Passer au contenu
Début du contenu

FINA Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

ORIENTATIONS NOUVELLES : OPINION DISSIDENTE
Nelson Riis, député, NPD

Au cours des quatre dernières années, le gouvernement libéral, avec le soutien enthousiaste du Parti réformiste, n'a eu en tête qu'une seule approche de la réduction du déficit : des coupes radicales dans les programmes, les mises à pied les plus importantes de l'histoire du Canada, la liquidation de certains des actifs les plus précieux de notre pays, l'élimination de ministères, d'organismes, de réseaux, d'institutions et d'alliances qui donnaient de la substance à notre tissu social et culturel, et l'appauvrissement de tous les programmes qui procurent un soutien économique à ceux qui ont besoin d'aide.

Le refrain persistant du gouvernement a toujours été le même : nous n'avons pas le choix.

Le paradoxe le plus dramatique, c'est qu'il y avait, qu'il y a toujours une autre solution qui aurait permis au gouvernement d'atteindre son objectif initial de réduction du déficit sans aucune des douloureuses coupes des dépenses qui étaient censées être au centre de la stratégie de réduction du déficit du gouvernement.

Le défi qui se pose actuellement au gouvernement ne consiste pas seulement à déterminer la façon d'allouer les dividendes fiscales mais d'assurer que les dividendes anticipées se matérialisent. Les Canadiens répètent au gouvernement que leurs priorités sont leur sécurité économique, leur santé, leurs enfants et leur éducation. Rétablir l'équilibre dans l'économie canadienne sous-entend qu'il faut utiliser notre capacité fiscale améliorée pour réinvestir dans notre pays et avoir un impact positif sur la vie et les perspectives des Canadiens qui ont déjà fait suffisamment de sacrifices dans le cadre de la lutte contre le déficit.

Les valeurs

Dans les observations préliminaires qu'il a faites au Comité, le ministre des Finances, Paul Martin, a déclaré : « Certains estiment que le débat qui nous attend est strictement financier. Il n'en est rien. C'est un débat sur les valeurs. »

Comme beaucoup de Canadiens qui comparaissent devant le Comité, les néo-démocrates se félicitent de ce débat. Le présent rapport dissident assurer que les valeurs, les préoccupations et la voix de la vaste majorité des Canadiens trouvent leur expression dans les pages et les recommandations du rapport.

Depuis un an et demi, le gouvernement libéral soutient que toutes les conditions économiques fondamentales sont en place. Le ministre des Finances se vante du fait que « le pays entre dans une ère nouvelle ». Les Canadiens ne demandent pas mieux que de partager cette confiance. Mais, pour beaucoup, son message qui en dit le plus long, c'est que « le gouvernement a détruit sa carte de crédit ».

Ce message, c'est que, même si nous sommes en bien meilleure posture, nous ne pouvons plus nous permettre ce qui nous paraissait autrefois aller de soi. Les investissements collectifs que nous faisions autrefois pour améliorer la qualité de notre vie nationale et jeter les assises d'une société en santé, instruite, équitable et solidaire n'ont été qu'une extravagance du passé, et non un moyen de bâtir un avenir meilleur pour nous tous. Aujourd'hui, il faut se débrouiller seul.

Des douzaines de témoins se sont présentés devant le Comité pour dire aux libéraux que leurs valeurs fondamentales étaient mal placées. Le gouvernement fédéral a peut-être équilibré ses livres, mais c'est le désordre qui règne dans l'économie.

Pour plusieurs, il semble que la richesse du Canada diminue au fur et à mesure que nous accumulons de l'argent. L'économie tourne à plein régime, la bourse monte, nous amassons de plus en plus d'argent tous les jours. Mais, mystérieusement, il nous manque d'argent pour arracher les enfants à la pauvreté ou donner à nos jeunes gens la formation nécessaire pour occuper des emplois convenables, ou encore pour verser aux travailleurs et aux travailleuses un salaire qui leur permette de vivre. Il n'y a pas assez d'argent pour subvenir au besoin d'un des systèmes de soins de santé les meilleurs au monde. Et il n'y a certainement pas d'argent pour créer des emplois. De surcroît, on nous répète sans cesse que le gouvernement ne peut pas créer d'emplois et ne doit même pas essayer.

Au niveau international, nous sommes peut-être les premiers à équilibrer notre budget, mais les habitants des autres pays industrialisés ont vu leur PIB par habitant augmenter en moyenne de 9,1 %. Seuls les Canadiens ont vu leur niveau de vie baisser. Pour plusieurs autres critères internationaux importants, le Canada se classe au deuxième rang... à partir du bas. Nous sommes, dans le monde industrialisé, au deuxième rang pour le taux de pauvreté chez les enfants, l'indice d'inégalité et la faiblesse de la rémunération des travailleurs à temps plein.

