SINT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 28 février 2002
¹ | 1530 |
Le président (M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.)) |
M. Howard Mann |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
Le président |
M. Howard Mann |
Le président |
¹ | 1545 |
Mme Elizabeth E. May (directrice générale, Club Sierra du Canada) |
Le président |
M. David Runnalls (président et directeur général, Institut international pour le développement durable) |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
Le président |
M. Svend Robinson (Burnaby--Douglas, NPD) |
Le président |
Mme Elizabeth May |
º | 1600 |
º | 1605 |
º | 1610 |
º | 1615 |
Le président |
M. Christopher Henderson |
º | 1620 |
º | 1625 |
º | 1630 |
Le président |
M. Svend Robinson |
Mme Elizabeth May |
M. Svend Robinson |
M. Howard Mann |
º | 1635 |
M. Svend Robinson |
M. Christopher Henderson |
M. Svend Robinson |
Le président |
º | 1640 |
M. Howard Mann |
Mme Elizabeth May |
Le président |
M. David Runnalls |
Le président |
M. Bill Casey (Cumberland--Colchester, PC/RD) |
Le président |
M. Pat O'Brien (London--Fanshawe) |
º | 1645 |
M. Robinson |
M. Pat O'Brien |
M. Bill Casey |
M. O'Brien |
Mme Elizabeth May |
M. Pat O'Brien |
Mme Elizabeth May |
M. Pat O'Brien |
M. Howard Mann |
º | 1650 |
M. Pat O'Brien |
M. David Runnalls |
M. Pat O'Brien |
M. Howard Mann |
Le vice-président (M. Svend Robinson) |
M. David Runnalls |
º | 1655 |
Le vice-président (M. Svend Robinson) |
M. Bill Casey |
[No Salutation Found] UNKNOWN UNKNOWN |
M. Bill Casey |
Des voix |
M. Casey |
M. Christopher Henderson |
M. Robinson |
M. Christopher Henderson |
M. Casey |
M. Christopher Henderson |
Mme Elizabeth May |
M. Casey |
M. Christopher Henderson |
» | 1700 |
M. Casey |
M. Christopher Henderson |
M. Bill Casey |
M. Christopher Henderson |
M. Casey |
Le président |
M. Grose |
Le président |
Mme Rebecca Last (directrice des programmes et des politiques, Association canadienne des industries de l'environnement) |
» | 1705 |
M. Grose |
Le président |
Mme Elizabeth May |
Le président |
M. Howard Mann |
M. Grose |
Le président |
CANADA
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 28 février 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
Le président (M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.)): Il est 15 h 30, et nous avons quorum.
Nous avons un excellent groupe de témoins qui vont passer l'après-midi avec nous. Ils vont nous exposer leurs opinions sur l'élaboration d'une position de négociation pour le gouvernement du Canada et nous faire leurs suggestions. Ils vont aussi nous donner leur avis sur diverses questions concernant l'OMC et se rattachant à leur domaine de compétence.
J'ai pensé que nos témoins pourraient nous faire chacun une brève déclaration, après quoi nous pourrons ouvrir la discussion et passer aux questions et aux commentaires. J'espère que nous pourrons terminer avant 17 h 30.
J'ai donc l'honneur de vous présenter notre premier témoin, M. Howard Mann, qui est consultant et avocat en droit commercial. Je soupçonne qu'il a déjà travaillé aussi pour le gouvernement du Canada.
Nous avons également avec nous M. David Runnalls, de l'Institut international pour le développement durable, et Mme Rebecca Last, qui est directrice des programmes et des politiques à l'Association canadienne des industries de l'environnement. M. Christopher devrait se joindre à nous un peu plus tard.
Monsieur Mann, nous allons commencer par vous. Nous vous souhaitons la bienvenue au comité. Si vous pouvez le faire en moins de cinq minutes, j'aimerais que vous nous décriviez brièvement la situation de votre point de vue.
M. Howard Mann (consultant et avocat en droit commercial): Je vais essayer d'être aussi bref que possible, mais je ne suis pas sûr de pouvoir me limiter à cinq minutes.
J'ai effectivement déjà travaillé pour le gouvernement du Canada, monsieur le président. J'étais au ministère de la Justice, comme avocat spécialisé dans le droit environnemental international, le travail, les changements climatiques, l'ALENA, la biodiversité et un certain nombre d'autres questions internationales liées à l'environnement. C'est à partir de là que je me suis dirigé vers le droit commercial international.
Dans mes commentaires d'aujourd'hui, monsieur le président, je voudrais mettre l'accent tout particulièrement sur les répercussions que pourrait avoir le programme de Doha sur l'évolution du droit de l'environnement au Canada, dans une optique qui pourrait peut-être déboucher sur un rôle supplémentaire pour votre sous-comité. Ce sous-comité et le comité principal se penchent depuis plusieurs années sur les questions de politique dans une perspective commerciale, ou sur les questions de politique commerciale et d'élaboration de la politique dans ce domaine. Je pense qu'il faut féliciter le comité pour le travail qu'il a accompli, et en particulier pour avoir réagi aussi vite après l'adoption de la déclaration ministérielle de Doha. Je voudrais suggérer un rôle supplémentaire pour le comité au cours des prochaines années, pour assurer le suivi de la rencontre de Doha, et vous expliquer pourquoi c'est tellement important à mon avis.
Je pense, monsieur le président, que le comité devrait commencer à surveiller très activement le déroulement des négociations—pas seulement les grandes questions de politique, mais aussi le texte provisoire, l'évolution des positions de négociation, les propos des uns et des autres, les auteurs, la raison et le contexte de ces propos, ainsi que leurs répercussions. C'est très différent d'un examen général de la politique, et cela constituerait à mon avis un rôle nettement plus important pour votre sous-comité. Ce serait un rôle permanent, selon un horaire établi avant et après les sessions de négociation, en présence des négociateurs et du grand public.
Pourquoi est-ce que je trouve cela tellement important? Premièrement, monsieur le président, messieurs les membres du comité, c'est important parce qu'en réalité, le droit commercial international joue aujourd'hui un rôle quasi constitutionnel au Canada. Ses répercussions vont bien au-delà des mesures législatives adoptées pour la mise en oeuvre des accords commerciaux et s'étendent en fait à toutes les activités législatives au Canada.
En tant qu'élément constitutionnel ou quasi constitutionnel, il crée des obligations qui lient les gouvernements et le Parlement, ainsi que les assemblées législatives des provinces et des territoires. Il entraîne la mise en place d'un système judiciaire chargé d'examiner le respect de ces obligations, à la suite de plaintes des États dans le cas des mesures de nature commerciale, ou de plaintes d'investisseurs étrangers lorsqu'il s'agit de mesures touchant les investissements. Tant dans le cadre de l'OMC qu'en vertu de l'ALENA, il crée également un système d'application qui ajoute à l'efficacité du processus judiciaire. Et surtout, monsieur le président, il couvre toutes les fonctions législatives et réglementaires futures dans tous les domaines de l'activité gouvernementale, aux niveaux fédéral et provincial, à moins que ces domaines ne soient expressément exclus de l'application des accords commerciaux. Ces domaines bénéficiant d'une exclusion expresse sont cependant très peu nombreux, et je pense qu'il est extrêmement important de le souligner quand on parle de la portée de ces accords.
Pour ce qui est des conséquences potentielles de la déclaration de Doha sur la gestion de l'environnement au Canada, le document de recherche que vous nous avez fait parvenir portait en particulier sur les paragraphes 31 et 32. À mon avis, cela ne représente qu'une infime portion des éléments de la déclaration de Doha qui ont un rapport avec l'environnement. Si vous regardez le paragraphe 6 de la déclaration ministérielle de Doha, par exemple—je vais vous en décrire quelques éléments un peu plus en détail et vous donner une liste de quelques autres—, vous constaterez qu'en fait, cette disposition réaffirme la préséance juridique du droit commercial international sur le droit national en matière d'environnement. Autrement dit, une mesure environnementale qui aurait un effet sur le commerce—et sur les investissements étrangers, en présumant que cette question fera partie de la nouvelle ronde de négociations—devra respecter le droit commercial international à tous les égards, quoi que puissent laisser croire les résultats des négociations qui suivront la rencontre de Doha. Cette clause de préséance se trouve au tout début de la déclaration ministérielle de Doha.
¹ (1535)
Quand on regarde les dispositions sur l'agriculture, aux paragraphes 13 et 14, il y a en fait un lien spécifique avec les questions environnementales, quand il est question de l'examen des préoccupations non commerciales dans le domaine agricole. Tous ceux qui participent à la ronde comprennent que cela désigne d'abord et avant tout les questions concernant l'agriculture ou l'environnement, ainsi que les services environnementaux qui se rattachent aux terres agricoles, aux régions agricoles, au commerce des produits agricoles, et ainsi de suite. Il sera extrêmement important de concilier les utilisations environnementales de ces terres, ce que toutes nos provinces tentent de faire également. Il y a dans tout le Canada des restrictions touchant l'utilisation des terres agricoles, pour des raisons liées à l'environnement. Nous devrons nous en souvenir quand nous examinerons les questions touchant l'agriculture, et faire en sorte qu'il y ait un bon équilibre entre ces questions et les questions commerciales.
Le paragraphe 15, sur les services, soulève aussi certaines préoccupations, par exemple au sujet de ce qui sera couvert ou de la mesure dans laquelle les services environnementaux pourront inclure des choses comme l'approvisionnement en eau potable. Ce qui suscite aussi des interrogations, par exemple, sur la gestion des ressources en eau douce.
Le paragraphe 16 porte sur l'accès au marché pour les produits non agricoles. C'est un de ces paragraphes qui rappellent, en trois mots très courts, l'ensemble des préoccupations touchant l'environnement. Dans ce paragraphe, il est question de la réduction ou de l'élimination des obstacles tarifaires, mais aussi des obstacles non tarifaires. Il s'agit essentiellement de toutes les lois concernant la protection de la santé et de l'environnement. Elles se classent dans la catégorie des obstacles non tarifaires, ce qui signifie que, quand il est question de la réduction ou de l'élimination des obstacle non tarifaires au paragraphe 16, cela inclut à coup sûr—quoique pas uniquement—les mesures de protection de l'environnement et de la santé humaine. De toute évidence, cela a des répercussions importantes sur les mesures de rétorsion qui pourraient découler des négociations en vertu du paragraphe 16.
Cela ouvre également la porte, monsieur le président, à l'annulation de certains des gains que les écologistes ont accueillis avec satisfaction dans quelques-unes des décisions récentes de l'Organe d'appel de l'OMC—des décisions qui ont permis de mieux comprendre par exemple ce qu'on entend par «nocif», quand on parle de produits nocifs, ce qu'on entend par «produits similaires» et comment inclure les questions environnementales dans cette analyse, et dans l'examen des processus et des méthodes de production. Ce sont en fait des questions qui ne pouvaient pas être soumises au processus de règlement des différends de l'OMC avant que l'Organe d'appel ne le permette. Un certain nombre de pays aimeraient revenir en arrière à l'occasion de cette ronde.
Bref, le paragraphe 16 est un élément de négociation crucial pour les rôles de protection de l'environnement et de la santé humaine, et il revêt une très grande importance pour le Canada.
Très brièvement, je vais vous énumérer quelques autres paragraphes pour le compte rendu : le paragraphe 17, sur les droits de propriété intellectuelle, et les paragraphes 20 à 22 sur les investissements. Certains d'entre vous ont peut-être déjà vu le livre que nous avons publié l'an dernier—et que j'ai écrit pour l'Institut international pour le développement durable—au sujet des questions que soulève le chapitre 11 de l'ALENA au sujet des investissements. Ce sont des questions du même genre. Nous avons ici quelques exemplaires de ce livre si cela vous intéresse, et si vous en voulez d'autres pour le comité, nous pourrons certainement vous en faire parvenir. Vous n'avez qu'à nous le dire. Je pense que vous y trouverez une analyse très complète de toutes les questions touchant l'investissement.
Le paragraphe 26 pourrait poser certains problèmes en ce qui a trait aux achats gouvernementaux et à la capacité, pour les gouvernements, de maintenir des programmes d'achats écologiques pour leurs propres besoins.
Le paragraphe 28 précise les règles touchant les subventions, et inclut expressément les pêches et les principales préoccupations environnementales relatives aux ressources naturelles. Le mécanisme de règlement des différends et les questions de transparence, de groupes d'intervenants désintéressés, et ainsi de suite, sont étroitement liés aux questions d'environnement et de durabilité. Le paragraphe 37, sur les transferts de technologie, est similaire.
Le paragraphe 51 prévoit un mécanisme qui permettra au Comité du commerce et de l'environnement de l'OMC d'évaluer les répercussions de la ronde sur l'environnement à mesure qu'elle progressera. M. Runnalls aura probablement quelques mots à vous dire à ce sujet-là, mais je trouve que, dans l'état actuel des choses, c'est nettement insuffisant. Il y a vraiment un grand risque que les questions d'environnement servent uniquement de prétexte au cours de cette ronde.
J'aurais encore quelques commentaires à faire.
¹ (1540)
En ce qui concerne plus précisément les paragraphes 31 et 32, j'aimerais ajouter que le paragraphe 31i) de la déclaration de Doha porte sur le lien avec les accords environnementaux multilatéraux, les AEM, mais il stipule que tout travail effectué en vertu de ce paragraphe ne peut s'appliquer qu'« entre les parties à l'AEM en question », ainsi qu'à l'OMC. S'il y a des États qui sont signataires d'accords de l'OMC, mais non de l'AEM, ils ne seront pas visés par cette disposition.
