SINT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des Affaires étrangères et du Commerce international
Témoignages du comité
TABLE DE MATIÈRE
Le jeudi 7 février 2002
¹ | 1535 |
Le président (M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.)) |
M. Sergio Marchi (représentant permanent et ambassadeur du Canada auprès du Bureau des Nations Unies de l'Organisation mondiale du commerce) |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Bob Speller (Haldimand--Norfolk--Brant, Lib.) |
M. Sergio Marchi |
¹ | 1555 |
M. Speller |
Le président |
M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne) |
M. Sergio Marchi |
M. Rick Casson |
º | 1600 |
M. Sergio Marchi |
º | 1605 |
Le président |
M. Rocheleau |
M. Sergio Marchi |
º | 1610 |
M. Rocheleau |
º | 1615 |
M. Sergio Marchi |
Le président |
M. Rocheleau |
M. Sergio Marchi |
º | 1620 |
Le président |
M. Mark Eyking (Sydney--Victoria, Lib.) |
M. Sergio Marchi |
º | 1625 |
M. Mark Eyking |
M. Sergio Marchi |
Le président |
º | 1630 |
M. Sergio Marchi |
Le président |
M. Sergio Marchi |
Le président |
Le président |
M. Donald Mackay (conseiller spécial, Fondation canadienne pour les Amériques) |
º | 1645 |
º | 1650 |
Le président |
M. Rick Casson |
M. Donald Mackay |
M. Rick Casson |
M. Sergio Marchi |
º | 1655 |
Le président |
M. Rocheleau |
M. Donald Mackay |
» | 1700 |
M. Rocheleau |
M. Donald Mackay |
» | 1705 |
M. Rocheleau |
M. Donald Mackay |
Le président |
M. Mark Eyking |
» | 1710 |
M. Donald Mackay |
M. Mark Eyking |
M. Donald Mackay |
» | 1715 |
Le président |
M. Bob Speller |
M. Donald Mackay |
» | 1720 |
M. Bob Speller |
M. Donald Mackay |
Le président |
CANADA
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des Affaires étrangères et du Commerce international |
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l |
|
l |
|
Témoignages du comité
Le jeudi 7 février 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.)): Chers collègues, nous allons commencer la réunion.
Nous avons la chance d'accueillir aujourd'hui au comité M. Sergio Marchi, notre ambassadeur auprès de l'OMC. C'est une personne remarquable et nous avons été très fiers de la façon dont il nous a représentés sur de nombreux sujets à l'OMC, et tout particulièrement, du leadership dont M. Marchi et son équipe ont fait preuve lors de la conférence de Doha. J'ai pu voir les efforts déployés par la délégation canadienne pour faire connaître la position du Canada. En parlant à certains délégués, surtout ceux des pays les moins développés, je me suis encore davantage rendu compte du respect que les membres de l'OMC ont pour le Canada, toujours grâce à des personnes comme M. Marchi et son équipe.
C'est aussi un honneur d'accueillir M. Don Stephenson, qui sera aux côtés de M. Marchi aujourd'hui.
Voici comment nous allons procéder : M. Marchi fera une allocution d'ouverture et ensuite nous passerons aux questions et aux commentaires. Monsieur Marchi, bienvenue au comité et bienvenue dans votre Chambre.
M. Sergio Marchi (représentant permanent et ambassadeur du Canada auprès du Bureau des Nations Unies de l'Organisation mondiale du commerce): Merci beaucoup, monsieur le président. C'est toujours un plaisir de revenir devant votre comité. Je vous remercie de l'éloge que vous venez de faire au sujet des efforts du Canada à Doha. À tous les niveaux, du ministre à la base, notre équipe a joué non seulement un rôle clé pour défendre les intérêts canadiens, mais aussi, j'ose le dire, un rôle de leadership essentiel pour parvenir au consensus final.
Comme vous l'avez dit, je suis accompagné cet après-midi de Don Stephenson, directeur général de la Politique commerciale.
Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que les membres du sous-comité, de me donner cette occasion de faire le point sur l'évolution récente à l'OMC. Je constate que vous avez convoqué une liste impressionnante d'experts pour vous renseigner sur l'OMC et la ZLEA au cours des prochaines semaines. Je suis convaincu que votre évaluation des enjeux des négociations à l'OMC contribuera à étoffer les priorités du Canada à mesure que les négociations avanceront à Genève. J'espère aussi que mes remarques d'aujourd'hui contribueront à cet important effort.
Comme vous le savez, la pertinence de l'OMC a été sérieusement ébranlée après Seattle. À Doha, en novembre dernier, les membres de l'OMC avaient donc une lourde tâche à accomplir : nous devions nous sortir de l'ombre de Seattle; nous devions répondre aux besoins de tous les membres, pas seulement de ceux qui sont riches et développés; nous devions résoudre d'épineux problèmes commerciaux et économiques, tout en tenant compte de préoccupations plus générales comme le développement, l'environnement et l'équité sociale; nous devions faire tout cela à un moment où les événements tragiques du 11 septembre étaient encore très frais dans les mémoires.
Bref, l'OMC et la communauté internationale devaient gagner à Doha, et les membres ont agi en conséquence. Certains d'entre vous, naturellement, comme vous l'avez souligné monsieur le président, étaient à Doha et y ont joué un rôle, et vous savez déjà exactement ce que les ministres du commerce ont négocié. Permettez-moi de résumer brièvement ce que nous avons accompli.
Dans l'ensemble, pour le Canada, Doha a établi un important programme de négociations pour les membres de l'OMC. Par exemple, ceux-ci se sont désormais engagés à négocier la libéralisation des échanges de biens et de services, une réforme agricole ambitieuse, des règles plus claires sur les mesures antidumping, les subventions et les mesures compensatoires, et la réforme du mécanisme de règlement des différends. Doha a aussi pavé la voie vers les futures négociations sur les questions dites de Singapour, c'est-à-dire les règles mondiales sur l'investissement, la politique de la concurrence, la transparence des marchés publics et la facilitation des échanges, qui devraient être lancées par consensus à la conférence ministérielle de l'année prochaine.
Quand on tente d'évaluer ce que cela signifie pour les Canadiens, deux réalisations particulières viennent immédiatement à l'esprit. Pour la question parfois controversée et chargée d'émotion de l'agriculture, Doha constitue un jalon important parce que pour la première fois les membres de l'OMC se sont engagés à négocier en vue d'éliminer graduellement les subventions à l'exportation de produits agricoles. Ils se sont aussi engagés à diminuer considérablement les mesures de soutien internes qui faussent les échanges et à étendre substantiellement l'accès au marché.
Doha constitue donc une étape importante pour permettre aux agriculteurs canadiens de concurrencer sur un pied d'égalité les agriculteurs des pays qui subventionnent le plus l'agriculture--les États-Unis, l'UE, et le Japon--plutôt qu'avec leur riche Trésor national. Pour ce qui est des négociations sur les services, les membres se sont entendus pour respecter des échéances de négociation fermes et réalistes en vue d'élargir l'accès au marché et de libéraliser davantage le commerce des services.
Pour un pays comme le Canada, où les services représentent 67 p. 100 du PIB, plus de 43 milliards de dollars d'exportation chaque année et des millions d'emplois dans l'Est, l'Ouest et le Nord, ce secteur et ces négociations représentent un énorme potentiel pour les entreprises canadiennes.
¹ (1540)
J'ai dit tout à l'heure, monsieur le président, que l'OMC devait se pencher sur des questions plus générales. C'est pour cette raison qu'on constate dans le programme de Doha un vigoureux appui au développement durable et un engagement novateur à l'égard des négociations et des travaux en cours sur les grands enjeux commerciaux et environnementaux.
Il me paraît utile de souligner que les ministres ont reconnu que l'OMC n'apporterait pas toutes les réponses à ces questions et à d'autres questions lourdes de conséquences. C'est pour cette raison qu'ils ont convenu de continuer d'oeuvrer avec les institutions de Bretton Woods en faveur d'une plus grande cohérence dans l'élaboration des politiques économiques au niveau mondial et qu'ils ont pris note des travaux utiles de l'OIT sur la dimension sociale de la mondialisation.
Les ministres du Commerce se sont pour leur part engagés à rendre les activités de l'OMC plus ouvertes et plus transparentes et à améliorer le dialogue de l'Organisation avec le public.
Comme vous le savez, monsieur le président, le Canada défend depuis longtemps une transparence accrue à l'OMC, et nous continuerons à le faire, parce que nous sommes convaincus que cette réforme est cruciale pour assurer l'avenir de l'Organisation.
Mais ce qui est peut-être le plus important, c'est que les membres se sont efforcés à Doha de combler le fossé du développement, l'écart entre les riches et les pauvres de la planète. Le programme de Doha pour le développement, comme nous avons appelé ce cycle de négociations de l'OMC, favorisera la croissance économique et la réduction de la pauvreté dans les pays en développement. Le mandat de Doha met tout en place pour répondre aux préoccupations des pays en développement au sujet de l'accès aux marchés des produits agricoles et industriels.
La déclaration contient également des engagements importants concernant un soutien accru pour l'assistance technique liée au commerce et le renforcement des capacités des pays en développement, afin que tous les membres de l'OMC puissent profiter au maximum des avantages du système commercial mondial. Il y a eu également une déclaration distincte qui confirme que les règles de l'OMC sur les brevets pharmaceutiques sont assez souples pour que les pays membres puissent protéger la santé publique et promouvoir l'accès de tous aux médicaments pour lutter contre les épidémies auxquelles certains de nos collègues sont confrontés.
Une autre déclaration a également été acceptée par les ministres afin d'atténuer les préoccupations d'un grand nombre de pays en développement concernant la mise en oeuvre des obligations de l'OMC qui ont été adoptées et finalisées au cours des dernières négociations commerciales.
Non seulement ces résultats correspondent aux objectifs de croissance et de développement que le Canada voulait négocier à Doha, mais ils permettent aussi largement aux pays en développement d'en tirer des avantages économiques importants.
Évidemment, une autre réalisation remarquable de Doha a été la décision historique, prise après 15 ans de négociations, d'accepter la Chine au sein de la famille de l'OMC. Le quatrième partenaire commercial du Canada est maintenant lié par les accords et les règles commeciales qui donnent sa vie et sa raison d'être à l'OMC et par conséquent les perspectives des entreprises canadiennes, qui exportent déjà pour près de 4 milliards de dollars de biens par année en Chine, sont tout à fait excellentes.
