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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 26 avril 1999

• 0900

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international reprend ses travaux.

Conformément à l'article 108(2) du Règlement, le comité principal reprend l'examen des objectifs du Canada en matière de commerce et du programme de l'Organisation mondiale du commerce. De plus, conformément au même article du Règlement, le sous-comité du commerce, des différends commerciaux et investissements internationaux effectue également en parallèle l'examen des principaux intérêts du Canada en ce qui concerne la Zone de libre-échange des Amériques.

[Français]

Je souhaite la bienvenue à nos invités et je les remercie vivement. C'est un honneur pour nous d'être parmi vous aujourd'hui.

[Traduction]

Les audiences publiques que tient notre comité aux quatre coins du pays sur les principaux aspects de la future politique du Canada en matière de commerce international arrivent à un moment où les pays doivent faire des choix décisifs et prendre des décisions capitales concernant le processus global de négociations entrepris à la fois sur une base multilatérale, sous les auspices de l'Organisation mondiale du commerce et dans le cadre de forums régionaux comme celui de la Zone de libre-échange des Amériques qui est proposé.

En entreprenant ces vastes consultations publiques concernant les intérêts canadiens à la fois dans les négociations de l'OMC et de la ZLEA, le comité et son sous-comité du commerce sont très en faveur de la suggestion du ministre du commerce international, M. Sergio Marchi, concernant l'octroi d'une aide financière afin que les Canadiens aient davantage de possibilités de s'exprimer concernant les positions que prend le gouvernement du Canada dans le cadre de ces négociations.

En mars, le comité s'est déplacé au Québec et dans les provinces Atlantiques. Cette semaine, pendant que la moitié du comité tient des audiences dans les trois provinces de l'Ouest, l'autre moitié du comité tient des audiences similaires en Ontario et au Manitoba. Nous espérons tirer le meilleur parti possible de cette vaste consultation de l'opinion publique canadienne et traduire les commentaires reçus dans un rapport que nous espérons déposer à la Chambre des Communes avant l'été et juste avant les principales réunions portant sur le commerce international qui devront avoir lieu un peu plus tard cette année.

Au tout début de cette phase de consultation à l'échelle du pays, le comité, en février, a d'abord entendu le ministre et ses hauts fonctionnaires. À la suite de quoi, un certain nombre de tables rondes ont été organisées à Ottawa avant le début des audiences pancanadiennes. À la mi-avril, nous avions déjà entendu plus de 100 témoins qui ont fait des exposés de fond devant le comité abordant un vaste éventail de questions et de préoccupations importantes.

Comme le ministre Marchi le déclarait dans son mot d'ouverture au comité, le commerce international est maintenant devenu une question d'importance locale. Les décisions qui sont prises aux tables de négociations ont des répercussions jusque dans nos foyers autour de la table de la cuisine et dans tous les autres aspects de nos existences quotidiennes. Maintenant que cette tendance s'accentue, par suite de la mondialisation, l'élaboration de la politique en matière de commerce ne peut être laissée à quelques responsables dans les officines, mais doit plutôt engager l'ensemble de la société et des administrations à tous les paliers.

Les membres du comité accueillent donc favorablement ces audiences comme étant une étape importante vers l'atteinte de cet objectif. Nous avons été très favorablement impressionnés par la qualité des témoignages et des mémoires écrits en plus des audiences officielles et le présent processus doit être un exercice continu d'apprentissage et d'écoute.

À cet égard, nous venons tout juste d'ajouter sur le site web de notre comité une série de documents de travail qui soumettent à l'attention du public diverses questions. Nous prévoyons également inclure dans notre rapport un guide à l'intention des citoyens concernant l'OMC. Nous encourageons les citoyens de tous les coins du pays à continuer à participer et à suivre les progrès de notre processus d'examen parlementaire dans les semaines et les mois à venir.

Maintenant j'aimerais accueillir madame Smallwood, monsieur Hart et monsieur Sinclair. Vous serez nos premiers témoins aujourd'hui. Mais avant que nous écoutions vos exposés, j'aimerais demander aux membres du comité de se présenter brièvement.

M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Réf.): Je m'appelle Darrel Stinson. Je suis le représentant du parti réformiste pour Okanagan—Shuswap auprès du gouvernement fédéral.

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): Je suis Werner Schmidt, député de Kelowna.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Bonjour. Je m'appelle Benoît Sauvageau. Je suis député du Bloc québécois et je représente le comté de Repentigny. Je suis aussi porte-parole au Commerce international.

[Traduction]

Mme Colleen Beaumier (Brampton Ouest—Mississauga, Lib.): Je m'appelle Colleen Beaumier, députée libérale de Brampton Ouest—Mississauga.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Et je suis Sarmite Bulte. J'ai l'honneur et le privilège de présider ces réunions dans l'Ouest. Je suis également présidente du sous-comité du commerce, des différends commerciaux et investissements internationaux et députée de Parkdale—Hyde Park à Toronto.

Vous êtes les bienvenus.

• 0905

Joan, voulez-vous commencer s'il vous plaît.

Mme Joan Smallwood (présidente, Comité spécial de l'Accord multilatéral sur l'investissement et députée de Surrey—Whalley, dans la province de la Colombie-Britannique): Merci. J'aimerais tout d'abord remercier le comité de m'avoir donné la possibilité de m'adresser à vous et vous dire à quel point je suis heureuse de débuter la journée avec vous.

Ayant présidé le comité de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique, je sais à quel point je suis privilégiée de pouvoir m'adresser à vous en premier ce matin plutôt qu'en dernier lieu, le dernier jour de la dernière semaine.

En ma qualité de présidente du Comité spécial de l'Assemblée législative chargé d'examiner le projet d'accord multilatéral sur l'investissement, je voudrais vous souhaiter la bienvenue officiellement.

Bon nombre de nos concitoyens ont été déçus de constater, l'an dernier, que le comité fédéral chargé d'examiner le projet de l'AMI n'avait tenu que de brèves audiences et ce, uniquement à Ottawa. Beaucoup sont heureux de voir que votre comité consulte maintenant les Britanno-Colombiens, chez-eux, sur ces importantes questions. Nous vous remercions donc d'être venus. Votre présence ici est de bonne augure et nous attendrons votre rapport avec impatience.

Étant donné le peu de temps dont je dispose, j'aimerais décrire brièvement le travail du comité que je préside, relativement à l'AMI et brosser un tableau schématique des nombreuses préoccupations fondamentales que les citoyens de notre province ont exprimées au sujet de ce projet et des dispositions de l'ALENA relatives aux investissements qui en constituent les fondements.

J'expliquerai pourquoi les propositions mises de l'avant jusqu'à présent par le gouvernement fédéral pour apaiser ces préoccupations sont insatisfaisantes. Et je décrirai également l'inquiétude générale découlant du fait que les règles de l'ALENA en matière d'investissement ont permis à un investisseur californien de passer outre au système judiciaire de notre province et de contester notre politique environnementale relative à l'exportation de vastes quantités d'eau.

Enfin, je vous transmettrai le message suivant qui revêt une importance cruciale pour les nombreux citoyens de cette province qui ont témoigné devant notre comité: il existe une autre manière—bien meilleure que l'approche peu équilibrée utilisée à l'heure actuelle—d'aborder l'élaboration d'ententes internationales. Il est grand temps que le Canada assume un rôle de direction en ce qui a trait à l'établissement de règles internationales susceptibles de renforcer, plutôt que d'affaiblir, nos collectivités et de consolider les institutions démocratiques à tous les échelons.

Le comité spécial multipartite de l'AMI a été constitué à l'issue d'un vote à l'unanimité que l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique a tenu le 27 avril 1998. Ses principales attributions consistaient à réviser le projet d'accord multilatéral sur l'investissement et les questions connexes, de même qu'à sensibiliser davantage le public à ces questions.

Le comité s'est acquitté de ses tâches en deux étapes. En premier lieu, le comité a entendu, l'automne dernier, les témoignages de plus de 80 experts provenant non seulement de notre province, mais aussi du reste du Canada, des États-Unis, de la France et de l'Union européenne. Vous recevrez chacun, aujourd'hui, un exemplaire de notre premier rapport, qui a paru en janvier dernier.

En deuxième lieu, le comité a entamé avec les citoyens de la province un dialogue au sujet de l'AMI et de questions liées aux investissements internationaux. Il a eu le privilège de recevoir des témoignages très sérieux de la part de citoyens provenant de diverses localités telles que Terrace, Prince George, Nelson, Courtenay, Surrey, Kelowna, Kamloops, Victoria et de l'Université de la Colombie-Britannique à Vancouver et de Burnaby.

Le deuxième rapport du comité sera déposé à l'Assemblée plus tard ce printemps. Vous pouvez obtenir gratuitement les rapports ainsi que les comptes rendus des délibérations du comité auprès du secrétaire des comités ou encore les comités sur notre site Web.

Les Britanno-Colombiens éprouvent de graves inquiétudes au sujet des dispositions contenues dans le projet d'AMI, que le gouvernement fédéral a appuyées activement durant les longues négociations tenues jusqu'à présent.

J'aimerais ici souligner particulièrement l'une des principales conclusions de notre comité. L'AMI est fondamentalement imparfait; il serait préférable de l'abandonner et d'adopter une nouvelle approche en matière de négociations internationales. En outre, il y aurait lieu d'éliminer de l'Accord de libre-échange nord-américain les dispositions se rapprochant de celles de l'AMI.

Permettez-moi de préciser ma pensée autrement. Vous avez peut-être reçu des suggestions voulant que les principaux éléments de l'AMI qui n'ont pas été adoptés par l'OCDE soient essentiellement soumis tel quel à l'examen de l'Organisation mondiale du commerce lors de sa prochaine ronde de négociations. Il semblerait même que le Canada, le Japon et la Commission européenne aient déjà préconisé une telle approche. À la lumière des plus grandes audiences publiques que nous ayons tenues jusqu'à présent sur ce sujet, nous sommes en droit de conclure qu'un tel geste constituerait une grave erreur.

• 0910

Tout au long des négociations sur l'AMI, le Canada a soutenu que les dispositions relatives aux investissements devraient être modelées sur celles de l'ALENA.

Tout indique que le Canada n'a pas modifié sa position au regard des négociations de l'OMC ou de l'ALEA. Encore une fois, de nombreux citoyens de cette province nous ont affirmé que cette approche est tout bonnement inacceptable. Bien que des règles internationales soient manifestement nécessaires en matière d'investissement, celles qui se trouvent actuellement dans l'AMI et dans l'ALENA ne vont pas dans le bon sens.

En ce qui a trait aux négociations de l'OMC et de l'ALEA, les efforts opiniâtres du Canada en vue d'obtenir des règles d'investissement non équilibrées, inopportunes et discréditées, semblables à celles de l'AMI, constituent une recette menant droit à l'échec. Le gouvernement fédéral devrait cesser de préconiser, dans le cadre des délibérations de l'OMC, la négociation de règles d'investissement semblables à celles qui sont contenues dans l'AMI et dans l'ALENA. De plus, le gouvernement canadien devrait s'employer à corriger les très graves imperfections contenues dans l'ALENA au chapitre des investissements, au lieu d'essayer de les imposer à toutes les Amériques par le truchement de l'ALEA.

Si je disposais de plus de temps, je montrerais, qu'à de nombreux égards, des règles d'investissement semblables à celles de l'AMI peuvent non seulement miner la capacité des gouvernements à fournir des assurances aux investisseurs étrangers, mais aussi affaiblir la gestion démocratique des collectivités. Je vous recommande ardemment de lire le premier rapport de notre comité, et de prendre connaissance des témoignages des experts qui ont examiné ces questions en détails.

Voici quelques grandes lignes de ce rapport concernant certaines dispositions importantes de l'AMI; ces dernières jouissaient, et aux dires de tous, jouissent toujours d'un appui ferme de la part du gouvernement fédéral.

Premièrement, en ce qui concerne le principe de traitement national, le comité recommande que le Canada rejette l'approche descendante préconisée dans l'AMI selon laquelle tous les secteurs ou mesures sont assujettis à l'Accord, à moins d'une exemption particulière, et qu'il favorise l'approche traditionnelle ascendante selon laquelle les gouvernements indiquent les secteurs ou les industries visés par l'Accord.

En ce qui concerne les obligations de résultat, nous jugeons inacceptable l'imposition d'importantes restrictions relativement aux obligations de résultat. Il est essentiel que les gouvernements puissent négocier sans entrave pour l'avantage économique des collectivités locales, provinciales ou nationales et qu'ils puissent imposer certaines conditions visant notamment la création d'emploi ou une meilleure protection de l'environnement.

Concernant la protection de l'investissement, les dispositions de l'AMI concernant la protection de l'investisseur dépassent de beaucoup la portée de nos lois internes. L'adoption de telles dispositions constitue un abandon inacceptable, inutile et même téméraire de notre souveraineté et de notre obligation de rendre compte en démocratie.

Relativement au mécanisme de règlement de différend entre un investisseur et un État, ce mécanisme, qui permet à un investisseur affilié à une société étrangère de passer outre à l'autorité de notre système judiciaire et de soumettre des mesures gouvernementales à un arbitrage international ayant force obligatoire, renverse la primauté du droit et mine les processus démocratiques.

Il est quelque peu encourageant de constater que le Canada a pris des initiatives auprès de ses partenaires de l'ALENA en vue de les amener à restreindre le sens du terme «expropriation» et à accroître la transparence du mécanisme de règlement des différends. Toutefois, celles-ci sont loin d'être suffisantes. Les membres de notre comité, tout comme la grande majorité des Britanno-Colombiens que nous avons entendus, estiment que le mécanisme de règlement prévu dans l'ALENA devrait être supprimé et qu'il ne devrait pas servir de modèle à l'élaboration de futures ententes internationales.

Finalement, en ce qui concerne les exceptions générales et les réserves nationales, disons que les réserves nationales ne confèrent à un pays qu'une protection temporaire et limitée; elles sont donc insuffisantes pour protéger les intérêts vitaux des Canadiens et des Britanno-Colombiens. Durant le processus d'élaboration d'un accord, il ne faut pas remettre à une réflexion d'après-coup les dispositions visant à protéger intégralement la liberté de gouvernements démocratiquement élus, à préserver les ressources naturelles, à garantir des soins de santé, des services d'éducation et des programmes sociaux, à renforcer la culture et à respecter les priorités de populations en matière de croissance économique. Les accords négociés à l'avenir devraient exclure les concepts de statu quo et de démantèlement.

• 0915

Ces considérations, ainsi que bien d'autres préoccupations importantes, ont incité le comité à rejeter les fondements des négociations de l'AMI et à préconiser l'adoption d'un nouvel ensemble de principes directeurs qui permettraient une approche plus équilibrée à la négociation d'ententes internationales en matière de commerce et d'investissement.

Avant d'examiner l'importance de ces autres approches, j'aimerais vous présenter un exemple illustrant la façon dont les règles de l'ALENA peuvent être utilisées, et dans ce cas-ci sont utilisées, par un investisseur américain pour combattre les mesures de protection de notre province en matière d'eau douce. Il concrétise, aux yeux de nombreux Britanno-Colombiens, certains des aspects les plus inadmissibles des règles de l'ALENA en matière d'investissement.

Permettez-moi de m'attarder un peu sur cette affaire, car nos concitoyens savent combien la souveraineté en matière d'eau douce a une importance cruciale. Nous la prenons effectivement très au sérieux. Il serait sans doute bon que je rappelle l'historique de cette question.

Les Britanno-Colombiens se sont toujours vivement intéressés à la protection de leurs ressources d'eau douce. Depuis le houleux débat de 1987-1988 concernant l'insertion de dispositions relatives à l'eau potable dans l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, et se sont toujours fortement opposés aux exportations de vastes quantités d'eau et aux projets de détournement de cours d'eau vers la Californie.

Lorsque le gouvernement du premier ministre Bill Van der Zalm du Crédit social a émis plusieurs permis d'exportation à des navires-citernes en 1991, il a suscité une opposition tenace qui l'a obligé à faire marche arrière et à imposer un moratoire sur les envois d'eau. Après une prolongation et un élargissement, ce moratoire est devenu permanent en 1995, grâce à l'adoption par le gouvernement Harcourt du Nouveau parti démocratique de la Water Protection Act, c'est-à-dire la Loi relative à la protection de l'eau; celle-ci interdit désormais les exportations de vastes quantités d'eau et les importants détournements de cours d'eau. Il importe également de rappeler que, durant la période qui a précédé les élections fédérales de 1993, notre gouvernement n'a cessé de souligner la menace que représente l'ALENA pour notre souveraineté en matière d'eau douce.

Nos ministres d'alors ont à maintes reprises exhorté le chef libéral Jean Chrétien à remplir la promesse que son parti avait faite de renégocier l'ALENA pour notamment en exempter l'eau. Lors de la conclusion de l'Accord, inchangé, notre province a insisté auprès du premier ministre Chrétien pour que le Canada n'adopte pas la loi de mise en vigueur de l'Accord sans obtenir au préalable la protection pleine et entière de nos ressources d'eau douce. Comme nous le savons, nous n'avons obtenu aucune protection valable et l'Accord a été adopté tel quel. Et maintenant, tout cela se retourne contre nous.

En décembre dernier, la compagnie californienne Sun Belt Water Inc. a annoncé qu'elle intenterait, en vertu des règles de l'ALENA en matière d'investissement, un recours pour dédommagement lié directement à l'interdiction des exportations de vastes quantités d'eau de notre province. Cette action diffère des poursuites judiciaires que la compagnie a intentées dans notre pays. Cette affaire marquera l'histoire de notre province. C'est la première fois, en effet, qu'un investisseur a recours au processus de règlement de différends prévu dans l'ALENA pour contester une de nos mesures.

Je vous ai soumis cette affaire parce qu'elle illustre parfaitement les risques que pose au pouvoir législatif d'une province l'appui continu que le gouvernement fédéral apporte à des mesures de protection des investisseurs, libellées en termes vagues, et renforcées par un processus de règlement de différends entre l'investisseur et l'État.

Quelle qu'en soit l'issue, cette action extrajudiciaire contre notre politique relative à la protection de notre eau douce soulève bien des questions inquiétantes. Comment se fait-il que le gouvernement fédéral puisse exposer des mesures provinciales à un arbitrage international ayant force obligatoire, sans le consentement de la province intéressée? Comment se fait-il que l'on puisse contester aussi facilement une politique provinciale qui a trait à une question environnementale d'intérêt vital et que le public appuie sans réserve? Qui paiera la note si un tribunal juge qu'une mesure provinciale contrevient aux obligations contractuelles du gouvernement fédéral? Si une province décide de maintenir une mesure incompatible avec ses obligations, le gouvernement fédéral peut-il être tenu de payer les dommages de longue durée?

L'aspect juridique mis à part, est-il acceptable que le gouvernement fédéral veuille négocier un accord en vertu duquel il serait tenu d'assumer une responsabilité financière illimitée au regard de mesures provinciales? Dans le cas d'une décision défavorable, quelles dispositions le gouvernement fédéral prendrait-il pour tenter d'obliger les provinces, les municipalités ou les Premières nations à supprimer les mesures non conformes à ses obligations? Quel sera le rôle des gouvernements locaux, régionaux et provinciaux, ainsi que des Premières nations, dans les causes recevables en vertu de l'ALENA et qui touchent certaines de leurs mesures? Ce sont là des questions importantes.

• 0920

Le comité s'inquiète également du fait que les poursuites internationales intentées en vertu des dispositions de l'ALENA relatives au règlement de différends entre un investisseur et l'État pourraient avoir un effet glacial sur les gouvernements provinciaux et autres, et miner leur capacité à gouverner dans l'intérêt public. Il est angoissant de penser que l'affaire de la Sun Belt pourrait être la première d'une longue série de poursuites dont l'objet serait d'aller à l'encontre de l'intérêt public, dans notre province comme dans le reste du Canada. C'est le gouvernement fédéral, et non la Colombie-Britannique, qui a négocié l'ALENA. Nous avons prévenu les autorités fédérales de la menace que cet Accord représentait pour notre eau potable, mais elles ne nous ont pas écoutés.

Face à cette situation, notre province a adopté une législation visant la sauvegarde de notre eau. À cause des règles de l'ALENA en matière d'investissement, notre gouvernement est maintenant obligé de consacrer du temps et des ressources précieux à défendre ses intérêts. Nous devons même nous battre avec le gouvernement fédéral pour faire respecter le rôle légitime de la Colombie-Britannique dans le processus lié à l'ALENA.

Et qui paie pour tout cela? Les contribuables. Les Canadiens sont actuellement menacés de poursuite pour plus de 100 millions de dollars. Voilà une autre raison pour laquelle l'affaire de la Sun Belt offusque tant de Britanno-Colombiens. Dans un autre ordre d'idées, le comité croit que le processus de règlement de différends prévu dans l'ALENA aura certainement pour effet de modifier la répartition des pouvoirs constitutionnels au sein de notre pays.

Cette disposition de l'ALENA impose un véritable carcan aux pouvoirs législatifs et exécutifs de notre province, et nuit à sa souveraineté politique. Il faut que votre comité sache que les Britanno-Colombiens prennent ces questions très au sérieux, puisqu'elles s'attaquent aux principes mêmes de notre conduite des affaires publiques.

J'aimerais attirer votre attention sur la recommandation suivante du comité selon laquelle, à l'avenir, lorsque le gouvernement fédéral participera à l'élaboration d'un accord international relatif à l'investissement, comme l'ALENA ou l'OMC, il devra s'assurer que cet accord ne touche pas des domaines d'activité relevant de la compétence provinciale, et même locale, à moins d'obtenir le consentement express de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique. Si le gouvernement fédéral ne cherche pas à obtenir ce consentement, le gouvernement provincial doit alors examiner tous les moyens dont il dispose, y compris les actions en justice, pour défendre vigoureusement les droits liés à sa compétence et à celle des gouvernements locaux et ce, dans l'intérêt de tous les Britanno-Colombiens.

Pour conclure, j'aimerais encourager votre comité à examiner de nouvelles approches à la négociation d'accords internationaux. Durant la deuxième étape de notre travail, l'élaboration de telles approches a incité de nombreux Britanno-Colombiens à prendre part à nos audiences publiques en région. Beaucoup d'entre eux se sont employés à examiner des approches qui contiennent des objectifs clairs, constituent une assise plus solide que les règles de l'ALENA en matière d'investissement, prévoient des processus démocratiques de négociation et respectent la compétence du gouvernement provincial. Bref, ils nous ont défini les conditions préalables que le gouvernement fédéral devra prendre en compte avant de participer à l'élaboration d'un accord international en matière d'investissement.

Les Britanno-Colombiens ont commencé à définir une approche entièrement nouvelle. Nos comptes rendus de séances contiennent de nombreux témoignages à la fois exceptionnels et convaincants, dont je vous recommande fortement la lecture. Les personnes qui ont témoigné devant nous ont surtout fait valoir que les accords internationaux doivent permettre aux citoyens de relever les défis auxquels ils font face dans leur vie quotidienne. Ils doivent être conçus de manière à leur permettre, ainsi qu'aux citoyens d'ailleurs d'améliorer la qualité de leur vie. Ils doivent aussi renforcer certains domaines tels que la culture, les soins de santé, l'éducation et les services sociaux. Ils doivent favoriser la protection de l'environnement ainsi que la gestion et la préservation de nos ressources naturelles. Ils doivent améliorer les droits de la personne et les droits des travailleurs, respecter la compétence des gouvernements locaux, provinciaux et autochtones des Premières nations, de même que renforcer les institutions démocratiques.

En résumé, il faudrait remplacer le mode de négociation actuel par une toute nouvelle approche, plus constructive. Voilà la perspective que nous vous demandons de transmettre à Ottawa, afin qu'elle fasse l'objet d'un examen plus approfondi et qu'elle donne lieu à des initiatives.

• 0925

Encore une fois, je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui. Je prendrai les dispositions pour que chacun de vous reçoive un exemplaire du rapport définitif de notre comité.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, madame Smallwood.

Monsieur Sinclair, avez-vous quelque chose à ajouter avant que nous passions à la période de questions?

M. Scott Sinclair (conseiller politique principal, Direction internationale, Division du développement économique, ministère de l'Emploi et de l'Investissement, gouvernement de la Colombie-Britannique): Non.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Hart, je pense que vous ferez partie de notre prochain groupe.

Chers collègues, nous disposons d'environ 20 minutes pour la période de questions, donc peut-être que nous pourrions passer à une question et ensuite entamer un deuxième groupe.

Monsieur Stinson.

M. Darrel Stinson: Oui, seulement...

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Excusez-moi. Madame la présidente, est-ce que les trois témoins sont ensemble?

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Non. M. Smallwood et M. Sinclair sont ensemble et M. Hart fera partie du prochain groupe.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Merci.

[Traduction]

M. Darrel Stinson: D'après le rapport que nous avons ici, il semble que vous disiez que finalement il n'y a pas eu vraiment de consultation entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Nous entendons constamment dire que cette consultation a lieu, et puis nous venons ici et nous entendons des témoignages comme le vôtre et finalement nous constatons que ce n'est pas le cas.

Vous déclarez que c'est le gouvernement fédéral qui a négocié ces ententes et, dans bien des cas, je dois être d'accord avec vous que cela semble une intrusion du gouvernement fédéral dans une sphère provinciale. Si vous pouviez seulement me confirmer que c'est bien de cela que vous avez peur ici, je l'apprécierais.

Mme Joan Smallwood: Merci de cette question.

C'est absolument le cas et je vais même aller un peu plus loin. Notre comité était très intéressé par cette question aussi il l'a posée à maintes reprises aux témoins venus représenter l'Union des municipalités de la Colombie-Britannique de même que les représentants des Premières nations ou des conseils scolaires et il leur a demandé si on les avait consultés. Durant notre série de consultations auprès des experts, nous avons demandé à divers témoins sectoriels s'ils avaient participé de quelque façon à un processus de consultation et chaque fois la question a obtenu la même réponse, c'est-à-dire non. Je pense que cela s'est aggravé par le sentiment que l'on n'encourageait pas la tenue d'un débat public dans les médias populaires.

M. Darrel Stinson: Je vous remercie.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Je tiens à vous remercier d'être venue témoigner devant ce comité. C'est une excellente chose que vous vous soyez déplacée et certains commentaires que vous avez faits sont très pertinents.

J'aimerais vous demander, comment vous pourriez définir clairement l'intrusion dans ces divers champs de compétence? Vous avez réitéré ce point et vous l'avez fait de façon très efficace. Vous venez tout juste de le vérifier. Maintenant en ce qui concerne l'eau, pour utiliser un cas précis que vous avez mentionné—et vous avez bien fait de le faire—comment établiriez-vous la distinction entre les champs de compétence des Premières nations et ceux des administrations municipales, provinciales et fédérale? Pourriez-vous nous faire certaines suggestions sur la façon de procéder pour y arriver?

Mme Joan Smallwood: Et bien, je parlerai d'abord des responsabilités de la province sur le plan constitutionnel. Il a été particulièrement intéressant pour le comité de se faire expliquer certaines des répercussions de l'AMI sur la gestion des ressources, et l'eau est un des cas qui a été mis de l'avant. Dans cette province, notre capacité—et nous nous trouvons dans une position privilégiée à titre de citoyens de cette province—à être propriétaire de nos ressources et ensuite à en assumer la gestion de bon père de famille serait minée par une entente comme celle-ci. L'entente en question minerait notre capacité à nous acquitter de cette responsabilité par un certain nombre de dispositions—et plus particulièrement de la question des obligations de résultat.

Laissez-moi vous donner quelques exemples de la façon dont nous avons procédé dans cette province pour, par exemple, lier l'utilisation de nos ressources à certaines obligations de résultat.

• 0930

Dans le secteur forestier, par exemple, lorsque nous exigeons d'une compagnie forestière qui désire avoir accès à nos avoirs forestiers de fournir des emplois réels, d'effectuer la première coupe dans la région pour laquelle elle a un permis, d'effectuer certains tests environnementaux précis afin de protéger les ressources et les collectivités qui les entourent. Des ententes comme celle de l'AMI viendraient saper notre capacité dans cette province à faire appliquer notre pouvoir constitutionnel.

M. Werner Schmidt: J'aimerais revenir à la question de l'eau. Je pense que l'allusion au secteur forestier est très intéressante, mais j'aimerais revenir à l'eau.

À mon avis, le problème dans ce cas précis consiste à déterminer si purement et simplement l'eau devrait être vendue. Il me semble que c'est un point fondamental. Et si c'est ça la question, c'est un peu différent dans le secteur forestier. Donc, est-ce que vous alléguez que déterminer si une ressource naturelle doit être vendue ou non est de compétence provinciale et non de compétence fédérale?

Mme Joan Smallwood: Non. J'avance que la question n'est pas de déterminer si cette ressource doit être vendue ou non.

M. Werner Schmidt: Je vois.

Mme Joan Smallwood: La question consiste à déterminer si la province possède la capacité de gérer cette ressource pour laquelle elle a obtenu un mandat constitutionnel et dont elle assume la responsabilité. Dans le cas précis de la Sun Belt, la province a, afin de protéger cette ressource et sa capacité de la gérer, fait appel à une mesure législative. Mais la Sun Belt conteste cela et elle a recours au processus de règlement de différends prévu dans l'ALENA pour le faire ce qui empêche la province de se défendre.

M. Werner Schmidt: Non, je pense que...

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je suis désolée de vous interrompre, mais je sais que tous mes collègues veulent aussi poser des questions. Si nous avons du temps, je reviendrai à vous.

[Français]

Monsieur Sauvageau.

M. Benoît Sauvageau: Je vous remercie d'être ici. Je vous remercie aussi d'avoir pris soin de faire votre mémoire dans les deux langues officielles. Je dois souvent rappeler cette chose en comité. J'avais commencé à le lire en anglais et j'ai vu qu'il était disponible en français. Je tiens à le souligner et à vous en remercier.

Je voyais M. Hart faire un signe de tête négatif en écoutant votre réponse, mais on ne peut pas lui poser de questions. On lui en posera plus tard.

À la page 15 de la version française de votre document en français, vous dites en parlant du gouvernement fédéral:

    ...il devra s'assurer que cet accord ne touche pas des domaines d'activité relevant de la compétence provinciale,...

Vous savez que cela me touche particulièrement.

    ...à moins d'obtenir le consentement exprès de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique.

Je sais que cela vient de la Colombie-Britannique, mais il faudrait ajouter: «et de toute autre province». Est-ce bien ce que vous voulez dire?

[Traduction]

Mme Joan Smallwood: Notre comité est allé aussi loin que d'inscrire dans le cadre de ses recommandations la suggestion que lors de futures ententes, que celles-ci soient approuvées par l'Assemblée législative.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Vous savez que le Québec a entrepris une démarche auprès du gouvernement fédéral afin de faire reconnaître que, lorsqu'un sujet de discussion dans une entente internationale est ou pourrait être de juridiction provinciale, il serait souhaitable—je pèse bien mes mots—qu'une représentation de cette province soit présente pendant les négociations. On pense par exemple à la culture et à l'éducation. On peut aussi penser à l'environnement puisque c'est un champ de compétence partagée. L'esprit de cette démarche est de responsabiliser ou d'impliquer les législatures provinciales lorsque celles-ci sont concernées par une négociation à caractère international.

Quelle est votre opinion sur cette démarche?

[Traduction]

Mme Joan Smallwood: J'aimerais attirer votre attention sur l'une des autres recommandations parce qu'à mon sens elle a un certain rapport avec ce que vous venez de dire.

Le comité recommande que lors des futures négociations, on adopte l'approche traditionnelle ascendante, fondée sur ses points forts, plutôt que celle qui consiste à dire que tous les secteurs sont assujettis à moins d'exemptions particulières et qui exigent des provinces, ou encore des municipalités ou des Premières nations qu'elles déterminent les champs de compétence qui sont exemptés. Nous sommes d'avis que grâce à ce processus, le comité a beaucoup appris en discutant avec certains de nos témoins-experts. Ceux-ci nous ont mentionné certaines mesures législatives—et je pense à un exemple dans le domaine de l'éducation—qui indiquaient très clairement que le système d'enseignement public de la province, et à la limite celui du Canada, serait menacé si certaines dispositions n'étaient pas prises en compte. Et étant donné qu'il s'agissait de la première fois que nous entendions des commentaires de ce genre dans tous les documents dont nous avons pris connaissance ou même dans tous les témoignages que nous avons entendus, cela nous a simplement mis en garde contre le fait qu'aucune compétence ne pourrait être entièrement sûre de ce à quoi elle s'engage en signant une entente selon laquelle tous les secteurs ou toutes les mesures sont assujettis, sauf exception.

• 0935

À mon sens, la plupart des gens sont maintenant convaincus que même dans le cas de l'ALEA, nous avons encore beaucoup à apprendre et que la plupart des experts que nous avons entendus l'affirmeraient aussi, et c'est une indication comme quoi nous n'avions pas suffisamment d'expérience à l'époque pour décider s'il s'agissait ou non de la bonne décision à prendre. Je sais que c'est une façon un peu détournée de répondre à votre question très précise, mais il me semble que cette réponse contribue à orienter nos idées dans le sens où le comité se dirige.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci. Si nous en avons l'occasion, nous reviendrons, parce que nous disposons de très peu de temps. Je suis désolée mais je devrai être très stricte avec tout le monde. Je m'en excuse à l'avance.

Monsieur Speller et puis madame Beaumier.

M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente, je tiens à remercier Mme Smallwood de s'être présentée devant le comité aujourd'hui.

Sur la question de l'AMI, comme je l'ai dit déjà ce matin, vous n'êtes pas la première députée de votre Assemblée législative à comparaître devant ce comité. En fait, le comité que j'ai présidé, et auquel siégeait également M. Sauvageau, portait précisément sur l'AMI et à cette occasion, nous avons eu la chance d'entendre non seulement Ian Waddell, un de vos collègues, mais aussi un sous-ministre de votre province qui si je me souviens bien travaille dans le domaine du commerce international ou des relations fédérales-provinciales.

Aussi j'ai été surpris lorsque M. Stinson a amené toute la question des consultations que vous mentionniez comme étant l'un des problèmes que vous aviez rencontrés, parce que ce sous-ministre justement lorsqu'on lui avait posé la même question durant les réunions du comité sur l'AMI avait déclaré qu'il était très satisfait de la qualité des consultations que son ministère avait eues avec le gouvernement fédéral sur cette question.

J'ai été également surpris lorsque j'ai pris connaissance de votre rapport du Comité spécial sur l'Accord multilatéral sur l'investissement dont les travaux avaient commencé très peu de temps après que notre comité des affaires étrangères ait eu produit son propre rapport, mais aussi en fait après que le gouvernement fédéral ait déposé à la Chambre des Communes une réponse au rapport de ce comité dans laquelle il acceptait la totalité des recommandations du comité permanent, et vous n'en faites aucune mention. En fait, un grand nombre de points que vous mentionnez ici sont exactement les mêmes que ceux que nous avons traités, et lorsque je consulte la liste des témoins que vous avez entendus, je note au passage que nous avons vu sensiblement les mêmes témoins que vous et que nous avons entendu les mêmes questions.

Nous avions tenu ce qu'il est convenu d'appeler des audiences de comité abrégées, et comme je vous l'ai expliqué un peu plus tôt ce matin, parfois nous devons tenir ce type d'audience parce que c'est difficile pour la Chambre et pour toutes les parties de s'entendre pour effectuer des déplacements aux quatre coins du pays étant donné la taille du comité et la nature de la Chambre.

Mais à cette époque, tous les groupes que nous avions entendus avaient plus ou moins exposé les mêmes problèmes que vous. Nous avons signalé ces problèmes, et en fait le gouvernement fédéral a réagi. Donc je suis un peu surpris. Il me semble que c'est comme si vous repartiez à zéro, sans même mentionner dans votre rapport en fait les travaux qui ont déjà été effectués et la réponse qu'a donnée le gouvernement fédéral.

L'autre point dont je me souviens est ce que Christy Clark disait un peu plus tôt aujourd'hui. Comme je vous l'ai mentionné, elle parlait d'un nouvel investissement d'environ 100 emplois qui serait effectué dans la province par une société d'investissement américaine. Ma question à votre endroit serait est-ce que la position de votre gouvernement est la suivante, c'est-à-dire que nous ne devrions pas essayer de modifier les règles qui régissent les investissements telles qu'elles existent maintenant qu'en fait nous ne devrions avoir aucune règle? Ou encore est-ce que votre position est que... je ne suis pas sûr qu'il s'agit véritablement d'une position, parce que je pense qu'un groupe qui voudrait investir dans votre province aujourd'hui voudrait pouvoir s'appuyer sur certaines règles relatives à l'investissement.

• 0940

Avant que vous ne répondiez, parce que je n'ai qu'une seule question, j'aimerais dire que lorsque vous parlez de l'affaire Sun Belt je suis aussi un peu surpris, parce que ma compréhension de cette cause est qu'en réalité il ne s'agit pas de déterminer si oui ou non la province devrait avoir le droit de stopper les exportations d'eau en vrac, mais que cette cause porte plutôt sur le traitement équitable. En fait, ce que faisait Sun Belt c'était de remettre en question le fait que la province de la Colombie-Britannique a compensé un groupe alors qu'elle n'a reçu aucune compensation, et la compagnie ne conteste pas le fait que le gouvernement de la Colombie-Britannique pourrait édicter des règles régissant les exportations d'eau en vrac.

Mme Joan Smallwood: Laissez-moi d'abord répondre aux questions qui portent sur la consultation. Dans notre province, et je suis convaincue que les députés qui représentent la Colombie-Britannique seront d'accord avec moi, nous sommes très sensibles en ce qui concerne le dialogue établi entre Ottawa et nous-mêmes. Pour cette raison, j'insiste fortement sur le fait que nous ayons la possibilité d'obtenir une consultation complète même qu'une occasion d'exprimer nos préoccupations. Je suis convaincue que le comité, qui a maintenant la chance de venir tenir ses audiences dans notre belle province et d'entendre les commentaires de notre population, reconnaîtra qu'il y a énormément d'intérêt à cet égard. Je comprends que vous avez élargi vos audiences afin de tenir compte d'une partie de ces aspects et je sais aussi qu'il y a un certain nombre de personnes qui voudraient bien pouvoir être entendues par le comité.

Donc, cette province, qu'il s'agisse des groupes qui représentent les diverses circonscriptions ou le gouvernement lui-même, non seulement s'attendent à être consultés mais encore s'attendent à être entendus et à ce que leurs recommandations se reflètent dans les travaux du gouvernement fédéral.

En ce qui concerne les travaux en cours du présent comité, nous apprécions le fait que le négociateur fédéral, M. Dymond, ait mis son expertise à notre disposition en diverses occasions, et nous l'avons remercié de même que le gouvernement fédéral pour sa disponibilité. Il nous a aidés à établir le dialogue dans cette province.

En ce qui concerne l'affaire Sun Belt, les points que vous venez de mentionner ont trait à divers éléments de leur argument. Les problèmes que j'ai soulevés devant le comité sont d'un intérêt particulier pour cette province aussi notre comité encouragera le gouvernement à étudier ces aspects particuliers de l'affaire Sun Belt.

Je suis désolée s'il y avait une autre question, je l'ai oubliée.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Tout le temps dont nous disposions est écoulé. Encore une fois, nous avons un très grand nombre de témoins à entendre. Je vous remercie beaucoup d'être venue témoigner devant nous.

J'ai une ou deux questions auxquelles j'aimerais que vous réfléchissiez, si c'est possible. J'aimerais aussi que vous sachiez que nous n'en sommes qu'au tout début de notre consultation. Il ne s'agit pas de la fin, mais plutôt de l'amorce du dialogue. Si vous avez d'autres préoccupations dont vous aimeriez nous faire part, si lors de vos discussions avec la population de la Colombie-Britannique vous jugez que vous auriez d'autres sujets dont vous aimeriez nous faire part, je vous en prie faites-le.

Si vous me le permettez, j'aimerais vous soumettre deux questions auxquelles vous pourriez répondre à une date ultérieure.

Vous avez déclaré, si j'ai bien compris, que les dispositions relatives aux investissements de l'ALENA devraient être éliminées. Vous avez également reconnu que le week-end dernier il y avait eu des discussions entre les trois partenaires de l'ALENA, sous la direction du ministre Marchi, qui désirait changer la définition de l'expropriation.

Mais nous avons aussi lu dans les médias, que cela soit fondé ou non, que le Mexique et les États-Unis ne semblent pas vouloir se rallier. Est-ce que vous suggérez que nous nous retirions complètement de l'ALENA? Si les Américains et les Mexicains ne veulent pas modifier le chapitre 11, dans ce cas comment allons-nous procéder pour protéger les investissements canadiens dans ces pays? Il me semble qu'à la page 5 de votre rapport vous dites qu'il est important que le monde dispose de règles en matière d'investissement.

• 0945

Encore une fois, peut-être que c'est dans votre rapport—je ne l'ai pas encore consulté—mais à quoi devraient ressembler ces règles? Quelle devrait être cette approche? Une fois de plus, peut-être que c'est dans le rapport, mais comment et à quel endroit devrions-nous les négocier? Est-ce que ce serait encore une fois avec les 34 pays ou 33 autres pays de l'ALE? Ou alors comment allons-nous procéder avec les 133 autres pays de l'OMC? J'apprécierais beaucoup, si vous aviez la chance de réfléchir à cette question, si vous pouviez communiquer avec le comité et nous faire connaître votre réponse.

Merci au nom du comité d'être venue nous voir aujourd'hui. Merci d'avoir été si succincte et je suis désolée que nous disposions de si peu de temps. Merci d'avoir été la première. Merci beaucoup.

Mme Joan Smallwood: Merci à vous.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): D'accord, monsieur Hart, vous restez là.

J'aimerais appeler aussi monsieur William Saywell, monsieur Woo, monsieur Lee et madame Cohen pour qu'ils viennent s'asseoir à la table, s'il vous plaît.

Bienvenue aux réunions de notre comité. Nous sommes ravis de vous avoir avec nous. Étant donné que nous disposons de très peu de temps et que nous voulons finir à l'heure et, dans la mesure du possible permettre une période de questions, nous aimerions commencer dès maintenant avec, tout d'abord, la Fondation Asie Pacifique du Canada, monsieur Saywell et monsieur Woo. Alors qui fera l'exposé?

M. William Saywell (président, Fondation Asie Pacifique du Canada): Madame la présidente, mon collègue Yuen Pau Woo fera le gros de l'exposé. J'aimerais faire quelques commentaires en introduction, si vous me le permettez.

M. Woo est économiste et directeur de la recherche à la Fondation Asie Pacifique. Il a agi à titre d'autorité monétaire pour Singapour durant une longue période et il connaît tous les aspects économiques régionaux de l'Asie de fond en comble.

Mais j'aimerais faire quelques commentaires en ce qui concerne l'adhésion de la Chine à l'OMC qui est probablement la question la plus difficile que doivent affronter l'OMC et, d'une certaine manière, la question la plus importante pour la stabilité politique et économique en Asie et aussi pour le reste d'entre nous, dans les quelques années à venir. Permettez-moi de faire deux ou trois commentaires.

Premièrement, même si nos yeux sont tournés vers les Balkans à l'heure actuelle et vers d'autres secteurs où se retrouvent les difficultés politiques et économiques du monde, sur le plan stratégique les deux puissances qui comptent réellement aujourd'hui sont la Chine et les États-Unis. Par conséquent, la paix, la stabilité et la prospérité du monde entier, et de la région de l'Asie, et la nôtre, dépendent dans une large mesure de la qualité des relations sino-américaines, de leur stabilité et du fait qu'elles sont fondées sur des facteurs économiques fondamentaux.

Malheureusement, les relations sino-américaines comportent aujourd'hui des aspects assez effrayants, et potentiellement déstabilisants. Vous avez tous entendu parler des difficultés en ce qui concerne le transfert de technologie et les secrets nucléaires et de tous ces aspects—et bien sûr du déséquilibre commercial à l'intérieur de la Chine elle-même, des difficultés que doit affronter l'économie chinoise de même que de l'instabilité sociale qui existe potentiellement en ce pays.

L'aspect le plus positif des relations entre la Chine et les États-Unis est sa relation économique et, dans la mesure où l'on pourra consolider et solidifier celle-ci par l'adhésion à l'OMC, je pense que ce sera une chose très positive pour chacun d'entre nous. De toute évidence, durant la visite de Zhu Rongji, de grands progrès ont été réalisés. À Washington, les initiés sont d'avis que l'adhésion de la Chine à l'OMC devrait être approuvée par les Américains d'ici la fin de l'année. Mais étant donné que nous amorçons un cycle d'élections aux États-Unis, avec toutes les autres difficultés que doit affronter cette relation, il est terriblement important que le Canada adopte le rôle le plus positif possible, à la fois sur le plan des relations bilatérales avec les États-Unis de même qu'avec la Chine et sur le plan multilatéral avec l'OMC, afin de favoriser l'adhésion de la Chine.

L'adhésion de la Chine encouragera également le mouvement de réforme continue amorcé dans ce pays, le passage à une économie fondée sur des règles et de façon plus générale sur les règles de droit. Donc, que l'on envisage la relation bilatérale, qui est la plus importante dans le monde d'aujourd'hui, la relation entre la Chine et les États-Unis, ou que l'on adopte une perspective multilatérale au sein de la collectivité asiatique, ou encore que l'on envisage la paix et la sécurité et le développement économique à l'échelle internationale, l'adhésion de la Chine revêt une importance primordiale.

• 0950

Ceci étant dit, mon introduction pouvant sembler être une remarque indirecte, je passe la parole à mon collègue, M. Woo, qui vous entretiendra de façon plus générale de multilatéralisme économique.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Saywell, de vos commentaires.

Monsieur Woo.

M. Yuen Pau Woo (directeur, Recherche et analyse, Fondation Asie Pacifique du Canada): Bonjour, membres du comité. Mon mémoire porte sur des aspects très précis des intérêts canadiens dans le cadre des futures négociations commerciales internationales. Il s'inspire des intérêts de la fondation en tant qu'organisation qui fait la promotion des relations entre le Canada et l'Asie depuis de nombreuses années et, plus particulièrement, il suit les progrès réalisés dans les efforts de coopération régionale, y compris les efforts de coopération commerciale régionale comme dans le cas de l'APEC, la coopération économique Asie Pacifique.

Donc, plus particulièrement, nous aimerions aborder la question de l'équilibre de nos intérêts dans l'APEC vis-à-vis de l'OMC. C'est une question connexe. M. Saywell vient de mentionner la question de l'adhésion de la Chine à l'OMC. En rapport à cette question, il y a celle de la participation des autres membres de l'APEC qui ne sont pas encore des membres de l'OMC. Ils ont une priorité moins élevée, mais leur appartenance à l'OMC est importante afin que tous les membres de l'APEC puissent participer à un même forum multilatéral.

Je commencerai avec un historique de l'APEC afin de vous mettre en contexte. Comme vous le savez sans doute, l'APEC n'est pas une zone de libre-échange au titre de l'ALENA, et il ne s'agit pas non plus d'une union douanière. L'APEC n'est pas visée par les exemptions de l'article 24 du GATT en ce qui concerne les zones de commerce régional; elle ne se qualifie tout simplement pas. Au contraire, l'APEC pratique ce que l'on appelle le régionalisme ouvert qui est une forme de libéralisation des échanges commerciaux qui est effectuée par l'entremise d'efforts unilatéraux déployés par les économies membres. La somme de la libéralisation unilatérale est appelée l'unilatéralisme concerté. Ces efforts sont guidés par un très vaste objectif d'ensemble de libéralisation. Dans le cas de l'APEC, ces objectifs sont ceux de Bogor pour 2010 et 2020, et ils visent une libéralisation très large des échanges commerciaux d'ici l'an 2010 pour les pays industrialisés et 2020 pour les pays moins développés.

De plus, la libéralisation selon l'APEC s'effectue sans pratique discriminatoire—autrement dit, en fonction de la nation la plus favorisée. Par conséquent, le mode de fonctionnement de l'APEC est vu comme complémentaire à celui du GATT et de l'OMC.

Le programme de libéralisation commerciale de l'APEC s'est enlisé lors de la dernière réunion des chefs à Kuala Lumpur. En particulier, l'initiative qui est connue sous le nom de libéralisation volontaire et rapide par secteur n'a pas beaucoup progressé et a été transportée à Genève sous une autre forme que l'on appelle désormais la libéralisation commerciale accélérée. Je n'entrerai pas dans les détails de la libéralisation volontaire et rapide par secteur ou dans ceux de l'initiative de libéralisation commerciale accélérée, si ce n'est pour dire que nous n'attendons pas de progrès en matière de libéralisation commerciale accélérée à Genève. Au sein de l'APEC proprement dit, selon nous, le programme de libéralisation commerciale a très peu à offrir cette année, surtout en raison de la concentration sur l'OMC. Cela ne signifie pas que la relation entre l'APEC et l'OMC et le GATT est négative; en fait, il est important de se rappeler que dans le passé il existait une relation positive et réciproque entre les organisations régionales et l'APEC en particulier et les organisations multilatérales.

Au début des années 80, l'APEC a joué un rôle à ce qu'il nous semble dans le redémarrage des réunions du GATT, en plus des menaces posées par l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis qui a finalement forcé les Européens à accepter les conclusions du Cycle de l'Uruguay. Vers le milieu des années 90, l'APEC était vu comme un facteur ayant contribué à la conclusion des accords du Cycle de l'Uruguay du GATT. Nous pensons que l'APEC pourrait jouer un rôle similaire dans le futur si les négociations de l'OMC achoppaient. Dans l'intervalle, toutefois, le programme commercial de l'APEC vise simplement à soutenir et à encourager le processus de l'OMC.

• 0955

Cela ne signifie pas que le Canada devrait se désengager de l'APEC parce que le programme des échanges commerciaux s'est enlisé, parce que l'APEC est toujours le seul forum régional qui permette au Canada d'obtenir ses lettres de créances en Asie- Pacifique. Il y a un danger, toutefois, qu'étant donné le passage du programme d'échanges commerciaux de l'APEC à Genève, que certaines économies membres de l'APEC, et en particulier les États-Unis, se désintéressent dans la mesure où elles verraient principalement l'APEC comme un véhicule pour leurs efforts commerciaux. Ceci entraînerait une période de flottement dans l'organisation et une diminution de l'importance de ce forum régional.

En même temps, cependant, nous pensons qu'il est dangereux pour l'APEC d'essayer de revitaliser son programme de libéralisation des échanges commerciaux à court terme, comme tentent de le faire ses hôtes néo-zélandais, parce que cette approche irait à l'encontre du but recherché. Nous ne voyons pas de progrès dans ce dossier, depuis que l'OMC a récupéré cette initiative, et en fait, cela pourrait entraîner un plus grand désappointement et des désillusions au sein de l'APEC.

Par conséquent, l'APEC, à notre avis, doit se trouver une nouvelle cause à défendre. Cette nouvelle cause, selon nous, a une corrélation avec l'OMC et j'en arrive maintenant au lien à établir avec les négociations de l'OMC. On reconnaît de plus en plus à l'OMC que le programme doit être élargi afin de prendre en compte les nombreuses préoccupations des pays en développement. Le directeur régional sortant, Ruggiero, a parlé de la nécessité d'établir une stratégie cohérente et intégrée. Je vais le citer. Il dit en substance:

    Une approche intégrée ambitieuse de l'assistance technique et de l'allégement de la dette—jointe à un accès complet au marché dans les économies avancées—devrait être le troisième pilier d'un nouvel effort en faveur des pays en développement dans le domaine des échanges commerciaux.

C'est ici que le lien avec l'APEC entre en jeu. Le troisième pilier de l'APEC est la coopération économique et technique ou encore ce qu'elle appelle les activités écotechniques. Ces activités pourraient servir de modèle aux efforts de l'OMC visant à élargir son programme. Les activités écotechniques comportent un important volet d'échanges commerciaux, et ces activités sont fondées sur les principes de la mise en commun des ressources de même que sur la réciprocité des intérêts. En conséquence, le coût direct du montage des activités écotechniques dont quelques centaines sont montées chaque année, est très minime pour l'APEC en tant qu'organisation. Par conséquent, nous pensons qu'il existe un potentiel non seulement pour que les principes des activités écotechniques soient adoptés par l'OMC, mais aussi pour que des activités écotechniques propres à l'APEC atteignent un organisme multilatéral mondial de l'envergure de l'OMC.

Les avantages pour l'APEC, à mon sens, sont évidents aussi. Les activités écotechniques et le sous-ensemble des activités de facilitation du commerce et des affaires représentent un potentiel de plus pour permettre à l'APEC de faire preuve de leadership à l'OMC et pour rétablir la crédibilité de l'APEC à titre de catalyseur pour la coopération multilatérale. Par conséquent, les activités écotechniques pourraient être une nouvelle raison d'être pour l'APEC dont la présence est de moins en moins pertinente dans l'arène de la libéralisation des échanges commerciaux.

Permettez-moi seulement de résumer les répercussions de l'approche du Canada vis-à-vis l'APEC pour l'OMC, l'équilibre entre les négociations régionales et multilatérales.

Premièrement, il n'y a pas de conflit d'intérêts entre l'APEC et l'OMC. Le programme de libéralisation des échanges commerciaux de l'APEC a même, dans un avenir immédiat, cédé le pas à l'OMC. Le Canada devrait pas conséquent concentrer ses efforts sur Genève tout en s'assurant que l'APEC continue d'appuyer l'OMC. Si, toutefois, les négociations de l'OMC semblent piétiner dans les années à venir, il sera toujours temps de redonner à l'APEC son rôle historique de catalyseur.

Deuxièmement, l'intérêt du Canada dans l'APEC va au-delà du programme des échanges commerciaux, et il est très important pour le Canada que l'épuisement au niveau de la libéralisation des échanges que connaît l'APEC n'entraîne pas la mort lente de cette association. Le Canada doit faire en sorte d'éviter que cela se produise. Il est toutefois urgent que l'APEC se reconcentre sur un domaine où l'organisation possède des avantages comparatifs.

Ce domaine où il y a des avantages comparatifs est, à notre avis, la coopération écotechnique et son sous-ensemble d'initiatives de facilitation des échanges commerciaux. En se concentrant sur ces initiatives, l'APEC peut faire preuve de leadership dans des domaines où l'OMC elle-même désire faire sa marque. C'est le lien étroit que l'APEC entretient avec l'OMC. En procédant de cette façon, l'APEC préserve son principe de régionalisme ouvert et préserve également la participation du Canada dans l'APEC sans mettre en péril ses objectifs multilatéraux.

Les faiblesses institutionnelles de l'APEC, de même que la répugnance de certains membres de l'APEC à abandonner le programme des échanges commerciaux ne faciliteront pas le plein épanouissement de la coopération économique et technique au sein du processus de l'APEC. Traditionnellement, les membres asiatiques de l'APEC se sont faits les défenseurs des activités écotechniques par rapport aux économies plus industrialisées. Le Canada a un rôle à jouer et devrait appuyer davantage l'aspect écotechnique, tout en encourageant une plus grande rigueur et cohérence dans l'élaboration des activités écotechniques particulières. Cette nouvelle perspective peut être élaborée, peut être fabriquée, si vous me permettez, non seulement à titre d'objectif de l'APEC mais à titre aussi d'objectif qui vient appuyer le processus de négociation de l'OMC et servir de catalyseur.

• 1000

Merci, madame la présidente.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup. monsieur Woo.

Le suivant est monsieur Lee, du Centre canadien de politiques alternatives.

M. Marc Lee (recherchiste en économie, Centre canadien de politiques alternatives): Merci de m'avoir invité.

Madame la présidente, je veux seulement vous mentionner que j'ai grandi dans votre circonscription de Parkdale—High Park, donc vous êtes la bienvenue à Vancouver.

Les commentaires que je ferai sont une version abrégée du mémoire plus détaillé que je vous ai présenté, et que vous devez avoir en face de vous.

Nous pensons que plutôt que d'un nouveau cycle du millénaire, ce dont l'économie mondiale a besoin actuellement c'est plutôt d'adopter une nouvelle approche des négociations internationales. À mon sens, nous devons cesser de mettre l'accent sur la réglementation des administrations en vue d'accroître les échanges commerciaux et les investissements et nous tourner plutôt vers la réglementation du capital.

J'aimerais commencer par souligner à quel point il est difficile de trouver réellement des preuves venant appuyer la proposition selon laquelle le niveau de vie au Canada s'est amélioré depuis que nous avons adopté nos programmes de libéralisation des échanges actuels. Les grands pontes du commerce pointent fréquemment l'augmentation des échanges commerciaux dans leur ensemble à titre de point de repère du succès, mais c'est une situation à laquelle il est raisonnable de s'attendre à la suite de la signature d'un accord commercial comme celui de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis.

Au cours des années 90, nous avons véritablement assisté à une détérioration du niveau de vie au Canada. Le PIB réel par habitant a chuté depuis l'avènement du libre-échange. Nous avons vu l'écart se creuser entre les riches et les pauvres, et il y a de moins en moins de gens dans la classe moyenne. Par ailleurs, les régimes de soutien social traditionnels de l'après-guerre ont subi de sérieuses compressions.

À l'échelle mondiale, l'ordre qui prévaut à l'échelle internationale en matière d'investissements commerciaux libéralisés montre des signes d'instabilité et de volatilité. Ces dernières années, des crises financières, à commencer par la crise asiatique, se sont répandues jusqu'en Russie et, plus récemment, au Brésil. Le Canada a subi une rebuffade causée par la crise de l'été dernier, de même qu'un important fonds hautement spéculatif américain en gestion à long terme de capitaux. Dans notre province, nous nous trouvons au beau milieu d'une récession qui est imputable dans une large part à l'effondrement des marchés asiatiques pour nos exportations et aux faibles prix des marchandises sur les marchés internationaux. Les récentes décisions de l'OMC ont remis en question des programmes de développement industriel comme le Programme des partenariats technologiques du Canada de même que ceux des industries laitières et culturelles ces derniers temps. De plus, le Canada doit affronter des contestations en vertu du chapitre 11 de l'ALENA qui restreignent notre capacité à garantir un environnement sûr et sain.

Tous ces exemples récents font ressortir les dangers posés par une poursuite simpliste de la libéralisation des investissements commerciaux sans aucune restriction. Un certain nombre de commentateurs sur la scène publique sont entrés dans l'arène. L'économiste en chef de la Banque mondiale, Joseph Stiglitz, insiste sur le rôle important que jouent la réglementation et les politiques en matière de concurrence dans l'organisation et la stimulation des marchés concurrentiels. Paul Krugman du MIT pointe en direction des contrôles des capitaux en réponse à la volatilité des marchés de capitaux. Et même l'un des spéculateurs les plus en vue du monde entier, George Soros, nous met en garde contre les écueils des marchés sans entraves.

Finalement, les marchés doivent fonctionner à l'intérieur d'un cadre réglementaire. Sans un cadre de ce type, le capitalisme ne peut effectivement pas jouer son rôle et il cause plutôt réellement des torts comme cela a été le cas dans de nombreux pays pauvres. La mondialisation devenant de plus en plus la norme, nous avons désormais besoin d'un cadre mondial qui reprenne ce qui jusqu'à maintenant n'a été vu qu'à l'échelle nationale. Ainsi, le point central des négociations internationales devrait porter non seulement sur la réglementation des administrations publiques, mais sur la réglementation du capital. Un des objectifs fondamentaux des négociations futures devrait être de réglementer effectivement et d'établir des normes minimales en matière de résultat pour les sociétés transnationales et de réglementer les mouvements des investissements à court terme et à long terme. C'est-à-dire, étant donné le fait que la production et les finances sont devenues d'envergure mondiale, il est nécessaire d'apporter un contrepoids à l'échelle mondiale pour équilibrer les pouvoirs de ces nouveaux intervenants.

Certaines tentatives ont été faites pour élargir la portée des accords commerciaux et des organisations elles-mêmes par l'entremise de facteurs comme la main-d'«uvre et l'environnement ou encore pour négocier des restrictions particulières. Nous croyons que ce n'est pas la bonne façon de procéder. Le centre d'intérêts dominant d'organismes comme l'OMC est de réduire les barrières imposées par les administrations. À ce titre, cette organisation n'est pas le forum approprié pour tenir des discussions sur d'autres problèmes qui peuvent nous sembler avoir priorité sur le commerce.

À titre de composante de base, nous devrions nous efforcer d'établir un processus crédible au moyen duquel la collectivité internationale pourrait négocier et qui aurait préséance sur les investissements commerciaux actuels pour nous. Les impératifs à respecter sont les principes de la transparence, de la reddition de compte et de la démocratie qui n'ont pas encore été étendus jusqu'à ce niveau. Un organisme des Nations Unies comme la CNUCED pourrait se voir confier la tâche de tenir un forum pour des négociations de cette nature.

• 1005

Les futures négociations devraient être envisagées de façon plus particulière, premièrement, des mesures visant à décourager les entrées de capitaux spéculatifs déstabilisants, comme l'acceptation des contrôles de capitaux nationaux ou encore la taxe Tobin sur les transactions financières internationales.

Deuxièmement, ces négociations devraient envisager des mesures visant à s'assurer que les responsabilités et les obligations sont précisées en regard d'investissement à long terme, y compris des obligations minimales de résultat négociées pour les sociétés transnationales.

Troisièmement, elles devraient aussi envisager des mesures visant à protéger l'environnement et les travailleurs des effets négatifs du commerce et des investissements. Dans ces deux cas, la main-d'«uvre et l'environnement, la poussée principale de la production à l'échelle mondiale a été pour permettre aux sociétés de compenser réellement leurs coûts afin de les externaliser autant que possible. Nous ne pensons pas que ce soit la bonne façon de procéder ou encore que des marchés efficaces soient le résultat de ce type de processus.

Quatrièmement, nous avons besoin de mesures de protection visant à garantir que la mondialisation n'aura pas d'incidence négative sur les peuples autochtones. Une exemption devrait être négociée afin de protéger les droits et les libertés des peuples indigènes, non seulement au Canada mais dans le monde entier.

Finalement, la politique de concurrence à l'échelle internationale devrait porter sur des domaines comme la fixation de prix abusive, la collusion et la monopolisation. Les tendances actuelles en ce qui concerne les fusions et les acquisitions pointent en direction d'une concentration accrue du pouvoir entre les mains d'oligopoles et de monopoles à l'échelle mondiale, et particulièrement dans les domaines des banques et des finances, des médias et des divertissements de même que dans le domaine des technologies de l'information et des communications.

Par-dessus tout, un cadre de travail renouvelé permettrait de s'assurer le respect de la diversité des approches économiques nationales. L'une des plus grandes prétentions du siècle dernier a été l'hypothèse que nous avions trouvé un modèle unique qui pouvait générer le succès économique partout où on l'appliquait. L'appel en faveur d'un pluralisme économique reconnaît que chaque pays doit disposer d'outils qui l'aident à régler les problèmes propres à sa situation particulière. Selon différentes approches, nous pouvons tirer de nouvelles sources d'avantages comparatifs qui créent les conditions nécessaires pour obtenir des gains résultant du commerce. En ce qui concerne le Canada, cela pourrait signifier des dispositions permettant aux pays de maintenir des secteurs-clés, comme la santé et l'éducation, dans la sphère publique.

En particulier, le Canada ne devrait pas endosser toute proposition qui aurait pour effet d'élargir la portée des dispositions relatives au règlement de différends entre un investisseur et un État prévues au chapitre 11 de l'ALENA et des les étendre à la ZLEA ou à l'OMC. Cela aurait pour effet de miner encore davantage la souveraineté de manière inacceptable.