À mon avis, monsieur le président, c'est sans contredit la pire disposition de la déclaration de Doha en ce qui concerne l'environnement. Ce sera en fait une mesure de dissuasion juridique si des mécanismes de ce genre sont mis en place. Cette disposition, si c'est la voie qui est adoptée, découragera les États de signer des accords multilatéraux sur l'environnement parce que ce mécanisme établirait des droits commerciaux plus importants pour les États qui ne sont pas signataires de ces accords que pour ceux qui le sont. C'est du moins un risque très réel à cause de la formulation adoptée.
En plus, il y a un risque que des jugements déjà rendus et des applications constructives déjà adoptées au sujet des AEM par l'Organe d'appel, dans le processus de règlement des différends, soient renversés. Or, justement, ces décisions ne faisaient pas référence à la question de savoir si des États étaient partie ou non et portaient sur les accords comme tels, comme exemples de mécanismes appropriés dans le domaine de l'environnement, que les États soient ou non signataires. Ce paragraphe risque donc clairement de créer des dommages importants et d'entraîner de nets reculs par rapport au droit existant.
Le paragraphe 32i) porte plus particulièrement sur les effets des mesures de protection de l'environnement sur le commerce. C'est très bien. Je n'ai pas vraiment d'objection à cela. Si une mesure ne donne rien ou constitue un obstacle déguisé au commerce, il est parfaitement approprié d'examiner ses effets sur le commerce. Pas de problème! Ce qui me préoccupe, cependant, c'est le rapport que cela peut avoir avec les objectifs de négociation touchant la réduction des obstacles non tarifaires, en ce sens que quand on cherche à déterminer les effets des règles commerciales sur les mesures de protection de l'environnement—le contraire, si vous voulez, ou l'inverse—, on ne voit cela que dans le contexte des travaux du CCE, alors que le processus d'évaluation environnementale du CCE est vraiment faible et qu'il ne lui permet que de faire des recommandations; ce n'est pas un contexte de négociation. Il y a à notre avis un réel déséquilibre dans la façon dont les priorités sont établies ou dont les mécanismes d'examen sont prévus pour ces deux catégories de questions.
Pour résumer, monsieur le président, je suis d'avis que la déclaration de Doha comprend plusieurs points susceptibles d'influer sur la gestion de l'environnement au Canada, tant sur le plan intérieur que dans le cadre des accords internationaux. Je ne l'ai pas apportée, mais j'ai une version annotée du programme à la maison, si cela vous intéresse, monsieur le président. On y présente tous les éléments de ce programme et on y met en évidence tous les éléments qui présentent, à mon avis, un problème du point de vue environnemental. Je pourrais l'envoyer demain au greffier par courriel.
Le président: Ce serait utile.
M. Howard Mann: Pour en revenir à mon commentaire initial et je vais conclure là-dessus, monsieur le président, étant donné toutes les répercussions et toutes les interactions du programme de Doha sur les questions de gestion de l'environnement dans toute une gamme de domaines, cela met vraiment en relief la nécessité, dans un contexte environnemental, que la Chambre des communes et votre sous-comité exercent un rôle de supervision permanent tout au long des négociations. Les répercussions pourraient être très vastes, en ce qui concerne le rôle du Parlement et ce que le Parlement pourrait ou ne pourrait pas être autorisé à faire dans le climat ou le contexte qui suivra Doha, et il est extrêmement important à mon avis que le Parlement intervienne activement dans ce processus.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Mann.
Mme Elizabeth May, du Club Sierra du Canada, vient de se joindre à nous, de même que M. Christopher Henderson. Nous leur souhaitons la bienvenue à tous les deux.
Comme nous avons déjà commencé, nous pourrions peut-être donner la parole à M. Runnalls, si vous le permettez, madame May. Est-ce que cela vous convient?
¹ (1545)
Mme Elizabeth E. May (directrice générale, Club Sierra du Canada): Oui.
Le président: Monsieur Runnalls, vous n'avez pas besoin de lire votre mémoire au complet pour le compte rendu. Nous allons considérer qu'il a été lu si vous voulez vous contenter de nous résumer brièvement vos vues. Nous vous poserons ensuite nos questions.
M. David Runnalls (président et directeur général, Institut international pour le développement durable): Merci, monsieur le président. Je n'ai pas l'intention de vous lire tout cela. Je m'excuse d'avoir uniquement un texte en anglais. Comme nous avons eu un préavis assez court avant la séance, nous n'avons pas eu le temps d'en produire une version française. Nous pourrons la faire parvenir au comité plus tard.
Permettez-moi de me présenter brièvement. Je suis président de l'Institut international pour le développement durable. Il s'agit d'une organisation sans but lucratif située à Winnipeg. Nous nous occupons notamment d'analyser les liens entre le commerce et le développement durable.
C'est un peu embarrassant, monsieur le président. Ce n'était pas prévu, mais Howard Mann a réalisé une bonne partie de nos travaux sur l'investissement, et Elizabeth est membre de notre conseil d'administration. Nous ne nous étions pas rendu compte que nous serions tous ici en même temps. Ce n'était pas un complot de notre part pour monopoliser vos discussions sur l'environnement, mais si nous avions su que nous allions tous témoigner, c'est probablement ce que nous aurions essayé de faire.
Vous serez sûrement soulagé de savoir, monsieur le président, que je compte me limiter à cinq ou six minutes.
Permettez-moi de vous exposer tout d'abord notre principe de base. Ce principe, c'est que la libéralisation des échanges commerciaux et la protection de l'environnement peuvent se renforcer mutuellement, quoique ce ne soit pas automatique. Nous croyons en fait qu'il sera très difficile pour les pays en développement, par exemple, d'en arriver à quelque chose qui ressemble à du développement durable s'ils ne disposent pas du genre de capital que fournirait un meilleur accès aux marchés des pays développés. Mais rien ne garantit que nous obtiendrons les résultats que nous souhaitons. La libéralisation des échanges peut mener à une détérioration accélérée de l'environnement, encore une fois dans les pays en développement, s'il n'y a pas de politiques appropriées pour protéger l'environnement.
Vous savez sûrement, monsieur le président, que c'est cette année que se tiendra le Sommet mondial sur le développement durable; il aura lieu au mois d'août à Johannesburg, en Afrique du Sud. S'il y a une chose que nous avons apprise au sujet du développement durable au fil des années, c'est bien qu'il est essentiel d'intégrer la politique économique et la politique environnementale. L'une ne va pas vraiment sans l'autre. Il est parfaitement évident que, dans le cas du commerce international, une part disproportionnée des conflits majeurs qui ont été soumis à l'organe de règlement des différends de l'OMC portaient sur des conflits entre les objectifs commerciaux et les objectifs environnementaux.
L'environnement n'est pas un luxe dont on peut s'occuper une fois qu'on a réussi à conclure des accords commerciaux. Il existe toutes sortes de pièges cachés—il y en a beaucoup dans la déclaration de Doha—et, si les gouvernements n'y prêtent pas attention quand ils négocient et quand ils appliquent ces accords, ils peuvent en subir les conséquences, tout simplement parce que ces deux systèmes sont vraiment très étroitement liés de nos jours.
Je voudrais porter cinq ou six points à l'attention du comité, au sujet des secrets de la réussite pour l'après-Doha, au moins en ce qui concerne les liens entre le commerce et le développement durable. Le premier point, c'est qu'il faut établir une série de buts et d'objectifs clairs pour la libéralisation des échanges commerciaux.
Un des problèmes, dans le cas des négociations sur la question—et c'est souvent une des raisons pour lesquelles les négociateurs et les manifestants qui sont à l'extérieur de la pièce ne s'entendent pas—, c'est qu'il n'y a pas de buts établis en commun. La libéralisation des échanges est devenue un but en soi dans l'esprit des négociateurs, et un exemple déplorable des pires formes de mondialisation dans celui de nombreux manifestants.
Je dirais que l'OMC et les gouvernements qui participent aux négociations de l'OMC devraient d'abord prendre le temps de définir des buts précis et définitifs pour la prochaine ronde de négociations. Est-ce uniquement une question de croissance économique? Dans ce cas, on peut se demander dans quelle mesure le lien est vraiment solide pour beaucoup de pays en développement. Est-ce une question de lutte contre la pauvreté? D'expansion des marchés? De développement durable? Je dirais que, si le Canada pouvait réussir à définir ces buts, ce serait une contribution majeure au débat. Autrement, il y aura des discussions sans fin sur l'objectif ultime de l'exercice.
Il faudrait également à mon avis—et c'est un autre point sur lequel le Canada, qui a contribué à la création de l'OMC, pourrait être utile—accorder beaucoup plus d'importance à la modification du rôle et de la composition de l'OMC. L'organisation n'a pas encore compris qu'elle n'était plus une tribune de négociations réunissant 65 pays. Elle a plus que doublé depuis les négociations de l'Uruguay Round. Avec l'arrivée de la Chine et l'adhésion possible de la Russie, elle semble maintenant représenter l'ensemble des pays du monde, ce qui en fait une organisation d'un type différent.
¹ (1550)
L'OMC est un véritable cauchemar en ce moment. Les gens de l'appareil gouvernemental auraient une crise cardiaque, monsieur le président, parce que l'OMC compte 50 comités, qui sont tous des comités pléniers. Chaque pays est membre de tous les comités de l'OMC. C'est peut-être faisable pour le Canada, mais pour un pays en développement qui n'a qu'un ou deux représentants à Genève, c'est un cauchemar. Par conséquent, l'organisation est périodiquement paralysée.
En outre, elle fonctionne uniquement par consensus. Quelle que soit sa taille, un pays incapable d'accepter un consensus peut retarder les travaux pendant des semaines ou des mois. C'est tout simplement impossible dans notre monde moderne.
Troisièmement, nous devons nous concentrer beaucoup plus sur les problèmes des pays en développement. Il est très possible que les choses auraient mal tourné de toutes façons à Seattle, même s'il n'y avait pas eu de manifestants et même si les quatre piliers—le Canada, les États-Unis, l'Europe de l'Ouest et le Japon—avaient fait front commun, parce que les pays en développement se sentaient laissés de côté. Ils avaient en gros l'impression de n'en retirer aucun avantage, ou alors de n'obtenir que des avantages minimes, comme l'a à peu près confirmé ce qu'ils ont vécu depuis l'Uruguay Round.
Il faudra commencer à tenir compte des questions de développement. Que la prochaine ronde soit ou non consacrée au développement, il faudra accorder plus d'attention aux pays en développement. Ce qui passe notamment par le renforcement de leur capacités. La déclaration de Doha contient une foule de choses sur le renforcement des capacités, ce qui signifie—et je pense que le Canada a aussi un rôle important à jouer à cet égard—qu'il faudra aider les pays à développer leur propre capacité d'analyser ces questions dans leur propre perspective. Jusqu'ici, à l'OMC, le renforcement des capacités consistait à former des douaniers et des fonctionnaires pour leur montrer comment interpréter les règles. Je pense qu'il faut plutôt aider à donner aux gouvernements les moyens nécessaires pour mener ces négociations de façon satisfaisante.
Il y aussi la question des normes, monsieur le président. Tous ceux qui ont déjà travaillé dans l'industrie forestière ou dans l'industrie minière sont au courant du genre de différends que suscitent les normes internationales et l'élaboration de ces normes. Il existe des dispositions sur l'établissement de règles internationales relatives aux normes. L'ISO 14000, qui concerne l'environnement, est peut-être l'exemple le plus évident. Il serait tout à fait possible de commencer à établir des normes qui permettraient d'éviter certains de ces différends dans toute une gamme d'industries, mais encore là, ce ne sera pas utile si les pays en développement ont l'impression de ne pas participer à l'élaboration de ces normes.
La plupart des pays en développement sont complètement incapables de participer à ces négociations. Ils n'ont pas les ressources nécessaires, ni les capacités techniques. Mais le Canada les a. L'Association canadienne de normalisation est un participant hautement respecté à ces discussions. C'est un autre domaine dans lequel le Canada pourrait nouer des relations qui pourraient être bénéfiques non seulement pour l'industrie canadienne, mais aussi pour l'environnement. Dans ce rôle de renforcement des capacités, monsieur le président, je tiens à souligner ce que fait l'ACDI, l'Agence canadienne de développement international, qui a vraiment commencé à se doter des capacités nécessaires pour se pencher sur ces questions. Elle ne l'avait jamais fait avant.
Nous devons aussi faire de réels progrès en ce qui concerne l'environnement. Je dirais que le jeu des puissances, à cet égard, est maintenant tel que l'Union européenne et les États-Unis ne peuvent pas quitter la table sans s'être entendus sur d'importantes concessions au sujet de l'environnement. L'opinion publique en Europe est de plus en plus soucieuse de l'environnement; vous pouvez constater les pressions que cela exerce sur les responsables européens du commerce. Je vous rappelle également que le président Bush n'a fait adopter sa procédure de négociation accélérée que par une seule voix au Congrès, à majorité républicaine; donc, il n'est pas nécessaire de soumettre beaucoup d'éléments à un vote du Congrès pour tuer un accord potentiel. Il y aura par conséquent beaucoup de pressions, tant sur l'Union européenne que sur les États-Unis, et peut-être également sur le Canada, pour que ces pays réalisent des progrès concrets en matière d'environnement et pour qu'ils apportent à l'OMC certaines considérations à cet égard, selon une approche qu'ils n'ont jamais adoptée jusqu'ici. À mon avis, monsieur le président, cela pourrait déboucher sur trois ou quatre formules gagnantes. Je vais vous les décrire avant de terminer.