En ce qui concerne l'avenir, il est clair que Doha n'était que le début d'une longue route. Après tout, nous venons seulement de lancer de nouvelles négociations commerciales mondiales et nous avons beaucoup de pain sur la planche et peu de temps devant nous. L'échéance pour mener à terme toutes les négociations est janvier 2005--dans moins de trois ans. Pour l'OMC, c'est très ambitieux.
Comme vous le savez, le dernier cycle--pour pouvoir comparer avec des négociations commerciales mondiales--le Cycle de l'Uruguay, a duré presque huit ans. Donc malgré les succès remportés à Doha, parvenir à un consensus quand 144 membres participent à un cycle complexe de négociations mondiales ne sera pas une sinécure.
¹ (1545)
Des pays comme le nôtre, par exemple, subiront les pressions des pays en développement qui cherchent à obtenir un accès élargi à des marchés comme ceux des textiles et des vêtements. En même temps, de nombreux pays en développement continueront à demander un traitement spécial et différentiel dans le cadre des accords de l'OMC existants. Certains resteront sceptiques--voire opposés--quant au lancement éventuel des négociations sur les questions de Singapour--notamment l'investissement et la concurrence.
À mesure que nous tenterons d'obtenir l'appui des pays en développement en vue d'instaurer des obligations et des règles plus rigoureuses et plus profondes, les autres membres et nous-mêmes devrons tenir les promesses que nous avons faites à Doha et fournir les programmes d'assistance technique et de renforcement des capacités dont les pays en développement ont besoin pour négocier les accords de l'OMC, les mettre en oeuvre et en profiter. Les obstacles à surmonter ne vont donc pas manquer.
Dans ce contexte, certains observateurs ont raison de douter de notre capacité de terminer notre travail avant 2005, mais je crois que c'est possible. D'ailleurs, les membres de l'OMC ont fait des progrès depuis Doha. En décembre dernier, nous avons décidé que la prochaine conférence ministérielle aurait lieu au Mexique en 2003. Nous nous sommes également entendus sur la création d'un fonds mondial d'affectation spéciale pour la coopération technique et le renforcement des capacités, avec un budget projeté de près de 15 millions de dollars canadiens. La conférence d'annonce des contributions aura lieu à la mi-mars.
La semaine dernière, après des semaines de consultations intensives, le nouveau comité des négociations commerciales s'est entendu sur les éléments essentiels d'une structure et d'un processus de négociation allégés et efficients. Sous la présidence du Directeur général, le comité des négociations commerciales chapeautera les négociations de sept groupes de négociation distincts, et fera rapport périodiquement au Conseil général.
Que signifie tout cela pour le Canada? Autrement dit, quelles sont les incidences des travaux de l'OMC au quotidien sur les intérêts nationaux du Canada? À titre de membre du sous-comité, vous savez que les échanges commerciaux entre le Canada et ses grands partenaires ailleurs qu'en Amérique du Nord, comme l'Europe et le Japon, sont vitaux pour la santé économique du Canada. Des occasions d'affaires sans précédent commencent à s'offrir aux entreprises canadiennes dans d'énormes marchés émergents de la planète comme l'Inde et la Chine.
L'OMC constitue notre meilleure garantie d'un accès à ces marchés et de règles du jeu équitables sur ces marchés. Le Canada continue à juste titre de s'efforcer de resserrer ses liens commerciaux bilatéraux et régionaux, notamment dans le cadre de l'APEC et des négociations en vue de la ZLEA. Mais l'OMC n'en demeure pas moins notre accord commercial avec le monde entier. C'est pour cela que le Canada est si actif à Genève où il participe à l'élaboration du programme tout en continuant à défendre ses intérêts nationaux.
Dans ces conditions, je suis ravi de voir que vous consultez étroitement les entreprises canadiennes et les autres intéressés pour déterminer les priorités du Canada à l'OMC. Vos discussions permettront de recueillir des avis et des leçons très précieux tant auprès des entreprises qu'auprès des intervenants. Elles sont aussi éminemment nécessaires parce qu'en comparaison avec les initiatives régionales et bilatérales, je crois que le secteur privé à l'échelle internationale s'est beaucoup moins intéressé à Seattle et à Doha. Je pense et j'espère que cela peut changer.
Maintenant que nous amorçons un nouveau cycle de négociations à l'OMC, nous devons ranimer l'esprit de soutien et de coopération de ceux qu'intéresse la politique commerciale canadienne--y compris les entreprises, les consommateurs et les ONG. Nous avons évidemment tout intérêt à accomplir à l'échelle internationale ce que nous avons accompli à l'échelle bilatérale et continentale.
En conclusion, je reste optimiste quant à nos chance de réussite à l'OMC à Genève. Nous nous attendons à une année bien remplie à Genève, avec le lancement des négociations à Doha. Je sais que les travaux de votre sous-comité apporteront une contribution précieuse à nos efforts en vue de préciser la position de négociation du Canada.
¹ (1550)
J'ai donc hâte de lire votre rapport et je serai heureux de vous accueillir à Genève, si cela peut être utile à vos travaux.
Je vous remercie.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Marchi.
Je vais prendre la liberté de demander à mon collègue M. Speller s'il accepte de poser la première question. M. Speller était le célèbre secrétaire parlementaire de M. Marchi lorsque celui-ci était ministre responsable du Commerce international. Est-ce exact?
M. Bob Speller (Haldimand--Norfolk--Brant, Lib.): C'est exact, monsieur le président. Je vais pouvoir le soumettre à un interrogatoire. C'est le moment des règlements de comptes.
Bienvenue monsieur l'Ambassadeur. Je tiens à vous remercier au nom de tous les Canadiens du travail que vous faites pour eux à Genève.
Mon collègue, M. Eyking, et moi-même avons eu l'occasion au cours des derniers mois de voyager dans le pays et de parler aux agriculteurs canadiens des possibilités d'avenir dans le domaine agricole. L'une des questions qui revient sans arrêt, où que l'on se trouve, c'est la position du Canada en matière de commerce international et l'importance du commerce pour l'agriculture. Je sais que nous en avons déjà parlé. Le Canada a toujours beaucoup poussé pour l'élimination des subventions à l'exportation. Si vous consultez maintenant le site Web de l'Union européenne, vous verrez qu'elle dit ne pas avoir accepté l'élimination des subventions aux exportations.
Je me demande si vous pourriez nous faire une petite mise au point sur cette question, parce que les agriculteurs canadiens tiennent absolument à ce que ces subventions et leurs effets de distorsion du commerce soient totalement éliminés. Lorsque nous avons commencé ces négociations, nous pensions que la chose était entendue. Or, il semble que la position de l'Union européenne laisse planer certains doutes. Je me demande si vous pourriez aider les agriculteurs canadiens à comprendre exactement ce qui se passe.
M. Sergio Marchi: Tout d'abord, merci beaucoup, Bob, de vos compliments sur le travail canadien.
Deuxièmement, je pense que ce travail a grandement bénéficié de l'aide de personnes comme vous pendant longtemps, particulièrement dans le domaine agricole, où vous avez toujours défendu les intérêts du monde agricole canadien.
Comme vous, je pense que les réalisations de Doha en matière d'agriculture…sachant que nous en sommes seulement au début des négociations. Malgré tout, c'est la première fois que l'OMC a accepté dans une déclaration ministérielle d'éliminer graduellement le jeu des subventions aux exportations.
Selon les calculs de l'OCDE, les pays les plus riches dépensent plus de 250 milliards de dollars américains chaque année, et 80 p. 100 de ces fonds viennent de la Communauté européenne, du Japon et des États-Unis. Cela représente plus de 35 p. 100 de la valeur de la production agricole. C'est un chiffre absurde, qui fait des ravages, notamment au sein du monde agricole canadien, lorsque les cultivateurs essaient de concurrencer leurs homologues.
Je pense que le site Web européen vise essentiellement à présenter une perspective européenne pour les pays européens, parce que ce que les membres de l'OMC ont accepté est assez clair. Même s'ils peuvent suivre leur propre interprétation, c'était une réalisation importante et je dirais aussi que si les Européens--ou tout autre pays, d'ailleurs--s'écartaient de cet engagement fondamental visant à éliminer les subventions aux exportations au cours de la vie de ces négociations, ce serait non seulement un recul par rapport aux engagements qu'ils ont signés, mais cela aurait un effet dramatique et tout à fait négatif sur les autres grandes questions en jeu dans ces négociations, notamment certaines questions très importantes pour la Communauté européenne.
Si les Européens considéraient maintenant que ce n'est pas ce qu'ils voulaient dire, cela aurait de très graves conséquences. Ce n'est pas ce que j'ai entendu dire l'ambassadeur européen à Genève. Ce n'est pas ce qu'à dit Pascal Lamy. Je suis tout à fait prêt à leur donner le bénéfice du doute quant à savoir s'ils vont respecter leurs engagements et s'en tenir à ce qui a été décidé à Doha.
¹ (1555)
M. Bob Speller: Je vous remercie. J'ai promis de me limiter à une question.
Le président: Monsieur Casson.
M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Je voudrais aussi vous souhaiter la bienvenue, monsieur Marchi. Merci d'être là et merci pour vos commentaires et aussi pour l'hospitalité que vous nous avez témoignée lorsque nous étions à Genève il y a un an environ ainsi que pour la qualité des rencontres que nous avons eues là-bas. Nous avons pu rencontrer le Directeur général et avoir des conversations face à face sur certains points. Ceci d'après moi a été très utile pour la délégation canadienne et j'espère que nous lui avons également donné les renseignements dont il avait besoin.
Je n'étais pas personnellement à Doha, mais il y a eu très peu de perturbation à l'extérieur des réunions, contrairement à Seattle. Dans quelle mesure attribuez-vous cela à l'endroit et au fait que le système ou le processus a maintenant changé et est devenu plus transparent et moins exclusif? Pensez-vous que grâce à ces changements, nous pourrons éviter ces problèmes lors des réunions ultérieures?
M. Sergio Marchi: Encore une fois, merci beaucoup de vos commentaires. Je devrais également vous remercier ainsi que les autres membres du comité qui ont fait le voyage à Genève. Pour moi, en tant qu'ambassadeur du Canada, je pense que nous n'aurons jamais assez de voyages, non seulement ceux qu'effectuent les parlementaires, mais aussi ceux des chefs d'entreprise et des membres des ONG qui peuvent ainsi voir le fonctionnement de l'OMC sur le terrain et participer à des réunions comme nous l'avons fait. En fait, je crois aussi que le Canada y gagne puisque les autres membres de l'OMC voient que nos parlementaires, les membres du secteur privé et des ONG sont suffisamment déterminés pour faire le voyage jusqu'à Genève.
