SINT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
Témoignages du comité
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 30 janvier 2002
¹ | 1535 |
M. Harb |
M. Bélair |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
M. Harb |
M. Casson |
º | 1605 |
Mme Suzanne Vinet |
M. Casson |
Mme Suzanne Vinet |
º | 1610 |
M. Casson |
M. Harb |
M. Rocheleau |
M. Don Stephenson |
M. Rocheleau |
M. Don Stephenson |
º | 1615 |
M. Frédéric Seppey (directeur adjoint (Accords multilatéraux), ministère des Affaires étrangères et du Commerce international) |
M. Don Stephenson |
M. Rocheleau |
M. Don Stephenson |
M. Rocheleau |
Mme Suzanne Vinet |
M. Rocheleau |
Mme Suzanne Vinet |
º | 1620 |
M. Rocheleau |
Mme Suzanne Vinet |
M. Rocheleau |
Mme Suzanne Vinet |
M. Yves Rocheleau |
M. Harb |
M. Martin (Winnipeg-Centre) |
º | 1625 |
M. Don Stephenson |
M. Martin (Winnipeg Centre) |
M. Don Stephenson |
M. Martin (Winnipeg-Centre) |
M. Don Stephenson |
M. Martin (Winnipeg-Centre) |
M. Don Stephenson |
º | 1630 |
M. Martin (Winnipeg-Centre) |
M. Don Stephenson |
M. Martin (Winnipeg-Centre) |
M. Don Stephenson |
M. Martin (Winnipeg-Centre) |
M. Don Stephenson |
M. Pat Martin |
M. Don Stephenson |
M. Frédéric Seppey |
M. Martin (Winnipeg-Centre) |
M. Harb |
M. O'Brien (London--Fanshawe) |
M. Frédéric Seppey |
º | 1635 |
M. O'Brien (London--Fanshawe) |
M. Don Stephenson |
M. O'Brien (London--Fanshawe) |
M. Don Stephenson |
M. O'Brien (London--Fanshawe) |
º | 1640 |
M. Don Stephenson |
M. O'Brien (London--Fanshawe) |
M. Don Stephenson |
M. Stephenson |
M. Stephenson |
M. Bill Singleton (directeur, Politiques économiques, Direction générale des politiques, Agence canadienne de développement international) |
º | 1645 |
M. Pat O'Brien |
M. Singleton |
M. O'Brien (London--Fanshawe) |
M. Harb |
M. Valeri |
M. Claude Carrière (directeur général, Direction générale de la politique commerciale I, Affaires étrangères et Commerce international) |
º | 1650 |
M. Valeri |
M. Claude Carrière |
M. Valeri |
M. Harb |
M. Claude Carrière |
º | 1655 |
» | 1700 |
» | 1705 |
» | 1710 |
M. Harb |
M. Casson |
M. Claude Carrière |
» | 1715 |
M. Casson |
M. Harb |
Mme Lalonde |
M. Harb |
Mme Lalonde |
» | 1720 |
M. Claude Carrière |
Mme Lalonde |
M. Claude Carrière |
Mme Lalonde |
M. Claude Carrière |
Mme Lalonde |
» | 1725 |
M. Claude Carrière |
Mme Lalonde |
M. Claude Carrière |
Mme Lalonde |
M. Claude Carrière |
Mme Lalonde |
M. Claude Carrière |
Mme Lalonde |
M. Claude Carrière |
Mme Lalonde |
M. Claude Carrière |
Mme Lalonde |
M. Claude Carrière |
Mme Lalonde |
M. Claude Carrière |
Mme Lalonde |
» | 1730 |
M. Harb |
Mme Lalonde |
M. Harb |
Mme Lalonde |
Le président |
Mme Francine Lalonde |
M. Claude Carrière |
Mme Lalonde |
M. Claude Carrière |
Mme Lalonde |
M. Claude Carrière |
Mme Lalonde |
M. Claude Carrière |
» | 1735 |
Mme Francine Lalonde |
M. Claude Carrière |
Mme Lalonde |
M. Claude Carrière |
Mme Francine Lalonde |
M. Harb |
M. O'Brien (London--Fanshawe) |
» | 1740 |
M. Harb |
M. O'Brien |
Le président |
M. Claude Carrière |
» | 1745 |
M. O'Brien (London--Fanshawe) |
M. Claude Carrière |
M. Stephen Free (directeur général, direction générale des Amériques, Agence canadienne de développement international) |
M. O'Brien |
M. Harb |
M. Valeri |
M. Claude Carrière |
» | 1750 |
M. Valeri |
M. Speller |
M. Claude Carrière |
» | 1755 |
Mme Suzanne Vinet |
M. Speller |
Mme Suzanne Vinet |
M. Speller |
Mme Suzanne Vinet |
M. Speller |
M. Harb |
CANADA
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
Témoignages du comité
Le mercredi 30 janvier 2002
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.)): Joyeux Noël et Bonne Année à tous!
La séance est ouverte. Le Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui conformément au paragraphe 108(2) du Règlement—évaluation des enjeux des négociations de l'OMC d'un point de vue canadien.
Nous accueillons aujourd'hui des témoins de marque, M. Don Stephenson, directeur général de la politique commerciale; M. Randle Wilson, directeur, Direction de la planification de la politique commerciale; M. Steve Brereton, directeur, Direction de la politique commerciale sur l'investissement; et M. Frédéric Seppey, directeur adjoint, Direction des accords régionaux ainsi que Mme Johanne Forest, conseillère en matière de commerce et d'environnement pour la Direction des relations environnementales. D'autres témoins se joindront à nous un peu plus tard.
Conformément à l'ordre de renvoi en comité en date du 6 décembre 2001, «le Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux tient des audiences sur les questions relatives au développement abordées à Doha par l'Organisation mondiale du commerce».
J'ai pensé que le comité devrait d'abord rencontrer les fonctionnaires pour qu'ils nous renseignent sur le sujet et pour que nous puissions leur poser des questions si nécessaire. De plus, nous avons par l'entremise du greffier du comité et de divers adjoints distribué des documents aux députés. J'espère que nous pourrons parler en plus amples détails de la façon de procéder un peu plus tard.
Monsieur Stephenson, j'ai pensé qu'on vous demanderait de nous présenter vos collègues puis de nous donner un aperçu de la question, de nous dire comment d'après vous ce processus devrait se dérouler, quelles sont vos attentes, et en fait, s'il y a lieu de faire des suggestions au comité. C'est une occasion rêvée de le faire. Puis nous passerons à la période des questions et aux commentaires.
Merci.
M. Don Stephenson (directeur général, Direction de la politique commerciale II; Services, investissement et propriété intellectuelle, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, monsieur le président.
Le 6 décembre dernier, j'ai comparu devant le comité permanent pour lui faire part des résultats de la conférence de Doha. Je suppose que les membres du comité connaissent assez bien la déclaration de Doha, tout au moins en termes généraux, et les négociations qui découlent de la réunion de Doha.
Je passerai aux six questions qui intéressent tout particulièrement votre comité: L'action de sensibilisation et la transparence de l'OMC; la réforme du Memorandum d'accord sur le règlement des différends ou le MRD; les liens qui existent entre le commerce et le développement; les liens qui existent entre le commerce et l'environnement; les services, l'investissement et la concurrence et enfin l'agriculture.
J'ai pensé que pour placer la discussion d'aujourd'hui dans son contexte, je ferais quelques commentaires généraux sur certaines des questions sur lesquelles nous nous pencherons en ce qui a trait à ces négociations, soit les cinq premières questions mentionnées un peu plus tôt, et je demanderai à ma collègue, Suzanne Vinet, qui est la négociatrice principale pour les négociations agricoles, de dire quelques mots sur ce secteur. Puis nous passerons le plus rapidement possible à la période des questions afin d'essayer de répondre aux préoccupations et aux questions des membres du comité.
Vous avez déjà, monsieur le président, présenté mes collègues. Nous aimons bien nous déplacer en meute. Nous aimons bien pouvoir être plus nombreux que les membres du comité.
Lorsque des questions pointues seront posées, je demanderai aux experts des divers domaines d'y répondre.
Il serait peut-être utile de commencer par un bref rapport sur l'état de la question en ce qui a trait à la ronde de négociations, la position des joueurs, à Genève. Le Comité sur les négociations commerciales, qui supervisera les négociations, s'est réuni pour la première fois ce lundi, le 28 janvier. La semaine dernière, en prévision de la réunion du CNC, le Canada a organisé une réunion informelle à laquelle ont participé quelque 25 pays membres de l'OMC, y compris des pays industrialisés, des pays en développement et des pays les moins avancés. La réunion a été présidée par le Canada et coprésidé par le Brésil à l'invitation du Canada. La discussion a porté sur la prochaine réunion du Comité des négociations commerciales ainsi que sur les questions organisationnelles entourant ces négociations; lors de cette réunion on a également abordé comment relever les défis posés par l'aide technique liée au commerce et celle liée à la création de capacités pour les pays en développement. Nous voulions nous assurer que cette question serait une priorité dès le début des négociations. Nous avons également participé à quatre autres réunions de consultation informelles avant la réunion du CNC lundi.
À la première réunion du CNC lundi dernier, les membres n'ont pu en venir à un consensus quant à l'organisation des négociations, y compris la structure des négociations; on n'a donc pas pu s'entendre sur le nombre de comités de négociations, leur mandat, les présidents des groupes de négociations, le président du CNC même, ainsi que sur les échéanciers. Nos consultations avant la réunion de lundi nous avaient amenés à croire que nous en étions pratiquement venus à un consensus au sein des membres, des 144 membres de l'OMC, mais certaines préoccupations qui n'avaient pas été réglées n'ont toujours pas pu l'être lors de la discussion de lundi; il s'agit principalement de questions touchant les pays en développement et leur capacité de participer aux négociations. On a donc parlé de questions comme le chevauchement des réunions des groupes des négociations ainsi que les règles du jeu. Nous pensons que Stuart Harbinson, le président du conseil général, pourra régler ces préoccupations, probablement grâce à l'adoption d'une série de règlements ou de lignes directrices pour les travaux des CNC; on pourra donc avoir un consensus et commencer nos travaux.
J'aimerais passer maintenant brièvement aux questions qui intéressent le comité.
Pour ce qui est de l'action de sensibilisation et de la transparence, deux grandes questions se posent. La première est celle du rapport qui existe entre le gouvernement fédéral et les entreprises canadiennes, les groupes d'intérêt et le public canadien dans son ensemble. À cet égard, nous sommes en train d'élaborer notre stratégie pour les consultations publiques, des consultations qui doivent être globales, inclusives, et durer les quelque trois années des négociations. Le premier élément ce cette stratégie, cependant, était la demande présentée par le ministre Pettigrew à votre comité l'enjoignant de lancer la première ronde de consultations publiques et de formuler des recommandations au gouvernement à cet égard. Nous croyons que le Parlement a un rôle important à jouer pour aider à énoncer clairement les questions qui tiennent à coeur aux Canadiens et les positions de négociation que doit adopter le Canada.
¹ (1540)
La deuxième question est le rapport entre l'OMC et le grand public, qu'il s'agisse de simples particuliers, d'ONG ou de parlementaires des États membres. Il en a été question à Doha. Dans la déclaration ministérielle de Doha, les membres de l'OMC se sont engagés à rendre l'organisation plus ouverte et plus transparente, conformément aux propositions qu'énonce depuis longtemps le Canada.
En ouvrant plus grandes les portes de l'OMC, et en permettant notamment un accès plus rapide aux documents, on permettra aux Canadiens et au public de toute la planète de mieux voir comment fonctionne l'organisation et comment elle applique ses règles. Nous sommes convaincus que cela permettra au public d'avoir plus confiance dans ces règles et de mieux comprendre que le système multilatéral d'échanges commerciaux sert les intérêts de tous.
La transparence externe de l'OMC s'est déjà améliorée. Les propositions de négociations sont maintenant couramment affichées sur les sites Web de l'OMC et des gouvernements nationaux. Le secrétariat de l'OMC divulgue plus de documents et des consultations sont en cours actuellement en vue de mettre en distribution générale plus de catégories de documents et de les faire traduire plus rapidement dans les trois langues officielles de l'OMC. Il y a quelques semaines, lors du débat sur le budget, les autorités de l'OMC ont approuvé une hausse substantielle du budget de la traduction. Cela devrait contribuer à accroître la transparence.
Cela dit, la partie est loin d'être gagnée. Il n'y a pas de consensus sur la portée ou la nature de l'accroissement de la transparence de l'organisation, et de nombreux pays craignent toujours qu'en évitant la participation de tiers au processus de l'OMC, on affaiblisse son caractère intergouvernemental.
Il serait utile que, grâce à vos délibérations, vous indiquiez au gouvernement la voie que vous souhaiteriez le voir suivre, ainsi que les moyens de répondre aux objections des membres de l'OMC qui craignent une trop grande transparence.
Nous espérons en particulier que votre comité interpellera les Canadiens sur le rôle des parlementaires à l'OMC et de la coopération interparlementaire ainsi que du système planétaire d'échanges commerciaux. Plus de 90 parlementaires du monde entier se sont réunis en marge de la conférence de Doha sous l'égide de l'Union interparlementaire, l'UIP, et du Parlement européen.
Le Canada a été l'un des rares pays à appuyer une résolution adoptée par l'UIP visant à accroître la transparence de l'OMC en associant plus étroitement les parlements à ses travaux, et visant à mentionner leur rôle à cet égard dans la déclaration ministérielle de Doha. Cette tentative particulière a échoué à Doha, mais nous allons continuer à appuyer les efforts du comité directeur de l'UIP en ce sens.
À propos, dans un discours qu'il a prononcé la semaine dernière à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Mike Moore, directeur général de l'OMC, disait en conclusion:
La nature transfrontalière des questions de pauvreté, d'environnement, de santé et de sécurité et l'interdépendance des économies impliquent souvent des réponses internationales et régionales. Votre travail... |
... c'est-à-dire celui du groupe auquel il s'adressait...
... au niveau national doit manifestement être complété par un travail au niveau international. La tendance à la «mondialisation des questions de politique publique» va se poursuivre et ne saurait être ignorée... Il faut que les parlements s'attaquent aux questions critiques et que le public le voie. |
Nous devrions faire cela de façon plus structurée et plus officielle.
Le directeur général de l'OMC est donc convaincu qu'il y a place à une participation accrue des parlementaires au sein des travaux de l'organisation.
Il n'y a toutefois aucune pression officielle au sein de l'OMC pour créer un conseil consultatif parlementaire. À l'instar du dossier de la transparence en général, la question du rôle que pourraient éventuellement jouer les parlementaires dans l'organisation ne fait encore l'objet d'aucun consensus.
Il serait utile et même nécessaire d'élargir la participation, mais au départ il vaudrait peut-être mieux le faire en dehors de l'OMC. On pourrait alors progressivement resserrer les liens entre les organismes qui feraient ce travail et l'OMC. Le point de vue de votre comité à cet égard nous serait certainement très utile.
L'OMC se distingue de la plupart des autres organisations internationales par un élément important, à savoir qu'elle dispose de procédures claires, solidement établies et relativement efficaces pour régler les différends entre ses membres. Ces procédures sont énoncées dans le mémorandum d'accord sur le règlement des différends sur lesquels se sont entendus les membres de l'organisation aux termes de leurs négociations. Par ce mémorandum, ils s'engagent tous à définir de façon claire et rigoureuse la pratique du commerce international. Le mémorandum est aussi l'expression du principe fondamental selon lequel aucun membre ne peut agir unilatéralement.
