1945.
    Vous êtes souvent au front et votre travail est absolument essentiel au moral et à la mission que les Forces canadiennes s'emploient à remplir.
    Comme nous avons encore des soldats en danger en Afghanistan dans le rôle d'instructeurs, pourriez-vous nous expliquer ce qui arriverait à un soldat canadien s'il était blessé aujourd'hui à Kaboul, à Mazar-e-Sharif ou ailleurs en déploiement? Expliquez-nous, étape par étape, les soins que ce soldat recevrait — certains prodigués par des services canadiens, évidemment, et d'autres par des services étrangers — puis les formes de soutien qui seraient mises à la disposition, au Canada, d'un soldat grièvement blessé. Pourriez-vous décrire en termes généraux comment ce service, ce processus, a changé au cours des 10 dernières années?

  (1555)  

    Merci beaucoup, monsieur, de vos commentaires et de votre question.
    Pour notre personnel déployé outremer, dans l'éventualité d'une blessure ou d'une maladie grave, nous déployons toujours un minimum de services de soins primaires qui les accompagnent. Il s'agit parfois de services préhospitaliers. Selon la taille et l'ampleur de la mission, nous pouvons nous occuper des militaires blessés jusqu'au stade de l'hôpital offrant des soins tertiaires complets — ou du moins un hôpital doté de capacités chirurgicales.
    Parce que les ressources de santé sont difficiles à fournir et rares pour tous nos alliés de l'OTAN, il y a probablement une plus grande intégration multinationale dans les ressources de santé que dans bien d'autres éléments des forces armées. Lorsque la mission est de petite taille, comme dans l'opération en cours, l'Opération Attention, dans laquelle des militaires canadiens encadrent du personnel de l'Armée nationale afghane, parce que nos gens sont dispersés un peu partout, nous fournissons aux membres des Forces canadiennes des soins intensifs de courte durée au niveau des soins primaires — dispensés par des médecins et des techniciens médicaux —, mais nous comptons essentiellement sur les hôpitaux militaires des États-Unis ou, dans certains cas, de la France pour assurer les soins tertiaires.
    Il y a donc toujours une composante de soins hospitaliers, pourvue en personnel médical ayant reçu une formation supplémentaire en secourisme en situation de combat... Des mesures vitales très intensives sont mises en oeuvre dans les 10 premières minutes afin de contrôler les choses qui ont tendance à causer rapidement la mort, comme la gestion des voies respiratoires et les hémorragies excessives. Ces soins sont prodigués dans les 10 premières minutes, puis il y a toujours une évacuation médicale rapide pour faire en sorte que ces blessés arrivent sur la table d'opération, au besoin — si une chirurgie est nécessaire — dans l'heure ou au maximum dans les deux heures, suivie d'une période de stabilisation dans un centre de soins tertiaires avant l'évacuation tactique vers un hôpital plus spécialisé, en général.
    Pour nous, il s'agit habituellement du centre médical régional de Landstuhl en Allemagne qui dispensent les soins de stabilisation et de chirurgie supplémentaires avant l'évacuation médicale stratégique vers le Canada dans un hôpital de soins quaternaires où tous les soins et les programmes de réadaptation supplémentaires peuvent être dispensés le plus près possible du soutien social maximum et du soutien clinique compétent, au besoin.
    L'un des plus grands changements a été la reconnaissance de l'utilité de prodiguer des soins cliniques les plus avancés possible. Par conséquent, en ce qui concerne le secourisme en situation de combat comportant la prestation des premiers soins vitaux, de même que des procédures qui, au Canada, peuvent souvent n'être pratiquées que par un médecin urgentologue, nous sommes allés de l'avant et nous avons formé non seulement nos techniciens médicaux mais notre personnel de l'arme de combat pour qu'ils puissent pratiquer plusieurs de ces procédures. Ces interventions faites dans les 10 premières minutes nous donneront beaucoup de temps plus tard.
    Nous disposons de données de qualité grâce au Registre des traumatismes sur le théâtre d'opérations en commun, lequel a été largement utilisé en Afghanistan pour prouver que nous pouvons prolonger le délai de presque deux heures avant de pratiquer la chirurgie nécessaire tout en maintenant la même capacité de sauver des vies.
    C'est un bref résumé du processus.
    En passant, félicitations pour votre récente nomination.
    Pourriez-vous ajouter rapidement deux ou trois observations sur votre expérience en Afghanistan et à Kandahar et sur ce que le Canada devrait faire, à votre avis, pour garantir que nous appliquons les connaissances médicales acquises dans le cadre de cette opération de combat le plus complètement possible de manière à être prêt pour la prochaine mission?

  (1600)  

    J'étais le directeur des opérations du service de santé, donc les commandants de toutes les unités médicales en Afghanistan relevaient de moi à Ottawa au plus fort du conflit. Nous sommes hautement respectés par tous nos alliés pour la rapidité et l'agilité avec lesquelles nous pouvions modifier notre programme. Notre participation à ce Registre des traumatismes sur le théâtre d'opérations en commun et à ce système nous a essentiellement permis d'analyser nos protocoles et nos processus cliniques, et de les modifier pratiquement en temps réel, ce qui nous a permis de sauver des vies.
    Par exemple, grâce à ce système, les Américains en Irak ont réussi à réduire la mortalité d'environ 15 p. 100, simplement grâce à cette analyse des données. Nous avons retenu énormément de leçons par suite de cette opération. Nous les avons incorporées dans nos processus. Nous les avons aussi diffusées le plus largement que nous avons pu, notamment dans le Centre interarmées d'analyse et d'enseignements de l'OTAN, afin que toute l'alliance puisse en bénéficier.
    Nous devons continuer à faire de la recherche et à maintenir les capacités que nous avons développées, même à un niveau rudimentaire, pour que nous puissions maintenir toutes ces capacités. Nous ne savons pas ce qui nous attend. Nous ne pouvons pas baser la mise en application des connaissances acquises et notre restructuration des forces armées sur les conflits passés, parce que le conflit suivant est toujours différent.
    Nous devons avoir une structure fondée sur les capacités dans laquelle nous disposons au moins d'une capacité rudimentaire dans presque tous les domaines pour pouvoir faire face à toutes sortes de menaces opérationnelles et de risques pour la santé de sorte que nous soyons prêts à multiplier, élargir et déployer cette capacité si l'opération suivante devait déjouer nos attentes.
    Lorsque les Américains sont entrés en Irak, la dernière chose à laquelle ils s'attendaient était d'avoir à exécuter des opérations de manoeuvre offensives contre des forces blindées, après la fin de la guerre froide, mais ils étaient prêts et ils ont pu maintenir ces capacités. Nous devons faire la même chose. La publication, la recherche continue et le maintien de notre structure actuelle dotée de cette capacité dans tous les domaines différents font partie de ce dont nous avons besoin pour être prêts la prochaine fois où le Canada aura besoin de nous.
    Merci.
    Monsieur McKay, vous disposez des sept dernières minutes de ce tour.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous deux d'être venus.
    Je veux savoir ce que vous pensez du rapport de Pierre Daigle Ténacité dans l'adversité, parce que le portrait que vous brossez dans votre déclaration semble contredire sur certains points ce que M. Daigle a dit. Dans la recommandation 5, il indique:
La plus importante d'entre elles est l'écart considérable qui demeure entre la capacité visée à offrir des soins aux membres des FC souffrant de TSO, soins dont ils ont besoin et auxquels ils ont droit, et la capacité réelle à leur en offrir. Cet écart est principalement attribuable à l'incapacité à atteindre le niveau de dotation autorisé de la fonction en santé mentale. Cela a eu des répercussions extrêmement importantes sur la prestation de soins de première ligne, les traitements et le soutien offerts aux membres des FC qui souffrent du SSPT et d'autres TSO et à leurs familles.
    Je suis sûr que vous avez lu ce rapport, et je suis sûr que vous avez eu le temps d'y réfléchir, mais il me semble aller à l'encontre de ce que vous disiez. J'aimerais obtenir vos observations.
    M. Daigle a raison, et nous sommes heureux d'obtenir ce genre d'examens externes. Toutefois, tout est relatif et nous devons continuer à nous améliorer. J'ai mentionné les obstacles qui nous empêchent d'obtenir le nombre de professionnels de la santé mentale dont nous avons besoin. Nous travaillons d'arrache-pied. Nous avons un plan de recrutement énergique en vue de régler le problème. Nous avons des engagements supplémentaires pour accélérer le processus de dotation afin de recruter les personnes dont nous avons besoin pour combler les lacunes de la dotation en santé mentale.
    Le temps d'attente est cependant beaucoup moins long qu'il l'était. Par exemple à Petawawa, au cours des quelques derniers mois, nous avons réduit le temps d'attente de moitié, de telle sorte qu'il se situe à environ un mois pour une évaluation spécialisée du Centre de soutien pour trauma et stress opérationnels. Pour l'évaluation générale de la santé mentale, nous avons réduit le délai de 30 p. 100. À mon avis, aucune autorité civile au Canada ne peut se vanter de tels délais. Ils sont nettement inférieurs à n'importe où ailleurs.
    Néanmoins, nos soldats ont besoin d'une attention supplémentaire à cause des sacrifices, des menaces et des stress extrêmes auxquels ils sont exposés, ils méritent donc ce genre de soutien et malgré tout, nous nous efforçons toujours de faire mieux.
    Par exemple nous avons plus de 200 candidats pour combler une partie de nos postes dans la fonction publique en vue d'atteindre la cible de 447 que nous visons. Quand ce sera fait, nous déterminerons alors si ce chiffre est même suffisant, d'après une Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes prévue pour l'an prochain, que Statistique Canada mènera en collaboration avec nous.
    S'il se révèle nécessaire d'augmenter ce chiffre afin d'atteindre une quelconque norme pour assurer un bon niveau de soins, la volonté est là, sans oublier que les soins primaires au Canada et dans la plupart des pays du monde fournissent une grande partie ou la plus grande partie des soins en santé mentale. Il est donc essentiel que nous obtenions tôt une évaluation spécialisée de la santé mentale, mais par la suite, dans certains pays et dans certains modèles, comme RESPECT-MIL aux États-Unis, la plupart des soins continus sont essentiellement fournis par le personnel infirmier.
    Lorsque l'attente pour obtenir une évaluation spécialisée en santé mentale s'allonge, nos militaires ne sont pas laissés à eux-mêmes. Ils continuent d'être suivis par un médecin de premier recours. L'ordre de priorité sur la liste d'attente peut être modifié sur-le-champ et en tout temps. S'il y a un cas urgent, il sera vu immédiatement.