Bien sûr, nous avons été très encouragés de voir qu'il y avait beaucoup moins de protestations, certainement moins de manifestations négatives. Celles-ci ont laissé un goût assez amer autour de Seattle. Je ne parle pas des groupes d'ONG constructives ou des personnes qui ont des opinions différentes de celles de notre gouvernement ou d'un autre gouvernement. Au Canada, il est clair que nous respectons les différences d'opinions. Mais rares sont les gens qui peuvent respecter le genre de dégâts qui a été fait à Seattle. Cela ne s'est pas produit à Doha, au Qatar. Naturellement, c'était lié aux procédures suivies par le gouvernement du Qatar mais je crois aussi, Rick, que c'était le reflet du processus différent qui a précédé Doha. C'était complètement différent, sans aucun rapport, du processus de Seattle.
Dans le cadre de Seattle, après la longue élection difficile du DG--deux DG, en fait--il ne restait presque plus de temps. Lorsque Mike Moore est arrivé le 2 septembre 1999, il a eu à peine deux mois avant le cirque de Seattle. Donc le processus n'était pas bien préparé. C'était rapide, tout le monde n'était pas inclus, et par conséquent, à la fin, nous avons abouti à un document de 35 pages qui contenait beaucoup de crochets et qui suscitait la division.
À l'oppposé, le travail de préparation pour Doha a été beaucoup plus ouvert et transparent. Il y a eu un nombre considérable de réunions informelles invitant tous les membres de l'organisation, grands et petits. En fait, nous avons eu tellement de réunions informelles que plusieurs petites délégations se sont plaintes de ne pouvoir participer à toutes les réunions. Nous avons fait de l'ouverture une vertu, et de ce fait, nous sommes arrivés à un texte beaucoup mieux équilibré. Tout le monde avait un programme en allant à Doha et tout le monde était partie prenante.
À la suite de ce processus, le document et la réunion ministérielle ont été beaucoup mieux légitimés et acceptés. Cela nous a certainement appris que le processus menant aux négociations, quelles qu'elles soient, était incroyablement important pour assurer la réussite.
Je pense que le président du Conseil de l'OMC, le président de la conférence ministérielle, qui était le ministre du Commerce du Qatar, et Mike Moore, qui ont beaucoup investi dans ces relations, doivent être félicités, ainsi que tous ceux qui ont fait preuve de leadership sur place et grâce auxquels la volonté politique est venue à bout de certaines divergences nationales. Le processus de préparation était très différent, d'après moi, ce qui a donné en fin de compte des résultats tout à fait différents et beaucoup plus positifs.
M. Rick Casson: J'étais intéressé de vous entendre dire que, d'après vous, le secteur privé n'est pas suffisamment engagé. Pendant les réunions que nous avons eues au cours de ce voyage, on nous a dit que si les entreprises canadiennes voulaient réussir en Europe, il fallait qu'elles soient présentes. Il fallait qu'elles viennent aux foires commerciales et s'intègrent à cette culture.
Ne trouvez-vous pas cependant que lorsque nous aurons davantage de progrès concrets, les entreprises deviendront naturellement plus présentes lorsqu'elles verront qu'il doit y avoir de nouvelles possibilités dans quelques années? J'aimerais que vous nous donniez votre avis sur ce point et aussi sur la question des sept groupes de négociation et toute la structure correspondante. Sont-ils vraiment séparés? Comparent-ils leurs notes? Va-t-il y avoir des échanges entre eux? J'aimerais que vous nous donniez des explications là-dessus.
Merci, monsieur le président.
º (1600)
M. Sergio Marchi: Dans ce que j'ai dit au sujet du secteur privé, il ne faut pas oublier le contexte, c'est-à-dire que pour moi, le secteur privé canadien a été le champion de la libéralisation commerciale: nous l'avons vu clairement dans l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et ensuite dans l'élargissement au Mexique dans le cadre de l'ALENA.
Nous avons vu beaucoup d'entreprises désireuses de prendre part à l'Accord de libre-échange, par exemple, lorsque j'étais ministre du Commerce. Nous avons eu la plus forte représentation au sein d'Équipe Canada: 500 entreprises ont participé au voyage. Cela nous a montré à quel point le secteur privé canadien était enthousiaste à l'idée de profiter d'un accord de libre-échange des Amériques. Pour ce qui est de l'APEC, nous avons un groupe consultatif des entreprises qui y est attaché. J'essaie de montrer par là que sans aucun doute, le secteur privé s'est fait le champion de la cause de la libéralisation des échanges.
J'ai dit que j'étais étonné qu'à Seattle et à Doha…vu ce rôle qu'a toujours eu le secteur privé, je croyais qu'il y aurait un engagement analogue sur la scène multilatérale. J'ai également dit que le monde international des affaires était un peu en retrait et lorsque j'en parle à d'autres ambassadeurs à Genève, ils ont la même impression par rapport à leur secteur privé respectif. Il y a peut-être de bonnes raisons à cela. Ils trouvent peut-être que l'OMC a été trop lente, ou encore qu'il y a assez de règles après une cinquantaine d'années de GATT et d'OMC, à moins qu'ils aient conclu qu'il valait mieux orienter leurs efforts vers des initiatives commerciales régionales ou bilatérales.
Je veux simplement dire que nous avons besoin de ce type d'engagements. Les gouvernements ont besoin que le secteur privé ait un vif intérêt pour les échanges commerciaux, soit passionné par l'idée d'une institution multilatérale et se rende compte de l'intérêt économique que présente pour nous un système fort basé sur les règles de l'OMC plutôt que les lois de la jungle dont des pays comme le Canada et beaucoup d'autres peuvent souffrir. Par conséquent, nous avons besoin de cet engagement. Il faut aussi qu'ils défendent l'OMC au Canada face à des critiques qui ne sont pas fondées.
Je faisais donc simplement allusion à la différence entre les engagements régionaux et bilatéraux et ceux que j'ai observés aussi bien à Doha qu'à Seattle, d'une façon générale.
S'agissant des groupes de négociation, il y a six groupes de négociation séparés. Ainsi, par exemple, le Comité de l'agriculture procédera en séance spéciale aux négociations agricoles, et le Conseil des services traitera en séance spéciale des négociations sur les services. Ce seront des entités séparées dirigées par des présidents séparés, et ensuite, en coordination, ils feront tous rapport au Comité des négociations commerciales, qui va être présidé par le Directeur général, Mike Moore, jusqu'à la fin août, et par M. Panitchpakdi, à partir du 1er septembre. Enfin, le Comité des négociations commerciales fait rapport au Conseil de l'OMC, ce qui est normal puisque le Conseil de l'OMC est une organisation axée sur ses membres.
Voici donc en gros comment les négociations sont structurées et vont se dérouler.
º (1605)
[Français]
Le président: Monsieur Rocheleau.
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Marchi, de votre témoignage. Soyez le bienvenu.
Vous dites à un endroit de votre texte:
...les membres se sont efforcés de combler le fossé du développement, l'écart entre les riches et les pauvres de la planète. Le Programme de Doha pour le développement [...] favorisera la croissance économique et la réduction de la pauvreté dans les pays en développement. |
J'aimerais savoir ce qu'il advient, dans ce contexte, de ce que contient l'article 11 de l'ALENA, qu'on a appelé la charte des droits des investisseurs, qui risque de se trouver dans l'accord de la ZLEA et qui se trouvait dans l'AMI, l'Accord multilatéral sur l'investissement. Qu'a-t-on conservé, à l'OMC, de l'esprit de cet article 11 ou des droits des investisseurs? C'est là mon premier point.
Dans un deuxième temps, j'aimerais qu'on examine un exemple concret et facile, selon moi, un exemple qui touche la partie du monde peut-être la plus mal en point, c'est-à-dire l'Afrique, continent envers lequel le premier ministre a d'ailleurs pris des engagements de quelque sorte. Ce cas doit vous être très familier et le Comité des affaires étrangères doit l'étudier.
Je prendrai l'exemple de la compagnie Nestlé, qui fait de grosses affaires en Afrique avec le cacao et le café, qui joue les producteurs individuels ou nationaux les uns contre les autres. Cette compagnie, selon les règles qui prévalent dans tout bon contexte de business, achète toujours au meilleur prix, au prix le plus vil, affaiblissant ainsi constamment les intervenants commerciaux et, partant, la situation économique là-bas. J'en ai été témoin en Côte-d'Ivoire, notamment. Cela fait en sorte que les petits producteurs produisent à perte. Cela leur coûte plus cher de produire que ne leur rapporte le prix que leur offre la grande multinationale.
Donc, quel avenir réservent à la compagnie Nestlé, par exemple, les nouvelles règles du jeu qui vont s'appliquer dans le cadre de l'OMC?
[Traduction]
M. Sergio Marchi: Merci, pour votre question.
À propos de la première question, sur le chapitre 11 dans le contexte des investissements, j'ai mentionné dans ma déclaration que plusieurs pays en développement étaient très sceptiques sur les questions de Singapour, essentiellement les investissements et la concurrence.
J'ai aussi trouvé regrettable que l'on ajoute la facilitation des échanges et les marchés publics et que ce soit repoussé à l'année prochaine, parce que je pensais que ces deux questions étaient prêtes. La facilitation des échanges recouvre tout ce qui est nécessaire pour faciliter le passage des produits et des services aux frontières et aux douanes pour nos entrepreneurs, et la transparence dans les marchés publics serait un gain évident.
Les quatre questions de Singapour ont été considérées comme un tout, mais l'on se préoccupait surtout des investissements et de la concurrence. Lorsque nous avons discuté des investissements à Genève, il y avait manifestement des réserves au sujet du chapitre 11--le rapport État-investisseur-- et il y avait aussi un consensus, selon lequel pour que les négociations sur les investissements aboutissent, il faudrait exclure la notion de droits des investisseurs face à l'État. C'est quelque chose qui était parfaitement clair. Je ne crois pas que la situation ait changé depuis Doha et je doute qu'elle change au cours des 18 mois prochains.
Les investissements et la concurrence et les deux autres questions de Singapour seront abordés dans le cadre d'un programme de travail et l'année suivante, à Mexico, l'OMC pourra éventuellement les inscrire par consensus au programme des négociations.
Mais à ma connaissance, personne à Genève n'insiste pour que ces négociations sur l'investissement incluent des droits des investisseurs à l'encontre des États.
Pour ce qui est de l'exemple particulier d'une compagnie, je m'abstiendrai d'entrer dans le détail et j'en tiendrai à des commentaires génériques.