¹ (1545)
Les membres de l'OMC ont convenu de négocier des précisions et des améliorations au mémorandum d'accord sur le règlement des différends. Dans ce contexte, nous pouvons nous demander si ce mémorandum est utile et pour qui il l'est, s'il peut être amélioré et comment on peut assurer son respect par le biais de la compensation plutôt qu'au moyen de rétorsion, ou par tout autre mécanisme qui libéraliserait le commerce et éviterait de pénaliser la partie lésée. Nous pouvons aussi voir comment nous pourrions améliorer le fonctionnement de l'organisme de règlement des différends en modifiant la composition des groupes spéciaux et la taille de l'organe d'appel ou en précisant les règles de procédure. Enfin, nous pouvons accroître l'ouverture et la transparence du processus.
Parmi les principaux thèmes qui sont ressortis de la conférence de Doha, on compte l'intégration des pays en développement et des PMA—les pays les moins avancés—à l'économie mondiale. Les préoccupations des pays en développement et des pays les moins avancés auront une incidence sur tous les travaux et négociations du cycle de Doha.
Plus particulièrement, les pays en développement réclameront un accès accru aux marchés de l'agriculture, de l'habillement, du textile et de la chaussure et, de façon plus générale, la réduction des obstacles aux exportations en valeur ajoutée. Ils demanderont un accès accru à nos marchés pour leurs fournisseurs de services par le biais de l'accord général sur le commerce des services et plus particulièrement, grâce à l'entrée temporaire au Canada des fournisseurs de services. À ce chapitre, il s'agira d'assurer l'équilibre entre nos intérêts commerciaux et nos objectifs de développement non pas de façon générale, mais sur des questions bien précises visant des intérêts industriels très précis et qui auront des conséquences bien précises.
Dans nos positions de négociation, il nous faudra vraisemblablement faire la distinction entre les pays les moins avancés et les pays en développement. Bien sûr, les accords commerciaux sont réciproques, en ce sens que tout accès accru aux marchés canadiens pour les pays en développement signifie un accès accru à ces pays pour les producteurs canadiens. Mais il est possible que les pays les moins avancés plus particulièrement invoquent le traitement spécial et différencié.
Pour vous donner une idée du contexte, je signale que les importations au Canada provenant des pays les moins avancés représentent un dixième de 1 p. 100 de toutes nos importations. En comparaison, les importations au Japon provenant de ces pays représentent environ trois dixièmes de 1 p. 100, les importations aux États-Unis, sept dixièmes de 1 p. 100 et les importations en Union européenne, à peine un peu plus de 1 p. 100.
Approximativement 60 p. 100 des importations au Canada provenant des pays les moins avancés, sont assujetties à des tarifs de près de 19 p. 100 en moyenne. Pour les États-Unis et le Japon, les tarifs moyens sont de 12 et 4,5 p. 100 respectivement. En Union européenne, les tarifs ont été supprimés depuis la mise en oeuvre, l'an dernier, de l'initiative «tout sauf les armes»—ce que certains observateurs moins indulgents appellent aussi «tout sauf les fermes».
Les avantages que retireront les pays en développement du cycle de Doha dépendront en partie de leur capacité de participer pleinement aux négociations. Ces pays auront besoin de notre aide et, dans la déclaration de Doha, nous avons promis de leur accorder ce soutien. C'est l'un des principaux défis du cycle de Doha.
Une fois ce cycle de négociation terminé et les nouveaux accords conclus, la capacité des pays en développement de profiter des perspectives que leur offriront l'accès accru aux différents marchés et la libéralisation des échanges commerciaux, sera fonction de leur capacité de produire des biens et services à des fins d'exportation. Voilà un autre des défis de développement directement lié au plan d'action de Doha.
Nous appuyons une approche globale en matière de commerce et de développement, une approche qui consolide la capacité des pays de participer au système d'échanges multilatéraux tout en donnant accès aux différents marchés. Cela signifie qu'il faudra accorder notre aide technique en matière commerciale, mais aussi au chapitre du renforcement des capacités. L'assistance technique aide les pays en développement à administrer les accords commerciaux et à mettre en oeuvre des pratiques favorisant le commerce telles que les évaluations en douanes cohérentes.
Le renforcement des capacités aide les pays à se servir du commerce pour stimuler la croissance économique. Cela peut comprendre l'aide en matière de principes économiques fondamentaux ou d'infrastructures physiques, comme la construction de laboratoires pour la santé et le contrôle de la qualité. Pour répondre à ces besoins en matière de renforcement des capacités, il faudra intervenir non seulement au niveau de l'OMC, mais aussi par les voies bilatérales et multilatérales, telles que la Banque mondiale et les banques de développement régional.
Au sujet du commerce et de l'environnement, nous sommes impatients de participer aux négociations sur les liens entre les règles de l'OMC et les obligations commerciales particulières aux accords multilatéraux sur l'environnement, les AME. Nous aurons alors l'occasion de promouvoir la cohérence dans la gestion des questions environnementales et commerciales. Nous sommes aussi heureux de savoir que se tiendront des négociations sur la réduction ou l'élimination des obstacles aux biens et services environnementaux, un domaine où les exportations canadiennes sont fortes. Grâce à de tels pourparlers, on pourra protéger l'environnement en mettant à la disposition de plus de gens les technologies les plus utiles. Ces négociations sur les biens et services se tiendront dans le contexte des négociations prescrites sur l'accès aux marchés non agricoles et les négociations sur les services de l'AGCS.
¹ (1550)
Nous aurons un autre défi à relever qui n'a rien à voir avec les négociations mais plutôt avec le programme sur lequel on s'est entendu à Doha. Le Comité du commerce et de l'environnement a reçu le mandat de se pencher sur certaines questions particulières, y compris l'écoétiquetage et le recensement des scénarios bénéfiques à tous dans le domaine du commerce et de l'environnement. Il s'agit là d'initiatives que pourrait entreprendre l'OMC et qui serviraient à la fois à libéraliser les échanges commerciaux et à assurer le développement et la protection de l'environnement. Cela contribuera à apaiser les inquiétudes des pays en développement qui craignent qu'on invoque la protection de l'environnement pour adopter des mesures protectionnistes.
Le Comité du commerce et de l'environnement déposera son rapport à la cinquième session de la conférence ministérielle en 2003 et recommandera des mesures, notamment d'autres négociations sur les questions environnementales. Il devra aussi, seul et de concert avec le Comité du commerce et du développement, chacun conformément à son mandat respectif, répertorier les aspects de toutes les négociations de ce cycle liées au développement et à l'environnement afin que le développement durable soit pris en compte comme il se doit.
[Français]
À Doha, les membres de l'OMC se sont entendus sur l'échéancier des négociations sur les services. On nous demandera de soumettre nos premières requêtes pour le 30 juin 2002 et les premières offres pour le 31 mars 2003.
Les services sont importants pour l'économie canadienne et correspondent aux deux tiers du produit national brut. Ces négociations sont donc importantes pour le Canada.
¹ (1555)
[Traduction]
Nous créons une nouvelle économie fondée sur la technologie et les secteurs du savoir. Les règles commerciales qui régiront cette nouvelle économie font partie inhérente des négociations de l'AGCS. Les règles commerciales régissant le commerce des services au sein de l'OMC peuvent donner de nouvelles perspectives aux entreprises canadiennes surtout dans des domaines tels que le génie, les services professionnels, la R-D, les services financiers, la technologie de l'information et les télécommunications.
Parallèlement toutefois, les Canadiens se sont dit préoccupés par ce qu'on nous demandera en retour. Comme vous l'a indiqué le ministre Pettigrew l'automne dernier avant Doha, ainsi que le printemps dernier lorsqu'il a présenté la position de négociation initiale du Canada en matière de services, nous ne négocierons pas sur nos services de santé, nos services sociaux ou notre système d'enseignement. Nous conserverons une certaine marge de manoeuvre pour mener à bien nos objectifs culturels. Cela dit, la position de négociation du Canada est solide car il est déjà l'une des économies de services les plus ouvertes au monde.
On tiendra des travaux et non pas des négociations sur les investissements et la concurrence d'ici la tenue de la cinquième conférence ministérielle, pendant laquelle les ministres détermineront la marche à suivre à ces chapitres.
L'investissement étranger est l'un des principaux éléments de l'économie globale et un facteur important de croissance économique, comme le Canada a pu en faire l'expérience. Dans notre économie moderne en pleine mondialisation, l'investissement est le moteur du commerce et le Canada compte beaucoup sur le commerce pour sa prospérité économique.
Mais ce qui est peut-être plus important, c'est que le Canada est devenu un exportateur net d'investissements. Les accords sur les investissements protègent les investisseurs canadiens ailleurs dans le monde. Lorsque les entreprises canadiennes veulent prendre de l'expansion à l'étranger, elles peuvent avoir à faire face à des obstacles réglementaires et autres liés aux investissements. Voilà pourquoi le Canada appuie l'inclusion des investissements dans le programme de négociations de l'OMC. Le Canada y aura pour objectif d'accroître la transparence des règlements visant les investissements et d'assurer un traitement non discriminatoire des investisseurs canadiens sur les autres marchés.
Conformément à nos obligations internationales en matière d'investissement, pour que le Canada juge acceptable tout accord de l'OMC sur les investissements, cet accord devra respecter explicitement le droit du Canada de prendre des règlements dans l'intérêt public. Il sera aussi important pour le Canada que tout accord sur les investissements aide tous les membres de l'OMC, surtout les pays en développement, à profiter des avantages de l'investissement étranger direct. Nous savons que les accords de protection de l'investissement ne sont là que l'un des nombreux éléments qui attirent les investissements étrangers.
D'après son expérience, le Canada a constaté, pour qu'elles soient véritablement bénéfiques, que les initiatives de libéralisation des marchés doivent s'accompagner de lois et règlements efficaces visant les pratiques anticoncurrentielles privées. La concurrence sur le marché national oblige les entreprises à s'adapter aux changements et à innover, ce qui, du coup, leur donne davantage de chance de réussir au niveau international.
Toutefois, bien des membres de l'OMC n'ont pas encore adopté de loi nationale sur la concurrence. Il n'est pas donc pas étonnant qu'on ne s'entende pas sur ce que constituent les normes minimales concernant les lois sur la concurrence ou même sur les avantages éventuels de cette réglementation. Si, dans le cadre de vos audiences, vous pouviez discuter des avantages et des normes minimales des régimes de concurrence, cela contribuerait grandement à faire progresser le débat.
[Français]
Je demanderai maintenant à ma collègue Suzanne Vinet de nous parler de l'agriculture.
[Traduction]
Mme Suzanne Vinet (négociatrice principale en agriculture, Direction des politiques de commerce international, Direction générale des services à l'industrie et au marché, ministère de l'Agriculture et de l'agro-alimentaire): Merci, monsieur le président.
Ainsi que je l'ai dit au comité en décembre, en ce qui concerne l'agriculture, nous estimons que Doha a été un succès car on y a établi des objectifs ambitieux, ce qui permet au Canada de se lancer dans les négociations avec dynamisme en vue d'obtenir de bons résultats pour le secteur agricole. D'ailleurs, les objectifs figurant dans la déclaration de Doha s'apparentent beaucoup à la position initiale de négociations du Canada. Nous sommes donc très confiants.
Le premier jalon agricole établi pour nous dans la déclaration est celui de mars 2003. D'ici là, nous devrons mettre en place les modalités de négociations. Ça signifie que les modifications aux règles actuelles de l'accord sur l'agriculture ainsi que les formules de réduction des engagements que les membres voudront utiliser pour l'élaboration des échéanciers devront être déposées en mars 2003. En pratique, ça signifie par exemple que le Canada, qui comme bien d'autres pays membres a réclamé l'élimination de toutes les subventions à l'exportation, devra, d'ici 2003, préciser ce qu'il entend par là et donner des détails sur le genre de règles qu'il préconise, sur la façon dont sont calculées nos subventions existantes et sur la formule de réduction qui devrait s'appliquer. Les modalités devront donc porter sur la réduction de soutien interne et les améliorations de l'accès aux marchés.
Par conséquent, j'imagine qu'en mars 2003, personne ne sera entièrement satisfait des modalités initiales mais que les membres accepteront de les utiliser pour élaborer leurs ébauches d'échéanciers qui doivent être prêtes avant la cinquième conférence ministérielle, à la fin de 2003; entre-temps, nous continuerons de réclamer des changements aux modalités. Les progrès des négociations en agriculture seront examinés à la cinquième conférence ministérielle, à la fin de 2003, et les ministres en profiteront alors pour donner d'autres directives aux négociateurs et prendre les décisions difficiles qui nous permettront d'aller de l'avant.
Certains facteurs auront une influence sur l'orientation et les progrès des négociations au cours des 12 prochains mois. Manifestement, ce que les Américains feront du «Farm bill» est l'un de ces facteurs. Cela influera sur le genre de leadership dont ils pourront faire preuve pendant les négociations en agriculture, et c'est certainement l'un des éléments clés. De même, le déroulement des réformes de la Communauté européenne en matière de politique agricole aura une influence sur le progrès de nos négociations. Mais c'est surtout la façon dont nous traiterons des questions liées aux pays en développement qui déterminera le progrès des négociations en agriculture. Vous vous souvenez sans doute que les pays en développement estimaient n'avoir pas profité de la libéralisation des échanges commerciaux qui a résulté de l'Uruguay Round. Il est donc évident qu'un de nos principaux défis dans ces négociations sera de trouver des façons de répondre à leurs préoccupations et de nous assurer que cette situation ne se répète pas.
Nos objectifs dans ces négociations sont donc clairs, ce sont ceux qu'ont décrits les ministres Pettigrew et Vanclief en août 1999 quand ils ont présenté la position de négociation initiale du Canada en matière d'agriculture. Les principales priorités sont l'élimination des subventions à l'exportation dans les meilleurs délais, la réduction substantielle ou l'élimination des mesures de soutien qui entravent le commerce et l'amélioration de l'accès aux marchés pour tous les produits agricoles et alimentaires.
Depuis le début des négociations en l'an 2000, nous travaillons à l'atteinte de ces objectifs en en faisant la promotion et en collaborant étroitement avec ceux qui les partagent. Cela comprend le groupe de Cairns, ou les États-Unis ou certains pays en développement lorsque nous constatons qu'il y a convergence des grands objectifs. Mais il arrive qu'il y ait des divergences sur les détails.
Dans l'ensemble, donc, le Canada occupe une place de choix dans les négociations en matière d'agriculture. Notre position est claire. Nous nous sommes engagés à bien informer le secteur. Depuis 1999, nous collaborons avec le secteur dans l'élaboration de notre position de négociation ainsi que pendant les négociations comme telles, et nous nous sommes engagés, conformément à notre approche de consultation globale, à continuer cette étroite collaboration avec le secteur. Grâce à ce travail constant des trois ou quatre dernières années avec l'industrie, nous sommes dans une excellente position de négociation devant certains de nos partenaires commerciaux.
º (1600)
Le président: Merci beaucoup.