  (1605)  

    L'une des choses qu'il mentionne dans ses recommandations est « l'absence d'une base de données nationale » permettant de faire le suivi « de l'ampleur des problèmes liés aux TSO au fil du temps », une recommandation qui n'a pas été mise en oeuvre.
    Vous affirmez que la situation s'est vraiment améliorée à Petawawa, que les temps d'attente sont beaucoup plus courts et que notre système se comparerait favorablement à n'importe quel système civil au Canada. L'argument est peut-être valable, je n'en sais vraiment rien, mais à défaut d'avoir des données nationales, il est assez difficile de dire qui de vous deux a raison. Que pensez-vous de son désir de colliger des données nationales?
    Nous colligeons des données nationales exhaustives. L'ombudsman a pour priorité une base de données permettant de dénombrer la prévalence des TSO. À terme, nous l'obtiendrons grâce à la mise en oeuvre d'une application du système d'information sur la santé des Forces canadiennes qui nous permettra d'obtenir instantanément le nombre de cas pour un diagnostic donné. Un diagnostic de TSPT peut être lié à une agression sexuelle, à un accident de voiture ou à une opération militaire, il est donc très difficile de démêler les différentes causes.
    Nous serons plus aptes à le faire un jour grâce à une application du système d'information sur la santé des Forces canadiennes, mais même cet outil ne nous sera d'aucune utilité pour mieux déterminer ce que nous devrions modifier dans notre programme stratégique et l'affectation de nos ressources. Nous exécutons des études sur la population plus utiles à cette fin. Les études de ce genre sont beaucoup plus utiles — pour n'importe quelle autorité sanitaire, pas seulement pour nous.
    Le gouvernement a soutenu qu'il s'agit d'une violation de la vie privée des soldats. Qu'en pensez-vous?
    Nous ne voulons évidemment pas stigmatiser davantage les problèmes de santé mentale. Si nous mettons délibérément sur pied une base de données distincte pour le trouble du stress post-traumatique, les traumatismes liés au stress opérationnel et les choses de ce genre, il y a un risque qu'une telle mesure aille à l'encontre de tous les efforts que nous déployons afin de normaliser les traumatismes liés au stress opérationnel pour qu'ils soient vus comme n'importe quelle autre blessure liée aux opérations. En dépit de toutes nos bonnes intentions, si un militaire est inscrit sur la liste, cela pourrait être perçu à tort comme une mauvaise chose.
    Il y a toujours l'argument qu'un soldat va enterrer ce qu'il ressent, parce qu'il a l'impression que cela nuirait à sa carrière ou ce genre de choses. Je suppose qu'il s'agit, pour ainsi dire, d'une distorsion sous-jacente des données.
    Pour cette raison, nous nous fions aux données sur la population, sur des études sur de grandes populations anonymes qui nous donnent un portrait à long terme beaucoup plus fiable du fardeau lié à la santé mentale.
    Par exemple, un dénombrement des cas à un quelconque moment au moyen d'une base de données sur les TSO ne nous renseignerait que sur la prévalence à ce moment-là. La donnée pourrait changer cinq minutes plus tard. Elle changera sans aucun doute une journée plus tard, et un mois plus tard. Nous nous fions donc à des périodes plus longues et à des études sur une population plus grande, comme l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes et l'Enquête sur la santé et les modes de vie dans les Forces canadiennes, entre autres, des études qui nous donnent sur une plus longue période des assises plus solides pour concevoir nos politiques et nos programmes et déterminer notre fardeau à long terme.
    Par exemple l'analyse après quatre années et demie de suivi de l'incidence cumulative des traumatismes liés au stress opérationnel dans la mission en Afghanistan, qui porte sur 30 000 personnes déployées entre 2006 et 2008, nous donne un portrait relativement beaucoup plus fiable — en ce qui concerne la fiabilité qu'il est possible d'obtenir au moyen d'études de cette nature — de ce à quoi nous pouvons nous attendre en fait de fardeau futur qu'une base de données sur les TSO pourrait le faire.

  (1610)  

    Merci. Votre temps est écoulé.
    Nous passons à notre ronde de cinq minutes.
    Madame Gallant, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins.
    Vous avez mentionné plus tôt que Calian, une tierce partie, trouve des fournisseurs. Quel pourcentage du salaire d'un médecin Calian touche-t-elle? Comment Calian ou une compagnie du même genre est-elle rémunérée lorsqu'elle trouve un professionnel, par exemple un psychiatre, pour les forces armées?
    Calian touche un certain pourcentage du montant qu'elle facture au ministère de la Défense. Une partie de cette somme sert à couvrir ses frais généraux; je ne me souviens pas du pourcentage exact, mais je crois qu'il se situe entre 10 et 20 p. 100 — un chiffre de cet ordre — à cause de toutes les activités de recrutement qu'elle doit faire, mais ensuite, ces compagnies paient le taux du marché pour couvrir le salaire du clinicien qu'elles embauchent pour faire le travail.
    Elles peuvent trouver et embaucher des gens avec beaucoup plus de souplesse, d'agilité et de rapidité, non seulement par rapport au processus, mais aussi par rapport à leur capacité de payer ce que le marché local demande. Elles n'appliqueront pas forcément une seule échelle salariale pour les médecins ou les physiothérapeutes, disons, à la grandeur du pays. Selon la région et la difficulté à attirer des gens pour y travailler, elles ont la latitude et la souplesse nécessaires pour augmenter les frais exigés ou le salaire versé afin de réussir à attirer des gens et à combler les lacunes en matière de capacité.
    La rémunération de la tierce partie est donc un pourcentage du salaire du médecin. Si un médecin touche 100 000 $, le recruteur touche 120 000 $?
    C'est exact. En plus de ce que la compagnie paie au clinicien, elle recevrait aussi du ministère de la Défense, dans le cadre du contrat, un montant pour couvrir ses frais généraux, les frais qu'elle engage pour exécuter sa fonction de recrutement et de gestion du personnel.
    Pour revenir aux traumatismes liés au stress opérationnel, je me demande s'il y a une différence entre les manifestations du TSPT chez les soldats qui étaient dans l'enclave de Medak et ceux qui étaient en Afghanistan? Une différence est-elle ressortie en ce qui concerne les manifestations du TSPT?
    Je ne crois pas que nous disposons de données précises sur des cas de TSO issus de l'enclave de Medak, ni même de données sur...
    Puis-je demander au Dr Heber de répondre à cette question sur l'aspect clinique?
    Je travaille pour le MDN depuis 2003, donc dès le début, j'ai vu beaucoup de militaires ayant participé aux missions en Bosnie, au Rwanda et en Somalie. Ils représentaient la plus grande partie de ma clientèle. Bien entendu, aujourd'hui, la majorité des patients que nous voyons dans la clinique pour le traitement des traumatismes liés au stress opérationnel ont participé à la mission en Afghanistan.
    Je veux aussi souligner, pour relativiser les choses, que la majorité des gens qui font appel au service de santé mentale dans nos cliniques ne sont pas des militaires qui reviennent avec un traumatisme lié au stress opérationnel. Ce sont des militaires qui, comme la population générale, souffrent d'une dépression ou d'un trouble d'angoisse et qui auraient probablement eu le même diagnostic peu importe la profession qu'ils auraient choisie, mais au CSTSO, dans notre clinique pour le traitement du traumatisme lié au stress opérationnel, j'ai vu cet éventail de patients.
    Quant aux symptômes, ce sont les mêmes, et c'est logique parce que notre diagnostic est fondé sur une certaine gamme de symptômes, n'est-ce-pas? Ces derniers ne changent pas. Si un militaire qui a été en Bosnie reçoit un diagnostic de TSPT et si un autre qui a été en Afghanistan reçoit le même diagnostic, le profil des symptômes est le même.
    La façon dont les gens souffrent est parfois différente. Le temps que les gens prennent avant de demander des soins est différent. Quand j'ai commencé à travailler dans la clinique en 2003, il était très courant qu'un soldat vienne me voir et me dise qu'il faisait des cauchemars toutes les nuits depuis 10 ans. C'était très courant.
    Maintenant, nous voyons des militaires de la campagne afghane et de fait, trois à six mois après leur déploiement en Afghanistan, lorsqu'ils se soumettent au dépistage exhaustif en santé mentale que nous faisons après le déploiement, si l'on détecte chez eux au cours de cette procédure de dépistage la possibilité qu'ils souffrent de TSPT ou d'un autre TSO, près de la moitié d'entre eux sont déjà sous traitement. Lorsque le travailleur social leur dit qu'ils ont probablement besoin de consulter, près de la moitié d'entre eux sont déjà en thérapie. C'est la grande différence que nous voyons.

  (1615)  

    Bien, je vous remercie.
    Le temps est écoulé. Je sais, le temps passe si vite quand on s'amuse.

