Si certains des problèmes entourant l'admissibilité ont trait au lien entre les prestations d'invalidité et la viabilité financière (dont il est question dans la section précédente), d'autres découlent de la définition d'invalidité à l'article 42 de la loi instituant le annexe B).
La loi sur le RPC lie invalidité et emploi, de sorte qu'une invalidité n'est grave que si elle rend la personne qui en est atteinte régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le problème qui se pose constamment, c'est celui du sens à donner à l'adjectif « grave » pour déterminer le droit à des prestations d'invalidité du RPC. Il faut alors se demander si et dans quelle mesure la situation personnelle des individus doit être prise en considération. Le vérificateur général signale que le fait d'avoir apporté de nombreuses modifications au RPC en publiant de nouvelles lignes directrices au lieu de modifier la loi a eu pour effet d'amener devant la Cour fédérale des causes qui lui demandaient de préciser la nature de la définition en tranchant des questions d'ordre politique. On soutenait en effet que les lignes directrices avaient pour but le resserrement des conditions d'admissibilité et pour conséquence le refus injustifié de prestations à certaines personnes.
Ainsi, le 3 août 2001, la Cour d'appel fédérale a rendu une décision dans l'affaire Villani qui porte sur la définition de « grave ». Elle a conclu que cette disposition de la définition d'invalidité au sens du RPC n'a pas été appliquée uniformément ni équitablement. Elle a aussi statué qu'il fallait faire une interprétation large et libérale de la disposition et que toute ambiguïté découlant des mots utilisés dans la définition devait être levée en faveur de celui qui demande des prestations d'invalidité. Après cette affirmation, la Cour explique qu'il faut apprécier la gravité en fonction de la réalité. Selon la Cour, toute décision sur le droit à prestation doit tenir compte des faits propres au dossier et aux troubles médicaux de la personne concernée. Comme il faut déterminer si le requérant d'une prestation d'invalidité du RPC peut exercer « une » occupation, la Cour a statué que toute décision sur l'admissibilité devait prendre en considération la façon dont les autres éléments de la définition d'invalidité — « régulièrement », « véritablement rémunératrice » — s'applique à celui-ci. Comme l'écrit la Cour :
Exiger qu'un requérant soit régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, ce n'est pas du tout la même chose qu'exiger d'un requérant qu'il soit indéfiniment incapable de détenir quelque occupation que ce soit [.] [l]es occupations hypothétiques que le décideur doit prendre en considération ne peuvent pas être dissociées de la situation du requérant, par exemple son âge, son degré d'instruction, sa compétence linguistique, ses antécédents professionnels et son vécu [.] L'employabilité est fonction des réalités commerciales et de la situation d'un requérant [1].
Le sens de l'arrêt Villani a été clarifié dans un jugement ultérieur. Dans l'arrêt Rice [2] du 29 janvier 2002, dans lequel la Cour d'appel fédérale a confirmé que les conditions du marché local de l'emploi n'avaient pas à intervenir dans une décision sur le droit aux prestations d'invalidité du RPC.
Parmi les questions concernant la définition d'invalidité qui présentent un intérêt dans le cadre de l'étude du Comité, il y a celle de savoir si la définition qui sert à déterminer l'admissibilité aux prestations d'invalidité du RPC est compatible avec les définitions qu'en donnent d'autres lois et d'autres ressorts (le RRQ, par exemple). Faut-il exclure ceux et celles qui se trouvent aux premiers stades d'une maladie dégénérative ou cyclique comme la sclérose en plaques ou une déficience d'ordre psychiatrique récurrente? Comment la définition s'adapte-t-elle aux « nouvelles » maladies ou à celles dont on parle davantage de nos jours (p. ex. le syndrome de fatigue chronique ou la fibromyalgie)?
La définition d'invalidité soulève une autre question : dans quelle mesure les gens devraient-ils être autorisés à gagner un revenu ou à recevoir des prestations d'invalidité partielles du RPC? Le versement de prestations partielles impliquerait une estimation du manque à gagner et une redéfinition de ce qui est « grave » et « prolongé » pour déterminer l'incapacité de travailler d'un requérant. Cela permettrait peut-être, d'une part, de mieux tenir compte des progrès technologiques. Par contre, si on devait articuler la définition d'invalidité autour de l'aptitude à gagner un revenu substantiel tout en conservant une partie des prestations d'invalidité du RPC, il faudrait nécessairement faire entrer en ligne de compte d'autres facteurs comme la disponibilité de soutiens et de services, la nature du travail à accomplir et les mesures à prendre pour permettre à la personne handicapée d'accomplir ce travail. Dans la communauté des personnes handicapées, certains croient aussi que des prestations d'invalidité partielles pourraient entraîner un appauvrissement des prestataires. C'est que ces gens risquent de ne pas pouvoir tirer un revenu suffisant de leur travail alors qu'ils ne seraient plus admissibles à une source de revenu assurée. ela dit, autoriser les gens à toucher à la fois un revenu d'emploi et des prestations partielles obligerait à se demander s'il y a lieu de conserver l'universalité du régime ou s'il ne serait pas préférable de subordonner l'admissibilité à une évaluation des revenus.
D'autres propositions globales de réforme portent d'établir de nouveaux régimes de remplacement du revenu comme l'assurance-invalidité privée obligatoire, l'assurance universelle contre les accidents, un régime complet d'assurance-invalidité public ou un programme de revenu annuel garanti. Dans son examen des réformes possibles du PPI-RPC, Sherri Torjman conclut que, comme ces réformes globales représentent « une entreprise complexe et éventuellement coûteuse qui exigerait l'intégration de plusieurs appareils administratifs », elles sont peu probables dans un avenir rapproché [3].
Cependant, des questions pourraient être posées en matière de régie. Devrait-il y avoir un mécanisme consultatif pour guider les fonctionnaires chargés de gérer le PPI-RPC? De quels indicateurs de rendement les gestionnaires du PPI-RPC devraient-ils se servir dans leurs rapports au Parlement? Si l'intégration n'est pas possible à court ou à moyen terme, l'amélioration de l'information concernant le PPI-RPC et les autres programmes de revenu aurait-elle pour effet d'améliorer le service aux Canadiens?