Y a-t-il d'autres remarques avant que nous passions aux questions?
Mais d'abord, au nom du comité, en fait, au nom de la Chambre des communes, je tiens à vous féliciter, monsieur Stephenson, ainsi que votre équipe pour votre excellent travail à Doha. Vous nous avez fait honneur. Vous avez abattu une quantité impressionnante de travail et nous avons été très impressionnés par la grande compétence de ceux qui vous accompagnaient et par l'importante contribution que vous avez apportée. Je tenais à ce que cela figure au compte rendu.
Je cède la parole à M. Casson qui sera suivi de M. Martin.
M. Rick Casson (Lethbridge, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. Moi, je m'intéresse à l'agriculture.
Suzanne, je vous ai entendue prononcer un discours à une conférence à Calgary il y a quelques mois et j'ai bien aimé vos propos.
Compte tenu de la position du Canada—et à mon avis, c'est la bonne, et j'espère qu'on pourra se concentrer sur la question des subventions à l'exportation—pouvons-nous espérer donner un avantage net à nos agriculteurs à l'issue de ces négociations? Autrement dit, les chances seront-elles égalisées, combien de temps cela prendra-t-il et cela entraînera-t-il une augmentation appréciable des revenus des agriculteurs au bout du compte? Je sais que les producteurs agricoles, depuis déjà un certain temps, mettent beaucoup d'espoir dans ces négociations. Pourriez-vous peut-être nous donner des exemples concrets de ce qui sera négocié et des effets stabilisateurs que cela pourrait avoir sur le secteur agricole canadien?
º (1605)
Mme Suzanne Vinet: C'est en effet une question très importante et c'est dans cet esprit qu'a été élaborée la position de négociation initiale. Notre objectif d'ensemble est de faire l'impossible pour en arriver à l'égalité des chances. Ce qui est encourageant, c'est que c'est aussi l'objectif d'un grand nombre de pays en développement; nous ne sommes donc pas les seuls à réclamer l'uniformisation des règles du jeu. Mais bien sûr ce sont les détails qu'il nous faut négocier.
La déclaration de Doha prévoit la fin des négociations en 2005. Les résultats de l'Uruguay Round devaient être mis en oeuvre sur une période de six ans. Par conséquent, selon les engagements que nous pourrons obtenir, si les négociations se terminent en 2005, la période de mise en oeuvre commencerait en 2006 et pourrait se poursuivre sur une période allant de cinq à dix ans, probablement de six ans comme dans le cas de l'Uruguay Round.
La situation de nos agriculteurs ne s'améliorera pas du jour au lendemain, mais nous nous efforçons d'obtenir une réforme et des changements fondamentaux de sorte que, même si les correctifs ne sont pas immédiats, à plus long terme, les agriculteurs auront la certitude que le chaos ou les niveaux de soutien extraordinaires qui existent actuellement sont chose du passé.
Voilà pourquoi nous mettons toute notre énergie à convaincre les membres de l'OMC de la nécessité d'abaisser le plus tôt possible les niveaux de subvention qui entravent le commerce. Les négociations multilatérales de l'OMC prennent du temps. Nous ferons l'impossible cette année pour respecter nos échéances. L'échéance de 2003 pour nous, en agriculture, est critique car c'est alors que nous aurons une idée de ce à quoi pourront s'attendre les agriculteurs à l'avenir. Les modalités qui seront établies en 2003 seront donc d'une grande importance pour l'agriculture. Cela signifie qu'il y aura des négociations très intensives au cours des 12 prochains mois, et nous travaillerons très étroitement avec tous les secteurs intéressés pour nous assurer de respecter les échéances.
Pour ce qui est de savoir si nous aurons terminé en 2005, dans le domaine agricole, du moins, nous avons énormément de pain sur la planche. C'est un programme très ambitieux et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour le mettre en oeuvre, mais il est difficile de dire aujourd'hui si on aura terminé en 2005.
M. Rick Casson: Vous avez fait mention de deux régions en particulier: les États-Unis et l'Union européenne. Le Farm Bill américain fait l'objet d'un débat actuellement et tout indique qu'il sera adopté. Comment pouvons-nous accepter cela et comment cela s'inscrit-il dans les négociations? Si les États-Unis adoptent ce projet de loi et font fi de certains problèmes, s'ils aggravent même certains problèmes, comment pouvons-nous nous attendre à ce qu'ils participent de bonne foi à ces négociations et respectent leurs engagements?
Mme Suzanne Vinet: Oui. Je pense que vous soulevez une question cruciale et c'est pourquoi je parle de leur capacité de faire preuve de leadership. Si on se souvient des négociations passées, il était clair que les États-Unis critiquaient la capacité des pays de s'entendre en matière d'agriculture. S'ils ne sont pas sûrs de leur leadership, il sera très difficile d'arriver à un accord.
Si leur Farm Bill va dans le sens contraire à ce que nous essayons d'obtenir, ce n'est pas très positif. Nous avons donc fait des représentations officielles, mais le ministre Vanclief profite en outre de chaque occasion pour rappeler aux Américains qu'ils doivent faire ce qu'ils prêchent.
Nous faisons donc des représentations, mais cela rendra certainement leur vie un peu plus compliquée. On nous donne toutefois des assurances qu'ils ont l'intention de... Je pense qu'il y a une autre façon de voir le Farm Bill: sans y trouver nécessairement un message très positif, on sait qu'ils voudront des résultats substantiels, énergiques, des négociations de l'OMC, afin de pouvoir adapter certaines de leurs propres politiques en se servant de l'OMC pour leur donner la bonne orientation.
Il faudra donc voir comment ils se comporteront dans ce cas-ci. Nous espérons toujours qu'ils apporteront au Farm Bill des changements qui vont dans le bon sens. Autrement, ils ont tout de même fait preuve d'un peu de leadership jusqu'ici et nous espérons qu'ils continueront de le faire, tout en les encourageant chaque fois que nous le pouvons.
º (1610)
M. Rick Casson: Bien. Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Merci, monsieur le président.
J'aimerais demander à M. Stephenson de nous dire comment s'annonce la marge de manoeuvre du gouvernement canadien et du gouvernement québécois dans le domaine de la culture. De quelle marge de manoeuvre le gouvernement canadien bénéficiera-t-il, tant pour prendre des initiatives culturelles qui s'adresseront à l'étranger que pour se protéger contre des initiatives étrangères?
Voici ce que j'ai à l'esprit, par exemple, quand je pense au gouvernement du Québec. Est-ce qu'on peut penser qu'un événement comme la Saison du Québec à New York, qui a dû être annulée pour les raisons dramatiques que l'on sait, pourrait se reproduire, pourrait être autorisé dans un contexte nouveau?
M. Don Stephenson: Je pense que dans le domaine culturel, les négociations les plus importantes portent sur les services. La structure de l'entente sur les services nous permet de choisir les secteurs dans lesquels on veut négocier. Pour répondre à votre question, je dirai qu'on a beaucoup de marge de manoeuvre pour protéger notre diversité culturelle dans les négociations.
Il y a d'autres questions importantes comme les négociations sur les subventions pour les services. Encore là, la structure de l'entente nous permet de prendre nos propres décisions sur ce qu'on veut négocier.
Évidemment, le Canada fait des efforts dans d'autres forums pour promouvoir la diversité culturelle. Il y a l'initiative de Mme Copps visant à établir un réseau de ministres de la Culture pour débattre de la question de la protection et de la promotion de la diversité culturelle. Pour l'instant, c'est la stratégie du Canada pour établir un consensus international, non pas chez les ministres du Commerce international, mais d'abord et avant tout chez les ministres de la Culture, concernant ce qui est à protéger et à promouvoir. C'est un peu parallèle aux ententes sur l'environnement. C'est d'abord et avant tout aux ministres responsables de l'Environnement de s'entendre sur les initiatives à prendre pour assurer les protections nécessaires et ensuite assurer le lien qui doit se faire entre cela et nos obligations en matière de commerce international, donc à l'OMC.
Donc, telle est la stratégie du Canada par rapport à la culture. Je ne vois pas comment ces négociations pourraient nuire d'une façon ou d'une autre à un événement de promotion culturelle comme celui que vous avez mentionné, c'est-à-dire la Saison du Québec à New York.
M. Yves Rocheleau: Vous avez parlé des services. Il y a quelqu'un qui m'a récemment demandé si quelque chose pourrait éventuellement s'opposer à ce que, dans le domaine des services, une université américaine décide de s'implanter à Montréal ou à Toronto. C'est dans le domaine des services, puisque c'est un service public. Est-ce un service gouvernemental? Une question se pose peut-être. Quand il y a un conseil d'administration et qu'on qualifie la corporation d'autonome, est-ce qu'elle est gouvernementale, oui ou non? Il faudrait peut-être en débattre. Et dans quelle mesure le gouvernement fédéral canadien pourra-t-il entraîner les provinces dans son sillon, notamment le Québec? Vous savez combien on est sensibles à cela. Sur quelle sorte de balises va-t-on pouvoir compter pour s'y retrouver?
M. Don Stephenson: Avant de demander à mon collègue Frédéric Seppey d'ajouter des précisions, je dirai que ce n'est pas parce qu'une institution étrangère, américaine ou autre, reçoit la permission de l'une des provinces de s'installer qu'on a par le fait même des obligations en vertu de nos ententes de commerce international. Déjà, au Canada, on a un système mixte en éducation. Il y a des institutions privées et des institutions publiques. Le simple fait qu'une institution s'installe n'impose pas des obligations au Canada.
Frédéric voudra peut-être ajouter à cette réponse.
º (1615)
M. Frédéric Seppey (directeur adjoint (Accords multilatéraux), ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): L'Accord général sur le commerce des services est entré en vigueur en 1995. Dans le cadre de cet accord, pour protéger notre flexibilité en matière de politique publique dans des domaines comme l'enseignement public, nous nous sommes abstenus de prendre des engagements en ce qui concerne le traitement national et l'accès au marché. Cela veut donc dire que tous les gouvernements au Canada, que ce soit au niveau fédéral dans plusieurs secteurs ou au niveau provincial en ce qui concerne l'éducation, conservent leur pleine liberté d'adopter des mesures qui sont discriminatoires ou qui restreignent l'accès au marché aux étrangers.
Ça ne veut pas dire qu'on a présentement, dans notre corpus législatif, des mesures qui interdisent l'accès au marché canadien, mais on se réserve le droit de mettre en oeuvre de telles politiques si on juge qu'il est nécessaire de le faire au Canada. Donc, de ce côté-là, les obligations auxquelles nous avons souscrit à ce jour dans l'AGCS n'affectent pas notre capacité d'agir dans ce domaine-là. La position que le ministre Pettigrew a exprimée en mars dernier, lors du dépôt de la position initiale du Canada dans le domaine des services, était très claire à cet effet: le Canada ne prendrait aucun engagement en ce qui concerne des secteurs comme l'enseignement public.
M. Don Stephenson: J'aimerais vous faire remarquer que la position canadienne est déterminée en étroite consultation avec les provinces, surtout dans le domaine de l'éducation. Beaucoup de secteurs qui sont à négocier, lors des négociations à Genève, touchent des compétences provinciales. Alors, il faut établir la position canadienne en consultation et en collaboration avec les provinces.
M. Yves Rocheleau: Peut-on tenir pour acquis qu'il y a non seulement des assurances, mais aussi des gestes dans ce sens qui ont été posés jusqu'à maintenant par le gouvernement canadien vis-à-vis des provinces, notamment le Québec?
M. Don Stephenson: La position du Canada, comme le disait mon collègue, est claire. C'est public et ça a été soumis à Genève comme étant la position du Canada. Nous ne voulons pas négocier l'accès à notre marché de l'éducation.
M. Yves Rocheleau: Cette question porte sur l'agriculture. J'ai rencontré, il y a quelques semaines, des gens du Québec, de ma région, des producteurs laitiers qui, comme vous le devinez sans doute, sont très inquiets face à la question de la gestion de l'offre. Pouvez-vous nous dire où en est rendu le dossier? Ils sont très inquiets.
Mme Suzanne Vinet: En ce qui a trait à notre position de négociation, il est très bien stipulé dans la position initiale de négociation que les ministres Pettigrew et Vanclief avaient annoncée, en août 1999, qu'on allait continuer à s'assurer que les systèmes de gestion de l'offre continuent de fonctionner de façon efficace au Canada.
En termes des politiques et des mesures propres à la gestion de l'offre pour assurer l'avenir au niveau interne canadien, cela est clairement énoncé dans la position de négociation du Canada, et on continue à promouvoir cette position-là. Il n'y a pas eu de changement dans la position. On rencontre régulièrement les producteurs de lait pour les tenir au courant de l'évolution du dossier des négociations.
M. Yves Rocheleau: Ces producteurs rencontraient les députés pour les sensibiliser au fait que l'OMC s'apprêtait à prendre une décision dans le dossier. On peut situer cela au mois de septembre, octobre ou novembre. Est-ce qu'il n'y a pas eu depuis un événement qui précise les règles du jeu ou qui empêcherait, par exemple, l'exportation des produits laitiers? Corrigez-moi si je me trompe.
Mme Suzanne Vinet: J'aimerais apporter une petite précision. Vous faites allusion au panel qui avait été réclamé par les États-Unis et la Nouvelle-Zélande pour se prononcer sur la façon dont on établit les prix pour les produits laitiers à l'exportation.
En effet, on avait perdu un panel qui disait que la façon dont on avait établi notre système d'exportation pour certains produits laitiers constituait une subvention à l'exportation. On était allés en appel. En appel, les conclusions du panel original avaient été renversées, mais les Néo-Zélandais et les Américains ont demandé un nouveau panel pour réexaminer la question.
Au mois de décembre, je pense, il y a eu une conclusion qui a renversé la décision initiale, mais depuis ce temps-là, on a demandé la tenue d'un autre panel de l'OMC. On a commencé à bâtir notre défense. On travaille de très près d'ailleurs, dans ce dossier-là, avec les producteurs de lait de toutes les provinces et certainement de très près avec les producteurs de lait du Québec ainsi qu'avec le gouvernement du Québec dans la préparation de... [Note de la rédaction: inaudible].
º (1620)
M. Yves Rocheleau: Les producteurs québécois font un pourcentage très élevé de la production canadienne. C'est pour ça qu'ils...
Mme Suzanne Vinet: Le panel ne les empêche pas d'exporter, mais cela limite... La décision qui avait été rendue par le panel disait que la façon précise dont ils établissaient les prix à l'exportation constituait une subvention à l'exportation.
Dans le contexte des règles courantes de l'OMC, il y a des limites quant à la valeur des subventions aux exportations qu'on peut accorder. D'après le panel, on avait dépassé les limites qui nous étaient accordées pour faire des exportations à l'aide de subventions à l'exportation.
Ça ne veut pas dire qu'on n'a pas le droit d'exporter. Ça veut dire qu'on a le droit d'exporter, mais sans l'aide de subventions à l'exportation. Avec le nouveau panel, il y a plusieurs scénarios. Si on gagne, il n'y a pas de problème: on pourra continuer d'exporter de la façon dont on le fait en ce moment. Mais si on perdait, le panel pourrait nous signaler des changements à apporter à notre système d'exportation. On pourrait continuer à exporter dans le cadre de certaines mesures ou apporter des changements à la façon dont on fait les exportations pour s'assurer qu'on reste à l'intérieur de nos limites.