[Français]

    Madame Moore, vous disposez de cinq minutes.
    J'aimerais revenir sur la pénurie de personnel dans les régions éloignées. En ce qui a trait à la Réserve, à l'heure actuelle, les régiments qui ne sont pas des régiments médicaux — j'entends par là une ambulance de campagne ou une entreprise médicale, par exemple — n'ont pas de postes d'adjoint médical, d'infirmier ou de médecin. Ils ne peuvent donc pas engager quelqu'un du milieu qui travaillerait à temps partiel en fonction des besoins du régiment.
    Est-il toujours d'actualité de conserver cette règle ou ne devrait-on pas permettre que les régiments de la Réserve aient des postes d'infirmier, de médecin ou de psychiatre, s'ils réussissent à en recruter à temps partiel pour pouvoir soigner les gens en région éloignée?
    Je vous remercie de la question.
    En plus de certaines unités médicales, nous permettons présentement à certaines personnes qui sont liées à l'établissement de l'ambulance de campagne de travailler et d'habiter avec une unité de la milice qui est éloignée. On parle donc d'une unité d'armes de combat ou de n'importe quelle arme de service. Toutefois, c'est toujours difficile. On ne peut pas recruter des gens et établir des postes de médecins, d'infirmières ou d'autres pour chacune des unités.
    Toutefois, on a établi ce que l'on appelle des équipes de liaison médicale de l'ambulance de campagne. Ces gens travaillent à temps partiel. Ce sont surtout des infirmiers et des infirmières qui ont le devoir d'assurer le suivi des blessés ou des réservistes à temps partiel qui ont souffert de maladies ou de blessures résultant d'opérations militaires ou du service militaire. Ils doivent s'assurer qu'ils reçoivent les soins dont ils ont besoin, normalement dans la région.
    En ce qui a trait aux questions de santé mentale, nous les encourageons à se présenter pour être évalués dans un centre spécialisé du ministère des Anciens Combattants, du ministère de la Défense nationale ou des Forces canadiennes. Nous allons payer tous leurs frais de voyage et le salaire d'un milicien à temps partiel. Toutefois, nous sommes très ouverts. S'ils ne peuvent pas voyager, nous allons accepter les évaluations faites par les cliniciens en santé mentale de la région et permettre que leur suivi et leur traitement se poursuivent dans la région.
    Normalement, les membres de la Réserve veulent être évalués au début dans un centre d'expertise spécialisé en médecine militaire, et c'est toujours dans leur intérêt.
    J'aimerais revenir sur un point. On dit qu'il y a une pénurie de professionnels de la santé partout au pays, autant en santé mentale qu'en santé physique. Par exemple, tous les hôpitaux s'arrachent les infirmières. On se rend compte qu'on a aussi de la difficulté à en recruter pour les Forces canadiennes. À l'heure actuelle, il est à peu près impossible d'aller recruter des gens ailleurs que dans les grands centres. Prenons l'exemple de Rouyn-Noranda. Vous savez où cela se trouve. Une infirmière qui serait intéressée à travailler à temps partiel à Rouyn-Noranda pour les Forces canadiennes n'aurait aucune possibilité de le faire dans le cadre de la Réserve. Cela voudrait dire qu'elle déménagerait pour se joindre aux Forces canadiennes à temps plein pour être sur une base ou qu'elle serait envoyée à 10 heures de chez elle et devrait être rapatriée.
    N'est-ce pas là un problème? On veut recruter davantage de gens, mais la structure fait qu'on est capable de recruter des gens seulement dans certains endroits et qu'on ne se sert pas de l'éventail des professionnels de la santé qui sont disposés à travailler partout au pays, et pas seulement dans les grands centres.

  (1620)  

    Nous pouvons envoyer nos patients voir n'importe quel professionnel de la santé au civil. Pour ce faire, nous avons recours à l'entreprise de la Croix Bleue, qui s'occupe de payer les frais pour nous. Tout cela peut être payé. N'importe quel clinicien au Canada sera payé pour avoir traité nos blessés ou nos malades.
    Dans la Réserve, il y a aussi le cadre de la Première réserve, qui fait partie de la première ambulance et du premier hôpital de campagne. Cela nous permet d'enrôler des cliniciens de n'importe quel endroit au pays. Ils ne sont pas actifs; ils travaillent seulement deux semaines par année avec les Forces canadiennes. Ce sont des volontaires qui font partie de la Réserve, une Réserve qui est inactive, sauf quand on les appelle pour le service militaire.
    Si nécessaire, nous pouvons les mobiliser pour une période minimale de deux semaines par année pour faire un service militaire. Il peut s'agir de fournir des soins de santé, de participer à un déploiement en opération, de suivre des cours ou de n'importe quoi.
    Nous avons donc des mécanismes nous permettant d'engager des membres d'un corps professionnel de la santé qui habitent dans des régions où il n'y a pas d'unités de milice ni d'unités de la Force régulière.

[Traduction]

    Monsieur Opitz, à vous la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Général, colonel, merci beaucoup d'être venus, et félicitations pour la distinction de l'OTAN que nous avons reçue pour notre travail. À n'en pas douter, cela prouve que les Forces canadiennes boxent dans la catégorie de poids supérieur, comme le général Hillier se plaisait à le dire. Nos alliés le soulignent et le constat a été documenté à maintes reprises.
    Général, vous avez mentionné des cas de TSO. Combien de cas de TSO devraient se présentez d'ici deux à trois ans? Si je ne m'abuse, votre estimation est de 1 300 cas.
    De nombreux déterminants entrent en jeu, en fonction de la qualité, de la méthodologie et des très nombreuses variables de l'estimation, mais d'après ce que nous savons aujourd'hui, nous prévoyons environ de 1 300 à 1 500 cas, seulement pour la mission en Afghanistan. Il s'agit des cas directement liés à l'Afghanistan, par opposition au niveau de base normal qui constitue la majorité de nos cas: les mêmes cas de maladie mentale liés au stress qui affligent tous les Canadiens.
    Ces cas pourraient se présenter n'importe quand, entre aujourd'hui et cinq à dix ans d'ici.
    En gros, d'après cette étude, nous anticipons qu'ils se présenteront probablement dans la fourchette de trois à cinq ans, mais nous avons encore de nouveaux cas qui se manifestent chez des militaires qui étaient en Bosnie, à la catastrophe de Swissair en 1998 et même de la guerre de Corée — le ministère des Anciens Combattants a des cas qui se manifestent après toutes ces années.
    Compris.
    Colonel, n'hésitez pas à intervenir n'importe quand.
    J'aimerais parler un peu de la stigmatisation et du stress post-traumatique et peut-être en fouiller un peu plus les causes. Il y a un lien avec les traumatismes cérébraux légers, les commotions cérébrales et les troubles post-traumatiques: à votre avis, quels sont les principaux déterminants de la manifestation du TSPT en premier lieu?
    En ce qui concerne les facteurs de risque de TSPT, la recherche nous a montré, avant toute chose, que nous comprenons environ la moitié de ce qui se passe. Il y a beaucoup de choses que nous connaissons mal, mais parmi les facteurs de risque que nous connaissons, ils ont généralement tendance à se répartir dans trois groupes.
    Le premier est le groupe des facteurs de risque prétraumatisme, notamment des choses comme la présence d'un problème de santé mentale antérieur et le fait d'avoir été maltraité ou négligé dans l'enfance. Fait intéressant, le statut socioéconomique faible est un autre facteur de risque prétraumatisme.
    Viennent ensuite les facteurs de risque concurrents à un traumatisme et ils tendent à être liés à la gravité du traumatisme et à sa nature répétitive.
    Il y a aussi des facteurs de risque post-traumatisme. Ces facteurs, qui sont aussi importants, en passant, comprennent l'absence de soutien social — un facteur très déterminant — et le fait de subir un nouveau traumatisme.
    La bonne nouvelle, c'est que si nous ne pouvons rien changer à ce qui est arrivé aux gens dans l'enfance, nous pouvons changer les mesures que nous prenons après le traumatisme. Je suppose qu'à bien des égards, c'est sur ce plan que nous déployons nos efforts.

  (1625)  

    C'est très bien. La citation du feld-maréchal Slim était bien choisie, parce que vous avez raison: les officiers jouent un rôle déterminant. Dans mon unité, j'ai toujours encouragé mes gars à demander de l'aide. Deux l'ont fait, nous avons fait en sorte qu'ils soient traités sans délai et je pense qu'ils se portent bien.
    Cependant, la stigmatisation occupe une grande place dans la perception qu'un soldat a de ce problème. C'est souvent assimilé à la faiblesse, et nous savons que ce n'est pas le cas. Si vous voulez bien, j'aimerais que vous nous disiez brièvement s'il y a une augmentation appréciable de la sensibilisation aux traumatismes liés au stress opérationnel et à d'autres types de traumatismes — surtout, général Bernier, depuis que vous êtes entré dans les FC — et comment les facteurs de la stigmatisation entrent en jeu. Dans ce contexte, bien sûr, il y a, globalement, l'importance de la participation de l'unité familiale et le rôle des enfants et ainsi de suite dans cette sensibilisation. Je sais que le sujet est vaste.
    Il y a eu une réduction très considérable de la stigmatisation, mais elle existera toujours, surtout au sein d'une organisation comme les forces armées, mais aussi dans la société en général. La stigmatisation existe non seulement pour les troubles de santé mentale mais pour des blessures en général, et pour différents types de maladies.
    Nous avons des preuves objectives que le degré de stigmatisation a radicalement diminué. Une étude publiée dans le Journal of the Royal Society of Medicine au Royaume-Uni, en 2008 si je ne m'abuse, comparaient les cinq alliés anglo-saxons. L'étude a révélé que les Forces canadiennes affichaient le plus faible degré de stigmatisation dans l'ensemble. Une étude menée aux États-Unis par Charles Hoge, si je ne m'abuse, a révélé que nous nous situons environ au tiers du degré de stigmatisation observé dans les forces des États-Unis.
    Le colonel Heber vient de mentionner que les militaires chez qui le dépistage exhaustif fait trois à six mois après leur déploiement révélait des symptômes de maladie mentale étaient déjà en thérapie. Quelques années auparavant, il fallait attendre environ 5,5 ans avant que les militaires se manifestent pour obtenir des soins, une autre indication d'une réduction considérable de la stigmatisation.
    Cette amélioration est due en grande partie à différentes mesures, à toutes les mesures éducatives qui ont été prises dans les forces armées, comme vous le savez probablement déjà, par exemple les différentes campagnes, le programme éducatif intitulé En route vers la préparation mentale, et le renforcement de la protection de la confidentialité. Si les militaires comprennent et si nos patients savent que les renseignements sur leur santé seront bien protégés, leur confiance s'en trouve accrue.
    Le soutien des pairs a été très, très important pour convaincre les gens de se manifester, tout comme l'éducation, non seulement pour la chaîne de commandement et l'état-major militaire, mais pour les familles. Je ne suis pas sûr que nous avons des données sur le sujet, mais certainement de façon anecdotique, nous savons que dans bien des cas, les militaires ne se présentent pas volontairement d'eux-mêmes, mais bien parce qu'ils y ont été poussés par les membres de leur famille, leurs pairs ou leurs collègues de travail. Le traitement des traumatismes liés au stress opérationnel — comme n'importe quelle autre blessure dans les forces armées — et le fait que nous décernons la Médaille du sacrifice aux personnes qui en expriment le souhait, qui ont subi un traumatisme lié au stress opérationnel, envoient un message très clair.
    Nous continuons de traiter ces militaires. Nous les déployons même à l'extérieur de l'enceinte en Afghanistan s'ils sont stables. Nous ne ménageons aucun effort afin d'éviter de les stigmatiser ou de les traiter différemment et de traiter le TSO comme n'importe quelle autre maladie et objectivement, ces mesures ont porté leurs fruits.
    Dre Heber, avez-vous quelque chose à ajouter? Non?
    Merci.
    Merci. Le temps est écoulé.
    Monsieur Kellwat, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je veux remercier les témoins d'être venus.
    Je vais donner mon temps à ma collègue, Christine Moore, qui a des questions beaucoup plus intelligentes à poser que je pourrais le faire, puisqu'elle a servi dans les forces comme infirmière.