Le Canada a éliminé le déficit financier au prix d'un déficit social massif. L'essentiel de la solution des libéraux a été de refiler le problème du gouvernement à tout le monde - en faisant porter à des niveaux inférieurs de gouvernement le poids de sa dette et en se déchargeant de responsabilités sur les provinces, les simples citoyens et, impitoyablement, sur les pauvres. Au lieu de se joindre aux libéraux qui se félicitent de leurs résultats, d'innombrables témoins ont dénoncé leur intendance. Comme les extraits suivants l'attestent, beaucoup ont sérieusement remis en question les valeurs qui ont guidé les choix du gouvernement.

  • « Les banques à charte encaissent des bénéfices records tandis que les banques d'alimentation sont à court de denrées. Il y a quelque chose qui cloche. »
  • « En pratiquant des coupes radicales dans les transferts, le gouvernement a fait disparaître des soins de santé la notion de COMPASSION. »
  • « Il y a huit ans, 87 % des Canadiens qui perdaient leur emploi et avaient cotisé à l'assurance-chômage touchaient des prestations; la proportion n'est plus que de 37 %. C'est moins qu'en Alabama. »
  • « Le chômage chronique, l'augmentation des frais de scolarité, l'aggravation de la pollution, des soins de santé inadéquats sont les conséquences coûteuses d'une négligence généralisée des valeurs humaines fondamentales. »

La route que nous n'avons pas choisie

Cependant, le témoignage le plus incriminant est celui d'économistes selon qui toutes ces compressions étaient inutiles.

Une étude du Centre canadien de recherche en politiques de rechange démontre que 60 p. 100 de l'amélioration des finances du gouvernement entre 1995 et 1997 sont attribuables à une croissance économique stimulée par des faibles taux d'intérêt. Selon l'analyse que Jim Stanford a réalisée pour le Centre, si le gouvernement avait simplement bloqué ses dépenses au niveau de 1995 et attendu la croissance économique et la baisse des taux d'intérêt, M. Martin aurait pu dépasser ses objectifs officiels de réduction du déficit et ramener le déficit du Canada au niveau le plus bas parmi toutes les grandes économies industrialisées.

L'étude montre que, en appliquant une stratégie de croissance reposant sur des faibles taux d'intérêt pour maintenir la croissance à 4 p. 100, on recueillerait au cours des cinq prochaines années 70 milliards de dollars de plus, montant qu'on pourrait consacrer à de nouveaux programmes, à des allégements des impôts ou au remboursement de la dette.

D'autre part, si la croissance réelle est bloquée par la politique de la banque Centrale voulant que l'on maintienne à tout prix l'inflation aux plus bas niveaux, la dividende fiscale risque de disparaître.

La question qu'il faudrait poser aux Canadiens est « Êtes-vous prêts à consacrer 70 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années pour garder l'inflation près de zéro ? Ou avons-nous d'autres priorités, à savoir lutter contre le chômage, rebâtir notre système de santé et assurer aux étudiants l'accès à l'éducation ? »

Plusieurs personnes qui ont comparu devant le comité, y compris l'économiste Pierre Fortin, croient qu'il est temps de se pencher sur d'autres priorités. Il a exhorté le gouvernement à hausser de 1 p. 100 l'objectif en matière d'inflation pour permettre à la relance économique de suivre son cours jusqu'au bout - un petit risque en comparaison des retombées politiques extrêmement importantes que le gouvernement était susceptible d'en retirer. Ne pas le faire reviendrait «à renoncer à toute croissance du PIB réel par habitant pour toute la période allant de 1989 à 1997 et à déclarer que le taux de chômage du Canada ne descendra pas en deçà de 8,5 p. 100 au cours de cette même décennie».

Chercher du travail

« Le gouvernement canadien se refuse même de parler d'objectifs de réduction du chômage. À la place, ils ont apporté des compressions punitives dans l'assurance-emploi dans un effort, mal orienté, de forcer les personnes vulnérables... à chercher du travail qui n'existe pas, » a dit l'économiste Michael Bradfield au comité.

Le taux de chômage atteint 9,1 p. 100 et a été supérieur à 9 p. 100 pendant 85 mois consécutifs. Le Canada ne s'approche même pas du taux réel de chômage enregistré en 1989, où il avait atteint son niveau le plus bas du cycle précédent, soit 7,5 p. 100. Près de 400 000 de jeunes sont venus grossir les rangs des sans-emplois. Et en octobre 1997, six ans après le début de la reprise économique, il y avait moins d'emplois pour les jeunes qu'en 1993, et près d'un demi-million d'emplois de moins pour les jeunes qu'en 1989.