Je ne pense pas que le véritable problème réside dans les objectifs traditionnels en matière de commerce et d'environnement, qui se rattachaient aux MPP et aux conflits entre les accords commerciaux et les accords environnementaux multilatéraux. Howard a souligné qu'il y avait encore des problèmes à certains égards. Ces problèmes sont loin d'être tous réglés, mais ils ont été relégués aux oubliettes. Je pense que les nouveaux objectifs seront les suivants.
Il y a d'abord toute la question de la gestion internationale de l'environnement. Nous avons un gorille de 300 livres d'un côté, l'OMC, et une foule d'accords internationaux sur l'environnement de l'autre côté, qui font à peine 50 livres. Nous devons trouver un moyen—et nous pourrons peut-être en parler tout à l'heure—de renforcer certaines des organisations vouées à la protection de l'environnement pour que la conversation se déroule un peu plus entre égaux.
¹ (1555)
Deuxièmement, la transparence est très importante—je suis certain qu'Elizabeth va vous en parler. L'OMC est encore une organisation très opaque. En fait, il n'y a pas si longtemps, on ne pouvait même pas obtenir l'ordre du jour des réunions de ses comités. Et on ne pouvait certainement pas assister à ces réunions parce que les observateurs n'étaient pas admis. En fait, jusqu'à tout récemment, même les gens du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale n'étaient pas autorisés à assister aux réunions de l'OMC.
C'est une organisation qui n'aime pas du tout être surveillée. Son organe de règlement des différents fonctionne dans le plus grand secret. Il publie maintenant le résultat de ses délibérations, mais pas nécessairement les présentations des parties. Et les organisations de la société civile ou les membres du grand public n'ont à peu près pas la possibilité de présenter des mémoires d'intervenants désintéressés, même si ce sont des spécialistes. Je pourrais vous donner d'innombrables exemples, et ce secret ne fait qu'éveiller des soupçons chez les gens de l'extérieur. Vous pouvez penser ce que vous voudrez des manifestants, mais le fait est que l'OMC alimente leur mécontentement en fonctionnant dans le plus grand secret. Je ne pense pas qu'il soit dans l'intérêt du Canada de laisser l'OMC continuer dans cette voie.
Pour finir, monsieur le président, je voudrais faire deux autres commentaires. Il y a deux formules gagnantes assez évidentes. La première concerne toute la question des subventions, ce qui intéresse les gens de la partie du monde où se trouve mon institut. Les politiques de la majorité des gouvernements prévoient d'innombrables subventions à l'environnement qui ont des effets pervers. Elles faussent les règles du commerce et sont censées être illégales dans le cadre de l'OMC. Des efforts concertés pour savoir en quoi consistent ces subventions et pour les supprimer fourniraient une solution grâce à laquelle les économistes—qui ne les aiment pas parce qu'elles faussent le commerce—et les écologistes—qui ne les aiment pas parce qu'elles causent du tort à l'environnement dans bien des cas— pourraient commencer à travailler ensemble pour répertorier ces subventions et faire quelque chose à ce sujet-là.
Enfin, monsieur le président, il y a le vieil épouvantail de l'agriculture. Howard a mentionné que le mot «environnement» revenait tout au long du programme ou de la déclaration de l'OMC à Doha. C'est vrai, mais comme il est partout, il n'est en fait nulle part.
Plutôt que de vous pencher sur la question énoncée dans les instructions que votre comité a reçues, je suis d'avis que vous feriez bien d'aller voir ce qui se passe du côté des négociations sur l'agriculture, sur les services—dont Rebecca et Chris Henderson vont certainement vous parler un peu—et sur un certain nombre d'autres points. Les négociations sur l'agriculture vont en fait porter sur l'environnement. L'Union européenne va arriver avec un programme d'aide aux agriculteurs en tant qu'intendants du territoire et protecteurs de la biodiversité. Elle ne cherchera plus à subventionner l'agriculture ou à augmenter les revenus des agriculteurs. Il y aura un débat majeur à ce sujet-là. Je pense que des subventions à l'agriculture dans le respect de l'environnement auraient du bon, mais il sera très difficile de déterminer quelles sont les subventions qui répondent à ce critère et celles qui n'y répondent pas. Cela pourrait être un des principaux défis à relever, tant pour la ronde de négociations que pour la politique canadienne.
J'ai pris trop de temps, monsieur le président; veuillez m'excuser. Mais c'est une question très riche. Comme je l'ai déjà dit, j'ai donc soumis un mémoire plus détaillé pour ceux qui voudront y jeter un coup d'oeil.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Runnalls. Nous allons considérer que ce mémoire a été versé au compte rendu.
Nous entendrons maintenant...
M. Svend Robinson (Burnaby--Douglas, NPD): J'invoque le Règlement. Pouvons-nous avoir le consentement du comité pour que ces mémoires soient annexés au compte rendu de nos délibérations afin que ceux qui suivent nos travaux puissent aussi les parcourir?
Le président: Oui, nous l'avons dit au début et nous allons le faire.
Madame Elizabeth May, vous avez la parole.
Mme Elizabeth May: Merci, monsieur le président. Je dois d'abord vous présenter mes excuses parce que je m'apprêtais à partir pour une conférence en Europe quand j'ai su que le comité tenait des audiences. Je ne suis rentrée qu'hier soir, et c'est pourquoi je vais vous faire une présentation orale qui prendra forme au fur et à mesure. J'ai pris quelques notes sur certains des aspects dont je veux vous parler, mais évidemment, mon ami M. Runnalls, de l'IIDD, les a déjà mentionnés.
Permettez-moi de vous donner un aperçu des préoccupations du Sierra Club du Canada—encore une fois, je m'excuse de ne pas avoir de présentation écrite.
Comme vous le savez, nous sommes une organisation nationale de défense de l'environnement dont les membres sont répartis en sections et en groupes dans l'ensemble du Canada. Nous préférerions ne pas avoir de programme relatif au commerce. Nous aimerions pouvoir nous dire que cela ne nous concerne pas, et nous aimerions aussi que les gens qui s'occupent de commerce se disent que les questions d'environnement ne sont pas leurs affaires. Mais l'expérience des dernières années nous a démontré qu'il y avait des chevauchements. Je tiens à le souligner. Au sujet de la mondialisation, le Sierra Club du Canada n'a aucune objection d'ordre idéologique aux accords commerciaux. Nous n'en avions pas au départ, mais depuis que nous avons constaté les effets de l'ALE, puis de l'ALENA, nous surveillons l'OMC de près. Je voudrais donc vous relater quelques expériences vécues se rattachant à ces accords, et faire le lien entre ces expériences et le programme de Doha.
La conférence à laquelle j'ai assisté à Lyon, en France, était assez pertinente. Elle était organisée conjointement par Mikhaïl Gorbatchev et Maurice Strong, sous le titre «Mondialisation et développement durable: L'éthique est-elle le maillon manquant?». Un des discours d'ouverture a été prononcé par l'actuelle présidente de l'Union mondiale pour la nature, Yolanda Kakbadse Navarro. Elle a très bien résumé les questions que nous nous posons tous en une seule question très succincte: «La Terre est-elle une planète ou un marché?» C'est une excellente façon de nous demander, à l'échelle mondiale, comment nous voyons notre environnement naturel.
Depuis Rio de Janeiro, il y a dix ans, il est apparu très clairement que les accords que nous avons négociés—ce qu'on appelle les AEM dans le jargon de l'OMC ou, plus couramment, les traités sur l'environnement, et qui inclut la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et la Convention sur la diversité biologique—sont des accords qui lient toutes les parties, comme convenu lors du Sommet de la Terre. Mais les négociations de l'Uruguay Round se sont déroulées exactement au même moment, et elles ont débouché sur un nouvel accord du GATT et la création de l'OMC.
Comme l'a mentionné M. Runnalls, il y a certainement différents niveaux d'efficacité. Au Sierra Club du Canada, nous disons souvent que l'accord de l'OMC a toutes ses dents, tandis que l'accord de Rio n'a que des gencives impressionnantes. Il n'y a pas de mécanisme d'application. De plus, avec l'existence de l'OMC et plus particulièrement la création du Comité du commerce et de l'environnement, on pourrait croire que le mouvement écologiste serait satisfait qu'il existe un comité de ce genre à l'OMC. Nous l'aurions été si ce comité s'était donné pour tâche de déterminer si les négociations commerciales, les accords commerciaux et la mise en oeuvre de ces accords avaient des effets négatifs imprévus sur l'environnement. C'est une question à laquelle l'OMC devrait prêter attention. Malheureusement, le Comité du commerce et de l'environnement est plutôt préoccupé de savoir si certains accords sur l'environnement ont des effets négatifs sur le commerce international.
Le comité a agité le spectre de la possibilité que des accords comme la Convention de Bâle, dont le mécanisme d'application contient des sanctions commerciales, le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, qui prévoit aussi des sanctions commerciales comme mécanisme d'application, la Convention sur le commerce international des espèces sauvages menacées d'extinction, qui prévoit le même genre... Comme vous le savez, les membres du comité considèrent ces accords comme des accords multilatéraux sur l'environnement et se sont demandés s'ils étaient illégaux en vertu du GATT. Ils n'ont pas répondu à la question, ils l'ont seulement posée.
Je dirais que le simple fait de poser la question a suffi à affaiblir les nouveaux accords sur l'environnement. Nous n'avons pas eu un seul accord international comprenant des mécanismes d'application depuis que l'OMC l'a évoquée. Quand on examine le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone—pour lequel le Canada avait fait preuve de leadership en s'assurant qu'il y avait des sanctions commerciales comme mécanisme d'application—et ce que nous avons fait à peine dix ans plus tard à Kyoto—où nous avons dit dès le début des négociations que le Canada ne signerait pas un protocole qui contiendrait des sanctions commerciales comme mécanisme d'application—, on constante une approche très différente. En termes de politique, le seul événement qui se soit produit dans l'intervalle et qui puisse expliquer ce changement, c'est la création de l'OMC et le fait que cette question a été soulevée.
º (1600)
Je suis tout à fait d'accord avec David Runnalls, en ce sens que toute la question de l'OMC et de l'environnement, et de l'intersection des objectifs, doit être envisagée au plus haut niveau, si vous voulez, au niveau de la gestion de l'environnement mondial et de l'ensemble des affaires mondiales.
L'OMC est-elle le bon endroit pour résoudre les problèmes et les différends touchant l'environnement? Absolument pas. Non seulement elle n'a pas les compétences nécessaires en matière d'environnement, mais les compétences qu'elle respecte ne se rattachent qu'à la connaissance approfondie des accords commerciaux. Bien que ce soit très utile pour comprendre les questions qui se rapportent uniquement au commerce, ce n'est pas la bonne tribune pour examiner les questions de politique gouvernementale touchant l'environnement. Comme vous l'avez entendu dire, même dans le cas de Doha, les questions et les problèmes d'environnement reviennent tout au long de la déclaration ministérielle, mais les négociateurs présents là-bas ne connaissaient à peu près rien à l'environnement. Les ministres de l'Environnement ne participaient pas aux négociations, contrairement aux ministres du Commerce et à leurs fonctionnaires. Par conséquent, les accords ne reflètent pas vraiment les principales questions à considérer.
Je demande donc instamment à votre comité de se pencher sur cette question d'ici la rencontre de Johannesburg et le Sommet mondial sur le développement durable, où le Canada va chercher à promouvoir la gestion des affaires mondiales. Mais il ne faut pas envisager cette question uniquement du point de vue de l'environnement.
Comme vous le savez, le ministre de l'Environnement, David Anderson, est actuellement président du Conseil d'administration des programmes relatifs à l'environnement à l'ONU. Il joue à ce titre un rôle important en essayant par exemple d'obtenir davantage de fonds pour le Programme des Nations Unies pour l'environnement. Mais les problèmes sont beaucoup plus vastes que cela.
Fondamentalement, l'OMC n'est pas la bonne tribune pour résoudre les problèmes d'environnement. Nous devons inclure dans les accords sur l'environnement les dispositions nécessaires pour éviter qu'ils ne se retrouvent devant les organismes qui régissent le commerce parce qu'ils n'y feront pas l'objet d'un traitement satisfaisant.
Je voudrais aussi vous parler un peu de la ZLEA, parce que je constate que c'est à l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui—si j'ai bien compris, du moins. Je voudrais insister sur certains points soulevés par Howard Mann.
En ce qui concerne le libellé de la déclaration de Doha, nous trouvons le paragraphe 31—et l'affirmation suivante— particulièrement préoccupant:
La portée des négociations sera limitée à l'applicabilité de ces règles de l'OMC existantes entre les parties...sans préjudice des droits dans le cadre de l'OMC de tout Membre qui n'est pas partie à l'AEM en question. |
Ce qui a clairement un effet dissuasif sur la ratification de conventions.
Pour vous donner quelques exemples de ce que j'avance, je vous signale que les États-Unis n'ont pas signé l'accord de Kyoto, ni la convention sur la biodiversité, ni le protocole sur la biosécurité. Pourtant, les règles internationales sur les mesures à prendre pour atteindre les objectifs de ces conventions doivent être claires pour tous les membres de la communauté mondiale, et pas seulement pour ceux qui ont ratifié les conventions. Dans un autre univers commercial, en vertu du chapitre 11 de l'ALENA, nous avons obtenu un résultat très bizarre qui donne une idée du danger qu'il peut y avoir. Le cas de la S.D. Myers était visé par les règles régissant l'investissement. Je vais en parler un peu plus longuement; c'est un aspect en particulier qui se rattache au paragraphe 31.