[Français]

    J'aimerais revenir sur le recrutement.
    Vous n'avez peut-être pas ces chiffres sous la main, mais j'aimerais savoir, dans le cadre de divers métiers, quel pourcentage de ceux qui portent l'uniforme sont déjà formés lorsqu'ils se joignent aux Forces canadiennes et quel pourcentage de ces gens reçoivent leur formation par l'entremise de programmes.

  (1630)  

    La majorité des membres des Forces canadiennes — je ne parle donc pas ici de nos civils, qui sont pour leur part membres de la fonction publique — sont formés par les Forces canadiennes.
    Nous avons des programmes qui nous permettent d'enrôler directement des gens qui ont certaines compétences cliniques, surtout quand nous faisons face à une pénurie. Il reste que dans la majorité des cas, la formation de nos gens est subventionnée par les Forces canadiennes, une fois qu'ils sont enrôlés. En outre, ça dépend entièrement de la profession.
     Pour leur formation, nous avons recours autant que possible aux institutions civiles, de façon à pouvoir établir les mêmes normes et compétences que celles auxquelles ont accès le grand public. Nous leur offrons aussi une formation supplémentaire qui correspond aux besoins particuliers des Forces canadiennes.
    D'accord.
    Il arrive malheureusement que le processus de recrutement prenne plus d'un an ou deux. Or les personnes qui ont déjà obtenu leurs qualifications professionnelles, donc qui sont déjà infirmières, médecins ou dentistes, par exemple, ont déjà un travail. Elle ne sont pas dans le besoin ou n'occupent pas un emploi payé au salaire minimum. Autrement dit, elles n'ont pas particulièrement besoin des conditions de travail qu'offrent les Forces canadiennes, comparativement au civil.
    Est-ce qu'on accorde la priorité au dossier de ces personnes pour s'assurer qu'elles ne changent pas d'idée pendant le processus?
    Pour les métiers où il y a une pénurie, les Services de santé essaient d'aider les candidats en accélérant le processus de recrutement. Le processus est long, et il est souvent ralenti par certaines complications, par exemple si le candidat a des troubles médicaux ou encore si le dossier n'est pas assez complet pour permettre aux autorités du recrutement de prendre leur décision.
    Pour les métiers où il y a une pénurie, nous essayons de fournir un soutien supplémentaire par l'entremise d'un employé des Services de santé. Les Services de santé comprennent une direction pour le personnel qui essaie d'aider ces gens et qui intervient dans le système de recrutement, surtout lorsqu'il y a une pénurie dans un métier et qu'il faut combler les besoins.
    On a fermé une douzaine de centres de recrutement au Canada, et particulièrement en région éloignée. N'avez-vous pas peur que cela risque d'influencer le recrutement de personnel?
    On a déjà de la difficulté à recruter du personnel qualifié. Les candidats, particulièrement ceux en région éloignée, doivent parfois s'absenter deux ou trois jours de leur travail pour aller passer des examens de santé ou des tests d'aptitude. Il faut comprendre que les infirmières, par exemple, peuvent avoir accumulé plus de 40 journées de congé parce que leur employeur refuse de les libérer.
    N'avez-vous pas peur que cela crée une influence ou une pression négative sur le recrutement?
    Oui, c'est une inquiétude. Je ne connais pas les détails, mais je sais que les personnes responsables du recrutement examinent toutes sortes d'autres façons de compenser ces inconvénients. Ils travaillent à rendre le processus de recrutement plus efficace et plus rapide. Par exemple, ils tentent d'utiliser davantage Internet et ils envoient des équipes de recrutement dans les régions, les villages et les villes où il n'y a plus de centre de recrutement.
    Je ne peux pas en parler davantage, puisque ce n'est pas mon domaine. Ça demeure toutefois une inquiétude. Je sais que l'on est en train de prendre des mesures et d'apporter des modifications pour non seulement compenser les lacunes, mais aussi améliorer la situation.
    Merci.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Chisu, c'est votre tour. Vous avez la parole.
    Merci beaucoup, général, d'être venu témoigner.
    Premièrement, je veux remercier tout le corps médical qui a servi pendant des années en Afghanistan, surtout le personnel de l'hôpital de rôle 3 à Kandahar. Je partage aussi la douleur engendrée par la mort de techniciens médicaux au front. Je sais qu'il y en a eu plusieurs.
    Général, pouvez-vous élaborer sur ce que vous avez vécu en dirigeant l'hôpital de campagne de l'OTAN à Kandahar? C'était une opération très intéressante et un rôle très intéressant que le Canada a joué dans un théâtre d'opérations interarmées. L'hôpital n'accueillait pas que des Canadiens blessés. Il y avait des blessés de différentes nations.
    Quels genres de traumatismes physiques et mentaux avez-vous vus le plus souvent? L'hôpital était-il prêt à offrir les services nécessaires en fonction des blessures qui survenaient? Comment la situation a-t-elle évolué? L'hôpital s'est-il amélioré au fil du temps? Y a-t-il eu des blessures ou des cas que vous ne pensiez pas voir?
    Comme vous le savez, et je l'ai expliqué à mes collègues, l'hôpital de rôle 3 était très important pour stabiliser les survivants blessés et sauver des vies; avant de parler d'une quelconque forme de traumatismes liés au stress opérationnel, nous parlons de sauver des vies. Dans ce contexte, pouvez-vous élaborer sur les leçons à retenir de la mission en Afghanistan qui pourraient être mises en pratique au Canada afin d'augmenter le temps consacré au traitement des traumatismes liés au stress opérationnel, de façon à réintégrer plus rapidement les soldats dans leur unité pour qu'ils soient prêts au combat? C'est le rôle des forces: avoir des soldats prêts à être déployés de nouveau.

  (1635)  

    Merci beaucoup pour vos commentaires sur les techniciens médicaux et leur énorme sacrifice. La lecture de leurs citations, des déclarations de valeur de certains d'entre eux, nous laisse stupéfaits: leur bravoure, leur courage et leur sacrifice... Je vous remercie beaucoup de l'avoir souligné.
    Il était très compliqué de gérer l'hôpital de rôle 3, parce que c'était la première fois que l'OTAN exploitait un hôpital multinational dans une zone de combat, avec de très nombreux blessés qui nous arrivaient presque quotidiennement. Il y avait de nombreux obstacles vu les différences dans les normes nationales, les titres de compétences et la culture par rapport aux champs de pratique des différentes professions de la santé. Il était aussi difficile de les coordonner en une équipe au fonctionnement harmonieux, surtout les équipes de traumatologie et dans la salle d'opération.
    En règle générale, tout s'est très bien déroulé, surtout avec les alliés dont les catégories de pratique médicale sur leur territoire se ressemblent, comme les Britanniques, les Américains, les Australiens et les Néo-Zélandais. Les choses ont évolué progressivement. Le plus grand défi tenait au fait que la grande majorité des blessés traités n'étaient pas des membres de l'OTAN. Le mandat initial justifiant notre présence était de traiter les blessés de l'OTAN, les blessés de la Coalition. La majorité des blessés, environ 80 p. 100, étaient des Afghans, et essentiellement des civils afghans. C'était une difficulté avec laquelle nous n'étions pas tout à fait prêts à composer au départ. Nous avons dû nous y adapter assez rapidement.
    Les règles médicales d'admissibilité à des soins dans un hôpital de l'OTAN changent en fonction de la haute direction de l'OTAN et de facteurs politiques. Que nous ayons à prendre soin de civils de plus en plus nombreux, y compris des enfants... Sauf dans des missions d'aide humanitaire, les hôpitaux militaires ne sont généralement pas structurés pour accueillir un grand nombre de blessés. Ils sont conçus de façon à avoir une empreinte médicale minimale sur le terrain et un mécanisme d'évacuation médicale très efficace: nous accueillons des blessés, nous leur prodiguons les soins nécessaires pour les stabiliser en chirurgie et nous les évacuons vers un hôpital doté de plus de ressources dans une zone plus sûre.
    L'équipement est fondé sur ce principe: l'équipement en appareils, en capacités et en compétences cliniques. Pour la population afghane, nous ne pouvions pas faire d'évacuation médicale vers d'autres pays. Nos cliniciens ont parfois dû gérer des situations très difficiles au plan de l'éthique, en devant faire de leur mieux pour des blessés afghans, surtout les enfants.
    Par ailleurs, si nous avions mis sur pied un centre d'excellence pédiatrique complet, par exemple, nous aurions essentiellement nui concrètement au développement d'une capacité pédiatrique de l'Afghanistan sur son territoire, parce que nous aurions essentiellement mis au chômage tous les cliniciens afghans pour l'ensemble de la population locale. C'était un grand défi.
    Quant aux leçons à retenir en matière de santé mentale, je vais demander au colonel Heber de les décrire.