Les représentants des pays africains et d'autres pays ainsi que leurs ministres ont formulé un certain nombre de remarques très importantes pour tous les autres ministres, notamment ceux qui venaient des pays développés.
La première--et ils le disent depuis Seattle--c'est que si nous devons lancer ces négociations, il faudra qu'elles soient l'expression de notre programme. Il faut qu'elles soient le reflet de nos programmes et de nos préoccupations. Sinon, qu'on ne compte pas sur nous pour appuyer le lancement de ces nouvelles négociations.
Je crois donc que quand on examine la déclaration de Doha, on voit très bien qu'elle comporte à juste titre ce genre d'avertissement et de souhait. D'ailleurs, c'est pour cela que nous l'avons appelée le programme de Doha pour le développement. Et quand on examine ces engagements, on y constate un solide soubassement de questions liées au développement.
Deuxièmement, ils ont aussi dit qu'ils voulaient qu'on facilite l'accès de leurs denrées de base, essentiellement leurs produits agricoles, leurs textiles et leurs vêtements. Ils ont dit : Si ce sont les articles que nous sommes le mieux en mesure de vendre, nous devons pouvoir pénétrer ces marchés et par conséquent nous devons pouvoir les inscrire au programme de négociations. Et c'est le cas pour les deux.
Troisièmement, ils ont dit qu'ils n'étaient pas opposés par principe à la notion d'investissement. Leur problème vient en partie de la difficulté de comprendre la question, d'avoir des personnes compétentes pour s'en occuper, et en définitive, de pouvoir prendre les produits et services de leur pays et les stocker, les transporter et les amener sur le marché.
Par conséquent, toute la question de la capacité liée au commerce a été importante et en fait il y a une dizaine de mentions différentes de la capacité de l'aide technique.
J'ajouterais que c'est une question que les pays développés prennent très au sérieux, et sur laquelle nous devons agir très rapidement, sérieusement et concrètement. Il faut que l'aide technique démarre correctement au cours des trois premiers mois si nous voulons avoir trois bonnes années de négociation. Parce que finalement, les pays en développement pourraient aussi très bien dire : Si vous n'avez pas progressé suffisamment vite, nous n'allons pas pouvoir négocier et par conséquent il faut tout ralentir. C'est pour cela qu'il y a une conférence pour les annonces de contributions le mois prochain.
º (1610)
Voilà pourquoi il est important que les ministres et ambassadeurs des pays développés et en développement se réunissent tous dans la même salle pour comprendre en quoi consistera cette assistance. On n'a pas envie de voir dans six mois arriver un pays en développement qui va dire: «Ce n'est pas l'assistance technique dont j'avais besoin» ou un pays développé qui va dire : «C'est le seul genre de capacité que nous pouvons offrir». Il faut que les uns et les autres s'entendent bien pour que nous puissions être guidés par cette entente tout au long des trois années de négociation.
[Français]
M. Yves Rocheleau: Cela ne me satisfait pas, monsieur le président, parce que ma première question ne portait pas sur l'État investisseur, mais plutôt sur le secteur privé investisseur. Le débat s'est fait surtout dans le cadre de l'AMI, l'Accord multilatéral sur l'investissement, où le secteur privé se voit accorder des droits face à un État qui adopterait une réglementation ou une loi.
L'exemple facile, c'est celui de l'environnement où l'investisseur pourrait dire que l'État X l'a privé de faire des profits parce qu'il a déployé tel programme qui l'a empêché d'oeuvrer comme il l'entendait. Donc, il le poursuit, et le préjugé de la loi lui est favorable à cause de l'entente qui a été signée favorisant l'investisseur.
C'est ça qui est dénoncé par tous ceux qui contestent la mondialisation et qui parlent de la mondialisation de la misère. Les États vont voir rétrécir leur pouvoir et leur influence de façon nationale face aux gros et puissants investisseurs multinationaux. C'est ça, le coeur de la question. Est-ce que ça va être modifié? Est-ce qu'on va établir la priorité et la suprématie des États face aux investisseurs multinationaux? Je pense que c'est la clé du débat, cela sans ambiguïté.
º (1615)
[Traduction]
M. Sergio Marchi: J'avais l'impression d'avoir bien compris la question et je pense avoir été parfaitement clair. Vous parlez de la disposition concernant les droits de recours des investisseurs contre l'État qui a inquiété ou dérangé de nombreux observateurs de la mondialisation. Ce que je vous explique, c'est qu'à la suite de ces préoccupations exprimées tout au long des négociations sur l'AMI, il est hors de question d'inclure une disposition de garantie des droits des investisseurs contre les États dans le contexte de la multilatéralisation des investissements à l'OMC. C'est tout ce que je veux dire. Ce que les pays veulent à Genève en définitive, c'est que les États conservent leur souveraineté et qu'il ne soit pas question de cette disposition donnant des droits aux investisseurs contre l'État. C'est précisément ce que je vous ai dit dans ma première réponse.
Je pense aussi que cette situation ne va pas changer dans les 18 mois prochains alors que nous allons poursuivre le programme de travail sur l'investissement. Si elle devait se modifier, je crois que nous aurions énormément de mal à mener à bien ce programme de travail sur l'investissement.
[Français]
Le président: Avez-vous d'autres questions?
M. Yves Rocheleau: L'agriculture est un secteur très important. Personnellement, j'ai rencontré des producteurs laitiers de ma région, l'automne dernier, qui étaient très inquiets face à l'évolution des négociations quant à la gestion de l'offre.
La gestion de l'offre dans le domaine de la production laitière est très importante au Québec et au Canada. Est-ce que les appréhensions des producteurs laitiers sont fondées compte tenu de l'évolution des négociations? Si j'ai bien compris, on pourra toujours gérer l'offre pour le marché intérieur, mais si on veut exporter, il ne sera pas question que l'on puisse appliquer un mécanisme de gestion de l'offre tel que celui qu'on connaît actuellement.
[Traduction]
M. Sergio Marchi: Tout d'abord, nous avons été très heureux, à la suite de tout le travail effectué par le gouvernement fédéral ainsi que par les gouvernements provinciaux et l'industrie, d'avoir récemment gagné au groupe spécial de l'OMC sur les produits laitiers.
Naturellement, nous avons été déçus que les États-Unis et la Nouvelle-Zélande persistent tous deux à ne pas accepter le verdict et continuent à le contester. Mais nous sommes assez optimistes et nous pensons que nous réussirons encore.
Deuxièmement, d'après nous, notre capacité de gestion de l'offre est tout à fait compatible avec les obligations que nous avons contractées à l'OMC. Nous ne voyons pas de conflit entre la façon dont nous nous organisons et nos obligations internationales. C'est en fait très semblable à ce que font d'autres pays aussi bien dans l'agriculture que dans d'autres secteurs.
Troisièmement, il n'était pas question de gestion de l'offre dans le contexte des négociations agricoles dans le document de lancement des négociations. Je ne sais pas si d'autres pays soulèveront la question de la gestion de l'offre au cours des négociations; c'est à eux de poser la question, et s'ils le font, nous répondrons en conséquence. Mais aucun a priori ni aucun principe directeur n'a été formulé à propos de toute cette question de la gestion de l'offre dans le contexte du lancement des négociations agricoles à Doha.
º (1620)
Le président Monsieur Eyking.
M. Mark Eyking (Sydney--Victoria, Lib.): Merci, monsieur le président.
C'est un plaisir de vous revoir, monsieur l'Ambassadeur. Je vous remercie, moi aussi, pour l'hospitalité que vous nous avez accordée en Suisse et en France et aussi pour m'avoir montré à quel point Genève contribuait à réaliser une plus grande harmonie dans le monde.
Aujourd'hui, à la Chambre, la question du bois d'oeuvre a été le grand sujet d'actualité. Les Américains ont l'air de s'amuser avec nous; j'imagine qu'ils n'ont pas grand-chose à perdre. Ils font apparemment venir du bois d'oeuvre d'autres régions du monde pendant que nos scieries périclitent.
Ce que je voudrais savoir, c'est comment on va pouvoir éviter cela avec le nouvel ordre économique dont on parle. On dirait qu'il y a de plus en plus de lois antidumping. Ces pays vont-ils s'en servir par tactique ou pour créer des obstacles commerciaux, malgré l'existence de ces accords?
Que prévoyez-vous, qu'espérez-vous si cela se produit? Est-ce qu'un juge ou quelqu'un d'autre pourra intervenir rapidement pour régler ces différends?
M. Sergio Marchi: Merci pour cette question et pour vos remarques.
J'ai été très content de vous accueillir en tant que membre du sous-comité à Genève, et j'espère que vous reviendrez. Nous ne voyons pas toujours autant de Canadiens que nous le souhaiterions venir à Genève se familiariser avec nos fonctions et y apporter leur empreinte.
Le bois d'oeuvre est évidemment une question éminemment importante pour notre pays--il représente plus de 10 milliards de dollars en exportations--et vous le savez mieux que moi. Il y a deux aspects à cette question du bois d'oeuvre. Tout d'abord, il faut bien préciser qu'à Doha les États-Unis ont contribué de façon cruciale à permettre le lancement des négociations en prenant l'initiative sur plusieurs fronts. Ils ont notamment accepté de discuter des mesures antidumping à Doha. C'est un progrès très important car à Seattle, l'administration américaine de l'époque avait refusé de faire le moindre geste sur cette question des mesures antidumping. Elle refusait de négocier les règles antidumping et de les préciser pour que tout le monde puisse suivre les mêmes règles dans le monde entier. À Seattle, c'est l'un des prétendus problèmes qui ont créé la discorde.
À Doha, la situation a été très différente car je crois que l'administration américaine s'était rendu compte que c'était inévitable, compte tenu de l'augmentation du nombre d'affaires antidumping dans le monde entier, non seulement de la part des États-Unis, mais aussi de la part de pays en développement. Ce que nous disons, c'est qu'il y a des raisons légitimes d'utiliser les recours antidumping. Autrement dit, si des pays enfreignent les règles, ce sont des réactions parfaitement légitimes. En revanche, si on utilise ces recours à mauvais escient, il est évident que c'est non seulement très nuisible, mais aussi colossalement coûteux, comme nous l'avons constaté. Le fait que les États-Unis aient accepté de mettre cette question à l'ordre du jour a été une énorme initiative qui a déclenché l'élan qui nous a permis de réussir. Je crois qu'il faut en donner acte aux Américains.