Le panel ne nous empêche pas d'exporter. Il nous dit si on respecte les engagements qu'on a pris par rapport à notre façon d'exporter. C'est ça, le fondement du contentieux.
M. Yves Rocheleau: C'est pour quand, la prochaine étape ou le prochain panel?
Mme Suzanne Vinet: Les délibérations du panel seront entamées vers le 18 février et les résultats du panel devraient être connus au début de l'été. Si ces résultats n'étaient pas à notre avantage, on ferait sûrement appel, et on pourrait devoir attendre jusqu'à l'automne 2002 avant d'avoir des résultats déterminants. Si on gagne, on pourrait avoir ces résultats au prochain panel, soit au début de l'été.
M. Yves Rocheleau: Merci. Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Monsieur Martin.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur le président.
En tant que membre du caucus néo-démocrate, je remplace aujourd'hui M. Svend Robinson et veuillez m'excuser si je pose des questions de profane, et non d'expert.
Comme le caucus néo-démocrate s'est exprimé haut et fort sur certaines de ces questions, et s'est même posté de l'autre côté des barricades lors des manifestations qui ont eu lieu dans certaines villes, je veux dire en commençant que nous représentons beaucoup de Canadiens qui ont ce point de vue. Ils craignent sérieusement que les accords de libéralisation des échanges que vous négociez en notre nom compromettent la souveraineté de notre pays, et notre capacité de réglementer nos services publics dans l'intérêt des Canadiens.
Je dois vous dire que certaines des personnes avec qui nous avons parlé sur les barricades et les lignes de piquetage, par exemple, sont motivées par une citation qu'on a beaucoup entendue. J'aimerais que vous nous disiez, à titre de représentants de l'OMC, si elle est exacte.
Je présume que Ruggiero était l'un des premiers directeurs de l'OMC. La rumeur veut que Ruggiero aurait dit qu'il y a un surplus de démocratie dans le monde, qui gêne le libre mouvement des biens, des services, des investissements et des capitaux et que par conséquent il faut que ces accords de libre-échange servent de charte des droits des entreprises, afin qu'elles puissent faire ce qu'elles veulent sans être embêtées par des gêneurs comme moi, M. O'Brien ou d'autres personnes autour de la table. C'est une paraphrase, bien entendu. Il semble que ce soit le thème moteur de beaucoup de gens qui luttent contre les accords commerciaux.
Tout d'abord, si vous pouvez me répondre brièvement, d'où cette citation est-elle tirée? Sont-ce les paroles de Ruggiero? Cela traduit-il bien le point de vue des personnes avec qui vous traitez dans les hautes sphères des négociations commerciales internationales?
º (1625)
M. Don Stephenson: S'il a fait cette affirmation, ce dont je doute, je devais alors travailler aux politiques culturelles, au gouvernement du Canada. Peut-être certains de mes collègues, plus expérimentés, qui sont là depuis plus qu'un an et demi, pourraient se rappeler ces propos, qui m'étonnent fort. Mais, non, cela ne correspond pas aux points de vue que j'ai entendus depuis un an et demi, dans les discussions au niveau supérieur, au sujet de l'OMC.
J'aimerais rectifier une chose: je ne suis pas un représentant de l'OMC, mais un représentant du gouvernement du Canada, qui est membre de l'OMC.
On pourrait dire que l'OMC est démocratique jusqu'à un comble. En effet, c'est une organisation de 144 pays membres, qui fonctionne par consensus. Certains de ces pays ont des traditions démocratiques plus enracinées que d'autres, mais quoi qu'il en soit, notre organisme fonctionne par consensus, lorsque nous sommes tous à Genève. En ce sens, chaque membre peut empêcher qu'une décision soit prise.
Vous soulevez des questions de très grande portée. À notre avis, la mondialisation des échanges coïncide avec les intérêts du Canada. Mais cela étant dit, nous devons régler toutes sortes de problèmes épineux, y compris le lien avec les questions culturelles, les questions environnementales, celles qui se rapportent au développement et bon nombre d'autres, notamment des questions de politique sociale comme les normes du travail. Ce sont des problèmes sérieux auxquels nous devons trouver des solutions.
Que cela nuise ou non à notre souveraineté, c'est une question philosophique. Je ne vois pas pourquoi cette question n'est soulevée que lorsque nous signons des accords commerciaux, et non, par exemple, lorsqu'il s'agit d'accords sur l'environnement. Lorsqu'Israël et la Jordanie signent un accord de paix, je ne sais pas s'il y a une érosion de leur souveraineté, de cette même façon.
Une voix: Je comprends ce que vous dites.
M. Don Stephenson: Quoi qu'il en soit, nous croyons que c'est dans l'intérêt du Canada.
M. Pat Martin: Maintenant que nous avons traité des grandes lignes, je peux peut-être poser des questions plus précises. L'un des grands irritants pour les Canadiens, ce sont les limites imposées par les accords commerciaux à notre capacité de modifier la durée de la protection des brevets pharmaceutiques au Canada, et l'incidence que cela a sur notre système de soins de santé.
Aux yeux de certaines personnes, et vous devez être au courant, puisque vous êtes négociateur pour le Canada, les règles actuelles sont ambiguës et certains pays en développement trouvent des façons de se retirer de l'application des règles, de les contourner ou de réduire la durée des brevets. Mais on nous dit que c'est impossible, que c'est coulé dans le béton, que les règles doivent être appliquées et qu'il n'y a aucun moyen de négocier pour y échapper.
Dans notre étude sur le projet de loi C-91, nous avons visité l'ensemble du pays et nous nous retrouvons pris avec ces règles-là. Cela nous tue. Peut-on espérer qu'à la table des négociations, vous puissiez soustraire le Canada à l'application de ces règles qui nuisent à l'ensemble de notre système de soins de santé?
M. Don Stephenson: Je ne suis pas convaincu d'avoir bien compris les détails de la question. Dans le...
M. Pat Martin: Certains pays en développement trouvent plus facilement que d'autres le moyen de contourner ces conditions. On nous dit que c'est impossible. Pourtant, d'autres pays le font.
M. Don Stephenson: En fait, à Doha, une question particulière a fait l'objet d'une déclaration distincte des ministres: la question de la souplesse dans l'accord relatif aux ADPIC sur la propriété intellectuelle pour les pays en développement. En fait, tous les pays membres de l'OMC ont demandé une certaine souplesse relativement à l'accès aux médicaments dans les cas de crises de santé publique ou de problèmes de santé publique.
M. Pat Martin: Le sida, la tuberculose, la malaria, je sais bien. Mais je parlais en termes généraux.
M. Don Stephenson: En fait, les problèmes de santé publique sont définis dans ce contexte par chacun des pays. Le pays peut être appelé à défendre sa décision devant les autres membres, mais l'accord prévoit une souplesse qui permettra à ces pays d'accorder des permis obligatoires pour la production de médicaments sans le consentement du propriétaire de brevet, par exemple.
La déclaration prévoit aussi 10 années supplémentaires pour que les pays en développement puissent se conformer aux obligations fixées par...
º (1630)
M. Pat Martin: S'ils n'ont pas leurs propres moyens de production. Cela fait-il partie de l'aspect obligatoire?
M. Don Stephenson: Tous les PED, dont beaucoup n'ont pas de capacité de production.
M. Pat Martin: Puis-je poser encore une question au sujet du GATT? Il y a eu beaucoup de crainte à ce sujet, dernièrement. Si j'ai bien compris, et corrigez-moi si j'ai tort, dans les autres accords commerciaux, on s'entend sur ce qui fera l'objet des échanges. C'est le contraire pour le GATT, qui permet tous les échanges sauf pour ce qui est précisément exclu. S'agit-il d'une inversion du fardeau de la preuve?
M. Don Stephenson: C'est en fait l'inverse. Pour le GATT, qui porte sur les biens, tout est compris, sauf les exceptions précisées. Dans l'AGCS, tout est exclu, à moins qu'on le précise.
M. Pat Martin: Bon, c'est clair. Mais ça risque de ne pas nous aider beaucoup.
M. Don Stephenson: C'est ce qu'on appelle la démarche ascendante et la démarche descendante. Au sujet des services, nous avons la démarche ascendante—c'est l'AGCS, l'accord sur les services de l'OMC—et dans l'ALENA, nous avons une démarche descendante, pour les services.
M. Pat Martin: Au sujet de l'AGCS, on m'a formulé des préoccupations au sujet du service postal canadien, de l'éducation et de la santé. Que pouvez-vous nous dire pour rassurer les gens qui craignent que notre service postal soit contesté par UPS ou quelque chose du genre? Au sujet de l'éducation et de la santé, tout le monde semble s'entendre sur le fait qu'il y a des aspects privés à notre système de soins de santé qui sont actuellement financés par les fonds publics. Qui dira que ces services ne sont pas assujettis à l'AGCS? Vous?
M. Don Stephenson: Au sujet de la liste que vous venez de donner, pour rassurer ceux qui ont des craintes, je dirai d'abord qu'il faut examiner la position initiale du Canada au sujet de l'AGCS: nous avons clairement dit que nous ne voulons négocier l'accès ni au régime de santé, ni à l'éducation publique, ni à la culture. Cette position a été clairement exprimée à Genève dans la position officielle du gouvernement du Canada. Ce sont mes instructions de négociations.
Au sujet du service postal, nous avons récemment rencontré les représentants du syndicat des postiers pour parler de notre position. Je crois qu'ils sont à l'aise avec la position prise par le Canada dans les négociations et les protections qui ont été accordées.
Je ne sais pas si Frédéric veut ajouter quelque chose.
M. Frédéric Seppey: Ma réponse est semblable à celle que j'ai donnée plus tôt en deux mots à M. Rocheleau. Pour commencer, l'AGCS ne porte pas sur tous les services. Les services représentant un exercice des pouvoirs gouvernementaux, ce qui comprend beaucoup de services publics offerts au Canada, ne sont pas du tout touchés par l'AGCS. C'est exclu, et pour tous les pays.
Pour les services qui sont offerts au Canada et pour lesquels nous voulons conserver une souplesse en matière de politiques, nous pouvons ne prendre aucun engagement. C'est l'aspect positif dont parlait M. Stephenson. Dans les secteurs de la santé ou de l'éducation, par exemple, où il y a un mélange de public et de privé, l'exclusion de services dans le cadre de l'exercice des pouvoirs gouvernementaux s'applique et offre une certaine protection. En outre, nous avons décidé de ne pas prendre d'engagement dans ces secteurs, qui comprennent aussi les services postaux.
À ce sujet, comme pour l'éducation dont j'ai déjà parlé, tous les paliers de gouvernement gardent le pouvoir de prendre des mesures qui peuvent être discriminatoires pour des fournisseurs étrangers de ces services, soit le droit de limiter l'accès aux marchés en restreignant le nombre d'opérations, le nombre de fournisseurs, etc.
Voilà pourquoi nous sommes optimistes. Dans les consultations pancanadiennes tenues en 2000 au sujet du GATT, nous avons entendu des préoccupations que vous avez exprimées et nous en avons tenu compte dans notre position de négociation initiale, en mars 2001.
M. Pat Martin: Merci.
Le président: Monsieur O'Brien, puis monsieur Valeri, s'il vous plaît.
M. Pat O'Brien (London--Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.
En résumé, avec le GATS, si quelque chose n'est pas sur la table, l'éducation, par exemple, ce n'est pas l'objet de négociations et on ne peut pas non plus en forcer la négociation. Est-ce un bon résumé?
M. Frédéric Seppey: Oui, c'est juste. En fait, la question de structure est extrêmement technique. Dans l'ALENA comme dans le GATS, sans égard au fait que la présentation des engagements ou des exceptions diffère, on peut garder une certaine souplesse relativement aux politiques clés qui importent pour les Canadiens. Dans le GATS, c'est en ne prenant aucun engagement en matière d'éducation; dans l'ALENA, c'est en demandant des exclusions de caractère très général pour des questions comme l'éducation, la santé et les services sociaux.
º (1635)
M. Pat O'Brien: Je pense que c'est très important. En tant qu'enseignant, c'est très important pour moi. Les gens qui ont parlé à M. Martin sont les mêmes que ceux qui m'ont parlé à moi ,et ils ont ces craintes: c'est le mot qu'ils emploient. Malgré ces assurances, leurs craintes persistent. On peut être craintif, et je pense que c'est compréhensible mais le fait est,comme vous le dites, que si ce n'est pas sur la table, ce n'est pas sur la table, et cela n'empêche pas le Canada... N'est-ce pas?
On pourrait exporter des services d'enseignement ou de santé dans des pays qui en ont vraiment besoin, comme en Europe centrale.
Lorsque j'y suis allé il y a un an, il y avait là beaucoup d'enseignants canadiens et ces pays en demandent, mais nous ne sommes pas obligés pour autant d'accepter leur système d'éducation, n'est-ce pas?
M. Don Stephenson: C'est exact.
Au sujet de l'intérêt pour nous de vendre nos services à l'étranger, par exemple en éducation, le ministre Pettigrew insiste souvent sur le fait que la dernière mission commerciale d'Équipe Canada en Chine, menée par le premier ministre, regroupait environ 400 exportateurs canadiens du secteur privé. Sur ce nombre, une centaine représentaient des établissements d'enseignement qui voulaient exporter leurs services dans d'autres pays. Bon nombre d'autres pays s'intéressent beaucoup à ces services. J'ai eu des discussions avec des collègues mexicains, par exemple, qui voudraient beaucoup importer ces services.
Même si on décidait de demander l'élimination des obstacles à la fourniture de nos services d'éducation à l'étranger, par exemple, la structure du GATT nous permet tout à fait de refuser l'accès à notre propre marché.
M. Pat O'Brien: Merci de nous rassurer.
Monsieur le président, tout ce que nous pouvons faire, ici, à Ottawa, c'est de continuer à en parler, en réponse aux craintes qu'on entend toujours. Bien, nous continuerons d'insister là-dessus. Je pense que vous avez bien présenté la situation.
M. Don Stephenson: J'aimerais dire encore une chose.
Les préoccupations relatives à l'éducation et à la santé se rapportent à une privatisation sournoise de ces services et à des changements dans les politiques qui s'y rapportent. Cela n'a rien à voir avec les échanges commerciaux. Il s'agit de décisions en matière de politiques qui sont prises ailleurs, pour d'autres raisons.
M. Pat O'Brien: Vous avez mis en plein dans le mille. Il s'agit de craintes non fondées et tout ce que nous pouvons faire, c'est d'essayer de mettre un peu de clarté dans le débat.
Monsieur le président, j'aimerais revenir à la question posée par M. Martin à propos du surplus et de la démocratie parce que son leader parlementaire m'a posé la question à la Chambre. Je pensais qu'elle avait attribué la citation à Mike Moore. Peu importe, qui a tenu ces propos—s'ils ont été tenus—je pense comme M. Stephenson que ce n'est pas crédible.
J'ai bien précisé dans ma réponse au leader de M. Martin il y a quelques semaines à la Chambre que je ne partage pas ce point de vue et je ne pense pas que le leadership manifesté par le Canada au sujet de la transparence et, comme M. Stephenson l'a dit, du désir de faire participer davantage les parlementaires... Après tout, tous les parlementaires qui sont ici ont été élus et appartiennent à des partis différents. Tel est notre système démocratique. Le gouvernement essaie de faire participer davantage les élus. C'est ce que j'ai cru entendre M. Stephenson dire.