  (1640)  

    Il y a deux ou trois choses qui me viennent à l'esprit. Au moins l'une d'entre elles a déjà été mentionnée. Une des grandes leçons que nous avons retenues concerne l'importance du rôle du leadership, le rôle de la chaîne de commandement, pour composer avec les problèmes de santé mentale. Quand l'officier supérieur donnait son appui aux militaires et, surtout, qu'il lui disait: « Je m'attends à ce que vous preniez deux ou trois jours de congé et à vous revoir en pleine forme », c'était incroyable de voir à quel point cette attente de la part de l'officier supérieur était importante.
    L'une des leçons que nous n'avons pas tardé à apprendre en Afghanistan, à titre d'équipe en santé mentale, c'était la nécessité de vraiment mettre à contribution les dirigeants et de donner une formation solide à la chaîne de commandement sur la façon de traiter les militaires qui manifestaient ce que nous appelions une réaction au stress du combat. Nous ne parlions pas de TSPT et la plupart de ces militaires n'ont pas manifesté les symptômes d'un TSPT par la suite. Ils devenaient un peu nerveux. Ils n'avaient pas dormi depuis plusieurs jours. Les officiers supérieurs ont assumé la responsabilité d'intervenir auprès de ces militaires, souvent avec l'aide des techniciens médicaux. C'était une chose.
    L'autre chose, c'était à quel point la santé mentale doit être intégrée dans tous les services médicaux. Le meilleur exemple est l'équipe de gestion du soutien aux blessés que nous mettons sur pied pour les militaires à leur retour au pays. Nous avons fait de la santé mentale une partie intégrante de cette équipe dès le début. C'était très important.
    Votre temps est écoulé.
    Une partie de mon travail ressemble un peu au travail d'un policier affecté à la circulation.

[Français]

    Vous avez la parole, monsieur Brahmi.
    Lieutenant-colonel Heber, je crois vous avoir entendu dire, en anglais — je ne suis pas sûr d'avoir bien compris la phrase —, que la majorité des personnes que vous traitez auraient les mêmes symptômes même si elles n'avaient pas vécu une expérience militaire. Est-ce à dire que, dans la majorité des cas, vous êtes incapable d'établir un lien entre le stress lié au combat et ces symptômes, étant donné qu'ils sont équivalents à ce qu'ils seraient dans la vie civile? Pourriez-vous nous donner plus de détails à ce sujet?

[Traduction]

    Merci beaucoup pour cette question.
    Le TSPT est bien entendu considéré comme un trouble mental ou une maladie mentale et nous sommes à l'affût d'un certain nombre de symptômes qui le caractérisent. Il y a aussi plusieurs autres choses. Nous devons éliminer certaines choses. Nous prenons en compte le niveau de fonctionnement de la personne et depuis combien de temps elle présente les symptômes, mais il y a effectivement des symptômes très bien définis. Qu'une personne en vienne à manifester un TSPT parce qu'elle a été agressée sexuellement ou maltraitée dans l'enfance ou qu'elle a été dans une zone de combat, les détails des événements déclencheurs sont différents, mais les symptômes dont elle souffre seront essentiellement les mêmes.
    Je pense que c'est ce à quoi je faisais allusion quand j'ai dit que, oui, il peut nous arriver de diagnostiquer un TSPT chez des gens qui ont peut-être été maltraités dans leur enfance, sont entrés dans l'armée et y ont passé de nombreuses années et qui, pour une quelconque raison, viennent chercher de l'aide. Ils peuvent souffrir de TSPT qui peut ne pas être lié au combat, mais bien entendu, la plupart des TSPT que nous traitons sont liés au fait de se trouver dans une zone de guerre.

[Français]

    Vous avez parlé de facteurs prédéterminants, et cela m'amène à ma prochaine question.
    Les combattants, ceux qui sont vraiment envoyés au combat, subissent-ils une évaluation psychologique avant et après, de façon systématique? J'imagine que c'est le cas, mais je voudrais que vous le confirmiez. Ces évaluations des combattants à leur retour du combat pourraient permettre de déceler des éléments qui expliqueraient le déclenchement de symptômes qui pourrait survenir plusieurs années plus tard. Cela permettrait de faire une corrélation entre la détection d'un traumatisme chez les combattants à leur retour d'une zone de combat et le déclenchement de symptômes plus tard.

  (1645)  

[Traduction]

    Il y a une ou deux choses. D'abord, avant le déploiement, nous faisons subir aux militaires un examen médical qui comprend une évaluation de la santé mentale. Nous ne leur faisons pas passer de tests, mais ils sont vus par un médecin de famille qui examine leurs antécédents, médicaux et psychologiques. C'est une chose.
    Puis, en ce qui concerne les facteurs de risque de TSPT, disons qu'une personne a des antécédents de mauvais traitements dans l'enfance, elle entre dans l'armée, c'est ce qu'elle veut faire et elle est en pleine forme, et elle veut être déployée. Je me répète, je crois que ce ne serait pas lui rendre service, si elle fonctionne bien, de lui dire qu'à cause des mauvais traitements qu'elle a subis dans l'enfance, nous croyons qu'elle ne devrait pas être déployée. Il est important de ne pas oublier qu'en ce qui concerne les facteurs de risque dont j'ai parlé, il y a beaucoup, beaucoup d'autres personnes qui présentent ces facteurs de risque sans jamais souffrir de TSPT...

[Français]

    Je dois vous interrompre, puisqu'on n'a pas beaucoup de temps.
    Dites-vous que lors du processus de recrutement des soldats, il n'y a pas d'évaluation systématique des facteurs de risque psychiatriques? Est-ce bien ce que vous dites?

[Traduction]

    C'est au cours du recrutement. Une fois encore, on demande aux recrues de fournir leurs antécédents médicaux, et cela comprend leurs antécédents psychologiques...

[Français]

    Vous me dites que cette évaluation n'est pas faite par un psychiatre militaire. Elle peut être faite par un médecin de famille.

[Traduction]

    Oui, à l'étape du recrutement. C'est fait par un auxiliaire médical ou un médecin de famille.

[Français]

    Cela n'est pas fait par un psychiatre.

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Je vous remercie.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Norlock, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'avoir accepté notre invitation.
    Général, ma question s'adresse à vous. Quand vous avez pris la relève du commodore Hans Jung comme médecin-chef l'été dernier, quels objectifs personnels vouliez-vous réaliser dans votre nouvelle affectation?
    Merci pour la question.
    J'ai été le médecin-chef adjoint du commodore Jung pendant trois ans. Nous étions donc passablement au diapason sur ce que nous voulions accomplir. Nous avons développé une énorme capacité par suite des opérations en Afghanistan et nous avions un énorme appui de la part du gouvernement à l'égard des capacités que nous avions réussi à mettre en place. Étant donné que les opérations se terminaient et qu'il fallait réduire le déficit, et compte tenu de notre responsabilité d'aider à équilibrer les livres, ma priorité est de maintenir les capacités que nous avons établies pour que nous soyons prêts pour la prochaine opération, quelle qu'elle soit.
    Nous avons acquis des capacités et un savoir-faire assez étendus. Parmi mes priorités, je veux que nous fassions des progrès dans des domaines comme la création d'une mémoire institutionnelle des leçons à retenir et au moins une capacité minimale dans tout ce dont nous avons eu besoin en grande quantité en Afghanistan, de même que dans d'autres composantes des opérations que nous avons exécutées au fil des ans, par exemple l'intervention après le tremblement de terre en Haïti.
    Avant toute chose, nous devons maintenir toutes ces capacités dans une certaine mesure, et nous devons les renforcer dans les domaines dans lesquels nous avions certaines lacunes, comme les leçons à retenir l'ont montré — par exemple en matière de modularité. J'ai accordé beaucoup d'attention à la modularité et à la création d'une capacité chirurgicale pouvant être déployée beaucoup plus rapidement, ce qui n'a peut-être pas été nécessaire en Afghanistan, mais qui pourrait l'être dans la prochaine opération, qu'il s'agisse d'aide humanitaire ou d'une autre forme d'intervention.
    Nous devrions alléger la charge. Si nous décomposons le déploiement d'un hôpital de campagne en plus petits morceaux de sorte qu'au lieu de nécessiter sept chalks d'un C-17 pour déménager l'hôpital de campagne dans son ensemble avant qu'il soit fonctionnel, une capacité chirurgicale sera disponible dès l'atterrissage du premier chalk, une capacité qui ne fera qu'augmenter au fil des chalks subséquents du C-17.
    Ce sont quelques-unes des leçons à retenir, mais la chose principale consiste à maintenir nos capacités établies, surtout en matière de santé mentale. Nous devons de la même façon maintenir nos capacités opérationnelles d'appui aux forces armées pour les missions les plus extrêmes qu'elles peuvent être appelées à remplir.