Le Canada est une nation commerçante. Il est dans notre intérêt d'avoir des institutions et des règles qui régissent convenablement le commerce, mais ce sont les secteurs privé et public qui ont besoin de ces cadres. Sans eux, pour la plupart des peuples du monde entier, l'économie mondiale échouera dans ses objectifs. Les initiatives futures devraient clairement se situer dans le plus vaste intérêt du public, et non seulement dans l'intérêt d'un nombre restreint d'intervenants. À tout le moins, en ce qui concerne les négociations prochaines de l'OMC et de la ZLEA, il est important que le texte préliminaire soit mis à la disposition du public pour examen. La portée de ces ententes est tellement vaste qu'il est impératif que ce texte soit entièrement diffusé et qu'il donne lieu à un débat démocratique.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Lee.

Nous allons maintenant passer à monsieur Michael Hart, du Centre des politiques de commerce et de droit qui attend patiemment depuis neuf heures ce matin. Bonjour et bienvenue monsieur Hart.

M. Michael Hart (associé principal, Centre des politiques de commerce et de droit): Merci beaucoup, madame la présidente. C'est un plaisir et un honneur d'être ici aujourd'hui. Je suis désolé de n'avoir pas pu répondre à votre première invitation lorsque vous étiez à Ottawa, au mois de mars. Malheureusement, j'enseigne en Californie durant les mois d'hiver étant donné la supériorité du climat californien durant cette saison, par conséquent je me présente ici à Vancouver, plutôt que dans mon secteur habituel, qui serait Ottawa.

Je pense qu'il va sans dire que ma perspective est légèrement différente de celle des premiers témoins que vous avez entendus. En effet, mon point de vue est celui de quelqu'un qui exerce le droit commercial et qui fréquente la politique commerciale au sein du gouvernement fédéral depuis 22 ans et qui l'enseigne depuis les dix dernières années. Et même, on m'a dit que l'une de mes étudiantes aide le comité et j'espère qu'elle sera en mesure d'appliquer certaines choses qu'elle a apprises durant mes cours.

Je pose d'abord la prémisse que si nous jetons un coup d'oeil vers le passé, nous constatons que les 50 dernières années ont été très fructueuses sur le plan des négociations commerciales. Même s'il est vrai que nous avons connu des hauts et des bas, si nous analysons la situation année par année, je pense qu'il ne sera pas difficile de constater que s'il y a eu des problèmes, il reste que d'une vaste perspective de 50 années, nous avons accumulé une quantité extraordinaire de succès en mettant en place un système d'échanges commerciaux qui fonctionne—non seulement un système d'échanges qui offre un des marchés non réglementés ou qui est fondé sur la poursuite simpliste des marchés libres, mais un système d'échanges commerciaux qui est fondé sur le principe que les gouvernements travaillent collectivement afin de mettre en place un ensemble de règles qui visent l'application de quelques principes fondamentaux très simples. Ces principes comprennent notamment la transparence, l'absence de discrimination, l'application régulière de la loi, la libéralisation progressive et laissent suffisamment de place aux administrations publiques pour que celles-ci puissent régler des problèmes particuliers qui peuvent survenir lorsqu'elles ouvrent leur marché à une plus grande concurrence.

• 1010

Le succès de cette approche est démontré par l'ampleur des échanges commerciaux à l'échelle mondiale aujourd'hui, et le Canada est l'un des plus importants bénéficiaires de ces échanges. Je pense que la force de l'économie canadienne est largement due au fait que nous avons accumulé passablement de succès à titre de négociant à l'échelle mondiale, non seulement en ce qui concerne nos exportations traditionnelles fondées sur les produits à base de ressources naturelles, mais de plus en plus grâce à un vaste éventail de produits fortement ouvrés. À mon sens, nous sommes devenus un négociant émérite sur la scène mondiale, particulièrement en Amérique du Nord, mais aussi sur une plus grande échelle.

Cette situation est aussi indiquée par un programme d'échanges commerciaux très chargé aujourd'hui. À mon sens, il n'y a pas d'autres moments dans l'histoire du Canada où il y a eu autant d'initiatives visant à promouvoir les intérêts canadiens qu'il n'y en a aujourd'hui. L'OMC, bien entendu, a toute la place d'honneur parce que c'est le système d'échanges multilatéraux qui offre le plus vaste cadre de règles au sein desquelles les autres initiatives peuvent se dérouler. Mais en plus de cela, comme l'ont indiqué M. Saywell et ses collègues, il y a beaucoup de travail qui s'effectue dans la région de l'Asie-Pacifique. Il y a eu un peu plus tôt des allusions aux travaux en cours en Amérique latine dans le cadre du processus de la ZLEA. Il y a également des négociations en cours avec les membres qui restent de l'Association européenne de libre-échange.

Il y a une longue liste de toutes ces choses, qui sont toutes tout à fait complémentaires aux efforts déployés par le gouvernement canadien et les 133 autres membres de l'OMC afin de mettre sur pied un système d'échanges commerciaux qui colle de plus en plus à la réalité d'un système économique mondial et qui mette en place des règles qui fonctionnent et qui font en sorte que les firmes canadiennes ont la possibilité de concurrencer sur un même pied avec celles du système mondial et que les consommateurs canadiens ont la possibilité d'avoir accès aux meilleurs produits aux meilleurs prix et provenant des meilleures sources possibles. Je pense que c'est l'objectif visé par ces règles, d'offrir ce genre de possibilité.

Les travaux qui sont en cours peuvent être considérés sous trois angles différents.

Le premier, c'est qu'une partie des travaux en cours visent à consolider les gains qui ont déjà été réalisés et à trouver des secteurs dans ces ententes où il y a place à l'amélioration.

Deuxièmement, il y a une quantité énorme de travail consacré à élargir la portée de cette entente. Au Centre de droit et politique commerciale, nous avons le privilège de travailler avec un grand nombre de pays qui se préparent à se joindre au système, non seulement la Chine et la Russie, mais aussi un grand nombre de pays qui faisaient partie de l'ancienne Union soviétique comme le Kazakhstan et l'Azerbaïdjan et d'autres pays similaires, de même que le Vietnam et l'Arabie saoudite, qui ont tous décidé que pour pouvoir bénéficier de ce système d'échanges commerciaux mondial ouvert, ils devaient devenir membres de l'OMC. Nous consacrons énormément de temps à leur fournir des conseils sur ce qu'ils devraient faire afin de mettre leurs régimes commerciaux en conformité avec les règles qui régissent l'OMC.

Troisièmement, il me semble que nous sommes à l'aube d'un approfondissement des règles qui régissent le système commercial international. Ce système commercial, qui a vu le jour il y a plus de 50 ans, est dans une grande mesure axé vers la facilitation des échanges commerciaux entre des pays interdépendants. À mon avis, nous sommes en train de voir poindre le début d'un mouvement dirigé vers la mise en place de règles qui permettraient la gestion d'une économie mondiale. Cela signifie qu'un grand nombre de problèmes qui ont toujours été considérés comme de compétence nationale se trouvent désormais à l'ordre du jour des négociations commerciales internationales, et l'OMC devient de plus en plus le forum où ces négociations ont lieu.

À mon avis, l'une des leçons que nous pourrions tirer de l'échec dans la signature de l'AMI à l'OCDE est que l'OCDE constitue une excellente tribune pour faire ses devoirs ou ses travaux préparatoires mais qu'il n'est d'aucune façon le bon endroit pour négocier une entente qui aura une incidence sur un plus grand nombre de pays que ceux qui peuvent participer aux négociations de l'OCDE.

Mais cette leçon à tirer ne devrait pas être qu'il n'est pas approprié de négocier des règles en matière d'investissement. Il me semble qu'étant donné le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, il est au contraire tout à fait approprié de se doter de règles en matière d'investissement et de continuer à approfondir l'incidence de ces règles sur ce que les gouvernements peuvent faire.

Donc, le prochain cycle de négociations commerciales qui je pense devrait avoir lieu lors des réunions ministérielles de Seattle, à la fin de novembre, devrait vraisemblablement inclure quatre domaines à l'ordre du jour. Le premier sera le domaine traditionnel, c'est-à-dire celui qui porte sur les règles existantes et qui vise à trouver des secteurs où il y a lieu d'apporter des améliorations et où il existe toujours une certaine portée pour la libéralisation. Par exemple, au niveau des tarifs, je pense que nous verrons un effort en vue de négocier un certain nombre d'ententes similaires à celles de l'entente en matière de technologies de l'information, où l'on s'est entendu pour que 95 p. 100 du volume de commerce dans ce domaine soit libéralisé à des tarifs de zéro et à s'occuper d'un certain nombre de barrières non tarifaires dans le même domaine.

• 1015

Je pense que nous verrons des efforts similaires durant le prochain cycle. Par exemple, j'ai déjà reçu des appels de la part de personnes qui ont conclu des ententes similaires dans le secteur de l'automobile et dans d'autres secteurs de l'économie qui s'efforcent de tenir compte des barrières tarifaires qui restent, qui s'efforcent d'améliorer les ententes en matière d'approvisionnement des administrations publiques, d'élargir la portée et d'inclure davantage de membres, de régler les problèmes existants qui peuvent avoir été identifiés dans le domaine des mesures législatives portant sur les recours commerciaux de même que sur le dumping et les droits compensateurs, l'application de garanties et autres éléments semblables.

C'est le domaine des négociations commerciales qui a été bien planifié. C'est aussi le domaine qui était le pain quotidien des négociations du GATT avant l'avènement de l'OMC et qui continuera d'être important lors des négociations de l'OMC, mais ce ne sont pas des domaines qui à mon sens vont susciter les plus grands défis. Au contraire, les plus grands défis viendront des discussions portant sur la question de la gestion de l'économie mondiale. En fait, le succès remporté par l'OMC dans l'élargissement de la portée des règles visant la protection de la propriété intellectuelle et des services est, à mon sens, le début de ce processus. Nous verrons ce processus s'approfondir lorsque l'OMC s'efforcera de démêler les règles de négociation concernant la politique de concurrence et les problèmes d'investissement.

Un des domaines qui fait désormais partie du passé, mais qui à mon avis pourrait devenir plus important dans l'avenir est toute la question des normes, la question pour prendre des mesures à l'égard des normes de base qui sont sous-jacentes à la production, les modalités avec lesquelles les administrations pourraient reconnaître leurs normes réciproques et s'assurer que la qualité élevée des produits et des processus fait partie du système commercial international.

Cet aspect a déjà fait l'objet, à mon sens, de passablement de travaux préparatoires. On a déjà consacré pas mal d'efforts intellectuels à cet aspect au sein de l'OCDE, dans les gouvernements membres, afin d'identifier quels sont les secteurs les plus difficiles sur lesquels il faut agir. C'est l'une des raisons pour lesquelles ce nouveau cycle sera long et difficile et que l'invitation américaine à conclure d'ici trois ans est quelque peu optimiste et naïve.

C'est même encore plus qu'optimiste et naïf, si l'on considère de plus que ce cycle devra également tenir compte d'un domaine encore plus difficile et c'est celui qui vise à trouver un équilibre en l'équité et l'efficience. Une grande partie de ce que les négociations commerciales ont réussi à accomplir dans le passé a consisté à mettre l'accent sur l'aspect de l'efficience dans les négociations commerciales—c'est-à-dire, à mettre en place des règles qui améliorent la capacité des gouvernements à encourager la production et la distribution efficientes des biens et des services.

Ce que nous voyons maintenant, et je pense que vous en avez entendu parler au cours du témoignage de M. Lee et de certaines autres personnes, c'est la nécessité de se pencher sur la dimension de l'équité dans le commerce international—le type de question que traditionnellement les administrations publiques réglaient elles-mêmes dans leur propre sphère de compétence. Mais étant donné la nature de l'économie mondiale, en raison de l'éclatement des barrières tarifaires au sein des pays et entre les pays, il me semble qu'il incombe désormais au système commercial mondial de s'occuper également des questions d'équité, et par cela je veux dire les questions qui portent sur la protection de l'environnement, des droits de la personne, des droits des travailleurs, et du droit d'utiliser l'OMC à titre de véhicule non pas pour établir ses droits—à mon sens, l'OMC n'est pas le meilleur endroit pour négocier les détails de ses droits—mais plutôt pour établir un pont entre le système commercial et des ententes internationales existantes qui portent sur ce type de question.

Il s'agirait d'une meilleure transition entre l'OMC et l'Organisation internationale du travail, d'une meilleure transition entre l'OMC et le Programme environnemental des Nations unies, afin de faire le même genre de choses que ce qui a été fait lors des ententes relatives à l'APIC, où un pont avait été établi entre les diverses ententes en matière de protection des droits de propriété intellectuelle comme celles de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et l'OMC, qui utilise l'OMC à titre de véhicule pour accroître la transparence et la force exécutoire de ces ententes internationales.

Étant donné ce programme chargé, y compris certaines questions très complexes, je pense qu'il faudra également accorder une certaine attention au cours de ces négociations au règlement des questions institutionnelles et au règlement de différends. Étant donné le programme de plus en plus chargé que devra traiter l'OMC et le type d'exigences qui lui sont imposées, je pense que les administrations trouvent qu'il est de plus en plus difficile de voir à ce que tout cela soit effectué par un très petit secrétariat qui compte seulement 500 personnes. Je pense que c'est l'un des plus petits, sinon le meilleur, des secrétariats du système international, mais il est évident qu'un effectif de 500 personnes est insuffisant. Le type de pression qui est imposée au système de règlement des différends a indiqué en partie cette insuffisance.

Jusqu'à maintenant, l'OMC à l'intérieur d'une période inférieure à cinq ans a examiné 168 différends entre les gouvernements membres dont certains ont atterri devant des comités d'experts, d'autres ont été réglés à partir de consultations mais nous avons pratiquement effectué au cours des cinq premières années d'existence de l'OMC ce que le GATT a accompli au cours de ses 45 premières années. Je pense que cela est une bonne indication de la confiance que les gouvernements placent dans le système, mais ils placent aussi des exigences qui seront très difficiles à satisfaire. Une partie importante des négociations à venir devront porter sur ce type de problèmes systémiques.

• 1020

D'un point de vue canadien, je pense que toutes ces questions sont de la plus haute importance. À mon sens, il est décisif que le Canada se prépare à ces négociations. Je pense que le travail du présent comité est très important à cet égard. Au cours des négociations passées, l'une des choses que les Canadiens ont apprises est que nous pouvons avoir de l'influence, que nous pouvons même avoir une influence importante sur le résultat des négociations, mais que cette influence doit jouer très tôt dès le début des négociations plutôt qu'à la fin, et qu'elle est le résultat d'une préparation supérieure, d'une pensée novatrice et d'une grande créativité dans l'élaboration des idées. Donc le travail de ce comité est essentiel pour aider le gouvernement à se préparer en vue de ces négociations, pour s'assurer que les intérêts canadiens seront connus et qu'ils seront pris en compte dès le début des négociations et que nous constituerons la meilleure équipe possible qui pourra assurer le suivi et faire en sorte de participer à la conclusion de ces négociations.

Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Hart.

Y a-t-il des questions? Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Merci beaucoup, madame la présidente.

Merci, messieurs de vous être présentés ici ce matin. Je n'ai qu'un mot pour décrire ce que vous venez de nous présenter en l'espace de 20 minutes: Super! C'est un exposé fantastique.

J'aimerais vous demander ce qui vous a incité à vous démarquer tellement de ce que nous avons entendu auparavant, ce passage en direction du contrôle des capitaux et des mouvements de capitaux et comment ceux-ci se déplacent, plutôt que d'envisager la stricte libéralisation du commerce—en déplaçant l'accent d'un aspect vers l'autre. J'aimerais demander à quiconque voudra bien me répondre de m'indiquer exactement pourquoi vous pensez que cette question prendra davantage d'importance à l'avenir pour ce qui est de contrôler ce qui se passe sur les marchés mondiaux, et qu'on y accordera davantage d'intérêt qu'au cours des précédentes négociations.

M. Michael Hart: Si vous permettez, je vais commencer.

M. Werner Schmidt: Je pensais que vous le feriez.

M. Michael Hart: Je pense que c'était davantage le point de M. Lee que le mien...

M. Werner Schmidt: Oui c'était le point de M. Lee, mais je pense que vous êtes tous d'accord.

M. Michael Hart: ... que l'accent devrait être mis davantage sur le contrôle des mouvements de capitaux. À mon sens, le prochain cycle de négociations devrait poursuivre les négociations amorcées entre les administrations. Le résultat de ces négociations sera la mise en place de règles qui serviront de base à la réglementation par les gouvernements des capitaux. Je ne pense pas que nous soyons déjà prêts à mettre en place un système de gestion global qui sera fondé sur l'effet direct de ces rôles sur les entités qui sont régies, c'est-à-dire les particuliers et les entreprises. À mon sens, le rôle intermédiaire des gouvernements nationaux continuera d'être important, mais les questions au sujet desquelles les gouvernements devront négocier des règles—et c'est vraiment la raison d'être de l'OMC—sont justement les règles qui ont une incidence sur les gouvernements. Ces questions serviront aux gouvernements à établir la base à partir de laquelle ils régleront la question de la réglementation des capitaux, des droits de la personne et ainsi de suite. Je pense que c'est parce que la capacité des gouvernements à effectuer ceci strictement à l'échelle nationale, sans référence aux règles plus larges du système international, a été érodée par la réalité de la mondialisation.

Nous avons atteint le point où les frontières, les limites sont tellement poreuses qu'il est nécessaire pour les administrations publiques, afin de fournir ce que M. Lee et ses collègues trouvent si important... La supervision démocratique sur la façon dont le marché fonctionne exige qu'ils travaillent collectivement à la mise en place d'un système de règles qui s'appliquent non seulement au Canada ou aux États-Unis, mais à l'échelle mondiale.

M. Werner Schmidt: Je pense que c'est une observation très critique, mais j'aimerais vraiment demander à M. Lee comment pensez-vous contrôler les capitaux? Apparemment, les capitaux ne connaissent aucune allégeance à qui que ce soit. Ils circulent très rapidement et très librement. Comment pensez-vous réellement pouvoir effectuer toutes ces choses dont le professeur Hart vient juste de parler?

M. Marc Lee: Cela dépend de type de capitaux dont vous parlez. C'est pourquoi j'ai établi la distinction entre les capitaux à court terme ou ce que vous pourriez appeler les capitaux de portefeuille par opposition aux investissements directs à plus long terme. Je pense que ce à quoi vous faites allusion c'est davantage des investissements à court terme. Un certain nombre d'approches différentes ont été suggérées sur la façon de...

M. Werner Schmidt: Oui mais les deux sont interreliées. Si vous utilisez une seule catégorie et puis une autre et que vous dites qu'il y a une sorte de mur imperméable entre les deux, c'est faire preuve d'un manque total de réalisme. Les capitaux à court terme et à long terme ont un rapport les uns avec les autres. Je pense que nous devons vraiment reconnaître cela.

M. Marc Lee: Je pense qu'il y a une grande différence entre des investissements qui entrent dans un pays pour construire une usine qui servira à produire des objets réels, et de l'argent de fonds mutuels qui entre afin de produire un rendement de 30 p. 100.

• 1025

M. Werner Schmidt: Je ne pensais pas à l'argent des fonds mutuels du tout.

M. Marc Lee: Pour ce qui est des capitaux à court terme, une suggestion que vous auriez peut-être pu faire vous-même est cette notion de la taxe Tobin. Certains ont dit qu'il était très difficile de la mettre en place dans le cas du système international, étant donné la façon dont les capitaux fonctionnent, mais il semble que de plus en plus il y ait des centres majeurs par l'entremise desquels ces transactions peuvent être effectuées. Donc, même malgré l'énorme décentralisation dans la capacité des négociants à faire leur entrée dans le système, il reste qu'un grand nombre d'échanges commerciaux transitent par un point unique. Si vous étudiez le mode de fonctionnement de la NASDAQ, par exemple, tout se transige largement par l'entremise d'un seul système informatique centralisé.

Une autre approche intéressante est l'approche chilienne. Les Chiliens imposent une taxe de 30 p. 100 sur les investissements qui entrent dans le pays, qui est remboursable après un an. Cela signifie que si vous êtes sérieux dans vos investissements et que vous visez le long terme, vous pouvez investir cet argent sans vous inquiéter, mais si vous vouliez le laisser pour une semaine, vous pouvez vous attendre à subir des pertes assez importantes. Donc certains modèles ont été mis à l'essai.

Pour ce qui est des investissements à long terme et de cette notion qui consiste à établir un lien entre responsabilité et obligation et droit, l'approche que je privilégie serait celle d'avoir un forum dans lequel vous pourriez négocier des normes minimales en matière de résultat que les sociétés transnationales devraient respecter. Les sociétés qui satisferaient aux normes en question se verraient attribuer un statut d'investisseur le plus favorisé. Grâce à ce statut, elles pourraient obtenir certains privilèges, peut-être certains des privilèges qu'elles essaient d'obtenir par l'entremise de négociations comme celle de l'AMI, comme celui lié au traitement national ou encore l'accès à une certaine forme de mécanisme de règlement des différends. Je ne fais que décrire un cadre assez large. Il y a un certain nombre de détails qui pourraient être précisés à cet égard.

M. Werner Schmidt: Je pense que c'est tout le temps que nous avons, ou en reste-t-il encore un peu?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui, vous avez le temps pour une autre question.

M. Werner Schmidt: J'aimerais passer au domaine connexe de la propriété intellectuelle, des règles de concurrence et des situations de type monopolistique et oligopolistique. Ces dernières font partie intégrante du type de choses dont nous parlons ici, et la question des normes est très importante. Comment pouvons-nous sérieusement envisager ce genre de chose, étant donné que nous voulons maintenant mettre ces questions dans le contexte du contrôle des mouvements de capitaux?

M. Marc Lee: Pour ce qui est de la politique de concurrence, une des raisons qui, à mon sens, est tellement importante c'est que si vous considérez les récentes tendances en ce qui concerne les fusions et les acquisitions, par exemple, elles sont plutôt frappantes. KPMG a fait récemment une étude selon laquelle la valeur des fusions et des acquisitions internationales en 1998 s'était chiffrée à environ 544 milliards de dollars US. C'est un bond assez impressionnant de 60 p. 100 par rapport à 1997. Donc nous devons reconnaître que des changements s'opèrent, et que nous avons la portée nécessaire pour entrevoir une concentration massive de la propriété et du pouvoir à l'échelle internationale. Cela se produit plus ou moins, selon l'industrie à laquelle vous faites référence.

Il y a aussi cette possibilité de monopolisation et d'oligopolisation. Les oligopoles ont tendance à être plus courants, mais avec les monopoles, particulièrement dans le domaine de la technologie de l'information, en raison même de la nature de la concurrence qui s'exerce dans divers types de technologie, il existe un potentiel énorme pour ce qu'il est convenu d'appeler l'effet de période fermée. Prenez par exemple Microsoft Windows. Une fois que Microsoft a décidé d'aller de l'avant avec une partie du marché, un certain nombre de forces sont venues appuyer le fait qu'elle se trouvait en tête. Les utilisateurs voulaient acheter Windows parce que d'autres personnes avec lesquelles ils désiraient communiquer étaient elles aussi des utilisateurs de Windows. Les développeurs qui créaient les produits logiciels pour la plate-forme Windows voulaient travailler pour Windows plutôt que pour Mac parce que c'était la norme avec laquelle ils voulaient travailler.

Voici donc les types de forces technologiques—et il y a énormément de documentation sur le sujet—qui ont tendance à renforcer ces mouvements traditionnels vers la concentration du pouvoir. C'est pourquoi je voulais mettre ceci en lumière comme étant un secteur risquant éventuellement de poser des problèmes. De plus, pour ce qui est des télécommunications, nous assisterons à énormément de consolidations. Il semble que nous nous dirigions vers un certain nombre de firmes mondiales qui exercent un immense pouvoir sur le méta-marché dans les secteurs des médias et des banques.

M. Werner Schmidt: Je ne pense pas que j'aie besoin d'un catalogue pour m'expliquer en quoi consiste le problème. Je désire seulement savoir comment vous avez l'intention de résoudre ce problème. Le problème est connu. Je sais de quoi il retourne, nous savons tous en tant que membres du comité de quoi il retourne, ce que nous vous demandons en tant qu'expert c'est de nous dire comment en venir à bout.

M. Marc Lee: Je pense qu'il y a quelques éléments, comme les politiques antitrust qui sont actuellement en vigueur à l'échelle nationale. Nous pourrions voir une partie de ces politiques s'appliquer à l'échelle internationale. Des mesures visant à protéger les consommateurs pourraient être également un pas important dans cette direction.

• 1030

N'oubliez pas que nous disposons d'une quantité de modèles qui décrivent de quelle façon les administrations ont choisi de réglementer ce problème à l'échelle nationale. Nous pourrions les utiliser comme cadre de travail pour progresser à une échelle plus mondiale.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Woo.

M. Yuen Pau Woo: Concernant la question des EMN et de la politique de concurrence, je veux simplement apporter un éclaircissement sur la question des EMN transfrontaliers et de leur rapport avec la politique de concurrence.

En Asie, où nous suivons la situation de très près, la grande tendance en ce qui concerne les fusions et les acquisitions est véritablement trop concurrentielle plutôt que anti-concurrentielle. Cette tendance contribue à briser les monopoles en Asie qui auparavant ne pouvaient pas l'être en raison du contrôle monopolistique sur les économies ou d'autres réglementations gouvernementales.

Donc, je ne voudrais pas sauter à la conclusion que la promotion de la politique de concurrence ou des principes de concurrence en Asie sont en contradiction avec une augmentation des mouvements transfrontaliers de fusion et d'acquisition. En fait, je dirais plutôt le contraire. S'il y a un mouvement au sein de l'OMC pour aborder la question des mouvements libres de capitaux internationaux, comme dans le cadre des EMN, je pense que nous devons le relier à cette amélioration de l'environnement concurrentiel dans les économies industrialisées et en développement, de sorte que le capital puisse circuler plus librement. C'est procyclique plutôt que antithétique.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

[Français]

Monsieur Sauvageau, avez-vous des questions?

M. Benoît Sauvageau: Bonjour, messieurs. J'ai d'abord un commentaire à faire à M. Lee. S'il veut y réagir, il pourra le faire. Quant à mes questions, elles s'adressent à M. Hart.

Monsieur Lee, vous avez dit qu'à la Chambre des communes, on avait voté récemment sur la taxe Tobin. Si je ne me trompe pas, la motion présentée par un des partis d'opposition correspondait au libellé de la définition de la taxe Tobin, c'est-à-dire taxer la spéculation sur la variation des taux de change. Cependant, cet amendement a été battu, et nous avons voté à la Chambre des communes sur une taxe sur les transactions financières internationales, ce qui est beaucoup plus vaste, plus large et plus dangereux que la taxe Tobin. Je voulais apporter cette précision. C'est là-dessus que nous avons voté. Nous avions proposé un amendement respectant la définition de la taxe Tobin, et cet amendement a été battu par le parti majoritaire. Donc, on n'a pas voté sur la taxe Tobin, mais sur une taxe sur les transactions financières internationales. C'est mon premier commentaire.

Monsieur Hart, on lit au premier paragraphe de votre document:

    En outre, la crise financière asiatique a convaincu les ministres des Finances d'envisager un éventail de propositions destinées à renforcer la surveillance globale des institutions et des marchés financiers.

J'ai lu récemment un article dans un média francophone, où on disait que l'ONU était en train de se pencher sur une nouvelle institution internationale qui aurait les mêmes règles ou critères que l'OMC, mais qui surveillerait les variations de taux de change et les finances internationales. Pourriez-vous me dire où en sont les travaux à cet égard?

On a entendu dire récemment que dans le cadre de la Zone de libre-échange des Amériques, le Canada était très «agressif» et très optimiste, et qu'il l'était peut-être même trop. Il veut négocier en même temps l'accord de l'OMC, où il y a une ronde de négociations importante, comme vous l'avez souligné, la Zone de libre-échange des Amériques, un accord de libre-échange avec certains pays du nord de l'Europe et d'autres accords bilatéraux de libre-échange. Il y a un proverbe français qui dit: «Qui trop embrasse, mal étreint». Est-ce que le Canada n'en est pas là avec les négociateurs et avec les autres pays avec lesquels il négocie? Le Salvador, le Guatemala et d'autres pays comme ceux-là n'ont peut-être pas le même nombre de négociateurs que le gouvernement canadien ou le gouvernement américain pour négocier avec nous dans l'ensemble de ces forums.

[Traduction]

M. Michael Hart: Merci, monsieur Sauvageau.

Sur la question des travaux en cours au FMI et dans quelques organisations apparentées, je pense que les gouvernements reconnaissent depuis longtemps les avantages de la spécialisation. Donc, tout comme nous avons divers ministères au sein du gouvernement à Ottawa, il existe aussi diverses organisations à l'échelle internationale qui se spécialisent dans le règlement de ce type de problème.

• 1035

Afin de prendre en compte les taux de change et les marchés monétaires, nous disposons du Fonds monétaire international. Je sais que M. Martin s'est montré assez énergique au FMI où il a fait la promotion d'un degré accru de surveillance à l'égard du mouvement des capitaux à court terme. Je pense que l'on a pu constater une certaine réticence de la part des autres gouvernements à aller aussi loin qu'il était prêt à le faire. C'est difficile de se tenir au courant de ce qui se passe dans chaque organisation, aussi je me concentre sur le système commercial, mais je sais qu'il a réussi jusqu'à maintenant à engager ses partenaires du FMI sur ce type de question, et je pense que cela prendra un certain temps.

Mon but véritable, en vous signalant ceci, est d'indiquer que le système international est constitué de plusieurs éléments. Il y a des travaux en cours dans tous ces aspects, et tous visent le même ensemble de valeurs et d'objectifs: fournir un ensemble de règles qui offrent une meilleure base pour gérer l'économie mondiale. Cela inclut des questions comme les taux de change et les mouvements monétaires à court terme.

Cela inclut également les travaux beaucoup plus détaillés qui se déroulent au sein de l'OMC. C'est la raison pour laquelle il y a, par exemple, de très importantes concordances entre l'OMC, le FMI et la Banque mondiale à Washington. Les gouvernements n'étaient pas satisfaits de la façon dont ces concordances fonctionnaient durant les années du GATT, mais celles-ci ont été renforcées depuis l'avènement de l'OMC et donnent une meilleure base de travail pour le directeur général de l'OMC, par exemple, pour lui permettre de travailler avec le FMI ainsi que pour le directeur général du FMI qui doit lui aussi travailler avec l'OMC. Je pense qu'il est encore un peu trop tôt pour voir comment ce type de correspondances vont s'organiser.

Si vous me permettez, j'aimerais répondre rapidement à M. Schmidt concernant le problème de la concurrence.

M. Benoît Sauvageau: Pourriez-vous répondre à ma deuxième question?

M. Michael Hart: S'il vous plaît, veuillez me la rappeler.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Est-ce qu'on ne négocie pas trop d'ententes de libre-échange?

[Traduction]

M. Michael Hart: D'accord. Oui, de toute évidence, si vous en prenez trop, vous risquez d'y perdre au change. C'est la raison pour laquelle nous avons des forums spécialisés pour discuter de ces diverses ententes. Le fait que sur le plan du commerce nous ayons tellement de chats à fouetter nous donne une fausse idée de la réalité. Ces activités peuvent sembler disparates, et nous semblons à la poursuite d'objectifs différents. Mais en réalité, ce n'est pas le cas. Je pense qu'il y a une sorte de hiérarchie des initiatives qui ont tendance à être très complémentaires.

Les travaux qui se déroulent dans les forums de l'ALENA et de l'APEC, par exemple, sont dans une large mesure dirigés vers une combinaison d'assistance technique et de facilitation du commerce. L'un des problèmes que vous avez signalés, par exemple, qu'un pays comme le Guatemala ne dispose pas des ressources pour négocier aussi efficacement qu'un pays comme le Canada, et c'est tout à fait vrai. L'un des grands avantages de l'ALENA et de l'APEC est que leur processus vise à accroître la capacité des pays comme le Guatemala de participer plus efficacement à ce genre de négociation.

Au bout du compte, étant donné qu'il y a des négociations multilatérales, ces pays doivent apprendre—et en fait ils apprennent—l'importance d'établir des coalitions. Donc le Guatemala ne travaille pas seul; il travaille en collaboration avec 20 ou 30 autres pays qui partagent les mêmes objectifs. De cette façon, ils sont capables d'injecter leurs intérêts de façon plus efficace au cours d'un processus de négociation multilatéral. Cela vient en grande partie du genre de travail qui s'effectue au sein de l'ALENA. De la même façon, pour certains plus petits pays de la région de l'APEC, le processus de l'APEC est aussi très encourageant à cet égard.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): M. Hart voudrait revenir en arrière pour répondre à la question de M. Schmidt pendant qu'il est au micro. Alors je reviens à vous.

M. Michael Hart: En ce qui concerne la question des politiques de concurrence, certaines ententes de l'OMC contiennent déjà des dispositions relatives à la politique de concurrence. Le GATS, l'Accord général sur le commerce des services, possède de nombreuses dispositions relatives à la concurrence parce qu'il a été reconnu dès le tout début que la nature des barrières qui existent dans le commerce et les services sont du type concurrentiel. Le fait que dans les négociations relatives aux télécommunications il existe un document de référence rattaché au quatrième protocole en constitue un bon exemple—il est vrai que tout ceci est très technique—il s'agit, en effet, d'un document concernant les principes de la concurrence que les gouvernements utiliseront pour mettre en «uvre leurs obligations en vertu de cette entente.

Ce qui devrait se passer au cours des dix prochaines années devrait se dérouler en deux étapes. Un peu comme cela s'est passé dans le domaine de la propriété intellectuelle, les lois sur la concurrence à l'échelle nationale sont très inégales. Les États-Unis disposent d'une longue histoire assez agressive pour ce qui est de la mise en «uvre de la Loi sur la concurrence. Dans de nombreux autres pays, on ne dispose même pas de loi sur la concurrence. Le Canada en a une, mais elle n'est entrée en vigueur qu'il y a environ dix ans.

Nous avions une loi anti-coalition très faible qui a été finalement remplacée par une loi sur la concurrence beaucoup plus efficace. En fait, les lois sur la concurrence les plus efficaces sont habituellement mises en «uvre dans les pays qui ont une tradition britannique anglo-saxonne de Common law. Elles sont beaucoup moins efficaces dans les pays de droit civil, mais nous commençons à voir l'application des principes du droit civil à la concurrence dans un nombre croissant de compétences. Dans les pays de l'Union européenne, par exemple, le fait que l'UE ait accepté dans le cadre du Traité de Rome, d'intégrer la concurrence à ce traité plutôt que de le voir discuter à l'échelle nationale, a eu une incidence majeure sur la concurrence au sein de l'Union européenne.

• 1040

Mais nous allions assister ensuite à une demande croissante pour que les pays intègrent les principes de la concurrence dans leur droit national. L'étape suivante, qui sera une étape très difficile, sera la mise en place d'une entente—au sein de l'OMC, selon moi—qui sera similaire à l'entente de l'APIC, une entente sur ce que devraient être les principes de base que tous les membres de l'OMC doivent appliquer dans le cadre de leur droit national afin de former la base d'un mécanisme de règlement des différends ou d'exécution de la justice, pour faire en sorte que ces pays appliquent les principes de base de la concurrence dans le cadre de leur droit national.

Donc, nous allons créer au moins un seuil que les membres de l'OMC ne pourront franchir. Selon moi, cela sera la prochaine étape, et elle ne s'appliquera pas seulement aux services mais à un vaste éventail de transactions internationales.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Sauvageau, avez-vous une autre question?

M. Benoît Sauvageau: Oui, une courte question sur la culture.

Certains négociateurs canadiens nous ont dit qu'on devait exclure l'exclusion culturelle de la négociation et faire une charte internationale des droits culturels.

En tant qu'ex-négociateur canadien, quelle est votre position sur la culture? Est-ce qu'on devrait, et à l'OMC et dans la Zone de libre-échange des Amériques, mettre sur la table la culture et tenter de l'encadrer et de la réglementer, ou conserver l'exclusion culturelle telle que nous l'avons aujourd'hui? Principalement au niveau de la Zone de libre-échange des Amériques, est-ce le gouvernement fédéral qui devrait négocier cet aspect de la culture ou si, comme la représentante de la Colombie-Britannique le disait tout à l'heure, les entités provinciales pourraient avoir leur mot à dire à ce niveau?

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): À qui cette question s'adresse-t-elle?

Une voix: À M. Hart.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Hart.

M. Michael Hart: C'est une question très compliquée qui a plusieurs volets. Tout d'abord, je pense qu'il ne serait pas très avisé de la part du Canada d'entreprendre la négociation d'ententes internationales entre les provinces et le reste du système. À mon sens, le gouvernement fédéral devrait avoir la compétence nécessaire pour négocier, comme il le fait dans le cas des ententes internationales, et l'obligation de mettre en «uvre ces ententes.

Le gouvernement fédéral, en retour, a la responsabilité de s'assurer que dans les domaines qui sont de compétence provinciale, il doit parler au nom du Canada en entier, y compris des provinces. Je pense que c'est une question de régie interne que le Canada doit régler, plutôt que de saupoudrer le reste du monde avec des délégations formées de représentants du fédéral et des provinces. À mon sens il s'agit d'une question de régie interne que nous devons régler.

Je suis un peu ambivalent sur ce que nous devrions tenter de résoudre. Je comprends les vrais problèmes de la diversité culturelle, de la mise en place de politiques qui permettent au Canada de promouvoir le genre de politiques qui permettent aux Canadiens d'avoir à leur disposition leurs propres produits culturels. Mais en même temps, je suis un peu sceptique quant à l'utilité des mesures discriminatoires.

Donc si le gouvernement fédéral est en mesure d'obtenir un large consensus à l'échelle internationale—et je pense qu'il y travaille—afin d'élaborer un ensemble constructif de principes pour le genre de chose que le gouvernement devrait être en mesure de faire pour promouvoir la diversité culturelle... Je pense que ce type de consensus peut exister. Mais s'il s'agit d'un genre de coalition contre l'industrie américaine du divertissement, dont l'idée serait d'essayer de battre en brèche le succès que cette industrie remporte, je pense que cela aura des répercussions, parce que l'une des raisons pour lesquelles l'industrie du divertissement de Hollywood réussit si bien, c'est que les gens aiment ça. Donc si les gouvernements commencent à dire «nous ne vous laisserons pas consommer ce genre de produit», et bien je pense que nous allons en ressentir les effets.

Le défi à relever est donc de mettre en place un ensemble constructif et positif de règles qui permettront aux gouvernements de promouvoir ce genre de politique. Et cela peut nécessiter que l'on prenne des décisions très difficiles. Cela peut en effet nécessiter que les gouvernements soient en mesure de demander à leurs ministres des Finances qui tiennent les goussets de la bourse bien serrés de mettre un peu d'argent à disposition, parce que je pense que ce serait le moyen le plus facile d'y arriver.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Lee.

M. Marc Lee: Je pense que la politique culturelle est elle aussi un domaine dans lequel nous devons avoir un respect assez large pour la diversité des approches nationales. Les Américains ont tendance à ne pas voir la culture comme un reflet de la population ou de ce qu'ils sont—comme un miroir, comme vous pourriez l'appeler—ainsi que les Canadiens le font. Les Américains voient la culture comme une affaire; il s'agit de divertissement. La raison pour laquelle un si grand nombre de films américains et d'émissions de télévision américaines sont si populaires dans le monde entier a beaucoup à voir avec la mise en marché. Ces gens ont beaucoup d'argent à injecter dans d'énormes budgets de marketing.

• 1045

Nous voyons ce problème au Canada. Nous sommes les prototypes du monde entier, en réalité. Environ 90 p. 100 de nos salles de cinéma sont contrôlées par des distributeurs américains. Il n'est pas nécessaire de regarder très loin au-delà du spectre des médias pour constater la présence américaine ici. Et je suis sûr, monsieur, que vos préoccupations au Québec seraient un reflet de cette situation aussi même si vous semblez avoir mieux réussi à protéger votre culture que nous l'avons fait.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Madame Beaumier.

Mme Colleen Beaumier: Merci.

Je dois avouer qu'avec toutes ces ententes auxquelles vous avez fait allusion auparavant—le GATT, l'ALENA et l'entente de libre-échange—c'est encore un peu confus pour moi. Toutefois, la bonne nouvelle c'est qu'il y a environ un an j'étais dans le cirage total.

Je pense que nous avons déterminé que l'OMC s'occupera fondamentalement de la réduction des barrières commerciales. Et pourtant vous faites allusion à d'autres organisations avec lesquelles nous devrons faire affaire en ce qui concerne les effets déstabilisants des investissements à court terme, la destruction de l'environnement et les pratiques en matière de main-d'«uvre qui sont totalement rejetées par les Canadiens. L'OMC ne semble pas être le véhicule pour traiter de ces questions.

Vous parlez de l'établissement de liens par l'OMC avec les autres organisations. Il a été suggéré, l'autre jour, que les Nations unies devraient s'en occuper. Mais nous savons tous qu'au moins à court terme, les ententes commerciales doivent avoir préséance sur tout ce que les Nations unies peuvent faire au niveau de la politique sociale ou de l'environnement, parce qu'actuellement, la tendance est au commerce.

Quant à moi, je ne pense pas que ce sera toujours le cas. Il me semble qu'après que nous ayons amassé toutes ces fortunes, nous allons nous arrêter un peu pour réfléchir en notre âme et conscience avant de quitter cette terre. Il me semble que c'est simplement une progression naturelle pour les êtres humains.

Je suppose que j'ai atteint l'âge où l'on commence à avoir ce genre de réflexion et je suis extrêmement préoccupée au sujet de notre propre politique sociale ici au Canada. Je suis inquiète de ce que nous, en tant que Canadiens, voulons pour notre société et qui devrait s'étendre au reste du monde ou du moins c'est à espérer. J'aimerais savoir comment vous pensez que nous pouvons protéger cela et en faire la promotion en faisant preuve d'un peu de clairvoyance, de sorte que lorsque le reste du monde m'aura rattrapée et se trouvera dans la deuxième partie de son existence, ces véhicules seront en place et nous pourrons agir rapidement.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Est-ce que votre question s'adresse à quelqu'un en particulier?

Mme Colleen Beaumier: À M. Lee.

En réalité, j'ai le sentiment que peut-être M. Woo est encore trop jeune et qu'il se concentre davantage sur les aspects commerciaux. Pourtant vous ne pouvez pas nier que les autres aspects existent et que l'on doit s'en occuper.

M. Yuen Pau Woo: Je vais prendre cela comme une louange, merci, comme un compliment.

Mme Colleen Beaumier: Ce n'était certainement pas voulu comme une insulte.

Si nous avons le temps, j'aimerais que tous trois vous puissiez répondre à cette question.

M. Marc Lee: Je vais commencer.

Je pensais que vous posiez la question à M. Hart, mais c'est parfait, je suis prêt à répondre.

Mme Colleen Beaumier: Et bien, parfois lorsque je pose cette question j'ai l'impression que je la pose à Dieu, parce que personne ne semble vouloir s'en occuper.

M. Marc Lee: Il me semble que ce à quoi vous faites allusion c'est qu'à l'échelle internationale, il faut nous écarter de cette perspective du commerce à tout prix qui a dominé la scène depuis au moins une décennie et même plus.

Pour ce qui est de la façon de procéder avec les autres institutions, nous pouvons vouloir construire à partir des institutions existantes, comme l'a suggéré M. Hart, comme l'OIT. La question principale dans toute cette histoire c'est que nous devons nous interroger sur la capacité de ces institutions à faire respecter leurs décisions. Par exemple, l'OIT est très faible pour ce qui est de l'exécution de ses décisions.

Si nous regardons l'environnement, il y a une énorme quantité d'ententes multilatérales en matière d'environnement—le Protocole de Montréal, la Convention de Bâle—qui portent sur un éventail de domaines. Mais, constamment, nous pouvons constater que ces importants objectifs que les signataires ont autorisés ont tendance à se noyer dans les priorités commerciales. Je pense que parfois nous devons mettre un frein. Il y a des domaines où d'autres objectifs devraient avoir préséance sur le commerce, et il nous faut montrer plus de clarté et indiquer vraiment quels sont ces secteurs. Je pense que j'en ai nommé quelques-uns: les questions de main-d'«uvre, l'environnement et, éventuellement, la culture.

• 1050

Mme Colleen Beaumier: Mais comment pouvons-nous procéder pour leur donner la capacité de faire respecter leurs décisions? Quels sont les véhicules à privilégier? M. Hart parlait un peu plus tôt de l'établissement de ponts entre ces groupes. Comment pouvons-nous leur donner les éléments nécessaires pour faire respecter leurs décisions—du moins jusqu'à un certain point?

M. Marc Lee: C'est la raison pour laquelle je parlais de la mise en place éventuelle d'un statut d'investisseur le plus favorisé que vous pourriez utiliser comme une mesure d'encouragement afin de forcer les sociétés, afin qu'il soit dans leur intérêt d'adhérer à des niveaux de normes élevées, parce que de cette façon ils obtiendraient en contrepartie des protections additionnelles dans les divers marchés au sein desquels ils opèrent. C'est seulement un exemple.

La difficulté, à mon sens, est que certaines approches pourraient vouloir envisager la possibilité d'intégrer des mécanismes au sein de l'OMC elle-même afin de tirer parti du mécanisme de règlement de différends qui s'y trouve et qui leur accorderait passablement de pouvoir. J'avance que ce n'est pas l'approche que nous devrions privilégier. Si vous considérez la question de l'environnement, nous avons l'article XX du GATT, qui réellement formule de façon très explicite les mesures de protection de l'environnement. Mais encore une fois, chaque fois qu'il est entré en conflit avec certains articles soi-disant plus importants, pour ce qui est du traitement national et de la nation la plus favorisée, l'environnement a toujours perdu. Il n'a pas encore remporté de bataille dans ce domaine. C'est pourquoi je crois que nous devons mettre en place un élément plus large du cadre international afin de régler ces questions.

M. Michael Hart: Puis-je répondre?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous en prie.

M. Michael Hart: Inutile de dire que je ne partage pas le point de vue de M. Lee pour ce qui est de l'approche du commerce à tout prix. Les ententes commerciales et tous les autres régimes internationaux ont été négociés par des gouvernements souverains. Les gouvernements souverains ont décidé de ce qu'ils étaient prêts à voir réglementer en fonction des ententes internationales. Ils se sont efforcés de trouver des moyens de régler des problèmes communs.

L'une des choses que j'enseigne à mes étudiants c'est que les gouvernements ne signent pas d'ententes internationales à moins que deux conditions soient remplies. La première c'est qu'ils sont en face d'un problème qu'ils sont incapables de résoudre en prenant des mesures à l'échelle nationale seulement, qui ne peut être réglé que par une action concertée ou encore qu'ils voient une possibilité qui ne peut être atteinte par une mesure nationale seule et qu'ils réalisent que cela serait possible grâce à une action concertée. Mais chaque fois que les gouvernements négocient une entente internationale, ce qu'ils font en réalité c'est mettre en commun leur souveraineté. Ils acceptent que plutôt que de laisser aller leur capacité d'agir unilatéralement de leur propre chef, ils agiront de façon concertée en fonction d'un ensemble de règles établies.

Ce qui rend le système de commerce si intéressant c'est le fait que c'est dans ce système—et je pense que Larry Herman, lorsqu'il a témoigné devant ce comité au mois de mars, en a fait un argument important—que pour la première fois, les gouvernements ont accepté d'établir des dispositions exécutoires concernant le règlement de différends au sein de l'OMC. C'est le premier système international au sein duquel les gouvernements ont accepté de le faire. Et les gouvernements, et en particulier le gouvernement américain, parce qu'ils ont réalisé que la complexité de ce qui se passe à l'échelle du système de commerce international exigeait que l'on établisse un ensemble de règles qui devaient être mises à exécution.

Ce que cela a signifié pour un certain nombre d'autres régimes, qui ne sont pas exécutoires, et qui reposent davantage sur un genre de comité de relations politiques plutôt que sur le droit, c'est qu'il y a désormais un effort de fait pour voir ce qui pourrait être fait pour pouvoir utiliser les dispositions de mise à exécution de l'OMC afin de faire en sorte que certains de ces autres régimes deviennent eux aussi exécutoires.

Les gouvernements ne sont pas prêts à accorder au système de l'OIT ou des NU, et ainsi de suite, le même genre de pouvoir qu'ils ont accordés au système commercial parce qu'ils n'ont pas confiance dans ce système. Le système de règlement des différends du GATT est le résultat de 50 années de développement pragmatique, d'essai de différentes approches et de conclusions selon lesquelles ceci fonctionne et ceci ne fonctionne pas avec des garanties intégrées. C'est pourquoi je pense que l'une des choses que nous verrons c'est que l'on s'efforcera de voir si des ponts peuvent être établis entre ces autres régimes pour qu'ils puissent utiliser l'OMC dans le cadre du mécanisme de mise à exécution afin de s'assurer que nous atteignons les objectifs visés en matière d'environnement, de droits de la personne, dans le secteur de la main-d'«uvre, etc. Je pense que ce sera un défi très difficile à relever.

Mais le modèle à suivre a été de bien des façons établi par l'entente qui a été signée à la fin du Cycle de l'Uruguay qui visait à conclure une entente internationale pour la protection de la propriété internationale. En effet, cette entente dit que le régime de propriété internationale qui existe, et dont une partie remonte à avant la création du GATT—en effet une partie remonte aussi loin que 1850—sera mise en vigueur par l'utilisation du mécanisme de règlement des différends de l'OMC.

• 1055

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Avez-vous d'autres questions, madame Beaumier?

Mme Colleen Beaumier: Nous n'avons pas le temps.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Speller.

Au cours de cette série, nous avons un peu plus de temps.

M. Bob Speller: Merci, madame la présidente.

Je tiens à remercier nos témoins. Ça me fait plaisir de vous revoir, monsieur Hart.

Je voudrais dire, madame la présidente, que j'aime vraiment cette idée que vous avez eue—et peut-être que je marche sur la corde raide ici—de réunir deux personnes qui sont en désaccord sur certaines questions et d'essayer de mettre les deux ensemble et, comme le dit Mme Beaumier, essayer ainsi de mieux comprendre la situation.

Ma première question, cependant, avant de poser la question à la fois à M. Lee et à M. Hart, s'adresse au jeune M. Woo.

J'ai beaucoup apprécié votre exposé, mais j'aurais une question à vous poser. Je comprends ce que vous dites lorsque vous parlez de l'importance de l'APEC et de l'importance de la libéralisation du commerce ainsi que tout ce que vous dites concernant le fait que nous devrions davantage nous adresser à l'OMC, étant donné ce qui s'en vient en novembre avec les ministres du commerce qui essaieront de déclencher un nouveau cycle encore plus important de négociations de l'OMC.

• 1100

Toutefois, ce que je ne comprends pas, et je me demande si vous pourriez nous donner un peu plus d'explications, c'est la raison pour laquelle vous craignez les effets des efforts de la Nouvelle-Zélande qui veut poursuivre sur le front de la libéralisation du commerce au sein de l'APEC. Je comprends qu'en même temps que cela il y a toujours des comités, et ce que vous appelez les travaux en matière de coopération économique et technique qui s'y déroulent parce qu'il est fondamental que ces questions relatives à la libéralisation du commerce soient discutées en même temps que les questions de facilitation du commerce, qui sont d'une importance primordiale, particulièrement dans les régions de l'APEC. Mais je me demande pourquoi soudainement une entité pourrait nuire à l'autre. Je ne suis pas sûr de bien comprendre cela.

M. Yuen Pau Woo: Merci de cette question.

Le programme de l'APEC se divise en trois segments, le programme de la libéralisation du commerce, celui de l'investissement commercial et celui de la coopération économique et technique. Le premier segment, celui de la libéralisation des investissements commerciaux a toujours porté sur la réduction des tarifs—c'est-à-dire les mesures tarifaires et non tarifaires. On s'efforce de déborder légèrement dans les services, et d'appliquer les principes de l'investissement et ainsi de suite. Mais de façon plus remarquable, l'année dernière, l'initiative de libéralisation volontaire rapide par secteur, qui est principalement une initiative qui vise la réduction des tarifs—et qui comporte des initiatives en matière de facilitation et ainsi de suite—a échoué. Elle a échoué misérablement.

• 1105

Lorsque je fais référence aux Néo-Zélandais qui essaient de revigorer le programme de libéralisation du commerce, je me réfère principalement à ce premier segment et encore plus spécifiquement, à une réincarnation en quelque sorte de l'initiative de libéralisation volontaire rapide par secteur. Ils ont rebaptisé cette initiative la réduction tarifaire accélérée, ou RTA et il semble qu'ils l'aient soumise à Genève sous une autre forme. Mais elle échouera là aussi, selon moi.

Elle est improductive parce que je ne vois pas comment les économies de l'APEC, et en particulier la bureaucratie des économies membres de l'APEC voudraient détourner leur attention des préparatifs en vue de Seattle pour rediriger celle-ci vers ce qui semblent des discussions périphériques au sein de l'APEC. Sur le plan de la stratégie, je pense que nous perdons notre temps. Selon moi, le Canada doit reconnaître cela, non seulement parce qu'il ne veut pas perdre son temps ou celui des bureaucrates, mais parce qu'il y a des enjeux beaucoup plus importants.

L'échec continu de l'APEC à faire des progrès en ce qui concerne le programme de libéralisation, disons, à Oakland en septembre tracera un portrait assez négatif de l'APEC et mettra en péril un forum qui est extrêmement important pour les intérêts du Canada dans la région. C'est pour cette raison, je pense, que nous avons un intérêt très direct à faire passer l'APEC à un secteur où, au moins à court terme, elle peut obtenir bien plus de résultats.

M. Bob Speller: Monsieur Lee, j'ai lu votre mémoire et vous dites que les années 90 qui étaient motivées par le commerce ont été une décennie néfaste pour les Canadiens. Ayant a vécu durant toute cette période et siégé à la Chambre pendant quelques années, je regarde le taux de chômage, et il a baissé, je regarde aussi les taux d'intérêt qui ont baissé eux aussi et l'inflation qui se situe au niveau le plus bas jamais connu. De toute évidence, je ne fais pas le lien entre la libéralisation du commerce et tous ces éléments comme vous ne reliez pas tous les problèmes au commerce. Vous dites dans votre mémoire «bien entendu, on ne peut imputer tous ces problèmes au commerce».

Mais à la page suivante, vous semblez dire que la libéralisation du commerce et de l'investissement a engendré la crise asiatique, la crise brésilienne et la récession en Colombie-Britannique. Vous parlez des dangers de s'engager sur une poursuite simpliste de commerce sans aucune réglementation.

Est-ce que vous n'êtes pas d'accord, cependant, qu'en mettant en place des règles et une certaine forme d'accès sécuritaire aux marchés étrangers, on en ferait profiter les Canadiens et, en particulier une province comme la Colombie-Britannique?

Je me demande, monsieur Hart, si vous allez vouloir répondre maintenant.

M. Marc Lee: Pour ce qui est de la première partie de votre question, si vous considérez le taux de chômage moyen pour chaque décennie, vous constaterez que nous n'avons pas atteint un niveau moyen de chômage aussi élevé depuis les années 30, donc le fait qu'il ait un peu baissé n'est pas vraiment matière à pavoiser. Les taux d'intérêt ont baissé, mais en termes réels, lorsque vous faites la soustraction de l'inflation, ils sont toujours assez élevés pour ce qui est des normes historiques. L'une des raisons qui expliquent—et j'insiste sur ce point dans mon mémoire—pourquoi nous avons éprouvé tellement de difficulté durant les années 90, c'est la poursuite de l'inflation à 0 p. 100 par l'entremise de politiques monétaires très resserrées, en particulier au tout début de cette décennie. Cette politique a eu un effet dévastateur sur le secteur des affaires de ce pays et, par conséquent, sur l'emploi. Donc je ne pense pas que ce sont des facteurs que l'on puisse passer sous silence.

Mon objectif n'était pas tellement de fournir une analyse complète des années 90 en deux paragraphes, mais je voulais seulement insister sur le fait que lorsque vous envisagez des indicateurs standards de ce que les gens appellent le niveau de vie, il est très difficile de prouver que toutes ces activités commerciales enregistrées au cours de cette période ont contribué réellement à élever le niveau de vie. Nous avons plutôt constaté un déclin pour ce qui est des moyennes de revenu réel et nous avons vu l'écart se creuser entre les riches et les pauvres. Le commerce a probablement exacerbé ces conditions.

La deuxième partie—et je le dis aussi à la fin de mon mémoire—est que nous avons effectivement besoin de règles. Le Canada est une nation commerçante. Nous sommes en faveur de la mise en place de règles concernant le commerce. Jusqu'à maintenant, l'effet de ces règles s'est concentré sur la réglementation des gouvernements et de leurs mesures et la restriction de la capacité des gouvernements d'agir dans certains secteurs. J'affirme que nous avons fait un bon bout de chemin et que nous devons maintenant commencer à regarder dans une autre direction, qui est celle qui consiste à réglementer le capital.

• 1110

Jusqu'à maintenant, je n'ai pas entendu d'argument convaincant m'expliquant pourquoi il faudrait tenir un cycle de négociations du millénaire. Je pense que le Cycle de l'Uruguay était très large dans sa portée. Lorsque M. Hart parle d'environ 50 années de libéralisation du commerce et de tout cela, vous devez vous rappeler que le premier cycle des négociations du GATT portait uniquement sur les barrières tarifaires et les marchandises. Par la suite, nous avons commencé à aborder les barrières non tarifaires, et puis nous avons abordé lentement les services. Le cycle de l'Uruguay a été incroyablement plus large. Il englobait les investissements, les droits de propriété intellectuelle, les normes en matière sanitaire et alimentaire—une quantité de choses.

Donc il me semble que nous devons nous arrêter et examiner l'incidence de tout cela sur un éventail de secteurs, plutôt que de simplement dire que les échanges commerciaux ont augmenté, que les investissements ont augmenté, et bonjour la visite.

M. Michael Hart: Je vais vous faire un ou deux commentaires. Tout d'abord, pour ce qui est de la décennie de 1990, je ne partage pas le point de vue de M. Lee selon lequel ce fut une décennie misérable.

Une voix: Vous devez avoir des fonds mutuels.

M. Michael Hart: Oui j'en ai. J'ai une bonne pension de retraite, j'ai trois emplois, et je profite de tout cela.

Mais je ne regarde pas les choses de mon point de vue personnel. Je considère ce que l'économie canadienne a réalisé depuis les 15 dernières années, ce que l'économie canadienne a traversé après avoir effectué quelques changements déchirants, tout comme nous devons nous ajuster au fait que nous sommes une économie relativement protégée.

Durant les 50 premières années de la libéralisation progressive coordonnée du commerce, à commencer par la politique de bon voisinage de Roosevelt dans les années 30 jusqu'aux années 70, le Canada a joué ses cartes avec beaucoup de prudence. Nous étions très heureux d'ouvrir nos marchés dans les domaines où nous réussissions, c'est-à-dire dans des quantités de domaines, mais nous n'étions pas très heureux de les ouvrir aux produits manufacturiers et aux services.

Ce que nous avons fait au cours des 15 dernières années, c'est réaliser que ce type de stratégie ne pouvait plus être adoptée dans une économie de plus en plus concurrentielle et intégrée et que nous devions apporter des correctifs. Nous avons apporté ces correctifs tout d'abord avec notre principal partenaire commercial, là où nous avions beaucoup en commun, dans le cadre d'une entente bilatérale, qui a été prolongée jusqu'à une entente trilatérale et qui s'est ensuite élargie jusqu'à une entente multilatérale.

Tout ceci, à mon sens, faisait partie des mêmes efforts visant à essayer d'offrir une base de mesures à la fois d'encouragement et de découragement. Les mesures d'encouragement disent aux entreprises canadiennes et aux Canadiens que si nous nous ouvrons davantage et si nous devenons plus concurrentiels, il y aura des récompenses en ce que nous pourrons desservir des marchés dans le monde entier. Les mesures de découragement sont que si nous échouons à ouvrir nos marchés et à devenir plus concurrentiels, nous trouverons de plus en plus que nous n'arrivons pas à suivre le rythme; nous constaterons que des entreprises étrangères et des produits étrangers viennent envahir nos marchés, et nous nous engagerons dans une spirale du déclin.

Les entreprises canadiennes ont réagi de façon très positive à cela. Je pense qu'il y a eu une quantité énorme d'ajustements dans l'économie canadienne depuis les 15 dernières années alors que, tout d'abord, les entreprises canadiennes ont repensé leur stratégie qui consistait à déterminer si elles étaient d'abord et avant tout des entreprises canadiennes ou des entreprises nord-américaines et maintenant, de plus en plus, elles se voient comme des entreprises nord-américaines faisant concurrence dans une économie mondiale.

En fait, je suis fermement convaincu—et certains experts de Statistique Canada sont d'accord avec moi—que les statistiques sur les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis surestiment les échanges entre le Canada et les États-Unis et sous-estiment le commerce mondial, parce qu'en réalité, par l'entremise de leur participation sur les marchés américains, les entreprises canadiennes participent aussi sur les marchés mondiaux, de sorte que nous sommes beaucoup plus un négociant d'envergure mondiale que ce que les statistiques semblent suggérer. Je pense que les compagnies canadiennes réalisent ceci dans le type de stratégie qu'elles adoptent.

Maintenant, lorsque vous traversez une période de changement fondamental et que vous devez vous ajuster à un tout nouvel ensemble de circonstances—et ce ne sont pas seulement des circonstances commerciales; il s'agit aussi de questions technologiques, de questions de plus grande envergure macroéconomique, des questions de politiques sociales, et ainsi de suite—et bien il y a certainement des ajustements à apporter et ces ajustements sont parfois très douloureux pour les particuliers canadiens et pour les entreprises également. Ces ajustements ont imposé des restrictions au réseau social et, par conséquent, il n'est pas difficile de trouver des histoires de souffrance individuelle. Mais à mon sens, si nous n'avions pas été prêts à faire ce genre d'ajustements, nous n'aurions fait que les retarder et créer des problèmes encore plus graves pour l'avenir.

Donc, tout bien considéré, je pense que les 15 dernières années ont été une décennie très fructueuse. Nous avons vu que les sept ou huit premières années ont été les plus difficiles, mais la base qui a été jetée durant cette période a été beaucoup plus solide pour nous permettre de devenir des négociants à l'échelle mondiale. Je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles nous devrions être très dynamiques et très entêtés dans nos tentatives pour faire en sorte que le prochain cycle de négociations de l'OMC nous fournisse une base très solide de règles concernant la participation canadienne au sein du système commercial mondial. Étant un intervenant relativement petit—et nous sommes un très petit joueur par comparaison aux grands que sont les États-Unis et l'Union européenne—nous sommes très dépendants d'un ensemble de règles équitables.

• 1115

Récemment, un journaliste m'a demandé d'expliquer pourquoi c'était si important. J'ai indiqué qu'en 1993 et en 1994, le Canada avait été forcé par les États-Unis de mettre en place des contrôles de ses exportations de blé parce que les États-Unis l'avaient exigé. En 1995, nous avons pu envoyer promener les Américains parce que nous disposions d'un ensemble de règles que nous pouvions utiliser pour leur dire que nous n'avions pas l'intention d'écouter leur menace, tandis qu'en 1993-1994, nous ne disposions pas de telles règles.