Dans la conjoncture économique actuelle, la seule vraie croissance de l'emploi réside dans le travail autonome. Entre 1989 et août 1997, l'économie a généré 931 000 nouveaux emplois. De ce nombre, 814 000 emplois, c'est-à-dire 87 p. 100 du total, découlaient de l'augmentation du travail autonome plutôt que de l'embauche d'un travailleur rémunéré par un employeur. Dans 45 p. 100 de ces emplois, les travailleurs gagnent moins de 20 000 $ par année et dans les années 1990, les travailleurs autonomes gagnent toujours moins que les employés.

Les économistes soutiennent qu'en mettant exclusivement l'accent sur l'inflation et en omettant de fixer des objectifs de création d'emplois, le gouvernement élimine du revers de la main 500 000 emplois supplémentaires. Sur une période de cinq ans, la création de 100 000 emplois supplémentaires par année, ferait descendre notre taux de chômage à 5 p. 100.

À la place d'une politique qui crée des emplois et réduit le chômage, la politique gouvernementale vise à assurer que le taux de chômage ne descende pas trop bas. Aujourd'hui, la plus grande inquiétude est de savoir si le gouverneur de la Banque du Canada et le ministre des Finances, Paul Martin, vont laisser la croissance se poursuivre ou s'ils vont tuer dans l'oeuf toute reprise réelle en relevant les taux d'intérêt. Le gouverneur Thiessen a annoncé qu'il entendait relâcher l'accélérateur, et Martin est tout à fait d'accord.

L'expérience récente des États-Unis, où le taux de chômage s'est chiffré à 5 p. 100 ou moins pendant plusieurs mois sans provoquer de spirale inflationniste, montre que la théorie voulant qu'un taux de chômage élevé soit nécessaire pour contrôler l'inflation n'est plus crédible, si elle l'a jamais été.

Et comme a indiqué Jordan Grant au comité : « La notion de garder les gens au chômage pour qu'ils servent de soldats dans une guerre sans fin contre l'inflation est immorale. »

Les Canadiens savent que lorsque le ministre des Finances est déterminé, il se fixe des objectifs et des échéanciers pour arriver à ses fins. C'est ce qu'il a fait avec le déficit, c'est ce qu'il fait avec l'inflation, c'est ce qu'il propose de faire avec la dette. À l'heure actuelle, il a toute une année d'avance sur son objectif en matière de déficit. Or, les Canadiens savent que les objectifs exigent un engagement et que l'engagement appelle des résultats.

Le NPD croit que la priorité économique absolue pour le budget de 1998 consiste à fixer des objectifs pour réduire d'au moins 1 p. 100 par année le taux de chômage et d'élaborer des stratégies spécifiques pour atteindre ces objectifs.

Les réalités sociales par opposition aux réalités financières -
Trouver le juste milieu

« Les Canadiens assistent à une lutte opposant les réalités sociales aux réalités financières - entre investir dans les gens et les besoins humains ou éliminer le déficit en réduisant les programmes sociaux, » a indiqué le Groupe de défense des enfants pauvres. « Le budget fédéral de 1995 vient dissiper tout doute quant à savoir quel côté devrait gagner ... Cette fois, l'investissement social dans les enfants, les jeunes et les familles doit passer en premier. »

En réalité, certains indicateurs sociaux et économiques révèlent qu'à bien des points de vue, le Canada s'engage à reculons dans le nouveau millénaire. Depuis 1989,

  • le revenu moyen des familles a diminué d'environ 5 p. 100;
  • 538 000 enfants de plus vivent dans la pauvreté;
  • le nombre de banques alimentaires a triplé au Canada et la proportion de la population qui les utilise a doublé;
  • le nombre de Canadiens qui déclarent une faillite personnelle a triplé.
Les groupes qui ont comparu devant le Comité ont soulevé d'autres occurrences qui suivent la même tendance :

« Les compressions du fédéral des quatre dernières années dans les soins aux enfants se traduisent par un désinvestissement de millions de dollars d'un secteur qui représente une des pierres angulaires de la politique sociale canadienne - et ce malgré que l'on reconnaisse que le fait d'investir dans les premières années de l'enfance rapporte les plus grands bénéfices. »
Wendy Aitkin, Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance

« Lorsque les jeunes se trouvent finalement un emploi, ils gagnent beaucoup moins que ce que gagnaient les jeunes des générations précédentes... les jeunes travailleurs gagnaient en 1992, 30 p. 100 de moins en chiffres absolus que ce que les jeunes gagnaient en 1981 ... non seulement notre jeunesse d'aujourd'hui est-elle plus affectée que les générations précédentes au même stade de leur vie, mais l'écart entre les jeunes et les travailleurs plus âgés se creuse toujours. »
Professeur Sid Ingerman, Montréal