Cela étant, et compte tenu des efforts faits en faveur d'une plus grande transparence, il est évident que le gouvernement ne souscrit pas à ces propos, qui que ce soit les a tenus, s'ils l'ont été effectivement. Je n'en suis pas sûr.
J'aimerais aborder un autre point avec M. Stephenson. M. Martin, je crois, a dit que beaucoup de Canadiens partagent certaines des inquiétudes exprimées par lui et le NPD. J'en ai moi-même entendues. Un petit nombre de mes électeurs—j'insiste sur le fait qu'il s'agit d'un petit nombre—les ont soulevées également.
Les chiffres les plus bas que j'ai vus dans toute une série de sondages d'opinions montrent qu'au moins les deux tiers des Canadiens sont en faveur de la libéralisation des échanges et de la mondialisation du commerce; d'autres sondages donnent des chiffres plus élevés. Beaucoup, c'est peut-être 5, 10, 20 ou 30 p. 100; cela dépend comment on le définit. C'est cela la démocratie.
J'ai toujours entendu des points de vue différents sur les questions importantes.
Quels sont les chiffres les plus récents que vous pouvez nous donner à propos du soutien de la population canadienne en faveur de la mondialisation et de la libéralisation des échanges commerciaux?
º (1640)
M. Don Stephenson: Les derniers chiffres corroborent ce que vous venez de dire: deux tiers et plus des Canadiens—jusqu'à 80 p. 100—sont en faveur des échanges commerciaux. Ils en reconnaissent l'importance pour le pays et le fait que le Canada en dépend tout particulièrement.
Notez bien qu'une faible majorité de Canadiens estiment également que ceux qui ont protesté autour de thèmes bien précis reliés au commerce dans les rues de Québec en marge du sommet soulèvent de sérieuses questions concernant la politique des pouvoirs publics qui doivent être abordées. L'un n'exclut pas l'autre. Les Canadiens veulent que l'on module notre politique commerciale en fonction de nos objectifs économiques et sociaux. Ils veulent que l'on s'occupe du développement —et je signale à cet effet que la présidente de l'ACDI faisait partie de la délégation canadienne à Doha—et ils veulent aussi que l'on s'occupe de l'environnement. Je précise que le Canada s'est engagé à procéder à une évaluation environnementale de ses positions dans les négociations de l'OMC et de la ZLEA. Ils veulent aussi que l'on s'occupe des questions de culture et de tout le reste.
M. Pat O'Brien: C'est une réponse complète et juste, monsieur le président, et j'ajouterai seulement que l'immense majorité des Canadiens sont en faveur de la libéralisation et de la mondialisation des échanges. Deux tiers et plus, c'est très net, même si ce n'est pas une majorité écrasante.
Certes, il faut apporter des bémols. Comme vous l'avez dit, monsieur Stephenson, il faut s'assurer que les pays les moins développés reçoivent aussi de l'aide et ne soient pas exploités.
Je terminerai en reliant cela à une observation que j'ai souvent faite à la Chambre mais à laquelle personne n'a donné suite à ma satisfaction, si bien que je vais la répéter. Je me demande ce que vous en pensez. Il s'agit de la déclaration du secrétaire général de l'ONU, M. Annan, qui a bien dit que la meilleure chose sans doute que les pays riches, ou le monde industrialisé, puissent faire pour les pays les moins développés est de poursuivre la mondialisation et la libéralisation du commerce pour leur donner leur juste part du marché. Il a dit que cela pourrait représenter jusqu'à 150 milliards de dollars par an pour l'économie de ces pays, bien davantage que toute l'aide étrangère au développement.
Qu'en pensez-vous? Aucun de mes collègues d'en face, qui ne sont pas de cet avis, n'a jamais réussi à contredire cette affirmation. Quel est votre avis à vous?
M. Don Stephenson: Avant de transmettre la question à l'organisme chargé de l'aide au développement, je signalerai que M. Annan a aussi dit que les plus pauvres des pays pauvres ne souffrent pas de la mondialisation mais bien d'un manque de mondialisation.
M. Pat O'Brien: Tout à fait juste.
M. Don Stephenson: Ils sont marginalisés. Ils n'arrivent pas à participer au système de commerce multilatéral. C'est une question tellement compliquée. Ils ont besoin d'aide sous tant de formes qu'on ne sait pas où commencer. Il ne s'agit pas seulement d'accords de libéralisation des échanges, c'est toute l'infrastructure qui est en cause. Pour le reste, je transmets la question à mon collègue de l'ACDI.
M. Bill Singleton (directeur, Politiques économiques, Direction générale des politiques, Agence canadienne de développement international): Merci, Don.
Comme le secrétaire général M. Annan l'a dit, ces questions d'accès au marché et de participation plus équitable sont au coeur du débat. Comme Don l'a dit, les préoccupations des pays en développement sont au coeur de la déclaration de Doha.
Je pourrais peut-être vous décrire brièvement l'action de l'ACDI dans ce domaine, pour vous donner une idée.
º (1645)
M. Pat O'Brien: Volontiers.
M. Bill Singleton: Il ne fait pas de doute que dans les négociations de l'OMC, l'ACDI travaille très étroitement avec d'autres ministères pour s'assurer que les intérêts des pays en développement sont pris en compte dans toute l'action de l'OMC, outre la position du Canada, pour s'assurer qu'ils obtiennent les meilleures conditions possible. Cela comprend un meilleur accès aux marchés—ils le reconnaissent et l'ont eux-mêmes réclamé; ce n'est pas nous qui l'avons fait—mais aussi leur assurer une meilleure participation.
L'ACDI s'emploie à élaborer le genre de règles commerciales qui aideront les pays en développement à contribuer à leur croissance économique en vue de réduire la pauvreté. Nous cherchons aussi des moyens de leur fournir de l'assistance, d'abord pour qu'ils puissent exporter en fonction de leur capacité actuelle... Il y a déjà beaucoup d'accès aux marchés dont ils ne peuvent pas profiter parce qu'ils n'arrivent pas à amener leurs produits sur le marché ou faute d'infrastructure financière.
Au cours des 10 dernières années, l'ACDI a versé environ 300 millions de dollars en assistance technique liée au commerce. Nous en avons donné une définition assez étroite, ne voulant pas nous leurrer quant à l'importance de ce que nous faisions. Et nous cherchons à faire davantage, à la fois pour aider des pays en développement à être plus efficaces à l'OMC mais aussi, de façon plus générale, pour renforcer leurs capacités dans les secteurs liés au commerce, comme les procédures douanières du pays importateur et aussi simplement pour qu'ils sachent comment fonctionne le système pour pouvoir tirer profit de ce qui existe.
M. Pat O'Brien: Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président.
Le président: D'accord.
Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci d'être venu comparaître devant nous aujourd'hui. Cela nous est très utile.
Je voudrais discuter des mesures antidumping, des subventions et des droits compensateurs.
À Doha, on a engagé des négociations pour obtenir des améliorations et des clarifications. Aux États-Unis, certains membres du Congrès redoutaient beaucoup cette initiative. Cela nous préoccupe ici aussi, mais pour des raisons différentes.
Quels progrès envisagez-vous dans ces négociations? Quels changements pourraient être apportés, d'après vous? À l'issue des rencontres, avez-vous le sentiment qu'il ne s'agit que de concessions de forme, ou y a-t-il des progrès sur le fond? Fait-on des progrès?
M. Claude Carrière (directeur général, Direction générale de la politique commerciale I, Affaires étrangères et Commerce international): Merci, monsieur le président, monsieur Valeri.
C'est une question qui est toujours très controversée et qui le restera sans doute longtemps aux États-Unis et ailleurs.
Il faut toutefois reconnaitre le mérite à M. Zoellick et à la délégation des États-Unis d'avoir fait preuve de la flexibilité qu'ils n'avaient pas manifestée à Seattle en matière de recours commerciaux, ce qui s'est vu d'abord à Buenos Aires lors de la réunion ministérielle sur le commerce extérieur de l'ALE et ensuite à Doha. Cela a été une manifestation de leadership de la part des États-Unis, élément essentiel d'une issue heureuse de la libéralisation du commerce à long terme, que ce soit en agriculture, comme Suzanne l'a dit, ou dans d'autres domaines.
On sait aussi que la liberté d'appliquer un recours commercial pour corriger des pratiques jugées déloyales est une vache sacrée aux États-Unis. Le Canada a, on le sait, une longue expérience de l'action des États-Unis en la matière.
L'autorisation de négocier des accords commerciaux, en préparation au Congrès américain, comporte certaines conditions, notamment pour les recours commerciaux, ce qui montre à nouveau le caractère délicat de la question qui met en jeu des intérêts très puissants. C'est pourtant un élément critique pour les pays en développement et un certain nombre d'autres pays qui veulent lutter contre la capacité d'abuser des règles du GATT en matière de droits antidumping et compensateurs.
Le dosage, lui, se fera avant les négociations. On s'est entendu pour négocier la question des subventions, mais aussi les procédures qui les régissent ainsi que les droits antidumping. Nous adoptons—attitude typiquement canadienne probablement—une position équilibrée qui nous permette de maintenir la capacité de prendre des mesures pour lutter contre les problèmes que cause le dumping et le subventionnement préjudiciable, mais nous voulons nous assurer que cela ne prête pas le flanc aux abus, aux supercheries, aux chiffres gonflés, etc. C'est ce que nous allons réclamer, ainsi que des procédures formalisées à appliquer en cas d'abus dans certains pays en développement.
º (1650)
M. Tony Valeri: Mais a-t-on le sentiment, après Doha, que les pays en développement, qui invoquent de plus en plus leurs lois antidumping, sont prêts à faire preuve d'une plus grande clarté et d' une plus grande transparence?
M. Claude Carrière: Je pense que les principaux utilisateurs savent que l'Europe, les États-Unis, le Canada et d'autres pays industrialisés chercheront à obtenir d'autres engagements de la part des pays en développement en matière de procédures formalisées et de transparence dans l'application des règles relatives aux recours commerciaux. Ces pays s'en serviront comme jetons de marchandage pour obtenir une plus grande discipline dans l'emploi de ces mesures dans les pays industrialisés. Cela fera donc partie de la négociation. Les deux camps ont des objectifs et il faut surtout retenir que tous les participants à Doha se sont dit désireux de négocier dans ce secteur, sachant que c'est une question très délicate partout.
M. Tony Valeri: Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Sur ce, monsieur Stephenson, au nom de mes collègues je tiens à vous remercier vous et vos collaborateurs. Nous espérons avoir avec vous un dialogue continu et que vos ressources et celles du ministère seront disponibles à l'occasion si nous voulons faire appel à vous. Si, pendant les audiences, les membres du comité, quel que soit leur parti, ont des questions et ont besoin de votre aide, nous ferons appel à vous et nous espérons que vous pourrez nous aider.
Sur ce,chers collègues, nous allons passer à la deuxième partie de nos audiences d'aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement—étude de la Zone de libre échange des Amériques pour le renforcement des relations économiques entre le Canada et les Amériques. Nous recevons M. Claude Carrière.
Pendant que nos témoins nous quittent, j'aurais besoin d'une motion pour que le comité entreprenne les études énumérées aux points A et B de l'ordre du jour, parce que la dernière fois M. Martin a proposé qu'on en discute et qu'on tienne des audiences .
(La motion est adoptée)
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Carrière, merci beaucoup d'être parmi nous. Certains des témoins resteront avec vous pour répondre à certaines questions. Je vous remercie au nom du comité d'avoir accepté de venir nous rencontrer pour nous informer. Vous connaissez notre mandat. Je vous invite à faire une courte déclaration, après quoi nous passerons aux questions.
Vous constaterez que le comité a jugé que le moment était particulièrement bien choisi pour tenir les deux audiences, vu le chevauchement important entre l'Accord de libre échange des Amériques et l'OMC. Il y a aussi quantité d'autres arrangements complémentaires. Il nous a semblé particulièrement approprié de panacher l'audience de l'OMC et celle de l'ALEA.
Sur ce, vous avez la parole.
[Français]
M. Claude Carrière: Merci beaucoup, monsieur le président, membres du comité. Certains des accompagnateurs de mon collègue, M. Stephenson, resteront avec moi pour m'accompagner également.
Je suis au courant des objectifs de votre étude. Je vais essayer de toucher brièvement à certains de ces éléments. Je n'ai pas toutes les réponses et j'ai beaucoup d'espoir que vous allez éclairer notre lanterne sur beaucoup de ces questions.
Premièrement, concernant le portrait de la relation économique commerciale dans le domaine de l'investissement entre le Canada et les Amériques, je devrais peut-être mentionner que les États-Unis sont notre plus gros partenaire dans les Amériques. Je vais mettre cela de côté et on va maintenant parler des autres pays.
Nos partenaires principaux autres que les États-Unis sont le Mexique, le Brésil, le Chili, le Venezuela, la Colombie et l'Argentine. Donc, on parle du Mexique, du MERCOSUR et du Pacte andin. La plus grande partie de notre commerce dans les Amériques se fait dans ces groupes-là.
La tendance à long terme est une tendance ascendante, une tendance lourde. Depuis 20 ans, surtout dans les 10 dernières années, nous avons beaucoup amélioré notre commerce avec la région. C'est une des régions où nous avons augmenté notre part de marché aux dépens des États-Unis et de l'Europe.
Nos exportations principales touchent plusieurs secteurs: produits agricoles, engrais, produits forestiers, machinerie, véhicules, produits pharmaceutiques, bref une large gamme de produits. Mais les importations ont crû beaucoup plus rapidement que les exportations, ce qui nous indique que nous avons des occasions d'affaires, des occasions d'améliorer notre présence dans la région.
Un bon exemple est ce qui s'est produit dans notre commerce avec le Chili. Nous sommes dans notre cinquième année, et le commerce, au cours de l'année 2000, n'a jamais été aussi élevé dans son histoire. La croissance de 1999 à 2000 a été de près de 30 p. 100 dans les deux directions, et nous avons un léger surplus avec le Chili.
Également, les pays d'Amérique du Sud ont réformé une bonne partie de leur économie, ce qui leur permet de mieux résister aux chocs, notamment à celui qui se produit maintenant en Argentine. Il y a eu très peu de contagion aux autres pays de la région, ce qui est une évolution positive.
º (1655)
[Traduction]
En ce qui concerne les possibilités et les avantages qui s'offrent au Canada, je le répète, nous connaissons un déficit avec la région. Normalement, dans une relation symétrique sur le plan des obstacles tarifaires, la grande majorité des importations de la région entrent au Canada en franchise de droits. Je crois que 90 p. 100 des importations entrent déjà au pays en franchise de droits, alors que la grande majorité de nos exportations sont assujetties à des droits qui vont jusqu'à 30 p. 100 dans tout un ensemble de secteurs. Corriger ce déséquilibre améliorerait grandement les choses et offrirait des débouchés importants à l'agroalimentaire, au secteur forestier et au secteur de la technologie de l'information. L'Amérique latine, par exemple, n'est pas partie à l'Accord sur la technologie de l'information de l'OMC. C'est donc toute une région du monde qui est exclue, ce qui nous prive d'avantages importants. Il en va de même pour les services. Il y a des perspectives très prometteuses dans le secteur des services financiers, du génie et autres.