Cela dit, je crois aussi que c'est toute une voie nouvelle qui s'ouvre maintenant à nous dans le contexte de l'OMC. Nous n'en sommes qu'au début des négociations. Il sera intéressant de voir comment elles évolueront, mais nous avons maintenant la possibilité de préciser les règles antidumping et les règles des droits compensatoires. C'est malheureusement un domaine en plein essor, mais j'espère qu'en précisant ces règles, nous allons au moins clarifier les choses et réduire ainsi les frustrations. Il y aura moins de contentieux et des problèmes comme celui du bois d'oeuvre, auquel le Canada n'a cessé d'être confronté, coûteront moins cher.
Deuxièmement, comme vous le savez, le ministre du Commerce, M. Pettigrew, a énormément travaillé sur cette question. Je me souviens que mon prédécesseur, Art Eggleton, y a aussi travaillé. Quand votre serviteur était là, c'était une question qui se posait, mais elle était plus gérable parce que nous avions à l'époque cet accord bilatéral. Et par conséquent, avec l'évolution de la situation, c'est ensuite devenu un énorme problème.
À l'OMC, nous venons de faire appel au Directeur général parce que les Américains n'étaient pas d'accord sur le choix des membres du groupe spécial qui doit entendre notre appel auprès de l'OMC sur la question du bois d'oeuvre. C'est lui qui va maintenant les nommer, et nous allons donc pouvoir démarrer sérieusement cette affaire.
Le seul problème, c'est que tout cela prend du temps--il faut six à neuf mois dans le cas d'un groupe spécial--et que même quand nous aurons gagné auprès de ce groupe spécial, le gouvernement américain risque encore de faire appel. Nous devons évidemment nous servir de tous les outils possibles à l'OMC pour faire respecter les règles, mais le ministre Pettigrew se rend bien compte pendant ce temps-là que certaines communautés au Canada souffrent de cette affaire du bois d'oeuvre. C'est pour cela qu'il s'efforce d'obtenir une solution à l'OMC à laquelle se rallieraient les États-Unis afin de permettre à nos producteurs de bois d'oeuvre de s'appuyer sur des règles du jeu équitables, uniformes et prévisibles…
Nous allons faire tout ce que nous pourrons à l'OMC, mais je pense que le ministre a parfaitement compris que tout en faisant ces efforts à l'OMC, il doit continuer à maintenir la pression sur son homologue pour que le gouvernement américain comprenne les difficultés auxquelles il expose diverses parties de notre pays.
º (1625)
M. Mark Eyking: Dans combien de temps la question va-t-elle se régler à votre avis? Deux ou trois ans? Quand allons-nous entamer la prochaine série de néciations pour en finir avec ce problème?
M. Sergio Marchi: Les règles, les droits compensatoires et les subventions antidumping seront tous confiés à un groupe de négociation distinct qui sera l'un des sept groupes de négociation. Nous venons de nous entendre sur la structure et la présidence du Comité des négociations commerciales.
Le 13 février, lors de notre prochaine réunion générale du Conseil, le président du Conseil devrait nommer ces présidents et en informer le Conseil. Nous espérons pouvoir les approuver, car plus vite ce sera fait, plus vite les groupes de négociation pourront commencer leur travail. Je crois que c'est possible; il s'agit donc simplement d'organiser le travail pour qu'il puisse commencer.
À Doha, les ministres se sont donné trois ans. J'ai dit tout à l'heure que pour l'OMC, compte tenu de tous les problèmes et du fonctionnement par consensus des 144 membres, c'était une échéance ambitieuse. Je crois néanmoins que nous pouvons la respecter. Cela implique aussi que les ministres des divers pays maintiennent leur engagement. Je crois que l'expérience a montré que quand on organise par exemple deux mini-conférences ministérielles représentant environ 25 pays, dont le Canada, comme on l'a fait avant Doha, on contribue à une bonne convergence de vues; cela a vraiment permis de créer un consensus ou une coalition en mouvement qui nous a été extrêmement utile à Doha.
Nous n'avions pas eu ce genre de rencontres avant Seattle, et cela nous a permis de constater qu'il était important d'obtenir l'engagement des ministres et de définir une volonté politique de surmonter les divergences. Il va falloir que les ministres participent et s'engagent à divers titres dans le cycle de trois ans.
La rapidité avec laquelle on a pris la décision de tenir la prochaine conférence à Mexico a été importante, non seulement en raison du lieu et de la logistique, mais aussi parce que cela a permis de faire intervenir très tôt le ministre du Mexique, qui est très constructif et compétent. Il a aussi tout intérêt, en tant qu'hôte de cette conférence, à maintenir le processus sur la bonne voie pour que, quand nous arriverons au Mexique, nous respections l'échéancier et le budget pour pouvoir parcourir le reste du chemin et atteindre notre objectif de trois ans.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Eyking.
Monsieur Marchi, avant de revenir à vous pour quelques remarques de conclusion, j'aimerais simplement poser une question à propos de la culture.
Où en sommes-nous sur ce sujet? C'est une question qui suscite énormément d'intérêt et je crois savoir que les Américains ont réussi à la faire inscrire à l'ordre du jour. Avez-vous des informations publiques à nous communiquer sur cette question à laquelle les Canadiens accordent beaucoup d'importance?
º (1630)
M. Sergio Marchi: C'est une question importante pour les Canadiens et pour leur gouvernement. Notre gouvernement s'est occupé très activement--et pas seulement le ministre Pettigrew, le ministre du Commerce, mais aussi Mme Copps, la ministre du Patrimoine--de faire comprendre à de nombreux pays ce que représente cette question de la culture pour le Canada et pour tous les pays, et de leur montrer qu'il s'agit de préserver et de promouvoir sa propre identité, sa dignité et son essence sans que cela signifie ou que cela puisse être interprété comme une forme de protectionnisme commercial.
À cet égard, le gouvernement canadien a milité en faveur de la création d'un instrument international qui clarifierait et étayerait cette notion. Je sais que les deux ministres, M. Pettigrew and Mme Copps, ont plaidé en faveur d'un tel organisme lors de leurs rencontres avec leurs homologues des divers pays.
Il faut aussi remarquer que, comparativement à toutes les autres questions qui se posent à l'OMC, il s'agit d'un problème relativement récent; il faudra donc du temps et des efforts pour progresser sur cette question. Il va aussi falloir tendre la main, comme l'ont fait ces deux ministres, à d'autres pays et à d'autres ministres pour les convaincre et leur faire comprendre exactement ce que nous voulons dire. Peut-être d'autres personnes ont-elles des idées sur la meilleure façon de réussir à obtenir ce que nous souhaitons sur le plan du commerce et de la culture.
C'est une préoccupation très présente dans le programme du gouvernement canadien et sur laquelle nous continuons d'agir. C'est un problème relativement récent, compte tenu de tous les autres problèmes dont nous parlons depuis une heure, mais nous sommes convaincus que c'est une question à laquelle on va donner de plus en plus d'importance. Par conséquent, il vaut mieux s'en occuper maintenant plutôt que de laisser l'abcès s'envenimer de plus en plus.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Marchi, vous avez à peu près une minute pour conclure.
M. Sergio Marchi: Je n'ai pas vraiment de remarque de conclusion. Je répéterai simplement que vous faites un travail précieux, notamment auprès des divers intervenants et du secteur privé. Au fond, tout cela montre que nous menons ces consultations commerciales en toute transparence.
Il y a donc deux choses ici. Il y a d'une part ce que nous pouvons apprendre de ces intervenants du secteur privé et qui va nous permettre de mieux négocier. Mais en définitive, le point essentiel, qui, espérons-le, ne sera pas oublié à l'OMC, c'est de rendre notre démarche plus transparente et plus ouverte pour le public mondial, car il est très important de chercher à obtenir des conseils et à tenir des consultations. Il ne s'agit pas de négocier au Centre Air Canada devant 15 000 personnes mais je crois que l'exemple du Centre Air Canada a montré que quand on s'ouvre à la population, on s'appuie sur des bases beaucoup plus solides. On est beaucoup plus confiant quand on va à une réunion car on sait qu'on exprime le consensus de la population et de l'industrie au pays.
J'attendrai donc avec beaucoup d'intérêt de recevoir votre dernier rapport.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Marchi.
Ceci n'est qu'une des nombreuses réunions que va tenir notre comité. Nous avons prévu six équipes et nous aurons six groupes différents qui vont comparaître au cours des prochaines semaines. Il y en aura un sur la réforme du dispositif de règlement des différends, un autre sur le développement, un troisième sur la transparence, un sur l'environnement, un sur les services, l'investissement et la concurrence et un sur l'agriculture. En tout, ce sont pas moins de quelque 70 ONG et intervenants qui auront l'occasion de participer au processus dont vous venez de parler si éloquemment.
Au nom de mes collègues unanimes, je vous remercie ainsi que M. Stephenson et votre équipe de collaborateurs du ministère. Nous avons clairement montré collectivement combien nous étions fiers du travail que vous accomplissez à l'OMC.
º (1635)
º (1640)
Le président: Nous reprenons la séance. Nous avons la chance d'accueillir une éminente personnalité qui va nous donner son point de vue sur le deuxième point à l'ordre du jour, le libre-échange des Américains. Nous accueillons le directeur exécutif de la Fondation canadienne pour les Amériques, M. Donald Mackay.
Monsieur Mackay, vous avez une déclaration d'ouverture à nous faire, après quoi nous passerons aux questions et à vos commentaires.
M. Donald Mackay (conseiller spécial, Fondation canadienne pour les Amériques): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je n'ai pas l'habitude de faire de longs discours et par conséquent, comme vous le dites, un bref exposé d'introduction correspond beaucoup mieux à mes projets et à ma nature.
Je remercie les membres du comité de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui.
En ce qui concerne la Zone de libre-échange des Amériques, le comité a formulé un certain nombre de questions et de points de discussion et je souhaiterais aborder trois thèmes dans ce contexte.
Je parlerai tout d'abord de la congruence du processus en cours à Genève, le processus de l'OMC que vient de vous décrire l'ambassadeur, M. Marchi, et du processus de négociations de la Zone de libre-échange des Amériques qui se poursuit depuis que les dirigeants de cet hémisphère ont lancé les négociations en décembre 1994 à Miami, en Floride.
En second lieu, j'aimerais brièvement parler des avantages que nous pouvons retirer d'une Zone de libre-échange des Amériques, et en troisième lieu j'aimerais parler de la question que le comité a posée à propos des obstacles auxquels pourrait se heurter une éventuelle Zone de libre-échange des Amériques, et proposer au moins une réponse partielle, car ce sont toujours des réponses partielles qu'on a dans ce domaine.