La S.D. Myers est une entreprise de l'Ohio qui s'occupe d'incinération de déchets dangereux. Elle s'est plainte du fait que le Canada avait suspendu ses exportations de déchets de BPC aux États-Unis pendant une certaine période. Pour essayer de régler ce conflit, le Canada a invoqué—à juste titre—la Convention de Bâle sur les déchets dangereux, qui vise expressément à encourager les États membres à éviter le transfert transfrontalier de déchets dangereux.
Ce qui est intéressant dans la façon dont l'organe de règlement des différends a traité cette affaire, c'est que même si la Convention de Bâle est mentionnée expressément dans l'ALENA, qui dit qu'il existe essentiellement un coupe-feu autour de cette convention—en ce sens qu'elle peut être appliquée sans interférence des règles de l'ALENA—, le groupe chargé de l'application du chapitre 11 a décrété que, comme les États-Unis n'avaient pas ratifié la Convention de Bâle, le Canada ne pouvait pas l'invoquer même s'il l'avait ratifiée. Pourtant, cette convention était mentionnée dans l'ALENA, et c'est pourquoi nous l'invoquions. J'y reviendrai quand je vous parlerai de transparence, parce qu'il y a d'autres éléments. Mais c'est un sujet de préoccupation.
En ce qui a trait à un autre accord multilatéral sur l'environnement, il y a aussi le paragraphe 19. Je ne sais pas s'il en a déjà été question parce que je suis arrivée en retard, mais le paragraphe 19 de la déclaration ministérielle de Doha donne expressément instruction au conseil de se pencher sur l'Accord sur les ADPIC, les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Je pense que cela a eu des répercussions beaucoup plus profondes que celles que prévoyaient de nombreux pays quand ils ont signé l'Accord sur les ADPIC.
º (1605)
Pour ceux qui ne connaissent pas très bien cet accord, je précise qu'il impose à tous les pays membres de l'OMC l'obligation expresse de modifier leurs propres lois pour qu'elles soient essentiellement applicables dans le cadre législatif relatif aux brevets et à la propriété intellectuelle. Ce cadre est à toutes fins utiles similaire à celui des lois américaines, et tout le monde devrait fonctionner en sachant que ce sont les lois applicables en matière de brevets.
La Convention sur la diversité biologique est mentionnée expressément au paragraphe 19 de la déclaration ministérielle de Doha. Il y a, là encore, apparence de conflit parce que, avant la période de 1990 à 1992, avant le Sommet de la Terre, la Convention sur la diversité biologique visait à... Le Canada a joué un rôle de premier plan dans la négociation de ce document— un rôle de tout premier plan, j'insiste—afin de faire reconnaître l'importance des peuples indigènes et des connaissances traditionnelles et de faire préciser par exemple que, si un géant du secteur pharmaceutique découvrait un jour que les feuilles d'une plante avaient une immense valeur du point de vue pharmaceutique, alors que les populations traditionnelles le savaient depuis toujours, les bénéfices devraient être partagés.
Jusqu'ici, ce partage des bénéfices n'a pas été défini, non plus que les modalités qui pourraient s'y appliquer. La simple présence de cette disposition dans la convention sur la biodiversité est la raison pour laquelle George Bush père avait refusé de signer la convention à Rio, en 1992, alors que le Canada et tous les autres pays du monde l'ont fait. Encore là, il pourrait être dangereux que l'OMC affirme la suprématie de l'Accord sur les ADPIC et analyse les effets possibles de la convention sur la biodiversité.
Je voudrais souligner un élément qui se rattache à la fois à la convention sur les changements climatiques et à la convention sur la biodiversité. Les conventions internationales qui visent à protéger l'environnement ne sont pas des mesures unilatérales. Elles ont été négociées par les gouvernements des pays membres de l'OMC; il est donc vraiment important d'avoir une certaine cohérence au niveau des politiques. Il n'est pas acceptable que l'OMC exerce une suprématie absolue—comme c'est le cas actuellement—et puisse renier les obligations contractées par traité par les mêmes gouvernements.
Ces conventions sont par nature multilatérales et ne sont donc pas conçues, toujours par nature, pour avantager un partenaire commercial aux dépens d'un autre. Elles sont cependant soumises au même genre d'analyse que si on se demandait si elles représentent les mesures les moins restrictives possibles au commerce. Ce n'est pas un critère acceptable pour juger un accord sur l'environnement. Nous devons retrouver une forme quelconque de coupe-feu pour soustraire les activités, les règlements et les conventions mondiales légitimes visant la protection de l'environnement aux répercussions de négociations commerciales qui n'ont jamais eu cet objectif.
Je voudrais, pour finir, vous parler d'investissement. Je pense que la plupart des gens conviendront que le programme de Doha aborde très timidement la question. Le paragraphe 20 porte sur l'élaboration de modalités en vue de la négociation éventuelle d'un traité sur l'investissement. Il règne une certaine nervosité depuis que l'OCDE a échoué dans ses tentatives pour élaborer un accord multilatéral sur l'investissement, mais à cause de notre expérience à ce sujet-là, l'avant-projet d'accord sur la ZLEA nous inquiète beaucoup.
Permettez-moi de vous donner deux exemples. Je dirais que toute la question du commerce—et en particulier les dispositions sur l'investissement au chapitre 11 de l'ALENA—se rattache à ce que je décrirais comme la privatisation de la politique gouvernementale. Ce sont des questions que les gouvernements doivent régler selon le processus démocratique, mais nous constatons qu'elles sont de plus en plus privatisées.
Je vais vous donner deux exemples très courts au sujet du chapitre 11. Bien des gens, au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international— je le sais parce que je siège au Groupe de consultations sectorielles sur le commerce extérieur créé par Pierre Pettigrew pour fournir des conseils... Dans ce contexte, les gens du ministère disent bien souvent que le chapitre 11 est appliqué d'une manière qui n'avait jamais été prévue. Le ministre Pettigrew lui-même l'a dit. Malheureusement, le libellé du chapitre 11 n'a pas été modifié et a donné aux sociétés multinationales privées la possibilité de poursuivre des gouvernements. C'est sans précédent, mais nous commençons à nous y habituer.
Je dois vous avertir de faire attention à votre santé, parce que, quand vous commencerez à réfléchir à ces deux faits, je pense que vous aurez mal à la tête. C'est tout à fait bizarre.
Dans le cas de la S.D. Meyers, le gouvernement du Canada avait interdit pour une période de neuf mois l'exportation de déchets de BPC vers cette entreprise de l'Ohio dont je vous ai parlé tout à l'heure. La S.D. Meyers a contesté cette interdiction en invoquant le chapitre 11. De toute façon, pendant toute cette période de neuf mois, il aurait été illégal en vertu des lois américaines d'importer des déchets de BPC aux États-Unis. Notre organisation soeur aux États-Unis, le Sierra Club, a protesté devant les tribunaux, et il a été établi qu'il était effectivement illégal d'importer des déchets de BPC aux États-Unis en vertu des lois américaines, mais le Canada a quand même dû verser 55 millions de dollars à la S.D. Meyers pour avoir interdit l'exportation de ces déchets pendant une période de neuf mois.
º (1610)
Et ce n'est pas tout. C'était la première fois que le Canada se présentait devant un tribunal pour contester une décision d'un de ces organes privés... Vous avez demandé ce que l'OMC pourrait faire pour être plus ouverte. Je vous répondrai qu'elle peut faire absolument n'importe quoi pour améliorer la situation parce que c'est une organisation complètement fermée à l'heure actuelle. C'est la même chose— encore plus, même—dans le cas de ces organes privés de règlement des différends. Comme l'a dit David Runnalls, les organes de l'OMC ne sont guère transparents, mais ceux que prévoit le chapitre 11 fonctionnent aussi dans le plus grand secret et la politique publique est établie derrière des portes closes.
Dans ce cas, le Canada a interjeté appel devant la Cour fédérale. Le Sierra Club, le Conseil des Canadiens et Greenpeace ont cherché à obtenir le statut d'intervenants. La S.D. Myers s'y est opposée, et l'avocat fédéral chargé de l'affaire ne nous a pas aidés. Nous envisageons maintenant de demander l'autorisation d'en appeler devant la Cour suprême du Canada au sujet de notre capacité d'intervenir dans un dossier concernant une décision de notre gouvernement qui était en tous points conforme à nos obligations internationales en vertu de la Convention de Bâle et qui portait sur quelque chose qui était de toute façon illégal aux États-Unis.
La plus récente des affaires de ce genre mettait en cause une entreprise appelée Crompton, anciennement Uniroyal. Je vais laisser au greffier un exemplaire de l'avis d'intention de soumettre une demande d'arbitrage en vertu de l'article b) du chapitre 11 de l'Accord de libre-échange nord-américain au sujet de la décision du gouvernement du Canada d'interdire progressivement les graines de semence enduites de lindane; il s'agit des graines de canola. Pourquoi le Canada veut-il interdire progressivement les graines de semence enduites de lindane? J'aimerais pouvoir dire que c'est parce qu'il a décidé de prendre les devants pour mettre fin à l'utilisation d'un polluant organique persistant très dangereux, mais c'est en réalité parce qu'aux États-Unis, où il est illégal d'enduire les graines de semence de lindane, les agriculteurs se plaignaient qu'il était injuste que les agriculteurs canadiens puissent encore le faire. Cette question était un irritant commercial dont se plaignaient les agriculteurs américains. Donc, nous allons nous débarrasser des semences enduites de lindane au Canada, et l'entreprise américaine qui fabrique le lindane, et qui ne peut pas s'en servir aux États-Unis à cette fin de toute façon, poursuit le Canada pour 100 millions de dollars. Elle affirme qu'elle subira des dommages d'environ 100 millions et veut que l'homologation de ses produits soit rétablie. Cette affaire vient de commencer—je vais terminer là-dessus—, mais cela devient de plus en plus surréaliste.
Nous devons surveiller attentivement les discussions sur l'investissement—et je n'ai même pas voulu vous parler des aspects qui s'y rattachent de près ou de loin et dont il sera question pendant la ronde de Doha. Je vais donc me contenter d'ajouter que le paragraphe 31iii) évoque cette question au sujet des obstacles au commerce des biens et services liés à l'environnement. Cette disposition a également fait sourciller bien des gens, dans le mouvement écologiste, qui s'inquiètent de la privatisation des approvisionnements en eau au niveau municipal. Il y aurait bien des choses à ajouter à ce sujet-là, mais je n'en dirai pas plus pour le moment.
Merci de m'avoir autorisée à comparaître sans mémoire écrit bien structuré.
º (1615)
Le président: Merci beaucoup de votre présentation. C'était très bien. Si vous avez des documents que vous souhaitez envoyer au greffier, nous les parcourrons avec plaisir. Nous considérerons également qu'ils font partie de nos délibérations.
Monsieur Henderson, êtes-vous prêt?
M. Christopher Henderson (directeur général, The Delphi Group; ancien président du conseil d'administration, Association canadienne des industries de l'environnement): Merci beaucoup, monsieur le président.
Nous avons distribué des exemplaires de notre présentation. Vous avez devant vous la copie papier de nos notes.
Je suis ici aujourd'hui à titre de membre du comité de direction de l'Association canadienne des industries de l'environnement. Je suis le président sortant du conseil d'administration de cette association, et le président actuel, Colin Isaacs, m'a demandé de vous présenter cet exposé aujourd'hui. Je suis accompagné de Rebecca Last, qui fait partie du conseil d'administration.
Nous avons beaucoup d'affinités avec les trois derniers intervenants et nous appuyons dans une large mesure les commentaires qu'ils vous ont présentés, puisque la majorité des dirigeants des entreprises membres de notre association sont non seulement des gens d'affaires avertis, mais aussi des écologistes convaincus. Les points dont je vais vous parler plus spécifiquement se rattachent cependant à l'utilisation que nous pouvons faire de nos compétences dans le domaine des biens et des services environnementaux pour prendre une plus grande part du marché mondial, et à ce que cela implique.
Je vous signale pour commencer que nous avons été à l'avant-garde de nombreuses activités internationales liées à l'environnement. Vous devez savoir que l'Association canadienne des industries de l'environnement, d'après les chiffres de Statistique Canada, regroupe environ 220 000 personnes d'un bout à l'autre du pays, de l'est à l'ouest et du nord au sud, dont le chiffre d'affaires totalisait 22 milliards de dollars en 1998. Il s'agissait surtout, à 90 p. 100 environ, de revenus intérieurs, mais les revenus d'exportation en représentent également une portion croissante.
Les membres de notre industrie veulent non seulement maintenir leur part de marché actuelle, mais l'augmenter sensiblement au cours des trois à cinq prochaines années, puisque certaines tendances au niveau mondial entraînent une augmentation des dépenses consacrées aux biens et aux services de protection de l'environnement. Dans notre industrie, nous n'hésitons pas à y mettre notre propre temps et notre propre argent, et nous recherchons des partenariats avec le gouvernement du Canada pour voir si nous pouvons augmenter sensiblement notre part de marché.