Où en sont les négociations? Je rappellerai tout d'abord que nous avons remporté un succès important à Buenos Aires en avril, lequel a été confirmé au sommet, puisque le Canada a atteint ses objectifs. Les ministres se sont entendus sur un calendrier précis de négociations. Nous avons convenu de terminer au début de 2005 et d'entreprendre la mise en oeuvre d'ici à décembre 2005.
Contre toute attente, un consensus s'est heureusement dégagé autour de la publication d'une ébauche de texte de l'accord. Cela était sans précédent à l'occasion de négociations commerciales. On s'est entendu pour renforcer le mandat du comité chargé de la participation de la société civile. On s'est fermement engagé à veiller à ce que les petites économies reçoivent l'assistance technique dont elles ont besoin pour participer sans réserve à la négociation et à l'application de l'accord. Des instructions et des délais précis ont été donnés aux groupes de négociation pour la prochaine phase de négociations, en particulier en ce qui concerne l'accès au marché.
Les négociations sur l'accès au marché sont censées commencer à la mi-mai, au printemps, et les groupes de négociation doivent présenter leurs recommandations au comité de négociations commerciales en avril sur les méthodes et les modalités de négociations relatives à l'accès au marché, à l'agriculture, aux services de placement et aux marchés publics.
On a aussi commencé à éliminer les passages entre parenthèses. Certains d'entre vous ont pu consulter le texte publié en avril dernier. Il renfermait de nombreux passages entre parenthèses. Les groupes de négociations sont en train de fusionner certaines de ces propositions pour rendre le texte plus lisible et compréhensible.
On a aussi commencé à travailler à la structure générale de l'accord. Vous avez remarqué que le texte se limite à neuf chapitres. Ce n'est pas unifié. Il n'y a ni début ni fin. Il n'y a pas de clauses type. Le travail sur la structure générale et les liens horizontaux entre les chapitres se poursuit.
Ce travail doit se poursuivre jusqu'à ce que les ministres se réunissent en Équateur en octobre pour passer en revue les progrès et, selon nous, ordonner la publication du texte. À ce moment-là, la direction des travaux passera à la coprésidence Brésil-États-Unis pour la dernière phase des négociations.
» (1700)
Quant à certains des défis auxquels sera confrontée la FTA, vous ne serez pas surpris de m'entendre dire qu'ils seront nombreux. Le premier de ceux-ci a trait à l'autorisation en matière de promotion du commerce. Il est bien évident que les États-Unis n'ont pas besoin, au strict point de vue technique, d'une autorisation en matière de promotion du commerce pour entamer des négociations commerciales. Au milieu des années 80, par exemple, la FTA n'avait pas cette autorisation au moment du Cycle d'Uruguay. Bon nombre de pays de l'hémisphère attachent cependant une grande importance politique à cette question et verraient une telle autorisation accordée par Washington comme la confirmation du leadership des États-Unis dans ce domaine, ce qui renforcerait d'ailleurs sa crédibilité à la table des négociations.
La Chambre des représentants ainsi que le Comité sénatorial des finances présenteront tous deux un projet de loi à cet égard. La calendrier est incertain, mais certains pensent que le Sénat votera ce projet de loi en février ou mars. Il y aura ensuite une conférence entre le Sénat et la Chambre qui aboutira à un compromis.
Un certain nombre de pays ont exprimé des inquiétudes au sujet des conditions figurant dans les deux versions de ce projet de loi, en particulier dans les secteurs de l'agriculture et des recours commerciaux ainsi qu'au sujet de certaines conditions relatives à la main-d'oeuvre et à l'environnement.
» (1705)
[Français]
Par exemple, la réaction brésilienne, surtout celle du congrès brésilien, a été assez pointue. Des questions ont été posées et des doutes ont été émis sur l'opportunité de négocier avec les États-Unis dans de telles circonstances.
Pour ce qui est de la situation en Argentine, si des corrections ne sont pas apportées, cela pourrait avoir éventuellement un impact sur le processus, mais pour l'instant, à court terme, au point de vue technique, il n'y a pas d'impact. On surveille la situation de très près.
Enfin, la question des petites économies est une préoccupation et un défi très grand pour la Zone de libre-échange, mais c'est un défi que nous avons en commun avec l'OMC. En fait, M. Iglesias, le président de la Banque interaméricaine de développement, se propose d'organiser un atelier à Washington à la fin février pour traiter justement de ces défis communs, auquel seraient invités M. Moore de l'OMC et différents représentants de la banque pour essayer de voir comment les deux processus peuvent s'entraider pour faire face aux mêmes défis.
Nous avons également tenté de dégager des pistes de solutions pour traiter, en pratique, des préoccupations des petites économies dans le cadre de nos négociations bilatérales. Certaines dispositions de l'accord Canada--Costa Rica, notamment l'asymétrie des mesures de sauvegarde dans certains domaines, sont des exemples de la façon dont nous pourrions traiter des préoccupations des petites économies.
Il y a d'autres exemples, et nous devrons examiner toutes les possibilités avec les petites économies dans le cadre des négociations. Donc, ce sont des préoccupations dont nous devrons traiter.
[Traduction]
Il existe également d'autres défis. Des préoccupations sectorielles ont été exprimées par certains pays, mais pour ce qui est du Canada, nos préoccupations au sujet de l'ALEA ressemblent à celles que nous avons au sujet de l'OMC. Ces préoccupations ont surtout trait aux secteurs agroalimentaire, des textiles, du vêtement et de l'acier. Nous consulterons étroitement les associations représentant les diverses industries ainsi que les intervenants de ces industries au cours des négociations en vue de l'élaboration de notre position sur l'accès au marché.
Quant à l'environnement et à la main-d'oeuvre, nous sommes favorables à ce qu'on tienne compte des préoccupations s'y rapportant dans le contexte de l'ALEA. Un certain nombre de pays qui participent au processus continuent cependant à s'opposer à ce qu'un lien direct soit fait entre l'accord et les préoccupations sociales environnementales.
L'avantage que présente l'ALEA, c'est que le processus représente l'un des éléments du Sommet des Amériques qui s'attache aux priorités gouvernementales dans le domaine social. Avant la tenue du Sommet au printemps dernier, le ministre M. Anderson a été l'hôte de la première réunion des ministres de l'Environnement. Cette réunion sera suivie le mois prochain à Ottawa par une conférence des ministres de la Santé et de l'Environnement des Amériques. Cette réunion est l'aboutissement des efforts que nous déployons pour que les questions environnementales soient prises en compte dans le cadre de l'ALEA.
En octobre dernier, Mme Bradshaw a été l'hôte d'une réunion des ministres du travail de l'hémisphère et cette réunion visait également à améliorer la collaboration dans ce domaine.
Enfin, nous nous sommes faits les défenseurs de la transparence dans le cadre de l'ALEA. Certains de nos efforts portent d'ailleurs fruit. Beaucoup reste à faire, mais certaines mesures initiales ont été prises comme la publication du texte de négociation—ce qui ne s'est jamais vu jusqu'ici lors de négociations actives—ainsi que la création et le renforcement du comité de la société civile dans le but de faire participer les organismes des Amériques au débat sur l'accord. Nous avons constaté de grands progrès dans l'ensemble des Amériques et notamment dans les pays de l'Amérique latine qui sont davantage prêts à consulter leurs propres sociétés civiles ainsi que les organismes internationaux.
» (1710)
[Français]
Sur ce, monsieur le président, je serai très heureux de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Carrière, de votre efficacité et de votre compréhension de ce sujet.
[Traduction]
Monsieur Casson, voulez-vous poser une question?
M. Rick Casson: Merci, monsieur le président et monsieur Carrière.
Il y a une ou deux choses qui m'intéressent. Si vous êtes un pays en voie de développement, et que vous considérez certains des partenaires que vous offrirait la ZLEA, comme les États-Unis, nous-mêmes et le Mexique, qui formons certaines des économies les plus importantes—vous constatez que cela représente toute une diversité. Une de ces économies est actuellement très instable. Il me semble qu'il faudra négocier dur pour pouvoir donner un semblant d'ordre à tout cela. Par ailleurs, dès lors que l'on parle de la ZLEA, cela implique des négociations à l'échelle de l'OMC.
Comment font les pays pour jongler avec tout cela? Je n'en sais rien moi-même, mais vous pouvez peut-être nous donner des idées là-dessus. Il est important de savoir ce qu'en pensent les industriels. Ils nous ont expliqué quelles étaient les interventions qu'ils avaient à faire lors des négociations à l'OMC, et j'aimerais que vous nous disiez ce qui se passe là-bas.
Quant au cinquième point de votre exposé, vous et moi avons déjà discuté de la situation de l'industrie sucrière au Canada, puisqu'elle joue un rôle important pour beaucoup d'entre nous. Vous avez dit que ce qui avait été fait au Costa Rica pourrait, en partie, servir d'exemple à certains des autres pays. J'avais entendu dire, pour ma part, que le Costa Rica ne devrait pas nous servir d'exemple dans ce domaine.
J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus, car nous en avons déjà discuté vous et moi. Plus précisément, j'aimerais savoir comment, à votre avis, nous allons faire pour donner un semblant d'ordre à cette Zone de libre-échange des Amériques, étant donné que tous les pays visés sont à ce point différents les uns des autres. J'imagine qu'il en va de même à l'OMC, mais la ZLEA nous touche de plus près.
M. Claude Carrière: Je tenterai de répondre à vos questions, et je commence par la dernière,celle du sucre.
L'Accord du Costa Rica ne touche pas uniquement le sucre, mais nous consultons les représentants de l'industrie sucrière. Nous savons que ces gens préféreraient que cette libéralisation des échanges se fasse à l'échelle de l'OMC plutôt qu'à celle de la ZLEA, sans doute parce qu'ils ont l'impression que les États-Unis se refuseront à ouvrir le marché américain du sucre dans le cadre d'une ZLEA. Il faut comprendre que l'industrie sucrière s'intéresse surtout au marché américain et voudrait avoir un plus grand accès à ce marché. C'est ce que nous essaierons de lui obtenir à l'OMC, mais aussi à la ZLEA. La façon dont nous ferons jouer notre tarif de 8 p. 100 dépendra des perspectives d'accès au marché américain et de la possibilité, à Genève, de corriger certaines des pratiques néfastes auxquelles s'adonnent d'autres exportateurs de sucre.
Fort heureusement, le calendrier des négociations de part et d'autre est semblable. Les deux tribunes ont un calendrier très ambitieux qui vise à conclure les négociations d'ici 2005. Quant à nos négociateurs, qu'ils s'occupent d'agriculture, d'investissements ou de services, ce sont les mêmes gens qui négocient à Genève ou à Panama. Nous tenterons d'atteindre le même objectif, en suivant parfois des voies quelque peu différentes, selon que nous nous trouvions à une tribune ou à une autre et aussi pour des raisons d'ordre tactique, mais l'un dans l'autre, notre objectif est le même: promouvoir et défendre les intérêts canadiens de l'industrie sucrière ou d'autres.
Votre question plus générale sur les pays en voie de développement est de taille. Nous nous la posons nous-mêmes tout au long de nos négociations bilatérales avec le Costa Rica, et celles que nous avons avec les quatre pays de l'Amérique centrale et le CARICOM; nous nous la posons également dans le cadre du Programme de développement de Doha. Comme le signalait plus tôt M. Stephenson, nous devrons poser quelques questions clés dans certains des secteurs qui sont les plus sensibles pour le Canada. Mais en parallèle—et c'est principalement ce à quoi je m'emploie—nous devrons essayer d'obtenir un plus grand accès aux marchés des pays en développement.
J'envisage, pour ma part, une négociation de libéralisation des échanges à l'OMC comme une voie à deux sens. Non seulement voudrons-nous offrir un plus grand accès au Canada aux pays en voie de développement, mais nous chercherons également à avoir nous-mêmes un plus grand accès à ces pays, que ce soit en fonction des mesures tarifaires ou non tarifaires. Nous essaierons de faire en sorte que les règles du jeu soient les mêmes pour tous et que nous ayons un plus grand marché à partager.
» (1715)
M. Rick Casson: Merci, monsieur le président.
[Français]
Le président: Madame Lalonde, est-ce que vous avez des questions?
Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Oh, oui!
Le président: D'accord, voilà.
Mme Francine Lalonde: Bonjour, monsieur Carrière. Merci de votre intervention.
Je vais aller droit à une de mes nombreuses préoccupations. Vous avez sans doute vu qu'avec le Bloc québécois, nous avons fait une tournée mexicaine de plusieurs secteurs politiques, gouvernementaux, du monde de la société civile, des gens d'affaires.
Il y a trois questions, en fait, mais j'en ai d'abord une principale sur l'idée d'un fonds social. Vous avez parlé des petites économies qui pouvaient avoir des problèmes. Mais comparé aux autres économies de l'Amérique du Sud et de l'Amérique centrale, le Mexique apparaît être un gros joueur. Pourtant, le Mexique vit la difficulté. Même s'il exporte 87 ou 88 p. 100 de ses produits vers les États-Unis, il reste qu'il y a, à l'intérieur du Mexique, des gagnants et des perdants et qu'il y a des problèmes d'ajustement, comme l'Union européenne en a connu avec des pays comme le Portugal, l'Espagne, l'Irlande et la Grèce.
C'est ça qui avait poussé M. Vicente Fox à considérer l'idée d'un fonds social et qui nous a fait trouver que c'était une zut de bonne idée. Est-ce que, dans les négociations qui prennent place directement ou dans les discussions qui tournent autour de cette éventuelle zone de libre-échange, on parle d'une idée semblable? C'est ma première question: est-ce qu'on en parle?
Deuxièmement, est-ce que vous voyez une ouverture? De notre côté, nous allons essayer de convaincre le gouvernement canadien de mettre cela dans ses positions.
» (1720)
M. Claude Carrière: On a porté à mon attention votre visite au Mexique. En fait, apparemment, vous étiez à la même école d'espagnol que le nouveau ministre des Affaires étrangères.
Mme Francine Lalonde: Oui, le même fil.
M. Claude Carrière: La question du fonds social n'est pas nouvelle. Je pense que M. Fox l'a soulevée, mais elle a déjà été soulevée. Ce n'est pas une question qui est traitée directement à la table de négociation. Ce n'est pas une question qui est normalement traitée dans un accord de libre-échange; c'est une question beaucoup plus large. Les ministres du Commerce n'ont généralement pas ce genre de programmes à leur disposition. En fait, il existe déjà une institution dans la région, la Banque interaméricaine de développement, qui est très active, dont nous sommes membres et à laquelle nous participons de façon sensible. Nous pensons que le meilleur moyen de financer des développements est d'utiliser les mécanismes qui existent déjà.
Mme Francine Lalonde: Monsieur Carrière, excusez-moi. Je dois vous arrêter.