Donc, chaque fois que les Américains réussissent à nous forcer à faire quelque chose que nous ne voulons pas faire, ce n'est pas difficile de comprendre pourquoi. C'est parce que les règles ne sont pas adéquates. C'est un domaine où les règles n'ont pas été entièrement élaborées. Nous avons besoin de ces règles, particulièrement parce que nous vivons juste à côté de l'économie peut-être la plus dynamique mais aussi parfois la plus imposante du monde entier.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie, monsieur Hart.

J'ai seulement quelques questions, et puis nous aurons le temps pour une deuxième série de mémoires.

Je suis désolée, M. Saywell a dû quitter. Peut-être que vous pourrez m'aider avec une de mes questions, monsieur Woo.

Dans votre mémoire, vous dites que le Canada devrait appuyer vigoureusement la candidature de la Chine qui désire devenir membre de l'OMC dès que possible. Ma question est la suivante: à quelles conditions? Vous devez garder à l'esprit ce que M. Hart a dit au cours du deuxième cycle de négociations, nous devons établir un équilibre entre l'équité et l'efficience, en mettant l'accent sur l'équité. Nous avons parlé de choses comme l'équité, les droits de la personne et l'environnement. Même si votre position est que nous devrions accueillir la Chine au sein de l'OMC à bras ouverts, quelles conditions devraient lui être imposées?

M. Yuen Pau Woo: L'adhésion de la Chine à l'OMC devrait se faire sur la base que pour les autres membres qui en font déjà partie, et les questions des droits de la personne et autres du même genre ne devraient pas jouer à ce moment-ci. Ce serait injuste d'imposer ce type de conditions à la Chine alors que les autres membres n'ont pas eu à respecter ces conditions.

Lorsque je dis que la Chine devrait se joindre à l'OMC sur les mêmes bases que les autres membres, je dois reconnaître que la plus importante pierre d'achoppement pour l'adhésion de la Chine à l'OMC ce sont les États-Unis. Il y a une relation bilatérale entre les États-Unis et la Chine, et je pense que c'est ici que le rôle du Canada devient important.

Le Canada doit clarifier sa pensée avant de favoriser la relation bilatérale, de sorte que d'autres problèmes dans les relations sino-américaines ne viennent pas faire obstacle à l'adhésion de la Chine, comme la question des secrets volés et celle du financement des partis politiques—il s'agit essentiellement de questions périphériques que le Congrès pourrait vouloir amener sur le tapis afin de rejeter la candidature de la Chine. Notre approche doit être que l'adhésion à l'OMC doit se faire sur une base claire et transparente et qu'elle ne doit pas être entachée par des questions périphériques.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Woo.

Monsieur Lee et monsieur Hart, avez-vous des commentaires?

M. Marc Lee: Il y a des questions que nous devons garder à l'esprit lorsque nous parlons de la Chine et de son adhésion à l'OMC. La Chine a, actuellement, des problèmes majeurs sur le plan de l'environnement. Je suis allé en Chine il y a quelques années et je peux vous dire que ce pays est au bord de l'effondrement sur le plan écologique. Il est impossible de marcher dans l'une de ses villes sans suffoquer complètement à cause des émanations. Il y a également d'énormes problèmes avec des questions telles que la main-d'«uvre forcée et des conditions de travail proches de l'esclavage. Si nous disons que ce genre de questions n'a aucune importance et que nous devrions accueillir la Chine parce que nous voulons faire commerce avec elle, et bien je ne pense pas que ce soit la bonne attitude à adopter.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Hart.

M. Michael Hart: Pour ce qui est de l'adhésion de la Chine, j'étais toujours au sein du gouvernement lorsque ce processus s'est amorcé, et je me rappelle avoir examiné les premières demandes présentées par la Chine pour adhérer au GATT au moment de son adhésion. Ma conclusion était que les Chinois n'étaient pas sérieux. Ils n'étaient prêts à faire ce genre de concessions que l'on ferait normalement pour devenir un membre utile du GATT, à l'époque. Les Chinois en ont tiré des leçons et les autres membres du GATT aussi, afin de maintenir la pression.

• 1120

Je pense que ce processus a culminé autour de 1993-1994, puisqu'à cette époque, les Chinois étaient quelque peu fatigués de répondre aux mêmes questions. La dernière fois que j'ai jeté un coup d'oeil, la Chine avait répondu à 4 000 questions de la part des membres de l'OMC. Elle avait essayé du mieux qu'elle avait pu, mais elle commençait à se dire que peut-être que l'adhésion à l'OMC ne correspondait pas vraiment à ce à quoi elle s'attendait. Et je pense que les autres membres de l'OMC commencent eux aussi à réaliser que cela peut être le cas.

L'une des choses qui rend difficile de faire des jugements sur cette question est qu'à la fois les règles du GATT et de l'OMC concernant l'adhésion sont très ambiguës. La règle est pourtant très simple. C'est que les nouveaux membres peuvent joindre en fonction de conditions sur lesquelles tous les autres s'entendent. Donc vous pouvez énoncer toutes les conditions que vous voulez du moment que les autres membres sont d'accord et si ces conditions ne sont pas acceptées par les États-Unis, la Chine ne deviendra jamais membre. Je pense que le Canada a été prêt à accueillir la Chine à un certain moment. Et je pense que l'Union européenne était prête également. Mais les États-Unis ne le sont pas. Le fait que les États-Unis semblent avoir surmonté leurs plus pressants problèmes et que l'administration Clinton soit prête à l'accueillir aux réunions ministérielles de l'OMC à Seattle est un bon signe.

Il y a deux aspects à cette question. Je pense qu'il est important que la Chine fasse partie de cette organisation pour que l'organisation puisse avoir une certaine influence sur les politiques chinoises. En même temps, je pense qu'il est important qu'au moment où la Chine fera son adhésion, que ses politiques soient significatives pour elle; autrement dit, que la Chine ait pris des mesures nécessaires pour mettre en «uvre les règles de l'OMC dans le cadre de sa politique nationale.

Il me semble que cette étape est maintenant atteinte. Est-ce que cela signifie que nous devrions y mettre un frein parce que la Chine ne respecte pas les normes les plus élevées en ce qui concerne les droits de la personne et la protection de l'environnement et ainsi de suite? Je pense que cela serait plutôt négatif, parce qu'il y a d'autres membres de l'OMC qui auraient également de la difficulté à remplir une partie de ces critères. Il me semble que c'est un domaine où il devrait y avoir une action collective, une volonté collective des membres dans leur ensemble, plutôt qu'une singularisation de l'un des plus importants pays du monde auquel on dit, tant que vous ne respecterez pas des règles que le reste d'entre nous n'ont pas à respecter, vous ne pouvez pas faire partie du club. Je pense qu'ils doivent faire partie de ce club afin de l'utiliser comme base pour améliorer ces fameuses normes.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Hart.

Madame Beaumier, vous aviez une question sous-jacente?

Mme Colleen Beaumier: Oui, je voulais renchérir sur ceci, et je vais utiliser deux exemples. Le premier a 30 ans. Et je vais me servir de la Chine et des États-Unis, et non parce que le reste d'entre nous ne sont pas coupables.

Par exemple, lorsque l'on a interdit l'utilisation du DDT en Amérique du Nord, les États-Unis ont envoyé tout ce qu'il leur restait de DDT en Chine parce que la Chine n'avait aucune loi en interdisant l'utilisation. Et maintenant nous pouvons en constater les effets. Ces effets traversent les pôles et nous pouvons maintenant constater que le DDT a toujours des effets négatifs sur l'écologie du monde entier. Donc lorsque vous parlez de les laisser entrer et de ne pas inclure les normes en matière d'environnement, comment pourrons-nous faire en sorte que cela ne se reproduise pas encore une fois?

L'autre question est celle des donneurs d'organe. Nous savons que la Chine a une politique qui lui permet de prélever des organes chez les criminels et les prisonniers politiques. Comment pourrions-nous empêcher cette sorte de...? Nous pourrions assister à un marché des organes qui ont été prélevés... Nous pouvons aussi aborder la question des normes du travail comme faisant partie des droits de la personne, mais lorsque vous entrez dans la question des organes, comment pouvez-vous régler ce genre de problème? J'aimerais que M. Woo relève le défi.

M. Yuen Pau Woo: Je ne ferai pas de commentaire sur la question du DDT, je ne la connais pas assez bien.

Je ne connais pas non plus très bien la question du commerce des organes non plus, sauf pour dire qu'on pourrait arriver avec toute une liste des problèmes que l'on éprouve avec la Chine qui sont peut-être répugnants sur le plan moral, dépendant de la perspective à adopter. Mais on peut se demander si on ne pourrait pas aussi arriver avec toute une liste de problèmes dans l'un ou l'autre des autres pays membres de l'OMC, et se demander s'il est légitime d'imposer ces contraintes à la Chine et non aux autres pays.

Mon argument est que si l'on n'accepte pas l'adhésion de la Chine dans l'OMC, est-ce que cela améliorera la situation ou est-ce que cela l'empirera? Il n'y a aucune raison de s'attendre à ce que le commerce des organes cesse si la Chine ne devient pas membre de l'OMC, mais il y a peut-être un léger espoir de penser qu'en la laissant entrer, on pourrait peut-être amorcer des discussions concernant les principes et les pratiques du système commercial mondial qui leur interdiraient de se prévaloir de ces pratiques.

Mme Colleen Beaumier: Je ne suis pas contre. Comme je l'ai dit, j'utilise seulement l'exemple de la Chine et des États-Unis parce qu'il se trouve que ce sont les principaux intervenants. Toutefois est-ce que nous ne devrions pas établir des règles au sein de l'OMC qui interdiraient que des choses semblables... Ce que nous considérons comme des marchandises répugnantes?

• 1125

M. Yuen Pau Woo: Sur cette question précise, je pense qu'il y a certains types de commerce que l'on devrait envisager de réglementer—par exemple, le commerce des espèces menacées—et que la discussion s'est poursuivie à ce sujet et qu'elle a eu d'excellents résultats. Donc, je pense qu'il y a des précédents en ce qui concerne le traitement de produits qui sont problématiques dans le monde du commerce et que la façon de les traiter consiste à amener la Chine et les autres économies qui pratiquent ce genre de commerce sur la sellette. Il n'y a pas d'incompatibilité, autrement dit, avec les problèmes que vous pouvez mettre sur la table de discussion.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Il nous reste dix minutes, donc monsieur Schmidt et puis monsieur Sauvageau. Monsieur Schmidt voulez-vous commencer?

M. Werner Schmidt: Je vous remercie, madame la présidente.

J'aimerais revenir en arrière, si vous me le permettez, à la coopération économique et technique. Cela me frappe de voir que même si on nous a parlé auparavant de ces questions de monopole et d'autres développements—et de l'industrie des télécommunications, en particulier—et de la croissance qui se fera dans ce domaine, qu'au coeur d'une grande partie de ce commerce mondial ou international et de ce développement économique se trouve le secteur des communications, parce que c'est véritablement là que ce secteur se trouve aujourd'hui. Et il fait appel à la propriété intellectuelle et touche clairement la concurrence et la transparence.

Il me semble que l'un des points qui n'a pas été abordé en profondeur par M. Hart ou M. Lee ou encore par M. Woo c'est la raison pour laquelle nous devons nous éloigner de l'APEC qui dispose de cet aspect économique et technique. D'une certaine manière, à ce qu'il me semble, nous devrions faire la transition. Maintenant, peut-être avez-vous voulu justement dire cela—que ces aspects devraient maintenant relever de l'OMC. Je me demande si vous ne pourriez pas faire quelques commentaires concernant cette question en étant un petit plus spécifique et détaillé.

Je pense que chacun d'entre vous devrait répondre à cette question, parce que le domaine des communications, qui englobe tout ce secteur du commerce électronique et du chiffrement, de la protection de la vie privée, de la protection de la confidentialité est d'une importance décisive. Il me semble que cela a beaucoup plus à voir avec tout ce que nous venons d'aborder que vous ne le croyez. C'est un domaine qu'un grand nombre d'entre nous ne connaissent pas très bien et pourtant il me semble qu'il est véritablement en pleine croissance et qu'il déterminera davantage à l'avenir si vous voulez vraiment avoir une variable unique que toute autre variable.

Je me demande si vous pourriez faire quelques commentaires sur ce sujet.

Un témoin: Je pense que c'est un très bon exemple de la complémentarité entre deux organisations différentes, où des questions similaires sont mises sur la table. Au sein de l'APEC, la coopération économique et technique et certains des autres comités qui en font partie ont abordé ces questions. Il y a des comités d'experts qui collaborent, qui font appel à des secrétariats mais aussi à des fonctionnaires des gouvernements membres—et souvent les fonctionnaires ne font pas seulement pas partie des ministères du commerce mais ils font également partie de ministères plus techniques—et ils abordent ce genre de problème, ils partagent leurs expériences et ils essaient d'évaluer les avantages.

Certaines personnes rejettent l'APEC comme n'étant rien d'autre qu'une occasion de déplacement pour des fonctionnaires. Je pense que sa principale raison d'être—qui est de fournir des réseaux, des relations, des occasions de partager des expériences et ainsi de suite est véritablement ce qui se passe depuis sept ou huit ans. Mais l'APEC n'est pas très appropriée pour négocier des ententes exécutoires. C'est une association de pays membres qui essaient de trouver des moyens de coopérer et lorsqu'ils arrivent à une expression intéressante comme la «concertation unilatérale», c'est pour dire qu'ils prendront des mesures unilatérales d'une manière coopérative.

L'OMC est véritablement l'endroit où l'on peut s'occuper de faire ces choses sur la base d'un contrat exécutoire. Donc on a fait une bonne partie des travaux préparatoires au sein de l'APEC ou de la ZLEA ou encore en Europe et ainsi de suite et cela nous aide à élaborer un meilleur consensus sur ces questions avant d'aborder une négociation technique.

Maintenant, dans le cas particulier du commerce électronique et de l'infrastructure de base dont vous avez besoin pour le réaliser, 55 parties contractantes ayant signé l'entente de base en matière de télécommunications de l'OMC, et cela inclut tous les membres de l'UE donc en réalité 69 pays. Nous affirmons que c'est très bien, parce que ces 69 pays réunis représentent quelque chose comme 95 p. 100 ou 96 p. 100 du commerce mondial dans ces produits.

Mais il se trouve que 65 autres pays n'ont pas signé l'entente de base en matière de télécommunications. Est-ce parce que ces pays hésitent à ouvrir leurs marchés? Non, je pense que c'est parce qu'ils n'ont tout simplement pas la capacité technique de traiter ce genre de question.

• 1130

Donc une partie du travail que nous devons accomplir ici au Canada—et je pense que l'on y arrive grâce à l'Agence canadienne de développement international, à l'APEC et à ce genre de chose—consiste à aider ces pays à se doter de cette capacité. Bien des pays ne disposent pas de ce type d'infrastructures qui sont absolument essentielles comme point de départ.

L'un de mes étudiants a fait un exposé sur l'Inde il y a quelques semaines et il a indiqué que la densité des téléphones en Inde est de 1,38 téléphone par 1 000 habitants, tandis qu'au Canada c'est quelque chose comme 70 ou 80 fois plus dense. À partir de cela, il est très difficile pour l'Inde de tirer pleinement parti de ce système du commerce électronique qui est en train de se développer et de toutes les communications que ce système rend possibles, sans disposer d'abord d'une infrastructure de base

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Sauvageau, ce sera votre dernière question.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Je dirai à la blague à mon ami et collègue Speller que si on voulait faire diminuer davantage le taux de chômage au Canada, on pourrait tout simplement resserrer les liens, comme on l'a déjà fait avec les dernières lois. Vous allez encore abaisser le taux de chômage si vous restreignez les possibilités de bénéficier du système, comme on l'a fait précédemment.

Je m'adresse maintenant à M. Hart, parce qu'on ne fait pas de politique. C'eût été une blague si je l'avais dit, mais je ne le dirai pas. Monsieur Hart, vous avez oublié quelque chose dans les deux recommandations que vous avez faites à vos élèves quant à la négociation des accords internationaux, à savoir qu'il est politiquement incorrect de se retirer lorsqu'on a enclenché une ronde de négociations. Par exemple, si le Canada voulait se retirer des négociations de la Zone de libre-échange des Amériques, il en paierait le prix politique. Donc, si on se rend compte, un coup le processus lancé, qu'on est peut-être rendu trop loin, il est alors dangereux de s'en retirer.

J'aimerais poser deux questions à M. Hart. Pouvez-vous nous dire pourquoi on dépense autant de temps et d'énergie à négocier des accords de libre-échange avec les pays des Amériques et du monde entier alors qu'il est plus difficile de faire du commerce entre provinces canadiennes qu'entre deux pays souverains?

• 1135

Deuxièmement, vous semblez on ne peut plus optimiste et enthousiaste face à tous ces accords internationaux. Pourquoi des groupes et des individus comme M. Lee deviennent-ils de plus en plus populaires et de mieux en mieux armés pour faire face à une défense structurée? Pourquoi et comment a-t-on pu tuer l'Accord multilatéral sur l'investissement seulement avec l'Internet? Votre marketing ne fait-il pas défaut?

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vais vous donner quelques minutes pour répondre.

M. Michael Hart: Je ne sais pas s'il s'agit véritablement d'un problème. De toute évidence, lorsque les gouvernements négocient pour atteindre l'un ou l'autre des objectifs que j'ai mentionnés, que ce soit quelque chose qui est impossible à réussir à l'échelle nationale ou pour régler un problème qui ne peut être réglé à l'échelle nationale, il y a également une limite à ne pas dépasser. Ils seront très prêts à se retirer lorsqu'il deviendra clair que le problème qu'ils veulent régler ou l'occasion qu'ils cherchent à obtenir exige un prix trop élevé en retour.

En fait, nous avons vu un exemple de cette situation durant les premières négociations entre le Canada et les États-Unis sur le libre-échange lorsque le gouvernement fédéral a pris la décision en septembre 1987 que ce que les États-Unis étaient prêts à offrir était insuffisant. Nous avons quitté la table des négociations, et en quittant nous avons eu une incidence assez positive sur les États-Unis. Les États-Unis sont revenus en étant mieux disposés à négocier l'entente en question.

Donc, la possibilité de se retirer est une partie importante de la participation aux négociations, mais en ce qui concerne des choses comme la ZLEA et ainsi de suite, je suis prêt à parier avec vous qu'il n'y aura jamais de ZLEA. La ZLEA représente un très important processus d'éducation, d'établissement de consensus, d'assistance technique et ainsi de suite mais il sera intégré à des négociations multilatérales d'ici les quelques prochaines années. Et plusieurs de mes collègues du gouvernement seront d'accord avec moi sur ce point.

Cela ne signifie pas qu'ils vont à ces réunions avec une attitude cynique. Ils considèrent la ZLEA comme un important processus de préparation, d'établissement du consensus, de création de coalition, une occasion de travailler en commun au sein de ce forum pour trouver des solutions à des problèmes communs. Donc c'est très important.

Au bout du compte, le gouvernement du Canada doit décider où il veut placer ses énergies. En partie, il a déjà investi une partie de ses énergies dans des domaines que je trouve discutables. Si j'étais le ministre du Commerce international—ce que je ne suis pas—je ne dépenserais plus d'énergie à négocier des ententes de libre-échange avec les autres membres de la ZLEA. C'est comme se spécialiser dans un domaine mineur, mais c'est une décision politique que le gouvernement actuel a prise et il a le droit souverain de prendre cette décision. Je ne m'engagerai pas à poursuivre sur cette question particulière, parce qu'il me semble que l'énergie pourrait être utilisée plus efficacement ailleurs.

Vous portez à notre attention à la fin de vos remarques un problème très intéressant, et je pense que nous devrions l'étudier davantage. Durant les 40 premières années du GATT, l'économie politique lors des négociations commerciales était très simple. Elle s'efforçait d'établir un équilibre entre les importations et les exportations. Donc les entreprises dont les intérêts principaux étaient dans le domaine de l'importation venaient et témoignaient de leurs préoccupations concernant l'ouverture de marchés tandis que celles qui oeuvraient principalement dans le domaine des exportations venaient discuter des nouveaux créneaux qu'elles essayaient d'ouvrir à la suite de ces négociations. Donc le travail des fonctionnaires des gouvernements et de leurs stratèges politiques consistait à essayer d'établir un équilibre pour une large part au sein du monde des affaires entre les intérêts d'exportation et d'importation.

Aujourd'hui, nous entendons plutôt un seul son de cloche de la part du monde des affaires. Les entreprises sont arrivées à la conclusion que les ententes commerciales internationales sont décisives pour leur avenir. Les entreprises ne s'inquiètent plus de la concurrence sur leur marché national, sauf dans des secteurs mineurs, mais en règle générale, le monde des affaires pense que la négociation de règles internationales et la négociation de meilleures règles d'accessibilité et ainsi de suite est dans leur intérêt.

L'opposition vient maintenant de personnes comme M. Lee, d'un segment plus large de la société, qui s'inquiète de l'incidence de ces types d'ententes sur des questions plus vastes que les négociateurs d'il y a dix ans rejetaient. Je me rappelle très bien avoir rédigé des discours et des réponses à des questions ministérielles et ainsi de suite concernant la politique du commerce et la politique sociale, et aussi je rejetais... Et cela n'avait rien à voir avec les ententes commerciales. Nous avions peur, parce que ce genre de question a effectivement un rapport avec les ententes commerciales, mais il s'agit de questions très difficiles à traiter.

C'est pourquoi j'ai mentionné dans mon introduction que l'un des grands défis que doit relever le gouvernement à l'heure actuelle consiste à trouver collectivement un équilibre entre l'équité et l'efficience. Nous avons fait d'énormes progrès sur le plan de l'efficience, mais désormais il ne suffit plus de dire que l'équité relève strictement du domaine national et que nous devons la traiter comme telle. Les répercussions à l'échelle internationale sont telles que c'est désormais un problème autant qu'une occasion que nous devons aborder par l'entremise d'une action collective.

Donc le grand défi à relever est de trouver des moyens d'utiliser l'autorité de l'OMC, sa capacité à faire appliquer les obligations internationales dans une mesure qui n'a jamais été possible jusqu'ici, et de réaliser certains des objectifs sur lesquels on s'est déjà largement entendu à l'échelle internationale. Il y a un vaste consensus en ce qui concerne les droits de la personne. Il y a également un large consensus en ce qui concerne les normes de base en matière de travail à l'échelle internationale. Et on s'entend également sur la protection de l'environnement. Ce qui manque, c'est la capacité d'intégrer ces ententes au droit national et à les faire appliquer. La clé du problème est de trouver le pont entre le mécanisme de mise en application de l'OMC et ces autres ententes internationales, voilà où se trouve le défi.

• 1140

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie beaucoup, monsieur Hart.

Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Au nom du comité, je voudrais vous remercier tous de vous être joints à nous aujourd'hui, et je vous remercie également de vos exposés, de vos réponses et de vos commentaires. Comme je l'ai déjà mentionné, nous n'en sommes qu'au début de nos consultations avec vous. Aussi je vois cette rencontre d'aujourd'hui comme la première étape d'un processus continu et comme l'amorce d'une relation entre vous-mêmes et le comité et ses membres.

Merci à tous de votre présence.

J'aimerais maintenant inviter monsieur Douglas Seeley à venir témoigner devant le comité.

Bienvenue, monsieur Seeley, vous êtes un spécialiste des systèmes utilisés dans le cadre des processus d'approvisionnement pour les exportations de produits de base et un directeur de Inter-Dynamics P/L.

M. Douglas Seeley (exposé à titre personnel): Merci, madame la présidente.

Je m'adresse à vous aujourd'hui à titre personnel, et non en tant que représentant de mon entreprise. Mon entreprise me permet en effet d'adopter une perspective commerciale et, de façon plus importante, une perspective systémique globale sur certaines de ces questions. J'ai décidé de m'exprimer au nom de ce que je considère comme le droit de mes petits-enfants et de mes arrière-petits-enfants de vivre dans une société libre et démocratique, que les développements actuels du commerce international menacent.

Mon intervention consiste en quatre arguments contre les ententes commerciales internationales telles qu'elles ont été récemment recherchées par le Canada, telles qu'elles sont prévues dans le cycle de négociations du millénaire, et telles qu'elles se manifestent présentement dans les activités de l'Organisation mondiale du commerce.

J'adopte la perspective de la théorie moderne des systèmes qui est utilisée pour donner des éclaircissements concernant les systèmes complexes. J'utiliserai, à titre d'exemple, l'exportation des céréales canadiennes. Brièvement, ces arguments sont les suivants:

- la faillibilité et la pauvreté intellectuelle de la religion du marché libre, particulièrement selon la perspective de la théorie et de la pratique des systèmes;

- l'application du principe de financement par l'usager à la privatisation de l'infrastructure essentielle d'une culture, mis en oeuvre selon la croyance que le marché profitera à tous, à mon avis, entraîne inéluctablement l'appauvrissement et l'effondrement de la culture;

- la domination des droits souverains du citoyen par le pouvoir des sociétés et le droit commercial entraîne retour à la société féodale;

- l'abandon à l'échelle locale de l'autodétermination concernant la vie, l'économie et la démocratie canadiennes au profit d'une institution non élue, discrétionnaire et non responsable telle que l'OMC viole les principes et les chartes de l'exercice du pouvoir canadien et constitue une trahison du peuple canadien.

Je ferai aussi une proposition positive fondée sur une approche systémique d'une économie et d'une culture durables, et d'une forme plus poussée de démocratie.

Voici quelles sont mes lettres de créance. Avant de faire partie de monde du commerce, j'ai été professeur en informatique. J'ai fondé une entreprise qui se spécialise dans les logiciels d'aide à la décision par l'entremise d'Internet pour les processus d'exportation de produits de base, de même que d'autres industries en Australie, en Afrique du Sud et en Suède.

Notre compagnie a permis la réalisation d'économies de l'ordre de plusieurs millions de dollars dans le cadre de processus d'approvisionnement en exportations de céréales, de charbon, de minerai de fer, de nickel et de sucre en Australie. Je suis un citoyen canadien, mais je travaillais là-bas. Nous considérons que les processus d'approvisionnement globaux comme faisant partie de l'économie dite sans frontières.

Je ne suis pas «anti-commerce». Mes conclusions proviennent de l'application commerciale réussie d'un approche systémique globale. Sans le moindre doute, mon expérience commerciale a démontré qu'un modèle de libre marché dans lequel des organisations complètement indépendantes cherchent à maximiser leurs intérêts propres obtient de piètres résultats.

• 1145

Du point de vue de la modélisation systémique, il m'est apparu clairement qu'on ne peut concurrencer efficacement sans la collaboration de tous les intervenants dans le processus d'approvisionnement pour livrer un produit de qualité à l'acheteur final. Bien que certaines restructurations et compressions soient justifiées, elles sont majoritairement injustifiées, improductives et axées exclusivement sur la recherche d'une hyperefficacité à courte vue plutôt que sur le rendement global de l'entreprise.

L'idéologie qui favorise la maximisation des profits d'ensemble par chacun des intervenants, leur permettant de satisfaire leurs intérêts personnels, mène en fait, et c'est démontré, à une productivité plus faible. C'est vrai pour la totalité des processus d'exportation, et donc pour la performance des économies régionales. J'appelle ça l'observation de l'effet de fragmentation.

Par exemple, dans le cas des exportations canadiennes de céréales, de nombreux intervenants entrent en jeu: les producteurs agricoles, les sociétés ferroviaires de boutique, la Commission canadienne du blé, la Commission canadienne des grains, les divers pools de céréales, les industries agroalimentaires, les différents ports et les expéditeurs et jusqu'aux sociétés ferroviaires majeures... de même que les intérêts de plusieurs provinces. Tout le monde intervient dans le succès de ce processus d'exportation. Cependant, en favorisant le profit rapide de chacune des parties indépendantes, nous obtenons au bout du comte un processus d'exportation qui donne un piètre rendement. J'ai donné ici quelques exemples, que je ne passerai pas en revue étant donné les contraintes de temps.

Mais ce qui est encore plus important, c'est l'absence totale de mesures visant à encourager les intervenants en faute à appuyer les clients de leurs clients. C'est pourquoi, dans le cadre de ce processus particulier, très peu de mesures sont créées pour soutenir les marchés des agriculteurs et les aider à livrer leurs produits à temps. Par contraste, en Australie occidentale, nous avons facilité la coordination des intervenants dans les domaine des exportations de céréales à un point que ceux-ci ont pu capitaliser rapidement sur la malheureuse embâcle de l'offre de céréales qu'a connue le Canada qu début de 1997. Cette opération a permis de ramasser quelques millions de dollars qui ont été partagés entre tous les intervenants, y compris les agriculteurs.

Nous avons découvert par notre travail une performance globale qui ne résulte pas de la maximisation indépendante de segments séparés, mais de la coordination harmonieuse de toutes les parties. J'appelle ce phénomène le principe de synergie.

Un processus d'exportation de céréales ou de tout autre produit de base devrait être considéré comme un cycle ou un circuit plutôt que comme un processus linéaire. Ces cycles de produits de base étendent le processus afin d'inclure la relation entre le producteur et l'acheteur. Ces cycles d'exportation sont renouvelés tant que les entreprises des intervenants sont maintenues. Ces entreprises ont aussi leurs cycles de production qui sont renouvelés de manière semblable.

De plus, tous les cycles exigent une réserve renouvelable de citoyens en bonne santé, éduqués, compétents et motivés. Le résultat, bien sûr, est un réseau interdépendant de relations sociales et économiques qui perpétue une culture et un mode de vie.

Récemment, en adoptant constamment comme position le marché du laissez-faire, je crois que les démocraties occidentales brisent ces cycles de renouvellement. Ce faisant, elles creusent les écarts économiques, généralisant une culture de la rareté dans leurs propres pays, et retirant l'infrastructure essentielle au soutien des citoyens dont dépend le marché. Les réseaux interdépendants de relations ne font pas que s'user graduellement. La théorie des systèmes nous montre plutôt qu'ils dérapent de plus en plus jusqu'à ce que le réseau entier s'effondre en catastrophe.

Je soutiens que ces phénomènes ne s'appliquent pas seulement aux entreprises et aux processus d'approvisionnement, mais aussi à la globalité de l'économie et à l'intérieur même du tissu social de notre société.

Dans ce contexte, je veux parler un peu des mécanismes que je vois à l'oeuvre ici, et des raisons pour lesquelles je crois que le pouvoir des sociétés s'exerce de plus en plus sur nos existences.

Ainsi que plusieurs d'entre vous, qui sont nés ici ou ont émigré par choix, j'étais fier d'être canadien. Je croyais que je vivais dans le pays le plus libre et le plus démocratique du monde. J'ai continué à penser cela pendant les douze ans où j'ai vécu à l'étranger. À mon retour, il y a trois ans, j'ai trouvé que de nombreux changements frappants s'étaient produits.

Regardez ces relations structurelles de notre société: le seul objectif des sociétés est de maximiser le rendement de l'investissement pour leurs investisseurs. Du point de vue légal, on a eu tendance à traiter les sociétés comme si elles étaient des personnes, leur accordant d'être traitées comme si elles avaient les mêmes droits que les citoyens. Selon les règles de droit applicables aux préjudices, toute entreprise peut porter plainte contre un citoyen sous prétexte d'ingérence s'il lui semble le moindrement que sa capacité à réaliser un profit maintenant ou dans le futur est menacée. Selon les ententes commerciales internationales actuelles et celles qui sont présentement en négociation, les sociétés multinationales peuvent intenter des poursuites contre notre gouvernement si nos lois locales semblent restreindre leur capacité à réaliser des profits ou si elles sont perçues comme étant protectionnistes. Les citoyens disposent de possibilités très limitées d'obtenir des injonctions, de financer des poursuites et de financer leur défense contre d'éventuelles poursuites judiciaires par mesure de rétorsion.

• 1150

Au niveau des systèmes, ces mécanismes ont grugé la plupart des processus démocratiques que j'ai toujours cru que nous possédions. En fait, l'autodétermination a été transformée en contrôle des sociétés. Avec le programme univoque des sociétés selon lequel tout doit être privatisé, il n'y a pas de place pour le renouvellement, un environnement sain, la biodiversité, les soins de santé préventifs ou l'importance d'une population bien éduquée. Maintenant, tout ce qui importe est que nous continuions à être de bons consommateurs.

De mon point de vue, en conséquence, nous ne possédons plus le droit de préserver notre propre santé. Les sociétés nous forcent à respirer des toxines du cerveau telles que les MMT à cause des dispositions du chapitre 11 de l'ALENA. Nous n'avons plus droit à des aliments frais, produits localement, parce que les sociétés veulent que nous buvions du lait contenant des hormones bovines, qui se conserve mieux sur les étagères.

On a considérablement rogné nos droits d'avoir accès à notre propre esprit national, parce que les entreprises américaines et l'OMC nous forcent à lire seulement des magazines qui chipent à notre économie l'argent des publicités canadiennes, appauvrissant la capacité de notre culture à s'exprimer.

Nous n'avons plus le droit de préserver notre environnement. Les chapitres 11 des ententes commerciales font en sorte que la protection de l'environnement puisse être interprétée comme une appropriation de la capacité des entreprises à faire du profit.

Le monde est sur le point de faire de l'eau une marchandise. À mon avis, à cause des dépendances que cela créera de par le monde, particulièrement avec les États-Unis, cela sera dévastateur pour le Canada. Ça fera accélérer le processus d'effondrement de l'environnement, parce que l'eau ne sera plus conservée de manière adéquate.

Enfin, nous n'avons plus le droit de profiter de la nature elle-même. Une société agroalimentaire est tellement puissante qu'elle aspire à posséder la nature elle-même, par son contrôle des semis et l'usage de gènes terminateurs. Sa pesante influence de lobbyiste a fait taire les objections, et le contrôle de l'eau et de l'air viennent couronner le tout.

Jusqu'où permettra-t-on cela? Va-t-on poursuivre les organisations faisant la promotion de l'allaitement maternel sous prétexte qu'elles restreignent les profits des producteurs de lait pour nourrissons. Serons-nous accusés de diffamation économique si nous prenons la défense de systèmes économiques qui s'éloignent du sacro-saint marché libre, ainsi que certains menacent de le faire en Nouvelle-Zélande?

La question que je vous adresse est qui a cédé nos droits de citoyens? Les mécanismes et les exemples rencontrés montrent que la démocratie et les droits souverains des citoyens sont systématiquement remplacés par le droit universel et omniprésent des entreprises à faire du profit.

Les entreprises ne sont pas des êtres humains. Elles n'ont pas pour objectif de préserver la santé et l'environnement, de former des citoyens éduqués, de traiter les faibles avec bienveillance ou de tomber en amour. Leur seul objectif est de maximiser les rendements sur l'investissement.

Quand le Parlement a-t-il voté l'abrogation de nos droits de citoyens et de notre respect en tant qu'être humains, au profit des droits des entreprises multinationales? Quand le Parlement a-t-il retiré notre Charte des droits et libertés? Il semble que les ententes commerciales internationales, avec des clauses semblables à celles du chapitre 11 négociées dans le secret, qui ont été heureusement dévoilées lors des négociations de l'AMI, aient eu cet effet.

Qui au Parlement est responsable d'avoir abandonné nos droits sous le prétexte de conclure des ententes commerciales? N'est-ce pas compréhensible que les ministres et les négociateurs responsables de telles ententes soient regardés comme des traîtres par certains citoyens canadiens? Les ministres et négociateurs ne se soucient-ils pas de ce que leurs petits-enfants puissent vivre avec des droits démocratiques dans un pays libre? Si tous se soucient du bien-être de leurs petits-enfants, pourquoi cet abandon brutal de nos droits démocratiques et d'une planète saine est-il en train de se produire? Sommes-nous, collectivement, si abrutis?

Je crois qu'il y a un mythe du libre-échange et des économies fortes. Dans une organisation, ceux qui contrôlent les mesures à partir desquelles les décisions sont prises possèdent le vrai pouvoir. Les politiques en matière de contrôle de l'information sont un des fronts de résistance que la modélisation systémique doit vaincre dans le monde des affaires. La même chose s'applique à grande échelle lorsqu'on parle de la santé de l'économie. Les données économiques sont extrêmement biaisées et déformées, et elles ne favorisent qu'une vision très sélective de la réalité.

Le libre-échange améliore la prospérité du port d'attache des entreprises multinationales, pendant qu'il encourage la colonisation économique des pays en développement et la marginalisation des initiatives de leurs populations. Les bénéfices de ces pays sont canalisés exclusivement vers la plutocratie locale, et le FMI s'assure qu'il ne reste aucun filet de protection sociale. Le libre-échange produit le même effet dans les pays du nord, même si l'incidence y est moins visible.

• 1155

Contrairement au témoin précédent, qui cumule trois emplois, un grand nombre de pêcheurs, de bûcherons et d'autres employés de l'industrie des ressources naturelles n'ont pas d'emploi à cause de certains de ces impacts. On voit des écarts qui se creusent, des maisons hypothéquées pour permettre le travail autonome, des dettes familiales qui s'accumulent et de plus en plus d'emplois offrant salaire près du salaire minimum, mais ces phénomènes ne figurent pas dans les données macroéconomiques. Les statistiques largement agrégées masquent toute subtilité, évitent tous les enjeux sociaux d'importance et donnent l'impression que tout va en prospérant alors que de larges secteurs sont en difficulté.

Les statistiques très sélectives ne donnent pas une image complète de la société et des myriades de moyens que les gens utilisent pour être productifs pour eux-mêmes. Il n'y a pas dans nos leviers économiques de mesures de correction qui fournissent la rétroaction nécessaire pour ajuster nos trajectoires. L'éclatement des familles, et les dommages qu'il cause dans l'existence des enfants; le niveau d'endettement nécessaire pour être un bon consommateur, l'augmentation du nombre de dépressions, de troubles de l'attention et des dysfonctions immunitaires chroniques; le nombre croissant des sans-abris; ainsi que les interminables listes d'attente pour la chirurgie—aucune de ces tragédies n'apparaît dans le PIB ou le marché boursier, ou dans d'autres mesures économiques clés avant qu'il ne soit bien trop tard.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Seeley, puis-je vous demander de passer à vos recommandations? S'il reste du temps, nous pourrions poser une ou deux questions.

M. Douglas Seeley: D'accord.

Que peut-on faire? Le Canada peut prendre les devant en modifiant les ententes commerciales internationales en leur donnant des formes différentes de leurs objectifs actuels de satisfaction des entreprises et des appétits voraces des sociétés multinationales sous la forme d'échanges transfrontaliers. Le Canada pourrait plutôt se porter à la défense d'une orientation du commerce international qui soit axée sur la coopération au niveau des citoyens, l'autonomie réciproque dans le nouveau domaine de l'abondance de l'information, la préservation de notre biosphère et de notre planète et un respect mutuel de la diversité culturelle.

Nous pouvons dire non aux chapitres 11 de nos ententes commerciales. De façon plus décisive encore, nous pouvons affirmer la souveraineté du citoyen au regard de la loi, sa préséance sur les entreprises, et créer une démocratie plus poussée dans laquelle le respect des droits d'autrui, le respect des familles et des collectivités et le respect des bassins hydrographiques et de la vitalité des économies locales sont maintenus.

En tant que collectivité souveraine, nous pouvons maintenir une infrastructure essentielle pour le logement, l'énergie, le transport, les communications, la santé et l'accès à l'information, qui deviendrait la base de grandes réalisations. Nous pouvons renouveler une culture distincte qui n'est pas obligée d'être engloutie par la religion de la consommation.

Au Canada, les administrations publiques peuvent remplir un nouveau rôle de gardiennes de l'infrastructure essentielle et de facilitatrices qui jouent un rôle de médiation dans la coordination de notre réseau indépendant de processus d'approvisionnement. Elles peuvent maintenir un équilibre dynamique entre la concurrence et la coopération et en assurer la médiation. Elles peuvent s'assurer que les données sociales ont une incidence corrective sur la façon dont l'économie se développe. Elles peuvent affirmer l'existence d'un nouvel État civil et rendre autonomes ses citoyens. En ces temps de dogmatisme et de consommation, la création d'une démocratie aussi poussée, est aussi, à mon avis, une mission spirituelle—la mission de préserver l'esprit humain de notre peuple.

Je vous remercie.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Seeley, pour un mémoire aussi réfléchi et détaillé. Je suis désolée d'avoir eu à vous bousculer à la fin.

M. Douglas Seeley: Je m'y attendais.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Le document complet sera disponible pour mémoire. Nous affichons aussi les mémoires sur le site web.

M. Douglas Seeley: Je vous remercie.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Vu le peu de temps dont nous disposons, peut-être pourrais-je simplement poser moi-même quelques questions rapides, à moins que mes collègues en aient.

Monsieur Seeley, je comprends votre point de vue et l'origine de vos préoccupations—la domination des droits des sociétés. Vous dites cependant dans votre document que le Canada a un rôle à jouer dans les ententes commerciales internationales. Croyez-vous que nous devons rester à la table des négociations de l'ALE et de l'OMC? Deuxièmement, quel rôle devrait jouer le Canada, plus spécifiquement que vous le décrivez dans votre document?

M. Douglas Seeley: Je répondrai en même temps à vos deux questions, madame la présidente.

Étant donné les préoccupation qui existent dans ce pays à propos des droits de la personne, des questions sociales, des questions environnementales et des questions liées au travail, le Canada peut jouer un rôle dans la création d'un nouveau modèle pour le commerce et des économies renouvelables, déloger la Nouvelle-Zélande en montrant comment ces enjeux peuvent être intégrés de manière holistique avec ceux du commerce et du progrès naturel de notre économie. Jusqu'aujourd'hui, aucun programme équilibré n'a été créé pour appuyer ces autres enjeux, ainsi que certains des témoins précédents l'ont mentionné.

• 1200

Le Canada peut jouer un rôle très utile en indiquant la façon d'atteindre cet objectif, en veillant à ce qu'aucun droit ne soit enfreint et en faisant en sorte qu'un pays du Sud n'ait pas automatiquement un mouvement de recul quand il entend parler de démocratie car ce terme est pour lui synonyme de colonisation économique.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je sais que vous étiez présent lorsque monsieur Hart a parlé, et il a indiqué l'importance de se concentrer sur l'équilibre entre l'équité et l'efficience. Seriez-vous d'accord que c'est le rôle que nous devrions jouer?

M. Douglas Seeley: Avec une seule réserve, madame la présidente, je suis d'accord. Je pense que l'on est passé à côté en recherchant à tout prix l'efficience. C'est ce que j'appelle l'hyper-efficience, ainsi que je l'ai mentionné dans le cadre de ma situation professionnelle, nous avons vu, encore et encore, que ce soit dans les entreprises ou dans les processus d'approvisionnement, que les approches normales de l'efficience ont un effet de boomerang, parce qu'elles ne tiennent pas compte des facteurs de causalité qui découlent de la production de services et de biens, et qu'elles ne portent pas attention à la coordination entre les étapes de cette production, qui sont si nécessaires pour être concurrentiel et performant.

Donc, tout ce que j'ai entendu en termes d'efficience est cet autre paradigme de ce que j'appelle la religion du marché libre, qui consiste pour tous à maximiser leurs intérêts propres indépendamment, ce qui est très loin de l'efficience. Ça mène à du gaspillage, dans les entreprises et dans les processus d'approvisionnement.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Avec la permission de mes collègues, j'ai une autre question très rapide.

Encore une fois, d'après votre mémoire et votre position, comment percevez-vous l'adhésion de la Chine à l'OMC, particulièrement en fonction de l'importance que vous accordez aux droits de la personne, aux droits sociaux, au travail et à l'environnement? Et voyez-vous quelque bienfait dans l'adhésion de la Chine à l'OMC pour répondre aux préoccupations qu'a exprimées Mme Beaumier, le commerce des organes et les droits de la personne?

M. Douglas Seeley: Oui, dans ce cas, je crois que je suis d'accord avec M. Woo et M. Hart. Je ne pense pas que nous devrions exclure la Chine en lui reprochant les mêmes torts que ceux que nous avons en laissant se certaines questions se détériorer dans nos propres pays. Je vois les droits de la personne être mis de côté parce qu'en tant que citoyen, je n'ai aucun pouvoir contre le développement commercial dans mon quartier, ou dans ma province ou mon pays. Il s'ait de droits du même ordre, à mon avis.

Je suis donc d'accord. Je crois qu'elle devrait être admise dans ces organisations, et je crois que le Canada devrait prendre les devants et montrer comment l'intégration des droits humains devrait se dérouler.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Nous n'avons plus de temps. À moins que mes collègues n'aient quelque chose à ajouter, j'aimerais remercier au nom du comité...

M. Bob Speller: J'ai une question rapide.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Très rapidement, monsieur Speller.

M. Bob Speller: En page 5, vous dites: «La manipulation génétique va-t-elle rendre illicite l'amour romantique?». Cela m'inquiète quelque peu.

M. Douglas Seeley: Je suis simplement préoccupé par la portée que l'utilisation des règles de droits sur les préjudices peut prendre pour supporter les efforts d'intérêts commerciaux aux dépends des intérêts individuels. C'est pour souligner ceci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup. Y a-t-il quelque chose d'autre?

M. Bob Speller: Maintenant que vous le demandez, j'avais en fait une deuxième question.

À la fin, vous décrivez ce que l'on pourrait faire, et j'essaie d'avoir une meilleure compréhension de ce que vous dites. Vous affirmez que nous ne devons pas satisfaire les entreprises; nous devons affirmer la souveraineté des citoyens, une démocratie plus poussée, le respect pour les droits d'autrui, des familles, et d'un commerce socialement responsable. Voilà certainement des buts importants pour toute négociation gouvernementale. Mais qu'en est-il au niveau pratique? Vous semblez voir les choses d'une perspective philosophique plutôt qu'en termes de choses pratiques que les gouvernements pourraient faire.

• 1205

M. Douglas Seeley: C'est juste. J'apprécie vos remarques. Et je sais qu'elles ressemblent à des positions philosophiques. C'est peut-être un commentaire semblable à ceux que j'entends souvent à-propos de la façon dont fonctionne mon entreprise. Lorsque nous regardons une grande image d'un chemin de fer et que nous voyons comment il est interdépendant des mines et des opérations du port et du comportement de l'acheteur final, et que nous montrons comment ces éléments interagissent, cette image globale laisse croire aux gens que nous sommes philosophes. Nous ne le sommes pas. Nous regardons vraiment les systèmes selon leur fonctionnement global, plutôt que selon le type de conditionnement qui a été si dominant dans le passé, qui se concentre sur les unités individuelles et la maximisation de leur efficacité et de leur performance.

Donc, ma position est la suivante: si vous étudiez comment les biens et les services sont créés, vous pouvez soutenir les cycles de produits de base qui existent, plutôt que d'essayer de maximiser l'action des composantes individuelles. Cette façon de faire fonctionne lorsque nous l'appliquons aux entreprises. Ça a fonctionné dans l'industrie céréalière de l'Australie occidentale. Ça fonctionne dans l'industrie du charbon de Queensland. Ça pourrait fonctionner ici, au Canada, en Colombie-Britannique et dans d'autres parties du pays.

Un des aspects du document que je n'ai pas eu le temps d'aborder beaucoup est celui des mesures. Les données organisent le comportement autour d'elles. Nous pouvons prendre des mesures qui tiennent compte des facteurs des questions sociales, des préoccupations environnementales et des questions semblables, et les intégrer dans les mesures que nous utilisons pour diriger et corriger le développement de nos économies. Selon notre perspective, il s'agit d'adopter une approche moins traditionaliste et plus centrée sur les systèmes. C'est à peu près tout ce que je peux dire à ce sujet, mais j'apprécie votre commentaire.

M. Bob Speller: Je vous remercie.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Seeley et monsieur Speller.

Monsieur Seeley, je vous remercie une fois de plus d'être venu. Ainsi que je l'ai dit aux autres témoins, et même si vous êtes ici à titre personnel, veuillez considérer ceci comme le commencement de notre consultation. S'i y a d'autres questions dont vous souhaitez nous informer, n'hésitez pas à le faire.

M. Douglas Seeley: Je vous les posterai.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui, veuillez les consigner avec la greffière.

M. Douglas Seeley: Très bien.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup. Au nom de mes collègues, merci encore.

Je voudrais saisir cette occasion de lever la séance de ce matin et nous reviendrons à une heure. Nous commencerons précisément à une heure. Je vous remercie beaucoup.

SÉANCE D'APRÈS-MIDI

• 1302

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Mesdames et messieurs, nous reprenons les travaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Nous accueillerons nos témoins de cet après-midi. D'abord, nous recevons M. Jef Keighley, président national des Travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l'automobile.

M. Jef Keighley (représentant national, Syndicat des travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l'automobile): Buzz Hargrove pourrait être vexé par cette appellation. Je suis le représentant national.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Nous recevons aussi monsieur Duncan McLean, vice-président du Conseil de la Colombie-Britannique du Conseil canadien des syndicats.

M. Duncan McLean (vice-président, Conseil de la Colombie-Britannique, Confédération des syndicats canadiens): En fait, c'est la Confédération des syndicats canadiens.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): D'accord, merci.

Nous recevons aussi Gary Worth. Gary, vous êtes avec...?

M. Gary Worth (président, Travailleurs des pâtes, des papiers et du bois du Canada): Je suis avec Duncan, pour lui apporter un soutien moral.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Parfait. Merci beaucoup d'être présents cet après-midi.

Qui commencera? Monsieur McLean.

M. Duncan McLean: Bonjour. La Confédération des syndicats canadiens, ou CSC, ainsi que je la nommerai, est heureuse de pouvoir présenter ses préoccupations à propos des négociations concernant l'Organisation mondiale du commerce et la Zone de libre-échange des Amériques.

Comme l'a dit la présidente, je m'appelle Duncan McLean. Je suis un salarié canadien ordinaire qui travaille au SeaBus. J'espère que ceux d'entre vous qui sont de l'extérieur de notre ville saisiront la chance de voyager sur notre SeaBus, qui fait une jolie promenade dans le havre. Je suis aussi le deuxième vice-président du Syndicat indépendant canadien des transports, section locale 2. De plus, ainsi que l'a dit la présidente, j'ai le privilège d'être vice-président du Conseil de la Colombie-Britannique de la CSC.

Le Conseil, qui a rencontré ce week-end des chefs de groupe à Prince George, a aussi discuté du message qu'on m'a demandé de porter ici et l'endosse entièrement.

Je suis accompagné de Gary Worth. En plus de m'apporter un soutien moral, il est le président national des Travailleurs des pâtes, des papiers et du bois du Canada. Gary fait partie du conseil exécutif national de la CSC.

La CSC a été fondée il y a 30 ans cette année pour aider à stimuler et à bâtir un mouvement de travailleurs canadiens souverain qui soit contrôlé par des travailleurs canadiens. Aujourd'hui, la CSC continue de représenter un éventail de syndicats canadiens fiers et déterminés, de l'est de la Nouvelle-Écosse à la côte ouest de l'Île de Vancouver.

Le nombre de nos adhérents, bien que modeste, est représentatif de tous les secteurs majeurs de l'économie canadienne. Et d'une rive à l'autre, nous entendons le même message. Après plus de 50 ans de lutte pour bâtir une société juste et équitable, les Canadiens sont témoins d'une attaque en règle contre les éléments fondamentaux d'un Canada prospère: l'assurance-santé universelle, l'enseignement public, l'assurance-chômage, l'aide sociale, les pensions, le transport en commun et le renouvellement de nos ressources en poissons et de nos forêts.

• 1305

Si les membres du comité quittent ce bel hôtel pour aller se promener, qu'ils prennent garde de ne pas trébucher sur des sans-abri, dont les yeux, si vous ne détournez pas votre regard, ne vous montreront aucun avenir.

Qu'arrive-t-il à notre pays? Nous nous joignons aux nombreuses organisations et personnes qui considèrent la mondialisation économique déréglementée et les soi-disant ententes commerciales comme étant des facteurs majeurs. La position de la CSC est que le Canada ne doit pas suivre dans cette trajectoire tant que l'on ne connaîtra pas l'opinion de la population et que l'on n'aura par mesuré les effets sur les Canadiens ordinaires, plutôt que simplement sur les mouvements de capitaux et la croissance des profits, une sorte d'étude d'impact sur les victimes.

Que pourrait révéler un telle étude? Depuis que l'accord de libre-échange est entré en vigueur, le 1er janvier 1989, les Canadiens ont été témoins de la disparition d'emplois, de l'érosion des programmes sociaux et des services publics, et d'une perte graduelle de notre souveraineté. En fait, depuis 1988, 33 des 47 entreprises actives au Canada qui ont été suivies par le Centre canadien de politiques alternatives ont réduit leurs effectifs de 216 000 employés. Au cours de cette période, ces mêmes entreprises ont vu leurs revenus annuels combinés augmenter de plus de 40 milliards, une augmentation de plus de 34 p. 100. En tant que travailleur, qui devra bientôt voter pour la signature d'un nouveau contrat qui m'assure une augmentation de revenu de 0 p. 100, que je pourrai toucher rétroactivement au moins jusqu'au 1er avril 1998, je ne peux que m'interroger. Le mémoire qui accompagne le présent exposé contient des exemples de découvertes brutales dans les domaines de l'environnement et de la santé publique dans le cadre du soi-disant marché libre.

L'accord multilatéral sur les investissements était une entente commerciale considérable qui avait pour la plus grande partie été négociée en secret. L'AMI aurait accordé aux entreprises multinationales des libertés considérables, ainsi que des pouvoirs supérieurs ou semblables ceux des États-nations. Les experts en commerce auraient voulu négocier les accords en secret, sans apport du public. Il ne devait y avoir aucune possibilité pour les gouvernements, les petites entreprises, les groupes communautaires, les syndicats ou les individus de participer à des contestations sur les orientations des entreprises et sur une gestion dont ils sentiront les effets.

Le gouvernement de la Colombie-Britannique a affirmé crûment: «L'AMI limiterait le rôle légitime des gouvernements élus démocratiquement de représenter les intérêts de ses électeurs.» Hélas pour les orchestrateurs de cet assaut, on a laissé filtrer trop d'information, et il a été nécessaire d'agir autrement, ce qui nous ramène à aujourd'hui, à l'Organisation mondiale du commerce et à la Zone de libre-échange des Amériques. Voyez, les thèmes sont de retour, et pour de bon cette fois.

L'OMC est un groupe de représentants commerciaux qui ont le pouvoir de supplanter des lois et règlements économiques, sociaux et environnementaux de tout État-nation et de son gouvernement élu. L'OMC sert à diriger en fonction des objections qu'entretiennent les entreprises à l'égard des lois adoptées par les gouvernements nationaux et subnationaux. Un tribunal de l'OMC est réuni, les audiences s'y font secrètement, et la décision est exécutoire pour le gouvernement et sans appel. Ces tractations transfèrent une partie importante du pouvoir de décision des citoyens et des gouvernements entre les mains de la minuscule classe et vers les préoccupations très restreintes des élites des sociétés et des actionnaires principaux. Ces ententes commerciales sont en fait des constitutions visant à miner la démocratie.

La démocratie et la souveraineté seront-elles applicables en l'an 2000? Nous croyons comprendre que le soi-disant processus de décision du cycle de négociations du millénaire de l'OMC sera lancé lors de la troisième conférence ministérielle de l'OMC, en décembre 1999. Verra-t-on alors s'éteindre la démocratie et la souveraineté, comme si c'était le résultat d'un bogue de l'an 2000?

• 1310

La Confédération des syndicats canadiens s'est engagée à travailler en coopération pour faire en sorte que les droits de citoyens soient toujours enchâssés et protégés en l'an 2000. Nos membres, leurs familles et les citoyens des collectivités dans lesquelles nous vivons ont tenté de survivre aux résultats de ces ententes. Celles-ci amènent sans cesse de nouvelles privatisations et une déréglementation accrue. Tandis que des milliards de dollars en capitaux spéculatifs—que les travailleurs ont en fait produits par leur travail—circulent chaque jour secrètement autour de la planète, les fermetures permanentes d'usines, la fermeture de villages entiers et les autres impacts liés à la mondialisation sur notre tissu social imposent un lourd tribut à notre pays.

La situation ne doit pas forcément se dérouler ainsi. Nous exigeons que notre gouvernement cesse de négocier des ententes commerciales telles que l'AMI, et s'engage à protéger la souveraineté canadienne, nos services publics et les ressources et l'environnement de la planète.

Nous terminons en disant que cette audience limitée et discrètement annoncée ne peut constituer l'équivalent d'une vraie consultation publique générale. Les Canadiens ordinaires doivent avoir la possibilité d'exprimer leurs préoccupations et leurs souhaits dans un dialogue significatif. Il y a très peu de vrai dialogue public à propos de l'adhésion du Canada à l'OMC. Une fois que les Canadiens connaîtront les faits, nous en sommes persuadés, ils ne voudront pas du tout que l'on y participe. Donc, avant que l'on ne négocie toute autre entente commerciale, il doit y avoir une consultation publique locale et mondiale de l'impact des ententes présentes. D'ici là, il ne devrait y avoir aucune autre entente.

Je peux m'imaginer les pressions divergentes que subit ce comité. Cependant, nous joignant aux témoins de l'histoire, nous vous souhaitons de posséder la force et le courage nécessaires pour sonner l'alarme devant le Parlement et la population du Canada, et nous vous souhaitons du succès dans cette entreprise.

Je vous remercie.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur McLean.

Monsieur Worth, avez-vous autre chose à ajouter à cette présentation à cet exposé?

M. Gary Worth: Non. Je ne peux qu'appuyer entièrement ce qu'ont avancé Duncan et la Confédération des syndicats canadiens devant ce comité.

Je crois qu'il serait juste de dire que les effets du libre-échange ont été ressentis par les travailleurs que je représente dans l'industrie forestière, particulièrement dans le secteur des pâtes et papiers. Présentement, nous subissons de fortes pressions, non seulement en raison de l'accord de libre-échange nord-américain, mais aussi des enjeux du commerce mondial et des impacts de la concurrence internationale. Le Canada possède les ressources. Le Canada possède les gens et les compétences nécessaires pour maintenir en place nos propres industries. Je crois que ce genre d'ententes ont certainement une incidence négative sur les membres de l'industrie forestière de la Colombie-Britannique.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je vous remercie, monsieur Worth. Peut-être pourrez-vous participer à la discussion lorsque nous passerons à la période de questions et réponses.

La parole est à monsieur Keighley.

M. Jef Keighley: Je vous remercie.

Madame la présidente Bulte et membres du comité, au nom de nos 27 000 membres en Colombie-Britannique et de nos 230 000 membres au pays, ainsi qu'au nom de notre président, Buzz Hargrove, que j'ai nommé plus tôt, et de notre exécutif national, je voudrais vous remercier de nous permettre de présenter nos opinions en rapport avec les négociations futures à propos de l'OMC et de la ZLEA. Je pense qu'il y aura aussi un exposé lors des audiences de Toronto.

M. Bob Speller: Je pense que Bob White pourrait témoigner.

M. Jef Keighley: Et il me semble que Buzz Hargrove fera aussi un exposé.

Le TCA est le plus grand syndicat canadien de secteur principalement privé. Je dis principalement privé parce que nous comprenons maintenant des travailleurs du secteur public, qui forment une minorité en croissance au sein de notre syndicat. Nos membres vivent et travaillent dans chacune des provinces canadiennes, de même maintenant que dans les trois territoires. Nous sommes un représentant important du secteur de l'automobile et du transport, des secteurs manufacturier, des mines et de la métallurgie, de l'hébergement et des services de même que nous sommes présents dans le secteur public.

Le TCA se définit lui-même comme étant un syndicat social, c'est-à-dire que nous reconnaissons que, même si nous agissons à partir du lieu de travail, nos responsabilités vont au-delà jusque dans les collectivités dans lesquelles nous vivons. Si nous sommes responsables de la présence d'un produit toxique, celui-ci ne demeure pas à l'intérieur des limites de l'usine. Il s'écoule dans les cours d'eau. Nos membres sont des éléments à part entière de la collectivité.

• 1315

À la suite des lourds débats publics à entourant l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis, de la Zone de libre-échange des Amériques et plus récemment, de l'Accord multilatéral sur les investissements, des centaines de milliers de Canadiens sont ,maintenant au courant de questions de commerce international et de libéralisation des investissements, et ont agi politiquement à ce sujet. Les événements entourant l'APEC et ses suites en 1998, la rencontre de Vancouver, ont démontré l'intérêt du public pour ces questions.

La crise économique en Asie, en Amérique latine et ailleurs dans le monde ainsi que ses répercussions au Canada nous a forcés à nous interroger sur le bien-fondé de la confiance que nous avons placé dans la rhétorique du marché libre du commerce international et dans ses étoiles politiques. À cette extrémité du pays, nous avons été particulièrement touchés lors de la récession d'il y a dix ans. Nous nous sommes félicités et nous nous sommes dit: «Ne sommes-nous pas fantastiques?» tandis que le reste du pays était embourbé dans la récession. Nous étions reliés au marché asiatique, et nous nous en sommes bien tirés. Maintenant, nous sommes toujours liés au marché asiatique, et nous en payons le prix. Mais il faut accepter le meilleur et le pire, et la vie se poursuit.

Le TCA est fier d'avoir participé au débat sur toutes les questions que je viens de mentionner au sein de la société civile internationale et canadienne, et il continue de participer. Dans chacun de ces débats, nous avons vu les partis politiques au pouvoir se ranger du côté du commerce international, en faisant preuve d'un mépris affiché pour les opinions et les intérêts des citoyens. Nous avons aussi observé que la profondeurs de l'analyse et la qualité du débat étaient supérieures du côté de la société civile, tandis que les gouvernements et les entreprises ressassaient encore et encore les clichés usés des forces supposées créatrices de la mondialisation. On n'a qu'à regarder les commentaires de la France à propos de son retrait de l'AMI pour voir qui présentait les plus forts arguments, qui touchait vraiment le noeud de la question.

De plus en plus, la société civile, qui continue de soutenir l'essentiel des effets de la mondialisation, travaille à l'échelle internationale pour susciter les critiques sur la mondialisation sans entraves et pour organiser l'opposition à ce phénomène. J'insiste sur «sans entraves». Nous ne nous opposons pas au commerce international. Le naufrage récent de l'AMI causé par l'effort exemplaire de la société civile internationale a, espérons-le, convaincu une fois pour toutes les politiciens et le monde des affaires international que le temps des ententes secrètes est révolu. Les conclusions de votre comité, de même que ce que le gouvernement décidera de faire au nom de la population canadienne en rapport avec l'OMC et la ZLEA feront l'objet d'un examen attentif.

Le TCA est en faveur du commerce et des investissements internationaux équitables. Ce à quoi nous nous opposons est la mondialisation sans entraves, dans le cadre de laquelle les entreprises, dans leur recherche du profit maximum, sacrifient les gens et l'environnement sur l'autel de la libéralisation. Nous croyons que les ententes et les relations commerciales internationales, que l'on parle de l'OMC, de la ZLEA ou de quelque autre entente, doivent être régies par des valeurs et des principes qui tirent leur origine du fait que les collectivités doivent avoir préséance sur les entreprises.

Le président de la Saskatchewan Environmental Society et membre de la Community Coalition against the MAI (la coalition communautaire contre l'AMI) en Saskatchewan, Roger Peters, a produit une liste des valeurs et des principes qui ont fait l'objet de discussions au sein de la société civile au cours des dernières années, et que nous appuyons. Ce ne sont pas là ses propres idées; il s'agit plutôt de prendre la distillation de la pensée de la société civile au Canada et dans le reste du monde.