Vous devez savoir que notre marché, à l'échelle mondiale, n'est pas négligeable. Il représente actuellement plus d'un billion de dollars, et atteindra 1 022 milliards vers le mois de juillet 2002. Notre part actuelle de ce marché est d'environ 2,5 p. 100, ce qui est en fait assez peu. Par comparaison, la part de marché des Américains est d'à peu près 22 p. 100. En fait, les chiffres montrent que notre part de marché est en train de diminuer, et nous nous sommes demandé pourquoi. Ce qui semble assez clair, c'est que, pour ce qui se rattache en particulier à l'eau et à l'infrastructure de traitement des eaux usées, à l'infrastructure de traitement des déchets et aux autres activités de ce genre, nous devrons nous montrer de plus en plus dynamiques si nous voulons percer les marchés étrangers. Il faudra en proposer davantage, en particulier aux pays en développement, pour qu'ils puissent assumer le fardeau des coûts qui s'y rattachent. Il faudra en proposer davantage en termes d'équité, de financement, d'investissement, et ainsi de suite.
Pour ce qui est exportateurs canadiens, il y en a à peu près 200 ou 300 qui sont particulièrement actifs. On compte en fait environ 4 000 à 5 000 entreprises dans le secteur, mais ces exportateurs actifs sont relativement importants. Par exemple, une entreprise de Guelph, en Ontario, du nom de RWDI a quadruplé ses exportations de services de prévention de la pollution atmosphérique depuis quatre ans; son chiffre d'affaires atteint maintenant près de 20 millions de dollars. Il y aussi de grandes entreprises comme Delcan, qui vend pour 200 à 300 millions de dollars de services de protection de l'environnement dans le monde entier, surtout en Amérique latine et en Asie.
Nous estimons toutefois que nous soutenons mal la comparaison avec les autres pays, en particulier les États-Unis, l'Allemagne, la France et l'Angleterre. Nous n'avons pas d'infrastructure d'exportation bien établie. Nous ne regroupons pas nos entreprises de tout le pays, et en particulier nos PME, pour déterminer où nous voulons vraiment aller. Par exemple, au Mexique, où il y a des besoins énormes dans le domaine de l'eau et des eaux usées, que pouvons-nous offrir de plus dans le cadre de l'ALENA?
Le partenariat de nouvelle génération que nous suggérons existe déjà en partie. Par l'intermédiaire de notre conseil des exportateurs en environnement, notre industrie travaille en très étroite collaboration avec divers ministères du gouvernement du Canada, notamment Industrie Canada, les Affaires étrangères et Environnement Canada, mais je dirais que ce que nous faisons en ce moment, c'est plus ou moins du travail de promotion. Nous ne réalisons pas les transactions qui pourraient vraiment multiplier notre capacité d'offrir des biens et des services.
Pour ce qui est de nos objectifs spécifiques dans ce partenariat de nouvelle génération, nous aimerions porter notre part du marché mondial de 2,5 p. 100 à 3,5 ou 4 p. 100 en cinq ans environ. Nous pensons que ce serait un objectif réaliste. Cela représenterait environ 315 millions de dollars de plus en revenus d'exportation pour des biens et services de protection de l'environnement en 2003, et cela créerait à peu près 2 500 emplois durables et bien rémunérés un peu partout au pays. Cela nous obligerait aussi à accroître l'influx de ressources humaines dans le secteur.
º (1620)
Ce secteur est de plus en plus spécialisé. En effet, s'il y a un côté pratico-pratique au secteur de l'environnement qui consiste à s'assurer que l'eau est propre et que les déchets et les eaux usées sont traités correctement, une dimension de plus en plus technique fondée sur les connaissances se fait jour dans ce secteur.
Nous voulons positionner les entreprises canadiennes dans les secteurs clés de l'Amérique latine qui semblent être la cible principale des entreprises environnementales du pays. Par ordre de priorité, dans un sens, je dirais que les principaux marchés que nous ciblons sont le marché en pleine expansion du changement climatique qui est, à notre avis, une réalité sur laquelle il faudrait se pencher--et notre association appuie la ratification du protocole de Kyoto; les marchés de gestion de l'eau et des eaux usées; les marchés de l'air; et les marchés du traitement des déchets et des infrastructures urbaines.
En matière de partenariats de la nouvelle génération, nous proposons essentiellement deux choses. La première est le volet de préparation améliorée à l'exportation vers lequel nous attirons un plus grand nombre de PME de tout le pays. Il y a de 4 000 à 5 000 entreprises dans ce secteur. Et, en passant, les marchés des produits et services environnementaux ne sont pas en croissance au Canada. Ces marchés ont atteint un plateau et c'est tout à fait compréhensible. Nous avons fait beaucoup de choses et nous les avons bien faites. Il reste encore beaucoup à faire, mais le secteur ne connaît pas actuellement une grande croissance. Il nous faut orienter un plus grand nombre de ces entreprises vers l'exportation afin qu'elles puissent contribuer à rendre leurs emplois durables et à maintenir les emplois qu'elles proposent.
Le mode exportation comprend le volet développement des compétences et le volet assistance au développement commercial dont les entreprises ont besoin. Notre association est heureuse d'offrir un encadrement de niveau supérieur faisant appel aux entreprises qui ont obtenu de bons résultats à l'exportation--des entreprises comme Jacques Whitford and Associates d'Halifax, dirigée par Hector Jacques, un immigrant de Trinidad qui a fondé une entreprise de près de 2 000 ingénieurs. Hector serait ravi d'aider les petites entreprises à examiner la façon dont elles pourraient présenter ce qu'elles ont à offrir sur les marchés mondiaux.
Nous pensons que la deuxième chose importante à faire consiste à créer un projet et une plate-forme transactionnelle innovatrice. Je peux vous en donner quelques exemples concrets. On prévoit la construction au nord du Mexique d'une usine d'approvisionnement en eau et de traitement des eaux usées d'une valeur de 600 millions de dollars. Les Mexicains prisent beaucoup les biens et services canadiens dans ce secteur; toutefois, le gouvernement américain affirme être prêt à payer une grande partie du financement initial d'un tel projet. Nous sommes en pourparlers avec des organisations comme la SEE afin d'examiner ce que nous pouvons faire, mais nous devons mettre plus l'accent sur la stratégie si nous voulons décrocher plus de marchés. Le projet et la plate-forme transactionnelle innovatrice sont conçus de cette manière.
Nous pensons que nous possédons déjà un certain nombre d'éléments ces plates-formes. Nous appuyons tout à fait la Société pour l'expansion des exportations. Nous sommes heureux que la SEE s'apprête à combler ses lacunes dans le secteur de l'environnement. Nous allons voir ce que donneront les changements entrepris l'an dernier. Nous avons appuyé ces changements proposés par les ministres de la Couronne, mais nous pensons qu'ils ont commencé à prendre en compte leur évaluation des incidences environnementales. Je sais que ce n'est peut-être pas encore parfait--et je suis certain qu'Elizabeth présentera un certain nombre d'échéances au comité--mais nous pensons qu'ils vont dans la bonne direction. Nous avons constaté que la SEE et la Corporation commerciale canadienne sont tout à fait prêtes à appuyer les entreprises offrant des biens et services dans le secteur de l'environnement. Nous avons de très bonnes relations avec elles.
Quant au Programme Cités viables, nous n'avons que des éloges à en faire. Nous savons très bien qu'un des plus grands défis de l'environnement consiste à gérer le développement urbain dans le monde entier, dans les grandes métropoles et les petites villes du globe. Le Programme Cités viables qu'a lancé Industrie Canada a permis d'exporter les compétences canadiennes dans de grandes villes comme San José, au Costa Rica, Córdoba, en Argentine, Tsingtao, en Chine, Katowice, en Pologne, et ailleurs. Nous pensons que c'est une très bonne façon d'offrir toute la gamme des services de gestion de l'environnement urbain dans certaines villes du monde. Nous estimons que c'est un domaine promis à une forte expansion.
Nous appuyons beaucoup le travail de l'ACDI; nous souscrivons tout à fait au point de vue présenté il y a un moment par M. Runnalls. Nous pensons que l'ACDI comprend mieux comment fixer ses priorités en matière de développement durable et d'environnement. Et nous sommes également favorables à l'appui supplémentaire dont bénéficie le Service canadien des délégués commerciaux.
Monsieur le président, je vais laisser pour le moment le côté commercial et je répondrai aux questions que l'on voudra bien me poser à ce sujet. Il y a trois choses sur lesquelles nous devons nous pencher et concentrer nos efforts afin de maximiser la valeur des biens et services canadiens pour favoriser l'augmentation de nos recettes et de notre développement économique, mais également afin de transmettre cette capacité économique et environnementale au monde en développement.
Premièrement, nous devons adopter une meilleure stratégie. Je peux vous dire franchement que notre stratégie entre le gouvernement et l'industrie n'est pas bien développée. Il y a beaucoup d'activités, mais elles sont mal ciblées et manquent de direction. Dans le secteur privé, nous sommes prêts à investir et à collaborer avec vous, mais vous devez prévoir vous aussi des fonds afin d'inviter le Service canadien des délégués commerciaux, l'ACDI, Industrie Canada et Environnement Canada à réfléchir à la façon de cibler les marchés clés que sont la zone frontalière du Mexique, les principaux marchés latino-américains, les marchés clés d'Asie et les principaux marchés d'Europe centrale et de l'Est. Nous aimerions également multiplier nos activités en Afrique. Nous espérons que le programme africain envisagé par le G-8 et dans d'autres tribunes offrira quelques possibilités.
º (1625)
La deuxième chose à faire consiste à renouveler le Programme Cités viables. Nous pensons qu'il est très important de poursuivre et de développer ce programme.
La troisième chose est la création d'une agence d'investissement direct à l'étranger--organe dont nous savons que le gouvernement du Canada a envisagé la création. Par rapport à nos concurrents, c'est sans doute le désavantage structurel le plus faible que nous ayons dans le secteur. Tous les pays de l'OCDE sauf deux--et ce sont de petits pays de l'OCDE--et tous les autres pays du G-8 ont la possibilité d'investir dans des projets de gestion de l'eau et des eaux usées au Chili ou en Thaïlande. Ces pays nous demandent à juste titre combien d'argent nous investissons lorsque nous proposons nos biens et services. En effet, nous devons engager un capital-risque en plus de proposer nos biens et services.
Une entreprise américaine peut faire intervenir l'Overseas Private Investment Corporation, l'OPIC, un organisme gouvernemental qui absorbera une partie du risque du secteur privé, soit environ 30 p. 100 ou moins. Une entreprise britannique peut faire appel à la Commonwealth Development Corporation. Il faut savoir que ces pays fournissent une plus grande quantité de services, alors que le Canada en a une aussi grande capacité, en particulier dans l'infrastructure environnementale. Dans le domaine des eaux et des eaux usées, aucun autre pays du monde ne peut offrir de meilleurs services ou technologies que nous, en particulier dans le cas de la filtration sur membrane et de l'ultrafiltration et autres techniques analogues.
Nous voulons être plus concurrentiels face aux pays qui proposent ces services et nous pensons qu'il est important d'envisager la création au Canada d'un organisme de financement direct. Ce rôle pourrait être assuré par la SEE. Pour le moment, la capacité de financement par actions de la SEE est mise en veilleuse. La SEE dispose de cette capacité depuis cinq ans et n'a encore procédé qu'à six opérations. Ce n'est pas assez. Cela ne nous permettra pas d'accaparer d'autres parts du marché dans notre secteur ni ailleurs.
Nous appuyons l'idée d'inclure dans les accords commerciaux--et nous l'avons déjà indiqué devant votre comité--qu'il est indispensable de veiller à ce que l'environnement ne souffre pas. Nous appuyons le point de vue exprimé par les témoins précédents. Nous pensons également que nous pouvons favoriser un autre aspect, en l'occurrence l'augmentation des exportations environnementales. Nous voulons vraiment en faire plus. Nous estimons que nous disposons de nombreux éléments et nous appuyons de nombreux aspects déjà en place. Cependant, nous croyons que nous serions plus forts si nous avions une stratégie plus ciblée, si nous mettions l'accent sur le Programme Cités viables et si nous procédions à la création d'un organisme d'investissement direct à l'étranger.
Permettez-moi de souligner que dans tous ces cas, nous faisons nos propres investissements. Le secteur privé ne vous demande pas d'argent. L'organisme d'investissement direct à l'étranger serait remboursé. Les habitudes de remboursement de notre secteur à la SEE sont meilleures que dans pratiquement tous les autres secteurs du pays. Nous remboursons l'argent qui nous est prêté. Nous ne parlons pas ici de subventions. Il s'agit de sommes remboursables dans le cadre de dispositions de financement par actions. Dans le cas du Programme Cités viables, le capital n'est pas remis entre nos mains. Il est en fait confié aux villes étrangères qui sollicitent nos services. Nous sommes tout à fait prêts à accepter une concurrence commerciale ouverte, mais nous estimons que ce sont là des occasions dont le gouvernement du Canada devrait se prévaloir.
Merci.
º (1630)
Le président: Je vous remercie pour votre excellent exposé.
Nous allons maintenant passer à la période de questions. En posant des questions précises, j'espère que nous obtiendrons des réponses claires. Laissons tomber les préambules et allons directement au coeur du sujet. De cette manière, nous pourrons mieux tirer parti des 59 prochaines minutes.
Nous allons commencer par M. Robinson.
M. Svend Robinson: Merci, monsieur le président. J'aimerais remercier les témoins, non seulement de s'être présentés aujourd'hui devant le comité, mais aussi pour le travail qu'ils effectuent sans relâche. Leur travail a été très utile pour moi et pour mon collègue Joe Comartin, le porte-parole de notre caucus en matière d'environnement, pour réagir à certaines de ces questions très importantes. Monsieur le président, je vais suivre votre conseil et poser des questions très précises.