« On injecte sur une période de trois ans 300 millions de dollars dans un nouveau financement pour les soins de santé. Au cours de ces mêmes trois années, il y aura une réduction accumulée de fonds de 18,9 milliard de dollars. Les 300 millions de dollars représentent 1,5 p. 100 de la réduction en espèces aux provinces et aux territoires. »
Association médicale canadienne

Une autre chance de corriger le tir

Nous avons aujourd'hui une bien meilleure situation budgétaire - et une réalité sociale très différente. Un certain nombre de témoins nous ont signalé que nous avions «cette fois la chance de corriger le tir».

Le vrai test d'une économie saine, ce n'est pas si le gouvernement arrive à équilibrer son budget aux dépens des citoyens, mais s'il peut instituer un climat économique dans lequel les Canadiens et leur famille peuvent équilibrer leur propre budget.

Tout comme en 1994, les plus ardents partisans des réductions des emplois, des réductions des soins de santé, des réductions dans le secteur de l'éducation et des réductions des ressources destinées aux enfants reviennent à la charge. Cette fois-ci, les lobbies des banques et des grandes entreprises affirment qu'on ne doit pas investir dans les programmes sociaux ou très peu et que la presque totalité du dividende budgétaire doit servir à réduire la dette à long terme, et qu'ensuite, la priorité doit aller au rétablissement de la cote triple A de notre dette en devises étrangères, puis à la réduction des impôts pour améliorer notre position concurrentielle.

Au chapitre des services sociaux, certains admettent «qu'il se pose certains problèmes d'équité», mais comme l'a dit Maureen Farrow de Loewen, Ondaatje, McCutcheon, Ltd., «il ne faudrait pas trop en faire».

Les néo-démocrates estiment qu'on néglige les questions d'équité depuis beaucoup trop longtemps. À la veille d'un budget équilibré, les Canadiens doivent saisir l'occasion d'effectuer des investissements stratégiques pour reconstruire à la fois notre économie et nos structures sociales. Une économie plus forte est la clé de la santé à long terme des bilans fédéraux.

Notre démarche consisterait à bâtir une économie en essor créatrice d'emplois qui puisse générer un important dividende budgétaire et fournir une source de recettes permanentes pour remédier au déficit social.

Les priorités du NPD sont les suivantes :

  • Faire du plein emploi l'objectif numéro un du gouvernement en se donnant des cibles en vue de réduire les taux d'au moins 1 p. 100 par an. Il faudrait aussi enjoindre à la Banque du Canada d'accorder elle aussi la priorité à la croissance de l'emploi.
  • Fixer des cibles et un calendrier de mise en oeuvre pour l'élimination de la pauvreté chez les enfants.
  • Effectuer des investissements stratégiques pour rebâtir notre infrastructure publique fragilisée - notre régime des soins de santé, nos systèmes et réseaux d'éducation et de formation, nos industries environnementales et culturelles, le logement social, les services de garde des enfants et les services de soins aux aînés, les routes et autres réseaux des communications.
  • Fonctionner avec des budgets équilibrés durant les cinq prochaines années en visant une croissance du PIB de 4 p. 100 par an et élargir quelque peu la fourchette-cible de l'inflation.
  • Maintenir les niveaux d'imposition globaux à court terme, mais rééquilibrer le régime fiscal de manière à le rendre plus juste et à faire avancer des objectifs plus vastes de la politique sociale comme l'élimination de la pauvreté chez les enfants, un partage plus équitable du fardeau fiscal et l'aide aux étudiants et aux personnes handicapées.
  • Les allégements fiscaux devraient viser en priorité les plus démunis par la voie de crédits d'impôt remboursables comme le crédit de TPS et en exonérant de la taxe de vente fédérale les produits de première nécessité et non en enrichissant les subventions pour les personnes qui gagnent plus de 75 000 $ par an. Lorsque la situation le permettra, il faudrait réduire le taux global de la TPS de 2 points de pourcentage pour promouvoir la création d'emplois et permettre aux consommateurs de souffler.
Si on laisse la reprise économique suivre son cours, le rapport de la dette au PIB va diminuer pour passer de son niveau actuel de 70 p. 100 à environ 50 p. 100 d'ici cinq ans, ce qui représentera une réduction substantielle de la dette et sera bien en deçà de la cible de 60 p. 100 prévue dans l'accord de Maastricht.

Globalement, il faut donner la priorité aux investissements qui vont améliorer notre bien-être économique et social à long terme, aux investissements dans l'éducation, la garde des enfants, la recherche et le caractère durable de l'environnement naturel.