J'aimerais les lire pour les inscrire dans les témoignages. On pourrait contester certains détails, mais nous sommes entièrement d'accord avec la perspective générale.

Les règles qui régissent le commerce et les investissements doivent être basées sur les valeurs suivantes: la prise de décision démocratique et la responsabilité du gouvernement face à la population du pays; la citoyenneté sociale et la responsabilité collective envers nos prochains les êtres humains...

J'entends des gens dire que le commerce ne devrait pas être gêné par la question des droits de la personne. On n'a qu'à considérer l'action de l'OTAN au Kosovo, en Yougoslavie, où nous allons jusqu'à entrer en guerre pour la question des droits de la personne. Assurément, le commerce doit aussi être relié aux droits de la personne.

Pour poursuivre notre liste des valeurs s'appliquant aux règles déterminant le commerce et les investissements, il y a le besoin de préserver et de protéger l'environnement; la subordination des entreprises privées et des droits de la propriété au bien commun; et la capacité de bénéficier de façon satisfaisante de notre travail et de nos investissements.

Les principes déterminant le commerce et les investissements devraient se lire comme suit:

1. C'est le droit démocratique des collectivités, par l'entremise de leur gouvernement, de déterminer les règles qui régissent tout commerce ou investissement international, et d'approuver ces règles par une consultation nationale ayant force de loi.

2. Tous les investissements seraient traités également et seraient régis par les mêmes règles, mais devraient satisfaire aux normes internationales et aux obligations de résultats. Un dispositif complet de normes internationales doit être établi pour régir tout commerce, investissement et toute pratique commerciale. Ces normes seraient élaborées à partir d'ententes internationales qui recherchent le plus grand respect des valeurs communautaires suivantes: protection des droits de la personne tels qu'ils sont définis dans la Déclaration universelle des droits de l'homme; l'accès universel à l'éducation, aux soins de santé et aux services sociaux; un salaire suffisant; un lieu de travail sûr et équitable; la protection et la dépollution de l'environnement telles qu'elles sont définies dans l'Action 21.; la santé et la sécurité publiques; la protection de la propriété communautaire des terrains et des ressources naturelles; les droits des peuples autochtones; le contrôle des produits dangereux (dont les mines, les armes chimiques, les déchets nucléaires, etc.); et le droit à l'action collective.

• 1320

3. De plus, les collectivités et les pays, par l'entremise de leurs gouvernements, doivent pouvoir élaborer des politiques apportant une protection spéciale du développement et de la protection des ressources naturelles, ou des mesures d'encouragement à ce faire. Cela inclurait des politiques économiques et financières et des budgets qui répondent aux besoins des collectivités; des limites aux droits de propriété et aux droits de propriété intellectuelle; la prestation d'une éducation, de services de santé, d'énergie et de services publics financés publiquement; un traitement préférentiel pour les entreprises, les sociétés, les coopératives et l'agriculture locales; l'attribution de territoires en tant que parcs ou réserves; les droits spéciaux des autochtones; le contrôle des mouvements de capitaux; le droit de récompenser la responsabilité sociale et environnementale au-delà des normes internationales, par exemple une désignation spéciale de produits très efficaces ou un Ecologo et des politiques d'achats préférentielles—en Colombie-Britannique, nous avons l'exemple merveilleux de Ballard Technologies, qui représentent vraiment la vague du futur—la réglementation de la vente et du contenu de produits fondés sur l'impact social, l'impact environnemental et le santé et la sécurité publique, par exemple un contenu minimum de matériaux recyclés—nous voyons maintenant la Californie exigeant du papier journal contenant une certaine quantité de fibres recyclées, ce qui est à notre avis une bonne chose, et le bannissement des MMT, qui est devenu une comédie de la manière dont il s'est produit à Ottawa—et le traitement préférentiel des industries culturelles locales.

Les collectivités, par l'entremise de leurs gouvernements, doivent pouvoir établir des seuils de résultats légaux pour les investissements locaux et internationaux, les pratiques commerciales et le développement des règlements visant à satisfaire les normes sus-mentionnées. Les collectivités seraient aussi libres de pénaliser les autres gouvernements et les entreprises qui ne satisfont pas à ces normes et qui ne sont pas en accord avec l'ONU et les autres lois et ententes déclaratives internationales.

Tout différend entre les collectivités, le gouvernement national et les investisseurs serait porté à l'attention d'un tribunal de règlement de différends entièrement indépendant, qui résoudrait le différend dans la collectivité ou dans le pays touché au moyen d'un processus public et démocratique, et non au sein d'un club fermé tel que le préconisait l'AMI.

En conclusion, le Canada est une nation commerçante et les Canadiens sont des gens à l'esprit honnête. Nous voulons entreprendre du commerce et des investissements qui valorisent véritablement les gens et l'environnement. Nous avons la responsabilité d'entreprendre un développement réellement durable, c'est-à-dire qui satisfait les besoins de la génération actuelle sans compromettre les besoins des générations à venir. La libéralisation débridée du commerce et de l'investissement est incapable de soutenir un développement durable.

Les entreprises ont une perspective à court terme qui est dirigée vers la rentabilité maximale. Cette approche peut être efficace pour ce qui est de faire gonfler la valeur des actifs, mais elle n'est pas appropriée à la planification nécessaire pour la définition d'un avenir durable juste et équitable. Les structures publiques de la démocratie, à l'échelle nationale et internationale, quelles que soient leurs faiblesses—et nous pouvons tous nous améliorer—sont néanmoins mieux appropriées pour coordonner les efforts des collectivités et ceux qui les visent que les structures des entreprises ne pourront jamais l'être.

Nous souhaitons encourager votre comité à inclure dans vos conclusions et dans vos recommandations les principes que nous venons de mentionner.

Nous vous remercions de votre attention, et nous nous ferons un plaisir de répondre à toute question ou tout commentaire que vous pouvez avoir.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Keighley.

M. Jef Keighley: Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Allons-y maintenant avec les questions. Monsieur Stinson.

M. Darrel Stinson: Tout d'abord, je tiens à vous remercier de votre présence et de votre intervention.

Je suis d'accord avec de nombreux aspects de ce que tout le monde a dit jusqu'ici, particulièrement avec le soi-disant secret ayant entouré les négociations en cours, qui ne sont pas assez diffusées pour que le public puisse les comprendre. J'ai entendu, non seulement de la part du public mais aussi de l'industrie, que ces ententes sont interprétées diversement par les divers pays lorsqu'ils les appliquent. Je crois que cela devrait être clarifié avant que toute négociation ne soit poursuivie.

• 1325

Nous devons comprendre que le Canada est une nation de commerçants. Nous ne disposons pas de la population locale nécessaire pour être auto-suffisants. Je crois, monsieur Keighley, que vous avez aussi dit cela, et je suis d'accord. Nous ne pouvons pas être auto-suffisants. Bien des gens tentent de bonifier leurs années de retraite en investissant dans certains secteurs du commerce. Certains syndicats ont fait cela.

Je m'inquiète de la manière dont nous les protégerons si nous ne concluons pas une certaine entente afin de protéger ces secteurs d'investissement. Même le gouvernement canadien investit des fonds de retraite à l'étranger pour obtenir un meilleur revenu pour nous. Nous savons que nous devons suivre ce chemin—nous le savons—pour survivre.

Nous ne pouvons maintenir l'industrie des pâtes et papiers seulement au Canada. Nous devons envoyer une grande partie de la production à l'extérieur. Vous devez l'admettre.

Dans un monde idéal, tout le monde aurait les mêmes attentes dans chaque pays, mais le problème vient du fait que ce que l'on perçoit comme un droit inaliénable ici peut être perçu différemment ailleurs. On peut avoir une conception différente ou ne pas éprouver la même urgence de conserver ce secteur au pays comme nous le faisons.

Donc, comment réglementer ceci? Comment ferez-vous pour faire respecter votre volonté dans ces autres pays dans le cadre de ces ententes?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur McLean.

M. Duncan McLean: Comme vous l'avez dit, nous vivons assurément dans une économie mondialisée. Nous vivons sur une petite planète, en fait de plus en plus petite, il se trouve que le commerce se fait à l'échelle internationale et que nous devons le réglementer.

Je n'ai pas l'impression que quiconque ici ait suggéré cet après-midi de mettre fin à toutes les ententes et de construire une barricade autour de notre pays. Nous parlons ici du contenu des ententes, de l'incidence qu'elles ont sur les collectivités et de la capacité des pays souverains, qui ainsi que vous l'avez dit sont différents d'un endroit à l'autre et ont des valeurs différentes, qui peuvent être partagées par les populations de ces pays tout en étant différentes des nôtres—que ces choses soient prises en compte, et que l'on ne se fie pas uniquement au fait que les résultats ou les bilans sont plus avantageux en vertu de telle ou telle entente. Il est aussi question de l'incidence sur les gens ordinaires, car nous sommes convaincus qu'ils sont négligés par la manière actuelle de fonctionner. Et vous avez aussi parlé de la discrétion du processus et de l'absence de processus approprié à l'élaboration de ces ententes. Ces lacunes nuisent certainement à leur légitimité, à un tel point que nous devons demander un arrêt de la participation canadienne à toute entente future jusqu'à ce que le processus soit plus exhaustif et plus largement consultatif.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Keighley.

M. Jef Keighley: La question n'est pas de passer au commerce international. Avant la conquête du continent par les Blancs, les peuples autochtones faisaient du commerce les uns avec les autres. C'est ainsi qu'ils vivaient. Lorsque nous sommes arrivés pour pêcher le poisson de la côte atlantique, ou pour faire le commerce de la fourrure, ou du bois destiné à la marine anglaise ou du charbon de l'Île de Vancouver, nous participions au commerce international. C'est à la base de la fondation de ce pays. C'est loin d'être quelque chose de nouveau.

La question n'est pas de savoir si nous voulons faire du commerce. Le matin, je me lève et je mange mes céréales. J'y mets une banane, et je bois une tasse de café. Je ne pense pas que les bananes poussent au Canada, sinon dans des serres—quelques serres spéculatives—et j'adore mon café. Nous avons tous besoin de choses provenant d'un commerce international sain.

• 1330

Donc la question n'est pas de savoir si nous voulons faire du commerce. Nous en avons toujours fait et nous en ferons toujours. La question est l'équité des conditions dans lesquelles le commerce se déroule. Si nous disons au monde que les conditions dans lesquelles se fait la production importent peu, que le commerce peut s'effectuer dans n'importe quelles conditions, pourquoi donc nous opposerions nous à des camps d'esclavage? Qu'avons-nous à reprocher aux camps d'esclaves s'ils produisent des biens à meilleur prix? Si le seul enjeu est l'économie, il n'y a rien de mal au sujet des camps d'esclaves. Et rien à redire non plus contre l'esclavage.

La question est y a-t-il un équilibre passablement équitable? Tous les pays ne vont pas s'élever jusqu'au niveau de vie nord-américain. Il n'y a pas assez de pétrole. Ils ne disposent pas d'assez de routes sur lesquelles conduire toutes ces voitures. En Chine, la même concentration de voitures ne laisserait pas d'espace pour les gens.

Donc comment faire respecter les règles du jeu? Eh bien, en recourant aux mêmes mécanismes que les entreprises internationales tentent d'éliminer depuis les 25 dernières années, en conservant le droit d'appliquer des tarifs punitifs aux pires transgresseurs. Les États-Unis sont merveilleux. Ils disent qu'ils ne croient pas aux mesures punitives—sauf si on parle de Cuba. Ce qui a entraîné l'injustice liée aux droits de l'homme en Afrique du Sud ce sont les sanctions économiques, et il y a eu des pressions pour que cessent ces sanctions. Quelques-unes ont eu du succès; d'autres non. La plupart n'ont pas eu de succès.

En tant que monde et que peuple, nous avons reconnu l'existence des droits de la personne et de certaines valeurs, et avons déclaré que les entreprises ne détiennent pas le droit divin de passer outre à toutes les considérations sous prétexte d'obtenir la main-d'oeuvre la moins chère possible, les conditions les plus économiques et les pires règlements environnementaux. Sauf en ce qui concerne le commerce international, les deux-tiers des échanges commerciaux s'effectuent entre les mêmes entreprises.

M. Darrel Stinson: Mais comment allez-vous assurer que cela se produira si vous n'êtes pas présents à la table des négociations? Vous dites que nous devons nous en retirer. Le reste du monde ne va pas le faire.

M. Jef Keighley: J'ignore où vous m'avez entendu dire que nous devons nous retirer des négociations. Je ne crois pas non plus que Duncan l'ait dit.

La question porte sur les conditions, sur le mandat donné. Nous ne souhaitons pas du tout assister à un autre exemple du gouvernement fédéral fixant un programme et nous disant par la suite, lorsqu'ils sont pris sur le fait—oh, seigneur, je crois que nous devons nous y tenir; nous avons fait ça depuis un certain temps. Nous croyons que nous devons partir du niveau communautaire, au niveau provincial, puis au niveau national. Le niveau national est le bon endroit pour tenir des négociations, mais on doit disposer de signes très clairs qu'il a de l'appui de la population avant de procéder.

L'un des plus grands capitalistes de la Colombie-Britannique, Jim Pattison, a dit que le pire accord que vous puissiez obtenir est celui duquel vous sentez que ne pouvez pas vous retirer.

Négocier est mon métier. J'ai passé 20 ans dans l'industrie minière et dans les secteurs manufacturiers et de l'hébergement de cette province à faire de la négociation pour gagner ma vie. Dans n'importe quelle série de négociations, si vous vous dites que, quoiqu'il arrive, vous devez aboutir avec une entente, vous allez obtenir une mauvaise entente. Nous avons vu une série de gouvernements faire précisément cela. Si vous ne pouvez obtenir des conditions satisfaisantes pour le Canada, le Canada devrait se retirer et dire qu'il ne signe pas parce que le contenu de l'entente ne correspond pas à ce que la population perçoit comme des conditions équitables—pas seulement pour notre population, dans tout le pays, le Québec, le Canada anglais, les Territoires, les Premières nations, mais aussi pour les gens en Amérique du Sud.

Il y a des années, je faisais beaucoup de travail dans le développement international. En Afrique et en Amérique latine, il y avait une énorme culture du sisal, jusqu'à ce que les sociétés pétrolières disent ciel, nous avons besoin d'un nouveau marché pour nos fibres de polypropylène. Le meilleur marché pour ce produit était le revêtement de sol, ils ont donc dit que cela ne fonctionnait pas très bien parce que le sisal est plus abordable que le polypropylène et qu'il constitue un bon marché. Ils sont donc allés convaincre les gens qui s'occupent du code du bâtiment canadien... ils leur ont dit si vous utilisez un revêtement de sol de sisal et que votre tapis est mouillé puis séché à quelques reprises, le sisal moisit et votre tapis se désagrège, tandis que, si vous avez un revêtement de polypropylène, il ne moisit pas. Ils ont dit que c'était bien. Mais combien de gens connaissez-vous dont le tapis a moisi après avoir été mouillé et séché?

Assurément, dans un marché libre, il y aurait de la place pour les revêtements de sol en sisal. Le tiers-monde a besoin d'emplois. Nous avons besoin d'y avoir un produit. Nous pouvons faire des échanges équitables d'une manière saine qui respecte le développement des populations de toutes les nations faisant du commerce, quelle que soit leur relation.

• 1335

La véritable question ce sont les conditions dans lesquelles le commerce est effectué—ou les investissements sont effectués—et non si nous commerçons ou non. Il faut utiliser ce même véhicule dont les entreprises tentent de nous déposséder: la capacité d'utiliser notre volonté nationale pour dire que, dans ces conditions nous ferons du commerce équitable, et dans celles-ci non. Ils veulent nous lier les mains pour que la seule cohésion d'opinions sur la scène internationale soit celle des entreprises. C'est très bien pour la valeur des actions, mais ça ne vaut rien pour les collectivités dans lesquelles nous vivons.

M. Gary Worth: J'ai un élément à souligner ici. Du point de vue syndical, nous comprenons très bien le dilemme où vous vous trouvez. Chaque jour, nous devons affronter ce genre de situation, que ce soit au niveau des négociations ou simplement au conseil d'administration de l'usine. Ils annoncent quelque chose, et le syndicat doit choisir entre tenir fermement sa position et refuser ou bien s'engager dans des négociations et essayer d'arriver à quelque résultat qui satisferont quelques-uns des principes du syndicat et des enjeux d'intégrité.

Nous comprenons tout à fait votre point de vue, mais l'AMI n'était certainement pas une chose avec laquelle les Canadiens étaient d'accord. N'est-ce pas? Ces ententes ont été négociées derrière des portes closes. Ça a été entièrement concocté avant que le public n'ait la chance d'être consulté. Donc, si nous voulons entrer dans ce genre de processus, il faut le faire par le processus de la consultation. Bien sûr, ça prendra du temps, mais c'est ainsi que ça fonctionne dans ce monde démocratique.

Pour ce qui est de l'exploitation forestière, l'industrie des pâtes et papiers produit des biens qui sont vendus partout dans le monde. Cependant, nous avons été trop longtemps dans le secteur des produits de base. Particulièrement en Colombie-Britannique, nous fabriquons des deux par quatre et des balles de pâte de bois. Ce sont là des produits de base qui sont acheminés dans d'autres régions de la planète pour être transformés en produits du papier, particulièrement pour ce qui est de la pâte.

Nous devons pousser l'industrie vers une production à plus forte valeur ajoutée. Si nous devons faire cela en satisfaisant des normes que nous ne rencontrons pas dans d'autres pays, par exemple les conditions environnementales en Indonésie et aux Philippines, où on produit beaucoup de pâtes et de papiers, les conditions de travail, les taux des salaires—voilà des éléments où, si nous pénétrons dans des situations de commerce mondial, il doit y avoir un terrain équitable. Donc, il doit y avoir des liens.

Si les compagnies fabriquent des produits à partir des ressources canadiennes, elles doivent être motivées à s'engager à produire des produits à haute valeur ajoutée qui peuvent être vendus de par le monde, et non seulement un produit de base.

Je suis désolé, mais, d'après notre expérience avec les actionnaires de sociétés, ainsi que l'ont à quelques reprises mentionné les intervenants dans leurs mémoires, la valeur des actions des entreprises est la véritable motivation des entreprises. Dans le domaine des pâtes et papiers, nous devons sans cesse affronter cette réalité. Les valeurs des actions dictent beaucoup de choses. Ça sera la première préoccupation, et non le développement durable ou les questions environnementales ou encore la valeur ajoutée.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.

Messieurs, je vous remercie d'être venus témoigner devant le comité. Je crois qu'il est toujours utile d'avoir une discussion transparente et ouverte. Même lorsque nous ne sommes pas d'accord en tout, il est bon de tenir ces négociations et ces conversations transparentes. Je suis entièrement d'accord que ces négociations devraient être menées ouvertement et au su de tous.

À ce sujet en particulier, j'aimerais vous référer à la page 6 de votre document, au point 4, où vous dites:

    Les collectivités, par l'entremise de leurs gouvernements, doivent être capables de définir des obligations de résultats légales concernant l'investissement local et international, les pratiques commerciales et le développement, qui prennent la forme de règlements assurant la satisfaction des normes mentionnées auparavant. Les collectivités seraient aussi libres de pénaliser les autres gouvernements et les entreprises qui ne satisfont pas à ces exigences et qui ne se conforment pas aux exigences de l'ONU et des autres déclarations, lois et ententes internationales.

Il me semble que nous rencontrons ici deux problèmes. D'une part, nous avons les pays et les collectivités sur leur propre territoire, adoptant leurs lois et règlements sur cette question. D'autre part, nous assujettissons cela aux normes et aux règlements qui sont mis en place par une instance internationale telle que les Nations Unies.

• 1340

À quel moment la souveraineté est-elle exercée? Est-ce en premier lieu ou en deuxième lieu, lorsque vous soumettez toute la question à une organisation internationale qui a défini des normes pour le monde?

M. Jef Keighley: Elles ne s'excluent pas l'une l'autre. Une collectivité peut être passablement petite. Elle peut être presque de la taille d'une province—dans certains cas, comme l'Île-du-Prince-Édouard, elle est certainement de la taille d'une province—et internationale.

Essentiellement, lorsque nous envoyons nos délégués aux Nations Unies concernant des conventions que nous appuyons ici au Canada, nous disons que ce sont là des principes auxquels nous souscrivons. Nous pouvons y souscrire en tant que citoyens du monde, comme pour la Déclaration des Droits de l'homme.

Au sein de la collectivité canadienne, nous affirmons des principes, et il se trouve que ceux-ci coïncident avec ceux des Nations Unies. Mais s'ils ne sont pas appliqués dans des conditions équitables et dans un respect adéquat de l'environnement, nous nous réservons le droit de mettre en place des tarifs punitifs.

Au bout du compte, si un pays transgresse vraiment les règlements, il n'y a pas de mal à dire «Voyez, nous ne prétendons pas que vous ne pouvez transiger avec les quelque 100 autres pays. Nous disons simplement que, dans ces conditions, nous n'approuvons pas. Nous sommes prêts à faire respecter notre volonté à l'intérieur de nos frontières nationales et à mettre en place des tarifs. Si vous voulez vendre des trucs ailleurs, bonne chance, mais nous ne sommes pas prêts à l'accepter ici dans ce pays.»

Si cette attitude était répandue dans plus de nations du monde, vous verriez soudainement un équilibre se produire. Il n'y aurait pas d'égalité. Nous n'obtiendrons jamais une situation égale, parce que les ressources ne sont pas distribuées également. Il serait bien qu'elles le soient, mais elles ne le sont pas. Il se trouve que nous sommes dotés d'assez d'eau potable pour notre propre usage; d'autres pays ne disposent pas de ça. Mais, franchement, l'équité n'est pas la même chose que l'égalité.

Nous croyons qu'il est juste de dire que nous avons le droit de défendre les principes et les valeurs auxquels nous souscrivons en tant que nation à l'intérieur de nos frontière nationales. Ça ne veut pas dire que nous ayons le droit de les défendre en-dehors de notre pays.

M. Werner Schmidt: Tout ça est très bien, mais vous n'avez toujours pas répondu à ma question. Qui fait respecter les règlements des Nations Unies?

M. Jef Keighley: Les Nations Unies n'ont pas obtenu le pouvoir de faire respecter leurs propres règlements. L'OTAN est chargée de voir au respect des règlements des États-Unis.

M. Werner Schmidt: Non, mais sérieusement...

M. Jef Keighley: Je suis sérieux.

M. Werner Schmidt: Moi aussi. Cet élément est très important. D'un côté, vous dites que la question est celle de la souveraineté, et je ne suis d'accord avec cela. D'autre part, vous assujettissez cette souveraineté aux Nations Unies. Cela veut-il dire que la nation devient l'exécutant des règlement ou des directives des Nations Unies? Est-ce bien ce que vous avancez?

M. Jef Keighley: Que les mécanismes de l'ONU soient absents ou efficaces... et toutes sortes de motions peuvent être adoptées. Par exemple, les sanctions contre l'Afrique du Sud ont été débattues et adoptées au niveau des Nations Unies. Comme nous le savons, les pays n'ont pas tous signé. Mais ce débat a eu lieu et était parfaitement compatible avec le débat national.

Les Nations Unies n'ont appliqué aucune sanction à l'endroit de l'Afrique du Sud. Elles ont transmis le mécanisme, et ça a été le rôle des gouvernements nationaux de contrôler ce qui se passait là-bas. Je suis très engagé dans cette situation depuis 1964. Nous, en tant que nation, c'est-à-dire notre gouvernement, au nom de tous nos gouvernements nationaux, qu'ils aient été libéral ou conservateur à l'époque, ont reconnu leur responsabilité. Notre gouvernement national s'est assuré que les sanctions adoptées par l'ONU soient appliquées du mieux qu'ils le pouvaient. Il y a eu quelques fuites, mais, bon sang, ça a été un mécanisme plutôt efficace. Donc oui, voilà exactement comment ça fonctionne.

M. Werner Schmidt: Donc votre réponse c'est oui—la nation—parce qu'ils l'ont appliquée aux Nations Unies.

M. Jef Keighley: Dans une certaine mesure, oui, ça fait partie du mécanisme de mise en exécution.

M. Werner Schmidt: Pourquoi alors vous objectez-vous si vigoureusement aux dispositions de mise en exécution de l'Organisation mondiale du commerce?

M. Jef Keighley: L'Organisation mondiale du commerce se distancie systématiquement de toutes les questions de l'environnement, des droits de la personne et des droits des travailleurs. En fait, elle se distancie de toutes les choses que la plupart des gens trouvent valables. Si vous demandez au Canadien moyen ce qui est le plus important pour lui entre l'environnement de sa collectivité locale ou les droits de quelque société de vendre quelque gadget en Somalie, il dira que l'environnement dans lequel il vit et le travail sont plus importants.

• 1345

M. Werner Schmidt: Donc cela voudrait dire que, si leurs emplois sont abolis, ils seraient prêts à perdre leur emploi.

M. Jef Keighley: Malheureusement, les emplois sont abolis sans égard aux préoccupations d'ordre humain. Si nous vivions une situation dans laquelle les entreprises sauraient d'avance que, si elles se dirigent vers un marché du travail à 30c. de l'heure, elles risquent fort de voir limiter leur entrée sur le même marché où elles ont aboli des postes, je vous parie qu'il n'y aurait pas autant d'entreprises qui quittent le pays.

Une des compagnies avec laquelle je faisais affaire, Weiser Lock, avait une manufacture à Kuala Lumpur. Ils l'ont maintenue en place pendant quatre ou cinq ans. Ça a été un désastre total. Ils ont fini par la fermer. Avec la méthode des flux tendus, ils ne pouvaient s'adapter assez rapidement aux changements du marché. Lorsque les produits arrivaient ici, on n'en voulait plus, parce que c'était le modèle de l'année précédente.

Les entreprises ne seront pas aussi libres de se déplacer vers la main-d'oeuvre la plus abordable et la protection environnementale la plus faible s'ils savent qu'il existe un mécanisme qui peut servir de frein à leur entrée dans le marché qu'elles ont quitté. La raison pour laquelle ils ont quitté en si grand nombre est que l'Organisation mondiale du commerce, le FMI et les diverses organisations mondiales qui n'ont vu que les dollars, et uniquement les dollars, disent qu'il n'y a aucune sanction efficace, pas de prix à payer pour se débarrasser des emplois des Canadiens, des Américains ou des Français. Il n'y a pas de prix à payer, donc où est la police?

Nous devons recréer le service de police, semblable à celui dont nous disposions auparavant, mais sans la capacité d'avoir des tarifs généralisés—nous nous sommes tous mis d'accord pour abolir ces derniers—mais en appliquant des tarifs punitifs. C'est comme pour les radars: vous ne respectez pas la limite de vitesse seulement parce que quelqu'un a placé un panneau; vous craignez la présence d'un policier. Nous devons créer le policier.

M. Gary Worth: Je m'excuse, mais je dois répondre à cette question. Je crois que c'est une question très injuste à propos de ce que feront les travailleurs lorsque leurs emplois seront en jeu.

L'exemple le plus récent est celui en Colombie-Britannique est celui d'une grande entreprise multinationale qui américaine a pris contrôle d'une de leur compagnie. Lorsque Bowater a pris le contrôle d'Avenor au Canada, un des actifs qu'ils ont acquis était l'usine de pâte à papier de Gold River. Bowater ne souhaitait pas utiliser cette usine. Elle n'était pas rentable, trop petite, trop éloignée de leur plus grande base de production et de leur marché. Elle n'était pas trop éloignée de la Corée, où se trouve une bonne part du marché, mais ils l'ont tout de même fermée.

Ces travailleurs auraient fait n'importe quoi pour conserver leur emploi. Ils auraient travaillé pour des salaires plus modestes. Il y aurait eu des tentatives telles qu'un contrôle partiel de l'entreprise par les employés et toutes les choses de ce genre.

Vous devez rester loin de ce genre de chose et éviter la situation dans laquelle une usine est placée lorsqu'elle est prise en charge par une grande entreprise. Il doit y avoir des dispositions et un certain contrôle sur ce que peuvent faire les entreprises lorsqu'elles fusionnent et deviennent plus grosses et que les emplois des travailleurs sont sujets à être sacrifiés lors de ce processus.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Excusez-moi, mais je dois vous arrêter. Vous pouvez revenir au cours de la deuxième partie, autrement nous allons manquer de temps.

M. Werner Schmidt: Je désire seulement féliciter Gary d'être intervenu de cette façon, car la question ici est que nous devons éviter la confrontation, et c'est exactement ce qu'il dit. Je crois que c'est un excellent point. Il y a trop de ces «il y a les méchantes entreprises et voici les bons travailleurs», ou vice versa, «il y a les méchants travailleurs et voici la bonne compagnie». Pourquoi ne pouvons-nous réunir tout ça? C'est la partie que nous devons accomplir.

M. Gary Worth: Les entreprises n'ont pas à rendre de compte au gouvernement. Voilà le problème.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Monsieur Sauvageau.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Si vous me le permettez, je ne parlerai pas de souveraineté. Je vais laisser faire M. Schmidt. Je vais aborder un autre sujet.

Vous énoncez votre premier principe à la page 4 de votre document,

[Traduction]

où vous dites que c'est le droit démocratique des collectivités de confier à leur gouvernement la mise en place et l'approbation de ces règles... des consultations nationales et locales ayant force de loi.

[Français]

Donc, comme M. McLean, vous souhaitez qu'il y ait une consultation accrue.

• 1350

Je vais vous poser une question. Si je fais fausse route, vous me rappellerez à l'ordre.

On a décidé de venir en Colombie-Britannique pour vous rencontrer. Après votre groupe de témoins, on rencontrera des personnes qui témoigneront à titre personnel. Ce matin, on a rencontré des gens du gouvernement de la Colombie-Britannique. On rencontre maintenant des gens des syndicats et on rencontrera ensuite des étudiants. Nous serons encore ici demain. Pour l'OMC et la Zone de libre-échange des Amériques, on sera venus ici, en Colombie-Britannique, et on aura consulté les gens de cette province. Est-ce qu'on remplit les conditions de votre premier principe? C'est ma première question.

[Traduction]

M. Jef Keighley: La réponse est non. Vous faites votre possible selon ce que vous permet le mandat. Le noeud de la question est que les consultations doivent être beaucoup plus étendues. Dans l'Ouest, au Québec et dans les provinces Atlantiques, nous avons l'habitude de penser à Ottawa comme étant ce lieu éloigné, et nous nous trouvons à l'extrémité de réception de la transmission. Si vous vous trouvez à Prince George, ils pensent la même chose de Vancouver. Si vous êtes à Smithers, ils disent la même chose de Prince George.

À l'avenir, les processus doivent être beaucoup plus axés sur la collectivité. Il doit y avoir une rétroaction à plusieurs voix. Il doit y avoir une première série de rassemblement provenant de la distillation de ces idées. Alors, nous devons retourner dans les collectivités et dire ce qui s'en vient. Sommes-nous sur la bonne voie, ou sur la mauvaise?

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Je vais d'abord prendre l'exemple de l'agriculture et ensuite celui de l'AMI.

Au niveau de l'agriculture, si je ne m'abuse, le gouvernement fédéral, dont je me fais rarement le défenseur, a demandé à chacune des provinces de consulter ses producteurs agricoles, par l'entremise de l'UPA au Québec et de la Fédération canadienne de l'agriculture, ou d'autres instances que je connais peu, dans le reste du Canada. Je vais vous parler spécifiquement du Québec.

Au Québec, dans les 17 régions administratives, on a des divisions régionales de l'UPA, et les divisions régionales sont allées rencontrer les agriculteurs. On ne parle que du secteur de l'agriculture, mais dans toutes les régions, même dans la petite région de Lanaudière, les agriculteurs ont été informés des négociations futures de l'OMC. La position des agriculteurs de Lanaudière est la même que celle des agriculteurs du Québec, qui est la même que celle des agriculteurs du Canada, qui est la même que celle de la Fédération canadienne de l'agriculture. Peut-on penser qu'au niveau de l'agriculture, votre premier principe a été respecté?

Mon deuxième commentaire porte sur l'Accord multilatéral sur l'investissement. La recommandation 3 du comité qui a fait une étude sur l'Accord multilatéral sur l'investissement disait qu'on devait consulter, qu'ensuite on devait négocier et qu'après la négociation, on devait nous remettre le rapport sur l'Accord multilatéral sur l'investissement, qui n'est pas signé par le Canada. La recommandation 3 précisait qu'on devait reprendre la consultation, sachant qu'on ne pouvait pas modifier le document, et qu'on devait dire à ce moment-là si on devait signer le rapport ou ne pas le signer. C'était la position du comité, si ma mémoire m'est fidèle, sur l'Accord multilatéral sur l'investissement.

Pensez-vous qu'en ce qui a trait à l'Accord multilatéral sur l'investissement, sur lequel le gouvernement canadien avait beaucoup de réserves, et en ce qui a trait à l'agriculture, votre premier principe est respecté? S'il n'est pas respecté, quelle est, selon vous, la définition du mot «consultation»?

[Traduction]

M. Jef Keighley: Je ne suis pas très au courant des détails de la consultation agricole qui a eu lieu, donc je considérerai ce que vous dites comme s'étant réellement produit. Il me semble que le processus logique devrait être qu'avant de passer à l'échelle internationale, s'il n'y a pas eu de deuxième consultation dans le même secteur, cette affirmation semble correspondre au consensus général, et je me demande s'il est juste... Si ce processus a eu lieu avant de passer au plan international, alors je dirais qu'en partie il est complet.

• 1355

Quand vous dites que le problème se situe au moment où quelqu'un revient avec un document et vous dit que c'est à prendre ou à laisser, c'est là que se trouve la grave erreur. Parce qu'on n'établit pas quelque chose pour les cinq prochaines années. Même si le processus semble laborieux, si on revient après des négociations internationales en présentant le processus émergeant, que pensez-vous, quand les consultations reviennent au point de départ... cela prend du temps, mais nous en sommes à élaborer un processus qui devrait durer. Du moins, c'est ce que nous espérons, au moins pour le millénaire. Des changements seront apportés au fur et à mesure. Je ne considère donc pas qu'il s'agit d'un processus laborieux si on considère qu'il vise une longue période. Le problème réel est qu'il n'y a pas eu de vraie consultation à l'échelle locale. On n'a fait aucun effort pour présenter les choses au retour.

J'ai participé à la rédaction de une douzaine au moins de mémoires présentés aux gouvernements fédéral et provincial; je peux donc affirmer que très peu de projets découlant du processus ont tenu compte des apports de la base. C'est plutôt un processus du genre «mettons en place un processus pour amadouer la population, qui nous permettra d'affirmer que nous l'avons consultée». Nous savons que les conclusions seront hâtives. Ils arrivent à ces conclusions parce que la plupart du temps elles ont été établies par la communauté des affaires, et c'est à partir ce celles-là qu'on travaille. Voilà où se trouve l'erreur.

Je transige avec des entreprises tous les jours. C'est mon travail. Loin de moi l'idée de prétendre que les intérêts des entreprises devraient être mis de côté. Je dis simplement que les intérêts des entreprises constituent seulement une partie des intérêts à considérer, et qu'il faut les considérer. Les gens d'affaires ont une meilleure idée du détail et du fonctionnement, mais on ne peut pas toujours jouer cette carte unique négociation après négociation. Les consultations dans le secteur de l'agriculture ont été plus extensives que dans d'autres secteurs, et je pense que c'est dû à la force du lobby des agriculteurs au Québec. Ils sont très bien organisés.

M. Benoît Sauvageau: Partout au Canada...

M. Jef Keighley: Oui, et c'est très bien, mais cela s'est aussi passé ainsi dans d'autres secteurs. En passant, j'aime bien l'idée du beurre produit au Québec et vendu avec un emballage de la Fraser Valley.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur McLean, vous vouliez ajouter un commentaire.

M. Duncan McLean: Oui, madame la présidente.

Je suis heureux que nous soyons revenus à cette question. En conclusion, peut-être, pour ce qui est de la question des consultations publiques et du processus lié, la Confédération des syndicats canadiens estime que c'est sans doute la partie la plus importante de notre mémoire... À notre avis, condition n'a pas été satisfaite. Nous sommes tout à fait d'accord avec le porte-parole du Syndicat des travailleurs unis de l'automobile sur ce point.

J'ai un complet dans ma garde-robe, mais j'ai décidé de me présenter en T-shirt aujourd'hui, parce que je représente le Canadien moyen. La plupart des Canadiens ordinaires n'ont probablement jamais entendu parler de l'OMC, et encore moins des incidences des enjeux sur lesquels on prend des décisions à ce niveau. Comment devrait se dérouler une consultation publique digne de ce nom? Je ne le sais pas trop, mais je crois comprendre que ces derniers temps un processus a été enclenché au Québec qui s'appelle Solidarité Québec. C'est un vaste processus de discussion ouverte où les groupes communautaires aussi bien que les citoyens ordinaires ont été invités à donner leur avis sur le genre de Québec dans lequel ils veulent vivre, sur le genre de société dans laquelle ils veulent vivre. Tous les Canadiens du pays réclament un tel processus et ils y ont droit, sans quoi on ne pourra affirmer avoir consulté toutes les parties intéressées par les questions qui sont à l'ordre du jour aujourd'hui.

Une fois encore, je vous remercie de nous avoir permis de lire notre mémoire. Nous ne prétendons pas résoudre toute la question du contenu d'un accord commercial. Nous disons simplement que les Canadiens ordinaires doivent avoir leur mot à dire dans la rédaction des dispositions, et qu'un groupe en particulier ne peut pas imposer ses vues à ce sujet. Nous voulons protéger le processus de consultation et la démocratie.

• 1400

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): À titre d'information, monsieur McLean, nous avons ajouté à notre site Web des notes de discussion et des questions à l'intention du public. Le comité entend aussi soumettre le rapport avant l'été, bien avant le début des négociations. Nous comptons intégrer à notre rapport un guide sur l'OMC à l'intention des citoyens où seront abordés les sujets de préoccupation que vous et d'autres ont soulevés. Peu à peu, nous trouvons des solutions à ces besoins et à ces préoccupations. Le plus important est que le travail soit terminé avant l'été, avant la fin de la session parlementaire, de sorte qu'il y aura encore du temps pour accueillir les commentaires par après.

Monsieur Speller.

M. Bob Speller: Merci beaucoup à tous les témoins. Je prends note de votre scepticisme, mais j'imagine que nous allons faire de notre mieux non seulement pour informer les Canadiens sur les enjeux de ces accords, mais aussi pour obtenir leur point de vue et pour essayer d'en tenir compte dans la position qu'adoptera le Canada.

J'ai deux questions, dont l'une s'adresse à monsieur Worth. J'aimerais que vous élaboriez un peu sur vos premiers propos à l'égard de votre industrie et de l'incidence des accords de libre-échange sur celle-ci. Je viens du sud-ouest de l'Ontario et je ne suis pas très familier avec votre industrie. J'aimerais juste connaître l'ampleur des retombées sur votre industrie, et comment un accord comme celui dont nous parlons aujourd'hui pourra la toucher. Il semble que, surtout pour les industries qui dépendent des exportations, comme c'est le cas de la vôtre, un ensemble de règles ou un accès garanti aux marchés étrangers représentent un bénéfice et non un obstacle—j'aurais pensé qu'un système réglementé serait bénéfique pour votre industrie.

J'ai aussi une question pour M. Keighley. À la page 6 de votre rapport, vous dites: «Tous les différends entre les gouvernements communautaires et nationaux et les investisseurs seraient traités par un tribunal de résolution des différends entièrement indépendant». Je me demandais si vous pouviez nous expliquer de quoi il s'agit au juste.

M. Gary Worth: Je vais commencer par l'aspect de la foresterie.

Pour ce qui est de l'industrie des produits courants, je crois que l'accord a eu une incidence négative, parce qu'il s'est étendu jusqu'à la fabrication—les deux sur quatre, la pâte à papier. Le processus de l'accord de libre-échange n'offrait aucun incitatif réel aux entreprises à fabriquer des produits à valeur ajoutée.

Pour ce qui est des produits finis, l'accord a donné un essor à certaines de nos entreprises. Par exemple, un fabricant local de boîtes, une usine où on fabrique des boîtes, a vu le nombre d'emplois augmenter et le nombre de produits expédiés aussi. Avant l'accord de libre-échange, il y avait un tarif sur les produits expédiés aux États-Unis. Ce tarif a été éliminé. Nous livrons actuellement des produits dans les États de Washington et de l'Oregon qui viennent de l'usine de New Westminster. Il s'agit de produits finis. Une usine de boîtes se trouve à l'extrémité des étapes de fabrication pour ce genre de papier.

Le processus américain entourant les droits de compensation a partiellement découlé de l'accord de libre-échange. Les Américains prétendaient que le Canada subventionnait l'industrie forestière de façon injuste—et surtout la Colombie-Britannique—en accordant par exemple des baisses des redevances d'exploitation par volume et d'autres avantages qui servaient aux entreprises de stratagèmes pour tromper le fisc. Ce processus à mon avis était le résultat des accords de libre-échange. Ils ont eu une incidence très négative en Colombie-Britannique. Nous devons maintenant être très prudents en ce qui a trait aux redevances d'exploitation par volume. Inévitablement, les règlements ou les redevances d'exploitation en Colombie-Britannique ont des incidences sur l'accord relatif au bois débité de résineux. Nous agissons avec beaucoup de circonspection quand nous faisons des changements en Colombie-Britannique.

M. Bob Speller: Pour ce qui est des droits de compensation, les Américains avaient déjà toute latitude à cet égard bien avant l'accord de libre-échange.

M. Gary Worth: C'est exact.

M. Bob Speller: D'une certaine façon, ils ont toujours eu cette liberté. Je m'attendais à ce que les règles changent les choses. En fait, l'accord de libre-échange n'a eu aucune incidence sur les pratiques anti-dumping et les droits compensateurs. Il aurait peut-être fallu réglementer ces aspects pour nous donner accès au marché américain. Je pensais que votre industrie aurait dû bénéficier de l'établissement de certaines règles—d'un système fondé sur des règles—étant donné que la plupart de votre production est exportée. Si vous n'aviez pas eu de règles, les Américains auraient tout simplement dit... je veux dire, ils sont dix fois plus gros que nous. Il me semble que pour un pays de la taille du nôtre et que pour une industrie qui dépend tellement des exportations, comme c'est le cas pour la vôtre, un système réglementé est beaucoup plus avantageux.

• 1405

M. Gary Worth: Eh bien, les règles qu'ils tentent d'imposer en Colombie-Britannique et qui découlent des pratiques américaines concernent la propriété des terrains privés. Cela ne nous intéresse pas.

M. Bob Speller: Monsieur Keighley.

M. Jef Keighley: Juste avant de répondre à votre question, quand Trudeau a affirmé que nous étions voisins d'un éléphant, il ne blaguait pas. Vous aurez beau demander pendant des jours à un éléphant: «S'il te plaît, ne piétine pas la pelouse», rien n'y fera: il continuera de piétiner la pelouse.

Je veux simplement dire que les États-Unis sont toujours prêts à concurrencer n'importe qui, n'importe où, n'importe quand, si le concurrent offre un produit qui est plus cher que le leur. Mais si un mécanisme les empêche de maintenir leur avantage, ils ne se plient tout simplement pas aux règles qu'ils n'ont pas approuvées. Ils ne respectent même pas les règles des Nations Unies; ils ont des arriérés de 1,5 milliard de dollars envers elles. Les seules règles qu'ils acceptent sont celles qui leur donnent un avantage. C'est le problème que l'on rencontre quand on négocie avec un éléphant: peu importe l'entente conclue, l'éléphant va toujours continuer à piétiner la pelouse.

M. Bob Speller: C'est très bien. Je suis d'accord avec vous. Je crois que c'est pourquoi il vaut mieux que beaucoup de pays participent au processus. C'est le cas à l'OMC, où plusieurs pays peuvent unir leurs forces contre les États-Unis. On apprend, quand on participe à ces rencontres sur le commerce, qu'il y a d'un côté les États-Unis, et de l'autre le reste du monde.

M. Jef Keighley: Je ne suis pas en désaccord avec ce lien, mais on en revient toujours au problème relatif aux conditions selon lesquelles le commerce... Cet aspect de l'analogie me convient parfaitement.

En ce qui a trait au litige entourant le mécanisme de résolution, nous avons été abasourdis par l'ensemble de la théorie qui a émergé, dans une modeste mesure avec l'Accord de libre-échange entre les États-Unis et le Canada, avec plus de force dans l'ALENA, et d'une façon qui tient de l'inquisition avec l'AMI.

En plus des négociations collectives, je m'occupe de l'exécution des contrats et des causes d'arbitrage. Nous choisissons les arbitres pour les procès parmi une liste de personnes. Nous nous appuyons sur la jurisprudence et sur l'argumentation, mais le tout se déroule à la lumière du jour. Même un procès d'arbitrage entre la main-d'oeuvre et les gestionnaires est un processus public: tous ont le droit légal de participer aux audiences sur les mesures disciplinaires dont a Gary a fait l'objet parce qu'il dormait pendant son travail; tout citoyen a le droit légal dans ce pays de pénétrer dans une salle d'audience et d'observer ce qui s'y passe. Cela ne se produit pas très souvent, mais vous avez le droit de le faire. Vous avez le droit d'assister à ces audiences: c'est ainsi que justice est faite et nous pouvons contempler ce processus à l'oeuvre.

Ces comités internationaux ont agi systématiquement pour qu'on ne puisse rien voir. Dans de nombreux cas, on ne peut même pas en parler. Les positions des participants ne peuvent être révélées. C'est complètement contraire à la démocratie. La théorie de la démocratie repose sur le fait que les enjeux sont exposés à tous, qu'ils sont débattus et que l'on pèse le pour et le contre afin d'atteindre un équilibre. Il est possible de discuter intelligemment. Ce n'est pas parce que vous êtes un éléphant que vous avez le droit de charger. Si vous ne pouvez gagner par la finesse de vos arguments, vous ne gagnerez jamais. Mais les systèmes qui ont été mis en place l'ont été pour donner l'avantage au plus fort. Et il gagne en secret, parce que je crois que beaucoup trop de pays se sont écrasés parce qu'ils ne voulaient être l'objet d'un mauvais sort de la part des États-Unis; ces pays disent publiquement à leurs propres citoyens qu'ils ont signé un accord désavantageux, mais qu'il valait mieux avoir un tel accord et vivre en paix. Aucun politicien ne paie jamais le prix de ces mauvaises transactions.

C'est inacceptable. Tout doit se dérouler à la lumière du jour. Il faut que tous puissent savoir ce qui se passe. On ne verra pas des dizaines de milliers de personnes s'entasser dans les salles d'audiences. Les salles ne sont jamais assez grandes pour cela de toutes façons. Mais il faut que le public puisse voir ce qui se passe. Si le Congrès du travail canadien ou la Fédération des travailleurs de la Colombie-Britannique, ou encore les agriculteurs québécois ou les producteurs forestiers de l'intérieur de la Colombie-Britannique veulent envoyer un représentant qui défendra leurs intérêts, ils devraient en avoir le droit. Un processus devrait leur permettre de donner leur opinion afin les conclusions soient les plus équitables possible, au vu et au su de tous.

Avec le temps, une jurisprudence sera bâtie. Il y aura des hauts et des bas, mais tout système légal qui accorde une place importante à la jurisprudence permet d'acquérir une meilleure compréhension, parce que les décisions qui n'ont pas de sens pour une raison ou une autre sont compensées par d'autres qui sont plus justes, et on atteint un équilibre.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Keighley, seriez-vous prêt à promouvoir la participation d'intervenants désintéressés à l'OMC?

M. Jef Keighley: C'est-à-dire?

• 1410

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Par intervenant désintéressé, j'entends que des groupes d'intérêt pourraient contribuer aux pourparlers.

M. Jef Keighley: Je crois que tout processus devrait en effet autoriser ces interventions. Les parties intéressées doivent avoir la possibilité de se faire entendre. Mais il est tout aussi important que le processus soit ouvert, accessible au public, visible et susceptible d'appel.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur McLean, vous vouliez ajouter quelque chose.

M. Duncan McLean: Oui, merci.

Pour revenir rapidement au point que vous avez soulevé sur la nécessité des règlements, entre autres, dans les accords touchant des domaines comme la foresterie, je crois que vos arguments sont très valables. C'est le point central de notre mémoire: il semble que la déréglementation soit un thème récurrent à l'intérieur de ces accords; on vise l'abolition des règlements, des soi-disant règles du jeu équitables, etc. Mais comme vous l'avez fait remarquer, comment pourrait-on formuler des règles du jeu qui soient équitables quand un éléphant et un moustique s'affrontent?

Vous avez parlé de la foresterie, mais on pourrait parler des pêcheries de la même façon. Dans ma communauté, Steveston, on pêche depuis la fin des années 1800, juste à l'embouchure du fleuve Fraser. C'est une communauté qui a été dévastée par les derniers événements dans le domaine des pêcheries. Vous connaissez tous le conflit entourant les échanges entre l'État de Washington et la Colombie-Britannique d'une part, et entre le Canada et les États-Unis d'autre part.

Nous souscrivons entièrement au fait qu'un accord doit édicter des règlements. L'une des critiques que nous avons par rapport au contenu des accords en vigueur, et sur l'orientation que semble avoir adoptée l'OMC, concerne la déréglementation et le manque de vérifications, qui nous privent d'un équilibre adéquat.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Madame Beaumier.

Mme Colleen Beaumier: Merci.

Monsieur Keighley, vous avez abordé quelques thèmes; j'aimerais qu'on aille un peu plus en profondeur sur l'un d'eux.

Nous devons tout d'abord préciser que ceux qui prétendent que la mondialisation et la main-mise des sociétés multinationales sur le tiers-monde pourront améliorer les conditions sociales... Ce n'est pas le cas. Les sociétés multinationales ne sont pas des travailleurs sociaux.

Cela étant dit, si on examine le contexte nord-américain, ce sont les syndicats et les mouvements de travailleurs qui ont permis l'amélioration des conditions des droits de la personne et l'égalité. Ce n'est pas venu de l'extérieur du pays. Je crois donc que nous devons aider les pays du tiers-monde en ce qui a trait aux droits de la personne et aux pratiques de travail justes, mais il faut reconnaître que les changements doivent venir de l'intérieur.

J'aimerais revenir sur deux thèmes qui m'ont particulièrement intéressée: les entreprises canadiennes ou étrangères qui s'établissent dans les pays du tiers-monde et qui prospèrent en exploitant la main-d'oeuvre dans leurs usines de fabrication, en leur donnant des salaires faibles et des conditions de travail dangereuses, etc. Vous dites que, si elles ne pouvaient exporter leurs produits dans les pays où le marché est plus axé sur le client, elles seraient embêtées.

Suggérez-vous que...? Je sais que ce n'est pas ce que vous dites mais, selon ce que j'ai compris, nous pouvons empêcher que des investisseurs canadiens exploitent les pays du tiers-monde en bloquant l'entrée de leurs produits au Canada ou en leur imposant des tarifs plus élevés. Mais qu'en est-il des fabricants indigènes qui font exactement la même chose? Nous ne pouvons fixer une norme relative au salaire minimum et nous ne pouvons pas non plus établir des normes de travail dans une nation souveraine. Nous allons donc établir deux cadres de principes, un qui s'adressera aux investisseurs canadiens dans les pays du tiers-monde, et un autre pour les fabricants nationaux qui veulent exporter au Canada? C'était l'une de mes questions.

• 1415

L'autre porte sur les sanctions. Vous parlez sans cesse de l'Afrique du Sud et de la façon dont les sanctions commerciales ont changé ce pays. Je crois que les sanctions ont eu un certain succès là-bas parce qu'elles ont tout simplement donné une poussée à une situation qui était au pire. S'ils n'avaient pas été prêts au changement, je ne crois pas que les sanctions auraient eu une quelconque influence. L'exemple de l'Iraq est très éloquent à cet égard.

M. Jef Keighley: Non, je ne veux pas que l'on établisse deux normes, l'une pour les sociétés canadiennes qui font des affaires à Singapour et une autre pour les entreprises nationales de Singapour.

On pourrait en fait—et on en parle au BIT—discuter au sujet des normes du travail fondamentales, des normes environnementales, etc. On peut et on devrait faire quelque chose. Par exemple, pour ce qui est du droit d'organisation, si vous donnez aux travailleurs le droit d'association et d'organisation libres, je suis sûr qu'ils ne vont pas s'unir pour qu'on réduise leurs salaires. Ils vont demander une augmentation de salaire et de leurs avantages, et obtenir de meilleures conditions de travail. Il n'y a pas de doute qu'ils n'obtiendront pas les conditions de travail en vigueur dans nos pays industrialisés du jour au lendemain. L'amélioration des normes devra être évaluée par rapport à celles qui prévalent actuellement dans la société en question.

Malheureusement, nous nous éloignons actuellement de cette possibilité d'amélioration. Dans l'un des domaines où je suis le plus engagé, les mines, les sociétés minières du monde—y compris les sociétés canadiennes—engagent des armées de mercenaires non seulement pour protéger leurs réserves de minerais, mais aussi pour faire exécuter les conditions d'emploi. Il s'agit d'armées de mercenaires privés engagés partout dans le monde. Et les sociétés minières canadiennes ne sont pas uniques à cet effet: les sociétés australiens font la même chose; les américaines aussi. Elles ne le font pas partout mais, si elles peuvent le faire, elles ne se gênent pas.

Il faudrait donc édicter des normes de travail de base. Nous n'allons pas établir des lois relatives au salaire minimum dans un pays en particulier; vous avez tout à fait raison en cela. Mais quelles que soient les conditions des contrats, si vous produisez à 0,30 $ de l'heure, le prix de la main-d'oeuvre intérieure est à l'avenant. Par exemple, les entreprises de la maquiladora en Amérique latine n'ont pas contribué à augmenter le niveau de vie du Mexicain ou du Salvadorien moyen. En fait, elles l'ont réduit et elles chassent les gens de leurs terres, tout comme on a chassé les Écossais des Highlands voilà des centaines d'années. Cette politique a permis de fournir de la main-d'oeuvre à bon marché dans les zones de maquiladora, et on revend les produits dans les mêmes zones.

La plupart de ces entreprises ne cherchent pas à fabriquer des produits ou des services qu'elles pourront revendre en Papouasie-Nouvelle-Guinée, dans la Sierra Leone ou en Bolivie. Les gens là-bas n'ont pas d'argent; ils n'ont aucun pouvoir d'achat. Chacune de ces sociétés essaie de vendre ses produits dans les marchés occidentaux, dont nous faisons partie. Et nous avons bel et bien le droit de leur dire que, si elles veulent accéder à nos marchés, elles doivent se plier à certaines conditions, parmi lesquelles se trouvent la justice, les droits de la personne et la responsabilité environnementale.

Mme Colleen Beaumier: Cependant, si nous prenions vraiment cette question au sérieux, achèterions-nous au Canada des raisins de la Californie? Des fruits et des produits qui sont ramassés par une main-d'oeuvre qui ne jouit d'aucune norme en matière de salaire minimum, d'aucune norme de travail, et qui pour la grande majorité n'a même pas un statut qui peut les protéger? Si nous étions vraiment sérieux, est-ce que nous achèterions ces produits au Canada?

M. Jef Keighley: Je n'ai jamais entendu dire que Safeway a consulté tel et tel consommateur sur la provenance des raisins qu'elle vend et les conditions de culture. Ces supermarchés les mettent sur les tablettes, et vous avez le choix de les acheter ou non. On ne consulte pas tellement les consommateurs dans le commerce au détail.

Mme Colleen Beaumier: Le consommateur a bel et bien un choix, mais nous les achetons quand même.

M. Jef Keighley: Oui, le consommateur a un choix, mais il est extrêmement rare qu'un magasin indique clairement la provenance des produits. Et si vous êtes un Canadien sans emploi, qui se trouve à l'extrémité inférieure de l'échelle des salaires, parce que notre niveau de vie a été amoindri dans le processus, et que vous devez prendre soin de vos enfants, vous allez vous mordre la langue et vous dire que vous aimeriez bien être en mesure d'acheter canadien, mais qu'il faut aussi acheter des chemises pour les enfants et que, dans votre situation actuelle, vous n'avez pas le choix d'acheter les produits les moins chers. C'est la nature humaine.

Mais cela ne signifie pas que nous ne puissions pas élever le pouvoir d'achat de ces Canadiens, pour leur donner le pouvoir d'acheter des produits qui ont été produits dans des conditions plus équitables. Ce ne sont pas des exemples isolés. Vous ne pouvez pas simplement dire que la pauvreté au Canada n'a rien à voir avec la pauvreté dans le tiers-monde.

• 1420

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

J'aimerais poursuivre sur la question que Mme Beaumier a soulevée au sujet des sanctions publiques. Le recours aux sanctions me préoccupe. Je comprends l'exemple de l'Afrique du Sud. Je suis d'accord avec ma collègue quand elle dit que ces sanctions ont coïncidé avec une période où le reste du monde était avait plus qu'assez.

Les sanctions constituent l'un des mécanismes que vous avez proposés pour régler des difficultés importantes. Pour ma part, tout comme vous, j'estime que le commerce devrait permettre de favoriser la pérennité, non une fin en soi. Voilà mon point de départ. Mais en ce qui a trait aux sanctions, les Américains—et une fois encore, je parle de l'éléphant blanc—menacent sans cesse de représailles quiconque ne fait pas selon leurs voeux, et ils ont des moyens...

M. Jef Keighley: Et ils exercent effectivement des représailles.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Dans les cas où ils menacent de faire des représailles, comme ce qui est arrivé pour le litige entourant les magazines, la menace est réelle—qu'elle soit légale ou non dans le cas des magazines. En ce qui a trait à leurs sanctions commerciales, le code commercial américain—le code 312 ou 302 je crois—a été soulevé à l'OMC et il va aussi à l'encontre de ses règles.

Pourquoi ces sanctions auraient-elles de meilleurs résultats que les sanctions commerciales imposées par les Américains? N'existe-t-il pas de meilleurs moyens que les sanctions? Cela me rappelle ce que vous avez dit à propos de l'éléphant blanc. Comment pourrons-nous jamais amener les Américains à acquiescer à quelque chose comme ça? N'est-il pas important que nos négociateurs, quand ils se rendent à la table de négociations, n'oublient jamais la force d'impact des Américains? Peu importe la primauté du droit ou les règles en place, cette façon de voir est à la base du conflit à l'intérieur de l'OMC.

M. Jef Keighley: La dernière partie de vos propos est absolument exacte: rien ne pourra forcer les États-Unis à faire ce qu'ils ne veulent pas faire, ce «ils» représentant en grande partie la communauté des affaires américaine. Aux États-Unis, les affaires sont les affaires. C'est ce qu'ils vont faire. Or, il faut se poser la question suivante: faut-il nous soumettre en bloc à la charge des Américains, et accepter de nous faire attacher les mains dans le dos par l'impositions de règles supplémentaires?

La réalité est que nous n'avons pas le droit de dire aux États-Unis qu'ils ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent à l'intérieur de leur territoire. Néanmoins, en notre qualité de nation souveraine, nous avons le droit de prendre des décisions et de prendre les mesures nécessaires pour régir les affaires intérieures sur notre territoire. Nous ne sommes pas de pauvres bêtes qui doivent plier l'échine sous la charge des États-Unis, dans tous les domaines, et attendre de se faire attacher les mains derrière le dos par des restrictions qui nous empêchent de voir aux meilleurs intérêts de notre population.

Notre population est très intelligente. Les gens parlent de l'exode des cerveaux avec trop d'emphase peut-être, mais c'est un phénomène réel. On ne recrute pas des Canadiens parce qu'ils sont stupides. Ces Canadiens ne vont pas aux États-Unis remplir des postes assez intéressants parce qu'ils sont absolument ineptes. Notre système d'éducation a permis de produire l'une des populations les plus intelligentes, les plus compétentes du monde. Mais nous produisons aussi des règlements à l'intérieur de notre propre société qui nous empêchent de tirer profit de nos propres avantages. Quand nous avons un avantage réel, nous nous empressons de dire: «Venez, profitez-en les gars, prenez tout ce que vous voulez et laissez-nous les miettes.» C'est vraiment stupide. Quand les gens me parlent de tels phénomènes, je réponds que des experts sont sûrement en cause; l'humain moyen n'aurait pas pu faire un tel gâchis.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): J'aimerais poser aux trois témoins une autre question sur un sujet qui a été soulevé aujourd'hui, soit l'adhésion de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce.

Un économiste de la Fondation Asie-Pacifique du Canada nous a exhortés à soutenir une adhésion aussi rapide que possible de la Chine à l'OMC. Quand je lui ai demandé quelles conditions il fallait poser en ce qui a trait à ce qui est le plus cher à la plupart des Canadiens—l'environnement, les normes du travail, les politiques sociales—il ne semblait en voir aucune parce que d'autres pays... J'aimerais que vous commentiez cette adhésion de la Chine à l'OMC et que vous me disiez quelles seraient les conditions, s'il en existe, qu'il faudrait imposer à cette adhésion, et quel est le rôle du Canada à cet égard.

• 1425

M. Jef Keighley: La Chine est un énorme pays, très populeux, qui prendra sûrement sa place à un point quelconque dans l'avenir. Mais pour permettre à la Chine d'accéder au marché canadien, il faudrait lui imposer les mêmes conditions que nous vous demandons d'imposer à tous ceux qui veulent accéder au marché canadien: des conditions de travail justes, la responsabilité envers l'environnement, et toutes ces choses. La Chine est très loin de satisfaire à ces conditions actuellement. Elle y arrivera un jour. Son marché interne est énorme. Beaucoup de pays et de gens essaient d'y pénétrer mais, bien entendu, c'est toujours le même problème du pouvoir d'achat qui est en jeu. La Chine a fait des avancées spectaculaires, mais elle n'est pas encore arrivée au point où on pourrait établir des conditions d'échange équitables.

On y trouve des cohortes de citoyens qui travaillent dans les usines de fabrication dans des conditions que l'on pourrait qualifier d'esclavage si ce n'était du fait que le gouvernement chinois ne veut pas les classifier comme telles. En fait, énormément de Chinois travaillent dans des conditions qui sont tellement proches de l'esclavage que la seule différence est qu'ils ne sont pas prêts à accepter qu'on leur appose cette étiquette. Mais les conditions de travail ne sont certes pas équitables. Les problèmes environnementaux sont absolument gigantesques. On s'étonnerait du contraire, étant donné ce que ce pays a traversé. Les Chinois ont fait beaucoup de chemin depuis que je suis en vie, mais je suis sûr qu'ils feront encore mieux durant une autre vie. Mais ils n'en sont pas là encore.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Et que devrait donc être notre position, et le rôle du Canada, dans ce dossier?

M. Jef Keighley: Les conditions que nous croyons applicables à tous ne le sont pas moins pour la Chine. Une fois encore, nous ne parlons pas de qualité totale. Il faut laisser place à l'équité. Quand je parle de l'importance d'imposer des sanctions punitives, je ne parle pas d'imposer des sanctions ou un tarif à quelqu'un qui s'est emparé de 2 ou 3 p. 100 du marché. Il faut être réaliste. Il faut faire preuve de jugement.