C'est une réponse qu'on nous a faite, et nous aussi avons fait une recherche. L'inconvénient, c'est que la Banque interaméricaine de développement, d'après nos informations, fonctionne avec des prêts, alors que si le fonds en Europe a vraiment permis à des économies comme celles du Portugal et de l'Espagne de décoller--et il y en a qui les regardent aller maintenant--, c'est parce que c'étaient carrément des investissements de la part de ceux qui étaient déjà dans cette union et qui disaient que ces pays-là ne pourraient pas--ce n'était pas seulement de la charité--concurrencer, qu'ils ne pourraient pas acheter leurs produits de façon suffisante, qu'ils n'allaient qu'exporter leurs produits et qu'ils ne seraient pas aussi des importateurs.
Est-ce que cette logique n'est pas de beaucoup supérieure, et pour les pays qui sont en demande et pour les pays qui veulent élargir sérieusement le marché?
M. Claude Carrière: La question du plan social européen, on l'a déjà étudiée. Il faut regarder aussi ce qu'est l'Europe, la construction de l'Europe et ses débuts, et savoir que les objectifs étaient beaucoup plus ambitieux que ceux, beaucoup plus modestes, auxquels le Canada souscrit pour l'Amérique. Quand on compare ce qui s'est fait en Europe et ce qui pourrait se faire dans les Amériques, on voit qu'il y a vraiment une grosse différence d'objectifs. Donc, un mécanisme qui s'applique et qui est approprié à l'Europe, étant donné ses objectifs beaucoup plus ambitieux, n'est pas nécessairement transférable aux Amériques, où nous sommes beaucoup plus modestes.
Mme Francine Lalonde: « Modeste » est un mot bizarre pour expliquer que les riches veulent demeurer riches et aider les pays qui ont plus de difficultés, mais qui ont des potentiels de croissance formidables seulement en ouvrant les marchés, alors que tout le monde sait, par exemple, que s'ils n'ont pas des infrastructures suffisantes--et j'en parle au sens large; il ne s'agit pas seulement des infrastructures de transport--, ils ne seront pas vraiment dans la situation de concurrencer avec nous, ni même d'être les acheteurs qu'on souhaiterait. Il y a la recherche à la fois d'un accroissement de la capacité sociale d'un pays et de sa capacité économique.
Vous êtes en train de me dire qu'il faudrait discuter de cela ailleurs pour vous faire donner des mandats, n'est-ce pas? Je comprends. Alors, on va faire cela. Mais merci quand même de l'ouverture.
Je voudrais savoir concrètement de quel chapitre il s'agit. Vous avez dit que vous aviez fait un peu de ménage dans les crochets. Est-ce que vous avez touché aux investissements, soit au chapitre 11 de l'ALENA, qui, vous le savez, nous chatouille beaucoup? Avez-vous touché à ça?
» (1725)
M. Claude Carrière: Je suis convaincu que les gens du groupe de négociation nettoient également ce chapitre. À ma connaissance, selon les rapports que j'ai eus, tous les groupes progressent dans ce domaine. Il y a aussi de nouvelles propositions qui ont été faites, même par le Canada.
Mme Francine Lalonde: Vous ne pouvez pas nous en donner la teneur?
M. Claude Carrière: Des propositions canadiennes? C'est sur notre site web.
Mme Francine Lalonde: Les nouvelles propositions canadiennes seraient sur le site web. Alors, ce serait bien que vous nous avertissiez de cela. Vous savez, on a plusieurs sites web à surveiller quand on est aux Affaires étrangères. On ne passe pas notre temps à vérifier s'ils changent d'un jour à l'autre, surtout qu'il n'y a pas de date là-dessus.
M. Claude Carrière: Il change assez souvent.
Mme Francine Lalonde: Comme historienne, pour moi, c'est un grand problème parce qu'il n'est plus possible de faire de l'histoire, mais ça, c'est autre chose.
M. Claude Carrière: On va voir cela.
Mme Francine Lalonde: En gros, quelle en est la teneur? Vous qui êtes le négociateur, vous devez le savoir.
M. Claude Carrière: C'est très similaire aux interprétations que la Commission de l'ALENA a entérinées en juillet.
Mme Francine Lalonde: Bon, on va regarder ça parce que ce n'est pas suffisant pour nous.
Dans le cas des services, est-ce que c'est avancé?
M. Claude Carrière: Je dirais que ça progresse.
Mme Francine Lalonde: Vous m'inquiétez quand vous dites que ça progresse.
M. Claude Carrière: Pour les services, ils ont deux tâches: nettoyer le texte du mieux qu'ils le peuvent et aussi faire les recommandations sur les modalités de négociation.
Mme Francine Lalonde: Je vais vous poser une question précise. Vous savez que dans le modèle québécois--vous permettrez que je l'appelle comme ça indépendamment des orientations politiques--, il y a beaucoup d'institutions qui donnent des services, mais qui ne sont pas seulement des propriétés publiques. Ce sont des propriétés privées, mais subventionnées par l'État. Donc, ce ne sont pas des propriétés publiques, mais on trouve que c'est un modèle qui marche bien. Un ancien négociateur m'avait dit ici--ce n'était pas dans cette salle mais à cette même table--, en réponse à une question que je lui posais sur les garderies à 5 $, qu'il faudrait les protéger parce qu'elles pourraient être couvertes si on ne prévoyait pas le faire. Votre approche protège-t-elle ce qui est, par exemple, du ressort de ces organismes qui sont privés, mais financés par l'État?
M. Claude Carrière: J'ai mentionné plus tôt que nous avons un objectif dans une négociation, et cet objectif est le même, que ce soit à l'OMC, dans un accord bilatéral ou dans la Zone de libre-échange des Amériques. Dans le domaine des services, nous avons sensiblement les mêmes positions. Il y a peut-être des différences de tactiques étant donné que le forum est différent, mais le fond est identique. Nous allons protéger notre droit de réglementer dans les mêmes secteurs et nous avons annoncé que nous le ferons dans le domaine du GATT, que ce soit pour l'éducation publique, la santé ou la culture.
Mme Francine Lalonde: La culture. Je vous arrête. Dans cette entente, on fonctionne par listes négatives. J'ai lu que les négociations n'ont pas encore atteint le stade où des questions plus vastes ont été soulevées. Le traitement de la culture ne figure donc pas dans les ébauches de textes, etc. Selon votre interprétation, où la négociation en est-elle rendue par rapport à l'engagement du Canada, qui était de prévoir dans le préambule quelque chose pour exclure...? Ce qu'on nous dit, c'est que ce n'est pas fait.
M. Claude Carrière: Notre proposition de préambule est toujours sur la table et elle sera reflétée dans un texte de préambule qui sera présenté au ministre en octobre prochain, d'une part.
D'autre part, le groupe de négociation sur les services n'a pas encore fait de recommandations sur l'approche de négociation. Donc, que ce soit positif ou négatif, c'est encore en discussion. Mais quelle que soit l'approche qui sera choisie, nos positions seront les mêmes. Nous ne négocions pas dans certains domaines; je vous les ai déjà mentionnés. Nous allons continuer à protéger nos secteurs, que ce soit à l'OMC, dans la Zone de libre-échange des Amériques ou dans un accord bilatéral avec Singapour ou l'Amérique centrale.
Mme Francine Lalonde: Je peux vous dire que dans les discussions qu'on a eues après le Sommet de Québec avec les gens des ambassades--je ne les nommerai pas, mais ce sont des gens de pays importants d'Amérique du Sud--de même qu'avec le Mexique, ils étaient plus sensibles à cette nécessité de protéger la culture. Certains l'étaient déjà beaucoup et d'autres, même le Mexique, le deviennent davantage. On connaît par ailleurs les Américains mais là, on peut toujours s'exclure. Ça demeure possible.
Finalement, puisque le président me laisse aller, ce dont je suis très contente...
» (1730)
Le président: Non, non...
Mme Francine Lalonde: J'en ai plein encore, vous savez.
Le président: Allez-y, madame. On est ici pour ça.
Mme Francine Lalonde: Quand il est tard ou de bonne heure, on est toujours l'opposition, toute l'opposition, n'est-ce pas, monsieur O'Brien?
Le président: Avec M. Carrière, nous sommes entre bonnes mains.
Mme Francine Lalonde: Sur la propriété intellectuelle, où en êtes-vous?
M. Claude Carrière: Au même point que les autres. Le groupe de négociation essaie de réduire le nombre de crochets, de condenser le texte, de le travailler.
Mme Francine Lalonde: Est-ce que vous vous êtes un peu disputés sur la question des brevets, par exemple?
M. Claude Carrière: Sur la question des brevets, les mêmes pays qui portaient le flambeau pour certaines écoles de pensées à Doha font partie de la Zone de libre-échange. Donc, les positions sont les mêmes et elles seront traitées dans le cadre de la négociation.
Mme Francine Lalonde: Merci.
Vous allez venir nous voir régulièrement. J'aimerais vous parler maintenant de l'échéancier parce que dans notre voyage, de même que dans les rencontres que nous faisons ici, mais surtout au Mexique, nous avons rencontré, comme je vous l'ai dit, des gens d'affaires: le sous-secrétaire aux Affaires étrangères, le ministre de l'Économie, et il n'est pas évident qu'on pense que ça pourra se terminer pour 2005.
La crise en Argentine et les répercussions qu'elle va avoir, l'attitude du Brésil, qui n'est pas chaud, chaud, chaud... Même si le Brésil a gagné à l'OMC, le résultat n'est pas, pour lui, celui qu'il souhaitait. Ne se peut-il pas que cela ralentisse les négociations?
M. Claude Carrière: Qu'est-ce qui ralentirait les négociations? La crise en Argentine?
Mme Francine Lalonde: La crise en Argentine, l'opposition de certains pays.
M. Claude Carrière: Le Brésil--ce n'est pas un secret--, pendant plusieurs années, depuis le début du processus en 1994, n'a jamais été très enthousiaste. Il a toujours préféré construire le MERCOSUR et s'étendre par cercles concentriques en Amérique du Sud pour renforcer sa position géostratégique. Il y avait également peu d'intérêt dans sa classe d'affaires et beaucoup de méfiance concernant, surtout, les États-Unis. Mais plus récemment, au Brésil même, il y a plus d'intérêt concernant la Zone de libre-échange qu'il n'y en a jamais eu. C'est la première des choses et c'est déjà une bonne chose car, il y a deux ans, il n'y avait pas d'intérêt
» (1735)
Mme Francine Lalonde: C'est ce que les gens d'affaires nous disent.
M. Claude Carrière: Donc, c'est là et ils doivent composer avec ça, traiter avec ça. Il y a donc déjà plus d'ouverture.
Deuxièmement, les Brésiliens disent que la Zone de libre-échange doit être dans leur intérêt et que ça doit traiter de questions qui les intéressent, comme l'agriculture, les mesures antidumping, les mesures phytosanitaires, qui empêchent le Brésil d'exporter ses oranges ou... Or, ce sont toutes des questions à l'ordre du jour de la négociation. Ni les États-Unis ni aucun autre pays ne peuvent, dans la négociation, garantir au Brésil qu'il aura au début le résultat qu'il veut à la fin. Ça ne se fait pas. Mais les Américains n'ont pas exclu de la négociation les questions qui intéressent les Brésiliens. À Buenos Aires, il y a des préoccupations concernant le Trade Promotion Authority, mais encore là, ça démontre tout simplement que c'est sensible aux États-Unis. Et même la situation actuelle n'empêche pas les États-Unis de négocier dans ces secteurs-là. Cela rend les choses un peu plus difficiles, mais ça n'empêche pas la négociation.
Tant que ces questions qui intéressent le Brésil sont sur la table pour une négociation, pourquoi se retireraient-ils?
Mme Francine Lalonde: Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a un énorme forum social qui se tient à Pôrto Alegre, au Brésil. On a dit qu'on attendait cette année 60 000 personnes de tous les pays. Il y aura une assez forte délégation du Québec, qui comptera plus de 100 personnes, et peut-être même 130. Deux de nos collègues, Pierre Paquette qui est d'habitude titulaire ici et Stéphan Tremblay, sont là-bas. Nous avons rencontré des représentants du Mexique qui font partie du réseau en frente de, face à la mondialisation et aux accords de libre-échange. Je vous dis cela parce que ça rejoint un peu ma première question.
Pour nous, le fonds social est une mesure positive qui pourrait permettre à des populations conscientes et informées de ne pas s'opposer, parce qu'il y aurait au moins pour elles une chance que ces accords de libre-échange se traduisent par une amélioration de leur situation. Mais en l'absence de perspectives réelles d'amélioration, il y a plusieurs pays dont les populations, en général avec intelligence, voient que l'ouverture rapide des autres marchés à leurs produits ne sera pas évidente et que, donc, leur situation ne s'améliorera pas. En plus, elles savent que ça ne peut pas venir uniquement du commerce. Il faut que le commerce se traduise par la redistribution. Je ne vous dis pas que vous n'êtes pas sensible à cela, mais je vous répète que pendant cette négociation-là, il ne faudra pas penser que ça pourra se faire. Nous allons travailler à faire en sorte qu'il y ait de la solidarité entre les travailleurs et les populations. Nous ne pouvons pas nous dire que nous en profitons au Nord, et tant pis pour les autres. On ne peut surtout pas se dire cela depuis le 11 septembre, et c'est vrai partout dans le monde. Je vous dis ça parce que normalement, si on ne se fait pas manger par vous savez quoi, vous allez en entendre beaucoup parler. Je pense que vous ne voyez pas d'objections à avoir d'autres mandats.
M. Claude Carrière: Madame Lalonde, je ne suis pas en désaccord sur ce que vous dites, mais je suis un négociateur commercial, alors que les questions que vous soulevez sont des questions d'ordre social. Il y a des besoins criants en matière d'investissements sociaux dans les pays d'Amérique latine et les Caraïbes. C'est tout à fait évident. La solution ne viendra pas directement d'un accord de libre-échange. Ça peut contribuer à accroître la richesse, mais la distribution de la richesse...
Mme Francine Lalonde: Más o menos.
[Traduction]
Le président: Monsieur O'Brien.
M. Pat O'Brien: Je sais que le représentant de l'ACDI est parti, mais vous pouvez peut-être nous dire, monsieur Carrière, ou quelqu'un d'autre...
M. Claude Carrière: J'en ai un autre.
M. Pat O'Brien:Très bien. Nous discutons de ce fonds social dont a parlé Mme Lalonde. Comme vous l'avez signalé, l'idée est loin d'être nouvelle. J'aimerais que vous nous parliez un peu des sommes que l'ACDI a investies dans ces pays.
Également, les députés du Bloc essaient constamment, monsieur le président, de comparer la ZLEA à l'UE. Ils semblent souhaiter une union interaméricaine ou quelque chose de ce genre, puis leur union des Amériques. Je suppose que c'est l'objectif du Bloc. Je trouve cela un peu bizarre.
Nous suivons l'évolution de l'Union européenne depuis 40 ans. Il s'agissait au départ d'une communauté assez limitée. Elle a continué à évoluer, mais ce ne sont pas tous les pays qui ont adopté l'euro à l'heure actuelle. Et pourtant, mes collègues du Bloc semblent dire qu'ils souhaitent quelque chose de semblable.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. N'est-ce pas un peu utopique? Même si le Canada et tous ces pays souhaitaient s'orienter dans cette voie, ce dont je doute sérieusement, même si les nations des Amériques décidaient d'opter pour cela, croyez-vous qu'il faudrait longtemps, compte tenu de l'expérience de l'Union européenne? Nos amis du Bloc semblent croire que nous pourrions reproduire rapidement la même chose dans l'hémisphère occidental. C'est du moins l'impression que j'ai.