Dans l'éditorial national écrit ce matin par Izzy Asper--c'est l'éditorial que la chaîne Southam impose désormais à ses 14 journaux du pays, sans que ceux-ci aient la possibilité de répondre dans un éditorial local--on vante le mérite des exportations d'eau en vrac. De fait, on pourrait traduire le titre de l'éditorial paru dans la Gazette de Montréal par « Un produit comme un autre ». L'éditorialiste se demande pourquoi nous ne suivrions pas l'exemple de l'Alberta qui s'est enrichie avec le pétrole, en exploitant nos excédents d'eau. Pourquoi ne pas traiter l'eau comme une autre ressource naturelle?
Puisque c'est un enjeu d'une grande importance qui a été soulevé par plusieurs d'entre vous, j'aimerais vous demander d'expliquer, aux fins du compte rendu, pourquoi il est si important, en premier lieu, que l'OMC n'ouvre pas la voie aux exportations d'eau en vrac. Je crois qu'on peut vraiment s'inquiéter de cette possibilité au chapitre du commerce des biens et services environnementaux, mais pourquoi est-ce si important de ne pas traiter l'eau comme un autre produit?
Mme Elizabeth May: Merci pour votre question. J'ai manqué cet éditorial.
Je ne crois pas que les modalités que le gouvernement du Canada a appliquées pour atteindre son objectif soient suffisantes, mais l'opposition du gouvernement aux exportations d'eau en vrac est certainement tout à fait justifiée. L'eau n'est pas une marchandise comme les autres. C'est une ressource naturelle. Le président nous a demandé de ne pas faire de préambule, mais il est difficile de ne pas rappeler que l'eau est l'essence même de la vie. Les systèmes hydrologiques ne créent pas de l'eau. Il faut souligner que si l'eau peut apparaître comme une ressource renouvelable, nous ne produisons pas de nouvelles réserves d'eau. Nous disposons essentiellement d'une certaine quantité d'eau.
Dans le contexte des intérêts canadiens, en particulier au chapitre des changements climatiques, nous ne disposons pas d'excédent d'eau. Dans l'Étude pancanadienne, Environnement Canada estimait que les niveaux d'accumulation de gaz carbonique dans l'atmosphère étaient désormais pratiquement bloqués. Un des problèmes auquel sera confronté notre pays--et que l'étude considérait comme l'impact le plus grave pour le Canada--est l'incidence sur la disponibilité de l'eau douce, pure et potable. Cette eau représente un pourcentage infime de toutes les réserves d'eau accessibles dans le monde.
Et pour reprendre les arguments avancés par Chris Henderson, si le Canada souhaite approvisionner en eau les pays du monde qui n'en ont pas, nous devons améliorer leurs infrastructures dans les villes et les villages, de manière à ce que les gens puissent avoir accès au peu d'eau disponible. En revanche, si nous décidons à un moment donné d'exporter de l'eau en vrac, nous risquons, comme l'a signalé Lloyd Axworthy lorsqu'il était ministre, de ne plus pouvoir revenir en arrière, à cause des dispositions de l'ALENA. Par conséquent, c'est une réalité écologique et il faut éviter de se livrer à l'exportation d'eau en vrac, quoiqu'en dise M. Asper, en raison du régime commercial qui s'applique actuellement.
M. Svend Robinson: Je me demande si un des témoins souhaiterait commenter les répercussions possibles du récent accord de Doha concernant les exportations d'eau en vrac. Je sais que Maude Barlow du Conseil des Canadiens a affirmé que la porte est désormais ouverte à de telles exportations. Comment interprétez-vous les dispositions de l'accord?
M. Howard Mann: À l'heure actuelle, je ne sais pas si nous sommes forcés ou non d'ouvrir cette porte. Tout dépend si l'accord de Doha aboutira à imposer véritablement des mécanismes empêchant les gouvernements de réglementer les exportations d'eau en vrac, ou imposera des conditions veillant à ce que toutes les exportations soient soumises aux contrôles environnementaux adéquats.
Il est possible que nous puissions, dans certaines circonstances, autoriser l'exportation d'eau, dans la mesure où de telles exportations feraient l'objet de contrôles environnementaux appropriés. Il est tout à fait possible en effet qu'au cours des négociations concernant les services, l'OMC en particulier rende obligatoire la multinationalisation ou la bilatéralisation des services de distribution d'eau lorsque les cours d'eau traversent la frontière, ou autorise l'exportation d'eau en vrac sous une forme ou une autre. Ce serait une possibilité si l'interprétation de la notion de services découlant de l'accord de Doha considère l'approvisionnement en eau comme un service environnemental ou un service tout court. Ces dispositions pourraient contraindre les gouvernements à autoriser les exportations.
Par conséquent, je pense que vous avez tout à fait raison, monsieur Robinson, de souligner qu'il s'agit là d'une possibilité. Je ne pense pas qu'elle se soit déjà matérialisée, mais je pense qu'elle existe bel et bien.
Si vous me permettez de revenir à mes déclarations initiales, c'est le type de formulation, à mon avis... c'est une chose de dire qu'en matière de politique le processus de Doha ne peut forcer l'exportation d'eau douce. C'est une autre chose pour le comité de la Chambre de poursuivre sa surveillance du processus afin d'éviter un tel résultat. C'est, à mon avis, la deuxième fonction critique.
º (1635)
M. Svend Robinson: Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais poser une autre brève question.
M. Christopher Henderson: Auparavant, monsieur Robinson, j'aimerais préciser que d'un point de vue écologique et commercial, j'appuie les commentaires qui ont été faits. J'aimerais vous alerter sur un aspect qui n'a pas été pris en compte dans les discussions sur l'exportation d'eau en vrac. Il faut savoir que l'infrastructure actuelle est très sensible aux niveaux et aux volumes d'eau. Toute l'infrastructure repose sur l'aspiration, l'écoulement et l'alimentation par gravité. Il y a deux étés, le niveau d'eau des Grands Lacs était inférieur d'un mètre au niveau moyen. Si la différence avait été de deux mètres, la plupart des réseaux d'eau et d'écoulement des eaux usées de la région des Grands Lacs auraient cessé de fonctionner, puisqu'ils s'alimentent à un certain niveau et qu'ils sont conçus pour fonctionner avec un tel niveau d'eau. C'est un principe qu'on peut vérifier en faisant une expérience scientifique avec des enfants.
Il y a un impact écologique, mais il ne faut pas grand-chose pour provoquer des déséquilibres. Les gens oublient que l'apport annuel d'eau dans les Grands Lacs est de 0,003 p. 100. Le reste de l'eau fait partie de la même réserve. Toute l'eau des Grands Lacs n'est pas disponible, mais seulement l'apport de 0,003 p. 100 au cours d'une année moyenne. Au cours d'une année où les précipitations sont faibles, l'apport est de 0,001 ou 0,002 p. 100. Il suffit d'en prélever une partie--pas nécessairement beaucoup--et l'infrastructure d'approvisionnement en eau ne fonctionne plus. Nous avons investi des milliards et des milliards de dollars dans ces réseaux et l'impact serait tout autant économique qu'écologique.
M. Svend Robinson: Merci beaucoup.
J'ai une autre question, si vous le permettez, Mac.
Je dois dire que je me suis beaucoup inquiété--en fait j'ai été très alarmé--par la disposition de l'article 31 auquel vous faites référence. Ces dispositions risquent d'avoir un sérieux effet de dissuasion sur les pays qui n'ont pas encore signé d'accords multilatéraux sur l'environnement, surtout s'ils peuvent retirer un avantage concurrentiel ou commercial en ne signant pas de tels accords.
Je reconnais que nous en sommes actuellement aux étapes préliminaires et que cet aspect est en cours de négociation. Mais nous sommes nombreux à penser que les prétendus accords commerciaux--je dis prétendus accords, parce que beaucoup d'entre eux ne traitent absolument pas de commerce, mais portent essentiellement sur le pouvoir des grandes sociétés--ont eu des conséquences paralysantes au Canada. Combien de textes de loi importants concernant l'environnement le Canada a-t-il adoptés depuis 1993, depuis que le gouvernement libéral est au pouvoir? Que l'on me rectifie au besoin, mais je pense qu'il n'y en a aucun.
Compte tenu de cet effet paralysant, et puisque le comité devra présenter un rapport et une recommandation à ce sujet, je me demande si vous pourriez peut-être présenter des recommandations sur ce que vous suggérez de faire au sujet de cet article. Je pense que c'est une grande préoccupation. Si le Canada souhaite que les pays soient plus nombreux à signer les accords multilatéraux sur l'environnement, pourquoi appuyer la négociation d'une disposition qui serait dans les faits un obstacle à la signature de ces accords?
Le président: Est-ce qu'il y a un volontaire?
º (1640)
M. Howard Mann: David vient juste de me demander comment il se fait que cette disposition se trouve là. À ma connaissance, c'est le résultat d'entretiens de dernière minute entre les négociateurs américains et ceux de l'Union européenne. Or, aucun d'entre eux n'a d'expérience ni de compétence en matière d'environnement. Cette disposition reflète l'absence des États-Unis de conventions telles que la convention sur la biodiversité, le protocole sur la biosécurité, l'accord de Kyoto, etc.
Par ailleurs, j'estime, comme je l'ai dit précédemment, qu'il s'agit d'une disposition extrêmement dangereuse. Elle est le résultat de la dynamique des négociations--un accident en quelque sorte--un élément de dernière minute, le produit de la dynamique de négociations entre des personnes qui ne savaient tout simplement pas de quoi elles parlaient. Je pense que personne n'avait prévu un tel résultat; et pourtant il est bien là.
D'après moi, ce que le Canada aurait de mieux à faire serait de rejeter carrément cette négociation en ce qui a trait aux accords multilatéraux sur l'environnement. À mon avis, il n'y a pas de réel problème. L'organe d'appel de l'OMC s'est penché sur la question des liens entre les accords sur l'environnement et le droit commercial de manière assez constructive dans le cas des différends concernant les crevettes et les tortues, et dans d'autres litiges. De fait, il s'est penché sur cette question partisane et non partisane dans le contexte environnemental et dans d'autres contextes, notamment dans le cas du litige opposant les constructeurs aéronautiques brésiliens et canadiens. Il a pris en considération les règles de l'OCDE, mais le Brésil ne fait pas partie de l'OCDE, bien entendu. L'OMC a déjà eu recours à des mécanismes différents pour examiner ce lien de manière assez constructive.
Pour l'opinion publique, il s'agit essentiellement d'un reliquat des débats qui ont eu lieu en 1989, 1990, 1991 et 1992, lorsque la jurisprudence de l'OMC ou du GATT était très différente de ce qu'elle est actuellement. À la suite de l'évolution qu'a connue la loi, je pense que la meilleure chose que le Canada puisse faire serait tout simplement de déclarer qu'il n'est pas nécessaire de négocier ce point qui est mal structuré et qu'on ne devrait pas y toucher.
Mme Elizabeth May: Brièvement, je partage le point de vue d'Howard, mais tout cet article concernant le commerce et l'environnement est le résultat de discussions mal éclairées et de dernière minute. Je n'en ai pas parlé auparavant, mais j'ai certaines réserves au sujet de l'alinéa 32 iii) qui amène encore une fois le Comité du commerce et de l'environnement à se pencher sur les normes d'écoétiquetage . On cherche des solutions là où il n'y a pas de problème.
Cela nous ramène à la question de l'augmentation de la portée relative des mécanismes mondiaux de régie de l'environnement, qu'ils relèvent du PNUE ou des secrétariats des diverses conventions, afin que les parties et les gouvernements aient confiance dans la capacité de ces organisations à établir des limites périphériques pour éviter que les spécialistes du commerce ne s'immiscent dans ces domaines.
Le président: Monsieur Runnalls.
M. David Runnalls: Monsieur le président, je ne souhaite pas prolonger ce débat, mais je pense que l'équipe canadienne de négociation peut elle aussi en tirer une leçon.
L'un des véritables problèmes à Doha, c'est que pratiquement aucun membre du groupe de négociation n'avait de compétence en matière d'environnement. Il est impossible de prévoir ce genre de choses...c'est un peu comme au poker, dans le sens que l'on troque une chose pour une autre. Lorsque les gens qui rédigent ces articles n'ont pas de compétences réelles, on se retrouve avec de véritables bombes à retardement dont on ne peut pas se débarrasser par la suite.
Je suis d'accord avec Howard. Je crois que la bonne stratégie pour le Canada consiste à éliminer cette disposition de l'ordre du jour. L'OMC s'est penchée là-dessus par l'intermédiaire de son organe d'appel. Le problème est réglé et il ne faudrait pas le remettre sur la table. Un des problèmes, c'est que si l'on n'élimine pas carrément ce genre de choses, elles finissent par réapparaître ailleurs. C'est très dangereux et inutile. Nous n'avons pas besoin de cela. Nous avons réglé ce problème.
Le président: Monsieur Casey, je sais que vous êtes le prochain sur la liste, mais M. O'Brien doit prendre l'avion. Acceptez-vous de lui donner le privilège de passer avant vous?
M. Bill Casey (Cumberland--Colchester, PC/RD): Certainement.
Le président: Merci.
Monsieur O'Brien
M. Pat O'Brien (London--Fanshawe): Merci, monsieur le président et merci monsieur Casey pour votre traditionnel esprit de collaboration.
J'aimerais faire une observation et présenter une question. Tout d'abord, je partage totalement le point de vue de M. Robinson. Je ne pense pas que l'eau soit un produit comme les autres et je crois que les gens ne sont pas très nombreux à partager le point de vue de cet éditorialiste. Nous vivons en démocratie et c'est pourquoi ce genre d'opinions totalement absurdes peut parfois s'exprimer.