Quand vous dites à un pays que vous vous attendez à ce qu'il fasse ceci et cela, vous ne vous attendez pas à ce qu'il le fasse en juin si vous le leur avez dit en avril. Mais vous souhaitez vraiment et vous vous attendez raisonnablement à ce que le pays en question ait établi un échéancier pour atteindre cet objectif et des buts mesurables qui lui permettront de mesurer les progrès. Si ces conditions sont satisfaites, c'est très bien. Si elles ne le sont pas, alors vous pouvez imposer une pénalité. Vous lui faites simplement savoir par ce moyen que vous respectez son choix de n'avoir rien fait pour progresser, mais que le Canada n'a pas l'obligation absolue de lui donner accès à son marché. On ne leur dit pas venez et servez-vous, c'est gratuit. Les sociétés internationales ont l'impression que tous les pays devraient être à leur disposition pour qu'elles empochent tout ce qu'elles veulent. Nous n'approuvons pas cette façon de voir les choses.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Keighley.

Je sais, monsieur Sauvageau, que vous aviez une autre question, mais nous avons déjà dépassé les temps impartis et dix autres personnes doivent venir témoigner.

M. Benoît Sauvageau: C'est une question qui concerne l'avenir.

[Français]

Monsieur Jef, je ne vous demande pas de me répondre tout de suite, mais pourriez-vous nous envoyer sur papier votre point de vue sur la consultation et nous dire les conditions à remplir pour qu'elle soit efficace, afin que nous ne nous vantions pas d'avoir consulté en fonction d'une définition de la consultation qui ne serait pas la vôtre?

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je crois que c'est une très bonne question. Très rapidement, monsieur McLean—c'est une question qui nous donne un prétexte pour vous faire revenir. Et juste avant de vous laisser répondre, j'aimerais rappeler l'un des éléments sur lesquels j'ai insisté auprès du comité depuis que nous sommes allés dans l'est et que nous avons entrepris ces consultations dans l'ouest: c'est le début seulement du processus de consultation. C'est loin d'être la fin. Nous avons commencé à créer une relation qui, j'espère, perdurera. Quand vos membres soulèvent des questions importantes à leurs yeux ou si vous avez des réponses aux questions que vous entendez aujourd'hui, je vous demande de les soumettre à notre greffière pour qu'on puisse les intégrer dans notre rapport. Nous pourrons en bénéficier, parce qu'il est impossible de discuter tous les aspects en cinq, dix ou quinze minutes.

Très rapidement, monsieur McLean.

M. Duncan McLean: Oui, je comprends. En fait, je voulais revenir à la question que vous m'avez posée, ainsi qu'à mon collègue, sur la question de la Chine. Et il est sûr que nos commentaires sur ces consultations ne visent aucunement à sabrer dans les efforts du comité et dans vos propres efforts. Nous disons simplement qu'il faut redoubler d'effort.

En ce qui a trait, très rapidement, à la Chine, j'hésite à parler, en ma qualité du gars ordinaire en T-shirt, de ce que votre comité devrait recommander au Canada sur cette question de l'adhésion de la Chine à l'OMC.

• 1430

En plus des difficultés que Jef a mentionnées, d'autres sont liées à mon avis aux préoccupations des Canadiens. Si nous étions en Chine, je m'inquiéterais du fait que l'on demanderait des choses à mon pays qui n'iraient peut-être pas dans l'intérêt du Chinois ordinaire; je parle des questions afférentes au protocole de commerce mondial, d'exigences qui ressemblent à celles que le Fonds monétaire international impose aux pays en voie de développement et dont nous n'avons pas vraiment discuté aujourd'hui. Nous avons vu ce qui est arrivé en Corée du Sud, je crois—on en a parlé aux nouvelles l'autre soir; on voyait des masses de gens dans les rues. Ils contestaient contre les conditions et les épreuves qu'impose à leur pays le Fonds monétaire international.

Nous voulons nous assurer que les nations souveraines du monde ont le droit de protéger ce qui touche au domaine social, comme nous l'avons fait au Canada pour ce qui est de l'assurance-maladie, de l'assurance-emploi, aux redevances d'exploitation par volume pour protéger nos forêts, etc. Je crois que la façon dont ces questions sont traitées à l'Organisation mondiale du commerce pose un problème de taille pour tous les gens ordinaires de la planète.

J'espère que ces consultations seront étendues et qu'on nous permettra de nous engager plus avant, avant que les Canadiens ne découvrent ce qu'ils ont perdu.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur McLean.

M. Duncan McLean: Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Au nom du comité et de mes collègues, je vous remercie beaucoup de votre présence ici aujourd'hui. Je suis désolée des délais limités, mais je vous invite à nous soumettre par écrit tout commentaire supplémentaire. Peut-être pourrez-vous répondre à la question posée par M. Sauvageau, qui nous demandait ce qu'était un processus consultatif complet, de sorte que nous puissions aussi y participer et assurer sa mise en oeuvre réelle. Merci encore de votre participation.

M. Jef Keighley: Merci.

M. Bob Speller: À titre d'information, monsieur McLean, quand j'enlève mon complet et ma cravate, je porte aussi des T-shirts et des jeans.

Des voix: Oh, oh!

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

M. Gary Worth: Ce processus consultatif a été plus long que je ne le croyais. J'ai une rencontre à 14 h et je suis déjà en retard d'une demi-heure.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Allez-y. Merci beaucoup.

J'aimerais demander au prochain groupe de témoins de s'avancer et d'apporter leur étiquette de nom: Herb Barbolet, Soonoo Engineer, Beryl Mottershead, Dorothy Goresky, Noel Armstrong, Murray Dobbin, Hugh Dempster, Lydia Sale et Doris MacNab. Veuillez prendre place.

• 1435

Bon après-midi, mesdames et messieurs. Bienvenue aux délibérations du Comité permanent des Affaires étrangères et du Commerce international sur l'OMC et sur la ZLEA.

Nous disposons de 75 minutes pour entendre vos présentations. J'aimerais vous faire une proposition. Je sais que l'on vous a déjà avisés que chaque groupe pouvait faire une présentation de dix minutes. Si vous pouviez raccourcir cette allocution ou faire le sommaire de vos principales recommandations, cela nous donnerait l'occasion de poser des questions. C'est libre à vous. Il ne restera pas assez de temps pour une période de questions si chacun de vous décide de parler pendant dix minutes. Je vous donne donc ce choix.

Le temps file et vous êtes très nombreux à vouloir témoigner, et nous tenons à donner à chacun l'occasion de le faire. Si vous choisissez de parler pendant dix minutes, je vous donnerai un signal une minute avant la fin et, malheureusement, je devrai vous interrompre. Je ne veux pas être impolie, mais beaucoup de gens ont demandé à nous parler, et je veux être aussi juste que possible pour chaque personne ici. Je vous alloue dix minutes au maximum. Si vous choisissez de raccourcir votre présentation et s'il reste du temps, nous pourrons avoir une période de questions.

Premièrement et principalement, au nom du comité, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue et vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous offrir vos commentaires. Si je prononce mal votre nom, veuillez me le faire savoir, parce que je n'aime pas pour ma part que l'on prononce mal mon nom.

Monsieur Herb Barbolet, nous allons commencer avec vous. M. Barbolet est directeur exécutif de la FarmFolk/CityFolk Society.

M. Herb Barbolet (témoignage à titre personnel): Merci, madame la présidente.

Après des jours et des heures interminables de témoignages, peut-être mon allocution vous donnera-t-elle une injection d'adrénaline. Si ma présentation était plus longue, je pourrais être plus modéré et élaborer sur mes remarques. Mais étant donné ce court délai—j'espère que je réussirai à prendre moins de dix minutes—voici ce que je souhaite vous dire.

La FarmFolk/CityFolk Society s'intéresse particulièrement à la démocratie alimentaire—c'est-à-dire la sécurité alimentaire et la promulgation de politiques visant l'exécution de la résolution des Nations Unies qui fait de l'accès à la nourriture un droit humain de base, et de l'agriculture durable un moyen de fournir de la nourriture.

La question à l'ordre du jour est l'Organisation mondiale du commerce et le soi-disant libre-échange. Quel est le résultat de la libéralisation des échanges? Certains diront que les pays plus petits et plus faibles bénéficient de l'établissement de règles commerciales et d'accords internationaux. C'était certainement vrai quand les accords passés étaient bilatéraux et axés sur les marchandises, et quand des blocs commerciaux plus petits jouissaient d'une certaine protection. La croissance de la taille et de la puissance des sociétés et des blocs commerciaux a mis ces dispositifs de protection en grand danger.

Le nombre de joueurs importants dans la production et la distribution des aliments diminue de façon constante et impressionnante, et la taille, la puissance et la concentration des sociétés et des blocs commerciaux augmentent de façon proportionnelle. L'avancée des poids lourds, qui se résumeront bientôt à deux ou trois blocs commerciaux, est certainement un signal de désastre. La dévastation dépasse de loin les quelques bénéfices possibles.

Le Canada a été une victime de cette situation, car les subventions à l'exportation dans le secteur de l'agriculture et de l'alimentation ainsi que les règles anti-dumping à notre avantage sont souvent contestées ou non respectées. Ainsi, il faudra mettre en place des dispositions d'exécution plus sévères, ce qui n'est probablement pas possible sur le plan politique, sans quoi le Canada devra chercher à atteindre une plus grande autosuffisance alimentaire. Cette nécessité d'autosuffisance alimentaire résulte d'accords commerciaux qui ont permis une telle concentration des sociétés alimentaires que les Canadiens sont de plus en plus à la merci d'énormes mégasociétés.

La situation désespérée des fermiers et des semences, l'unité fondamentale avec laquelle les fermiers travaillent, constitue un exemple éloquent des conséquences du libre—échange. Les sociétés pétrochimiques et pharmaceutiques transnationales détiennent dorénavant les principales compagnies de semences dans le monde, et arrachent littéralement les semences des mains des fermiers. L'OMC et l'accord de libre-échange ont consacré la protection des brevets à vie octroyés par le Bureau des brevets des États-Unis.

Les gouvernements nationaux pourront utiliser des lois sur la propriété intellectuelle pour empêcher les fermiers de sauvegarder et d'échanger des semences, une coutume vieille de 12 000 ans, s'ils ne changent pas d'idée lors des négociations cruciales qui auront lieu à Rome. Ces négociations, auxquelles 161 pays participeront, porteront sur les nouvelles règles entourant les semences vivrières et les droits des fermiers devant la Commission des ressources génétiques pour l'alimentation et l'agriculture de la FAO. Si le texte proposé est adopté, il pourrait être utilisé pour entériner la primauté des lois concernant les brevets sur les droits des fermiers. Les négociateurs des gouvernements à la FAO sont en train de troquer les droits humains et la sécurité alimentaire de 1,4 milliard de citoyens ruraux au profit des intérêts monopolistiques des agro-industries. Si cette initiative échoue à Rome, elle sera sûrement présentée de nouveau à Seattle.

• 1440

Les oligarchies gigantesques ne sont pas les seules domaines de concentration et de pouvoir. Si voilà quinze ans les milliardaires n'existaient pas, il sont dorénavant—vous le savez sûrement—quelque 247 milliardaires qui contrôlent les actifs de la moitié de la population mondiale. En termes très crus, nous sommes-nous lancés dans cette partie de dés qu'est la mondialisation pour couronner le premier humain obsédé et pathologiquement avide à devenir trillionnaire?

Les nombres effarants de faillites et de suicides parmi les fermiers des États-Unis et du Canada, sans compter le nombre épidémique de suicides parmi les fermiers de l'Inde, sont les signes d'un échec de la mondialisation. La concentration des sociétés tend une embuscade à l'atteinte des buts du libre-échange. Pour concurrencer avec succès les commerçants mondiaux à large échelle, un homogénéisation est nécessaire. Et en biologie, l'homogénéisation est synonyme d'un arrêt de mort. La diversité est le sel de la santé et de la vie. Les commerçants transnationaux, mondiaux sont un anathème sur le plan de la diversité.

Je vous implore, même si c'est tout ce que vous ferez quand vous participerez aux négociations de l'OMC à Seattle, de faire deux choses. Premièrement, protégez les programmes des «boîtes vertes», en assurant au moins qu'il y ait des «trous de souris», comme on les appelle, pour la production alimentaire et agricole à petite échelle. Les accords signés devront permettre au moins la liberté et la survie des marchés de créneaux, des producteurs biologiques, des programmes alimentaires dans les écoles, et autres activités du genre. Deuxièmement, ne permettez pas que l'on grève plus encore les droits de propriété intellectuelle et les investissements. Tâchez de préserver la liberté d'action des petites entreprises, innovatrices et créatrices. Reprenez votre responsabilité de chef de file. N'invoquez pas la litanie aberrante selon laquelle vous avez les mains liées parce que nous vivons tous dans une économie mondiale.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Barbolet.

Nous entendrons maintenant Mme Soonoo Engineer. Vous êtes la présidente de la Women's International League for Peace and Freedom.

Mme Soonoo Engineer (témoignage à titre personnel): Je m'adresse au comité au nom de la Women's International League for Peace and Freedom et en ma qualité de présidente de la section locale de la Conférence mondiale des religions pour la paix. Ces deux ONG ont un statut consultatif aux Nations Unies. Je crois que mon mémoire donne un bon aperçu de leurs points de vue sur la justice sociale.

Voilà 60 ans, le président Franklin D. Roosevelt nous avait mis en garde:

    La démocratie libre n'est pas en sécurité si les gens tolèrent la croissance des pouvoirs privés jusqu'au point où ils deviennent plus forts que l'État lui-même. Par essence, c'est du fascisme—quand un seul individu, un seul groupe ou un pouvoir privé a la mainmise sur le gouvernement, s'octroie le contrôle absolu.

C'est exactement ce qui s'est passé au cours des deux dernières décennies. Je vous ai remis une feuille où vous pouvez voir la croissance des activités prioritaires et la façon dont le Canada a légiféré en ce domaine.

En novembre 1999, l'Organisation mondiale du commerce tiendra sa troisième conférence ministérielle à Seattle; le but de la rencontre sera d'étendre la libéralisation des marchés et d'intégrer des domaines comme l'investissement, les politiques en matière de concurrence et les achats des gouvernements à l'intérieur de leurs territoires. L'Organisation mondiale du commerce n'est pas démocratique; elle n'est imputable envers aucune autorité et elle fonctionne dans le plus grand secret. Elle existe seulement pour le bénéfice des transnationales aux dépens des économies nationales, des travailleurs, de l'environnement, des gens en général. Si l'Organisation mondiale du commerce étend ses pouvoirs et sa portée, on pourra mettre un trait sur la démocratie. Les citoyens n'obtiendront pas des droits inaliénables garantis par une constitution: seules les sociétés transnationales gigantesques, les grandes banques et les sociétés financières auront cette prérogative.

• 1445

Il est très intéressant d'examiner la façon dont les sociétés sont devenues si puissantes et comment elles peuvent conserver ces pouvoirs malgré les changements de gouvernements. Quand les colons américains se battaient contre le pouvoir britannique, ils condamnaient une partie de la Compagnie de la baie d'Hudson et la compagnie des Indes orientales dans leurs pamphlets révolutionnaires, en affirmant que leurs pouvoirs pouvaient être utilisés «à des fins les plus tyranniques et les plus cruelles qui soient».

Après l'indépendance, le gouvernement américain a très sagement gardé la mainmise sur les pouvoirs des sociétés: «Aucune société ne pourra entreprendre des affaires qui ne sont pas expressément autorisées par cette charte.» Les gouvernements limitaient le capital et la propriété des sociétés, tenaient les actionnaires responsables des dettes de la société et des torts causés, et se réservaient le droit de révoquer leur charte. Tout a changé en 1886, quand la Cour suprême des États-Unis a octroyé des droits de personnes nationales aux personnes morales dans une interprétation perverse du 14e amendement. Par la suite, on a assisté à une accumulation accélérée de la richesse et de la puissance par un petit nombre, les requins de la finance.

L'économie axée sur le marché, sauvage et vierge de toute règle, a conduit au crash de 1929 et à la Dépression. Le gouvernement a tôt fait de réaliser que l'État devait absolument assurer le contrôle de toutes les activités économiques et qu'il était responsable de la stabilité. C'est ainsi qu'on a vu la naissance de l'État-providence et d'une économie plus juste et plus compatissante, d'un ordre social.

Après les années 50, le rôle considérable qu'on joué les lobbyistes et les alliances dans le processus législatif a contribué à l'augmentation de la puissance et de la richesse des sociétés et de l'élite commerciale. Ce phénomène a été exacerbé en 1976 par la décision complètement contraire à l'éthique de la Cour suprême des États-Unis, qui mettait sur le même pied les subventions aux partis politiques et le discours politique, en déclarant inconstitutionnelles les lois qui limitaient les contributions aux partis politiques.

Au cours des deux dernières décennies, depuis que les tendances néo-libérales ont été ramenées par les Thatcher, Reagan et Mulroney, les transnationales, les grandes banques et les intérêts financiers ont littéralement pris les gouvernements en otage, les forçant à adopter l'Accord de libre-échange et l'ALENA et à mettre sur pied l'Organisation mondiale du commerce. Avec l'aide de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, ils ont réussi à mettre le monde entier à la merci de leurs intérêts.

Les supertechnologies, qui permettent des transferts instantanés de capitaux partout sur la planète, de même que les spéculations mondiales sur les monnaies, qui atteignent des sommes faramineuses de 1,5 trillion de dollars par jour, ont largement été à l'origine de l'écroulement de l'économie en Asie du Sud-Est, en Russie et en Amérique latine. Cependant, les richissimes ont continué de s'enrichir.

Jamais depuis le Moyen Âge n'avait-on connu un tel clivage de la richesse. Les actifs de 200 des milliardaires les plus prospères représentent plus que ce que possèdent 45 p. 100 ou environ 3 milliards de personnes. Forbes estime que seulement 2 p. 100 des actifs des milliardaires les plus riches du monde pourraient permettre d'éradiquer la pauvreté absolue sur la planète.

Si 60 p. 100 des Américains ont subi des réductions de 20 p. 100 de leur salaire réel au cours des 20 dernières années, le nombre de milliardaires est passé de trois à 250. Les proportions sont similaires au Canada. En 1973, les Canadiens qui se situaient dans le premier décile sur le plan de la richesse avaient des revenus qui étaient 21 fois plus importants que les 10 p. 100 qui étaient à l'autre extrémité, les plus pauvres. En 1996, cette disparité avait augmenté à 314 fois.

Le chômage est plus important aujourd'hui, pour atteindre les 15 p. 100 si l'on tient compte des travailleurs découragés et de ceux qui ont des emplois sporadiques. Il y a plus de sans-abri, plus de gens qui ont faim et plus de pauvreté que jamais.

Lors de la Uruguay Round, voilà cinq ans, l'Organisation mondiale du commerce avait été vantée comme le moyen d'augmenter la création de la richesse mondiale et de promouvoir la prospérité de tous les citoyens des États membres. On cherche encore des signes de ces phénomènes. L'ALENA et l'Organisation mondiale du commerce ont pu s'infiltrer dans les économies nationales, ont érodé les pouvoirs des gouvernements à prendre des décisions bénéfiques pour leur population, leurs ressources et l'environnement, et ont augmenté la pauvreté sur toute la planète. Ceux qui en ont bénéficié sont les transnationales, les grandes banques, ainsi que les établissements économiques et sociaux.

• 1450

Si les ramifications de l'Organisation mondiale du commerce prennent encore plus de puissance, le Canada ne sera plus le Canada que nous connaissons et que nous aimons. Notre environnement, nos ressources seront entièrement à la merci des intérêts commerciaux et étrangers. Notre système d'éducation et nos services sociaux se détérioreront de façon spectaculaire et notre culture en souffrira. Idem pour les petites entreprises et les syndicats. Les riches et les exportateurs deviendront s'enrichiront de plus belle.

L'économie mondiale est sens dessus dessous. L'euphorie actuelle dans les marchés boursiers ne pourra pas durer. Le gouvernement devrait s'inspirer de la Grande Dépression des années 30 et revoir ses politiques économiques. George Soros, le milliardaire, dans son livre Crise du capitalisme mondial, affirme ceci: «Le fondamentalisme des marchés est une menace plus grande pour la société ouverte que toutes les idéologies totalitaires. Le fondamentalisme domine à ce point notre réflexion qu'il étouffe toute la circulation libre des idées qui est à la base de la société démocratique. L'auteur nous met en garde: «Les marchés sont par nature tellement instables qu'ils exigent un minimum de réglementation, sans laquelle ils courent inévitablement à l'autodestruction.»

J'exhorte le gouvernement à n'entreprendre aucune action qui favoriserait le développement de l'Organisation mondiale du commerce et la libéralisation accrue des échanges.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, madame Engineer.

Nous entendrons maintenant Dorothy Goresky et Noel Armstrong, porte-parole de la Unitarian Church of Vancouver.

Mme Dorothy Goresky (témoignage à titre personnel): Merci, madame la présidente. Les cinq minutes dont je dispose me permettront sûrement de vous remercier très rapidement pour la tenue de ces audiences.

Je vais faire une petite digression par rapport aux documents que je vous ai soumis. En effet, en écoutant les syndicalistes, je me suis aperçue qu'ils avaient parlé en long et en large de la Déclaration universelle des droits de la personne.

Il est important de rappeler comment, par le truchement des Nations Unies, les droits de la personne et les droits démocratiques ont été établis et comment ils sont actuellement érodés et détruits par les traités d'échanges internationaux. Je ne parlerai pas de la Déclaration des droits de la personne, mais je tiens à dire que les tentatives d'inclure ces dispositions dans les traités sur le commerce international ont été chaque fois sabordées par les États-Unis. Au lieu de cela, en 1948, on a créé le GATT pour ouvrir les marchés mondiaux aux sociétés transnationales. On n'a fait aucun effort pour enchâsser dans les traités commerciaux les principes énoncés dans la charte des Nations Unies. On a préféré y contrevenir.

En 1983, 35 années après la signature de cette déclaration, le Dr T. Lambo, directeur adjoint de l'Organisation mondiale de la santé à cette époque, avait tenu ces propos:

    [...] dans un monde où les réalisations scientifiques et technologiques gigantesques attirent notre admiration et notre acceptation presque obsessionnelles, nous sommes les témoins d'une dégradation intolérable de l'humain. Notre fierté d'appartenir à une génération qui, pour la première fois depuis la genèse, a mis les pieds sur une autre planète, ne pourra camoufler l'affreuse vérité qui nous saute au visage: il est peut-être plus facile de se rendre sur la lune que d'éradiquer de la surface de la terre l'image de la pauvreté et de l'exploitation humaines, l'injustice et la dégradation du bien-être de l'humain.

Quinze ans plus tard, ces propos sont plus percutants que jamais.

J'accuse les traités commerciaux internationaux d'avoir, du fait de leurs efforts pour enrichir une petite partie de la population de la planète, causé en grande partie la dégradation humaine qui a atteint des proportions endémiques. Il faut ajouter à cela l'exploitation et la dégradation de notre environnement et de nos ressources, dont toute la vie sur cette planète dépend.

• 1455

La deuxième charte que je voulais évoquer est la Charte des droits et devoirs économiques des États. Je ne sais pas si quelqu'un a mentionné cette charte avant. Elle stipule que les nations membres ont le droit inaliénable de réglementer et d'exercer leur autorité sur les investissements étrangers, et qu'aucun État ne peut être forcé à octroyer un traitement préférentiel aux investisseurs étrangers.

La charte donne aux nations le droit de réglementer et de contrôler les activités des sociétés transnationales dans l'intérêt de la nation, y compris les exigences de rendement. Elle stipule que les sociétés transnationales ne doivent pas intervenir dans les affaires internes d'un État hôte. La charte permet aux États membres de nationaliser, d'exproprier ou de transférer la propriété des intérêts étrangers.

Tous ceux d'entre vous qui ont lu l'AMI se sont rendu compte que toutes ces aspects auraient été abrogés s'il avait été adopté, et qu'elles ont été abrogées de toutes façons par d'autres traités nationaux.

Cent vingt pays ont voté en faveur de cette charte. Six autres ont voté contre, y compris le Royaume-Uni et les États-Unis. Dix pays se sont abstenus, dont le Canada.

Les conditions de cette charte visaient très précisément à protéger la souveraineté des pays en ce qui a trait aux intérêts de leurs citoyens et d'empêcher les investissements étrangers d'avoir des effets délétères sur ces intérêts.

Les personnes qui ont rédigé les diverses chartes de l'ONU ont clairement reconnu que le bien-être des citoyens d'un pays était fonction non seulement de l'économie de ce pays, mais qu'il était inextricablement lié aux lois dans les domaines social, culturel, de l'éducation et du travail.

Les Canadiens, et d'autres peuples du monde, savent que les concepts enchâssés dans les documents des Nations Unies et dans les notes annexées à d'autres documents sont ceux que nous luttons tous pour faire exécuter. Nous voulons par ces actions mettre fin au désastre écologique et humain qui nous frappe, et faire changer les choses.

L'Organisation mondiale du commerce et la Zone de libre-échange des Amériques ne s'inspirent pas des mêmes principes.

L'un des éléments qui me renversent complètement est le fait que ces mêmes sociétés qui recherchent des bonnes occasions d'investissement dans des contextes sûrs et stables n'ont pas encore vu que leurs politiques sont au coeur même de l'instabilité perpétuelle et de la destruction inéluctable des éléments dont dépendent justement leurs entreprises—les ressources et les gens. Je ne comprends toujours pas pourquoi elles n'ont pas encore compris cela.

Je crois que nous ne pouvons pas nous soustraire à la responsabilité qui nous incombe de faire changer les choses, pour la seule raison que les autres pays ne le font pas. Je crois que le Canada peut prendre les choses en mains et que, à notre grande surprise, les autres pays suivront. Si cette Charte des droits, des devoirs et des responsabilités des États était examinée de près et respectée d'une façon ou d'une autre, les traités commerciaux ne seraient pas négociés dans les lieux où ils le sont actuellement.

Par conséquent, je suggère au comité qu'aucune action relative à des négociations de traités commerciaux ne devrait être entreprise tant que les principes tels que ceux dont nous avons parlés ne sont pas considérés et intégrés. Et quand ces principes seront élaborés, nous, les citoyens, attendrons une invitation à participer aux travaux, pas à titre symbolique, mais forts de pouvoirs égaux à ceux des parties qui signent et qui mettent en oeuvre les traités.

Finalement, tant et aussi longtemps qu'on ne verra pas un changement qui placera les droits des habitants et de notre planète au-dessus des droits des sociétés multinationales, des organismes comme le nôtre reviendront au front. Vous ne vous débarrasserez pas si facilement de nous.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Monsieur Armstrong.

M. Noel Armstrong (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup d'être venus ici. Je suis étonné: vous restez assis à écouter, à écouter et à écouter encore, et la plupart d'entre vous avez encore un air affable et le regard brillant.

M. Werner Schmidt: C'est parce que nous écoutons. Si nous n'écoutions pas, nous n'aurions pas l'air si brillant et enjoué.

M. Noel Armstrong: Bien, j'ai 20 copies de ce document. J'espère que vous en avez tous reçu une.

J'ai lu récemment un ouvrage intitulé Notre empreinte de pas écologique, écrit par des professeurs de la UBC, Wackernagle et Rees—voici le livre—un ouvrage des plus éclairants. Ce livre a été envoyé à tous les membres du Cabinet, à tous les députés de l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique et à tous les députés de la Colombie-Britannique. C'était il y a un an environ. J'en ai pris connaissance voilà quelques mois seulement.

Ce livre démontre comment les terrains sont nécessaires à la survie des Canadiens et des autres. Plutôt que d'utiliser les modèles économiques traditionnels du dollar, des cents, des taux d'intérêt, de la dette et autres éléments comme guides de nos économies, les auteurs fondent leur modèle sur l'utilisation des hectares de terrain.

• 1500

Selon cette méthode, le Canada—c'est-à-dire vous et moi dans cette salle—utilise 4,3 hectares de terrains per capita pour maintenir son niveau de vie. Les États-Unis ont le plus haut taux du monde: ils utilisent 5,1 hectares de terrain pour satisfaire à leur niveau de vie. Les Britanniques en utilisent moins, soit 3 hectares. L'Inde utilise seulement 0,4 hectare. La moyenne mondiale est de 1,8 hectare.

Les États-Unis et la Grande-Bretagne, comme c'est le cas dans la plupart des pays industrialisés, ont un déficit foncier. C'est-à-dire qu'ils ne disposent pas d'une superficie de terrains suffisante pour maintenir leur niveau de vie. Les États-Unis ont un déficit de 80 p. 100, celui de la Grande-Bretagne s'élève à 760 p. 100 et les Pays-Bas, l'un des pires à ce chapitre, a enregistré un manque à gagner de 1 400 p. 100.

Pour combler les écarts et maintenir des niveaux de vie élevés, comme c'est le cas ici, ces pays, la plupart membres de l'OCDE, doivent faire des importations. Ainsi, chaque fois que nous mangeons une banane ou que nous buvons du thé ou du café, nous utilisons les terres d'autres personnes. Nous faisons un emprunt. Je ne crois pas que nous pourrons continuer à emprunter ou à utiliser les terres d'autres pays ad vitam aeternam. Mais il semble que ces emprunts ne cessent de croître.

La méthode des pays du CNC pour extraire des matériaux ou de la nourriture à leur bénéfice n'est pas viable à long terme. Comme exemple d'une mauvaise utilisation des terres, citons les forêts que l'on brûle au Brésil et au Sumatra pour cultiver des bovins et extraire des huiles végétales. Vous vous souvenez peut-être des nuages cauchemardesques de fumée qui surplombaient le Sumatra l'été dernier? Ils étaient si denses que les avions ne pouvaient pas atterrir.

Au Canada, nous faisons du torchage, une activité qui entache quelque peu notre réputation d'innocence. On fait du torchage en Alberta, des coupes à blanc en Colombie-Britannique et de la pêche au filet traînant dans les mers au large de la Colombie-Britannique et des Maritimes. Toutes ces activités destructrices visent uniquement l'expansion commerciale. Bien entendu, tous ces échanges commerciaux contribuent à augmenter le niveau de vie des pays membres de l'OCDE, mais ils imposent des pressions incommensurables sur les terres et nous amènent à dépasser largement la capacité d'utilisation de la planète.

Pour maintenir le même niveau de vie partout dans le monde, il nous faudrait trois planètes, pas juste une. Je me fonde sur notre niveau de vie canadien.

Les analyses financières démontrent une accumulation de la richesse financière issue du commerce, mais nous disent très peu en ce qui a trait à la circulation réelle de l'argent sur la planète. Notre empreinte de pas écologique montre comment nous, les citoyens de l'Europe, des États-Unis, du Canada, du Japon et d'autres pays riches, sommes devenus de plus en plus dépendants des importations. Nous obtenons les produits d'importation à bon marché et nous vendons nos produits fabriqués à des coûts élevés. Combien de temps cela peut-il durer encore? Nous devons combler l'ornière tracée au Canada et dans d'autres pays en vivant avec moins, en abaissant le taux de natalité, etc. Nous devrons travailler très fort, sur plusieurs fronts simultanés.

La durabilité est la clé de notre survie, et elle est très difficile à vendre. Pour ma part, je vis très bien actuellement. Je joue au golf à quelques reprises toutes les semaines, etc., mais je me demande souvent combien de temps cela va-t-il durer. Le fait de réduire combler ces ornières n'est pas nécessairement synonyme d'une qualité de vie moindre. Par exemple, au Kerala, un petit État du sud de l'Inde, de la taille de l'île de Vancouver environ, le revenu per capita est de 1 $ par jour; l'espérance de vie, le taux de mortalité infantile et le taux d'alphabétisation sont similaires à ceux des pays de l'OCDE. Les habitants sont en bonne santé, ils obtiennent des bons soins de santé et fréquentent de bonnes écoles, et ils vivent dans un système démocratique, où la population est stable. Leur niveau de vie semble être fondé plutôt sur le capital social que sur le capital de fabrication. Nous aurions beaucoup à apprendre du Kerala.

• 1505

L'augmentation des échanges peut nous permettre d'acquérir plus de choses et plus de machins, mais pas nécessairement le bonheur. Je dis à mes petits-enfants: «Écoutez, si vous avez un cornet de crème glacée aujourd'hui, ne voudrez-vous pas 10 $ demain?», etc.

Ce livre m'a énormément éclairé. J'aimerais beaucoup vous en remettre un à chacun, mais je n'ai ni le temps ni l'argent. Merci beaucoup de m'avoir écouté.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Armstrong, d'être venu témoigner.

Je vous informe que, pendant que nous siégeons à Vancouver, l'autre moitié du comité se trouve à Winnipeg. Entre autres, cette partie du comité entendra l'Institut international du développement durable, qui présentera un document abordant les points dont vous avez parlés.

M. Noel Armstrong: C'est très bien. Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je voulais juste vous le faire savoir. Merci.

Nous entendrons maintenant M. Murray Dobbin, membre du Conseil des Canadiens.

M. Murray Dobbin (membre du Conseil national, Conseil des Canadiens): Merci. J'aimerais apporter une petite correction: je ne suis pas seulement membre du conseil, je suis aussi membre du conseil national et du comité exécutif national du Conseil, ainsi que le porte-parole pour la Colombie-Britannique. Je suis donc ici au nom des 20 000 membres du Conseil qui viennent de la Colombie-Britannique et de ses 25 groupes d'action locaux.

Ces audiences parlementaires se déroulent dans un contexte politique, économique et social qui est le reflet de progrès innovateurs dans l'arène mondiale. La crise financière en Asie, qui s'est maintenant étendue à la Russie et qui menace l'Amérique latine, s'est soldée par le retrait des principaux promoteurs du commerce mondial et de la libéralisation de leur champ d'action.

L'AMI, un accord endossé par 29 pays de l'OCDE et par les plus puissantes sociétés transnationales du monde, a été rejeté en grande partie parce que le public s'y est opposé. On a informé les gouvernements, dans de nombreux cas, du caractère extrêmement négatif de cet accord. À un point tel en fait que la France et l'Australie se sont retirées, parce qu'elles estimaient que des éléments de l'AMI menaçaient la démocratie.

Malgré tout, les Canadiens estiment que leur gouvernement n'a rien appris de ces percées et qu'il reste déterminé à augmenter, et non à diminuer, l'engagement du gouvernement envers la libéralisation des échanges et des investissements, suivant ainsi le même scénario désastreux emprunté par l'AMI. Des jugements de l'Organisation mondiale du commerce ont ébranlé notre capacité souveraine à promouvoir notre propre culture, à protéger notre environnement et à soutenir des communautés, des investissements et la création d'emplois durables.

Si la libéralisation des échanges a sans contredit été bénéfique pour les riches et les puissants, elle a entaché la qualité de vie et les droits démocratiques de la plupart des Canadiens. Pour beaucoup plus de gens dans le monde, la mondialisation économique a eu des conséquences encore plus désastreuses.

Dans ce contexte, il est difficile de comprendre pourquoi notre gouvernement cherche à signer des douzaines de nouveaux accords sur les échanges et les investissements, y compris la ZLEA et l'expansion de l'Organisation mondiale du commerce. Pire encore, le gouvernement canadien semble favoriser l'expansion du mandat de l'OMC, qui permettra l'adoption de dispositions semblables à celles de l'AMI sur les investissements et les approvisionnements des gouvernements.

Nous profitons donc de l'occasion, en ce début des travaux, pour affirmer haut et fort notre position. Le gouvernement du Canada devrait cesser immédiatement toutes les discussions visant l'accroissement de la libéralisation des échanges et des investissements, et amorcer un réel dialogue avec les Canadiens en ce qui a trait aux conséquences de la mondialisation économique. Le gouvernement devrait tirer profit de la prochaine série de négociations du millénaire tenue par l'OMC pour amener les autres pays à faire un examen sérieux des conséquences réelles de la libéralisation des échanges et des investissements dans le monde. Plutôt que de chercher à étendre le modèle actuel, le Canada devrait insister pour qu'on fasse une évaluation exhaustive des incidences économiques, sociales, environnementales, culturelles et politiques de la mondialisation.

On nous a demandé de limiter nos commentaires aux domaines liés aux échanges commerciaux, ce qui sous-entend que la société civile charge le programme commercial de trop nombreuses questions non pertinentes. Pourtant, ce n'est pas la société civile qui a fait déborder le programme lié aux échanges commerciaux et qui a négocié des ententes qui empêchent le Canada d'avoir une industrie nationale des magazines, de bannir les substances dangereuses par des menaces de poursuites et de bannir l'exportation aquatique. La société civile n'est pas responsable non plus des définitions si larges des enjeux liés aux échanges et à l'investissement qu'elles englobent dorénavant la grande partie des domaines visés par les politiques gouvernementales.

Pour donner un exemple du degré d'infiltration des objectifs commerciaux dans toutes les sphères du gouvernement fédéral, je ferai référence au dossier exhaustif présenté récemment dans le Toronto Star sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments du Canada, qui avait fait l'objet de critiques sévères relativement au traitement de deux cas graves de contamination des aliments. Dans les deux cas, les fonctionnaires fédéraux, qui ont la responsabilité vitale d'assurer la sécurité de nos aliments, ont invoqué des impératifs commerciaux quand on leur a demandé pourquoi ils avaient attendu si longtemps pour agir, alors que leurs homologues ontariens et américains avaient pris des mesures promptes, par précaution. De façon assez incroyable, le gouvernement fédéral a conféré à un organisme d'inspection des aliments une responsabilité explicite qui ne se limite pas à l'inspection des aliments, mais qui s'étend aussi à la promotion des échanges commerciaux.

Le Conseil des Canadiens et d'autres ont lancé l'alarme sur les dangers de considérer des politiques larges dans une perspective commerciale, mais nous sommes constamment ignorés et nos mises en garde sont balayées sous le tapis.

• 1510

Pourtant, les travaux effectués par des ONG comme le nôtre est perçu d'une façon tout à fait différente dans le rapport sur l'AMI qu'ont soumis au gouvernement français la députée Catherine Lalumière et l'inspecteur du ministère des Finances, Jean-Pierre Landau, en septembre 1998; voici un extrait:

    Sur des questions très techniques, les représentants de la société civile semblent très bien informés et émettent des critiques dont le fondement légal est sans tache.

Lalumière et Landau souscrivent à la critique émanant de la société civile, selon laquelle l'intégration à l'AMI de dispositions autorisant les différends entre les investisseurs et l'État, inspirées de l'ALENA, «ouvrirait la voie à la création, par jurisprudence, d'une nouvelle loi internationale au seul bénéfice des sociétés étrangères» et permettrait aux tribunaux de prononcer des jugements rendant non avenus «toutes les lois et tous les règlements publics qui réduisent la valeur économique d'un investissement économique étranger».

Faisant fi de cet avertissement au sujet de la négociation des dispositions relatives aux différends entre les investisseurs et l'État, les hauts fonctionnaires du gouvernement fédéral ont péremptoirement assuré au comité que les dispositions de l'ALENA ne pouvaient être invoquées pour contester des lois légitimes du gouvernement. Ils ont ajouté que l'ALENA et l'AMI proposé ne rendraient pas les sociétés plus habiles à poursuivre les gouvernements que ne le font actuellement les lois canadiennes à l'endroit des sociétés. Les représentants du Canada à la table de négociations ont de plus affirmé avec insistance au président du comité qu'il n'y avait pas lieu de définir explicitement le sens d'expropriation. Comme la cause Ethyl l'a démontré par après, ces propos rassurants n'étaient pas fondé. Maintenant que la cause Ethyl n'est plus considérée comme étant une aberration, comme nous l'avions prédit, et que le Canada est l'objet d'une vague de poursuites découlant de l'ALENA, le gouvernement canadien tente tardivement d'obtenir l'amenuisement de la portée du chapitre 11 de l'accord.

En dépit de la prolifération des poursuites liées à l'ALENA, le ministre et les hauts fonctionnaires continuent d'encenser les mécanismes de règlement des différends et de leur efficacité dans le cas de l'ALENA. Ce sont les domaines de négociations à l'agenda des groupes de travail de la ZLEA et de l'OMC. Mais quelles garanties avons-nous que les gros bonnets du monde du commerce, dont certains avaient aussi participé aux négociations de l'ALENA et qui tiennent ces propos si rassurants, ne s'approprieront pas les mécanismes de règlement des différends similaires à ceux qui sont à l'origine des nombreuses poursuites en cours?

Le ministre du Commerce a affirmé qu'il était très satisfait du transfert des négociations sur les investissements, l'AMI, à l'OMC. D'un côté, on nous assure que les programmes de santé, culturels, de services sociaux et environnementaux du Canada seront protégés et de l'autre, on sait que tout à l'OMC est examiné avec la lorgnette de la libéralisation des échanges. Les documents de travail préparés par le personnel de l'OMC établissent que, si la libéralisation des échanges n'est pas compatible avec d'autres objectifs gouvernementaux, c'est l'objectif commercial qui a préséance.

Dans le document de travail de l'OMC Économie réglementée et disciplines multilatérales, on se demande ce qui arriverait si des gouvernements non protectionnistes ne pouvaient empêcher que des politiques nationales aient une incidence discriminatoire, fortuite ou accidentelle, sur les compétiteurs étrangers. Du point de vue de l'OMC, la solution réside dans la présomption en faveur de politiques efficientes sur le plan économique, et que toute modification devait être justifiée. Autrement dit, l'intimé est considéré coupable jusqu'à preuve du contraire. Cette idéologie, institutionnalisée au sein de l'OMC, a eu pour conséquence que toutes les mesures environnementales qui lui ont été proposées ont été étiquetées d'obstacles non équitables au commerce.

Le rapport Lalumière-Landau présenté au gouvernement français critique sévèrement le secrétariat de l'OCDE, qui n'a pas su porter les enjeux importants à l'attention des ministres, et qui a encore moins suscité les débats à cet égard... Le caractère secret des négociations est aussi dénoncé comme étant injustifié, qui empêche de prévoir et de résoudre les éléments difficultueux.

Jusqu'à maintenant, le témoignage des hauts fonctionnaires canadiens sur l'accord à venir souffre des mêmes vices. Pourquoi, par exemple, le comité et le ministre n'ont-ils pas présenté à l'OMC l'accord sur la foresterie que le Canada négocie actuellement avec les Américains? La version préliminaire de l'accord sur les produits de la forêt a été rédigé avec la contribution des grandes transnationales forestières américaines, et sans l'apport, d'aucune sorte, des organismes environnements et syndicaux. Selon Victor Menotti, directeur du programme environnemental sur la tribune internationale et la mondialisation, «si les pourparlers portent actuellement exclusivement sur les tarifs..., on devrait introduire les questions «non liées aux tarifs» lors des négociations, ce qui veux dire n'importe quoi, même les lois environnementales».

La Commission mondiale des forêts, dans un rapport récent, estime que les pressions vers la déforestation de la planète, qui émanent de la mondialisation, ont déjà entraîné un «déclin implacable. Nous pensons que le caractère même de la planète et des entreprises humaines pourraient changer en quelques années si nous ne faisons pas dès maintenant des choix.» Mais les choix que défend le Canada auprès de l'OMC dans ce nouvel accord sur l'industrie forestière n'annonce rien de moins qu'une déforestation mondiale accélérée.

Le Canada cède actuellement aux pressions de pays membres pour accepter l'accord sur l'approvisionnement de l'OMC, qui rendrait tous les gouvernements non centraux imputables. Éventuellement, tous les gouvernements provinciaux et municipaux, tous les hôpitaux et les toutes les commissions scolaires devront soumettre à l'OMC leurs directives en matière de soumissions et d'approvisionnement.

• 1515

Et pourtant aucune évaluation n'a encore été effectuée en ce qui a trait aux répercussions des pratiques existantes du gouvernement fédéral en matière d'approvisionnement qui ont été appliquées sur le plan national à l'égard des sociétés étrangères. La simple question de savoir si les entreprises canadiennes ont subi une perte nette ou un gain net en raison de cette décision n'a jamais fait l'objet d'un examen; elle n'a même pas été posée.

Il y a eu un échange intéressant à ce sujet lors d'une réunion de consultation du MAECI qui a eu lieu ici à Vancouver à la fin de janvier. Lorsqu'on lui a demandé si ce n'était pas une bonne idée de faire une sorte d'évaluation avant d'élargir l'accord sur l'approvisionnement à tous les niveaux de gouvernement au Canada, un fonctionnaire du ministère a répondu qu'il ne s'agissait pas d'analyser les résultats réels. Il s'agissait d'obtenir un plus grand accès aux marchés étrangers. En d'autres mots, cela semble être une politique du ministère que de ne pas tenir compte du mauvais côté de ces accords internationaux et de demander uniquement les renseignements qui vont aider à les faire accepter.

Au sujet de l'Accord général sur le commerce des services, on peut poser les mêmes questions à propos de la surveillance. Un membre de ce comité a fait remarquer au mois de juin 1998 que les fonctionnaires du domaine du commerce négociaient cet accord depuis 1995; or, ce n'est que l'année dernière que l'on a soumis pour la première fois des informations à des parlementaires. Le principe de l'AGCS, d'après un fonctionnaire canadien, est «le tout premier ensemble de règles multilatérales ayant force exécutoire qui couvre le commerce international des services, sans discrimination en faveur de fournisseurs nationaux». Or, puisque l'OMC inclut le secteur des soins de santé dans sa définition des services, comment peut-on préserver le caractère public du système de santé canadien? Et ce qui encore plus urgent, si le Canada commence à débattre de la santé comme d'un service marchand selon l'OMC, cela va alimenter les contestations faites par les Américains à l'endroit du système de santé canadien dans le cadre de l'ALENA.

Dans le rapport majoritaire rédigé par ce comité sur l'AMI, il y a une recommandation qui invite le gouvernement à entreprendre «une étude d'impact complète» et à «inclure une discussion sur les effets économiques, environnementaux, sociaux et culturels prévisibles de l'accord, et sur les obligations imposées par le libellé final des accords», à votre crédit. À tout le moins, ce comité pourrait demander que les ministères fédéraux responsables de ces secteurs soient habilités à entreprendre des études objectives et indépendantes des accords relatifs à la ZLEA et à l'OMC qui sont proposés. Idéalement, vous devriez recommander que ces évaluations soient rendues publiques dans leur intégralité, et que les ministres responsables rendent compte des résultats au Parlement. De cette façon, nous pourrions voir un véritable débat à la Chambres des communes, sur l'incidence, actuelle et potentielle, de la poursuite de la voie menant à la libéralisation des investissements commerciaux.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Dobbin.

Simplement afin de clarifier les choses pour le comité, à la page 3 de votre exposé, vous dites qu'on vous a dit de limiter votre contribution à la discussion de questions liées au commerce lors de ces audiences. Je peux vous assurer que le mandat de ce comité est beaucoup plus large, et que ce n'est pas du tout le cas. Nous accueillons tout commentaire, non seulement à ce stade-ci, mais également les commentaires ultérieurs. Ce n'est pas ce qui se passe dans le cas de ce comité, dans aucune des documentations que je connais et qui a été diffusée. Si c'est le cas, veuillez me le signaler, parce que je vais modifier cela immédiatement.

M. Murray Dobbin: Je m'excuse d'avoir laissé entendre que c'était une restriction de ce comité. Cependant, c'est ce que nous comprenons d'après les commentaires d'un grand nombre de politiciens et fonctionnaires du domaine du commerce au sujet des critiques qui émanent de la société civile. Je ne voulais pas laisser entendre que ce comité avait essayé de restreindre les témoignages.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): C'est la première fois, à vrai dire, dans l'histoire du Parlement, surtout à la lumière des négociations avec l'OMC, qui n'ont même pas encore commencé, que nous sollicitons la contribution et l'avis du grand public avant même que les négociations ne commencent. Il ne fait pas de doute que nous avons écouté l'avis de la société civile, et c'est pourquoi le gouvernement est ici aujourd'hui et va poursuivre le processus.

M. Bob Speller: C'est exact. Je peux m'exprimer également au nom de Sergio Marchi. II n'a jamais, d'aucune façon, laissé entendre de mettre des limites à ce que nous voulons connaître. Nous voulons entendre exactement ce que vous avez à dire, ce que les Canadiens et les Canadiennes des quatre coins du pays ont à dire à ce sujet.

M. Murray Dobbin: Il me fait plaisir d'entendre cela. Il me fait également plaisir d'entendre que ces audiences ne sont pas la fin du processus, parce qu'il me semble que d'authentiques consultations doivent se poursuivre. Ces consultations seraient inutiles si tout à coup tous les détails des négociations avec l'OMC étaient divulgués et si on cessait de consulter la société civile.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Dobbin, pour votre commentaire concernant le rapport du sous-comité sur l'AMI, car trois d'entre nous ont siégé en fait à ce comité—Il était présidé par M. Speller, et M. Sauvageau et moi-même avons contribué à cette recommandation et à ce processus.

M. Werner Schmidt: Un rappel au Règlement, madame la présidente. Allons-nous passer aux questions maintenant?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui. Merci beaucoup, monsieur Schmidt.

Monsieur Dempster, s'il vous plaît.

• 1520

M. Hugh Dempster (témoignage à titre personnel): Merci.

Avant de continuer, je voudrais mentionner que j'ai eu l'occasion de m'adresser à une version antérieure de ce comité au sujet d'une question très différente. Je sais qu'au fil des ans, ce comité a fait du bon travail, du travail qui en a impressionné plus d'un parmi nous ici. J'espère donc que vous allez continuer dans la même voie et réaliser des choses utiles.

Je suis ici à titre personnel, mais je suis aussi membre laïque de l'Église anglicane, et la raison pour laquelle je suis présent découle de ma participation à des discussions, au sein de l'Église, portant sur l'Accord multilatéral sur les investissements. L'Église anglicane a présenté en effet un exposé, l'automne passé, à l'audience sur l'AMI tenue par l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique. Ce que je vais dire ici ressemble beaucoup à ce qui a été dit à cette occasion.

Ni moi, ni l'Église ne prétendons connaître les subtilités du commerce et des investissements internationaux. Comme nous l'avons fait à l'époque, je vais faire référence ici à des principes généraux du comportement humain, si vous voulez, et à des principes d'éthique qui pourraient servir de points de repère pour l'élaboration de traités relatifs au commerce et aux investissements. C'est donc à ce niveau que je vais essayer d'aborder ce sujet.

Je choisis comme point de départ une idée qui est probablement familière à ce comité, c'est-à-dire la sécurité de la personne. Un élément clé de la récente campagne du Canada visant à obtenir un siège au Conseil de sécurité, qui a été couronnée de succès, était la promesse d'intégrer les questions relatives à la sécurité de la personne à l'ordre du jour international portant sur la paix et la sécurité. Cela veut dire que dans ce contexte, le Conseil semble se concentrer moins, ou en tout cas moins exclusivement, sur la sécurité des États-nations et davantage sur la sécurité des personnes. Il s'agit d'une idée dont de nombreux représentants du milieu pacifiste parlent depuis des années, et j'ai trouvé cela passionnant que de voir cette idée proposée comme rôle pour le Conseil de sécurité lui-même, et non seulement proposée mais apparemment acceptée, puisque le Canada a gagné l'élection au siège.

Maintenant, quelle est ma position concernant le commerce et les investissements internationaux? Pour moi, et je pense aussi pour d'autres, la sécurité des personnes signifie répondre aux vrais besoins des gens. Il est très clair que cela inclut, entre autres, quelque chose qui est probablement très prioritaire pour la plupart des gens, c'est-à-dire la sécurité financière et économique. En passant, je signale simplement que j'ai participé au Forum national sur le Canada et le Conseil de sécurité, qui a eu lieu à Vancouver il n'y a pas longtemps, et tous les trous sous-groupes que nous avions formés ont soulevé cette question dans le cadre de leurs conclusions.

S'il s'agit là de l'ordre du jour du Canada pour le Conseil de sécurité, ne devrait-il pas être aussi notre ordre du jour pour les négociations sur le commerce et les investissements internationaux? Je verrais cela comme un ordre du jour qui accorderait moins d'importance, ou de façon moins exclusive, à la sécurité des commerçants et des investisseurs, et qui accorderait une plus grande priorité à la sécurité des gens.

Les renseignements que j'ai reçus dans le cadre de l'introduction à ces audiences comprennent un certain nombre de questions qui préoccupent le comité, dont la suivante: De quelle façon l'OMC devrait-elle aborder ces questions liées à des objectifs importants orientés vers les valeurs? Parmi ces objectifs, j'ai énuméré la diversité culturelle, le développement environnemental et les questions sociales; et les droits du travail et d'autres droits de la personne. Je verrais toutes ces questions sous la rubrique de la sécurité de la personne, et c'est mon argument fondamental que ces questions devraient être les préoccupations principales dont il faut tenir compte dans l'élaboration des politiques sur le commerce et les investissements.

Dans une question supplémentaire, vous avez demandé comment les intérêts nationaux du Canada et les intérêts d'économies plus faibles et de petite taille pouvaient être protégés. Les intérêts nationaux du Canada, je présume, sont certainement les intérêts et le bien-être de la population du Canada. Mais je pense que le terme «sécurité de la personne» a une portée plus vaste. Il comprend également les intérêts et le bien-être des gens qui font partie d'économies plus faibles et de plus petite taille qui comptent parmi nos partenaires commerciaux. Le commerce est une activité qui comporte forcément deux partenaires, et tous deux devraient tirer avantage de cette activité. Lorsque ce n'est pas le cas, lorsque seulement un des deux partenaires profite de l'échange et que l'autre en souffre, il ne s'agit plus de commerce mais d'exploitation.

• 1525

Dix jours pour la justice dans le monde est un programme national d'éducation et d'actions partagé par les principales Églises du Canada. Au cours des deux dernières années, ce programme a mis l'accent sur le commerce équitable, et s'est penché en particulier sur les secteurs du café et de l'habillement. Trop souvent, avons-nous appris, les consommateurs appartenant aux pays riches bénéficient de produits peu coûteux tandis que les producteurs des pays pauvres sont aux prises avec de faibles salaires, des conditions de travail d'atelier de misère, l'instabilité d'emploi, et sans doute avec une longue liste d'autres difficultés. Pendant ce temps, les commerçants réalisent de jolis profits.

L'Organisation mondiale du commerce, si elle mérite ce nom, se doit d'être préoccupée au sujet de tels abus sur le plan du commerce international, qui vont assurément à l'encontre de la sécurité de la personne, du moins dans les pays producteurs. J'espère que le Canada travaillera au sein de l'OMC à l'élaboration de politiques et de règlements qui empêchent ce genre d'exploitation.

La réglementation est un sujet qui est devenu pour nous l'élément central des discussions portant sur l'AMI. Nous reconnaissons le souhait des entrepreneurs de voir le moins possible de réglementations gouvernementales dans le domaine du commerce international. Cela est compréhensible, parce que toute restriction peut limiter leur capacité de réaliser des profits. Il est certainement sensé d'avoir un certain degré d'uniformité et de stabilité en matière de réglementation, c'est-à-dire ce qu'on appelle souvent des règles du jeu équitables, mais si la sécurité de la personne est un objectif, les règles du jeu ne doivent pas être établies de manière à empêcher les gens de répondre à leurs besoins, où que ce soit. C'est certainement une responsabilité des gouvernements—-et je dirais leur responsabilité principale—-d'établir des réglementations qui assurent autant que possible la sécurité de la personne, dans leur propre pays, et partout ailleurs.

Je ne crois pas que j'aie à préciser le genre de question dont il faut tenir compte. D'autres en ont certainement déjà parlé. Les droits du domaine du travail, les conditions de vie, la protection de la santé, la sécurité sociale et la protection de l'environnement en font certainement partie. Étant donné que dans l'économie mondiale d'aujourd'hui, un entrepreneur à qui les réglementations en vigueur dans un pays donné ne conviennent pas peut facilement déménager ailleurs, il est important de maintenir des règles du jeu équitables, et donc une réglementation efficace du commerce, visant à protéger la sécurité de la personne avec au moins un certain degré d'uniformité internationale, doit être une préoccupation importante de l'Organisation mondiale du commerce.

Je voudrais passer par-dessus les commentaires portant sur deux autres questions précises, à savoir toute la question de la spéculation sur les devises, qui, récemment, a causé tout un chambardement dans le monde, ainsi que la nécessité de contrôler tout ça d'une certaine manière. Je constate que notre Parlement a approuvé l'idée d'une taxe Tobin. Espérons que cette idée peut être développée d'une façon ou d'une autre. Je ne sais pas si l'OMC est l'enceinte où cela doit se faire. Mais cette idée doit être étudiée d'une manière ou d'une autre si elle représente effectivement une solution à ce problème.

Concernant tout le processus de règlement des différends, je n'ai pas à entrer dans les détails. Le Canada a été en faveur de la création d'un nouveau tribunal international pour juger les crimes de guerre. J'espère que nous pourrons parvenir à utiliser une instance semblable pour régler les différends commerciaux d'une façon plus raisonnable, tout en prêtant plus d'attention aux besoins liés à la sécurité de la personne.

Je n'ai pas l'intention de traiter en profondeur ces questions précises. La plupart des points soulevés me servent plutôt d'exemples du genre de questions et de problèmes auxquels nous faisons face, et auxquels j'espère que l'on pourra appliquer avec succès la notion de sécurité de la personne et de préoccupation pour les besoins réels de tous les habitants de la terre.

Il y a cinquante ans, vous le savez sans doute, le monde a défini les besoins fondamentaux liés à la sécurité de la personne dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Or, aujourd'hui, il nous faut encore un ensemble de règles universellement acceptées pour le commerce et les investissements internationaux, des règles qui reconnaissent effectivement les droits et les besoins des commerçants et des investisseurs, mais qui accordent une place tout aussi importante à leurs responsabilités, et qui accordent la priorité aux besoins liés à la sécurité et aux droits de la personne. La demande que je vous adresse est que vous invitiez le Canada à viser l'adoption de telles règles par l'entremise de l'influence qu'il exerce au sein de l'Organisation mondiale du commerce et dans le cadre d'autres négociations internationales.

Merci.

• 1530

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Dempster, pour votre exposé très important. Vous avez tout à fait raison. Le Canada a fait campagne pour un ordre du jour fondé sur la sécurité de la personne en vue de l'obtention de son siège au Conseil de sécurité des Nations Unies, et il a réussi à promouvoir cet ordre du jour. Je pense donc que votre exposé est très à propos et très pertinent. Merci beaucoup encore une fois.

Comme derniers témoins, mais non les moindres, nous avons Mme Sayle et Mme MacNab, qui sont les porte-parole de Voix des femmes en Colombie-Britannique. Je dois ajouter que je connais très bien cet organisme. Dans ma circonscription, Bruna Nota est une importante porte-parole de Voix des femmes. Je suis ravie que vous soyez ici aujourd'hui.

Mme Doris MacNab (présidente, Voix des femmes en Colombie- Britannique): Merci beaucoup.

Je vais commencer, et Lydia va continuer. Je m'appelle Doris MacNab et suis la présidente de Voix des femmes en Colombie-Britannique. Lydia Sayle et moi sommes des membres de longue date de Voix des femmes. Nous remercions le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de nous donner cette occasion de faire connaître notre avis sur la ZLEA et l'OMC.

Voix des femmes est un réseau féministe réunissant des femmes réfléchies et engagées, issues des quatre coins du Canada et d'autres pays, qui travaillent en faveur de la paix et de la justice sociale pour tous. Nous sommes d'avis que le militarisme sous toutes ses formes est la principale cause sous-jacente des souffrances et de l'insécurité que vivent les femmes aujourd'hui.

Je vais commencer en citant un passage d'un article de Carol Stewart, et Lydia Sayle va ensuite présenter notre exposé.

Carol Stewart a écrit ceci dans Globalization: Its Impact on Women, the Environment and Human Rights:

    Nous avons les ressources et la vision pour créer un système alternatif de développement économique fondé sur la démocratie, les droits de la personne et la viabilité à l'échelle mondiale.

Carol Stewart propose le programme de développement UD, qui rend publique tous les ans un indice de développement humain qui inclut l'alphabétisation, la nutrition, le statut social des hommes et des femmes, ainsi que la santé. Cet authentique indicateur de progression attribue une valeur aux ressources de la terre, aux ressources environnementales et au travail non rémunéré. Il tient compte du fait que toutes les dépenses de consommation ne sont pas bénéfiques, et il inclut les coûts et les avantages sociaux et environnementaux. La pollution et l'épuisement des ressources non renouvelables sont des coûts. Le travail qui est effectué à la maison et la garde d'enfants sont des avantages. Et ces questions nous tiennent beaucoup à coeur, au sein de Voix des femmes.

Si nos gouvernements utilisaient ces instruments pour mesurer le coût réel du développement, on verrait clairement l'inadéquation du modèle capitaliste actuel. Comme l'ont fait remarquer certains, notre tragédie réside dans la richesse des solutions de remplacement qui existent et dans le fait que seulement un si petit nombre d'entre elles soient sérieusement examinées.

Mme Lydia Sayle (porte-parole, Voix des femmes en Colombie-Britannique): Je m'appelle Lydia Sayle et suis membre de Voix des femmes depuis les années 60, lorsque la crise des missiles de Cuba a réuni des milliers de femmes canadiennes pour faire campagne en faveur du désarmement nucléaire.

Cette année, incitées par le rapport clé de votre comité sur les armes nucléaires, nous nous sommes jointes à d'autres groupes pacifistes à Vancouver pour publier notre brochure intitulée Les armes nucléaires et le bogue de l'an 2000. Je vous remercie donc pour votre inspiration. Nous avons apprécié votre travail.

Nous considérons les négociations sur le commerce mondial, tant dans le cadre de l'AMI, de la ZLEA ou de l'OMC, comme une sérieuse menace pour toute mesure actuelle ou à venir visant la promotion de la paix et de la justice. Dans le cadre des règles relatives au commerce mondialisé, les inégalités sociales et économiques au sein des nations et entre elles se sont accentuées. Des politiques d'adaptation des structures ont causé des bouleversements politiques et sociaux dans de nombreux pays. Certains ont donné lieu à des agitations et à des conflits internes entre factions et secteurs ethniques. On peut avancer des arguments à cet égard en ce qui a trait à l'Afrique et à la Yougoslavie.

Nous nous sommes toujours exprimées contre la puissance du complexe militaro-industriel, tels qu'il a été défini pour la première fois par le président Eisenhower, et nous avons fait campagne pour que le Canada quitte des alliances militaires comme l'OTAN et le NORAD.

Nous sommes consternées que notre gouvernement participe actuellement de façon active aux bombardements agressifs de l'OTAN en Yougoslavie. Les sommes importantes qui sont gaspillées en ce moment dans les bombardements de la Serbie permettraient de supprimer un grand nombre des causes sous-jacentes de conflits ailleurs dans le monde. Une vie meilleure, exempte de pauvreté, mettrait fin à la plupart des conflits de par le monde, dans lesquels sont tués tant de gens.

• 1535

Nous considérons le financement par le monde des affaires des célébrations, qui ont eu lieu la semaine dernière, du cinquantième anniversaire de l'OTAN comme un reflet manifeste du rôle que jouent des fabricants d'armes comme Lockeed Martin et de nombreuses autres entreprises dans la promotion de l'expansion de l'OTAN. Ces sociétés voient d'importants bénéfices dans le réarmement de la Pologne, de la Hongrie et de la République Tchèque, et dans l'expansion de l'OTAN, qui se fait à un coût social élevé pour ces pays, et qui déstabilise encore plus des régions déjà instables.

Dans le cadre de l'OMC, les accords sont négociés à huis clos. Seules les sociétés en tirent avantage. Les intérêts d'autres secteurs ne sont représentés nulle part. Comme dans le cas de l'AMI, l'objectif des négociations actuelles avec l'OMC est la déréglementation du commerce international et la limitation de la capacité des gouvernements de s'immiscer dans les activités des grandes sociétés et dans les investissements commerciaux étrangers.