  (1650)  

    Merci beaucoup.
    Dans un autre ordre d'idée, pouvez-vous nous parler de la façon dont nos militaires sont libérés après le déploiement? À votre avis, la décompression dans un lieu tiers facilite-t-elle la transition du service actif à la vie civile?
    Après le déploiement, tous les militaires subissent un dépistage médical assez exhaustif, après trois à six mois, puis ils sont suivis au moyen d'un bilan de santé périodique aux deux ou quatre ans, selon leur groupe d'âge. Au moment de leur libération, il y a une évaluation finale.
    Plusieurs mesures sont mises en oeuvre pour tenter de repérer et de dépister les troubles de santé mentale en cours de route. Quant à la décompression dans un lieu tiers, nous ne disposions d'aucune donnée justifiant sa création au préalable. Elle découlait d'un examen fondé sur le bon sens de ce qui s'était produit lorsque des collègues avaient pu bénéficier du soutien social disponible après des guerres comme la Deuxième Guerre mondiale et la guerre de Corée. À l'époque, les militaires avaient pu passer beaucoup de temps ensemble avant leur démobilisation complète de retour au Canada. L'examen avait aussi pris en compte l'expérience des Américains en Afghanistan, où des patients et des soldats démobilisés avaient été renvoyés un à un du théâtre d'opérations directement dans la société nord-américaine sans avoir cette possibilité.
    Je demanderais au colonel Heber si elle a d'autres choses à ajouter sur la décompression dans un endroit tiers.
    Je pense que le général parlait du Vietnam lorsqu'il a mentionné les Américains. L'expérience avait été loin d'être positive, nous avons donc lancé cette idée d'une décompression dans un endroit tiers. De façon anecdotique, des militaires nous disent que cette période leur a été bénéfique, d'avoir ce laps de temps avec leurs camarades, avec leurs collègues, avant de revenir dans leur famille et dans la société canadienne, à tout ce qu'il y a ici qu'il n'y avait pas là-bas. C'est comme une courte période de sécurisation pour eux.
    C'est tout à fait anecdotique, mais je me rappellerai toujours de la conjointe d'un militaire basée à Petawawa qui me disait que son mari avait été déployé en Afghanistan avant et après que nous ayons mis en place la décompression dans un endroit tiers. Elle m'a dit que la décompression était une idée merveilleuse. Elle en mesurait l'effet comme suit: avant, il s'écoulait six mois avant qu'elle puisse amener son mari au Tim Hortons, mais après son deuxième déploiement et sa période de décompression dans un endroit tiers, il ne lui a fallu qu'environ un mois et demi. C'est ainsi qu'elle mesurait la différence: il était capable d'être parmi le monde sans être hypervigilant et sans que cela ait chez lui un effet déclencheur.
    Pour les gens à la maison, à quoi ressemble l'endroit tiers? S'agit-il d'un endroit géographique précis, d'une atmosphère sociale ou des deux?
    C'est l'endroit géographique où vous n'êtes plus dans la zone de guerre, sans être à la maison, donc oui, c'est le premier choix, c'est à la fois social et éducatif. Les militaires y font un séjour avec les autres militaires avec lesquels ils ont été déployés.
    Nous avons aussi prévu une formation assez solide en santé mentale, pour rappeler aux militaires ce qu'ils ont appris avant leur déploiement sur le genre de choses qu'ils peuvent ressentir et les aider à composer avec ces sentiments. Il y a aussi du personnel spécialisé en santé mentale disponible en tout temps à qui les militaires peuvent parler. Il nous est arrivé de recevoir des recommandations directement de l'endroit tiers avant même que les militaires touchent le sol au Canada.
    Merci.
    Monsieur Strahl.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à nos témoins.
    Vous avez parlé du travail fantastique de nos équipes médicales en Afghanistan. Cet automne, j'ai lu deux livres écrits par le Dr Ray Wiss, un médecin réserviste: Fob Doc et A Line in the Sand. Merci à John de nous les avoir apportés. À mon avis, tout Canadien qui veut en savoir plus sur ce que nos forces ont fait en Afghanistan, et assurément sur l'atmosphère qui régnait pour le personnel des services médicaux au front, se rendrait un grand service en lisant ces livres.
    J'ai demandé à un témoin précédent si elle pouvait comparer les services de santé mentale ou les services médicaux que les membres des FC reçoivent au Canada à ceux d'autres administrations. Elle a qualifié nos services de « Cadillac » du système de soins de santé, pour certaines des raisons que vous avez soulignées, je crois, comme la capacité de réagir rapidement à différentes situations. C'est ainsi qu'elle a décrit la situation au Canada.
    Comment nos centres de soutien aux militaires blessés se comparent-ils aux services que nos alliés ont mis sur pied pour leurs militaires blessés? Vous êtes-vous penché sur la question? Vous avez mentionné des prix, mais par rapport à nos pairs voisins, comment nous comparons-nous à nos alliés en ce qui concerne le traitement de nos hommes et de nos femmes en uniforme?

  (1655)  

    Du point de vue du soutien administratif, les centres intégrés de soutien au personnel ont été calqués en partie sur le modèle américain. Les États-Unis étaient loin devant à cause des années qu'ils avaient passées en Irak et du nombre de blessés qu'ils ont eus. Ils se sont très bien débrouillés en ce qui concerne le soutien administratif et l'aide aux familles et toutes les choses de ce genre, mais objectivement, il y a tellement de variables qui différencient notre façon de fonctionner, dans la durée de nos déploiements, dans la façon dont nous traitons et considérons les troubles de santé mentale, et dans nos niveaux de stigmatisation. Cela peut expliquer les différences. Ainsi, parmi les membres des Forces canadiennes, nous avons un taux de suicide nettement inférieur à celui de nos collègues américains.
    Par exemple, certains gouvernements n'ont pas de ministère des Anciens Combattants — comme le Royaume-Uni — ce qui fait que le suivi et les services offerts aux anciens combattants sont assez différents et principalement pris en charge par des organismes de bienfaisance privés. Par ailleurs, on y trouve un nombre beaucoup plus élevé de fondations privées et d'organismes de bienfaisance voués au bien-être des anciens militaires, comparativement à nous au Canada.
    Exception faite de ce qui précède, je ne peux pas m'avancer beaucoup plus loin sur les différences en matière de soutien aux blessés. En ce qui concerne le soutien clinique, les différences sont importantes, mais au sein de l'OTAN et parmi nos alliés, il est largement reconnu que la norme de soins que nous offrons aux membres des forces armées est très, très élevée.
    Nous avons entendu un peu parler des efforts que les FC déploient pour éduquer les familles dont des êtres chers servent dans les Forces ou sont déployés en Afghanistan, par exemple. Quelles ressources sont mises à la disposition des familles militaires? Ces ressources sont-elles de votre ressort? Sont-elles sous votre structure?
    Une fois encore, je veux seulement faire des comparaisons pour savoir si nous avons aussi retenu des leçons de nos alliés là-bas. Comment notre structure de soutien aux familles se mesure-t-elle à celle de nos pairs voisins?
    Merci.
    Le soutien familial ne fait pas partie de mon mandat. Une organisation distincte fournit le soutien familial que la Constitution et notre cadre juridique nous permettent de fournir. En outre, aux termes de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et de la Loi constitutionnelle, les soins de santé sont une compétence et une responsabilité des provinces, il y a donc des limites aux services que nous pouvons offrir.
    Toutefois, en ce qui concerne la santé mentale, parce qu'elle est soumise à l'influence de nombreux facteurs qui ne sont pas purement cliniques, nous fournissons certainement d'importants services aux familles. Le programme En route vers la préparation mentale qui aide à acquérir des capacités de résilience et à repérer les symptômes propres aux troubles de santé mentale, la façon de les traiter et la façon d'obtenir des soins pour des militaires, comporte un module familial. Les membres de la famille sont pris en compte dans des éléments de ce programme.
    Les initiatives de promotion de la santé du programme Énergiser les forces, qui traitent de la sensibilisation aux dépendances, des différents éléments du mieux-être social, de la gestion du stress et de la colère et des choses du genre — différents facteurs qui contribuent à la santé mentale — sont ouvertes aux membres de la famille en plus des membres des Forces canadiennes. Un programme de thérapie de couple peut englober la famille. Nos aumôniers et nos travailleurs sociaux peuvent offrir leurs services à l'ensemble de la famille — s'il est pertinent de le faire pour la santé du militaire.
    On trouve des centres de ressources pour les familles militaires partout, et plusieurs d'entre eux comptent des travailleurs sociaux ou d'autres spécialistes de la santé mentale dans leur effectif pour aider les familles. Enfin, le programme d'aide aux membres des Forces canadiennes, qui permet un accès confidentiel à des services de counseling, est à la disposition des membres de la famille.
    Quelque chose à ajouter, docteure Heber?
    Un seul point. Dans les CSTSO, dans le cadre de notre évaluation diagnostique du militaire, régulièrement, nous lui demandons de venir avec son conjoint ou sa conjointe, que nous interviewerons aussi. Pour bien des raisons, c'est très utile.
    Premièrement, nous obtenons des renseignements collatéraux. Nous constatons souvent que les militaires sont stoïques et qu'ils sous-déclarent leurs symptômes. En général, les conjoints nous brosseront le vrai tableau de l'ampleur des difficultés de la vie familiale et des souffrances de leur conjoint. Cela nous donne aussi une chance de voir comment les conjoints et les autres membres de la famille se portent. Nous pouvons alors offrir un certain soutien éducatif. Si le couple a besoin d'aide, nous pouvons toujours faire une thérapie de couple.