De toute façon--
º (1645)
M. Svend Robinson: Attention, vous savez que tout ce que vous dites est transcrit.
M. Pat O'Brien: Ça ne fait rien. Je ne me suis jamais préoccupé des conséquences de mes paroles.
J'aimerais approfondir un peu la question des exportations d'eau. Je n'ai pas l'alinéa 31 iii) de la déclaration de l'OMC à Doha sous les yeux, mais je pense qu'il se rapporte aux exportations de biens et services environnementaux--par exemple les génératrices solaires et éoliennes, et les services d'égout--mais il ne fait pas allusion aux ressources aquatiques. Je comprends bien les préoccupations, mais il faut également se référer au texte.
Souvent les gens me font part de leurs craintes. Je leur dis que je suis prêt à les écouter, mais je leur demande s'ils peuvent me donner un exemple concret ou si leur crainte n'est fondée sur rien de tel. Voilà ce que je voulais signaler.
Je voulais dire simplement que j'appuie l'idée de surveillance par le comité. Je sais que le ministre Pettigrew a pris les devants afin d'assurer une plus grande participation des parlementaires, que ce soit au niveau de la ZLÉA ou certainement de l'OMC. Je l'ai un peu assisté dans le cadre de ces travaux. Notre nouveau ministre Bill Graham est hautement qualifié, malgré les commentaires stupides du chef de l'opposition--malgré tout le respect que je vous dois, mon ami--c'est--
M. Bill Casey: C'est pourquoi je vous laisse partir le premier.
M. Pat O'Brien: Bill, ce n'était pas vos commentaires, mais ceux de votre chef. Je les ai trouvés plutôt stupides, parce que notre homme est hautement qualifié pour occuper le poste de ministre des Affaires étrangères.
M. Graham s'est beaucoup occupé de ce dossier, comme d'autres membres de notre comité. Aussi, le gouvernement est très favorable à cette surveillance par le comité et à une plus grande participation des parlementaires. Voilà mon observation.
Cependant, ma question se rapporte aux investissements. Depuis 1985, les investissements canadiens directs à l'étranger ont augmenté de 400 p. 100 et je crois que 46 p. 100 de notre PIB est tributaire des exportations. Comment protégeons-nous ces investissements? De quelle manière envisagez-vous de protéger ces investissements?
Mme Elizabeth May: Il n'y a rien dans les objections du Sierra Club aux dispositions en matière d'investissement que nous avons vues et celles qui sont proposées à l'échelle internationale, qui soient susceptibles de constituer un risque pour nos investissements. Nos objections portent sur la création d'une définition entièrement nouvelle et à mon avis perverse d'un investissement ou d'une expropriation.
Les règles internationales concernant les expropriations prévoient déjà l'expropriation d'un bien foncier--comme par exemple dans le cas d'une installation créée par une entreprise canadienne dont les biens sont nationalisés dans un autre pays. Aucun d'entre nous ne saurait s'objecter à des dispositions prévoyant que les actifs effectifs d'une entreprise expropriée sans recours fassent, bien entendu, l'objet d'un dédommagement.
Comme l'a dit David Runnalls et d'après les négociateurs canadiens, il semble que le problème tient au fait que les négociateurs ont établi ces dispositions sans prévoir la façon dont elles seront utilisées. Je ne peux pas croire que certains ont imaginé que le chapitre 11 pourrait s'appliquer... comme vous l'avez dit, les gens ont des peurs irraisonnées. Nous serions passés pour des paranoïaques si l'on avait évoqué à l'époque la possibilité qu'une société américaine qui serait contre l'interdiction par le Parlement canadien des additifs neurotoxiques que contient l'essence aurait pu invoquer le chapitre 11 pour nous mettre en demeure de supprimer notre réglementation et nous contraindre de remettre l'additif dans l'essence et de payer une pénalité de 13 millions de dollars.
Les dispositions concernant l'investissement ont été utilisées d'une manière qui convient aux intérêts privés des sociétés et qui nuit à la démocratie. C'est très difficile--
M. Pat O'Brien: Oui, nous connaissons tous le chapitre 11 et ses conséquences.
Mme Elizabeth May: C'est pourquoi nous estimons que nous ne pouvons pas nous opposer à un accord qui protège dans les faits un investissement canadien à l'étranger.
Howard veut intervenir.
M. Pat O'Brien: Je ne vous demandais pas si vous vous objectiez ou non. Je voulais savoir si vous aviez réfléchi à un mécanisme susceptible de protéger cet investissement très important.
M. Howard Mann: Monsieur le président, je précise d'entrée de jeu que je partage le point de vue d'Elizabeth. Il ne s'agit pas nécessairement de savoir si l'on devrait ou non avoir un accord sur les investissements. L'important c'est de connaître son contenu et son objectif. Il y a des façons de protéger les investisseurs et les investissements étrangers sans avoir recours aux types d'interprétations générales et dommageables que nous avons vues jusqu'à présent.
Il y a également une autre question importante--et si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais en profiter pour faire une publicité que je gardais pour la fin. Le 18 mars, ici à Ottawa, l'IIDD, en collaboration avec le Forum des politiques publiques, présentera un atelier d'une journée sur le droit des investissements internationaux. Nous allons examiner sa raison d'être; les orientations qu'on lui a données; l'équilibre entre les droits privés et les intérêts publics et le bien commun, un équilibre qui a été modifié par ce genre d'accords; et une analyse assez approfondie des interprétations actuelles du chapitre 11. Le coordonnateur de ce projet à l'IIDD m'a demandé d'inviter le comité à déléguer des représentants du personnel politique et de l'administration. Je vous présente donc cette invitation à participer à cette réunion ou à vous y faire représenter et nous pouvons coordonner vos inscriptions jusqu'au 18 mars.
Entre-temps, il se pose une question bien réelle, celle du rôle des accords d'investissement. Jusqu'à présent, ils se sont intéressés à une seule question, celle de la protection des droits privés. En vertu du chapitre 11, on a privilégié l'interprétation la plus large des droits privés. Les accords ne se contentent pas de protéger un investissement réalisé--c'est-à-dire l'infrastructure d'une usine, etc.--et les actifs qu'ils comportent, ils vont jusqu'à créer des droits économiques internationaux indépendants et privés, sans y attacher des responsabilités et des obligations. Ils mettent en place un processus de règlement des différends qui se protège derrière un voile de secret, au gré ou à la convenance de l'investisseur, un processus qui, en fait et en droit, a préséance sur le droit national en vertu de la clause de « compétence législative » qui stipule que l'affaire peut être jugée en vertu des règles internationales qui se rapportent uniquement aux droits de l'investisseur ou en vertu des règles nationales, qui créent de façon inhérente un équilibre entre les droits et les responsabilités. Les investisseurs préfèrent avoir recours au système international qui ne tient compte que de leurs droits. Qui peut leur reprocher d'agir ainsi puisqu'ils ne font qu'utiliser les instruments existants?
Voilà le type de questions et de problèmes auxquels nous sommes confrontés. Il ne s'agit pas de savoir s'il faut laisser les investisseurs canadiens livrés à eux-mêmes, mais plutôt de déterminer comment trouver un point d'équilibre entre ces différents aspects, à une époque où l'exercice de ces droits va prendre de plus en plus d'importance.
º (1650)
M. Pat O'Brien: Monsieur le président, j'aimerais terminer là-dessus.
Sans vouloir simplifier à outrance, mais si je résume votre pensée de manière succincte, vous affirmez que nous avons besoin d'un document comme le chapitre 11, à condition qu'il soit beaucoup plus clair et beaucoup plus précis. Est-ce bien résumé?
M. David Runnalls: Non, pas du tout.
M. Pat O'Brien: Ah bon? Alors, je pense que vous n'avez pas bien répondu à ma question, puisque vous avez dit que nous ne pouvons pas abandonner ces investissements. Vous nous avez dit que vous ne vouliez pas d'un chapitre 11 amélioré, mais vous ne nous avez pas encore dit par quoi vous voulez le remplacer.
M. Howard Mann: Je crois que nous avons besoin d'un instrument d'investissement tout à fait différent. Cet instrument contiendrait des protections pour l'investisseur, mais ne se limiterait pas à cela. Nous voulons prendre en compte les droits des États dans le contexte de la réglementation permanente d'un investissement qui pourrait s'étendre sur 100 ou 150 ans ou plus à compter d'aujourd'hui; nous voulons un instrument qui établira les responsabilités des investisseurs; et qui ne se limitera pas uniquement aux questions qui laissent actuellement à désirer dans le chapitre 11. Sauf votre respect, ce serait une erreur de tout simplement reprendre le chapitre 11 dans le contexte de l'OMC ou de la ZLÉA, à moins de le compléter de cette manière.
Le vice-président (M. Svend Robinson): Je crois que M. Runnalls a quelque chose à ajouter. Nous passerons ensuite à M. Casey.
M. David Runnalls: Je crois que la réponse immédiate à votre première question consisterait, dans un premier temps, à se tourner vers les traités bilatéraux concernant les investissements, qui sont très nombreux.
Ces accords de pays à pays sur le traitement mutuel des investissements est une des choses qui nous préoccupe. Je crois que ces accords protègent les investisseurs canadiens contre les conséquences les plus difficiles de l'expropriation dans la majorité des pays.
J'ai l'impression que ces accords prolifèrent et sont de tout acabit. Les pays s'entendent de cette manière sur toutes sortes de choses. Ayant examiné la question, nous estimons que nous avons sans doute besoin d'un accord international sur les investissements, ne serait-ce que pour éviter la grande confusion que crée cette pléthore de traités bilatéraux. Les choses risquent de devenir très complexes.
Nous estimons également qu'un tel accord international ne devrait pas relever de l'OMC qui est une institution vraiment surchargée, compte tenu de la structure dont elle dispose. Il est probable que son mécanisme de règlement des différends ne fonctionnerait pas très bien dans le cas des investissements. Par contre, il donne de bons résultats dans le cas des opérations ponctuelles.
De nombreux professionnels du commerce--je pense ici à Sylvia Ostry de l'Université de Toronto, par exemple--estiment que l'OMC s'est déjà vu attribuer une tâche trop lourde par les gouvernements et qu'en lui confiant un secteur aussi complexe que les investissements, on obtiendrait sans doute le même résultat qu'avec l'accord ADPIC. Beaucoup de professionnels du commerce estiment que l'accord ADPIC ne devrait pas relever de l'OMC. Il ne fait que surcharger une organisation qui est déjà trop sollicitée.
Nous souhaiterions que les discussions portent précisément sur la création d'un accord international qui ferait la part des choses entre les obligations et les droits, comme M. Mann l'a proposé. Ces discussions se dérouleraient dans le contexte de l'OMC, mais resteraient en fait extérieures à l'organisation. Il faudrait mettre en place un nouveau régime pour gérer un tel accord.
L'OMC est un instrument très attirant pour les gouvernements, parce qu'elle est la seule organisation internationale qui dispose des moyens nécessaires pour faire appliquer ses décisions. Cela la rend très attrayante. Le mécanisme de règlement des différends permet d'imposer des sanctions commerciales ou des décisions que les gouvernements doivent respecter. Cependant, ce système commence à souffrir d'une surcharge excessive. Je crois bien que le système ne tiendrait pas le coup s'il était littéralement saisi de centaines de litiges en matière d'investissement.
En conclusion, je pense que nous avons besoin d'un régime touchant les investissements, mais je ne pense pas qu'il devrait relever de l'OMC.
º (1655)
Le vice-président (M. Svend Robinson): Avant de donner la parole à M. Casey, je me demande, monsieur Mann, si je peux vous suggérer de transmettre l'information concernant la conférence du 18 mars au greffier. Ce dernier pourra par la suite la distribuer à tous les membres du sous-comité qui, j'en suis certain, ne manqueront de s'y intéresser.
Monsieur Casey.
M. Bill Casey: Merci.
Tout d'abord, j'aimerais signaler à M. O'Brien que je n'étais pas d'accord avec lui quand il a fait cette déclaration--je veux dire que je n'étais absolument pas en désaccord avec vous, monsieur O'Brien. Je n'étais pas d'accord avec la personne qui a fait cette déclaration.
[No Salutation Found] UNKNOWN UNKNOWN: Et comment s'appelle cette personne?
M. Bill Casey: Joe quelque chose.
Des voix: Ha! ha!
M. Bill Casey: De toute façon, les questions que pose M. O'Brien tiennent en partie au fait que nous avons dû envoyer actuellement à Washington une grosse équipe pour tenter de régler l'accord concernant le bois d'oeuvre que l'on croyait coulé dans le béton grâce au libre-échange, mais il semble que ce ne soit pas le cas. Deux des problèmes que pose ce genre de situations sont, d'une part, l'orientation imprévisible qu'elles prennent et, d'autre part, les mécanismes de règlement des différends. Hier soir, nous avons examiné le projet de loi visant à modifier nos lois en fonction de l'entrée de la Chine au sein de l'OMC. Vous pouvez imaginer ce que nous réserve cet accord. Il contient des mécanismes de protection qui paraissent très lourds, difficiles et dangereux sur le plan politique. Je suis convaincu que c'est pour cette raison-là qu'il a posé ces questions.
Monsieur Henderson, si je me souviens bien, vous avez dit que le marché canadien de l'industrie environnementale n'est pas promis à une croissance certaine. Est-ce que je vous ai bien compris?