Comme vous l'avez entendu ce matin, cette situation menace presque chaque secteur de l'économie sociale canadienne, comme les soins de santé, l'éducation, la culture et la protection de l'environnement. La seule subvention que permet l'économie mondiale est pour les dépenses militaires. Les négociateurs sont entièrement d'accord que ce secteur doit continuer de bénéficier du soutien du gouvernement sans ingérence. Plus précisément, ce soutien comporte les dépenses gouvernementales consacrées à la recherche militaire, à la conception et à la production d'armes, et l'aide directe aux fabricants d'armes ainsi qu'à d'autres sociétés qui fournissent les matériels pour la fabrication d'armes.

Conséquence directe de cette situation, la seule façon pour un gouvernement d'utiliser une subvention sans risquer une contestation devant les tribunaux sera d'invoquer des raisons de sécurité nationale. Ce fait va faire augmenter les dépenses militaires à des niveaux inégalés au Canada, et le complexe militaro-industriel se tiendra prêt à enlever une portion encore plus grande des dépenses publiques au secteur civil.

Les États-Unis sont notre principal partenaire commercial et la puissance qui détient le contrôle au sein de nos alliances militaires. Ils dominent la plupart, sinon l'ensemble de nos traités et accords qui ont une portée mondiale. Il n'est pas étonnant alors que le Canada, en tant que membre de l'OTAN et d'autres alliances dominées par les États-Unis, ne trouve pas la volonté politique nécessaire pour agir de façon indépendante.

Bien que les gouvernements du monde entier aient décidé récemment qu'ils ne pouvaient plus agir dans l'intérêt national lorsqu'il est question de l'économie dite mondiale, nous affirmons que les gouvernements ne sont pas impuissants. Ils peuvent agir dans le meilleur intérêt de la société si tel est leur choix. Nous invitons le gouvernement à s'attaquer au manque continuel de démocratie et de transparence qui a conféré de plus en plus de pouvoir aux sociétés transnationales, au détriment de la société civile. Nous voulons que le Canada soit un leader pour d'autres gouvernements et des institutions multilatérales. Nous devons reconnaître les causes véritables de la guerre. Nous devons conclure des accords internationaux qui favorisent la démocratie, qui répondent aux besoins fondamentaux des gens et qui respectent les droits de la personne.

Des accords destructifs sur les investissements commerciaux, qui n'améliorent pas la contribution essentielle des programmes sociaux, doivent être remplacés par des accords internationaux qui permettent d'éviter les causes de la guerre et de créer des institutions pour la paix et la justice. Dans ce cas, la Voix des femmes en Colombie-Britannique est entièrement d'accord avec la proposition de Dorothy Goresky, selon laquelle nous devrions revenir aux Nations Unies et à ses accords, et les appuyer.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Chers collègues, nous avons cinq minutes, alors si vous êtes tous d'accord pour être brefs, vous avez une minute par commentaire ou par question.

Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.

Merci beaucoup à toutes et à tous d'être venus. Il y a une telle diversité d'opinions, et pourtant il y a également un élément commun dans tout ça.

Je vais me limiter à une question qui a trait à la comparaison de l'énoncé sur le bonheur de M. Armstrong et du dollar par jour et de l'espérance de vie du groupe du Kerala.

• 1540

À cet égard, et concernant la question de la sécurité de la personne dont nous a parlé M. Dempster, est-ce que le bonheur est une fonction du revenu et de l'argent, ou est-ce que c'est une fonction d'autre chose? Cela concerne également Voix des femmes en Colombie-Britannique. Pourriez-vous dire quelque chose au sujet de la paix, du bonheur et de l'harmonie? Comment fonctionne tout cela?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): M. Schmidt s'est adressé à trois personnes parmi vous. Je me sens comme le Président de la Chambre des communes lors de la période des questions, afin que nous ayons tous la possibilité de prendre la parole. Est-ce que ça vous ennuierait de collaborer de cette façon?

Nous allons commencer avec vous, monsieur Armstrong, puis nous passerons à monsieur Dempster et ensuite à Voix des femmes en Colombie-Britannique.

M. Noel Armstrong: Lorsque la télévision est devenue en vogue dans les années 60, j'ai pensé qu'il y avait quelque chose de bizarre sur ce point concernant mes trois propres enfants. Je me disais, limitons le temps durant lequel ils peuvent regarder la télévision. Ils étaient ainsi obligés d'aller dehors et de créer leur propre divertissement.

Dans ma propre vie, je trouve mon propre divertissement. Je joue une partie de golf. C'est une activité que je pratique pour moi-même. Je joue du violoncelle. Personne ne m'y oblige comme le fait la télévision, voyez-vous.

C'est ce que font les gens au Kerala. Il y a beaucoup de construction sociale qui se fait. Ces gens n'utilisent pas de la technologie moderne pour se divertir avec un disque compact ou un magnétoscope, et ce genre de choses. Ils doivent donc créer leur propre divertissement, ce qui est bien plus satisfaisant pour des êtres humains.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Dempster.

M. Hugh Dempster: C'est une question intéressante. Ma première réaction est de dire que la sécurité de la personne décrit les conditions fondamentales dont il faut disposer afin d'être heureux. Le bonheur a plus à voir avec cela qu'avec la façon d'y réagir. Dans le même temps, il y a quelque chose qui me travaille en disant oui, je peux m'imaginer que des gens puissent être heureux même dans des situations de grande insécurité, et que des gens qui bénéficient d'une sécurité totale puissent être grincheux et s'ennuyer. C'est donc un contraste complexe.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Madame Sayle et madame MacNab, voudriez-vous formuler un commentaire à ce sujet, s'il vous plaît.

Mme Doris MacNab: Très volontiers.

La chose principale dans le bonheur est la collectivité et un sentiment de coopération entre les gens, un peu comme dans un petit village où tout le monde connaît tout le monde, et où les enfants ont pour ainsi dire de nombreux parents. Les enfants ont la possibilité de grandir. Parfois, des communautés d'Église présentent ces aspects. Elles ont des soirées familiales où les enfants et les parents se réunissent.

Avoir un toit au-dessus de sa tête et avoir tous les jours quelque chose à manger contribuent au bonheur.

Je dirais que notre société, au Canada, se détériore rapidement en raison de la télévision. J'ai grandi avant l'époque de la télévision, et j'ai joué à la marelle et au jeu des jonchets, et ce genre de choses. J'ai restreint le temps que mes propres enfants pouvaient passer devant la télévision. De nos jours, la télévision est toxique. Elle n'informe pas.

Je pourrais continuer pendant une heure sur ce sujet. Elle désinforme. Elle est utilisée pour faire de la propagande. Pour ce qui est des enfants, elle dresse même les enfants contre leurs parents. Cela se poursuit avec les vidéos et ainsi de suite. Les parents font très attention à la nourriture qu'ils donnent à leurs enfants. Qu'en est-il de la nourriture de l'esprit? C'est une des choses les plus importantes qui ont lieu actuellement.

J'ai été à un grand événement sur l'environnement, samedi passé. Il y avait des centaines et des centaines de gens. Il y avait soixante tables de gens préoccupés au sujet de l'environnement. Il y avait de la musique. Il y avait des tambours et des danseurs amérindiens, et bien sûr les tristement célèbres Raging Grannies, dont je fais partie. Nous aurions dû venir aujourd'hui. Aux nouvelles de la télévision et dans les médias, il n'y a pas eu un mot à ce sujet; en revanche, il a beaucoup été question de criminalité, de meurtres et de tragédies dans tel ou tel pays.

• 1545

Comme je disais, je pourrais continuer, mais je vais m'arrêter. Je crois que le bonheur, c'est éteindre la télé pour toujours.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, madame MacNab.

Mme Lydia Sayle: Puis-je ajouter quelques mots?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous allons manquer de temps. Peut-être au cours de la prochaine ronde, parce que j'ai encore trois collègues qui—-désolée.

[Français]

Monsieur Sauvageau.

M. Benoît Sauvageau: J'étais en train de citer un auteur célèbre, mais je vais quitter notre bonheur collectif pour poser une question beaucoup plus terre à terre à M. Dobbin. Cette question m'est inspirée par le témoin précédent, M. Jef, que j'ai vu quitter tout à l'heure, malheureusement.

Vous représentez plus de 20 000 personnes, dites-vous?

[Traduction]

M. Murray Dobbin: Oui.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Nous devons parler au nom de 20 et quelques millions de personnes. Pouvez-vous nous expliquer un peu le processus de consultation? C'est la position de 20 000 personnes et des 27 000 autres que représente M. Jef. Il y en a donc au moins 47 000. Je veux m'assurer qu'on consulte convenablement. Donc, quel a été le processus de consultation du Conseil des Canadiens avant d'en arriver à une position comme celle-là?

[Traduction]

M. Murray Dobbin: Le processus se poursuit en fait depuis la fondation du Conseil des Canadiens. Le Conseil des Canadiens a été fondé en opposition à l'Accord de libre-échange. C'était en 1985. Ainsi, pendant trois ans, jusqu'aux élections de 1988, on adhérait au Conseil des Canadiens parce qu'on était opposé à l'Accord de libre-échange. D'autres sont devenus membres parce qu'ils étaient opposés à l'ALENA. Et durant une période de deux ans allant de l'automne 1997 à l'automne dernier, lorsque l'AMI est mort, au niveau de l'OCDE, les membres du Conseil des Canadiens ont été aussi actifs que possible, et nous avons assurément reçu des renseignements à ce sujet. Il y a eu probablement 10 000 personnes à l'échelle du pays qui ont adhéré au Conseil des Canadiens en raison de leur opposition à l'AMI.

Bien que je ne puisse pas dire que chacun des 20 000 membres du Conseil a été consulté—-nous avons 25 groupes d'action locaux en Colombie-Britannique, avec probablement 100 à 150 membres actifs dans chaque groupe. D'autres membres ne font pas partie de groupes, mais ils participent aux activités du Conseil dans le cadre de campagnes épistolaires. On peut donc dire qu'au sujet de cette question, peut-être plus que pour toute autre question traitée par le Conseil, nous avons un consensus parmi nos membres.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: Encore une fois, c'est rare que je défends le gouvernement, mais je dois dire que M. Marchi, à San José au Costa Rica, s'est fait le grand défenseur de la consultation de la société civile. Lorsque vous dites que le gouvernement ne veut pas entendre la société civile, je crois, comme la présidente l'a dit, que c'est peut-être une perception un peu erronée, à tout le moins ici. Notre présence devrait vous prouver le contraire. C'était un commentaire.

[Traduction]

M. Murray Dobbin: C'est au fruit qu'on reconnaît l'arbre, comme on dit. M. Marchi continue de nous dire que l'AMI n'était pas une menace, même après les critiques au sujet de la protection de la culture, de la protection du régime d'assurance-maladie et de la protection d'autres éléments de la politique du gouvernement canadien.

En fin de compte, une fois que ces accords auront été signés, tout comme on vous a rassurés que l'ALENA n'était pas une menace et que le chapitre 11 n'en était pas une non plus et qu'il ne donnait pas aux sociétés plus de pouvoir d'intenter des poursuites—-Je ne veux pas entendre ces mots qui visent à nous rassurer que l'OMC et la ZLEA ne comportent aucun problème, et découvrir deux ans plus tard qu'en fait il n'en est pas ainsi.

C'est très bien de dire que M. Marchi est ouvert aux consultations de la société civile, mais les consultations doivent être substantielles et aboutir à quelque chose, et ne pas se résumer à des déclarations inattaquables de la part de M. Marchi. Il faut qu'il y ait des changements dans l'attitude qu'adopte le Canada dans la négociation de ces accords.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Dobbin.

Au nom de mes collègues, je remercie tous et toutes d'être venus et pour vos exposés. J'aurais aimé avoir des semaines et des semaines pour poursuivre ces consultations. Encore une fois, je vous prie de m'excuser si je n'ai pas pu vous laisser continuer, mais nous sommes ici jusqu'à vingt et une heures ce soir, et nous allons recommencer demain. Merci encore.

• 1550

Comme je l'ai dit à chaque personne qui s'est présentée devant nous, ceci n'est pas la fin du processus de consultation; c'est le début de notre relation. N'hésitez pas à communiquer avec le comité ou avec n'importe lequel de ses membres. S'il y a des questions importantes qui sont portées à la connaissance de vos membres, veuillez nous le faire savoir. Ce n'est pas la fin; ce n'est que le début. Merci à tous et à toutes d'être venus.

J'invite maintenant Uri Strauss, représentant de University of British Columbia's Students Against the MAI; l'Union des étudiant(e)s de Langara; M. Damien McCombs; et la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants.

[Français]

M. Benoît Sauvageau: [Note de la rédaction: Inaudible] ...par respect pour nos témoins.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je suis d'accord. Est-ce que nous faisons une pause?

• 1552




• 1557

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît, afin que nous puissions commencer.

Je suis ravie d'accueillir notre groupe d'étudiants ici, devant le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, pour examiner les objectifs du Canada concernant l'Organisation mondiale du commerce et la ZLEA, à la veille de ces négociations. Bienvenue.

Nous avons prévu une demi-heure pour vous. Nous trouvons que ce qui marche le mieux, c'est quand il est possible pour nous de répondre à des questions. Il y a quatre groupes; donc, techniquement, vous avez 7,5 minutes chacun. Vous pouvez nous présenter votre exposé au complet ou nous faire part des recommandations clés, afin que nous puissions avoir un certain dialogue—selon ce que vous jugez être le meilleur choix. Je trouve que d'avoir un peu de dialogue, même si c'est à la fin, ça fonctionne toujours très bien. Mais c'est vous qui décidez.

Nous commençons avec University of British Columbia's Students Against the MAI, monsieur Strauss. Bienvenue.

M. Uri Strauss (témoignage à titre personnel): Merci.

Je pense que je vais simplement lire ceci, parce que parmi toutes les façons de procéder, c'est celle qui va me rendre le moins nerveux.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Et je vais vous faire signe une minute avant, afin que tout le monde puisse donner son témoignage.

M. Uri Strauss: D'accord, merci.

Je m'appelle Uri Strauss et suis étudiant à l'Université de la Colombie-Britannique. Je suis actif au sein du mouvement des étudiant(e)s opposé(e)s à l'Accord multilatéral sur les investissements et d'un nouveau groupe appelé Activists Against Apathy, mais cet exposé est de moi.

Je vais commencer mon exposé en disant que même si je témoigne aujourd'hui devant un comité du gouvernement fédéral, je ne crois pas un seul instant que le gouvernement est intéressé à prêter attention aux préoccupations des citoyens qui croient à des valeurs comme la démocratie ou l'éthique humaniste, ou à l'adoption d'une approche à long terme sensée en matière de politique économique, qui prend en compte des notions comme le développement durable. Les audiences, telles que je les vois, ont pour but de connaître l'avis du milieu des affaires sur les détails de la position du Canada et sont organisées sous forme d'audiences publiques à des fins esthétiques. Ainsi, si cet exposé vous paraît quelque peu polémique, veuillez garder à l'esprit la raison sous-jacente, qui est que je ne me laisse pas tromper par les apparences de cette institution.

Je crois que moi et les nombreuses personnes qui m'ont renseigné à ce sujet avons de très bonnes raisons d'avoir confiance en notre exposé. Certaines des raisons seront mentionnées au cours de l'exposé. Je vais également parler de ce que vous faites en tant que députés, si vous n'êtes pas d'accord avec nous et voulez nous convaincre que vous êtes sérieusement intéressés à écouter les Canadiens et les Canadiennes. Si vous prenez ombrage de la polémique, je vais vous demander de prendre sur vous, car l'exposé a un certain contenu également.

L'exposé porte davantage sur les questions fondamentales de la démocratie et moins sur des questions pragmatiques, comme celle de savoir sur quels secteurs devraient se concentrer les négociateurs, qui présuppose que l'adoption enthousiaste du néo-libéralisme par le gouvernement, et notamment le déplacement du pouvoir vers les sociétés transnationales—qui s'appelle libre-échange—est légitime.

Le premier défi pour le gouvernement sera de prouver sa légitimité, et notamment de prouver qu'il a un mandat pour continuer avec ses politiques néo-libérales. Il se peut que je me trompe au sujet du gouvernement qui n'aurait pas de mandat pour ses politiques, mais je n'ai jamais vu d'arguments présentés en public, dans un esprit d'enquête, contre ma position, et j'ai essayé de trouver de tels arguments.

• 1600

Par «raisonnable» j'entends un argument concernant une politique du gouvernement qui se penche de manière réaliste sur la série de préoccupations qu'une société convenable et sensée peut avoir—-par exemple, l'incidence d'une politique sur l'environnement ou sur le développement économique durable, ou sur les droits de la personne ou l'égalité. Par les mots «dans un esprit d'enquête», j'entends un argument présenté d'une façon respectueuse, non condescendante, à mettre en contraste, par exemple, avec des rubriques rédigées par des analystes économiques dans le National Post.

Ainsi, si quelqu'un cherche sans succès une formulation de la position du gouvernement dans des termes raisonnables, cela veut dire que le gouvernement ne communique pas adéquatement avec le grand public. Il est vrai que le gouvernement tient des audiences publiques, mais elles n'ont pas été bien publicisées; j'ai entendu désigner ces audiences par les mots «audiences publiques secrètes». Il se peut que le gouvernement ait fait connaître sa position dans un média que je ne consulte pas ou que je ne fréquente pas, mais si le gouvernement est sérieux en ce qui a trait à la consultation du public, il doit faire plus que tenir à l'occasion des audiences publiques et rédiger une fois par mois un article en regard de l'éditorial dans un quotidien national. Il doit consulter le public sur une base permanente, et il doit consulter le public au sujet de l'orientation fondamentale de ses politiques, et non faire ce que semble faire notre gouvernement actuel, c'est-à-dire s'engager vis-à-vis d'une organisation dont la raison d'être fondamentale est contraire à l'intérêt du public, et puis, dans une tentative d'apaisement du public, dont on pense qu'il va réagir de façon négative pour des raisons tout à fait justifiées, faire semblant d'être sérieux au sujet de la consultation du public et lui demander des avis au sujet des menus détails de la question.

Ma conclusion est que le gouvernement ne peut pas faire semblant d'avoir un mandat pour procéder à l'élargissement de l'ALENA ou à l'élargissement des négociations avec l'OMC, ou pour être plus précis à un détournement élargi de l'ordre du jour de l'OMC par les pays de l'hémisphère nord pour qu'il reflète leurs intérêts. Il se peut que le gouvernement ne soit pas d'accord avec moi et qu'il veuille faire valoir qu'il consulte le public et qu'il communique avec lui. Si c'est le cas, faites savoir au gouvernement qu'il y a beaucoup de gens qui sont du même avis que moi, et que si le gouvernement souhaite rectifier ces idées fausses, il a intérêt à trouver un moyen de communiquer avec ces gens.

Je voudrais mentionner brièvement des suggestions concernant la façon dont le gouvernement peut communiquer avec le public, dans le cas où il voudrait relever sérieusement ce défi. Une des suggestions est d'utiliser davantage Internet—par exemple pour tenir des séances de discussion ouverte virtuelles, où les décideurs interagissent directement avec le public. Évidemment, un grand nombre des Canadiens et Canadiennes qui peuvent contribuer le plus n'ont pas accès à Internet ou ne possèdent pas des connaissances en informatique; c'est pourquoi je propose que le gouvernement tienne également des rencontres de discussion ouverte réelles. À tout le moins, le gouvernement pourrait adopter un ton moins condescendant dans ses relations avec le public, afin que le public se sente plus en confiance lorsqu'il s'agit de communiquer avec le gouvernement.

Permettez-moi de vous faire part d'une expérience personnelle. Il y a environ deux ans, j'ai pris très à coeur la situation des droits de la personne en Birmanie et l'indifférence caractéristique du gouvernement canadien. J'ai écris une lettre à Lloyd Axworthy, et comme réponse, j'ai reçu une lettre type dont le ton était assez condescendant et dont le texte contenait carrément des mensonges, comme la prétention que le gouvernement canadien est préoccupé par les droits de la personne à l'étranger. Ce traitement peut être mis en contraste avec celui que j'ai reçu lorsque j'ai communiqué avec le député Ted McWhinney, ou lorsque j'ai communiqué avec le gouvernement de la Colombie-Britannique.

Afin de donner un peu de contenu à ma contestation, permettez-moi d'énoncer quelques raisons pour lesquelles ce gouvernement a perdu la confiance du public, et pourquoi il lui incombe de prouver sa légitimité. D'abord et avant tout, il y a le fait que le gouvernement a participé à des négociations portant sur l'Accord multilatéral sur les investissements, qui étaient secrètes avant qu'une fuite sur Internet ne révèle leur existence au public. Ce document semble être un des plus radicaux, sinon le plus radical, des transferts de pouvoir vers les sociétés transnationales qui ait jamais eu lieu. Que le gouvernement ait pu négocier cela en secret et avoir eu l'intention de l'imposer sans aucune consultation est une raison suffisante pour justifier la plus grande inquiétude au sujet de la relation du gouvernement vis-à-vis du public.

En outre, les promesses non tenues d'abroger l'ALENA, d'abroger la TPS et de maintenir les dépenses pour la CBC ont montré qu'on ne peut pas croire le gouvernement sur parole, ce qui est une autre raison de s'en méfier. Son refus d'enquêter au sujet de la violence dont a fait preuve la GRC à Gustafsen Lake, et sa tentative de nuire aux audiences sur l'APEC montrent qu'on ne peut pas lui faire confiance pour défendre des valeurs comme les droits de la personne, qui sont largement présentes au sein du public.

En bref, ce n'est pas un gouvernement qui peut prétendre agir dans le meilleur intérêt du public. Je vous propose de prouver que je me trompe avant de continuer sur votre voie néo-libérale.

Ma deuxième contestation est probablement une sous-partie de la première, et c'est que je mets le gouvernement et les défenseurs des politiques néo-libérales en général au défi de fixer des objectifs précis et des critères clairs d'après lesquels on peut évaluer la politique sociale et économique. Ces critères devraient être suffisamment clairs pour pouvoir déterminer sans trop de difficulté si une politique répond ou non à ces critères. Je laisse à ceux auxquels je lance ce défi le soin de trouver la formule exacte, mais je vais vous donner une idée de ce à quoi je pense.

Ma proposition est de prendre la date d'une politique importante, par exemple l'ALENA, qui est entrée en vigueur à la date mémorable du 1er janvier 1994, puis de choisir un laps de temps, par exemple cinq ans. On prend ensuite certaines mesures de paramètres socio-économiques—-par exemple, le salaire moyen en dollars réels, le taux de chômage moyen, le PIB moyen par habitant, le taux d'incarcération, le taux de fuite des capitaux, le nombre de lits d'hôpital pour une personne et ainsi de suite—-plus les indicateurs sont significatifs et mieux c'est, et on établit un niveau d'amélioration pour les indicateurs, de manière à ce que le taux de crimes violents doive baisser de 2 p. 100 au cours d'une période donnée et que le pourcentage de personnes admissibles à l'assurance-emploi doive rester stable, et ainsi de suite. Et des niveaux de variation déterminés pour le pire également, comme une diminution de 5 p. 100 et un accroissement de l'endettement personnel de 5 p. 100. Et établir un seuil concernant le nombre d'indicateurs qui doivent s'améliorer jusqu'au niveau choisi sans qu'ils soient neutralisés par une diminution d'autres indicateurs.

• 1605

Si le seuil n'est pas atteint, ce sera une indication claire de l'échec d'une politique. Le public peut alors décider s'il veut que la politique soit maintenue ou non. Il se peut qu'il veuille que la politique soit maintenue parce qu'il estime que les mesures sont arbitraires, ou parce qu'une augmentation phénoménale dans quelques mesures fait plus que neutraliser de faibles hausses dans le cas d'autres mesures. L'avantage de cette idée réside dans le fait qu'on dispose d'une norme claire qu'une politique doit respecter si l'on veut qu'elle soit considérée comme une réussite. Si une politique ne répond pas à une norme, le gouvernement qui l'a élaborée pourrait continuer à l'appliquer, mais uniquement au prix de sa crédibilité.

Je n'ai pas fait cet exercice, mais je crois que si on l'on avait cela il y cinq ans avec l'ALENA, l'accord n'aurait pas été conforme, et de loin, aux critères ou aux normes, ou alors les normes auraient été établies à un niveau très bas. Nous devrions voir notre gouvernement et tous les idéologues qui claironnaient l'ALENA et qui se moquaient de ceux qui y étaient opposés s'excuser de leur arrogance. Mais ce que nous voyons au lieu de cela, ce sont des chroniqueurs comme Diane Francis proclamer avec fierté le succès de l'ALENA et tourner en ridicule ses opposants sur la base d'un seul indicateur, à savoir la valeur des exportations.

Il se pourrait que mon idée d'établir des critères pour mesurer le succès d'une politique soit arbitraire ou insensée, auquel cas je mets ce comité et le gouvernement au défi de trouver une meilleure solution. Il se peut même que de tels critères aient été proposés et qu'ils fassent l'objet de mesures. Mais encore une fois, je suis un citoyen assez actif, et je n'ai jamais trouvé quelque chose semblable à cela.

Pour conclure, je mets le gouvernement au défi de prouver qu'il peut légitimement représenter le public lorsqu'il oriente sa politique dans la direction néo-libérale, ce qu'il a fait lorsqu'il a négocié des ententes sur le libre-échange comme l'ALENA, l'AMI, l'OMC et la ZLEA, et également avec ses politiques intérieures, comme couper des programmes sociaux, et jusque dans le mépris qu'il affiche à l'égard du public, de la façon que j'ai décrite, qui est pratiquement une caractéristique nécessaire des gouvernements néo-libéraux. Deuxièmement, je mets le gouvernement au défi de trouver un ensemble de critères qui, s'ils ne sont pas respectés, peuvent être utilisés comme une mesure objective de l'échec d'une politique gouvernementale.

Si le gouvernement souhaite essayer de relever ces défis, je m'en réjouis. Si ce n'est pas le cas, je voudrais qu'il explique pourquoi, non seulement à moi, mais de façon publique, à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes qui se sentent aliénés par le gouvernement. S'il ne fait ni l'un, ni l'autre, la classe dirigeante ne peut s'attendre à ce que nous restions tranquilles et passifs. Je vous signale qu'une opposition vigoureuse à l'OMC et à la participation du Canada à cette organisation est en voie de se former, et ce sera une campagne plus vaste, plus intelligente et plus radicale que celle qui a réussi contre l'AMI. Ceux qui prévoient continuer à faire avancer ces politiques néo-libérales et qui s'attendent à ce que le public tende l'autre joue vont avoir quelques désagréables surprises.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Strauss.

À titre d'information, ce matin, lorsque j'ai formulé mes remarques introductives, j'ai constaté que nous devrions utiliser davantage Internet. Simplement à titre d'information, le comité a affiché sur notre site web une série de notes de discussion et de questions brèves à l'intention du public. En outre, une partie de notre rapport, qui sera déposé au cours de l'été, bien avant que les négociation ne démarrent, sera un guide sur l'OMC à l'intention des citoyens.

Maintenant, de l'Union des étudiant(e)s de Langara, nous avons M. Nagai et Mme Kuitenbrouwer. Qui de vous deux veut commencer?

M. Rob Nagai (porte-parole, Union des étudiant(e)s de Langara): Je vais commencer.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

M. Rob Nagai: Bonjour. Je m'appelle Rob Nagai. Je remercie ce comité de me donner l'occasion de prendre la parole.

Lorsque j'ai appris qu'il y aura une ronde de pourparlers du nouveau millénaire, j'ai estimé qu'il était important que je fasse entendre mon opposition aux démarches du Canada qui visent à favoriser la mondialisation par l'entremise de l'Organisation mondiale du commerce. Le mandat de l'OMC est fondé sur des politiques néo-libérales de mondialisation, du commerce à n'importe quel prix et à tout prix. L'OMC cherche à limiter les barrières commerciales, mais les barrières commerciales sont souvent des normes sociales et environnementales.

Un bon exemple de cela est le groupe spécial de l'OMC qui a condamné les mesures prises par Ottawa pour protéger le secteur canadien des revues. Mais ce ne sont pas les revues qui sont menacées. Ce qui est en jeu aujourd'hui, c'est la culture canadienne. Les politiques et les institutions néo-libérales ont réduit le niveau de vie de la population canadienne et limité la démocratie, tout en améliorant les conditions économiques pour les sociétés.

Le Fonds monétaire international accorde souvent des prêts à des pays qui en ont besoin, pour autant qu'ils soient disposés à se conformer aux plans de restructuration économique du FMI. La formule de restructuration du FMI est la suivante: couper le financement gouvernemental, privatiser, mettre à pied des travailleurs et réduire les services. Le Canada utilise cette formule depuis le milieu des années 70 sans recevoir l'aide du FMI.

• 1610

De 1973 à 1996, la proportion de familles, avec enfants, gagnant entre 24 500 et 65 000 dollars est passée de 60 p. 100 à 44 p. 100 de la population. Entre 1994 et 1996, le salaire moyen des travailleurs a augmenté de 2 p. 100 ou moins. C'est moins que le taux d'inflation. Entre-temps, le directeur général moyen canadien a empoché une augmentation salariale de 39 p. 100. Le salaire moyen d'un directeur général en 1996 était de 862 000 dollars en 1996. Les personnes qui constituent la fraction de un pour cent la plus riche de la population canadienne possèdent aujourd'hui plus que les 80 p. 100 inférieurs de la population.

Il s'agit là de tendances inquiétantes. C'est pourquoi je suis opposé à l'accord sur le libre-échange des Amériques ou à tout autre accord qui favoriserait l'ordre du jour des sociétés tout en limitant les droits des citoyens.

Michael Walker, du Fraser Institute dit des ententes commerciales qu'elles limitent simplement le degré auquel les États-Unis et d'autres gouvernements signataires peuvent réagir à des pressions exercées par leurs citoyens. La limitation de la démocratie n'est pas quelque chose que je peux soutenir. La ZLEA élargirait essentiellement l'Accord de libre-échange de l'Amérique du Nord. Lorsque le Canada a essayé de protéger l'environnement en interdisant l'utilisation de l'additif pour l'essence MTT, cette mesure a été annulée en vertu de l'ALENA. On avait également promis aux Canadiens que l'eau ne serait pas incluse dans l'ALENA. Or, actuellement, le gouvernement de la Colombie-Britannique est poursuivi en justice par Sun Belt Water Inc., une entreprise californienne, pour perte de profits.

Mon pays, c'est la protection des citoyens, des valeurs sociales, des ressources et des normes environnementales. En tant que Canadien, j'invite le gouvernement à ne pas entamer d'autres pourparlers jusqu'à ce qu'un authentique dialogue ait lieu au sujet des conséquences de la mondialisation de l'économie. Je mets donc le gouvernement canadien au défi d'utiliser la nouvelle ronde de pourparlers pour examiner le prix social et environnemental que le monde a payé pour la mondialisation. Le fait de pouvoir mettre ces questions à l'ordre du jour serait une victoire pour le Canada.

Enfin, permettez-moi de conclure avec ces mots du financier américain George Soros: «Le capitalisme sans entraves a remplacé le communisme et le fascisme comme plus grande menace pour les sociétés ouvertes».

Merci pour le temps que vous m'avez accordé.

Mme Winnie Kuitenbrouwer (porte-parole, Union des étudiant(e)s de Langara): Bonjour. Je m'appelle Winnie Kuitenbrouwer, et je suis ici aujourd'hui pour parler de la question des accords commerciaux multilatéraux et de leurs coûts cachés.

La zone de libre-échange des Amériques comprend tous les pays de l'Amérique du Nord, de l'Amérique du Sud et de l'Amérique centrale, avec une grande diversité de besoins sociaux et économiques. L'Organisation mondiale du commerce, composée de 134 pays qui représentent les intérêts commerciaux mondiaux, a supervisé la création de la ZLEA. Les leaders des pays de la ZLEA se rencontrent dans le cadre de sommets des Amériques, afin d'élargir le développement de l'économie libérale. Ce processus de libéralisation du commerce n'a pas été limité aux Amériques, cependant. Un certain nombre d'enceintes de négociation comprennent des avenues comme le forum de la Conférence sur la coopération économique en Asie et dans le Pacifique, et l'Organisation de coopération et de développement économiques. Ces processus sont dirigés par des intérêts commerciaux des sociétés et ils sont mis en oeuvre par l'entremise d'institutions comme le Fonds monétaire international, la Banque interaméricaine de développement et la Banque mondiale.

Ces institutions sont un reflet des politiques économiques mondiales qui contribuent maintenant aux crises économiques que connaissent les pays en développement de l'Amérique du Nord, de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud.

L'Accord de libre-échange de l'Amérique du Nord a eu un effet négatif sur le bien-être économique interne, dans les Amériques. Au Canada et aux États-Unis, les sociétés procèdent à des compressions des effectifs et cherchent de la main-d'oeuvre bon marché au Mexique et dans les pays d'Amérique centrale, où une main-d'oeuvre exploitée produit de tout, des pièces d'automobiles jusqu'aux vêtements, dans des usines et des maquiladoras, tout cela créé par l'entremise des principales zones de libre-échange, dans le cadre de l'ALENA.

La main-d'oeuvre est souvent composée de jeunes femmes auxquelles on paie l'équivalent d'environ 15 dollars par jour. Elles peuvent faire l'objet d'abus physiques ou sexuels par leurs superviseurs, parce que les gouvernements qui sont au pouvoir ne veulent ou ne peuvent pas faire appliquer des pratiques de travail équitables. En dépit de l'argument selon lequel la libéralisation du commerce a mené à de meilleures conditions de travail et à la protection contre l'exploitation associées à des pays développés, comme le Canada, il y a peu de signes qui laissent penser que l'exploitation a diminué grâce à des politiques néo-libérales , ni que les conditions de vie ou les possibilités d'éducation se sont améliorées pour les pauvres dans toutes les Amériques.

• 1615

La restructuration économique à l'échelle mondiale a eu également un effet négatif sur l'infrastructure du Canada. L'exemple le plus éloquent de la détérioration à l'intérieur du Canada est l'écart grandissant entre les riches et les pauvres. Des facteurs qui contribuent à cette situation sont la dépendance croissante vis-à-vis des investissements étrangers au détriment du développement économique intérieur, ainsi que la décentralisation et la privatisation du secteur des services sociaux du Canada.

Le gouvernement fédéral libéral a coupé les paiements de transfert aux provinces, et en raison de cela, des institutions comme le Collège de Langara, le Collège de Capilano et l'Université de la Colombie-Britannique, entre autres, se sont tournées vers des patronages d'entreprise pour couvrir leurs coûts de fonctionnement. La privatisation du programme fédéral de prêts aux étudiants oblige les étudiants à payer plus de 5 p. 100 de taux d'intérêt sur leurs prêts. Les banques qui administrent ces contrats de prêt font non seulement des bénéfices auprès d'étudiants qui ne sont déjà pas en mesure de payer les intérêts, mais ont également de plus en plus de contrôle pour déterminer qui est admissible aux prêts.

L'enseignement primaire, secondaire et postsecondaire fait l'objet de restructurations parce que le secteur privé fournit des incitatifs financiers aux établissements en retour de droits de publicité et de l'élaboration de programmes d'études. La dépendance continue vis-à-vis du financement provenant du secteur privé, doublée d'une réduction du financement de l'enseignement public par le gouvernement, va entraîner la disparition des établissements d'enseignement public au Canada.

Ce qu'on appelle des partenariats entre le secteur des entreprises et les établissements publics comporte des inégalités intrinsèques. Dans un rapport publié par le Centre canadien de politiques alternatives, Erika Shaker fait remarquer que les partenariats entre le secteur des entreprises et le système scolaire public commencent à devenir un moyen acceptable de combler le manque de financement gouvernemental. Elle signale que d'après Statistique Canada, les tactiques de restructuration et de compression des effectifs ont conduit à des bénéfices de fin d'année record pour les sociétés et les institutions financières. Selon le CCPA, six grandes banques ont gagné plus de 6 milliards de dollars en 1996.

Les tendances suivantes ont été observées dans le secteur de l'enseignement public, d'un bout à l'autre du Canada: une diminution du nombre de commissions scolaires; la redéfinition des tâches et des pouvoirs des commissions scolaires; la centralisation du pouvoir au niveau provincial ou territorial; la réorientation de certaines responsabilités vers des groupes communautaires ou de parents en liaison avec l'école. La restructuration du système scolaire primaire et secondaire par l'entremise du financement fourni par les entreprises se fait aux dépens d'un auditoire jeune et captif de consommateurs actuels et futurs, plutôt que de contribuer à la formation de personnes en mesure de penser et d'avoir un esprit critique. C'est dans ce climat économique de la restructuration de l'enseignement primaire, secondaire et postsecondaire que la zone de libre-échange des Amériques, sous la direction de l'Organisation mondiale du commerce, va faire avancer le mandat de libre-échange, renforcé par les politiques anti-concurrence qui vont restreindre d'autres types de développement économique.

D'une façon similaire, le Programme interaméricain d'éducation, parrainé par l'Organisation des États américains et dirigé par les ministres de l'Éducation et, dans certains cas, par les ministres du développement des ressources, a élaboré une série de politiques visant à améliorer la qualité de vie des citoyens des pays de la ZLEA.

Larry Kuehn, directeur des ressources et de la technologie pour le BCTF, a signalé les nombreux objectifs positifs des réunions ministérielles, dont la promotion de politiques de l'éducation visant à améliorer les droits de la personne, les droits des autochtones, les programmes de développement pédagogique destinés aux jeunes à risque, et la formation pédagogique des enseignants dans le domaine de la technologie et du développement durable. Cependant, il critique la terminologie vague qui est utilisée, laissant entendre que les examens normalisés visant à réduire les coûts, la formation d'une main-d'oeuvre docile et l'utilisation de vidéos et des programmes informatisés de formation des maîtres vont remplacer la formation pédagogique actuelle, qui est dirigée par l'État.

La critique la plus importante est que le Programme interaméricain d'éducation n'a pas mentionné la Banque interaméricaine de développement, la Banque mondiale ou le Fonds monétaire international, qui exercent tous une influence considérable sur le financement de l'élaboration de politiques.

Le plan d'action du Sommet des Amériques est clairement orienté vers une libéralisation future du commerce à l'intérieur des Amériques. Des clauses particulières, comme celle relative à la politique sur la concurrence, qui garantit que l'avantage du processus de libéralisation de la ZLEA ne sera pas sapé par des pratiques commerciales anti-concurrence, sont soulignées davantage par des objectifs précis de développement de mécanismes qui facilitent et favorisent l'élaboration d'une politique sur la concurrence et qui garantissent l'application d'une réglementation sur la libre concurrence entre les pays de l'hémisphère et à l'intérieur de ces pays.

• 1620

Ce que le Canada attend de sa participation au sommet des ministères est une tentative positive d'adaptation des politiques de l'éducation dans le cadre de la ZLEA, et de pouvoir influer sur ces politiques. Je crois fermement, cependant, que nous devons continuer à combattre les politiques commerciales et l'expansionnisme du secteur des entreprises qui ont entraîné des conditions de travail d'exploitation au Mexique, en Amérique centrale et en Amérique du Sud, ainsi que la détérioration, ici au Canada, des programmes sociaux, des soins de santé et des systèmes d'éducation financés par l'État.

Les gens doivent commencer à chercher des pratiques commerciales de remplacement qui empêchent les sociétés de réaliser des profits aux dépens d'une main-d'oeuvre vulnérable.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Notre prochain témoin est M. McCombs.

M. Damien McCombs (témoignage à titre personnel): Bonjour. Je m'appelle Damien McCombs. Je suis étudiant à l'Université de la Colombie-Britannique. Je suis également membre des mouvements Activists Against Apathy et Students Against the MAI. Merci de nous donner la parole aujourd'hui, et je vais commencer.

Comme Canadien, je suis fier et j'apprécie beaucoup de vivre dans un pays qui est géré de façon démocratique. Je ne tiens pas pour acquis d'avoir non seulement le droit d'exprimer mon opinion, mais aussi le droit de voter pour les personnes que je souhaite avoir comme gouvernants.

Or les Canadiens et les Canadiennes n'ont pas eu la possibilité de décider par voie démocratique s'ils voulaient ou non être gouvernés par l'Organisation mondiale du commerce. L'OMC est une menace pour les droits de tous les Canadiens parce qu'elle fonctionne de façon non démocratique et est composée de membres qui n'ont pas été élus par les Canadiens et les Canadiennes.

Le gouvernement canadien devrait refuser d'être contrôlé par l'OMC, et devrait également faire pression pour que les pouvoirs de l'OMC soient supprimés.

Bien que l'OMC soit composée de membres qui n'ont pas été élus par les Canadiens et les Canadiennes, l'Organisation mondiale du commerce est en mesure de contester des décisions prises démocratiquement par le gouvernement du Canada. L'OMC peut forcer le gouvernement canadien à annuler ou à empêcher la mise en oeuvre de règlements relatifs à des questions commerciales, mais également des règlements qui visent à promouvoir les droits de la personne, les conditions relatives à la santé et à la sécurité, les allégements fiscaux, les normes environnementales, les lois sur les droits d'auteurs et sur les brevets, les lois sur la protection de la culture et sur la diversité, ainsi que la réglementation des services fournis par le gouvernement. L'Organisation mondiale du commerce fait cela en menaçant les gouvernements de sanctions qui sont trop sévères pour que même le pays le plus riche puisse ne pas en tenir compte.

Un exemple de l'influence de l'OMC sur la culture canadienne est illustré par un incident ayant trait aux magazines dits à tirage partagé. Ces magazines sont des magazines américains reproduits au Canada à peu, voire sans frais d'édition. Ce fait permet aux magazines d'offrir des tarifs réduits pour la publicité. L'OMC a été à l'origine de la suppression d'une taxe imposée par le gouvernement canadien afin de dissuader les éditeurs de publier des magazines à tirage partagé. À cause de cela, les entreprises américaines menacent de façon inéquitable les entreprises canadiennes concurrentes et des emplois au Canada.

Dans un pays démocratique, une organisation ne devrait pas être en mesure d'imposer des mesures aux Canadiens et Canadiennes, qui n'ont pas consenti à être gouvernés par cette organisation. D'autres pays ont déjà été visés par des actions plus sévères. Les États-Unis ont été contraints par l'OMC à abroger les règlements du Clean Air Act, sous peine de se voir imposer des sanctions commerciales de rétorsion de l'ordre de 150 millions de dollars par année.

Il serait difficile de concevoir un modèle de négociation d'accords commerciaux moins démocratique. Les tactiques utilisées par l'OMC pour intimider les gouvernements ont été et seront utilisées pour annuler des décisions prises démocratiquement par les Canadiens et les Canadiennes.

Il faut que le gouvernement canadien freine l'OMC, parce que des membres de cette organisation n'agissent pas de façon démocratique.

Bien que l'Organisation mondiale du commerce soit composée d'environ 135 pays desquels on obtient un consensus, la plupart des décisions clés de l'OMC, sinon toutes, sont prises lors de réunions non officielles. Dans de nombreux cas, seulement quelques pays sont invités à ces réunions. Ces discussions privées décident de questions avant qu'elles ne soient présentées lors de réunions de l'OMC, où elles sont approuvées. La plupart du temps, les plus grands pays développés obtiennent les décisions qu'ils veulent. Quelques gros pays sont en mesure d'exercer un veto sur les questions ou les décisions dont ils ne veulent pas, même si une vaste majorité des pays donnent leur accord à ces questions et à ces décisions. De telles activités ne devraient pas être acceptées par le gouvernement canadien, mais devraient plutôt être critiquées publiquement et être considérées comme inadmissibles.

Une des principales pratiques de l'OMC consiste à permettre à des pays importants comme les États-Unis d'empêcher l'inclusion de certains sujets dans l'ordre du jour des réunions officielles.

La vaste majorité des pays en développement ont très peu à dire dans le système de l'OMC. Nombreux sont ceux qui n'ont pas les ressources humaines et financières pour participer adéquatement aux réunions officielles, et à plus forte raison aux nombreuses réunions non officielles auxquelles ces pays ne sont pas invités.

• 1625

Parfois, des pressions peuvent également s'exercer sur des pays en développement en particulier, afin qu'ils acceptent des décisions ou des positions avec lesquelles ils n'étaient peut-être pas d'accord initialement. Sont particulièrement vulnérables les pays en développement qui sont endettés et qui dépendent de l'aide bilatérale—c'est-à-dire des prêts du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Il s'ensuit que les décisions et les accords de l'OMC ont tendance à être partiales, à l'encontre des intérêts des pays en développement.

Au cours de la conférence ministérielle de Singapour, ces méthodes sont devenues apparentes lorsque de nombreux petits pays en développement n'étaient pas d'accord avec des points portant sur les investissements, la concurrence et l'approvisionnement gouvernemental. Le résultat de cela a été que ces pays ont été exclus des petites réunions en groupe non officielles qui ont mené à l'acceptation de ces points, malgré leur désaccord. Où ont eu lieu ces réunions, quand, qui y a participé, ainsi que les positions qui y ont été prises par les divers pays sont des renseignements qui ne sont pas divulgués.

Le gouvernement du Canada ne devrait pas permettre d'être assujetti à l'influence d'une organisation qui fonctionne avec des procédures aussi ouvertement non démocratiques. Le gouvernement canadien devrait avoir la responsabilité de représenter la population canadienne en préservant nos droits démocratiques. L'influence grandissante de l'OMC met directement en péril l'avenir des Canadiens et des Canadiennes. L'OMC est une organisation dont le gouvernement du Canada ne devrait pas faire partie, parce que cette organisation utilise des pratiques et des tactiques non démocratiques. Pour le bien-être des Canadiens et des Canadiennes, et afin de donner l'exemple à d'autres pays, le Canada devrait faire des pressions pour réduire le pouvoir de l'OMC et également cesser de faire partie de cette organisation.

Merci beaucoup.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Le dernier témoin, mais pas le moindre, monsieur Veerkamp.

M. Mark Veerkamp (président, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants—Bureau national): Je remercie le comité cet après-midi de nous donner le temps et l'occasion de présenter cet exposé. Je m'appelle Mark Veerkamp; je suis étudiant de quatrième année au programme d'économique et sociologie de l'Université Simon Fraser. Je suis ici aujourd'hui au nom de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, qui est une alliance de plus de soixante associations de collèges et d'universités des quatre coins du Canada, qui compte au total 400 000 étudiantes et étudiants, dont plus de 100 000 ici en Colombie-Britannique. Mon mandat ici aujourd'hui est donc de représenter nos membres d'ici, de Colombie-Britannique.

Tout d'abord, je voudrais dire que la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants est opposée au programme sur les investissements et la libéralisation du commerce qui est suivi par l'Organisation mondiale du commerce, parce que nous nous inquiétons non seulement au sujet du risque de voir cette organisation saper le système public d'enseignement postsecondaire, mais également au sujet du risque de la voir porter atteinte à l'environnement, aux soins de santé et à la protection de la culture, et de la voir aggraver l'inégalité économique. Nous partageons donc certaines des préoccupations qui ont été exprimées par certains des intervenants qui ont pris la parole aujourd'hui.

Je pense que ce qui est vraiment en jeu, c'est la nature publique de notre système d'éducation; voilà pour les premiers commentaires. Je vais m'en tenir à l'éducation.

Nous avons au Canada un système sur lequel empiète de plus en plus un système privé, par l'intermédiaire de ce qui a été principalement un système public. Le système public a joué un rôle très déterminant dans la formation de la population active et dans la planification économique, et en permettant aux citoyens d'acquérir les compétences nécessaires pour participer adéquatement et de façon compétente à la vie démocratique. En outre, dans le développement national, le système d'éducation public a été décisif en ce qui a trait au soutien pour ces activités, que le système privé n'est pas en mesure d'assurer, et qui ne sera peut-être jamais en mesure d'assurer, compte tenu de sa nature à but lucratif. Il n'y a pas de contrôle démocratique sur le système privé, et il n'y a pas de contrôle sur les programmes d'études en ce qui a trait au contenu canadien ou au genre de choses dont les Canadiens et les Canadiennes ont besoin pour participer activement à la vie en société.

Nous voudrions formuler certaines recommandations pour la protection du système public d'enseignement postsecondaire.

Si le Canada continue sur la voie de la libéralisation du commerce et des investissements par l'entremise de l'Organisation mondiale du commerce, il doit le faire sans compromettre de quelque façon que ce soit les droits démocratiques du gouvernement du Canada de financer et de planifier le système d'enseignement postsecondaire au pays, et d'agir comme unique fournisseur de ce système.

Le Canada doit rejeter la définition qui considère l'éducation comme une marchandise, ainsi que tout argument qui s'oppose au financement et au contrôle publics de l'éducation, et il doit examiner attentivement tous les articles de tout accord, afin de s'assurer que le système public d'éducation postsecondaire est clairement protégé.

Les principes suivants doivent être protégés dans tout accord:

Le droit des gouvernements de financer l'éducation postsecondaire: les gouvernements doivent avoir le droit de financer tous les aspects du système public d'éducation postsecondaire et doivent garder la possibilité de décider de financer directement ou indirectement les établissements d'enseignement privés. Les établissements d'enseignement privés peuvent être financés indirectement par des subventions, accordées non seulement par nos organismes subventionnaires fédéraux mais également par les subventions provinciales que nous accordons ici en Colombie-Britannique et dans d'autres provinces. Ces établissements sont donc financés indirectement par ces mécanismes. Là où s'exercent ces droits, les gouvernements ne doivent pas être pénalisés ou être obligés de verser des compensations à une quelconque organisation privée.

• 1630

Les gouvernements doivent conserver le droit de fournir des prêts aux étudiants et d'établir des règlements régissant l'octroi de ces prêts.

Le maintien du droit des gouvernements de fournir de l'éducation et de déterminer qui est habilité à donner cette éducation est également une recommandation clé. Les gouvernements doivent conserver le droit de créer, d'être propriétaire et d'administrer des établissements offrant un enseignement postsecondaire, et d'agir de façon monopolistique en matière de prestation de services d'éducation.

Une troisième recommandation clé a trait au droit des gouvernements de contrôler la prestation des services d'éducation. Les gouvernements doivent avoir le droit de déterminer de façon exclusive qui est autorisé à fournir des services d'éducation, et ne doivent pas être assujettis à des pénalités lorsqu'ils refusent d'accorder l'autorisation de fournir de tels services à une organisation privée.

Les gouvernements doivent conserver le droit de déterminer de façon exclusive à qui accorder des permis en matière d'enseignement, et ne doivent pas être assujettis à des pénalités lorsqu'ils refusent d'accorder de tels permis à une organisation privée.

Les gouvernements et les institutions publiques doivent conserver le droit de déterminer les programmes d'études, les cours qui sont offerts et les priorités de recherche, et doivent conserver le droit de refuser des contributions provenant d'organisations privées.

Le Canada ne doit accepter aucun accord commercial ou relatif aux investissements qui ne protège pas clairement et expressément les principes précités.

Je voudrais également vous faire part de certaines des préoccupations générales, en dehors de l'enseignement public, que nous avons au sujet de la libéralisation du commerce et des investissements. Les étudiants et les étudiantes ne sont pas seulement des personnes qui étudient, mais également des membres actifs de la collectivité.

À l'instar de nombreux autres orateurs, les étudiants s'inquiètent au sujet de la participation du Canada à la négociation d'accords sur le commerce et les investissements qui limitent la capacité des gouvernements d'établir ou d'améliorer des choses comme les droits dans le domaine du travail; les droits sociaux, comme des soins de santé de qualité, l'enseignement public, l'aide sociale, les pensions de vieillesse et d'autres services qui répondent à des besoins sociaux en particulier; les normes en matière d'environnement, et le développement culturel. En outre, les étudiants s'inquiètent que la libéralisation du commerce et des investissements n'entraîne une déstabilisation de notre économie et rende le Canada inapte à soutenir le développement d'entreprises appartenant à des Canadiens.

La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants est particulièrement en faveur d'une taxe Tobin, qui devrait aider à réglementer la spéculation sur les devises. Lors des prochaines négociations avec l'Organisation mondiale du commerce, nous croyons fermement que le Canada devrait viser une taxe sur la spéculation monétaire, ainsi que toute autre mesure qui peut être introduite dans le but de stabiliser le climat mondial de l'investissement. Compte tenu des récents effondrements économiques qui ont eu lieu en Asie et du ralentissement qu'a connu par la suite l'économie de la Colombie-Britannique, le Canada doit viser un climat plus stable en matière d'investissements, afin que les caprices du marché ne donnent pas lieu à des mouvements de spéculation qui déstabilisent des économies régionales entières.

Compte tenu de certaines des préoccupations que nous venons de mentionner—et j'espère que le comité va prendre le temps de lire tout le mémoire que nous avons mis à votre disposition—je voudrais recommander que le Canada insiste sur les points suivants: une évaluation complète des effets de la libéralisation du commerce et des investissements, y compris les effets sociaux, économiques et environnementaux; un climat stable en matière d'investissement, y compris l'introduction d'une taxe sur la spéculation monétaire; le droit du Canada de créer des emplois pour ses citoyens, d'améliorer la réglementation en matière d'environnement, de protéger la culture canadienne, de protéger et d'améliorer des programmes sociaux financés par l'État, comme le système de santé et les services sociaux, et de protéger et améliorer le système public d'enseignement postsecondaire du Canada.

Nous ne discutons pas uniquement de la nature publique du système d'enseignement postsecondaire, mais également de la nature publique d'un grand nombre de services que fournit le gouvernement canadien, y compris les soins de santé. Lorsqu'on considère la fourniture de biens publics, nous pouvons constater, en particulier dans le cas de l'éducation, qu'il existe un niveau offert par le système public qui ne peut être assuré par l'entremise du système privé. Si on considère le système privé ici au Canada, on peut voir que les étudiants qui ne sont pas en mesure de rembourser leur prêt étudiant—-le sont, lorsqu'ils fréquentent des établissements privés, à un degré deux fois supérieur que ceux qui fréquentent des établissements publics. Ainsi, les institutions publiques offrent un niveau et une qualité d'enseignement qui peuvent être contrôlés de façon démocratique, mais qui sont également beaucoup plus élevés que dans le cas des établissements privés.

Particulièrement en ce qui a trait à l'éducation, tout ce qui est visé dans ces accords doit protéger l'éducation de haute qualité et la nature démocratique du système d'éducation.

Nous remercions le gouvernement du Canada et les membres du comité de nous avoir donné l'occasion de présenter notre exposé aujourd'hui. Nous répondons volontiers à toute question.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Veerkamp, je peux vous assurer que votre mémoire sera non seulement lu mais fera également partie de l'ensemble du dossier. Malgré le fait que vous ayez raccourci votre exposé, votre mémoire sera versé en entier au compte rendu.

Au nom de mes collègues, je remercie chacun d'entre vous pour des exposés très réfléchis. Nous avons reçu votre message cinq sur cinq. Nous nous réjouissons de pouvoir poursuivre le dialogue avec vous. Ceci est le commencement de notre consultation. N'hésitez pas à fournir de la documentation supplémentaire à la greffière ou aux membres du comité, si d'autres questions deviennent importantes pour vos membres et pour les étudiants.

• 1635

Merci beaucoup d'être venu.

Monsieur Ridley est le premier vice-président de l'Hospital Employees' Union. Merci, monsieur Ridley, de vous joindre à nous. Je suis désolée, nous avons pris un peu de retard. Je vous invite donc à faire votre exposé.

M. David Ridley (premier vice-président, Hospital Employees' Union): Merci.

Tout d'abord, je m'appelle David Ridley et je suis le premier vice-président de l'Hospital Employees' Union, ainsi qu'un travailleur de la santé à l'hôpital Royal Jubilee à Victoria. J'aimerais préciser que lorsqu'un militant âgé tel moi vient à la suite d'un groupe de militants tel celui dont nous venons d'entendre le témoignage et que le message est le même, je trouve cela particulièrement encourageant parce que je sais que lorsque je ne serai plus un militant, ce seront eux qui feront entendre le message.

L'Organisation mondiale du commerce était censée créer la prospérité et la richesse à l'échelle mondiale et améliorer le bien-être de toutes les personnes. Il nous semble que les résultats sont à l'opposé: la richesse est concentrée dans les mains de quelques-uns, il y a de plus en plus de pauvreté chez une plus grande partie de la population mondiale, et des rythmes insoutenables de production et de consommation. Nous nous attendons aux mêmes résultats dévastateurs si la zone de libre-échange des Amériques se concrétise.

L'Hospital Employees' Union représente 44 000 membres et se joint à la demande d'un moratoire sur les accords commerciaux multinationaux. Avant de négocier l'ALENA ou avant d'élargir l'OMC, nous devons tout d'abord évaluer l'incidence du commerce libéralisé sur le développement, la démocratie, la santé, l'environnement, les droits de la personne, les droits des travailleurs ainsi que les droits des femmes et des enfants. À ce chapitre, le Canada devrait prendre la direction. Nous avions espéré que la réponse du public à l'AMI aurait déjà transmis au gouvernement ce message clair. L'électorat canadien ne tolérera pas des programmes arrangés, le manque de débats démocratiques ou des propositions qui n'avantagent que les intérêts étroits des sociétés.

Sergio Marchi dit qu'un accord commercial du type de l'AMI demeure l'objectif et nous savons d'après un document coulé que l'Union européenne favorise la même chose en ce qui concerne l'Organisation mondiale du commerce. Ils font remarquer que ces questions seront controversées et que le résultat idéal pourrait ne pas être l'accord définitif, mais le principal point est d'obtenir que les règles relatives aux investissements soient passablement implantées dans l'OMC et que d'autres améliorations à ces règles et une libéralisation additionnelle puissent faire partie des programmes à venir.

L'HEU, ce qui n'est d'ailleurs pas surprenant, est extrêmement préoccupé au sujet de la dévastation que ces accords pourraient signifier pour le régime d'assurance-maladie. Les multinationales veulent retirer plus de profits d'un régime de soins de santé public qui représente 73 milliards de dollars par année. Des droits commerciaux élargis pourraient leur remettre ce régime entre les mains s'ils ne sont pas correctement négociés. Les hôpitaux, qui font face à d'importantes diminutions du financement, se sont déjà tournés vers des sociétés partenaires, qui exigent que leurs intérêts soient servis plutôt que ceux des malades ou du public.

• 1640

Le tiers de notre régime de soins de santé, y compris les soins de longue durée, les soins infirmiers à domicile, les buanderies d'hôpital, les services de restauration, les cliniques, les laboratoires et de nombreux autres services sont déjà fournis par l'entreprise privée à but lucratif. Ce mélange de participation publique et privée dans notre régime de soins de santé le rend particulièrement vulnérable à une privatisation plus accentuée.

Outre l'émiettement du régime d'assurance-maladie, les entreprises pourraient bloquer les améliorations à l'hygiène publique. Par exemple, un programme national d'assurance-médicaments deviendrait probablement impossible. Il l'aurait certainement été en vertu de l'AMI. Les efforts déployés par la C.-B. pour contrôler la publicité et les ventes de produits du tabac seraient selon toute vraisemblance interdits. Une indemnisation plus étendue de l'expropriation compenserait les compagnies pour des pertes éventuelles de profits et ouvrirait la porte à des accusations voulant que le régime même d'assurance-maladie reçoive une subvention injuste du gouvernement.

Les exigences en matière de rendement, tel qu'il est indiqué dans l'AMI, signifieraient que notre gouvernement ne pourrait pas obliger l'utilisation de main-d'oeuvre ou de biens locaux, ou transférer la technologie à un organisme local. Cet aspect a des répercussions particulièrement importantes pour les systèmes d'information de santé et pour la personne qui détient et contrôle les logiciels qui contiennent l'information sur les malades. Des questions telles la confidentialité, la vente de renseignements pour le développement de marchés, la propriété des bases de données et logiciels, doivent toutes être prises en compte.

Le gouvernement canadien ne semble pas préoccupé par tout cela. Grâce à une subvention de 155 millions d'Industrie Canada, un consortium d'Ottawa, CANARIE, soit le Réseau canadien pour l'avancement de la recherche, de l'industrie et de l'enseignement, veut mettre au point une autoroute nationale de l'information de santé comportant des portes vers les marchés internationaux. Le rôle du gouvernement devrait être de protéger le public canadien, mais dans le présent cas il semble essayer d'éliminer les barrières commerciales et subventionner la recherche et le développement, aux dépens de l'intérêt public.

Il y a de nombreuses questions qui sont sans réponse au sujet de l'incidence de l'ALENA et de l'Organisation mondiale du commerce sur les soins de santé. Un moratoire permettrait un examen complet de ces questions et serait une occasion de prendre des décisions éclairées. Le groupe de travail de l'OMC sur l'accord concernant les marchés publics envisage le droit pour les fournisseurs étrangers d'avoir des droits égaux pour soumissionner dans le cas de marchés pour des administrations sous-centrales. Qu'est-ce que cela signifierait pour un hôpital ou un conseil de santé? Quelle serait l'incidence sur nos collectivités? La seule question que notre gouvernement pose vient d'une étude sur l'accès des marchés qui veut savoir de quelle façon les exportateurs canadiens pourraient en tirer avantage. Qu'en est-il des avantages pour le public?

Nous ne tirons aucune satisfaction de notre expérience jusqu'à maintenant. En vertu de l'ALENA, le Canada a versé au fabricant américain, Ethyl Corporation, 19,3 millions de dollars en indemnisation après l'interdiction par notre gouvernement de son additif pour l'essence MMT. Nous avons même eu droit à une déclaration selon laquelle cet additif MMT est sûr, malgré l'interdiction imposée pour protéger la santé des Canadiens.

En vertu de l'Organisation mondiale de la santé, l'Union européenne a reçu l'ordre de lever son interdiction à l'égard du boeuf contenant des hormones artificielles, et les États-Unis ont été forcés d'abroger des dispositions de leur Clean Air Act. Pendant que notre gouvernement fédéral déclarait que le régime de soins de santé au Canada était sûr en vertu d'une réserve dans l'ALENA, même le gouvernement n'était pas convaincu par la suite que les réserves pourraient protéger nos soins de santé et a négocié des lettres d'entente distinctes avec les États-Unis et le Mexique afin d'exempter explicitement les soins de santé.

Nous disons que les soins de santé doivent explicitement et inconditionnellement être exemptés de tout accord commercial. L'assurance-maladie au Canada n'a pas été construite sur des principes du marché et ne devrait pas non plus l'être. Les deux sont tout simplement incompatibles.

Notre responsabilité ne va pas uniquement à l'endroit des Canadiens, mais aussi des citoyens d'autres pays qui ont des échanges commerciaux avec nous. Nous ne pouvons pas combattre les effets négatifs d'une économie mondiale pays par pays. Il y a toujours un plus bas soumissionnaire; il y a toujours un autre pays qui participera sur une base volontaire, ou à la suite d'une oppression militaire, à l'exploitation de ses propres citoyens. Pendant ce temps, l'écart entre les nantis et les démunis s'élargit et des économies entières s'effondrent.

La portion de 20 p. 100 des plus riches de la population mondiale obtient 150 fois plus que la portion de 20 p. 100 des plus pauvres. La plupart des gens, soit 3,5 milliards de personnes, ne partagent que 5,6 p. 100 du revenu mondial. La mondialisation a obligé de nombreux pays à s'endetter tellement que le redressement économique est impensable. Les politiques du FMI ont eu pour résultat que de nombreux pays ont vendu leurs actifs publics et qu'il y a eu une élimination des protections de la monnaie. Leurs infrastructures et programmes sociaux ont été complètement sapés par les politiques du plus petit commun dénominateur.