  (1700)  

    Merci.
    Le temps est écoulé.
    Avant que nous passions au troisième tour, je veux poser une question.
    M. Strahl a parlé des livres du capitaine Ray Wiss. Je les ai lus et son utilisation novatrice de l'échographie pour faire des diagnostics dans les bases d'opérations avancées m'a beaucoup intéressé.
    Plus tôt au cours de la session, nous avons visité RDDC — Recherche et développement pour la Défense Canada — et rencontré des chercheurs. Ils planchent sur des façons d'augmenter la survie des membres des FC, surtout dans des cas d'hémorragie, et sur la façon de faire ces transfusions.
    Je me demande quelles nouvelles technologies les Services médicaux des Forces canadiennes envisagent-ils de mettre en oeuvre pour augmenter le taux de survie et réduire les traumatismes infligés à nos militaires au combat. Par ailleurs, quels résultats pourrions-nous espérer de cette nouvelle recherche et des nouvelles adaptations de ces technologies et techniques médicales?
    Je vous remercie pour la question.
    La recherche est essentielle pour nous parce que nous devons rester un pas en avant de l'ennemi. Nous devons rester un pas en avant des menaces opérationnelles découlant d'actions hostiles et en avant des menaces industrielles qui surviennent naturellement parce que nous déployons des troupes dans des endroits où elles sont exposées à des menaces auxquelles les Canadiens ne font généralement pas face.
    La défense chimique, biologique et radiologique est un aspect important. Nous avons un protocole d'entente quadripartite pour travailler sur un vaste éventail de contre-mesures médicales. Un comité de coordination des contre-mesures médicales est explicitement chargé d'intégrer notre recherche pour réaliser des économies d'échelle. Nous avons un programme de 160 millions de dollars en oeuvre depuis plusieurs années déjà, de concert avec les Britanniques et les Américains, afin de créer des vaccins de défense à la guerre biologique.
    Nous avons un programme de recherche en santé du médecin-chef dans le cadre duquel bon nombre de nos cliniciens sont intégrés dans des centres de traumatologie ou de santé universitaires. En collaboration avec RDDC ou ses partenaires universitaires civils, ou les deux, ces cliniciens mènent des recherches en santé directement liées à des problèmes de santé propres à la vie militaire dans les domaines des soins intensifs, de la gestion des traumatismes et d'un éventail d'autres sujets. Il s'agit d'un programme très vaste. Nous mettons à profit les éléments de notre contribution dans la collaboration avec les Américains et le milieu universitaire civil. La contribution financière des Américains représente environ 40 fois la nôtre.
    Dans bien des cas, du fait d'avoir intégré nos chercheurs dans des établissements civils, nous pouvons tirer parti des subventions de recherche que ces établissements reçoivent des Instituts de recherche en santé du Canada ou du financement que leur université leur accorde pour régler des problèmes propres à la vie militaire.
    Nous travaillons sur différents diagnostics. La télémédecine est aussi une grande priorité. L'éventail est assez large.
    Nous publions des éléments de la recherche dans le Journal of Trauma and Acute Care Surgery, la revue la mieux cotée au monde dans le domaine de la traumatologie. Il y a deux ou trois ans, nous avons publié un supplément entièrement réservé à la médecine opérationnelle des Forces canadiennes. On nous avait invités à le produire pour cette revue de renommée mondiale et pour le Canadian Journal of Surgery.
    Nous avons aussi contribué à mettre sur pied l'Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, un collectif de 26 universités sous la direction de l'Université Queen's et du Collège militaire royal pour nous pencher explicitement sur les problèmes de santé qui touchent les militaires, leur famille et les vétérans.
    Nous avons une assez grande variété d'approches et de moyens qui nous permettent de nous concentrer sur la recherche dans des domaines trop nombreux pour que je les énumère dans le temps qui nous est imparti.
    J'en suis conscient.
    Nous allons passer à notre dernière ronde. Chaque parti dispose de cinq minutes de plus.
    Monsieur Harris, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Votre exposé est des plus intéressants.
    Je veux revenir sur un point dont le colonel Heber a parlé, mais tout d'abord, je veux dire à quel point je suis impressionné par le changement qui est survenu, en particulier au sein de l'état-major de l'armée. Ce changement est illustré par l'ancien CEMD et les mesures prises pour déstigmatiser les problèmes de santé mentale dans l'armée et pour mettre sur pied un régime qui cherche à bien comprendre le phénomène dans son ensemble. Je sais que des efforts sont déployés pour en parler comme d'un traumatisme plutôt que d'une maladie mentale, pour le traiter de la même façon qu'un traumatisme. Tous ces efforts sont très positifs.
    Je me demandais si je pouvais vous demander, docteure Heber, ou à vous, docteur Bernier, de nous parler de la nuance entre le traitement ou la discipline. Je veux revenir sur votre description de la situation du soldat qui avait vécu un traumatisme. Il revient, et le commandant ou l'officier supérieur lui dit: « D'accord, vous êtes en permission pour deux ou trois jours, mais je m'attends à ce que vous reveniez sur le pont ». Je ne dis pas que c'est une mauvaise chose. C'est utile.
    De quelle façon cela diffère-t-il de l'époque où on disait: « Du nerf, soldat! » Je sais que c'est différent, mais pouvez-vous me dire où se situe cette distinction du point de vue médical, du point de vue de l'établissement d'une politique médicale et de la façon de composer avec cette distinction au plan opérationnel?
    Vous avez parlé des symptômes du TSPT. On a laissé entendre que 90 p. 100 des personnes ayant reçu un diagnostic de TSPT présentent au moins un trouble psychiatrique, y compris la dépendance aux drogues, la dépression et des idées suicidaires. Il y a parfois beaucoup de chevauchements. Comment faites-vous cette distinction? Comment vous y prenez-vous d'un point de vue médical, en tant que médecin militaire, et à votre avis, je suppose que ce que j'aimerais savoir, c'est par quoi cela se traduit-il à la pointe?

  (1705)  

    Merci pour cette question.
    D'abord, quand j'ai parlé de la réaction de stress au combat, c'était une mesure que nous prenions en Afghanistan. L'idée était d'essayer de garder les soldats près de leurs collègues, d'éviter de les séparer, parce qu'une grande honte entre toujours en jeu. C'était intéressant. Si quelqu'un se trouvait dans une BOA, une base d'opérations avancée, c'était plus bénéfique si nous pouvions faire quelque chose sur place. De fait, nous avons parfois envoyé notre infirmier ou notre travailleur social là-bas, si nous estimions que c'était nécessaire, au lieu de ramener les soldats même à l'aéroport de Kandahar. C'est une procédure que nous avons élaborée en Afghanistan.
    Quant à ce que nous faisons de retour au pays, vous avez raison, en ce sens qu'il y a toujours un conflit entre la confidentialité entourant le plan de soins du patient et le désir de la chaîne de commandement d'obtenir de l'information afin de pouvoir aider ses membres. Désormais, nous faisons beaucoup d'éducation de la chaîne de commandement — dans le cadre du programme En route vers la préparation mentale. Les militaires le suivent tout au long de leur carrière.
    La semaine dernière, j'ai fait un exposé à Kingston dans le cadre du cours des officiers de l'armée. Il s'agit de membres de l'armée au grade de capitaine qui obtiennent une promotion. C'est le sujet que nous avons abordé. Nous avons parlé de la façon dont nous collaborons. Bien entendu, nous avons mis sur pied un système de limitations professionnelles liées à des troubles médicaux recommandées par le médecin militaire généraliste, le médecin de famille, et non par les services de santé mentale. Les limitations professionnelles liées à des problèmes médicaux disent: « voici les choses que la personne ne peut pas faire » pour une période X, sans nommer les problèmes médicaux.
    Alors, comment nous retrouvons-nous dans des situations, comme lorsqu'on vous renvoie à la maison...? Nous avons récemment entendu parler du cas d'un soldat qui se plaignait d'avoir été affecté à des soi-disant tâches modifiées, où essentiellement, il balayait l'endroit en présence des militaires qu'il avait commandés. Il était de toute évidence traité différemment alors qu'il était censé être traité pour un TSPT. C'est très injuste, je pense que vous en conviendrez. Comment ce genre de choses peut-il arriver?
    Premièrement, je ne peux pas parler de cas particuliers...
    Je ne vous demande pas de parler de ce cas particulier, mais ce scénario me dérange.
    D'accord.
    De toute évidence, nous ne recommanderions jamais un traitement du genre. Les militaires auxquels des limitations professionnelles liées à des problèmes médicaux sont imposées... ceux-ci travaillent parfois à temps partiel. Bien entendu, il arrive aussi que des militaires soient retirés de leur lieu de travail parce que leurs symptômes, à ce moment, sont si sérieux qu'ils ne sont pas capables de fonctionner dans le milieu de travail.
    Le réseau des UISP, les unités interarmées de soutien du personnel, a été mis sur pied à cette fin: pour permettre aux militaires de s'absenter de leur milieu de travail, d'obtenir l'aide dont ils ont besoin pendant tout le temps qu'ils en ont besoin puis, nous l'espérons, d'être réintégrés dans l'armée. Les UISP ont leur propre chaîne de commandement. Elles sont là pour aider les militaires à se rétablir. En outre, pour les militaires qui ne réussissent pas à se rétablir, pour quelque raison que ce soit, et qui finissent par quitter les FC, les UISP travaillent avec nous pour faciliter la transition de ces militaires à la vie civile.