En ce qui concerne le premier point, la concordance des processus de l'OMC et de la ZLEA, je souhaiterais préciser au départ que les négociations commerciales et les questions abordées dans ces négociations commerciales ont tendance à très semblables quelle que soit la tribune où on les aborde. M. Marchi a parlé de la structure du Comité des négociations commerciales qui va guider les négociations de Genève. Les ministres de notre hémisphère ont décidé de créer un organisme analogue qui porte exactement le même nom, le Comité des négociations commerciales, pour discuter de la ZLEA.
L'ambassadeur vous a dit que les 19 points sur lesquels les participants s'étaient entendus à Doha seraient examinés par sept groupes de négociation. Pour la Zone de libre-échange des Amériques, il y a neuf groupes de négociation et l'on constate de multiples chevauchements et convergences des problèmes abordés dans le cadre de ces deux démarches.
Dans le domaine du libre-échange des Amériques, il a trois groupes à vocation spéciale, en plus des neuf groupes qui s'occupent des questions commerciales, et il y a trois autres groupes qui s'occupent des questions particulières liées principalement aux petites économies. Comme vous le savez, dans notre hémisphère, parmi les 34 pays, il y a les 16 membres du CARICOM, les cinq républiques d'Amérique centrale et Panama. Ce sont des économies beaucoup plus petites que celles de leurs voisins, aussi bien en termes de commerce qu'en termes géographiques. Il a donc été jugé prudent, dans le contexte de la ZLEA, d'avoir un groupe spécial consacré aux petites économies. À l'OMC, il y a un groupe qui s'occupe des pays en développement mais pas des petites économies, bien que plusieurs pays l'aient demandé avant Doa.
Il y a aussi dans le contexte de la ZLEA un groupe qui s'occupe du commerce électronique, sur lequel je vais passer rapidement, et un groupe qui se consacre à la société civile, qui ne s'est pas retrouvé dans l'Accord final résultant de la réunion au Qatar. L'inclusion de la société civile, même si elle est encore minime et à un stade embryonnaire, est quelque chose d'unique au processus engagé dans l'hémisphère occidental.
Par conséquent, quand on examine le programme des échanges commerciaux d'ici 2005…et je constate que cette date de 2005 est la date d'aboutissement des deux démarches, bien que ce soit un peu optimiste dans le cas de l'OMC et peut-être un peu plus réaliste dans celui de la ZLEA, parce que c'est un processus qui a en fait démarré en 1994. Les pays concernés ont donc derrière eux six ou sept années de travail solide pour préciser les négociations et parvenir à un certain degré de concordance. Je pense que c'est un constat important lorsqu'on examine le programme futur dans lequel vont s'engager le Canada et les autres pays de l'hémisphère.
º (1645)
Ma seconde remarque est une réponse à une question qui n'a pas vraiment été posée, celle de savoir quels sont les avantages de ce processus de création d'une Zone de libre-échange des Amériques et dans quelle mesure le Canada a intérêt à continuer d'y jouer un rôle important.
Divers observateurs diront que, puisque le cycle de Doha a été lancé avec succès, il est superflu de vouloir poursuivre les négociations sur la Zone de libre-échange des Amériques. Ils se demandent si cela ne fait double emploi et si l'on ne risque pas d'avoir des démarches redondantes.
Je crois que c'est quelque chose qui mérite d'être approndi. D'après moi, cependant, la conclusion de cette étude, c'est en tout cas mon point de vue, sera de dire qu'il faut poursuivre ces deux processus. Ils devront rester distincts, mais il faudrait certainement que le Canada continue cette entreprise au niveau de notre hémisphère avec autant d'énergie qu'il poursuit les négociations multilatérales.
À l'OMC, l'objectif est évidemment d'abaisser les barrières commerciales. Au sein de la Zone de libre-échange des Amériques, l'objectif est de les éliminer totalement. C'est en fait une des exigences du fameux article 24 du GATT initial, que bien des témoins vous citeront sans doute abondamment.
En un mot, le Canada et les autres pays des Amériques ont intérêt à poursuivre des négociations au niveau de l'hémisphère et à ne pas mettre tous leurs oeufs dans le même panier à Genève.
L'expérience des huit précédents cycles de négociations du GATT et de l'OMC nous a montré que quand on en arrive aux dernières étapes de la négociation, ce sont les questions qui comptent le plus pour les États-Unis, l'Union européenne, le Japon et le Canada, la quadrilatérale, que l'on retrouve.
Au sein de l'hémisphère occidental, il y a un équilibre en ce sens que les États-Unis sont évidemment la plus grosse entité de l'hémisphère, mais les petits pays participants ont la possibilité de formuler leurs préoccupations. Or, ces préoccupations ne sont pas toujours aussi bien reflétées à Genève, où il y a 142 membres, que dans cet hémisphère où il n'y en a que 34.
Enfin, les membres du Comité ont cherché à prévoir les éventuels obstacles qui pourraient jalonner l'avenir de la Zone de libre-échange des Amériques. Personnellement, je crois que la seule pierre d'achoppement réelle sera liée à la mesure dans laquelle les États-Unis et le Brésil réussiront à s'entendre lorsque le processus d'établissement de la ZLEA approchera de son aboutissement.
Comme vous le savez, lors de la réunion ministérielle de San José en 1998, quand on a mis sur pied la structure des négociations, il a été décidé que, lors de la dernière phase des négociations, la présidence ne serait pas assurée par un seul pays comme cela avait été le cas auparavant, mais que cette responsabilité serait confiée à deux coprésidents, le Brésil et les États-Unis.
Le Brésil cherche à avoir accès au marché des États-Unis, tout particulièrement pour ses produits agricoles. Or, c'est un secteur qui fait l'objet du plus haut degré de protection effective aux États-Unis.
º (1650)
Certes, les droits de douane à la frontière sont souvent très faibles pour certains produits, mais la protection effective du secteur agricole aux États-Unis est extrêmement efficace. Le niveau de protection est très élevé partout, et il l'est aussi au Canada. C'est la concession essentielle que les Brésiliens veulent obtenir des États-Unis et ce sera la condition sine qua non de leur collaboration avec les États-Unis. Je crois donc que la gestion de ce rapport bilatéral sera le problème central vers la fin de ces négociations.
Vous aviez une sous-question : Que peut faire le Canada pour surmonter ces obstacles? À cet égard, je crains de ne rien avoir qui approche même de ma propre définition de la sagesse. Je crois que c'est une question que nos amis aux États-Unis et au Brésil doivent régler entre eux. Mais si vous vous demandez où nous risquons de voir les problèmes se poser à l'avenir, je dirais que c'est là qu'il faut regarder.
Monsieur le président, j'espère que ces quelques remarques auront satisfait au moins la curiosité initiale du comité et je suis à votre disposition et à celle de vos collègue. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Mackay, pour ces remarques.
Monsieur Casson, vous avez une question?
M. Rick Casson: Merci, monsieur le président.
Si les États-Unis et le Brésil ne réussissent pas à s'entendre pour aller de l'avant avec les autres membres--vous avez dit qu'il y en avait 34 en tout--et que l'un ou l'autre de ces deux pays ne participent pas au mouvement, que ce passera-t-il? Est-ce que tout effort aura été en pure perte?
M. Donald Mackay: C'est un scénario intéressant. Je répondrai par l'affirmative dans un cas et par une éventualité dans le deuxième. Les États-Unis représentent 85 p. 100 de l'activité économique de l'hémisphère occidental, c'est-à-dire environ 85 p. 100 des 9,5 billions de dollars correspondant au PIB total des Amériques. Si les États-Unis ne jouent pas, il n'y a pas de partie. Le Brésil est le plus grand pays d'Amérique latine, avec une population de 160 millions d'habitants. Ensuite, vient bien sûr le Mexique, avec un peu plus de 100 millions d'habitants. Si le Mexique disait en fin de compte, merci beaucoup, c'était très intéressant mais nous avons décidé de ne pas participer, ce serait probablement le début de la fin pour la ZLEA. Ce serait une crise majeure dans les deux cas, monsieur.
M. Rick Casson: Et qu'en est-il des quelques pommes de discorde que nous avons actuellement? Nous semblons en avoir régulièrement avec les États-Unis. Comme l'ont dit d'autres témoins, le bois d'oeuvre pose problème en ce moment. De plus, les relations entre le Canada et le Brésil ont été un peu difficiles au cours des dernières années. Va-t-il être possible de gérer tous ces éléments ou vont-ils provoquer de profondes dissensions dès le départ? Comment va-t-on pouvoir surmonter certaines de ces questions?
M. Sergio Marchi: Certaines seront résolues dans le cadre des négociations, monsieur. De nouveaux différends vont apparaître dont nous ignorons encore tout.
M. Marchi n'a pas fait l'historique du problème du bois d'oeuvre mais il remonte en fait à 1875 ou 1876--dans les années 1870. C'est une épine dans les relations canado-américaines depuis la fondation de ce pays. À certains moments, nous nous sommes entendus sur certaines modalités. Nous avons acheté des trèves temporaires. Il y a eu des négociations permanentes.
Dans tous les rapports commerciaux, il y a toujours quelques difficultés, quelques désaccords, parce qu'en fin de compte, un rapport commercial s'établit toujours entre deux ou plusieurs pays qui se sont entendus sur une série de règles. Il arrive fatalement que des personnes raisonnables, des pays raisonnables, ne soient pas toujours d'accord sur l'interprétation de ces règles. On essaie par conséquent d'avoir un mécanisme efficace et rapide de règlement des différends qui permette d'interpréter les règles d'une façon claire.
Néanmoins, vous savez sûrement qu'il y a toujours des questions auxquelles certains membres tiennent comme à la prunelle de leurs yeux. Et des questions qui ne devraient pas être une source de discorde entre les pays en sont souvent une.
Vous avez parlé de nous et du Brésil. Bien sûr, il s'agit de la question de Bombardier et d'Embraer, deux grandes sociétés d'aéronautique très prospères. Actuellement, et sans doute dans un avenir proche, les relations du gouvernement canadien avec Bombardier et celles du gouvernement brésilien avec Embraer sont plus importantes pour ces deux gouvernements que les relations entre le Canada et le Brésil. J'ai bien l'impression que ce différend va continuer à hanter les deux pays pendant un bon moment.