Ces pays ont besoin d'une certaine chance de stabilité financière. Le milieu syndical, les églises, les groupes communautaires et d'autres organismes ont mis sur pied la campagne Jubilee 2000 visant à annuler la dette du tiers-monde. Cette campagne invite les pays les plus riches du monde à annuler les remboursements de la dette, qui en réalité a été repayée de nombreuses fois à cause des frais d'intérêt élevés.

• 1645

Des sociétés canadiennes ont investi énormément dans des pays où elles obtiennent les meilleures transactions, par exemple les opérations minières au Nicaragua, au Brésil, au Chili, en Indonésie et dans d'autres pays où les travailleurs sont exploités de façon épouvantable, les droits de la personne sont bafoués et les préoccupations environnementales ignorées.

Il existe un esclavage virtuel dans de nombreux coins du monde et la main-d'oeuvre enfantine est en hausse. Un lieu de travail où on retrouve couramment des enfants, ce sont les mines. Aujourd'hui, en Colombie, des enfants de six ans transportent de l'eau, chargent du charbon et mènent les mulets dans les mines. C'est la nouvelle concurrence pour le Canada. Des enfants sont vendus pour rembourser les dettes de leur famille ou ils travaillent pour empêcher leur famille de mourir de faim tandis que leurs parents se voient refuser du travail parce que les employeurs préfèrent les enfants. Les enfants travaillent également dans des usines, comme domestiques, dans les fermes, dans des bordels, dans les armées, dans la construction et dans des ateliers de misère.

Après une campagne internationale intense, Nike a mis fin au travail des jeunes de 12 et de 13 ans dans ses usines. Il coûte à Nike 3 $ pour produire une paire de chaussures; Nike paie ses travailleurs vietnamiens 1,50 $ par jour. Si c'est ce que nous obtenons d'une société internationale qui réagit à l'outrage du public, imaginez les conditions des personnes exploitées par des sociétés qui ne sont pas exposées de la même façon.

Le commerce mondialisé est également étroitement lié à la militarisation, tant entre les pays qu'au sein des pays. Les travailleurs et leurs représentants, les défenseurs des droits de la personne et d'autres qui résistent ou s'élèvent contre les abus des sociétés font l'objet d'intimidation, d'agression, de torture ou de meurtre par les militaires de leur propre pays, ou par les milices privées engagées par les entreprises étrangères.

Les hauts dirigeants canadiens qui ont témoigné devant votre comité le 9 mars ont affirmé que la libéralisation du commerce et la privatisation ont eu des avantages pour l'Amérique latine. La suggestion même que la privatisation ait été bonne parce qu'elle donne aux dirigeants gouvernementaux moins d'occasions d'être corrompus ignore complètement les violations ouvertes des droits de la personne et de l'environnement par de nombreuses sociétés.

En conclusion, nous croyons qu'il nous faut prendre du recul et procéder à un examen complet et transparent des conséquences de ce modèle de mondialisation économique, tant à l'interne au Canada qu'à l'externe pour les pays plus pauvres.

Le prochain cycle du millénaire de l'Organisation mondiale du commerce est une occasion pour le Canada de chercher à obtenir un moratoire pour permettre cet examen. Nous vous demandons d'adopter cette vue plus large et d'entreprendre cette initiative au nom de la population canadienne.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Ridley.

Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Merci, madame la présidente.

Je tiens à vous remercier de comparaître devant le comité, monsieur Ridley. En ce qui concerne le partenariat privé-public qui existe dans divers secteurs du régime des soins de santé, vous laissez entendre que cela détruira en bout de ligne, ou a le potentiel de détruire le régime de soins de santé tel que nous le connaissons aujourd'hui.

Vous et moi et tout le monde savons qu'il y a une pénurie de fonds pour accomplir certaines choses qui doivent être faites. L'une des façons d'y parvenir, c'est grâce à des partenariats privés-publics d'une sorte ou d'une autre, et ils prennent de très nombreuses formes. Parfois, ce sont des partenariats directs; dans d'autres cas, on procède par voie de contrats, par exemple l'impartition des services de buanderie et des choses de ce genre.

Pourriez-vous être un peu plus explicite quant à exactement en quoi cela est une menace pour le régime d'assurance-maladie, tel que nous le concevons au Canada aujourd'hui?

M. David Ridley: Merci pour votre question.

Cette question est de toute évidence en première ligne pour l'instant. Voyons si je peux vous donner un exemple.

Supposons que le matériel d'un hôpital est vétuste et que cet hôpital souhaite examiner toute la question de la production alimentaire. Une entreprise se présente et dit «Nous pouvons faire beaucoup pour vous. Nous refinancerons au complet la remise à neuf de vos cuisines. Nous vous donnerons tout le matériel dont vous avez besoin et nous fournirons également la nourriture. Nous vous donnerons des appareils de remise en température. La nourriture va dans vos appareils de remise en température et vos problèmes de capitaux disparaîtront» Quel pouvoir est-ce que cela donne à cette entreprise? Il doit y avoir un contrat de cinq ans. Au terme du contrat, cette entreprise est toujours propriétaire du matériel, ce qui donne à l'entreprise un pouvoir incroyable sur le conseil de cet hôpital qui fait partie de l'entente. Si le conseil de l'hôpital ne signe pas une nouvelle entente, alors le matériel est retiré et vous n'avez plus de nouveau matériel.

• 1650

Vous pouvez prendre cet exemple et le transposer avec des laboratoires. Si l'entreprise est propriétaire de l'équipement, alors elle a beaucoup de pouvoir. Parce qu'une compagnie est en affaires pour faire des profits, elle a alors également ce pouvoir. Ce que vous constaterez, c'est que la qualité diminuera. Nous avons eu cette expérience en Colombie-Britannique où une entreprise telle Versa Food a obtenu une entente et réduit la nourriture donnée aux malades. Cela peut sembler un service de base, distinct de la santé, mais ce ne l'est pas. La nourriture est très importante, et la qualité des aliments est très importante.

Donc, dans une petite mesure, il s'agit d'une diminution de la qualité des soins de santé. Et plus les soins de santé sont réduits en fait de qualité, plus il y a danger d'une privatisation accrue et en fait que des gens se tournent vers d'autres solutions que le système public.

Je suis fermement convaincu que la Loi canadienne sur la santé, qui parle d'administration publique, de financement public... que nous appuyons tout cela. Je me demande si cela ne vise pas nécessairement les partenariats publics-privés. Je pense qu'il est très important de suivre l'esprit de la loi, parce que plus des entreprises privées accaparent notre système de soins de santé, alors plus il est difficile de la maintenir comme un régime de soins de santé socialisé.

M. Werner Schmidt: Vous soulevez une question très importante, et elle est également très controversée, j'en conviens. La question brève est, comment est-ce que le système de soins de santé devrait être financé?

M. David Ridley: Il y a de nombreuses façons innovatrices pour pouvoir financer le régime de soins de santé. Par exemple, et je conçois que cela devient politique, si vous voulez prendre les établissements de soins de longue durée à Victoria, nous avons une liste d'attente de 900 personnes. Nous avons construit 75 établissements de soins de longue durée cette année pour la région de la capitale et nous devons en construire 75 l'an prochain. Le problème est à deux volets. Premièrement, comment financez-vous le personnel? La réponse est que vous pouvez en fait le faire parce que beaucoup de gens qui devraient être dans des établissements de soins de longue durée sont actuellement dans des établissements de soins de courte durée. Ils engorgent le système de soins de courte durée, qui est beaucoup plus dispendieux que le système des soins de longue durée.

Donc, où est-ce que vous obtenez les capitaux? Il y a des solutions de rechange. Il y a les fonds de retraite des syndicats qui pourraient peut-être servir de cette façon. Si une entreprise peut se présenter et recueillir les capitaux et en retirer un profit pour construire des installations de soins de longue durée, alors il devrait être possible pour les administrations provinciales de recueillir ces fonds à un taux plus faible. J'ai dit que cela devient politique parce que cela s'ajoute à la dette provinciale; tout est lié au budget. Dans la réalité, si vous empruntez de l'argent et que vous remboursez cette construction à même les fonds des soins de santé, ce qui est possible, sinon nos entreprises occidentales ne s'impliqueraient pas, pourquoi est-ce que le gouvernement ne pourrait pas avancer cet argent? Il peut l'obtenir à un taux d'intérêt faible. Il y a des endroits où on peut obtenir de meilleurs taux que dans les banques. Envoyez ces dollars des soins de santé à la C.-B. plutôt que dans les coffres des multinationales.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Madame Beaumier.

Mme Colleen Beaumier: Je n'ai qu'un commentaire au sujet des soins de longue durée. En Ontario, nous avons le docteur William Malloy, et je crois que le gouvernement provincial est sur le point de commencer à faire une partie du travail. Au Canada, nous avons le spécialiste des soins gériatriques. Il prononce des allocutions aux États-Unis. Le Japon a adopté son système; l'Allemagne a adopté son système. C'est moins dispendieux que ce que nous faisons ici, et d'une façon ou d'une autre nous, en tant que Canadiens, devrions lui accorder un peu plus d'attention et examiner plus sérieusement ce qu'il propose. Je ne sais pas pourquoi j'ai dit cela, sauf que je sais que nous avons la connaissance ici au Canada.

M. David Ridley: Est-ce que je pourrais vous demander le nom du médecin?

Mme Colleen Beaumier: Oui, je vous le donnerai après.

M. David Ridley: Merci. Je vous en serais reconnaissant.

• 1655

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Ridley. Au nom de mes collègues, j'aimerais vous remercier d'être venu nous rencontrer et de nous avoir présenté votre témoignage. Vous pouvez être certain que j'ai mis de grandes étoiles à côté de certaines de vos recommandations. Nous reconnaissons l'importance de vos recommandations précises, parce que c'est ce que nous espérons faire avec notre rapport ce printemps—pas seulement des recommandations générales, mais des recommandations précises au ministre et, en bout de ligne, à nos négociateurs à mesure que nous poursuivons notre consultation.

Comme je l'ai dit auparavant, nous en sommes au début de nos consultations permanentes. N'hésitez surtout pas à communiquer avec le comité s'il y a d'autres questions qui selon vous devraient être avortées. Merci beaucoup d'être venu.

M. David Ridley: Merci, madame la présidente, et merci, membres du comité.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): La séance est levée. Nous reprendrons à 18 heures précisément.

SÉANCE DU SOIR

• 1801

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Bonsoir, mesdames et messieurs. Le comité permanent des affaires étrangères et du commerce international reprend ses travaux et souhaite la bienvenue à tous nos témoins ici ce soir parmi nous.

Nous vous avons réservé une heure ce soir pour vos témoignages. Vous avez un maximum de dix minutes par exposé. Nous vous encouragerions à tout simplement lire vos recommandations, ou à même donner un résumé de votre exposé, parce que nous trouvons que le processus des questions et des réponses donne de meilleurs résultats. Si nous avons une occasion de demander à certains de mes collègues de poser des questions, nous le ferons. Cependant, si vous voulez tout simplement remettre vos témoignages écrits, sentez-vous bien libres de le faire. Je vous remets le contrôle. Après dix minutes, je vous donnerai un signal d'une minute de sorte que nous puissions avoir la chance d'entendre tout le monde, car je sais que tout le monde a travaillé bien fort pour son exposé.

Je vous souhaite la bienvenue au nom du comité. Je vous remercie beaucoup d'être venus ce soir et de prendre le temps d'être avec nous, loin de vos familles.

Nous entendrons d'abord Connie Fogal, présidente du Parti action canadienne.

M. Bob Speller: Madame la présidente, avant de commencer, est-ce que les témoins pourraient nous indiquer s'ils nous ont remis un mémoire? J'en ai quelques-uns ici sur lesquels il n'y a aucun nom et j'aimerais pouvoir suivre.

Mme Connie Fogal (présidente, Parti action canadienne): Oui. Je m'appelle Connie Fogal et je suis la présidente du Parti action canadienne. Je m'excuse de ne pas avoir un mémoire écrit pour vous. J'essaierai de vous faire parvenir quelque chose plus tard. Quoi qu'il en soit, vous avez probablement une transcription.

Ce que je vais faire principalement, c'est un peu de suivre une partie de l'exposé que M. Paul Hellyer, le chef du Parti action canadienne, a fait devant le comité législatif de la province de la Colombie-Britannique. Ces idées seraient faciles pour moi à mettre ensemble, et non seulement essayer de vous rappeler ce que je vous dis. J'essaierai de vous envoyer cela, parce que cela pourrait être différent de ce que vous entendez d'un grand nombre d'autres intervenants.

Ma première préoccupation, c'est de vous manifester ma frustration du fait qu'il ne semble pas y avoir un document écrit de la zone de libre-échange des Amériques. Il est très difficile de se présenter devant un organisme et de parler de nos préoccupations au sujet de la zone de libre-échange des Amériques lorsque nous n'avons pas un texte sur lequel nous fonder. Il n'y en a pas sur le site web. Nous avons écrit, téléphoné et essayé d'obtenir des copies, et nous n'en avons pas. Si vous en avez, nous aimerions certainement les avoir.

M. Bob Speller: Il n'y en a pas.

Mme Connie Fogal: C'est ça l'histoire. Comment est-ce que notre ministre du Commerce, M. Marchi, peut faire des négociations? Nous savons qu'il a participé à diverses réunions, et nous savons qu'il parle de modalités. Il nous a dit qu'il veut prendre pour modèle l'ALENA pour ce qui est de la zone de libre-échange des Amériques, ainsi qu'un grand nombre de modalités liées aux investissements de l'accord multilatéral sur l'investissement. Donc, tout ce que nous pouvons faire devant vous, c'est de vous parler de nos préoccupations en ce qui concerne le processus global de mondialisation ou de corporatisation.

Nous sommes à la même enseigne que nous étions dans le cadre de l'accord multilatéral sur l'investissement. Nous sommes pris, parce que nous ne pouvons pas vraiment le combattre devant les tribunaux étant donné que nous n'avons aucun texte. Nous n'obtenons pas de texte. Quelque chose pourrait être réglé avant même que nous ayons un texte entre les mains.

Je vous présente donc ma demande, en tant que citoyenne, et ma demande en tant que présidente du Parti action canadienne, à savoir qu'il est absolument et fondamentalement essentiel que les citoyens aient une occasion de lire ce texte. C'est un peu une situation absurde de se présenter devant vous et de parler d'un accord quand nous n'en connaissons pas les modalités.

• 1805

Par exemple, nous supposons, à la suite des renseignements que M. Marchi a rendus publics de temps à autre, qu'il prendra pour modèle l'ALENA et qu'il incorporera un grand nombre des modalités de l'accord multilatéral sur l'investissement. Nous l'avons entendu dire que ces modalités prennent une voie rapide. Nous sommes donc préoccupés.

Quelle sera l'obligation en temps en ce qui concerne la zone de libre-échange des Amériques? Y aura-t-il une position nationale une fois de plus en faveur des sociétés? Y aura-t-il des tribunaux secrets extérieurs aux paramètres juridiques du Canada une fois de plus? Parlons-nous encore, ce dont je suis sûre, de la perte de souveraineté, de nos capacités en tant que nation de prendre des décisions dans nos intérêts?

Vous savez la boîte dans laquelle vous vous trouvez avec l'ALENA et les contestations qui ont eu lieu dans certains cas que vous avez déjà eus devant vous, tel Ethyl Corporation. Nous avons en ce moment en Colombie-Britannique une contestation au sujet de l'eau. C'est en cours. Mais devant ces tribunaux, personne parmi nous ne peut savoir de quoi ils discutent, à quel endroit ils discutent, quelle sera probablement la cause.

Vous, en tant que parlementaires, pouvez établir les lois en vertu de l'ALENA, et en vertu de l'AMI, cela aurait été la même chose, et je suppose qu'il en sera de même en vertu de la zone de libre-échange des Amériques. Mais si vous le faites, et cela contrevient aux ententes que nous avions prises dans ces accords, nous, en tant que contribuables, allons devoir payer. Nous allons être punis. Donc, en effet, vous êtes inutiles en tant que nos représentants: vous ne pouvez vous acquitter de votre devoir même si vous le voulez parce que si vous le faites, nous allons être punis en tant que citoyens parce que vous allez contrevenir à ces accords.

Il y a quelques préoccupations fondamentales. Nous nous présentons devant vous pour dire que pour cette fois, dans le cadre de la zone de libre-échange des Amériques, il y a des questions importantes qui ont été soulevées en vertu de l'accord multilatéral sur l'investissement. Un grand nombre d'entre vous les ont entendues; vous avez déjà eu des audiences à ce sujet. Ces préoccupations restent en vertu de la zone de libre-échange des Amériques. Nous avons absolument besoin de connaître les modalités.

La question de mondialisation et de corporatisation étant un fait accompli est une chose que nous, en tant que citoyens des diverses nations de monde, et que nous, en tant que nations peuplant la Terre, au sujet de laquelle n'avons aucun choix: nous devons accepter. C'est ici et nous devons composer avec. Eh bien, le Parti action canadienne est d'avis que ce n'est pas vrai. Il s'agit du rêve d'une élite, 1 p. 100 du monde. C'est ce que 1 p. 100 veut, mais ce n'est pas ce que je veux, ce n'est pas ce que le Parti action canadienne veut, et ce n'est pas ce que la majorité des Canadiens veulent. Et il est faux de dire que nous devons composer avec. C'est vrai que nous vivons différemment, et nous devrons vivre différemment dans l'avenir, parce que si nous ne le faisons pas, nous sommes dans le chaos complet.

Je vais maintenant lire quelques-uns des renseignements que M. Paul Hellyer a présentés à l'organisme provincial sur la question de la mondialisation, sur la question du chaos qu'elle crée et sur la question de l'argent, essentiellement.

Je ne dis pas que les mêmes modalités s'appliquent à la zone de libre-échange des Amériques: que la mondialisation n'est pas inévitable et qu'elle n'est pas bonne. Lorsqu'il est question de services financiers, c'est assurément une mauvaise chose. Et si c'est inévitable, alors que Dieu vienne en aide au monde. D'où, pensons-nous, vient le chaos qui est survenu un peu partout à travers le monde dans les diverses économies qui se sont effondrées? Cela vient de la mondialisation des services financiers. Tous ces accords que vous voyez ont trait aux services financiers. Tout a rapport aux investissements.

Vous ne pouvez pas avoir un chien de garde international. C'est impossible. Si vous lisez ce qui sort du Fonds monétaire international et de la Federal Reserve et de le Banque mondiale, il n'y a pas un seul de ces organismes qui avait prévu l'ampleur des problèmes que nous allions avoir et que nous expérimentons. Mais s'ils avaient lu leur histoire économique, ils auraient su ce qui allait survenir, parce qu'en vertu de notre système, la dette augmentait deux fois plus rapidement que l'économie réelle, et si la dette parvient au point où elle ne peut plus être soutenue, il y a un effondrement. C'est ce qui s'est passé dans toutes les années après la Révolution industrielle, jusqu'à la Crise de 1929, puis nous avons modifié le système.

À l'heure actuelle, après 25 années du système que nous avons créé dans le monde, nous l'avons modifié et nous sommes revenus à une réincarnation du système qui existait avant la Crise. Que se passe-t-il? Les plus grosses banques du monde ne sont pas uniquement des créanciers, elles sont des spéculateurs. Elles font des choses comme examiner une monnaie, tel le baht thaïlandais, et disent qu'elles pensent que cette monnaie est un peu surévaluée et elles vont donc miser sur sa dévaluation. Elles vendent alors la monnaie et la font chuter. Elles ont le pouvoir de faire se réaliser leurs prévisions et de remporter leur pari. La devise s'effondre, et l'économie du pays s'effondre avec elle. Le FMI s'empresse à la rescousse et amène l'argent des contribuables pour les sortir du pétrin. Mais ce ne sont pas les citoyens de ces collectivités et de ces pays qui obtiennent l'argent; l'argent va aux créanciers. Ce sont les investisseurs internationaux qui empochent le profit.

• 1810

Donc cette spéculation sur l'argent a détruit des pays et a causé des dommages à autant de gens, si vous faites la multiplication, comme ce qui s'est passé lors de la Crise de 1929. Et ce n'est que le début. Alors, des gens tels les dirigeants de General Motors sont en mesure de s'amener et d'acheter les actifs à des prix planchers incroyables. Par exemple, il y a un groupe représentant les plus grosses banques d'Amérique qui est allé en Indonésie pour décider des entreprises publiques qui devraient être nationalisées, et ce groupe a décidé à qui ces entreprises allaient être vendues et ce qui devrait être vendu.

Le professeur Chossudovsky, un économiste de l'Université d'Ottawa, parle de General Electric aux États-Unis qui achète la seule usine de fabrication d'avions en Union Soviétique, celle qui approvisionne tout l'empire soviétique. Ils l'ont acheté pour 360 000 $, ce qui correspond à peu près au prix d'un moteur. Vous voyez, ils peuvent décider du montant qu'ils vont payer et ils peuvent cibler des industries.

La description que fait Paul Hellyer de cette situation, c'est que c'est odieux. Et notre devise n'est pas non plus à l'abri. Ces types peuvent cibler n'importe quelle monnaie, et ils cibleront cette monnaie et en le faisant, ils entraîneront la chute des prix. Il a dit que c'était 1928 que nous revivions. C'est exactement la même chose qui a entraîné la crise du système auparavant.

Je sais que je n'ai pas beaucoup de temps. Il y a quelques autres renseignements dans cet exposé de M. Hellyer, et nous vous les ferons parvenir. Il presse les parlementaires de faire leur devoir. Il n'est pas le seul à écrire sur le sujet, de ce qui se passe sur le plan financier à l'échelle internationale; il y a un bon nombre d'universitaires et de bons écrivains dans le domaine.

Mais c'est ma supplique que je vous présente en tant que citoyenne, et c'est la demande que je vous fais, en me présentant devant vous en tant qu'autre parti enregistré, pour dire, dans notre intérêt à tous, vous devez faire votre devoir à l'endroit de ce sur quoi vous nous engagez. Vous devez vous en remettre à vos hauts fonctionnaires pour vous aider, mais ils ne font pas le travail suffisamment bien. Ils ne vous donnent pas les renseignements dont vous avez besoin.

Par exemple, combien d'entre vous, si vous étiez là au moment de la signature de l'ALENA, ont lu l'accord et savaient ce qu'il disait? Nous savons qu'un grand nombre des membres du Congrès américain ont dit «Si j'avais lu cet accord, je ne l'aurais jamais signé». Vous ne compreniez pas vraiment; vos hauts fonctionnaires ne vous ont pas dit ce qu'il signifiait vraiment. Maintenant, vous le savez, parce que vous savez ce que nous devons payer.

Je terminerai sur ce point, et j'essaierai de vous faire parvenir quelque chose par écrit. Je vous presse, dans notre intérêt à tous, de bien vouloir prendre le temps dont nous, en tant que citoyens, avons besoin pour que vous le fassiez comme il faut.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, madame Fogal.

À titre d'information, l'une des raisons pour lesquelles notre comité a été chargé de mener ces consultations sur les négociations à venir, tant à l'échelle multilatérale que régionale, c'est de le faire, pour la première fois dans l'histoire parlementaire, avant que les négociations commencent.

M. Connie Fogal: Eh bien, nous savons que les négociations ont commencé, évidemment, et il n'en demeure pas moins qu'un grand nombre de citoyens ne peuvent être ici aujourd'hui parce que le système que vous avez mis sur pied est un peu prohibitif. Il y en a beaucoup d'entre eux qui ne sont pas habitués à écrire. Il y en a un grand nombre qui se sont fait dire qu'ils ne pouvaient être ici à moins qu'ils présentent des mémoires écrits. Nous n'avons rien su des données précises avant il y a une semaine. Vous n'avez donc pas bien fait votre travail pour ce qui est d'aider ces citoyens à se présenter devant vous.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous vous remercions de vos commentaires et nous les prenons certainement en délibération.

Nous entendrons maintenant monsieur Jordan et monsieur Peeling du Defence of Canadian Liberty Committee.

M. Jim Jordan (Defence of Canadian Liberty Committee): Merci, madame la présidente et membres du comité.

Je suis heureux d'être ici ce soir et de vous parler du Defence of Canadian Liberty Committee. Notre thème portera sur les valeurs commerciales internationales, la constitution et la loi. Je vais abréger mon exposé de façon à ce que vous puissiez entendre notre conseiller juridique, M. Peeling, qui a des choses très importantes à dire au sujet des aspects juridiques auxquels nous avons affaire devant les tribunaux.

Mais j'aimerais commencer en disant que la constitution du Canada n'appartient ni au Parlement ni aux assemblées législatives; elle appartient au pays. Et c'est là que les citoyens du pays trouveront la protection de leurs droits. C'est une décision de la Cour suprême du Canada, Nouvelle-Écosse (procureur général) c. Canada (procureur général), 1951.

J'aimerais également vous faire remarquer que les questions commerciales sont réelles dans ce sens que, à part la guerre, la politique mondiale ne l'est pas. Lorsque des hommes d'État américains examinent ce qui est politiquement possible, ils devraient se rappeler le fait suivant: pour le citoyen moyen, les conséquences des décisions commerciales internationales, même celles prises par des institutions supranationales, sont de plus en plus claires et réelles. La plupart des autres changements qui surviennent dans le monde ne sont que des choses qui passent aux nouvelles du soir.

• 1815

Le Defence of Canadian Liberty Committee est un groupe de citoyens très préoccupés qui s'inquiètent considérablement de la large portée des accords internationaux sur le commerce et les investissements et de leur potentiel pour saper la constitution du Canada, sa souveraineté, ainsi que les droits et libertés des personnes. Le Defence of Canadian Liberty Committee est une société enregistrée sans but lucratif dans la province de la Colombie-Britannique et elle est basée à Vancouver.

La principale raison d'être du comité est de contester devant les tribunaux le droit du gouvernement canadien d'engager le Canada dans des accords internationaux sur le commerce et les investissements qui, selon nous, contreviennent à notre constitution, à notre souveraineté, à nos droits et libertés ainsi qu'à la primauté du droit. Notre deuxième raison d'être est d'informer et d'éduquer la population canadienne en ce qui concerne les actions du gouvernement qui nous engage dans ces accords internationaux sur le commerce et les investissements.

À cette fin, le comité a intenté une poursuite devant la Cour fédérale du Canada le 23 avril 1998, qui est instruite en ce moment. J'ai joint à mon mémoire la demande originale et la motion présentée devant les tribunaux. Le comité a également un site web où on peut trouver d'autres renseignements sur le comité et sa contestation juridique. L'adresse du site web du comité est www.canadianliberty.bc.ca.

Le Defence of Canadian Liberty Committee reçoit son financement et un autre soutien de milliers de Canadiens de tous les coins du pays animés des mêmes sentiments qui estiment que leurs représentants élus leur font défaut et par conséquent ils doivent se tourner vers les tribunaux pour protéger leurs droits, qui leur reviennent.

J'aimerais dire quelques mots au sujet de citations que vous trouverez dans notre mémoire préparé par Sylvia Ostry, qui était l'ambassadrice du Canada auprès du GATT. Dans ces trois citations, vous constaterez qu'elle énonce l'état dans lequel elle voit les négociations de l'Organisation mondiale du commerce—le fait qu'ils se regroupent pour essayer de trouver un nouvel ordre international, mais c'est voilé d'un brouillard d'incertitudes. Ils ont cette grande vision, mais elle a besoin d'un leadership politique visionnaire, qui selon nous n'existe pas.

J'aimerais passer aux valeurs de la constitution et du droit de primauté. La chose la plus importante pour laquelle nous nous battons devant les tribunaux est l'usurpation des valeurs canadiennes. Dans une lettre adressée au président du Defence of Canadian Liberty Committee le 27 août 1998, l'honorable Sergio Marchi disait: «Il faut clairement comprendre que le gouvernement ne signera aucun accord (AMI) à moins qu'il ne favorise et ne protège nos valeurs et intérêts nationaux».

Dans une autre déclaration faite dans le cadre d'une réunion des ministres de l'OCDE à Paris, en France, le 27 avril 1998, M. Marchi disait: «Le seul AMI satisfaisant pour le Canada est celui qui servira les intérêts du Canada et appuiera les valeurs canadiennes».

Nous estimons qu'il est louable que M. Marchi accorde une telle importance aux valeurs et intérêts canadiens, et ne signera rien à moins qu'ils soient protégés et favorisés. Cependant, il n'a pas défini ce que sont les valeurs canadiennes. Étant donné que le Parlement et le gouvernement ont à définir les valeurs canadiennes, le Defence of Canadian Liberty Committee croit qu'il est approprié de recommander à votre comité que toutes négociations nationales ou internationales à venir au sujet de la définition des valeurs partagées se fondent sur celles contenues dans la décision de la Cour suprême au sujet du renvoi devant la cour de la question de le sécession du Québec du Canada le 20 août 1998.

• 1820

La définition des valeurs, c'est la raison d'être du Defence of Canadian Liberties Committees. Dans sa décision unanime, le tribunal dit que les valeurs partagées sont:

    Au cours des 131 années depuis l'avènement de la confédération, les gens des provinces et des territoires ont tissé des liens étroits d'interdépendance (économiquement, socialement, politiquement et culturellement) fondés sur des valeurs partagées qui incluent le fédéralisme, la démocratie, le constitutionnalisme et la primauté du droit, ainsi que le respect des minorités.

Pour terminer, le Defence of Canadian Liberty Committee croit que les valeurs partagées des Canadiens définies par la Cour suprême du Canada représentent parfaitement les valeurs que le comité, ainsi que d'autres Canadiens avec nous, essaie de protéger par l'entremise de sa contestation devant les tribunaux. Ces valeurs sont la souveraineté, la démocratie, le respect de la constitution et de la primauté du droit. Nous espérons que notre gouvernement et notre Parlement respecteront et protégeront ces valeurs, tel que l'a dit M. Marchi, au moment de négocier des accords commerciaux mondiaux.

J'aimerais maintenant céder la parole à monsieur Peeling.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Jordan, pour vos recommandations très concrètes.

Monsieur Peeling.

M. Albert Peeling (Defence of Canadian Liberty Committee): Merci.

J'ai ici un document qui est joint à celui de M. Jordan.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui, il est là. Vous pourriez peut-être nous en donner les faits saillants, monsieur Peeling, de façon à l'avoir parcouru dans les quatre prochaines minutes.

M. Albert Peeling: Oui. J'essaierai d'être aussi bref que possible.

Il y a essentiellement quatre préoccupations que j'ai énoncées dans ce document qui découlent d'une analyse juridique de l'ALENA, qui est, je crois comprendre, le modèle des négociations dont il est question ce soir. Ces préoccupations portent sur le fédéralisme, sur l'égalité devant la loi, sur l'application de ces accords et sur la renonciation à la souveraineté canadienne.

Tout d'abord, en ce qui concerne le fédéralisme, il est fondamental que bien que le gouvernement fédéral ait compétence sur le commerce et les échanges, cette compétence ne s'étend pas au commerce interprovincial. Donc, tout accord de libre-échange qui est censé donner aux investisseurs étrangers et aux commerçants étrangers une immunité contre l'application des lois provinciales locales va au-delà de la portée de la compétence fédérale. Et je crois que dans l'accord de libre-échange, l'ALENA, il y a précisément ce problème.

La deuxième préoccupation est celle de l'égalité devant la loi. Cette préoccupation comporte deux aspects: dans la mesure où ces accords ont pour objet de conférer des exemptions en définissant de façon large l'expropriation afin que les investisseurs étrangers puissent se plaindre lorsque des gouvernements prennent des mesures qui vont à l'encontre de leurs investissements, le pouvoir exécutif n'agit pas dans les limites de sa compétence; et dans la mesure où le Parlement est censé donner ces exemptions à des investisseurs étrangers, il agit d'une façon contraire au principe de l'égalité devant la loi, qui est enchâssé dans la Charte canadienne des droits et libertés. Donc toutes ces exceptions doivent être justifiées. Il est improbable que les exemptions globales envisagées dans ces accords commerciaux puissent jamais être justifiées. Cela découle des principes énoncés par la Cour suprême, selon lesquels il doit y avoir un test proportionnel, rationnel. Il doit s'agir d'une violation minutieusement conçue du principe de l'égalité.

La préoccupation sur le plan de la procédure en ce qui concerne l'égalité vient de la création de tribunaux internationaux pour régler les différents découlant de ces accords. Les investisseurs étrangers, pour la première fois dans le cadre de ces accords, ont le droit de se plaindre devant des tribunaux internationaux lorsqu'ils estiment que leurs droits en vertu du traité ont été violés. Les traités n'ont jamais pu être mis en application par des particuliers. Ce sont des accords entre États de sorte qu'il s'agit d'un prolongement du droit international dans ce qui était auparavant une loi exclusivement nationale.

• 1825

Le droit international permettrait à un pays de se plaindre lorsqu'un autre pays porte préjudice à ses investisseurs, mais ce n'est pas ce qui se passe ici. Ces tribunaux donnent aux investisseurs étrangers des droits que nous, en tant que citoyens du pays, n'avons pas. Ils leur donnent des droits dans un tribunal international, et cela en soi viole, à mon humble avis, les dispositions de la constitution, plus précisément les articles 96 et 101 de la constitution, qui confèrent au gouvernement fédéral le pouvoir de nommer les juges de la cour supérieure. Dans mon allégation, le traitement des investisseurs, qu'ils soient étrangers ou des citoyens du pays, est une question qui relève de notre droit national et, dans la mesure où cette compétence est remise à un tribunal international, cela viole les dispositions de la constitution.

En bout de ligne, l'effet de ces accords est qu'ils limitent la capacité du gouvernement canadien de gouverner le Canada. C'est ce que nous avons vu dans le différend opposant Ethyl Corporation au Canada, lorsque le Parlement avait promulgué une loi qui interdisait le transport interprovincial d'une substance nocive pour la santé humaine et l'environnement. Lorsque Ethyl Corporation a intenté des poursuites devant le tribunal de l'ALENA, la loi a été abrogée.

Cet effet paralysant sur la capacité du gouvernement canadien d'agir dans l'intérêt public et dans l'intérêt de ses citoyens est quelque chose de franchement remarquable et épeurant. Cela revient à abandonner la souveraineté canadienne dans les mains des sociétés étrangères et c'est quelque chose, encore une fois, qui est interdit en vertu de la constitution de notre pays.

Je dois dire qu'on m'a dit qu'il s'agit seulement d'un traité et qu'il doit être ratifié en vertu de la loi nationale avant que les tribunaux d'ici le reconnaissent. Mais le point le plus important au sujet de ces traités, c'est qu'ils comportent leurs propres dispositions d'application.

Un traité que le Canada signe en droit international peut lier le Canada, qu'il soit ou non reconnu par nos tribunaux nationaux, au tribunal qui instruit le différend. Donc, si un tribunal mis sur pied en vertu de l'un de ces accords décide que le Canada est lié aux dispositions de l'accord, peu importe ce que notre loi nationale dit, le Canada est lié parce que le différend doit être entendu au niveau international.

Cela représente donc un déplacement fondamental de la souveraineté qui passe de l'État-nation à la souveraineté des sociétés, et il s'agit d'une étape dont vous, les parlementaires, nos représentants élus, devriez vous méfier, selon moi. Je ne crois pas que vous ayez été élus pour permettre que cela se produise.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Le prochain témoin est monsieur Argue, du Groupe de travail sur la pauvreté. Je vous souhaite la bienvenue.

M. John Argue (Groupe de travail sur la pauvreté, Amnistie Internationale): Merci beaucoup.

Je m'appelle John Argue. Je fais partie d'un groupe qui s'appelle le Groupe de travail sur la pauvreté. Et pour vous dire en quelques mots ce que nous représentons, nous sommes un certain nombre d'organismes, tant communautaires que gouvernementaux, dont la préoccupation est de collaborer dans la vallée du bas Fraser et partout en C.-B. à essayer d'éliminer, si possible, ou à tout le moins de réduire la pauvreté, en particulier chez les immigrants et les réfugiés.

• 1830

Il y a d'autres organismes de lutte contre la pauvreté dans la province, Cependant, ils s'intéressent aux préoccupations générales liées à la pauvreté, auxquelles nous nous identifions et que nous appuyons, mais nous avons créé notre organisme parce que différents organismes communautaires et certains offices gouvernementaux également s'inquiétaient vraiment que des immigrants et des réfugiés passent entre les mailles du filet. C'est pour cette raison que nous nous sommes formés.

Nous sommes devant vous ce soir parce que nous sommes inquiets relativement à ces accords internationaux et à leur effet possible, en pensant que la pauvreté subit l'influence de facteurs locaux, nationaux et internationaux. En ce qui concerne la libéralisation du commerce international et les effets éventuels d'accords commerciaux sur les politiques et programmes canadiens, les groupes membres de notre réseau, de la coalition du Groupe de travail sur la pauvreté, ont vraiment peur des effets éventuels. Nous ne les connaissons tout simplement pas.

En fait, ce que j'ai à dire est plutôt simple franchement. Nous voulons exprimer de cette crainte.

Je devrais dire pour commencer que nous sommes très heureux que votre comité parcoure le pays. J'ai aimé la déclaration que la présidente a faite un peu plus tôt, à savoir qu'il s'agit de la première fois dans l'histoire parlementaire. Nous approuvons cela et nous sommes très heureux de vous faire part de notre préoccupation à l'égard de ces questions.

Toutefois, nous aimerions également manifester notre espoir que le comité ne se contente pas tout simplement de faire un rapport au gouvernement et que le gouvernement aille de l'avant et s'entende au sujet d'un accord international. J'espère que le fait que le comité ait des audiences partout au pays est une indication qu'il y aura un dialogue et une consultation avec les habitants de notre pays, et nous espérons que cela se fera avant que la Canada conclue un accord international quelconque qui aurait une incidence sur les programmes ou les lois qui sont visés.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): À titre d'information, l'une des choses que j'ai dites ce matin mais que je n'ai pas répétée chaque fois que nous nous réunissons, c'est que nous avons en fait affiché sur le site web plusieurs questions et sujets de discussion pour le public. De plus, lorsque nous remettrons notre rapport avant que la Chambre ne suspende ses travaux pour l'été, nous espérons qu'un guide à l'intention des citoyens sur l'OMC sera joint au rapport. Il restera encore amplement de temps alors pour présenter d'autres mémoires.

Je ne voulais pas vous interrompre, mais je devais apporter cette précision.

M. John Argue: Non, je vous en remercie. Je pense que je peux vous affirmer que nos membres l'approuvent et qu'ils sont heureux de l'entendre également. Nous allons visiter le site web d'une façon plus attentive et vous ferons parvenir nos préoccupations sur ce site également. Merci.

Je tiens à faire remarquer que la partie de la C.-B. qui fait partie du Conseil des Canadiens est un membre de notre réseau et nous tenons à lui donner crédit parce que je pense que le Conseil des Canadiens a été particulièrement actif pour faire connaître les préoccupations des gens ordinaires et de différentes organisations d'un bout à l'autre du pays. Ils ont certainement défendu leurs préoccupations au sein de notre réseau, et nous en tant que réseau complet reconnaissons leurs préoccupations.

Je ne suis pas un avocat, de sorte que je ne vais pas analyser des choses que je ne comprends vraiment pas. Je donne dans le mémoire quelques exemples de préoccupations que différents groupes de notre réseau ont. Je ne devrais même pas dire le mot mémoire; il ne s'agit que de quelques pages. Il y plusieurs organismes qui se préoccupent du logement, ou des soins de santé, ou encore des services sociaux touchant directement les immigrants et les réfugiés.

En somme, je pense que la préoccupation des divers groupes, selon leur domaine propre d'expertise, est que n'importe laquelle de ces entreprises, ou n'importe lequel de ces domaines de travail, pourraient être menacés par une entreprise privée qui s'inquiéterait de savoir si la plupart d'entre eux ont une forme de financement gouvernemental et par conséquent menacent leurs profits et conséquemment leur fassent une concurrence injuste; et je comprends que cela leur donnerait le droit de les traîner devant les tribunaux. Un grand nombre des groupes qui composent le réseau du Groupe de travail sur la pauvreté sont vraiment inquiets de cela.

Essentiellement, nous pressons le gouvernement de rendre publiques ces discussions; et vous avez déjà répondu à cela. Je suis heureux que ce soit sur le site web.

Le deuxième point, c'est que nous voulons tout simplement mettre l'accent sur notre inquiétude au sujet du fait que le filet de sécurité sociale, qui forme tous les programmes, divers organismes et diverses lois fédérales, soit protégé. Quelqu'un disait plus tôt que les traités internationaux menacent éventuellement les valeurs même des Canadiens, et je pense que cela reflète effectivement la préoccupation des membres du Groupe de travail. Nous ne voulons pas que notre filet de sécurité sociale soit réduit. Nous nous préoccupons vraiment qu'il soit protégé.

• 1835

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Madame Wanczura, vous avez la parole.

M. John Argue: Pourrais-je intervenir une seconde? Je représente ici deux groupes. Je suis ici pour Amnistie International également, au cas où cela vous aurait échappé.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Est-ce que vous poursuivez?

M. John Argue: C'est un exposé différent, c'est tout. Mais oui, j'aimerais poursuivre.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Oui, je vous reviendrai alors. Merci, monsieur Argue, de m'avoir rappelé ce point.

Mme Angela Wanczura (porte-parole, Education & Training Employees Association, et section locale du College Institute Educators' Association de Colombie-Britannique): J'ai quelques copies supplémentaires de mes notes, si quelqu'un est intéressé à en avoir une copie.

Je suis une enseignante d'ESL et vice-présidente de notre syndicat d'enseignants, Education & Training Employees Association. Ce syndicat fait partie du College Institute Educators' Association, mais nous sommes la seule école privée ESL au sein de cet organisme. Quoi qu'il en soit, pour vous dire quelques mots au sujet de notre organisation, notre école est une entreprise privée. Tous nos étudiants doivent payer et nous devons livrer la marchandise de sorte que...

Ce que je vais dire peut sembler environnementaliste ou anti-entreprise, mais ce ne l'est absolument pas. Mon frère et ma soeur, etc, ont des entreprises.

Le mois dernier, notre syndicat a signé la demande d'un moratoire sur d'autres accords commerciaux de l'OMC et une demande de révision des accords existants. Cette demande a été présentée par Les Ami(es) de la Terre, je pense, mais peu importe qui a présenté cette demande. Des groupes sociaux, des syndicats, des groupes environnementaux, tous sont inquiets parce que cela touche tout le monde.

La raison pour laquelle nous appuyons cela est générale. Ces accords touchent tout le monde, y compris les travailleurs, qu'ils soient syndiqués ou non, les chômeurs, qu'ils contribuent ou non de façon active et démontrable à la société en ce moment. Ces choses nous affectent quotidiennement. Un exemple que les gens soulèvent, une fois qu'ils apprennent cela, c'est l'histoire du MMT dans le cadre de l'ALENA. Eh bien, il en est question tous les jours. Il y a de très nombreuses choses comme cela—les services sociaux et tout le reste. Ce sont les aspects généraux.

Mais il y a deux raisons particulières. Premièrement, il semble que le processus qui mène à ces accords ne soit pas démocratique. Il semble qu'il nous ait été imposé. Comme nous le savons, l'ALENA est le premier. Et je me fiche bien qu'il prenne pour modèle cela ou non, cela signifie que le précédent—et voilà, nous sommes pris pour, l'instant. Il nous a été imposé, et cela signifie que l'entreprise est plus importante que le gouvernement pour ce qui est de la façon dont les décisions sont prises, de la façon dont elles sont revues ou non et de la façon dont on peut en appeler. L'information sort et bien que l'AMI ait été l'histoire de l'année qui n'ait pratiquement pas fait les manchettes l'an dernier, grâce au travail d'un si grand nombre de bonnes gens et des médias de rechange, maintenant l'information sort et les gens commencent à comprendre les répercussions.

Si vous jetez un coup d'oeil à mon beau petit diagramme à gauche, il semble que c'est cela qui se passe. Nous avons mis l'argent au centre du pouvoir et des relations dans notre société. Ce n'est pas parce qu'ils ont inventé l'argent, mais parce que maintenant nous leur donnons ce pouvoir. Et il ne s'agit pas de nos entreprises et de nos collectivités locales; il s'agit des grosses transnationales.

Donc, les gens ne veulent pas de ces grands accords qui enlèvent le pouvoir au gouvernement et qui touchent les gens de si nombreuses façons. Dans ce diagramme, nous avons cette idée d'externalités, et chaque fois que j'explique cela à quelqu'un, qu'il s'agisse de mes collègues syndiqués ou de quelqu'un d'autre, cela les choque tous que des facteurs sociaux et environnementaux soient des externalités, ou qu'ils soient externalisés. Eh bien, je suis désolée, mais ils ne le sont pas. Ils interpénètrent nos vies. C'est ça la vie. Et vous ne pouvez pas avoir un système qui considère la vie ainsi et qui dirige tout. C'est ce que nous avons, Nous avons cet argent au milieu qui est contrôlé par les gens... C'est une planche de jeu—nous sommes contrôlés par l'entreprise à qui on a donné le pouvoir de créer l'argent, c.-à-d. les banques, et le pouvoir de modifier les règles du jeu pendant le jeu.

Dans ce système, les gens et le gouvernement sont marginalisés. Ils sont tassés sur le côté. On leur donne moins de pouvoirs et ils sont séparés. Un grand nombre de gens ne s'en soucient pas et ne veulent pas participer au gouvernement; ils ne votent pas. Eh bien, il y a une bonne raison pour laquelle ils ont perdu confiance, il suffit de regarder de quelle façon cela fonctionne.

Évidemment, dans notre cercle à gauche, nous avons la nature et la biodiversité, toutes les choses qui constituent la vie—énergie, Terre, air, eau. On met tout cela dans le système, dans le jeu, et on le projette d'un coup de pelle à l'extérieur du jeu, comme s'il s'agissait de déchets, de produits toxiques, de pollution, de détritus et de monoculture. On le considère comme infini, puis il en ressort sans valeur. Nous n'avons pas créé la valeur; nous l'avons détruite dans ce système.

• 1840

J'ai dressé ce portrait afin que les gens comprennent la situation et sachent de quelle façon les choses semblent aller, à quel point la personne moyenne ne comprend pas l'OMC, l'AMI—et je parle de personnes instruites, soi-disant des professeurs; ces personnes ont des diplômes; sont capables de lire le journal, et tout le reste. Elles ne comprennent pas l'OMC, l'AMI, le PIB, sans parler du CCCE, du TCIF, de la SAP, du PNB, du CBM et du CNC. Il y en a plein d'autres, mais ce que je veux dire, c'est que j'ai passé beaucoup de temps à apprendre toutes ces choses, et je suis fière de l'avoir fait, et je peux le leur expliquer. Ce n'est pas parce que ces gens ne le comprennent pas; c'est parce qu'il n'en a pas été question correctement dans nos journaux. Comme nous le savons, nos journaux appartiennent aux personnes les plus riches du Canada. Cela vous dit quelque chose.

Du côté droit, il y a une vision, qui est en quelque sorte mon résumé du travail de milliers de spécialistes, scientifiques, chercheurs et gens d'affaires, partout dans le monde. Une société durable—il y a de la place pour les entreprises là-dedans. Cet objet—ce n'est pas un bon dessin, mais c'est un cerveau. Il y a de la créativité là ainsi que de la productivité et de la concurrence, et on devrait s'en servir non pour faire passer l'argent ici et là et pousser les gens de côté, mais pour créer des emplois verts. Les gens ont une place. Ils ont une façon de contribuer, tant par la participation démocratique que par le travail, contribuer à la société de nombreuses façons différentes. Le gouvernement a son rôle.

Je pense que tout le monde ici connaît l'expression «répercussion de l'impôt», de sorte que je ne suis pas obligée de l'expliquer de façon très détaillée.

Il semble que chaque chose dans ce système fonctionne et que chaque personne obtient quelque chose; dans ce système, la plupart des gens n'obtiennent rien. C'est ce que j'appelle l'«exclusionomie», bien qu'il s'agisse seulement d'une économie néo-libérale, ou peu importe. C'est la version générique de la Reaganomie, je suppose. Quoi qu'il en soit, c'est, pour être gentil, irréaliste à long terme. Je ne vois pas de quelle façon cela pourrait fonctionner, à moins que vous vouliez continuer à tuer un beaucoup de gens.

Les gens sont en colère parce que le système fonctionne de cette façon, et ils sont d'accord que le système fonctionne de cette façon. C'est pourquoi je suis ici aujourd'hui, et c'est pourquoi nous demandons un moratoire sur ces accords ainsi qu'une révision des accords. Il est évident que le système actuel n'est pas axé sur le bien-être, qui est ce qui est au centre de tout ceci.

C'est tout.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Mme Angela Wanczura: Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): En raison du diagramme, peut-être que nous pourrions faire des copies pour permettre aux membres du public d'en profiter.

Mme Angela Wanczura: Si quelqu'un en veut une copie, je serai heureuse d'en le mettre sur le site web.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Magnifique. Merci beaucoup.

Marc Bombois.

M. Marc Bombois (témoignage à titre personnel): Bonjour. Merci beaucoup.

Je m'appelle Marc Bombois. Je suis un résident de Squamish. J'ai en ma possession une lettre de notre ministre des Finances, Paul Martin, que vous connaissez tous et que vous aimez, j'en suis sûr. Il m'a écrit en réponse à une lettre que je lui avais fait parvenir au sujet des mes préoccupations à l'égard des systèmes financiers nationaux et mondiaux. Dans cette lettre, il m'assure que la première préoccupation du gouvernement est le bien des Canadiens et l'économie canadienne, et j'ai même son autographe ici.

Je ne peux pas le croire. J'ai étudié étroitement le système financier, l'ALENA, l'OMC et le FMI, la sensibilisation à laquelle je suis parvenu est incontournable. Toutes ces organisations et tous ces accords sont mis sur pied pour profiter uniquement à l'élite riche. Tout ce qu'on dit quand on parle de faire ce qu'il y a de mieux pour les Canadiens ou pour les peuples du monde, ce n'est que de la foutaise. Si c'était vrai, il n'aurait jamais signé l'ALE et l'ALENA. Lorsque l'ALE a été signé, le représentant commercial américain en chef, Clayton Righter, a dit que les Canadiens ne savaient pas ce qu'ils avaient signé; dans vingt ans, ils seront aspirés dans l'économie américaine.

Les libéraux étaient dans l'opposition à l'époque et ils ont qualifié l'ALE de la loi sur la vente du Canada, qui est bien ce que c'est. Pourtant, maintenant, ils le défendent, même après l'incroyable scandale du MMT. Comment peuvent-ils? Ils ont abrogé la loi et ont versé à Ethyl Corp. 20 millions de dollars. Quelle parodie! Comment se fait-il que nous ne puissions pas sortir de l'ALENA? Qu'est-il devenu de la préoccupation principale du gouvernement? L'ALENA a donné le pouvoir sur notre nation a des société transnationales qui ne veulent rien savoir de nous ou de ce que nous voulons. Devons-nous croire que les choses seront mieux sous cette OMC-ZLEA? Évidemment pas. Ces accords, ces organisations, sont mis sur pied uniquement pour protéger l'élite riche et accroître le pouvoir et le privilège de cette élite.

Nos riches politiciens d'expérience collaborent tous. Le 9 avril, nous avons vu notre premier ministre se tenir devant les caméras avec Ernesto Zedillo, président du Mexique, qui dirige l'un des gouvernements les plus corrompus du monde. Ils ne tarissaient pas d'éloges à l'endroit de l'ALENA. Jean Chrétien a dit qu'il avait amené la prospérité au Mexique. Eh bien, c'est de la foutaise. Le Mexique a signé en janvier 1994. En décembre 1994, le peso s'est effondré. Pratiquement du jour au lendemain, les États-Unis et le FMI ont trouvé 50 milliards de dollars pour sortir le Mexique de sa situation. Rien à faire, l'effondrement s'est poursuivi. En 1995, le PIB réel au Mexique a chuté de 7 p. 100—un désastre. Le peso a perdu la moitié de sa valeur, le taux d'inflation annuel a bondi pour s'établir à 52 p. 100, et plus d'un million de personnes ont été mises à pied. Le salaire minimum réel a plongé de 34 p. 100. Des milliers ont perdu leur voiture et leur maison. Mais il n'y a aucun partisan qui appelle cela une dépression.

• 1845

Pendant ce temps, comment est-ce que cela allait pour les banques? Ces sauvetages du FMI ne sauvent pas les gens ordinaires, comme l'a fait remarquer Conney Fogal plus tôt. Ils s'assurent que les riches continuent de recevoir leurs paiements d'intérêt. En un an, alors que les plus pauvres parmi les Mexicains ont perdu tout ce qu'ils avaient, CityBank, seulement à titre d'exemple, a réussi à dégager un profit de 81 millions de dollars de ses opérations au Mexique.

Ici au Canada, après dix ans d'ALE et d'ALENA, nous sommes pris avec une devise faible, une dette considérable, un taux de chômage élevé, et, ce qui est encore pire, le désespoir. Le programme de l'élite riche a détruit les espoirs et les rêves de centaines de millions de personnes partout dans le monde, des gens innocents qui ont mis leur confiance dans les pouvoirs et se sont fait avoir en retour. Les exemples sont légions. Il est évident, et les résultats parlent d'eux-mêmes, que l'ALENA , effectivement la mondialisation, est une conspiration des riches pour diminuer la souveraineté des nations et pour remplir leurs propres poches, peu importe ce qui arrive aux autres. Les résultats parlent d'eux-mêmes, il suffit de regarder les actions passer et d'examiner les résultats, et vous avez ce qu'il faut.

Il ne fait aucun doute dans nom esprit que L'OMC-ZLEA fait partie de cette conspiration. Et je sais que «conspiration» est un mot fort, mais l'AMI a vraiment vendu la mèche, de sorte que nous pourrions dire qu'un pic c'est un pic. Peut-être que le plus grand mal de cette conspiration, c'est le système bancaire international. Sir Josiah Stamp, un directeur de la Banque d'Angleterre de 1928 à 1941, disait:

    Le système bancaire a été conçu dans l'iniquité et est né dans le péché. Les banquiers sont les propriétaires de la Terre. Enlevez leur le pouvoir mais laissez-leur le pouvoir de créer de l'argent, et d'un trait du stylo ils créeront suffisamment d'argent pour le racheter. Cependant, enlevez-leur le pouvoir et toutes les grandes fortunes comme la mienne disparaîtront, et elles doivent disparaître, car ce serait un monde plus heureux et meilleur dans lequel vivre. Mais si vous voulez demeurer les esclaves des banquiers, et payer le coût de votre propre esclavage, laissez-les continuer de créer de l'argent.

Henry Ford Sr disait:

    Si les gens de la nation comprenaient notre système bancaire et monétaire, je crois qu'il y aurait une révolution avant demain matin.

Et c'est ce que je pense. J'ai étudié le système financier, national et mondial, depuis plus de cinq ans maintenant. J'estime que je suis bien informé, et je ne peux pas rester tranquille. Je peux vous assurer que ma conviction vient du fait de regarder les résultats, pas seulement d'écouter les opinions. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que si les gens du Canada savaient ce que je sais au sujet de l'ALENA, du système bancaire, du programme de l'élite riche, que la révolution serait dans la rue avant demain matin. Et nos politiciens le savent.

Le placotage, les propos ambigus, la désinformation, la médiocrité et l'incompétence que nous devons subir est vraiment pathétique. Par exemple, l'autre jour je naviguais sur le site web du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. À la page de l'AMI, on dit que les négociations concernant l'AMI ont cessé sans que l'on parvienne à un accord. Eh bien, parfait. Mais ils disent ensuite que ceci apporte une clarté et une fin à la question. C'est un mensonge. La question est loin d'être close. Elle fait l'objet de la présente audience. La question est que l'élite riche cherche à consolider d'avantage son pouvoir et sa richesse par des organisations et des accords tels l'OMC-ZLEA. La question est que la compassion, l'attention et la considération pour les autres sont absents du programme de l'élite riche, des négociations OMC-ZLEA.

Tel que je l'ai mentionné plus tôt, la source de l'immense pouvoir de l'élite riche est le système bancaire international. Les banquiers ont réussi à décrocher le privilège de créer de l'argent, ce qu'ils font comme par enchantement. Les gouvernements nationaux du monde entier doivent reprendre le pouvoir de la création et du contrôle de l'argent dans leur pays, et ils doivent le faire pour le bien de leur population, non seulement les quelques puissants.

Donc moi, Marc Bombois, citoyen canadien et contribuable en règle, demande à Jean Chrétien, à Paul Martin, à Sergio Marchi, à Lloyd Axworthy, et au gouvernement du Canada de démontrer que le préoccupation première du gouvernement est le bien des Canadiens et de l'économie canadienne, en instituant une réforme monétaire et en reprenant la direction de la création et du contrôle l'argent au Canada, en se retirant immédiatement de l'ALENA, en refusant d'appuyer les actions destructrices du FMI ou d'y participer et de demander le démantèlement de cette organisation dégoûtante, et de donner l'exemple à l'OMC et au monde entier en faisant preuve d'un vrai leadership compatissant en mettant fin aux incroyables injustices du système actuel—cette règle établie par les riches pour les riches—et d'arrêter de se moquer de la démocratie. Merci.

[Note de la rédaction: Applaudissements dans la salle]

• 1850

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup pour votre intervention passionnée.

Le prochain témoin sera monsieur Fenton, puis madame Bauer, vous partagez...

Mme Sandra Bauer (témoignage à titre personnel): Non, j'ai été catégorique lorsqu'on nous a demandé à l'origine de comparaître avec Mme Smallwood, la député provinciale, ce matin que nous avions des témoignages distincts et on nous a assuré que nous aurions chacune 10 minutes.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Très bien. Merci pour cette clarification. Vous avez la parole madame Bauer.

M. John Argue: Puis-je me permettre? Je dois quitter, je suis désolé. J'ai de toute façon un mémoire écrit.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Argue, aimeriez-vous passer maintenant? Je suis désolée, je ne me suis pas rendu compte que vous deviez quitter. Si vous devez quitter, je préférerais que vous nous fassiez part de vos observations.

M. John Argue: Je vous remercie.

Bien simplement, je représente Amnistie Internationale. Je fais partie du conseil d'administration de la section canadienne anglophone d'Amnistie. Amnistie, bien simplement, se préoccupe de la question des droits de la personne, qu'elle ne soit pas discutée dans le cadre des accords commerciaux internationaux. Nous craignons vraiment des résultats de ce genre.

Comme vous le savez peut-être, Amnistie est une organisation qui existe depuis 1961, et elle se préoccupe des droits individuels, politiques et civils de la personne étant donné que c'est son mandat clair. Ce qui se passe en ce moment au sein de l'organisation, c'est qu'elle évalue de quelle façon assurer le plus efficacement possible ces droits d'un bout à l'autre du monde face à l'augmentation des pouvoirs des multinationales. Le fait est que certaines multinationales ont un PIB supérieur à plusieurs États dans le monde, ce qui soulève la question de la façon efficace de protéger les droits de la personne.

Donc la seule argumentation que j'ai est de véritablement presser le gouvernement canadien, à son tour, de préciser avec insistance que tout accord international auquel il participe et également d'autres organisations telles l'OMC ou tout autre accord régional qui pourrait déboucher sur la ZLEA, considèrent qu'ils sont essentiellement importants aux valeurs non seulement des gens partout dans le monde, mais aussi pour la plupart des nations du monde qui ont signé des accords, y compris la Déclaration universelle des droits de l'homme et divers autres traités et accords qui ont développé la préoccupation à l'endroit des droits de la personne.

Nous implorons donc le Canada et son gouvernement d'inclure les droits de la personne dans toutes les discussions entourant des traités qui ont beaucoup d'importance pour nos vies. Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Argue. Nous sommes heureux de tenir compte des besoins de chacun du mieux que nous pouvons.

Je m'excuse, madame Bauer, vous avez la parole.

Mme Sandra Bauer: Je suis une conseillère municipale du district de Squamish. En tant que collègue politicienne, je m'identifie également en tant que mère, infirmière professionnelle de soins de longue durée, citoyenne, membre de la société civile. C'est dans tous ces rôles que je m'adresse à vous aujourd'hui.

Vous avez déjà entendu plusieurs fois avant aujourd'hui certaines des choses que j'ai à dire, mais je pense qu'il est important que vous entendiez les mêmes préoccupations de façon répétée.

Selon un de vos avis écrits, les objectifs de la présente audience sont:

    [...] formuler au gouvernement des recommandations qui aideront à façonner les politiques canadiennes et les objectifs prioritaires au cours d'une période correspondant au processus international exhaustif qui est déjà en cours en vue des prochaines négociations de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

En outre, vous indiquez que cette initiative:

    [...] est une indication du rôle changeant du Parlement, et en particulier du comité, de fournir un forum pour la consultation démocratique des Canadiens avant la négociation d'accords internationaux.

Je vous demande d'examiner ces deux énoncés très attentivement. C'est sûrement plus que de simples paroles en l'air vis-à-vis des engagements pour une consultation démocratique auprès des citoyens du Canada. Jusqu'à maintenant, nous avons été des témoins impuissants tandis que nos gouvernements négociaient des accords commerciaux nettement anti-démocratiques. Nous nous sommes engagés depuis longtemps à la soi-disante libéralisation des investissements et du commerce avec les diverses rondes du GATT, l'accord de libre-échange Canada-États-Unis, l'ALENA, l'APEC, et la tentative échouée en vue de l'accord multilatéral sur l'investissement en vertu de l'OCDE, entre autres. Les résultats ont été remarquablement désastreux.

• 1855

Des pays partout dans le monde font face à une crise financière. Des économies entières s'effondrent. Des sociétés étrangères maintenant poursuivent des gouvernements si la loi nuit à leurs profits, peu importe que cette loi soit bénéfique aux particuliers et aux collectivités.

Une grande caractéristique de ces divers accords et des actions du FMI-Banque mondiale est leur rejet des droits démocratiques des citoyens non constitués en société et des gouvernements élus. Au contraire, ces citoyens et gouvernements sont assujettis aux droits des investisseurs corporatifs.

Dans l'ALENA, les gouvernements ne peuvent mettre sur pied de nouveaux programmes ou de nouvelles fonctions. Tout ce qui n'est pas actuellement en place doit être laissé uniquement au secteur privé. Les sociétés transnationales n'ont aucune responsabilité et personne ne peut les leur imposer. Ils mettent à pied des travailleurs, ils abandonnent des collectivités, ils endommagent l'environnement, et ils détruisent les entreprises locales selon leur bon vouloir. Ils poursuivent des gouvernements et les différents vont être réglés par des organismes non élus, souvent en secret.

L'OMC est l'un des organismes internationaux les plus non transparents. La plupart des décisions importantes sont prises lors de petites réunions informelles, auxquelles seulement quelques pays membres participent. C'est nettement non démocratique.

Il y en a beaucoup qui ont décrit les règles de l'OMC comme représentant rien de plus qu'un projet de loi international pour les sociétés transnationales. L'OMC a déjà renversé des lois nationales qui visaient à protéger l'air propre, les espèces en danger, la salubrité des aliments, la diversité culturelle, la santé publique et les droits de la personne.

L'Union européenne a été obligée de lever son interdiction à l'égard de boeuf contenant des hormones artificielles. L'interdiction, qui visait à protéger la santé humaine, a été jugée comme un obstacle illégal au commerce. Les États-Unis ont été forcés de retirer des dispositions de leur Clean Air Act lorsque leurs normes en matière de propreté de l'essence ont été jugées comme violant les règles du commerce. On a empêché le Canada de protéger notre industrie des magasines contre des publications américaines à tirage partagé.