  (1710)  

    Merci. Le temps est écoulé.
    Monsieur McKay, pour le Parti libéral.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux changer un peu de cap et vous demander de nous parler de la consommation — et peut-être de la surconsommation —de drogues chez les militaires. Franchement, je ne sais pas si la consommation de drogues illicites est plus ou moins grande que dans la population civile, mais il n'y a aucun doute qu'elle existe.
    D'un point de vue opérationnel, les conséquences sont clairement beaucoup plus importantes pour un militaire que pour un civil, en fait de capacité d'être déployé, je suppose, et de danger pour soi et pour autrui. Il y a des cas d'automédication et tout ce genre de choses. J'aimerais donc savoir ce que vous pensez des incidences que les drogues illicites ont pour vous, en tant que praticiens médicaux — parce que vous voulez aider — et aussi sur la capacité d'être déployé et l'ampleur de la dissimulation à ce sujet, parce que les soldats sont particulièrement habiles à cacher à leurs officiers supérieurs ce qu'ils font. J'aimerais aussi vous entendre sur les épisodes psychotiques qui sont extrêmement graves lorsqu'il s'agit d'un militaire, surtout sur un champ de bataille.
    J'aimerais entendre vos observations générales et vos observations sur les défis très particuliers auxquels vous faites face.
    Merci, monsieur McKay.
    La consommation de drogues illicites est une préoccupation d'ordre disciplinaire. Les Services de santé font un dépistage de la consommation de drogues illicites à l'enrôlement, mais ils ne participent d'aucune façon à l'imposition de mesures disciplinaires. C'est entièrement séparé. Nous ne voulons pas donner l'impression que potentiellement... Ce serait nuisible pour les militaires qui pourraient vouloir être traités pour une dépendance s'ils soupçonnaient d'une quelconque façon ou s'ils avaient l'impression que les Services de santé participent à l'exécution disciplinaire des règles en la matière.
    Nous traitons de notre mieux les militaires qui ont une dépendance et nous le faisons de façon confidentielle. Nous avons une série de centres d'orientation pour le traitement à l'interne de la toxicomanie et notre propre centre d'orientation et de traitement résidentiel, à Halifax, pour traiter les militaires toxicomanes et maximiser, puisque l'institution dans son ensemble veut maximiser, leur rétablissement et leur capacité à rester productifs et à faire partie des forces armées.
    Quant aux autres éléments, les épisodes psychotiques, docteure Heber...?
    En ce qui concerne les épisodes psychotiques, je dois répéter que nous n'avons pas fait de recherche portant explicitement sur le nombre de militaires qui ont des épisodes psychotiques, mais d'après mon expérience, c'est plutôt rare. Si nous prenons les gens souffrant de maladies mentales graves et persistantes comme la schizophrénie ou les troubles bipolaires, ceux-là même qui peuvent avoir des épisodes psychotiques, nous constatons qu'ils ne font généralement pas partie des Forces canadiennes.
    C'est dû en partie, je me répète, aux antécédents médicaux que nous examinons dans le cadre du recrutement. Bien honnêtement, je crois qu'une partie des épreuves à surmonter en étant dans les Forces... Par ailleurs, il y a le fait que la communauté est petite et que si un militaire présentait le genre de symptômes graves qui aboutiraient à des épisodes psychotiques, son entourage s'en apercevrait d'habitude et souvent assez rapidement après le recrutement. Ce sont les cas que nous voyons en général...
    Vous prétendez donc que, de fait, ils sont éliminés à l'étape du dépistage dès le départ.
    En règle générale, cela semble être le cas. Bien sûr, si un candidat dit au cours de son examen médical à l'étape du recrutement: « Oui, j'ai eu un épisode psychotique », il serait soumis à un examen très poussé, mais je pense que même si des candidats ne révèlent pas leur état, s'ils sont susceptibles d'avoir un épisode psychotique tôt dans leur carrière, ils vont très rapidement attirer notre attention.

  (1715)  

    Le lien entre le traitement et la discipline pose un curieux défi, un défi bien particulier pour vous deux, parce qu'il est entendu que vous devez assurer la confidentialité des renseignements concernant le patient, mais en toute conscience, vous ne pouvez pas envoyer des gens dans des situations extrêmement stressantes lorsque vous avez toutes les raisons de croire — et que parfois, vous savez très pertinemment — que cette personne consomme de la drogue.
    Eh bien, de nouveau, en ce qui concerne les militaires qui demandent d'être traités, comme le général Bernier l'a dit, qu'il s'agisse de drogues illicites ou de consommation excessive d'alcool, nous leur offririons un traitement, et ils se verraient imposer les limitations professionnelles appropriées à leurs problèmes médicaux, et ce, pour une période donnée, jusqu'à ce qu'ils terminent leur traitement et ne présentent plus ce problème. Une des limitations professionnelles liées à des problèmes médicaux dirait quelque chose comme « cette personne ne peut être déployée pour une période x pendant qu'elle suit son traitement ».
    Merci.
    Je crois comprendre que pour le parti conservateur, Mme Gallant et M. Chisu veulent partager leur temps.
    Madame Gallant, vous avez la parole en premier.
    Merci, monsieur le président.
    Compte tenu qu'une corrélation positive entre la prise de méfloquine et la maladie mentale — des cas de dépression et d'autres manifestations — a été rapportée, pourquoi ce médicament est-il encore employé contre le paludisme alors qu'il existe d'autres solutions?
    Merci.
    Nous gardons la méfloquine sur la liste des médicaments disponibles parce qu'il est très efficace, et les États-Unis continuent de l'utiliser, contrairement aux perceptions erronées rapportées à tort dans les médias. Le Comité consultatif de la médecine tropicale et de la médecine des voyages de l'Agence de la santé publique du Canada, l'Organisation mondiale de la santé et les Centers for Disease Control des États-Unis continuent de le recommander. Son grand avantage tient à sa posologie hebdomadaire plutôt que quotidienne. Une maladie potentiellement mortelle comme le paludisme pourrait vous coûter la vie si vous sautez une dose de l'un des autres médicaments disponibles. La prise de ce médicament n'est pas obligatoire.
    Nous offrons habituellement un choix entre trois médicaments: doxycycline, Malarone et méfloquine. La plupart des gens optent maintenant pour le Malarone, mais dans certains cas, à cause de différentes contre-indications — intolérance au Malarone ou à la doxycycline —, ils arrêtent leur choix sur la méfloquine, ou simplement à cause de la commodité de n'avoir à le prendre qu'une fois par semaine. Parmi nos alliés, de nombreux pays continuent d'utiliser exclusivement la méfloquine à cause de son efficacité contre le paludisme.
    Les États-Unis et l'Australie se sont contentés de lui retirer le statut de médicament antipaludisme de choix pour en faire un traitement de deuxième ligne. Les Américains ont pris cette décision non pas à cause des préoccupations concernant la santé mentale ou ses effets psychologiques, mais à cause du fardeau logistique lié au temps nécessaire, compte tenu du nombre énorme de soldats qu'ils déploient: soumettre chaque soldat à un dépistage en fonction des contre-indications potentielles engendrait simplement un fardeau trop lourd. Pour cette raison, et pour cette seule raison, ils en ont fait un médicament de deuxième ligne.
    Un lien causal entre la méfloquine et un trouble de stress post-traumatique a été évoqué dans un article publié aux États-Unis, mais l'auteur mentionne qu'il s'agissait probablement d'une réaction singulière et inhabituelle extrême dans un seul cas particulier.
    Nous soumettons nos militaires à un dépistage des contre-indications qui les rendraient plus susceptibles d'avoir une réaction négative à la méfloquine s'ils devaient eux-mêmes, individuellement, opter pour ce médicament.
    Merci.
    Monsieur Chisu.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'ai trois questions très brèves.
    Premièrement, dans les trousses de premiers soins des soldats, nous utilisions le tourniquet israélien quand j'étais en Afghanistan. A-t-on amélioré les trousses de premiers soins distribuées aux soldats qui vont participer à des opérations de combat? Les trousses renferment-elles de nouveaux produits, plutôt que les vieux bandages que nous avons eus pendant les 20 dernières années?
    Deuxièmement, où en est la vaccination? Si l'ordre est donné — vous devez vous faire vacciner parce que vous allez en Haïti, ou en Afghanistan ou ailleurs —, vous ne pouvez pas dire « savez-vous, je ne veux pas me faire vacciner ». Vous devez le recevoir.
    La troisième question concerne les dossiers médicaux. Les soldats ont-ils accès à leur dossier médical? J'ai moi-même demandé mon dossier médical.

  (1720)  

    Dans la trousse distribuée aux soldats, les deux principaux ajouts propres à sauver des vies sont le tourniquet autoserreur...
    M. Corneliu Chisu: Oui, il est très bon.
    Bgén Jean-Robert Bernier: ... qui a sauvé de nombreuses vies de l'hémorragie, et l'utilisation d'une substance en poudre concentrée, QuikClot; et maintenant, une gaze coagulante améliorée qui ne cause pas de brûlure chimique, mais qui peut être insérée dans des plaies s'il est impossible d'arrêter l'hémorragie par compression à cause de la profondeur ou de l'étendue des plaies. QuikClot et la gaze sont extrêmement efficaces pour stopper l'hémorragie. Les deux produits ont sauvé beaucoup de vies, ce que les analyses nous prouvent sans équivoque.
    En outre, une formation supplémentaire est donnée au personnel qui prodiguera les soins tactiques de combat en tant que secouristes, mais avec une formation très poussée, axée sur les traumatismes et les blessures susceptibles de survenir sur un champ de bataille.
    Quant à la vaccination, en droit canadien, toute personne peut refuser d'être vaccinée. Toutefois, les militaires qui refuseraient d'être vaccinés seraient réputés, dans la plupart des cas, inaptes au service militaire. Des mesures administratives seraient donc prises pour qu'ils soient libérés des forces armées ou, de toute évidence, pour qu'ils ne soient pas déployés. Ce n'est pas seulement pour la protection de l'individu en question. Si l'individu remplit une fonction particulière dans un quelconque contexte opérationnel de déploiement, et si cet individu tombe inutilement malade, non seulement la vie de cet individu est menacée, mais il met en danger la vie de tous les membres de l'unité.
    Quant à l'accès au dossier médical, oui, les militaires peuvent avoir accès de façon informelle ou formelle à leur dossier médical, que ce soit en le demandant à leur clinique locale ou par un processus d'accès à l'information qui leur permet d'obtenir une copie complète de leur dossier.
    Merci.
    Merci.
    Le temps qui nous est alloué pour notre séance est écoulé.
    Je veux vous remercier, général, et vous aussi, lieutenant-colonel Heber, d'être venus nous faire part de vos réflexions.
    Je veux vous remercier ainsi que votre personnel pour le travail fantastique que vous faites dans les Forces canadiennes, y compris ceux qui travaillent dans tous les centres médicaux à la grandeur du Canada, et bien entendu ceux qui ont servi au front également, à l'extérieur de l'enceinte, où ils doivent souvent être à la fois un professionnel médical et un soldat. Je sais qu'à tout moment, tous les membres de votre personnel des services médicaux sont prêts à changer de rôle si nécessaire.
    Une fois encore, merci beaucoup d'être venus et de nous avoir aidés dans notre examen.
    Cela dit, quelqu'un veut proposer la levée de la séance?
    Un député: Je propose.
    Le président: La séance est levée.
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