Mais je voudrais souligner, monsieur, que traditionnellement, pour ceux qui aiment les chiffres--et ils sont nombreux--que les différends commerciaux portent sur 3 à 4 p. 100 de ce qui est échangé au quotidien ou sur une base annuelle entre les pays. La bonne nouvelle c'est que 94 à 95 p. 100 des échanges entre le Canada et les États-Unis se font tous les jours sans aucune difficulté. Les 5 ou 6 p. 100 restants permettent à des fonctionnaires--comme je l'étais moi-même--de garder leur emploi et de comparaître devant des comités comme le vôtre.
J'ai l'air de plaisanter, mais ce n'est pas le cas. Ce sont des questions sérieuses. Mais je crois que c'est manquer de réalisme que de croire qu'un seul accord commercial ou une seule négociation vont résoudre pour toujours tous les différends susceptibles de surgir. Il est clair que certains seront beaucoup plus importants et difficiles que d'autres.
M. Rick Casson : Merci.
º (1655)
[Français]
Le président: Monsieur Rocheleau.
M. Yves Rocheleau: Bonjour, monsieur Mackay. Je vous remercie de votre témoignage.
Avant que je pose ma question, j'aimerais que vous nous disiez, en quelques mots, quel est le rôle ou la mission de la Fondation canadienne pour les Amériques et quel est son champ d'intervention.
[Traduction]
M. Donald Mackay: Merci, monsieur.
La Fondation canadienne pour les Amériques a été créée il y a environ 11 ans. C'était au moment où le gouvernement canadien a décidé de devenir très actif dans les Amériques pendant une longue période.
En 1990, le Canada a décidé finalement de se joindre à l'Organisation des États américains. Nous avons décidé d'accroître notre présence physique en Amérique latine et dans les Caraïbes par le biais de nos ambassades. Le Canada a été l'hôte de plusieurs réunions dont la plus récente bien sûr était le Sommet des Amériques à Québec.
À l'époque, on a constaté qu'il n'existait pas au Canada d'organisme qui soit un institut d'étude des politiques, un groupe de réflexion, consacré exclusivement à l'étude des questions touchant l'hémisphère occidental.
La FOCAL, c'est le sigle de la fondation espagnole Fundación Canadiense para las Americas, a été créée en 1989. Nous sommes toujours restés un petit établissement. Nous sommes de 13 à 14 professionnels à plein temps répartis géographiquement, de telle sorte que j'ai des membres de mon personnel qui étudient les pays du cône sud, les Caraïbes, l'Amérique centrale, etc.
En conclusion, nous publions environ 10 à 12 documents de politique par an. Le prochain qui est en préparation, porte sur le leadership de Hugo Chavez au Venezuela. Nous organisons aussi six ou sept conférences chaque année. Par exemple, nous coopérons avec la Conférence de Montréal. L'année dernière, c'était en avril, et cette année ce sera en juin. Nous organiserons un panel à ce moment-là.
Nous sommes un tout petit organisme. Nous travaillons uniquement sur l'Amérique latine et la Caraïbe, et nous essayons de fournir des renseignements pertinents pour les politiques et, nous l'espérons, des conseils, de temps à autre.
» (1700)
[Français]
M. Yves Rocheleau: Que pensez-vous du Fonds de développement structurel mis de l'avant par le président Vicente Fox et appuyé par le gouvernement du Québec, par le Bloc québécois lors de sa tournée et par un bon nombre d'intervenants québécois? Quant à son principe, est-ce que vous trouvez l'idée bonne? Il s'inspire d'ailleurs du modèle européen d'aide à un certain nombre de pays les plus faibles à l'époque.
[Traduction]
M. Donald Mackay: D'après moi, c'est souvent trop facile de s'inspirer du modèle européen pour orienter l'élaboration des politiques en Amérique du Nord. En fait, pour toute analyse, il faut partir du fait que l'Union européenne a évolué à la suite d'un concours particulier de circonstances historiques et économiques. Cela ne veut pas dire que le président Fox a tort. Mais simplement que si l'on veut mettre sur pied quelque chose pour l'Amérique du Nord, personnellement, je ne comprends pas pourquoi l'on irait chercher un modèle en Europe. L'Union européenne est apparue à la suite des deux guerres mondiales du XXe siècle. Elle a vu le jour parce que l'on s'est rendu compte qu'il fallait unifier l'Europe et mettre un frein à la propension des pays européens à se massacrer mutuellement à chaque génération. C'était sa principale raison d'être.
Il est certain que le Mexique, en se joignant au Canada et aux États-Unis dans le cadre de l'ALENA, a choisi une voie qui à long terme l'aidera à se développer. Certaines régions du Mexique resteront toujours pauvres, je crois que cela va sans dire, ou tout au moins le resteront-elles pendant un avenir assez proche que je pourrais voir. Malgré tout, les progrès réalisés simplement depuis la conclusion des négociations de l'ALENA sont extraordinaires. Il a déplacé le Japon comme deuxième partenaire commercial des États-Unis. Il a augmenté ses exportations d'une façon phénoménale. Le Mexique a traversé une crise en 1995 et il a rebondi à une rapidité très étonnante si l'on regarde les précédents historiques.
Je ne pense pas que l'on juge la valeur d'un fonds simplement du fait de son existence ou de son absence; on le juge en fonction de ses objectifs. J'ai le plus grand respect pour le président Fox, mais lui et ses collègues n'ont pas encore tout à fait défini leur vision en ce qui concerne le fonds : ses objectifs, son mode de fonctionnement, et les secteurs sur lesquels il va se concentrer. Il existe déjà une Banque nord-américaine de développement destinée à faciliter la situation le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Cela faisait partie des dispositions de l'ALENA, mais la vision du président Fox va plus loin, je vous l'accorde.
Nous allons en fait accueillir une conférence dans deux semaines et demie pour examiner plusieurs de ces questions et Andres Rosenthal, l'ancien sous-ministre des Affaires étrangères du Mexique, va venir en discuter. C'est le demi-frère de Jorge Castenada, soit dit en passant, et donc même s'il n'est plus en fonction, il a accès aux têtes pensantes les plus haut placées.
Je crois qu'il faut approfondir la question et il faudrait demander à nos amis mexicains plus de précisions sur leur vision des choses.
Si je peux abuser encore un instant de la patience du sous-comité, j'aimerais aussi recommander vivement à cet égard qu'on invite les autorités du gouvernement canadiens et leaders politiques du Canada à s'attaquer à ce problème. Les Canadiens sont demeurés remarquablement silencieux sur un certain nombre de ces initiatives mexicaines et c'est vraiment le Mexique qui a poussé pour un programme trilatéral alors que les Canadiens demeuraient plus orientés vers un programme bilatéral. Nous avons peut-être trop peur de voir le Mexique nous remplacer à Washington en tant qu'ami, allié et confident des États-Unis. Personnellement, je ne crains pas que le Mexique prenne notre place sur ce plan. Le Canada a fait ses preuves plus que nécessaires.
» (1705)
[Français]
M. Yves Rocheleau: Pour votre gouverne, je vous dirai que la mission a rencontré M. Rozenthal à Mexico.
Pensez-vous que la situation en Argentine pourrait freiner le rythme des négociations et avoir un impact négatif sur l'échéancier?
[Traduction]
M. Donald Mackay: Pauvre Argentine, et je le dis non pas ironiquement mais avec beaucoup d'affection.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l'Argentine était le septième pays le plus riche au monde. À l'époque, le Canada était dans les 30e. Aujourd'hui, l'Argentine occupe plus ou moins le 60e rang sur l'échelle des Nations Unies. Le Canada, évidemment, est dans les huit premiers.
C'est un pays très riche. Les Argentins sont un peuple industrieux, brillant, actif, plein d'imagination. L'Argentine dispose d'une foule de ressources et a souffert beaucoup trop longtemps d'une mauvaise gestion.
Je ne crois pas que la fin des difficultés actuelles en Argentine soit en vue. Je crois aussi personnellement que la décision de décrocher le peso du dollar ou d'une devise stable a effacé la dernière parcelle de stabilité qui restait dans cette économie. C'est un pays auquel nous devons faire très attention car les choses pourraient très mal tourner en très peu de temps.
L'Argentine peut apporter beaucoup de choses. Elle a 40 millions d'habitants. C'est une puissance importante dans les Amériques, sans aucun doute. Ce serait vraiment de l'arrogance outrancière de ma part de vouloir vous prédire ce qui se passera en Argentine d'ici 2005 alors que je ne suis même pas capable de vous dire ce qui va s'y passer la semaine prochaine. Il faut suivre la situation de très près, mais honnêtement je suis vraiment incapable de vous dire dans quel sens la situation va évoluer.
Le président: M. Eyking, puis ensuite M. Speller.
M. Mark Eyking: Monsieur Mackay, vous avez parlé de la taille et de l'efficacité de l'économie américaine dans tout ce contexte général. Nous avons parlé un peu du Brésil, qui risque de perdre beaucoup de terrain dans le domaine agricole parce que les Américains sont très puissants et efficaces.
Qu'est-ce que le Brésil et même les pays d'Amérique centrale ont vraiment à gagner si l'on ouvre complètement les portes? Où pourront-ils s'insérer dans cette économie? Quelquefois, je me dis qu'ils vont devenir de pures et simples destinations touristiques ou que ces grandes sociétés américaines vont aller produire des bananes ou d'autres produits là-bas.
C'est peut-être une question un peu vaste, mais comment ces pays vont-ils faire pour se trouver des créneaux où ils pourront affronter la concurrence et développer leur économie au lieu de devenir des petits satellites ruraux de l'économie américaine?
» (1710)
M. Donald Mackay: Je comprends votre question et je suis sûr d'ailleurs que 28 des 34 pays de cet hémisphère se la posent tous les matins en se réveillant, ces 28 pays étant les plus petits, naturellement. Ils regardent vers le Nord et voient les États-Unis, avec 260 millions d'habitants et une économie de 7 billions de dollars, avec la plus grande rapidité et la plus grande efficacité qu'on ait jamais vues pour passer de l'idée au marché. Ces gens-là doivent se réveiller le matin en se grattant la tête et en se disant qu'il est impossible de concurrencer ces Américains, que ce soit sur le plan de la taille ou des ressources, ou encore des subventions.
Le dilemme pour les pays des Amériques et les autres pays du monde--et c'est un problème auquel le Canada a été confronté à la fin des années 80 et qu'il a réussi à comprendre de façon plus ou moins générale--c'est qu'il n'y a pas d'autre choix.
Les États-Unis, avec 85 p. 100 de l'activité économique des Amériques, représentent évidemment une menace, mais ils représentent aussi la meilleure occasion que l'on peut avoir. Si, dans le contexte d'une ZLEA, vous avez un accès préférentiel au marché américain, cela vous donne un avantage sur vos concurrents européens, japonais et asiatiques. Il faut que ce soit cela, la motivation des autres pays de l'hémisphère, car au fond il n'y a pas d'autres solutions.