M. Christopher Henderson: C'est exact. Voilà cinq ans que Statistique Canada a commencé à s'intéresser à notre industrie. Notre secteur a connu une certaine croissance, mais cette croissance s'explique en grande partie par le fait que les entreprises étaient plus nombreuses à se manifester. Notre secteur a un chiffre d'affaires national d'environ 20 milliards de dollars. Si nous maintenons le statu quo, la croissance suivra peut-être le rythme de l'inflation, soit 2 ou 3 p. 100. Aucun facteur important ne va contribuer à augmenter ce montant. Pour de bonnes raisons, des secteurs tels que les marchés de traitement des déchets sont éliminés au profit de l'écologie industrielle par la transformation des déchets en produits secondaires, etc. et c'est très bien. En revanche, de nouveaux marchés se font jour, mais, dans l'ensemble, la croissance n'est pas très rapide.
Évidemment, la croissance de notre secteur serait plus rapide si l'examen de notre infrastructure environnementale pour l'eau et les eaux usées faisait l'objet d'une activité importante afin de doter tout le pays de systèmes tertiaires de gestion de l'eau et des eaux usées. Nous appelons de tous nos voeux une telle activité, puisque ce serait bon pour l'économie et aussi pour l'environnement.
Le vice-président (M. Svend Robinson): Ou si nous ratifions l'accord de Kyoto.
M. Christopher Henderson: Ou si nous ratifions en effet l'accord de Kyoto.
En passant, entre un tiers et la moitié de nos membres sont des entreprises du secteur de l'énergie propre. Aussi, nous incluons ce secteur d'approvisionnement. Des sociétés comme Bombardier, DynaMotive et d'autres du secteur des biocombustibles sont membres de notre association. Cependant, dans la situation actuelle, on n'entrevoit pas de croissance à l'horizon et beaucoup de compagnies se tournent vers les exportations pour maintenir leurs activités et leur croissance. Voilà pourquoi j'en ai parlé.
L'industrie pourrait se développer considérablement si elle pouvait s'appuyer sur un nouvel inducteur d'activité, comme par exemple une importante activité dans l'infrastructure verte ou en matière d'application du régime de Kyoto. Nous nous sommes prononcés officiellement en faveur des mesures prises par le gouvernement au sujet de l'infrastructure verte et nous l'avons même encouragé à poursuivre ses efforts. Et j'ai déjà officiellement accordé mon appui au régime de Kyoto.
M. Bill Casey: Mais les étangs bitumineux de Sydney sont toujours là.
M. Christopher Henderson: Eh oui, les étangs bitumineux sont toujours là, mais je vais laisser à ma collègue le soin d'en parler. Elle en sait beaucoup plus que moi sur cette question.
Mme Elizabeth May: Vous avez hélas raison. Les étangs bitumineux sont encore là.
M. Bill Casey: C'est un problème énorme.
Passons. Quels sont les marchés cibles auxquels s'intéresse votre industrie? Quels continents, quels pays?
M. Christopher Henderson: Les marchés les plus importants seront ceux d'Amérique latine, d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud. Cela semble dû en partie au mouvement de mondialisation et en partie à la structure des échanges entre le Nord et le Sud. Ces régions sont la cible de la plupart de nos sociétés. Sur le plan géographique, le deuxième marché en importance serait celui de l'Asie du Sud-Est, principalement autour du marché chinois. Nos sociétés membres exportent dans beaucoup de pays du monde, mais ce sont là les deux cibles principales.
Si l'on considère nos compétences en matière de gestion de l'eau et de traitement des eaux usées, de gestion des ressources aquatiques, ce secteur est important pour nous. La gestion et le réacheminement des déchets sont des dimensions importantes. Nous considérons les procédés industriels--production et transformation de ressources naturelles, implantation de technologies qui réduisent le flux des déchets grâce à une plus grande efficacité--comme des technologies environnementales. Ce sont des technologies environnementales intelligentes, si vous me permettez l'expression.
Dans le secteur des changements climatiques, nous avons des points forts et des points faibles, comme on peut s'y attendre. Nos points forts sont l'Amérique latine et l'Asie et le secteur de l'eau et des eaux usées, l'infrastructure environnementale, ainsi que le secteur de la production des ressources naturelles. Tels sont nos principaux marchés cibles.
» (1700)
M. Bill Casey: Merci.
J'aimerais signaler que je connais assez bien Hector Jacques et que c'est quelqu'un d'incroyable.
M. Christopher Henderson: Tout à fait, et un de ses vice-présidents est membre de notre conseil. Leur société est un membre actif de notre association.
M. Bill Casey: Vraiment? Comment s'appelle-t-il?
M. Christopher Henderson: Earle Hickey.
M. Bill Casey: Merci.
Le président: Merci, monsieur Casey.
Monsieur Grose, avez-vous une question?
M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Comme d'habitude, je n'ai pas vraiment de question à poser. Comme vous pouvez le voir d'après mon porte-nom, je ne suis pas un membre habituel de ce comité, mais je peux peut-être vous donner quelques conseils.
Vous utilisez beaucoup d'abréviations--OMC, ADPIC, etc.--qui me passent au-dessus de la tête. Je sais ce que c'est l'OMC, mais Doha, je l'ignore, bien que je pense que ce soit le nom de l'endroit où s'est tenue une réunion.
J'ai beaucoup appris aujourd'hui, mais cela n'est pas important. Elizabeth, j'aimerais vous dire ceci: si vous souhaitez que le gouvernement agisse, il faut vous employer à convaincre les gens. Ce n'est pas en réunissant 5 000 manifestants pour lancer des pierres que vous y parviendrez, mais en faisant comprendre au gouvernement que c'est la volonté de la population.
Aujourd'hui, nous avons évoqué les mesures qu'il faudrait prendre. Je sais que cela est nécessaire et je sais quels sont vos objectifs. Mais ne croyez surtout pas qu'un député comme moi pourrait se faire élire sur une question comme l'exportation d'eau. Mes électeurs fabriquent des voitures et des camions. Tout ce qui les intéresse, c'est que l'on vende des voitures et des camions. Pour cela, ils seraient prêts à vendre quelques litres d'eau en plus des voitures ou des camions que nous exportons.
Je sais ce que nous devrions faire et cela ne me dérange pas. Si vous souhaitez que je me présente aux électeurs en me prononçant contre les exportations d'eau, je le ferai. Si je ne suis pas élu, je ne serai pas là pour défendre votre cause, mais je suis prêt à perdre une élection. Avant d'être élu, je faisais autre chose et je pense que je trouverai encore autre chose à faire lorsque je ne serai plus député. Mais je vous dis que vous devez rallier des gens. Vous devez convaincre la population de notre pays que vous leur proposez un objectif valable. Je sais qu'il faut le faire, mais c'est à vous de décider si vous voulez agir de concert avec nous ou isolément.
Elizabeth, votre groupe fait, à lui seul, un excellent travail, mais vous devez convaincre la population du pays qu'il y a urgence. J'en suis moi-même convaincu, mais il faut que les autres le soient aussi...
Les gouvernements ne font pas de défilés. Ils regardent les défilés passer et ensuite ils leur emboîtent le pas, essayant de les rattraper et d'en prendre la tête. Cela me rappelle l'histoire de cet homme qui marchait dans le désert, affirmant qu'il était perdu. Il se demandait où était passé son groupe et pensait qu'il fallait absolument le retrouver, puisqu'il était le chef. Voilà comment les choses fonctionnent.
Si vous avez une réponse, je vais en prendre note. Si vous avez besoin d'aide, je suis prêt à vous écouter.
Le président: Rebecca.
Mme Rebecca Last (directrice des programmes et des politiques, Association canadienne des industries de l'environnement): Merci, monsieur Grose.
Vous avez dit que l'industrie de fabrication des automobiles et des camions est un secteur économique très important dans votre circonscription et que les chômeurs ne sont pas de bons électeurs. Je comprends très bien votre point de vue.
Nous sommes une industrie nouvelle et jeune. Tel est l'accent que nous mettons dans le message que véhicule notre association et notre industrie. Le potentiel de croissance que nous offrons sur le plan des emplois est le même que celui qu'a connu la région d'Ottawa. Vous devez savoir, en tant que politicien, que votre industrie n'a plus la même puissance dans l'économie de votre région. Plus de 220 000 personnes travaillent dans environ 5 000 entreprises environnementales au Canada. Ce sont souvent de très petites entreprises qui ne demandent qu'à grandir et embaucher de nouveaux employés. Le message que vous pouvez transmettre à vos électeurs est que les industries environnementales peuvent faire une grande contribution à l'économie.
» (1705)
M. Ivan Grose: Cela me paraît intéressant.
Le président: Madame May, avez-vous un commentaire à ajouter?
Mme Elizabeth May: Merci.
J'aimerais signaler brièvement que lorsque nous tenons de petites réunions publiques, nous faisons bien attention de ne pas utiliser trop d'abréviations et d'acronymes et de présenter les choses de façon compréhensible.
Sur les questions de la mondialisation, de l'accroissement du pouvoir des sociétés et de la diminution du pouvoir des gouvernements--c'est le constat que je fais--le public est nettement en avance par rapport aux groupes environnementaux et au gouvernement. Au cours de la levée de boucliers qu'a suscitée l'Accord multilatéral sur l'investissement, j'avais eu une discussion avec un député. Il disait que ces questions n'intéresseraient jamais les gens de sa circonscription, parce qu'elles étaient trop complexes et trop ésotériques. Je l'ai revu quelques semaines plus tard et il m'a raconté qu'en s'arrêtant à une station-service de sa circonscription, il a remarqué, sur le comptoir, une pétition contre l'AMI. Il y en avait plusieurs pages et il a compris à ce moment-là que les gens étaient sensibilisés à la question, jusque dans sa circonscription.
Les gens se sentent concernés par ces questions. Pour parler franchement, je pense que le défi qui attend le mouvement antimondialisation est que les mobilisations de masse dans les rues sont criminalisées pour toutes sortes de raisons depuis Seattle, depuis Québec et depuis le 11 septembre en particulier. La dissension passe pour être une activité criminelle. À cause d'une poignée d'individus qui enfreignent la loi, tous les autres ne peuvent plus manifester dans les rues.
Mais à quoi peut vraiment nous servir le Parlement? Le Parlement est-il véritablement le siège de la démocratie? C'est une toute autre question, mais quand je vois ce qu'il est advenu de la Loi sur les espèces en péril, je me demande ce qu'est devenue la démocratie dans les comités parlementaires, alors que tous les partis étaient d'accord et que nous avions de bons amendements. La lutte pour la démocratie consiste finalement pour le mouvement environnemental à faire entendre sa voix, afin que nous puissions faire changer les choses.
Cela étant, tout ce que vous avez dit est très juste et vous nous avez donné de bons conseils.
Le président: Monsieur Mann, avez-vous une dernière chose à ajouter?
M. Howard Mann: Oui.
J'aimerais faire un autre lien avec les emplois. Permettez-moi de revenir 15 ans en arrière afin d'évoquer une décision prise par le gouvernement conservateur de l'époque au sujet de la pêche dans l'Atlantique Nord. Les ministre de l'époque avaient refusé de prendre une décision alors qu'ils savaient pertinemment que la morue était sur le point de disparaître. Ils ont absolument refusé d'arrêter la pêche et de prendre des mesures qui seraient durables. Tout cela s'est soldé par la perte de tous les emplois.
Aujourd'hui, ce scénario se reproduit dans beaucoup d'autres domaines. C'est le cas de l'industrie de l'automobile actuellement. Que le Canada ratifie ou non l'accord de Kyoto, les mesures que nous prenons actuellement au sujet des changements climatiques ne changeront pas grand-chose à ce qu'il adviendra de l'accord de Kyoto et de la question des changements climatiques dans dix ans. Le fait est que les voitures qui sont fabriquées actuellement dans votre circonscription ne seront pas les mêmes dans 20 ans. Aucune de ces voitures ne sera plus fabriquée de la même manière. Si le Canada ne prend pas ce virage technologique et n'investit pas dans de nouveaux moteurs, les moteurs non polluants, les moteurs hybrides, etc., et si le Canada ne saisit pas l'occasion que lui offre la ratification de L'accord de Kyoto pour imposer le virage technologique, pour obliger l'innovation et l'adoption des technologies de la nouvelle génération et les nouvelles générations d'emplois, nous serons contraints d'acheter au Mexique et ailleurs ces voitures qui sont actuellement construites au Canada et vous n'aurez plus, dans 20 ans, aucun électeur employé dans ce secteur.
M. Ivan Grose: N'hésitez pas à m'inonder d'informations. Je vous promets que je les ferai circuler.
Merci.
Le président: Ce n'est bien entendu qu'une suggestion et je suis certain que nos témoins ne manqueront pas de répondre à votre souhait, monsieur Grose.
Au nom de mes collègues de différentes couleurs politiques, je tiens à vous remercier individuellement et collectivement pour les excellents exposés que nous avons entendus aujourd'hui. Vos interventions ont été très pertinentes et je tiens à vous remercier de nous avoir grandement éclairés aujourd'hui.
Comme mon collègue M. Robinson l'a souligné un peu plus tôt, vous pouvez nous faire parvenir les documents que vous souhaitez nous voir examiner dans le cadre de votre présentation à la Chambre des communes. Par ailleurs, ce serait très utile pour nous d'avoir une recommandation précise que vous pourriez formuler au comité. Ce serait extrêmement utile.
Monsieur Henderson, je sais que vous revenez de l'enterrement d'un ami ou d'un membre de votre famille. Je vous prie d'accepter nos plus sincères condoléances. Rebecca vous a remplacé jusqu'à votre retour.
Nous reprendrons nos travaux à 15 h 30, le mercredi 13 mars. La séance est levée.