M. Carrière peut peut-être répondre. J'écouterai plus tard avec plaisir ce que Mme Lalonde a à dire.
» (1740)
Le président: Évitons toutefois de nous lancer dans un débat abstrait.
M. Pat O'Brien: Non, non.
Le président: Monsieur Carrière.
M. Claude Carrière: Je ne parlerai que des aspects techniques. Ce que nous négocions, c'est une zone de libre-échange des Amériques, qui constitue un niveau élémentaire d'intégration du point de vue économique.
L'échelon suivant, en théorie, c'est une union douanière, et ce n'est pas ce que nous négocions, en vertu de laquelle non seulement les pays commercent librement entre eux mais ils ont aussi une politique commune de commerce extérieur. Ils mettent généralement sur pied une institution qui régit ce domaine. C'est ainsi qu'est née l'Union européenne, il y a bien des années, comme vous l'avez dit, monsieur O'Brien. On peut ensuite ajouter d'autres caractéristiques, entre autres à ce qui a trait à la libre circulation de la main-d'oeuvre et des capitaux. Ces choses-là ne sont pas non plus au programme des Amériques.
Les moyens d'intégration relèvent bien sûr de décisions politiques. Mais cela ne figure pas actuellement à notre programme.
» (1745)
M. Pat O'Brien: J'apprécie cette réponse, monsieur le président. Je ferai simplement remarquer qu'il a fallu 40 ans de décisions politiques en Europe et que ce n'est pas fini, puisque même l'adoption de l'euro n'a pas fait l'unanimité. De toute façon, merci beaucoup, monsieur Carrière.
J'aimerais que le représentant de l'ACDI nous donne une idée des sommes qui... Il faut faire remarquer que le Canada n'espère pas simplement libéraliser ses échanges commerciaux avec ces pays. Le Canada a pris des engagements sérieux à aider ces pays à améliorer leur situation, si je me souviens bien. Ce ne sera peut-être pas grâce à ce fonds social dont parle maintenant le président Fox, mais il ne faut pas oublier que les Canadiens ont au moins le mérite d'avoir aidé ces pays.
Pourriez-vous s'il vous plaît me dresser un tableau rapide?
M. Claude Carrière: Merci, monsieur le président. Si vous me le permettez, je vous présente Stephen Free, de la Direction générale des Amériques de l'ACDI. Il est également le principal représentant canadien du Groupe consultatif des pays plus petits, de la ZLEA.
Stephen.
M. Stephen Free (directeur général, direction générale des Amériques, Agence canadienne de développement international): Merci.
Pour vous donner une petite idée, je dirais que l'ACDI verse actuellement environ 120 millions de dollars canadiens aux pays d'Amérique latine et des Caraïbes par le truchement de notre programme bilatéral. D'une façon générale, si on inclut l'aide que nous versons à des organismes non gouvernementaux et à des institutions par le biais d' institutions financières internationales, ce chiffre est de 200 à 210 millions de dollars par an.
Notre contribution au programme de la BID s'élèvera à elle seule à quelques 40 à 45 milliards de dollars, pour les quatre à cinq prochaines années, dans toute l'Amérique latine et les Caraïbes. Cet argent est versé aux pays de la région pour les aider à régler un certain nombre de problèmes sociaux et économiques auxquels donnera lieu la ZLEA et pour les aider dans leur développement en général. Et cela ne comprend pas l'aide qui sera accordée par le truchement de la Banque de développement des Caraïbes, de la Banque centraméricaine d'intégration économique ou d'autres mécanismes par lesquels on verse une aide au développement.
M. Pat O'Brien: Merci.
Monsieur le président, je dirai pour conclure que cette idée d'un fonds social est intéressante et qu'elle doit donner lieu à un débat politique. Mais, comme l'a fait remarquer M. Carrière, cela ne fait pas partie d'un accord commercial. Merci des explications qui montrent à quel point le Canada est déjà actif dans ces pays. Cet argent et ces efforts pourraient être orientés plus tard vers un fonds quelconque, si c'est ce que décident les participants, mais cela pourrait difficilement faire partie des négociations commerciales.
Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Valeri.
M. Tony Valeri: Monsieur le président, j'ai une question au sujet des petites économies. J'aimerais en fait avoir une précision, puisqu'il s'agit aujourd'hui d'une réunion d'information. Je sais que nous étudierons ces questions plus en détail.
Dans l'accord, on dit que le Canada se préoccupe de l'intégration des petites économies et qu'il appuie l'inclusion de certaines mesures. Pourriez-vous donner des exemples au comité, des exemples détaillés peut-être de certaines de ces mesures? Que ferons-nous entre autres pour veiller à ce que les petites économies participent à cette entente et y soient bien intégrées?
M. Claude Carrière: Tout d'abord, je dirais avant de répondre que ce que nous voulons obtenir, c'est un engagement unique, une entente qui confère les mêmes droits et les mêmes obligations à toutes les parties, que leurs économies soient grandes ou petites.
Nous croyons que les petites économies pourraient procéder un peu différemment du Canada ou des États-Unis, par exemple, mais elles auront en fin de compte les mêmes droits et les mêmes obligations dans l'accord.
Parmi les techniques qui pourraient être élaborées pour aider les petites économies à traverser une période de transition, il y a surtout l'établissement d'échéanciers différents pour ce qui est de certaines obligations—par exemple, pour la réduction des tarifs, car dans une zone de libre-échange, l'objectif est avant tout d'éliminer la majeure partie des tarifs douaniers. Mais une économie plus petite peut avoir besoin d'une période plus longue pour réduire ces tarifs que le Canada ou les États-Unis.
Par exemple, ces pays peuvent négocier des exemptions en sus de celles que les grands pays peuvent négocier. Ils peuvent obtenir des engagements plus directs de pays comme le Canada, à les aider à se doter des ressources nécessaires pour profiter des débouchés qui sont négociés dans l'accord ou pour se doter des ressources nécessaires au respect des obligations qui assortissent l'entente dans un certain nombre de domaines.
Certains de ces programmes existent déjà. Par exemple, je ne sais pas si cela se fait encore, mais l'ACDI finançait en grande partie les négociations régionales des Caraïbes et elle offre également, de concert avec la Banque interaméricaine de développement, une aide considérable...
Le fait-elle encore, Stephen? Oui. L'ACDI verse des sommes importantes pour former des fonctionnaires et mettre en place des mécanismes qui permettent de consulter, à l'échelle nationale, les parties intéressées, les industries et les autres intervenants qui s'intéressent à la situation.
Il y a donc déjà de tels investissements. Ils existent également en ce qui a trait à l'Amérique centrale. Les avantages de ces mesures ne se font pas sentir seulement au niveau régional mais aussi en ce qui a trait à l'OMC. Si les gens des Caraïbes et de l'Amérique centrale sont plus aptes à négocier, s'ils possèdent de meilleurs renseignements sur leurs intérêts économiques et commerciaux et sur les intérêts de leurs pays, ils peuvent mener de meilleures négociations et signer un accord plus durable qui tient compte des intérêts de leur économie et de leur population. En fin de compte, c'est mieux pour nous puisqu'ils peuvent démontrer que ces mesures permettent de régler leurs problèmes locaux.
Ce sont des exemples de ce que nous faisons. Et je sais que les États-Unis en font autant par le truchement de l'ASAID.
Également, nous leur apportons une aide dans le domaine des douanes. Nous enseignons dans ces pays des techniques comme l'évaluation en douane et l'application des droits, ainsi que des systèmes en vue d'améliorer leurs règlements et leurs techniques phytosanitaires afin qu'ils soient mieux en mesure d'exporter dans les pays industrialisés et d'offrir à leur propre population des aliments de grande qualité. Nous partageons donc tous un même objectif, soit le développement de leur économie et de leur société.
» (1750)
M. Tony Valeri: Bon, merci.
M. Bob Speller (Haldimand--Norfolk--Brant, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je pourrais peut-être passer des petites économies à une économie plus importante, non pas la plus importante de toutes, mais assurément un secteur qui nous posera des problèmes à l'avenir; je veux parler du secteur de l'agriculture, et plus particulièrement du Brésil.
Je me demande, madame Vinet, quelle sera à votre avis l'issue de ces négociations pour ce qui est d'aider les agriculteurs canadiens, en particulier les céréaliculteurs de l'Ouest, qui seront confrontés à une forte concurrence de la part d'un pays comme le Brésil? Quelle sera notre position dans ces négociations pour ce qui est d'aider nos agriculteurs canadiens non seulement à avoir accès aux marchés d'Amérique du Sud, mais aussi de pouvoir rivaliser avec un pays comme le Brésil qui offre des céréales et des oléagineux à des prix défiant toute concurrence? Essayez-vous de manoeuvrer dans le cadre de ces négociations pour avoir l'assurance que nous pourrons affronter la concurrence dans le cadre d'un accord commercial comme celui-là?
Deuxièmement, je m'adresse maintenant à M. Carrière, et toujours au sujet du Brésil, je vous demande ce qui se passe dans les relations commerciales entre le Canada et le Brésil, compte tenu des difficultés qui se posent, et en quoi tout cela influe sur les négociations globales? Nous sommes deux des principaux intervenants dans ces négociations et nous ne semblons pas pouvoir nous entendre sur l'interprétation des règles de l'OMC. Quelles en sont les conséquences?
M. Claude Carrière: Je vais commencer par répondre à cela, après quoi Suzanne pourra compléter ma réponse.
Nous avons dans l'ensemble de bonnes relations avec le Brésil, quoique celles-ci pourraient être améliorées et l'on s'efforce d'ailleurs de le faire de part et d'autre. Nous faisons un effort pour renforcer nos communications avec le Brésil, et je pense que c'est réciproque, dans une foule de dossiers, à la fois politiques et commerciaux. Je pense que les deux pays reconnaissent qu'il y a un potentiel inexploité et que nous devrions l'exploiter, parce que nous avons beaucoup en commun et beaucoup à apprendre l'un de l'autre.
Quant aux répercussions sur les négociations, je répète qu'il s'agit de négociations multilatérales, et non pas bilatérales entre le Canada et le Brésil, et que les divergences entre deux pays donnés sur des dossiers précis ont rarement une incidence sur le processus dans son ensemble. Il y a eu d'autres différends entre d'autres pays, par exemple entre les États-Unis et le Brésil, ou encore entre l'Argentine et le Chili, et d'autres différends à Genève sur des dossiers très délicats. Il y a notamment la question de la propriété intellectuelle et il y a aussi un dossier agricole très délicat à l'étude à l'OMC, mettant en cause l'Argentine et le Brésil, à propos des prix d'interdiction décrétés par le Chili. Cela n'a eu aucune incidence sur les négociations elles-mêmes.
Je ne pense pas qu'il y ait une seule personne dans cette salle qui espère plus ardemment que moi que l'on trouve une solution aux différends avec les États-Unis dans le dossier des avions, et c'est dans cet état d'esprit que je me rendrai à New York vendredi prochain. Je pense que les décisions des comités, le comité Pro-ex l'été dernier et celui sur le dossier d'Air Wisconsin qui a été rendu public lundi, renferment les germes d'une entente. On y énonce très clairement les règles qui doivent être appliquées par les deux parties et je suppose que c'est maintenant la tâche des négociateurs de trouver les éléments voulus pour opérer un rapprochement. Et l'on verra à New York la semaine prochaine le début de ce processus.
Sur les dossiers agricoles, en fait, si nous pouvions éliminer le tarif imposé sur le blé par le MERCOSUR, nous pourrions exporter au Brésil, qui est un important acheteur, et les Brésiliens auraient alors le choix entre du blé canadien et du blé argentin et les règles du jeu seraient alors plus neutres.
Suzanne.
» (1755)
Mme Suzanne Vinet: Essentiellement, il ne faut pas oublier que nous abordons vraiment l'ALEA comme une négociation sur l'accès aux marchés. Nous examinons la question des règles dans le contexte plus large de l'inégalité des chances, si vous voulez; nous l'examinons dans le contexte des négociations agricoles de l'OMC. Quant à ce que cela va représenter pour les agriculteurs canadiens, un meilleur accès au marché brésilien sera très important. Au bout du compte, cela devrait avoir une incidence tout à fait positive dans le contexte de l'ALEA parce que cela devrait atténuer certains des désavantages que nous avons sur les marchés d'Amérique latine actuellement.
Vous vous souviendrez aussi que le Brésil est membre du Groupe de Cairns dont nous sommes nous-mêmes membres si bien que nous travaillons en gros dans le même sens, nous assurant que nous pouvons faire face à la concurrence en fonction de notre avantage comparatif. C'est en tout cas ce que nous faisons dans le contexte multilatéral.
Étant un pays en développement, le Brésil recherche de toute évidence un traitement spécial dans le contexte de ce que nous faisons à l'OMC mais je pense que, fondamentalement, nous travaillons dans le même sens. Je répète ce qu'a dit Claude, à savoir que pour l'agriculture aussi nous avons des relations assez positives avec les Brésiliens dans ces négociations, tant dans le contexte de l'ALEA que de l'OMC.
M. Bob Speller: Sommes-nous toutefois d'accord avec eux pour notre accès aux marchés?
Mme Suzanne Vinet: Dans le contexte de l'ALEA spécifiquement?
M. Bob Speller: Non, de l'OMC. Vous avez dit que nous...
Mme Suzanne Vinet: Pour ce qui est de l'OMC, c'est certainement un des pays qui veulent que l'on ouvre rapidement l'accès aux marchés et qui aimeraient que l'on élimine le plus vite possible tous les tarifs, à tous les niveaux. Donc, évidemment, nous sommes loin de partager leurs vues à ce sujet, mais lorsqu'il s'agit des subventions à l'exportation et de leur élimination, nous sommes certainement du même avis. Et lorsqu'il s'agit de radicalement diminuer les niveaux d'aide qui faussent les échanges, là encore nos vues se rejoignent.
Pour l'accès aux marchés, je dirais que nos deux pays veulent des améliorations. Il y a peut-être quelques distinctions à faire quant au détail de ce que cela signifie mais, de façon générale, nous visons de part et d'autre une réforme globale de l'agriculture.
M. Bob Speller: D'accord, merci.
Le président: Bien. Là-dessus, monsieur Carrière, madame Vinet, monsieur Wilson, monsieur Brereton et monsieur Free ainsi que tous vos collaborateurs, merci beaucoup de la part du comité. Comme nous l'avons déjà dit, nous espérons que le dialogue va pouvoir se poursuivre et que nous pourrons avoir recours à vos services et à votre ministère de temps à autre si nous avons besoin de renseignements. Nous espérons que vous voudrez bien alors nous aider.
Par ailleurs, s'il y a du nouveau d'ici la fin de cette étude, peut-être voudrez-vous bien en aviser le greffier du comité. Sur ce, bonne soirée.
Avant que nous ne levions la séance, j'ai pensé à quelque chose tout à l'heure: peut-être devrions-nous envoyer une lettre à tous les députés qui peuvent très bien avoir des suggestions et des recommandations à faire à notre comité sur ces deux sujets, en leur demandant de nous répondre d'ici au 1er avril. Je pense que cela donnerait à tous le temps voulu. Êtes-vous d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Bien. Nous le ferons donc.
La séance est levée.