Les barrières commerciales s'effritent depuis la mise en place du GATT en 1948. Au niveau mondial, la croissance des échanges commerciaux a dépassé de loin la croissance économique pour des raisons autres que le commerce. Nous avons constaté ici au Canada à quel point nous dépendons de nos échanges avec des pays de marché ouvert. C'est vital pour nous.
Ces chiffres ne s'appliquent pas encore au même degré à des pays comme le Brésil ou l'Argentine, mais c'est dans cette direction qu'ils s'orientent. Il est peut-être simpliste de dire que c'est inexorable, mais franchement, ce n'est pas plus compliqué que cela. Le domaine dans lequel ils espèrent obtenir un avantage, l'essentiel de leur avantage, c'est le secteur de l'agriculture, pas uniquement ça, mais surtout cela.
M. Mark Eyking: Dans ce domaine, j'ai l'impression que le Canada a souffert de cette situation plus tôt que ces autres pays, par exemple dans les années 90 quand nous avons vu fermer des usines, des vitrines, mais trouvé aussi des ouvertures.
Ils vont donc peut-être devoir passer par une certaine période d'adaptation, ou il va peut-être y avoir du mécontentement dans les rues, mais ensuite, tout d'un coup, peut-être qu'on va voir apparaître de nouvelles choses.
Puisque le Canada est déjà passé par là, peut-être que notre rôle serait de les aider du mieux possible à faire cette transition.
M. Donald Mackay: Excusez-moi, monsieur; c'était la deuxième partie de votre question à laquelle je n'ai pas répondu.
Il est certain qu'à partir du moment où l'on supprime des instruments de protection--qu'il s'agisse d'une subvention, d'une barrière tarifaire, d'une exigence de réglementation, d'une norme, ou de toutes sortes d'autres choses--et où l'on laisse fonctionner les signaux du marché--et je vous demande de ne pas me classer complètement à droite simplement parce que j'utilise cette expression--il y a forcément des ajustements. C'est une évidence.
Le Brésil a abordé les années 90 avec des droits de douane d'environ 34 p. 100. Dans le contexte du MERCOSUR, le groupe régional auquel il appartient avec l'Argentine, l'Uruguay et le Paraguay, il a ramené ce taux tarifaire effectif à environ 14 p. 100. Le tarif d'usage du Canada ne dépasse probablement pas les 1,5 p. 100 dans l'ensemble, ou 2 p. 100 au maximum. Les barrières tarifaires ne sont plus un instrument de protection de l'industrie canadienne pour les gouvernements du Canada.
Bien sûr, il y a eu des perturbations du marché qui ont été très pénibles. Ce n'est pas facile, quand on a 55 ans et qu'on travaille dans la sidérurgie, de partir se recycler--pour employer l'expression à la mode des années 90 ou 2000--comme pupitreur. Pour beaucoup, c'est en fait impossible. Mais encore une fois, à long terme, il n'y a pas vraiment d'autres solutions. Ce que les pays doivent faire, c'est concevoir et façonner leur politique commerciale de manière à appuyer les filières qui vont s'épanouir à l'avenir et absorber les jeunes chômeurs. Naturellement, un gouvernement sage mettra en place des mécanismes de transition pour aider les nombreux travailleurs déplacés.
Je crois à la libéralisation du commerce, mais je n'ai pas la naïveté de croire qu'elle n'a aucune conséquence. Elle en a, et pour bien des gens, ce sont des conséquences dramatiques. Mais je suis quand même convaincu que c'est la bonne chose à faire.
» (1715)
Le président: Monsieur Speller.
M. Bob Speller: Merci beaucoup, monsieur le président et merci à vous, monsieur, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui.
Monsieur Mackay, pouvez-vous me dire si vous êtes satisfait de la position du Canada dans les négociations sur la ZLEA. Souhaiteriez-vous qu'on y apporte des changements pour mieux exprimer le point de vue des particuliers ou des groupes?
M. Donald Mackay: Je vous remercie de cette question.
Globalement, je suis assez satisfait de la position du Canada. Je pense que nous allons être poussés politiquement à maintenir une protection dans les secteurs de l'agriculture et des textiles, alors qu'il ne faudrait pas le faire. Je crois qu'il y a de fortes raisons économiques de nous débarrasser de ces mécanismes de protection. Je pense qu'on peut présenter de solides arguments de politique en ce sens. On peut avancer des arguments d'efficience. Nos difficultés sont liées à certains types de production agricole concentrés dans certaines régions géographiques. Je n' ajouterai pas à votre confusion sur certaines des questions que M. Marchi a abordées.
M. Marchi parlait de la protection du système de gestion de l'approvisionnement du Canada, par exemple. Il était protégé par l'ancien article XI.2(c) du GATT.
Je suis un ancien négociateur commercial du Canada. J'ai participé aux négociations sur l'ALENA et j'ai défendu ces industries et ces secteurs avec tout l'énergie voulue, et j'ai été payé pour cela.
Les Canadiens sont des négociateurs commerciaux très efficaces. Ils ne devraient pas s'occuper de certains secteurs. Je vous donne un exemple. Si nous protégeons l'industrie laitière, nous protégeons presque par définition une industrie qui est fondamentalement inefficace. Les Canadiens paient leur lait deux fois plus cher que les Américains. Mais les Américains ne sont pas parfaits : ils paient leur sucre deux fois plus cher que le reste du monde. Tout le monde a ces petits secrets.
Mais si votre industrie laitière fait payer deux fois le coût réel, votre industrie secondaire va être aussi pénalisée, par exemple l'industrie des pizzas congelées. Vous savez par exemple que la famille McCain a relocalisé à l'étranger plusieurs de ses entreprises de transformation alimentaire parce que ses ingrédients de base coûtaient plus cher au Canada que le prix du marché.
Je ne dis pas qu'il faut éliminer la ferme familiale ou passer aux grandes exploitations agricoles dans les Cantons de l'Est, ou des choses comme cela. Tout ce que je dis, c'est que si nous nous lançons dans cette entreprise hémisphérique et si nous disons à ces pays qu'ils doivent abaisser leurs barrières tarifaires, leurs barrières commerciales, mais que nous allons continuer à protéger les deux secteurs dans lesquels ils sont compétitifs, l'agriculture et les textiles…
Le Canada fait partie du G-7. Nous sommes un pays qui fabrique des fibres optiques. Nous protégeons l'industrie textile qui est l'industrie qui a lancé la révolution industrielle il y a 300 ans. Il est temps que nous laissions cette industrie à ceux qui sont capables de produire ces textiles moins chers, mieux et plus efficacement que nous, pour leur permettre de progresser sur la voie de l'industrialisation comme nous l'avons fait il y a 100 ans.
Je m'excuse. J'ai peut-être donné l'impression d'être en train de faire un sermon, et c'était peut-être le cas. Mais vous m'avez demandé quels étaient les aspects de la position du Canada qui me dérangeaient et pour l'instant, puisque je ne suis plus au gouvernement et que je peux me permettre de dire ce genre de choses, je vous dis que ce sont ces deux domaines qui me dérangent.
» (1720)
M. Bob Speller: Je pense cependant que vous nous avez confirmé ce que certains d'entre nous avaient toujours pensé, à savoir que nos négociateurs commerciaux n'ont pas toujours été pleinement d'accord avec la position du gouvernement en matière de gestion de l'offre. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles nous avons quelquefois des problèmes dans ces domaines.
J'aimerais cependant savoir qui vous représentez. Je suis un peu étonné de constater que certains des groupes au nom desquels j'avais l'impression que vous parliez seraient opposés à la gestion de l'offre. J'aurais plutôt cru que c'était des gens qui étaient en faveur du Canada rural et qui souhaitaient préserver la vitalité de nos communautés rurales quand d'autres secteurs auront disparu.
Parlez-vous en votre nom, en dehors du fait que vous êtes un ancien négociateur commercial, ou représentez-vous vraiment les personnes qui vous ont envoyé ici?
M. Donald Mackay: Non. Nous sommes en fait un institut de politique, un organisme de réflexion. Nous ne prétendons pas être les porte-parole de qui que ce soit. Je ne me présente pas devant vous en disant que j'ai 100 000 personnes invisibles derrière moi. Je n'ai qu'un groupe d'adjoints de 13 personnes que je peux vous nommer et faire venir à ce comité. Mais je ne prétends pas représenter qui que ce soit.
Nous examinons les problèmes et nous essayons de trouver une démarche qui nous paraît équilibrée. Si nous devons nous organiser à l'échelle des Amériques… Nous allons peut-être aller trouver les Jamaïcains pour leur dire qu'ils doivent réduire leurs droits de douane sur les automobiles et les BlackBerries, et ils vont nous dire qu'ils sont d'accord parce qu'ils ne produisent ni automobiles ni BlackBerries; ils vont donc abaisser leurs droits de douane sur ces produits. Ensuite, ils vont nous dire que nous avons toute cette organisation complexe de droits de douane sur les tissus et le fil dans le secteur du textile, des contingents que nous leur imposons depuis l'Arrangement multifibres des années 60, et qu'ils ne réussissent toujours pas à vendre leur sucre ou leurs confiseries ou leurs fruits frais et leurs légumes chez nous, et ils vont nous demander ce que nous pouvons faire pour eux. Si nous n'avons pas de réponse à cela, au moins sur le plan des principes, je pense qu'il sera très difficile de faire rester ces pays à la table de négociation. Pour que tout le monde puisse repartir satisfait, il faut que tout le monde retire un avantage de cette négociation.
Enfin, en ce qui concerne les apparences, je mets des bottes de cow-boy mais je ne suis jamais monté sur un cheval de ma vie; la réalité ne correspond pas toujours aux apparences.
Le président: Merci. J'ai remarqué que vous aviez des bottes.
Au nom de mes collègues, je vous remercie de votre franchise et de votre exposé efficace ainsi que de vos réponses directes aux questions des membres du comité.
Si vous avez des suggestions ou des réponses aux questions que nous vous avons adressées, il serait exceptionnellement utile de nous envoyer quelque chose par écrit. Nous pourrions alors nous inspirer de vos commentaires lorsque nous formulerons la position du comité sur cette question.
Sur ce, chers collègues, je vous remercie infiniment. Et je remercie aussi les interprètes qui ont fait un travail superbe aujourd'hui comme d'habitude, ainsi que tous les greffiers, adjoints et tout le monde. La séance est levée.