Les citoyens et les gouvernements sont obligés de mettre de côté tous les objectifs sociaux et environnementaux au profit d'une plus grande libéralisation du commerce et de l'investissement. Bien que cela profite aux CNC, c'est à l'encontre de l'intérêt public.

Plus précisément, si on examine les répercussions sur les collectivités et les gouvernements locaux, l'ALENA couvre plus de 80 p. 100 du commerce du Canada et empêche déjà les gouvernements d'appuyer et d'améliorer nos économies pour le mieux-être de nos collectivités. Et bien que j'aie fait référence plus tôt à l'échec de l'accord multilatéral sur l'investissement, nous reconnaissons tous que l'AMI n'est pas mort.

Notre gouvernement continue de chercher à obtenir les mêmes genres de dispositions dans le cadre d'autres négociations internationales. À titre d'exemple de ces restrictions, mentionnons la capacité de donner un traitement préférentiel aux fournisseurs, entreprises et entrepreneurs locaux, la capacité de protéger les emplois dans nos forêts par des lois tel le code de pratiques forestières et l'accord sur le bois d'oeuvre; la capacité de protéger et d'améliorer les secteurs coopératifs et sans but lucratif afin de protéger nos ressources naturelles, nos industries culturelles; la capacité d'adopter des lois justes sur la main d'oeuvre et en matière de protection de l'environnement, et la capacité de contrôler l'utilisation des terres par des plans d'urbanismes officiels et des règlements de zonage.

Plus tôt cette année, le district de Squamish a accordé des concessions fiscales à une grande entreprise forestière en vue de conserver le moulin local et ses 185 emplois. En vertu des règles proposées sur l'investissement, cette subvention devrait également être offerte à d'autres entreprises étrangères.

Squamish a terminé récemment son plan d'urbanisme officiel révisé. La collectivité a reconnu que notre secteur riverain a un potentiel économique et environnemental considérable. Un processus actuel de planification déterminera probablement que des changements au zonage sont nécessaires afin d'atteindre les objectifs de planification et d'avantages pour la collectivité. Cependant, l'actuel propriétaire corporatif estimerait ce nouveau zonage une forme d'expropriation et exigerait une indemnisation.

Britannia Beach est une ancienne ville minière non incorporée, immédiatement à l'extérieur des limites de Squamish, qui fait partie du district régional du Squamish—Lillooet. La collectivité recherche une solution à la contamination continue du détroit de Howe causée par les eaux des roches acides. Une proposition actuelle demande le nettoyage de l'eau rejetée et la reprise des terres contaminées par l'exploitation minière en construisant et exploitant une usine de traitement des eaux des roches acides. Un élément essentiel de la proposition est l'exploitation d'une décharge commerciale pour le stockage des sols métallifères, qui générera suffisamment de recettes pour payer la construction et l'exploitation de l'usine de traitement des eaux de roches acides.

À cette fin, la décharge commerciale acceptera uniquement des sols métallifères venant uniquement de la C.-B. Le matériau sera strictement précisé et réglementé en vertu d'un permis provincial. Que se passerait-il si ce projet commercial aboutissait entre les mains d'une société transnationale? Est-ce que ce CNC pourrait demander d'y enfouir plus de déchets dangereux et, si on le lui refusait, intenter des poursuites pour profits éventuels perdus? Il y en a dans la profession juridique qui pensent que oui.

En tant que conseillère municipale, je fais partie du conseil de la bibliothèque publique de Squamish. Le conseil en vient aux mêmes conclusions que l'association des bibliothèques de C.-B. en ce qui concerne les accords du type de l'AMI. Il est possible que des bibliothèques publiques disparaîtraient tout simplement. En vertu des dispositions sur le traitement national, des sociétés étrangères ont le droit au même traitement que les entreprises nationales. Elles ne peuvent faire l'objet d'une discrimination et elles doivent recevoir les mêmes incitatifs que les entreprises nationales. Les bibliothèques, évidemment, reçoivent des subventions gouvernementales, principalement des administrations municipales dans notre cas, et des subventions devraient être offertes à toute entreprise étrangère offrant des services semblables. Les administrations locales ne pourraient se permettre cela, et elles n'auraient qu'un seul recours réel, celui d'éliminer le financement des bibliothèques.

• 1900

Notre gouvernement fédéral semble déterminé plus que jamais à donner aux sociétés des droits et des privilèges qui dépassent ceux qui sont accordés aux particuliers et aux gouvernements. S'il y a eu un manque complet de responsabilité, nous avons maintenant l'absurdité, tel que je l'ai déjà mentionné, de sociétés qui poursuivent des gouvernements démocratiquement élus pour mettre en oeuvre des lois et des règlements au nom de leurs citoyens.

Vous connaissez aussi bien que moi la liste: Sun Belt Water Inc. qui a intenté des poursuites à l'égard de l'exploitation de l'eau; Ethyl Corp's qui a gagné sa bataille juridique sur l'interdiction du MMT; et S.D. Myers qui menace de poursuivre le gouvernement canadien en raison de l'interdiction sur le commerce transfrontalier de matériaux toxiques.

Aux États-Unis, où l'Union européenne s'est servie du système de l'Organisation mondiale du commerce pour renverser une loi du Massachusetts limitant les affaires de cet État avec Myamar, la décision Tauro a mené les spécialistes juridiques à prédire que la décision met en péril de nombreuses lois locales et d'État, y compris des choses tel le programme d'«achat chez nous», et même les exigences relatives au contenu de matières recyclées.

Que devrait donc faire le Canada? Le gouvernement du Canada devrait interrompre ses discussions en vue d'une plus grande libéralisation du commerce et de l'investissement et amorcer tout d'abord un véritable dialogue avec les Canadiens. Les accords commerciaux internationaux doivent être au service de tous les peuples du monde, et non seulement des sociétés multinationales et surtout pas seulement de l'élite choisie. Pour que cela se produise, toutes les parties touchées, y compris tous les paliers de gouvernement de la société civile, doivent être à la table, et ce de façon significative.

Lors du prochain cycle du millénaire de l'OMC, le Canada devrait insister pour qu'on procède à une évaluation sérieuse des répercussions économiques, sociales et environnementales de la mondialisation de l'économie. De plus, le Canada devrait aborder le manque continu de transparence et de démocratie qui a conféré de plus en plus de pouvoirs aux CNC aux dépens de la société civile.

Toute proposition de modification aux règles ou nouveaux engagements de l'OMC à l'égard des pays doit être présentée sous forme d'ébauche au public au moins six mois avant qu'une décision soit prise. Chaque société civile de chaque pays doit avoir une occasion véritable d'étudier les propositions et avoir la possibilité d'influer sur la position du gouvernement. Des contrôles doivent être mis en place pour limiter la spéculation du capital, pour rendre les devises plus stables et non moins stables, et pour rendre les sociétés plus redevables, et non moins.

Les accords sur le commerce et l'investissement ne peuvent pas être négociés dans les milieux fermés des démarcheurs corporatifs et des dirigeants commerciaux. Les citoyens doivent avoir une véritable possibilité d'y contribuer. Les enjeux et les politiques sur la table doivent faire l'objet d'un examen et d'un débat de la part du public. On devrait chercher activement à connaître le point de vue de la société civile, y compris les syndicats, les entreprises, l'environnement, les agriculteurs, les spécialistes de la santé et tous les autres intérêts, et on devrait les écouter sincèrement.

Nous avons certainement retenu quelque chose de l'échec de l'OCDE avec l'AMI. N'allez pas penser que vous pouvez vous retirer derrière des portes fermées et sous terre. Nous le savons maintenant et nous serons vigilants. Merci.

[Note de la rédaction: Applaudissements dans la salle]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup pour cet exposé très succinct.

Monsieur Fenton, vous êtes le dernier, mais non le moindre.

M. Lyle Fenton (témoignage à titre personnel): Je vous remercie de me donner la possibilité de vous exposer mon point de vue.

Je suis un conseiller du district de Squamish. Notre municipalité est située à l'extrémité d'une anse sur la côte ouest. Notre collectivité dépend beaucoup de produits forestiers ainsi que du tourisme et du transport, et nous sommes actuellement en train de diversifier notre économie dans le secteur de l'éducation.

Je suis ici aujourd'hui avec l'approbation de mon conseil, qui a adopté une position ferme contre la façon dont l'accord multilatéral sur l'investissement a été proposé et le processus en vertu duquel il a été rédigé sous sa forme provisoire, tout comme de nombreuses autres municipalités de la C.-B.

Lors du congrès annuel de l'année dernière de l'union des municipalités de la C.-B., les membres ont adopté une résolution pressant le premier ministre Clark:

    [...] d'intervenir auprès du gouvernement fédéral immédiatement et d'exiger que le négociateur fédéral dépose une exemption permanente et explicite dans l'AMI en limitant son implication aux secteurs de compétence fédérale; et de diriger les ressources vers l'exploration d'options qui protégeraient la province, et par conséquent les municipalités et les districts régionaux qui sont des fonctions de la compétence provinciale, contre toute érosion des droits et pouvoirs des provinces résultant de l'AMI dans sa rédaction provisoire actuelle.

Après le retrait de la France des négociations sur l'AMI en octobre, l'union des municipalités de la C.-B. fait parvenir une lettre le 12 novembre 1998 au ministre fédéral du Commerce, Sergio Marchi, lui demandant que le Canada réexamine sa participation à d'autres pourparlers relativement à l'AMI, soit dans le cadre de l'OCDE, soit devant l'Organisation mondiale du commerce. Je citerai un passage de cette lettre:

    De concert avec une grande partie de la population canadienne, nous sommes d'accord que les intérêts privés ne devraient pas avoir préséance sur les intérêts nationaux des gouvernements élus. Il n'est pas clair pourquoi votre gouvernement serait prêt à abandonner son droit, et les droits d'autres administrations sous-nationales, d'adopter des lois qui reflètent les valeurs canadiennes et font de notre pays l'un des endroits les plus recherchés pour s'y établir [...]

• 1905

J'ai joint une copie de cette lettre à mon mémoire et je vous inviterais à la lire.

Ce n'est pas facile pour des conseillers municipaux tel moi de se tenir au courant de tous les nouveaux accords que le gouvernement fédéral semble constamment négocier ou de déterminer les répercussions qu'ils peuvent avoir sur notre capacité de représenter démocratiquement les intérêts des personnes qui ont voté pour nous. Ma préoccupation est que nous n'avons pas encore suffisamment de renseignements sur les répercussions des accords actuels, tel l'ALENA avec sa disposition en vertu de laquelle des investisseurs sont en mesure de poursuivre directement des gouvernements. La C.-B. fait à l'heure actuelle l'objet de poursuites en vertu de l'ALENA parce qu'elle a interdit l'exportation d'eau, et il semble qu'il y a de plus en plus de ces poursuites qui sont intentées.

Il est également difficile de faire des commentaires sur la façon dont les négociations sur le libre-échange des Amériques et de l'Organisation mondiale du commerce pourraient nous toucher au niveau local, parce qu'on ne nous a pas informés pour nous dire si les mêmes dispositions à l'égard des poursuites des investisseurs sont intégrées à ces accords et si les municipalités sont protégées. Si elles le sont, les administrations locales, sous la menace de litige, seront limitées dans leur capacité d'établir une politique dans les intérêts de la collectivité et des personnes qui les ont élues.

Je crois comprendre que des accords sur l'investissement sont actuellement envisagés tant dans le cadre des négociations sur la zone de libre-échange des Amériques que dans celles de l'Organisation mondiale du commerce. Si ces accords donnent un traitement national aux investisseurs étrangers et interdisent des exigences sur le rendement, alors les gens de Squamish seront affectés de façon négative.

Lorsque nous procédons à des appels d'offres pour des projets locaux d'infrastructure, il arrive souvent que des entrepreneurs locaux sont à peine plus dispendieux que d'autres. Dans de nombreux cas, tout en continuant à protéger les intérêts du contribuable local, nous aimerions adjuger ces marchés aux entrepreneurs locaux. Certains d'entre eux donnent de leur temps et de la machinerie lourde, ce qu'ils ont fait par le passé, pour construire des installations sportives, des terrains de balle et ce genre de choses. Certains d'entre eux ont même donné des sommes considérables d'argent à notre banque d'alimentation, et certainement une majorité des travailleurs qui vivent dans notre collectivité. Donc, une fois de plus, notre capacité de maintenir la stabilité au sein de notre collectivité et d'avoir un gain net pour la collectivité serait sapée en offrant à des investisseurs étrangers un traitement égal ou supérieur.

Vous seriez peut-être enclins à penser qu'il n'y a pas beaucoup de gens en C.-B. qui connaissent vraiment grand-chose ou qui s'intéressent à des choses éloignées telles les négociations de l'Organisation mondiale de commerce ou de la ZLEA. Dans ma région, par contre, je peux vous assurer que les gens connaissent ces détails et s'intéressent au développement local et s'assurent que la collectivité retire des avantages de la mise en valeur des ressources.

Récemment, 500 personnes, ou environ, y compris des représentants de notre conseil local et de notre chambre de commerce, ont manifesté pour exiger que le ministre provincial des forêts s'assure que la clause de bien dépendant dans le contrat concernant la concession de ferme forestière 38 soit strictement appliquée. Il s'agit de l'accord contractuel qui garantit que la tenure de la concession de la ferme forestière 38 est conditionnelle au maintien de l'exploitation d'une installation de transformation dans notre collectivité. S'il s'avère que le gouvernement fédéral négocie des dispositions dans les accords de l'Organisation mondiale du commerce et de la zone de libre-échange des Amériques qui donnent à des sociétés étrangères le droit de contester et de renverser des exigences ou d'éliminer ces conditions des accords futurs de tenures forestières, sans considération pour les répercussions négatives éventuelles sur les entreprises dans des endroits tel Squamish, alors des foules semblables manifesteraient probablement leur opposition à ces accords.

Nous ne pouvons commenter à l'égard des répercussions précises sur les municipalités de la zone de libre-échange des Amériques ou de l'OMC parce que nous n'avons pas une version textuelle des documents. Par contre, ce que nous avons, ce sont des copies de notes d'information que des hauts fonctionnaires fédéraux ont préparées à l'égard des négociations de l'OMC relativement à l'accord sur les achats. Ces notes d'information laissent entendre que le Canada cherche l'inclusion de tous les paliers de gouvernement jusqu'au nouveau municipal dans cet accord, qui interdit de donner une préférence aux entreprises locales lorsqu'il est question d'achats gouvernementaux. Pourtant, exception faite de la Colombie-Britannique où un représentant des municipalités de la Colombie-Britannique était présent aux consultations fédérales, à la demande de la province, il n'y a eu aucune participation d'administrations municipales aux discussions concernant ces négociations.

Les problèmes rencontrés partout au Canada avec le manque de consultation au sujet de l'AMI semblent se répéter avec l'OMC. J'ajouterais que l'automne dernier, ou un peu avant cela, nous avons écrit une lettre soit à Sergio Marchi, soit à M. Dymond, le négociateur, dans laquelle nous disions que si les négociations devaient se poursuivre au sujet de l'AMI ou d'accords semblables, nous voulions des audiences dans notre région. Notre conseil n'a appris l'existence des présentes audiences qu'il y a quelque temps, et ce par l'entremise d'un tiers, le Conseil des Canadiens. Notre conseil n'a pas eu le temps d'examiner et de bien préparer son mémoire. Ce n'est vraiment pas acceptable. Je ne sais pas pourquoi Ottawa ne nous a pas informés.

• 1910

Quoi qu'il en soit, je poursuis. Lorsqu'on lit les documents d'information du gouvernement au sujet de l'accord sur les achats, il semble que le gouvernement fédéral essaie d'étendre l'accord de l'Organisation mondiale du commerce sur les achats aux administrations sous-centrales, parce qu'il examine la question presque exclusivement du point de vue des avantages éventuels pour les exportateurs canadiens. La recherche qui se poursuit à l'égard de ces négociations fera que l'on communiquera avec une vingtaine ou une trentaine d'entreprises dans chaque province qui sont des exportateurs éventuels afin de connaître leurs points de vue. C'est beau.

Mais, apparemment, personne n'examinera les répercussions éventuelles sur les municipalités, même si cela ajoutera un fardeau de coûts sur l'administration locale en exigeant que le personnel se familiarise avec les exigences de l'Organisation mondiale du commerce afin de pouvoir les appliquer aux diverses façons de faire des affaires à l'échelle municipale. Dans les opérations quotidiennes, le personnel devra constamment examiner les activités afin de s'assurer qu'elles sont conformes à l'accord sur les achats. Le personnel devra également consacrer du temps et des ressources à informer l'OMC d'appels d'offres afin d'acheter des produits et des services. Des hauts fonctionnaires du gouvernement devraient tenir compte du fait que l'administration locale n'est pas exemptée du coût de la bureaucratie créé par ces accords internationaux sur le commerce et l'investissement.

Voici les exigences proposées que l'accord sur les achats élargi imposerait aux municipalités: publier les avis d'achat proposés; publier les procédures et politiques en matière d'achats; par le dépôt de copies, avertir l'OMC des politiques en matière d'achats; publier des avis d'adjudication de marché; inclure les critères d'évaluation dans le document de soumission; et publier de l'information sur les raisons entraînant un marché à source unique.

De plus, les notes d'information du gouvernement semblent dire qu'il pourrait y avoir une disposition dans l'accord sur les achats élargi pour la contestation des soumissions et le règlement des différends. Vous avez déjà entendu des gens qui ont parlé de ces tribunaux secrets et de leur mode de fonctionnement. Cela ne cadre tout simplement pas. Est-ce que cela signifie que les municipalités peuvent faire l'objet de contestations d'investisseurs éventuels de n'importe lequel des 134 États membres de l'Organisation mondiale du commerce, si elles approuvent des contrats qui semblent favoriser des entrepreneurs locaux? La simple menace de telles poursuites pourrait incorporer un biais pour les municipalités afin qu'elles choisissent des entrepreneurs étrangers de préférence aux entrepreneurs locaux, uniquement pour se protéger. Le service du contentieux du district de Squamish se concentre sur les problèmes de zonage, qui ne sont pas les points subtils des traités et du commerce à l'échelle internationale.

Il est injuste pour les administrations municipales, qui souffrent déjà des répercussions des réductions des paliers supérieurs de gouvernement, que l'on s'attende à ce qu'elles assument les fardeaux d'examiner les répercussions de ces accords internationaux. Il s'agit d'initiatives fédérales et pourtant on s'attend à ce que les municipalités assument les frais de découvrir ce qu'elles signifieront pour les administrations locales. À mon avis, le gouvernement fédéral a une responsabilité non seulement de consulter les municipalités, mais aussi de s'assurer que ces négociations sont significatives en donnant aux associations municipales les ressources qui leur permettront d'examiner de façon adéquate les avantages et les désavantages de ces accords.

Donc je vous le demande, est-ce que le temps et les ressources nécessaires si vous persistez à poursuivre dans cette optique? Est-ce que les municipalités auront des copies du texte provisoire des accords internationaux et est-ce qu'elles auront suffisamment de temps pour les examiner avant que le gouvernement fédéral prenne des mesures à cet égard?

Je terminerai sur ce point. J'en ai plus, mais je devais respecter la période de dix minutes allouée. J'espère que je ne l'ai pas dépassée.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Fenton. J'aimerais vous féliciter d'avoir précisément porté la question des achats à notre attention et d'avoir soulevé ces questions et préoccupations. Je pense que c'est très important. Je pense que c'est une chose que le comité examinera, et nous vous remercions des détails que vous nous avez donnés. Merci beaucoup.

M. Lyle Fenton: Si je pouvais me permettre une autre observation, j'avais d'autres exemples plus précis, plus locaux, de la façon dont nous serions affectés, mais évidemment, il n'y a pas suffisamment de temps pour les mentionner. Cependant, je pense que les gens considèrent ces accords comme nationaux et internationaux, tout à fait là-haut, et oublient que ce sont les gens au sol qui paient.

• 1915

Notre plan communautaire officiel prévoit le développement durable. Je pourrais vous donner de nombreux exemples.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): En fait, Mme Bauer avait un très bon exemple. Je vous remercie de ces exemples. Mais parce que nous sommes limités dans le temps pour ce qui est des exposés, nous invitons chaque témoin et chaque organisme ou groupe que vous représentez de bien vouloir, s'il y a des questions qui selon vous devraient être examinées de façon plus précise, si vous avez d'autres exemples précis, des exemples locaux, de bien vouloir ne pas hésiter à les remettre au comité, aux membres du comité. Même si le temps ne nous permet pas de vous poser des questions, j'espère que nous serons disponibles, en tant que membres du comité, pour également nous adresser à vous au sujet des questions que vous avez soulevées ici. Il s'agit d'un processus de consultation continu et non d'une consultation finale.

L'une des choses qui nous ont été répétées à de nombreuses reprises, c'est qu'il s'agit d'une question locale. Je pense que vous devriez être au courant que le ministre Marchi a demandé à la fois au sous-comité du commerce international et au comité principal des affaires étrangères et du commerce international de consulter le public à ce sujet. Il a en fait dit dans son discours que ce qui se passe à la table de négociation a une incidence sur ce que nous mangeons et touche à toutes les parties de nos vies quotidiennes, et que ce n'est plus quelque chose que l'on peut laisser en arrière-plan.

Nous vous avons donc entendu, je pense que le ministre vous a entendu, et c'est pour cette raison que vous êtes ici. Le processus n'est peut-être pas parfait, nous continuons d'apprendre.

Monsieur Fenton, je tiens compte de vos observations au sujet de l'avis concernant le comité et j'essaierai de l'améliorer.

M. Roderick Louis (témoignage à titre personnel): Est-ce que des membres du public ont la chance de faire un exposé?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Malheureusement, non. J'ai une liste de 12 autres personnes. Vous êtes certainement libre de présenter des mémoires à la greffière, et notre greffière inscrira votre nom afin que vous puissiez présenter un mémoire au comité.

M. Roderick Louis: Je m'appelle Roderick Louis. Mon adresse est...

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Monsieur Louis, je suis désolée, je ne veux pas vous interrompre, mais j'ai une liste de témoins qui ont présenté des mémoires. Nous ne pouvons déroger à cette liste ce soir. Nous entendons d'autres personnes demain de sorte que si vous vous adressez à la greffière, peut-être qu'elle peut vous incorporer au programme de demain.

M. Roderick Louis: Je m'excuse de prendre la parole sans être sur la liste. Ma préoccupation était que de nombreuses personnes que je connais et moi aimerions avoir la chance de nous adresser au comité et tout ce que j'entends dire c'est qu'on a très mal annoncé cette fonction au public ce soir et au cours des derniers jours. J'estime que tout le processus devrait être répété, en toute équité pour les citoyens canadiens, afin que chacun qui pourrait vouloir s'adresser au comité puisse le faire. J'aimerais le faire. Je suis une défenseur des personnes souffrant de maladies mentales.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Encore une fois, je prends note de vos observations. Je vous demanderais de voir la greffière. Nous inclurons vos informations au compte rendu.

Respectueusement, nous avons 12 autres personnes qui doivent être entendues. J'essaierai de faire une place pour vous. Je demanderai à la greffière d'aller vous parler, mais je dois entendre nos 12 autres témoins. Le comité est à pied d'oeuvre depuis neuf heures ce matin et si nous devons ajouter d'autres audiences, nous en ferons part au ministre. Mais pour l'instant, j'ai des lignes directrices que je dois suivre.

Monsieur Fenton, votre conclusion, puis nous passerons à notre groupe suivant de témoins.

M. Lyle Fenton: Merci, madame la présidente.

J'apprécie le fait que vous nous ayez demandé de vous faire part d'un plus grand nombre de préoccupations à l'échelle locale, mais je pense que la question fondamentale devrait d'abord être qu'est-ce qui devrait être soumis à la table des négociations. Une fois que c'est sur la table, on peut le gagner ou le perdre. Donc, le processus devrait d'abord déterminer ce qui doit être sur la table. Une fois que c'est sur la table, nous le perdons. Si nous mettons les soins de santé sur la table, il y a de fortes chances que nous ferons un pas en arrière. Donc, j'estime vraiment qu'il y a un dilemme avec la façon que ça se déroule et avec la participation. Je me sens obligé d'être ici, mais c'est la première question fondamentale: Qu'est-ce qui est sur la table?

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup.

Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie de vos commentaires et de vos témoignages. Et n'hésitez surtout pas à faire parvenir d'autres documents au comité, si vous le jugez nécessaire.

Je vais maintenant inviter notre dernier groupe de témoins ce soir à prendre place à la table.

• 1920




• 1922

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Bonsoir mesdames et messieurs, et bienvenue au comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Comme vous le savez, nous menons des consultations publiques sur ce que devrait être la position du Canada au moment où nous amorçons des négociations sur la question de la zone de libre-échange des Amériques et de l'Organisation mondiale du commerce.

Merci de vous joindre à nous ce soir. Je m'excuse car nous avons 20 minutes de retard. Je m'excuse que vous ayez à attendre.

Une fois de plus, nous vous inviterions à faire des exposés de 10 minutes et à surveiller l'horloge de sorte qu'il puisse y avoir une possibilité de poser quelques questions et fournir des réponses. Nous serions heureux de le faire.

Madame Dean, vous êtes la première sur ma liste. Je vous invite à vous adresser au comité.

Mme Elsie Dean (témoignage à titre personnel): Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci.

Mme Elsie Dean: Merci de me donner cette possibilité de faire connaître mes points de vue sur les négociations proposées d'accords internationaux sur le commerce et l'investissement en ce qui concerne l'Organisation mondiale du commerce et la zone de libre-échange des Amériques.

Bien que le résultat de ces négociations aura une incidence sur chacun d'entre nous dans notre vie quotidienne, nous n'avons eu que peu de possibilités d'en comprendre le contenu. Notre gouvernement ou les médias ne nous ont pas informés des détails de ces accords.

Dans la liste des dix histoires les plus censurées de 1999, celle de l'AMI a été retenue comme étant celle qui a été la plus censurée. La raison pour laquelle elle a été choisie, c'est que les critères étaient «Certains développements dans le cours de l'histoire ont un tel potentiel d'incidence sur les nations et les humains qu'il serait irresponsable de ne pas en tenir compte». Les juges ont examiné la menace à la souveraineté de l'État-nation de donner aux sociétés pratiquement des droits égaux à ceux des nations et au potentiel de mettre les profits devant les droits de la personne et la justice sociale.

J'ai réussi à lire la plupart des délibérations de septembre et d'octobre qui ont eu lieu à l'assemblée législative de la C.-B. et je sais que l'Union européenne, le Japon, les États-Unis et le Canada ont tous donné leur accord à des négociations d'un accord semblable à l'AMI au sein de l'Organisation mondiale du commerce. Un grand nombre de ces règles sont imposées à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international, à la zone de libre-échange des Amériques, à l'APEC, etc.

J'aimerais préciser qu'il est devenu apparent que l'actuelle tendance d'habiliter des institutions mondiales telles l'Organisation mondiale du commerce, le FMI, la Banque mondiale et de rédiger les règles pour les économies nationales dans des accords sur le commerce et l'investissement a une incidence sur la vie des personnes âgées au Canada et partout dans le monde. C'est sur cette question de leur incidence sur les personnes âgées que je veux intervenir devant vous aujourd'hui, et en particulier sur les services sociaux, la santé, les pensions et le logement; l'élimination de la voie tracée par des personnes âgées d'aujourd'hui pour une relation plus pacifique et juste entre les peuples du monde, et la création de collectivités saines, dynamiques et sécuritaires où il fait bon vivre.

• 1925

Trente ans après que les Canadiens eurent mis sur pied le régime universel de soins de santé financé à même les deniers publiques, en vertu des dispositions de ces accords, ce programme social dont nous sommes si fiers est menacé de privatisation. Des personnes âgées partout au pays ont manifesté leur appui entier au régime d'assurance-maladie et sont déterminées à ce que la Loi sur la santé et à ce que les cinq principes du régime d'assurance-maladie soient protégés. On s'opposera avec fermeté à la libéralisation des règles des accords sur le commerce et l'investissement pour que des investisseurs privés puissent réclamer le droit d'exploiter un régime à but lucratif de soins de santé.

L'ALENA a entraîné la présentation du projet de loi C-91, une loi visant à modifier la Loi sur les brevets, couvrant l'industrie pharmaceutique, qui a maintenant été modifiée par votre gouvernement de façon indéfinie pour inclure une période d'attente de 24 mois. On estime que cela a entraîné des milliards et des milliards de dollars en coûts supplémentaires de soins de santé. Il s'agit de dollars liés aux soins de santé qui auraient amélioré notre accès aux soins de santé. Les cinq principes du régime d'assurance-maladie sont menacés en vertu de l'ALENA, mais avec le traité proposé sur l'investissement au sein de l'Organisation mondiale du commerce, il pourrait être contesté par des investisseurs éventuels venant de partout au monde. Trente pour cent de nos soins de santé sont administrés par des organismes privés à but lucratif et non lucratif, habituellement à l'échelle locale, et certaines sont des organisations sans but lucratif. Ce secteur devrait être ouvert aux investisseurs de tous les États membres de l'Organisation mondiale du commerce.

Les personnes âgées veulent un programme national de soins à domicile, avec les cinq mêmes principes qui s'appliquent au régime d'assurance-maladie. Si le gouvernement mettait en oeuvre un tel nouveau programme financé à même les deniers publics, il serait probablement contesté par des investisseurs privés, avec l'appui des règles de l'ALENA, qui leur permettent d'exiger un traitement égal de la part des gouvernements afin de l'administrer en tant que programme privé à but lucratif financé à même les deniers publics, sinon ils pourraient intenter des poursuites pour occasion perdue s'ils ne l'obtiennent pas. Le Canada devrait recourir à la clause de six mois pour se retirer de l'ALENA ou à tout le moins commencer par éliminer le chapitre 11, qui permet cette situation non démocratique dictatoriale et ne plus participer à des accords semblables à l'avenir.

Nous avons fait un premier pas en prenant soin des gens au moment où ils prennent leur retraite en fournissant des pensions à tout le monde. Il reste encore beaucoup à accomplir avant que toutes les personnes à la retraite aient des pensions adéquates. Il y a encore plus de 50 p. 100 des femmes qui sont économiquement pauvres.

Des investisseurs privés ont hâte de gérer des fonds de pension. Des modalités telles celles contenues dans l'AMI ouvrent les portes à ce genre de privatisation. L'argent que les personnes âgées et d'autres personnes ont versé dans des fonds de pension, le RPC, la sécurité de la vieillesse et les REER devrait être partagé avec des investisseurs à but lucratif et des administrateurs grassement payés. Nous devrions avoir un plus grand mot à dire dans la façon que notre argent destiné aux pensions doit être utilisé. La grande majorité des personnes plus âgées a travaillé fort pour développer notre pays afin que tous puissent y avoir une bonne vie. Nous constatons que la situation se détériore à mesure que le chômage et la pauvreté augmentent. Nous choisirions peut-être que nos économies investies au Canada aident à résoudre ces problèmes.

Selon certains. La prochaine génération de personnes âgées sera en mesure de payer une plus grande part des services, mais il n'y a aucune preuve à cet effet dans l'économie d'aujourd'hui. Une étude menée auprès des travailleurs plus âgés, 45 et plus, réalisée par l'Organisation nationale, La Voix, a permis de constater un taux élevé de chômage à long terme. Cette tendance n'a pas cessé étant donné que la réduction des effectifs et les pertes d'emplois se poursuivent. Il y a beaucoup de gens qui ont utilisé leurs économies dans des REER et qui occupent maintenant des emplois à temps partiel non traditionnels, emplois qui sont peu rémunérés et ne comportent aucun avantage.

Un autre domaine de préoccupation pour les personnes âgées, c'est la nécessité d'un logement convenable et abordable. En vertu de règles semblables à l'AMI, ce logement devrait être fourni par des capitaux privés à but lucratif dans des conditions de marché et être loués ou vendus sur le marché. Cela ne fournirait pas de logement pour les retraités à faible revenu ni pour le pauvres en général.

• 1930

Il y a de nombreuses personnes à la retraite aujourd'hui qui partagent leur domicile et leur revenu avec des membres de leur famille qui sont en chômage ou à faible revenu. C'est l'héritage qui nous vient de l'ALE et de l'ALENA. Le fait de conclure d'autres accords fondés sur ces conditions, telle la proposition de zone de libre-échange des Amériques, accélérera la tendance vers un chômage élevé et creusera l'écart entre les riches et le reste d'entre nous.

Les obligations imposées au gouvernement auraient pour résultat une plus grande perte de la liberté de définir et de mettre en oeuvre des politiques économiques et sociales pour corriger cette situation. Les sociétés ont tellement de pouvoirs qu'elles peuvent exiger des gouvernements de diminuer les impôts, ce qui a eu pour résultat d'appauvrir le gouvernement. Le fait de tout laisser aux tendances du marché et à la déréglementation s'est avéré mauvais et de plus en plus de gens sont aux prises avec des revenus qui baissent, la pauvreté et une augmentation du stress.

Les profits sont créés par les activités des gens dans le cadre de la production de biens et de services pour satisfaire à leurs besoins. Ce processus doit être contrôlé par un gouvernement responsable en réponse aux besoins des gens et un environnement durable. La création de profits ne peut pas être considérée comme un objectif en soi, et pourtant l'objectif final des accords internationaux tel l'accord multilatéral sur le commerce et l'investissement, est d'accroître le pouvoir et les profits des grandes sociétés, dont le nombre est inférieur à 300.

Les rêves de solutions internationales multilatérales aux besoins des États-nations ne fonctionnent pas pour les gens. Nous avons besoin de gouvernements qui ont le pouvoir et la responsabilité de gouverner dans les meilleurs intérêts de la majorité et le droit des gens de participer à la prise de décisions.

Certains d'entre nous sont suffisamment vieux pour se rappeler de la Crise des années 30. Il y a eu ensuite la Deuxième Guerre mondiale. En l'espace de quelques jours, le gouvernement a réussi de trouver les moyens de mettre les roues de l'industrie en marche et de procurer des emplois aux chômeurs, d'organiser les forces militaires et de mener une guerre contre le faschisme. Encore une fois aujourd'hui, nous voyons des gouvernements qui trouvent de l'argent pour participer à une guerre non déclarée en violation du droit international. La force que le gouvernement possède est évidente. Le faschisme a également indiqué clairement toute l'horreur et toute la dégradation civique que des gouvernements peuvent faire subir à leur population.

Des gens partout savaient que nous devions créer un monde déterminé à respecter un ensemble de droits de la personne comme norme commune de réalisation pour tous les peuples et toutes les nations, et que nous étions capables de le faire, tel qu'ils sont énoncés dans la Déclaration des droits de l'homme de 1948. Tout au long de la deuxième moitié du présent siècle, de nombreux traités et conventions ont été signés et négociés par les gouvernements, établissant les responsabilités de la collectivité internationale, des gouvernements et des particuliers de protéger les droits de toutes les personnes, de l'environnement, des enfants, des femmes, afin d'éliminer toutes les formes de discrimination, afin de protéger la souveraineté sur les ressources naturelles et bien d'autres.

L'écart entre l'existence des droits et la jouissance réelle de ces droits provient d'un manque d'engagement de la part des gouvernements à promouvoir et protéger ces droits. L'entreprise de créer une culture de droits de la personne et de protéger un environnement sain est mis hors circuit par des gouvernements lorsqu'ils concluent des traités sur le commerce et l'investissement comportant des règles telles l'ALE, l'ALENA, la ZLEA, l'OMC et d'autres. Nous devons nous assurer que tous les efforts sur le commerce et l'investissement servent à renforcer ces droits, et non à les dénier. Les traités, les pactes, les accords négociés par l'entremise des Nations Unies au cours des 50 dernières années devraient être suprêmes en droit mondial.

Cent cinquante ONG nordiques se sont réunis et ont demandé aux gouvernements de Suède, de Finlande, du Danemark et de Norvège d'exercer des pressions pour que toutes les négociations futures possibles sur un accord sur l'investissement se déroulent dans le cadre de l'ONU et se fondent sur les conventions de l'ONU. Nous, au Canada, devrions suivre cette proposition.

• 1935

Nous avons besoin d'investissements et d'échanges commerciaux équitables qui aideront à mettre en oeuvre la voie qui a été tracée pour la paix et l'égalité et pour établir des collectivités saines et dynamiques dans lesquelles il fait bon vivre. Nous en avons besoin pour toutes les personnes qui vivent dans les collectivités dans tous les pays du monde. Les gouvernements doivent d'abord reconnaître leurs obligations énoncées dans les nombreux traités et conventions qu'ils ont conclus au cours des 50 dernières années, y compris la Charte des Nations Unies et la Charte des droits de la personne. Ce sont là les cadres du droit international que tous les autres accords doivent respecter.

Lorsque les personnes âgées apprennent le genre d'accords sur le commerce et l'investissement que votre gouvernement conclut, ils disent d'une voix retentissante non.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, madame Dean. Je vous remercie également pour nous avoir parlé de façon plus précise des préoccupations des personnes âgées. C'est certainement la première consultation au cours de laquelle on a abordé des questions touchant les personnes âgées. Je vous en remercie beaucoup.

La prochaine personne sur la liste est madame Pollen.

Une voix: Je suis une personne âgée. J'ai 78 ans et vous me refusez le droit de parler.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je suis désolée, pourriez-vous voir la greffière? Nous avons une liste complète de gens et nous avons déjà du retard.

Madame Pollen, vous avez la parole.

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Sauf tout votre respect, votre intervention est contraire au règlement. Nous avons une liste complète de gens. Veuillez voir la greffière.

Madame Pollen, vous avez la parole.

Mme Amy Pollen (témoignage à titre personnel): Bonjour. Toutes mes salutations les plus cordiales. Je tiens à remercier notre gouvernement fédéral de nous donner cette occasion de nous exprimer. J'aimerais vous informer tous que je n'ai pas terminé d'études officielles de sorte qu'il se pourrait que je ne parle pas comme une personne qui a eu une grande éducation. Je vous demanderais donc de faire preuve de patience à mon égard.

Mes opinions se fondent sur mes expériences et sur ce que j'ai lu. J'espère sincèrement que notre gouvernement écoutera les avis de ses citoyens et mettra en oeuvre ses suggestions immédiatement. Lorsque je parle, je le fais en fonction de mon propre point de vue humanitaire et chrétien. Je joins ma voix à celle des autres pour demander l'annulation de la dette du tiers-monde de façon à ce que ni le Canada ni d'autres nations la remboursent pour enrichir les banques. Je demande également l'annulation de l'accord de libre-échange, l'ALE, ainsi que de l'accord de libre-échange nord américain, l'ALENA, et je demande la négociation de véritables accords commerciaux qui ne comportent aucune clause nationale permanente.

Le peuple du Canada exige le démantèlement de la Banque mondiale et du FMI.

Que l'on mette fin à l'actuel système bancaire. Les banques créent des dettes et les partis politiques acceptent les dettes. C'est l'actuel système bancaire international qui garde toutes les nations de la planète dans la dette, les taxes, l'inflation, le chômage et la pauvreté. Tous les partis politiques, les libéraux, les conservateurs, les républicains, les démocrates, les socialistes, les réformistes, les communistes et tous les partis politiques de la gauche, de la droite et du centre ainsi que tous les bureaucrates, gardent tous le même système bancaire corrompu qui nous régit tous.

Je ne fais partie d'aucun parti politique. Je ne suis pas membre d'un groupe de pression. Par conséquent, je peux parler en toute liberté selon ma conscience et mon coeur.

Le Dieu éternel a fait les biens de la Terre pour tout le monde. Il ne vous a pas demandé d'abandonner notre liberté et nos droits et qu'alors il nous nourrirait. Il n'a pas offert l'esclavage en échange de nourriture, de vêtements et de logement.

Le Canada est le deuxième pays au monde en fait de richesses. Par conséquent, nous devrions indiquer de quelle façon Benjamin Franklin a rendu la Nouvelle-Angleterre prospère en 1750 en créant en Amérique sa propre monnaie. C'était un système solide et bénéfique qui a eu pour résultat une nation heureuse et fière. Notre actuel système d'imposition paralyse au lieu d'aider. Il décourage la production au lieu de la stimuler. Il prive les gens d'un pouvoir d'achat. Il fait aussi obstacle au flux des biens des producteurs aux consommateurs. Les taxes aussi enlèvent de l'argent qui a été gagné honnêtement et dépouillent les contribuables du fruit de leur labeur.

Ce système monétaire, dans sa forme actuelle, a créé un système judiciaire injuste, des problèmes dans les aux soins de santé, et un conglomérat immobilier vorace, déraisonnable, inhumain, etc. L'obstacle qui nous empêche d'avoir accès aux biens essentiels de la vie, c'est l'argent et l'actuel système monétaire. Nous sommes tous les victimes de ce système. Donc, au lieu de nous battre les uns contre les autres, unissons-nous tous—anglophones, francophones, autochtones, et toutes les autres nationalités. Le Canada n'appartient pas aux banquiers qui veulent nous le voler. Le Canada nous appartient à nous. Ces banquiers planétaires et ces énormes sociétés sont les leaders de projets du mal, qui veulent détruire notre beau pays et son peuple.

• 1940

Permettez-moi de vous indiquer ce que les économistes, les politiciens et les banquiers nous ont fait. Ils ont mis en oeuvre une influence subtile mais très corrompue contre nous, ayant recours à des moyens tels de nouveaux médias, les écoles, les collèges. C'est ce qu'on appelle un lavage de cerveau. C'est pour cette raison que nous avons perdu notre équilibre spirituel et renversé nos valeurs de sorte que maintenant nous appelons le mal le bien. Nous avons ridiculisé les valeurs traditionnelles de nos ancêtres et nous l'appelons la lumière.

Maintenant, j'aimerais dire quelques mots en français, au cas où il y aurait quelques politiciens francophones ici.

[Français]

Si vous cherchez la paix, allez à la rencontre des pauvres. Dans l'intérêt de la personne et de la paix, il est urgent d'apporter aux mécanismes économiques les corrections nécessaires pour qu'ils soient en mesure de garantir une distribution des biens plus juste et plus équitable.

[Traduction]

La redistribution doit être entre les mains des gens, et non de l'État. Par conséquent, je presse tous les citoyens du Canada de déclarer la guerre au système financier. Le système financier d'aujourd'hui détruit tout l'avenir de nos jeunes, prive de manger des millions d'êtres humains, paralyse les producteurs, met des entreprises en faillite, ruine les fermiers, dépossède les propriétaires de leur maison. Il met également en oeuvre de plus en plus de technologies, ce qui cause encore plus de chômage, fait venir de plus en plus d'immigrants qui sont exploités, jusqu'à ce qu'ils comprennent. Et cette immigration nous déplace dans notre propre pays et par conséquent fait baisser le niveau de vie des classe ouvrières, tandis que ceux qui font de l'argent nous exploitent encore toujours plus et osent ensuite nous traiter de paresseux.

Nous devrions aider d'autres nations qui souffrent en leur envoyant de l'argent, de la nourriture, des vêtements, des fournitures médicales et des outils. Mais fermez la porte à l'immigration jusqu'à ce que nos problèmes soient solutionnés. Nous avons accueilli des millions d'immigrants au cours des 20 dernières années. Laissons maintenant d'autres pays bien nantis leur ouvrir leurs portes.

Je dis donc d'éliminer la micropuce. Nous n'en voulons pas, et nous n'en avons pas besoin. Et il faut aussi abolir le système financier corrompu. Oui, il faut anéantir le système financier corrompu.

De nombreux remerciements au journal Michael du Québec, ainsi qu'au Defence of Canadian Liberty Committee, et de nombreux remerciements à tous les autres qui se sont battus pour éclairer les citoyens au sujet de ce problème dévastateur. Les citoyens méritent de connaître la vérité et d'avoir une voix à la prise de décisions.

À ceux qui participent à l'Organisation mondiale du commerce et à la zone de libre-échange des Amériques, rappelez-vous que tous les êtres humains en vie, qu'ils travaillent ou qu'ils soient en chômage, ont besoin de nourriture, de vêtements, de logements, de soins de santé, d'eau potable propre, d'un environnement sûr, de loisirs et d'une occasion d'utiliser les talents que Dieu leur a donnés pour le mieux-être de la race humaine, et non sa destruction.

En terminant, je demande à Dieu de bien vouloir bénir les hommes et les femmes qui ont été élus par les gens et pardonnés par Dieu pour gouverner ce magnifique pays et le faire de façon juste et compatissante. Puisse notre Seigneur leur donner à eux et à nous la véritable sagesse de diriger pour le bien-être de tous les citoyens. Je le demande à Jésus-Christ notre Sauveur. Amen

Et je vous souhaite tous une bonne nuit. Merci.

M. Benoît Sauvageau: Qu'est-ce que le journal Michael?

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Madame Pollen, monsieur Sauvageau a une brève question pour vous.

M. Benoît Sauvageau: Qu'est-ce que le journal Michael, madame?

Mme Amy Pollen: Eh bien, c'est un journal, un journal qui est publié au Québec. Il est distribué partout au pays depuis de nombreuses années maintenant. On y parle de ce problème. On y parle de ce problème depuis longtemps.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Est-il distribué en anglais?

Mme Amy Pollen: Il est en français et en anglais.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup de votre déclaration. Je voudrais vous dire que, naturellement, les deux langues sont de mise. Vous pouvez employer celle que vous préférez. Merci beaucoup.

[Traduction]

Nous accueillons maintenant Isabel Minty.

Mme Isabel Minty (témoignage à titre personnel): Merci de me donner l'occasion de parler de l'OMC et de la ZLEA.

Pendant que vous sillonnez le Canada pour entendre les opinions des citoyens, on vous donne la responsabilité de prendre en note nos observations. Ce que vous faites avec l'information, cela vous regarde—donnez-y suite, jetez-la, classez-la, ignorez-la. Il n'y a aucun témoin qui a quelque contrôle que ce soit sur ces résultats. Nous sommes tous ici parce que nous sommes des optimistes et que nous avons à coeur de façon passionnée nos concitoyens et l'avenir de notre pays—sa souveraineté, sa sécurité économique, sa santé environnementale, ses actions pour parvenir à la justice sociale, et la survie et la prospérité de nos institutions démocratiques.

• 1945

L'ALE, l'ALENA, l'OMC, la ZLEA, et l'AMI dans le nouvel ordre mondial sont tous des maillons de la chaîne qui mène à la mondialisation et à l'élimination des États-nations. Ces questions ne sont pas traitées de façon étendue dans les médias principaux—bien au contraire. Les renseignements les entourant ont été passablement limités. Ce qui est disponible met habituellement en lumière les côtés positifs et minimise les conséquences négatives. On décrit les commentaires et les porte-parole d'opposition comme représentant les points de vue de groupes d'intérêts spéciaux, d'opinions de la minorité et de gauchiste. Le conseil de presse, à qui il incombe d'être le chien de garde de la presse, décrirait ce type de couverture comme n'étant ni équilibré ni juste.

J'espère que vos deux journées dans notre belle ville permettront de nous éclairer.

Je n'ai pas l'intention d'énumérer les désastres qui sont survenus depuis l'entrée en vigueur de l'ALE et de l'ALENA. Mon mémoire contient un petit paquet qui en identifie un certain nombre pour votre gouverne.

L'ALENA ayant fêté son cinquième anniversaire et les festivités récentes qui ont entouré cet événement aux États-Unis, un décompte des résultats là-bas a révélé les mêmes genres de conséquences que ce que l'on a connu au Canada peu après la signature de l'ALE. La signature de l'ALENA a entraîné le départ d'industries et de capitaux américains du pays, vers le sud et l'est. Tout comme ici, c'était les habituelles fermetures d'usines, les industries manufacturières qui fuyaient, en particulier dans les domaines du textile, de l'électronique et des pièces automobiles, avec les pertes d'emploi conséquentes et l'effondrement du marché immobilier que le Canada avait connus plus tôt avec l'ALE.

La mondialisation entraîne le mouvement complètement libre des capitaux qui traversent les frontières nationales, tant pour y entrer que pour en sortir, capitaux tellement souhaités par les propriétaires des capitaux. On ne se pose pas de questions sur les sources de ce capital. Les produits du crime organisé, du commerce de la drogue, du vol, de la fraude et du blanchiment d'argent sont traités avec respect et, dans presque tous les cas, sans interdiction.

Pour quelques raisons pas vraiment apparentes, la majorité des députés élus démocratiquement à la Chambre des communes sont passablement prêts à accéder à cette notion absurde du caractère sacré et du privilège absolu du capital sans autre forme de responsabilité. Lorsque des voix se font entendre pour protester, elles sont rarement entendues. Elles sont effectivement marginalisées par les principaux médias.

Un certain nombre de ces critiques mettraient un prix social ou environnemental sur les profits qui quittent le pays. On ne doit tenir compte d'aucune contrainte sur le capital qui reconnaîtrait que d'autres valeurs valent la peine d'être examinées, ou même existent, si ce n'est les valeurs du capital.

L'OMC n'est pas venue au monde en pleine maturité deus ex machina. Ces idées ont été nourries et diffusées par les serviteurs du capital pendant de nombreuses décennies. Un des premiers apôtres était Freidrich August von Hayek. Son livre publié en 1944, The Road to Serfdom, a mis en lumière sa fondation de la révolution conservatrice. Peu après, en 1947, il a mis sur pied la société secrète Mount Pelerin, dont l'objet explicite était de mettre en oeuvre un nouvel ordre mondial féodal. Son élève, Milton Friedman, depuis son poste à l'Université de Chicago, qui est subventionnée par la fondation Rockefeller, a fait progresser ces idées partout aux États-Unis et au Canada.

Les hayekiens d'aujourd'hui occupent des postes importants d'influence dans les cercles restreints des élus, occupant en majorité les postes des organismes de droite tels Heritage Foundation, Cato Institute, et des postes de doyens et de chanceliers d'universités et de collèges. Ayant démontré qu'elles possédaient ce qu'il fallait, ces personnes ont fait leur chemin pour parvenir aux postes les plus élevés grâce à un soutien bien financé déjà tout orchestré pour eux. Se servant de ces personnes et d'innombrables autres personnes élues à des postes publics, les idées hayekiennes s'installent dans le monde pratique de la politique et de l'établissement des lois.

• 1950

Des capitalistes tel George Soros ont lancé un avertissement dans un article intitulé «The Capitalist Threat», paru dans The Atlantic Monthly, de février 1997,... et plus tard au cours de la même année l'auteur favorisait le nouvel ordre mondial—le retour au féodalisme et la montée de la ville-État. Robert Kaplan rédige une histoire d'avertissement dans un article de décembre 1997 dans Atlantic Monthly, «Est-ce que la démocratie n'a duré qu'un instant?» Peut-être.

Il appartient peut-être à des décideurs tels vous de faire une pause et de vous demander pourquoi il y a cette urgence à approuver des documents qui, comme le dit George Soros, sapent les véritables valeurs sur lesquelles reposent les sociétés ouvertes et démocratiques. Margaret Thatcher, elle-même une hayekienne, a déclaré que le R.-U. ne pouvait plus se permettre des institutions publiques appartenant aux contribuables et financées par ces derniers. Ces institutions devaient être fermées, privatisées, vendues ou tout simplement éliminées complètement. Est-ce que cela vous semble familier?

Dans un article paru dans The Washington Post en 1994, «le désastre économique que l'on appelle le Gatt», Sir James Goldsmith, le financier très riche, déplorait tout le secret qui a entouré les négociations de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le Commerce. Il se joint à la bataille, prévenant que les nords-américains doivent rester vigilants pour reconnaître ce qui accompagnera l'Organisation mondiale du commerce, le successeur du Gatt.

Il dit qu'il est impossible de concevoir un accord international qui a des conséquences sociales plus profondes. Il se rend compte qu'il y aura des bénéficiaires—essentiellement des sociétés transnationales qui ont besoin d'un approvisionnement pratiquement inépuisable de main d'oeuvre à bon marché. Tel qu'il le dit, ces sociétés seront comme les gagnants d'une joute de poker sur le Titanic. Les blessures qu'ils infligeront à la nation hôte pour empocher les gains entraîneront des conséquences brutales.

Il ajoute que les pays devraient défendre la qualité de vie de leurs citoyens en insistant pour des règles restreignant les sociétés, notamment les sociétés étrangères qui veulent vendre leurs produits sur le marché. Elles seraient tenues de construire des usines, d'employer la main-d'oeuvre locale et d'amener leur technologie et leurs capitaux avec elles. M. Goldsmith appliquerait ces restrictions à l'Union européenne, à l'Amérique du Nord et du sud, ainsi qu'à l'Asie.

Au Canada, aucun des récents assauts et vols en ce qui concerne nos actifs de contribuables auraient pu se produire sans l'accord et la collaboration de nos représentants élus à la Chambre des communes. Un élément de ce consentement est une presse flatteuse non critique. L'autre est les demandes constantes provenant des entreprises de relations publiques bien financées et des groupes de réflexion de droite ainsi que la socialisation avec leur personnel.

Les biens qui appartiennent à l'État et qui ont été payés à même l'argent des contribuables doivent être remis entre les mains du secteur privé. Ces transferts sont les précurseurs de l'OMC et du nouvel ordre mondial. Comme vous le savez bien, ces transferts ont été approuvés de plus en plus à la Chambre des communes. Dans le contexte de la mondialisation, l'idée qui veut que des réformes économiques soient nécessaires pour une transition réussie est une excuse pour éliminer l'autorité des nations souveraines et leur raison d'être.

Michel Chossudovsky, dans son livre The Globalization of Poverty, fait le procès de leur traîtrise. En mondialisation, les seuls besoins examinés sont ceux du capital. Toutes les ressources, tous les environnements, tous les citoyens, toutes les institutions et tous les biens doivent être utilisés et utilisés de façon excessive pour servir ces besoins.

Il est nécessaire que nous examinions avant de nous jeter dans la mêlée. Interreliés grâce à leurs nombreuses associations hors de portée des gouvernements nationaux, les oligarques régneront, comme ils le font toujours, du haut vers le bas dans leurs domaines féodaux du XXIe siècle.

Si on examine rapidement les personnes et les raisons qui insistent pour l'Organisation mondiale du Commerce, ils sont tous membres de: The Pelerin Society, la Table ronde, le Club de Rome, l'Institut royal des affaires internationales de Londres, l'Institut des affaires économiques, le Groupe Bilderberger, la Commission trilatérale, le Conseil des relations étrangères, etc.

• 1955

Lorsque vous lisez au sujet de l'un de ces groupes ou que vous entendez une personne de l'un de ces groupes parler, vous savez immédiatement quel point de vue sera favorisé. Par exemple, une ancienne ministre du cabinet Mulroney, Barbara McDougall est maintenant à l'emploi de l'ICAI. Personne parmi ces hommes et ces femmes qui sont membres de ces groupes se soucie un tant soit peu de l'un d'entre vous—il n'y a que vous qui serez prêt à jeter le déshonneur sur votre pays et à dénigrer vos concitoyens.

Ils comptent sur vous grâce à l'éducation, au conditionnement et au lavage de cerveau que vous avez reçu du fait que vous êtes sur les listes d'adresses de ces organismes et de ces entreprises de relations publiques, pour trahir les meilleurs intérêts de votre pays. Les oligarques ont planifié, dépensé sans compter et travaillé fort au cours des 70 dernières années du XXe siècle pour être dans une position pour dominer totalement le XXIe siècle, ne tolérant aucune opposition. À preuve, il suffit de regarder ce qui se passe contre une petite nation souveraine en ce moment en Europe.

Au Canada, vous êtes parmi les instruments choisis pour les aider dans leur trajectoire ou pour les arrêter dans leur lancée. En tant que Canadienne, j'espère que vous opterez pour la deuxième solution.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, madame Minty.

Monsieur Robichaud.

M. Serge Robichaud (témoignage à titre personnel): Je m'appelle Serge Robichaud. Je vis à Maple Ridge, ici en C.-B. Je travaille dans l'industrie de la construction depuis 23 ans.

Je crois que j'ai une compréhension passablement bonne de l'économie mondiale. J'étudie ces questions depuis 10 ans maintenant. Je ne trouve pas que c'est tellement compliqué. J'ai entendu un animateur très populaire ici en C.-B. dire que l'économie mondiale est beaucoup trop compliquée pour lui et nous tous et qu'il serait préférable qu'on la laisse aux spécialistes. Ensuite j'ai entendu Noam Chomsky à la radio Co-op de Vancouver expliquer dans le détail tout son fonctionnement—qui tire les ficelles, qui obtient l'argent et qui en supporte tous les coûts à la fin. Ce n'est pas tellement compliqué. Il n'est pas question de mathématiques avancées ici.

Le problème dans le cas de notre animateur populaire qui travaille pour un poste commercial, c'est qu'un nombre important de ses clients qui annoncent profitent en réalité de la mondialisation. Je parle des courtiers en valeurs mobilières. Ils font passer des publicités innombrables à cette station, nous disant qu'ils peuvent nous aider à tirer le maximum de la nouvelle économie mondiale.

Ces annonces n'en finissent pas. Elles sont présentes dans tous les médias, que ce soit la radio, la télévision, les journaux ou les magazines. Dans un grand nombre, on laisse même entendre ouvertement que nous devrions sortir notre argent de la C.-B., du Canada, pour obtenir un meilleur rendement à l'étranger. Ensuite, nous voyons notre gouvernement supplier à genoux des étrangers d'investir ici. Il y a quelque chose qui ne va pas dans cette situation.

Nous supplions maintenant en faisant des offres de plus grandes exemptions fiscales, subventions, coûts de main-d'oeuvre réduits et règlements environnementaux moins stricts. Nous essayons bien fort de devenir un pays du Tiers-monde. Les courtiers en valeurs mobilières—dont un grand nombre ne s'en rendent pas compte—rendent le même service que les fantassins. Ils détruisent leur propre pays et pavent la voie à ce nouveau gouvernement mondial. Le libre-échange et l'ALENA ont été les portes qui se sont ouvertes pour ce processus. Nous n'avons plus besoin d'accords de libre-échange, nous devons nous débarrasser des deux.

Je prétends qu'une grande partie de nos problèmes ici est la faute du monopole médiatique. En 1981, nous avons eu la Commission Kent sur la concentration des journaux et des médias. Elle nous a servi un avertissement que la démocratie serait en grandes difficultés si on laissait se poursuivre cette tendance.

Nous avons des gens tels Conrad Black, qui est un membre de plusieurs organisations mondiales semi-secrètes. Il exerce un grand contrôle sur notre liberté de presse. Conrad Black est un membre de la Commission trilatérale, du Groupe Bilderberger et du Forum économique mondial. Quelques-uns de ces groupes ont très peu de respect pour le processus démocratique. Ils ont des ambitions très sinistres pour leur propre gouvernement mondial privé. Je dis «organisation semi-secrète» parce qu'on peut trouver de rares renseignements dans certaines bibliothèques. Je dis «secrètes» en raison de la façon dont leurs intentions douteuses et leur existence même n'est jamais signalée dans les médias nationaux.

• 2000

Pour une compréhension critique de la mondialisation, je suggère que nous nous tournions vers les États-Unis, le pays le plus en contrôle de ce processus, et vers quelques-uns de ses dissidents les plus respectés. Pour n'en nommer que quelques-uns, Noam Chomsky, Holly Sklar, Christopher Simpson, Michael Parenti, Howard Zinn, Robert McChesney et Ben Bagdikian. Il y en a de nombreux autres. La plupart d'entre eux sont des professeurs d'universités en communication, en histoire ou en économie politique. Ils sont très crédibles et très articulés. Vous pouvez trouver leurs travaux ici dans des livres, des exposés enregistrés sur cassettes audio et dans la presse de substitution. Vous entendez rarement parler d'eux dans les principaux médias des États-Unis, ou même du Canada. C'est pourquoi—il y a six points que j'aimerais énumérer.

Tout d'abord, ils parlent de cette pratique commerciale des plus injustes que l'on appelle la CIA. Elle effectue des interventions secrètes innombrables dans des pays du Tiers-monde, tout cela au profit des intérêts corporatifs américains, ainsi que des interventions innombrables d'opérations militaires. Elle a une fausse démocratie—un gouvernement fantoche—qui travaille non pour les gens, mais pour les intérêts des familles les plus riches des États-Unis.

Le public américain n'est qu'un autre bien exploitable, tout comme vos ressources naturelles. C'est une grande source de fantassins pour combattre la guerre du mois, et un public qui peut être imposé au maximum pour aider à financer le complexe industriel militaire. Les médias collaborent avec le gouvernement à promouvoir la guerre du mois et à garder le public dans l'ignorance de toutes les autres questions.

La constitution américaine est violée continuellement lorsque c'est nécessaire pour atteindre les objectifs du vrai gouvernement. Et ce vrai gouvernement aux États-Unis est invisible aux yeux du public. Les États-Unis sont gouvernés par environ 400 des plus riches familles. Et leur façon d'agir, c'est par un contrôle des institutions critiques tels les médias, les universités, les organismes de réflexion et les institutions financières, y compris la Federal Reserve. Leur bureaucratie privée s'étend à l'extérieur des États-Unis—le FMI, la Banque mondiale, la Commission trilatérale, le Groupe Bilderberg , et bien d'autres.

Ces dissidents américains sont étiquetés non américains par la presse nationale aux États-Unis. Leurs renseignements sont jugés inacceptables pour le public américain.

Le Canada s'est défait du colonialisme il y a de nombreuses années. La plupart d'entre nous aiment cela ainsi. Nous n'avons aucune intention de redevenir une colonie ou de devenir des colonisateurs. Cependant, ce ne sont pas tous les Canadiens qui partagent cette opinion. Voici une partie de leur raisonnement, si une entreprise canadienne qui est exploitée dans le Tiers-monde fait l'expérience d'un recul économique en raison d'un processus démocratique dans ce pays, nous n'avons pas une CIA prête à intervenir en leur nom.

Il y a quelques années, lorsque Conrad Black prononçait des discours pour dire à quel point nous étions tous envieux des Américains, je pense que c'est ceci qu'il avait à l'esprit, que nous devrions avoir la CIA ou quelque chose de semblable pour défendre nos sociétés dans le tiers-monde. Malheureusement, cette idée sinistre est devenue une réalité dans les années 90. Nous avons appris récemment que des sociétés minières canadiennes s'étaient rendues dans le tiers-monde, ont conclu des transactions avec des gouvernements corrompus puis engagé des mercenaires pour chasser les paysans de leurs terres ou les tuer. Rien de cela n'a été signalé dans les principaux journaux. La presse est en effet entre bonnes mains. C'est inacceptable. Le public canadien n'accepterait pas ce type de comportement.

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, des milliers de Canadiens ont mis leur vie en jeu et se sont rendus outre-mer pour se battre pour la liberté et la démocratie, du moins c'est ce qu'on leur a dit. On leur a dit que c'était leur devoir et leur obligation morale, de sorte qu'ils y sont allés. Il y en a 45 000 qui ne sont pas revenus. Maintenant, nous avons un devoir et une obligation morale de voir à ce que nous ne fassions pas aux autres ce que nous ne voudrions pas qu'on nous fasse, en particulier pour le simple profit des sociétés. Nous le devons à ces 45 000 soldats qui ne sont pas revenus. Nous ne pouvons pas être l'empire du mal qu'ils ont combattu. C'est pour cette raison qu'il y a le jour du Souvenir. C'est pour cette raison que nous portons le coquelicot le 11 novembre. Et c'est pour cette raison que je suis ici aujourd'hui.

• 2005

En conclusion, dans votre analyse finale de ces audiences, j'espère que vous vous rangerez contre la zone de libre-échange des Amériques et les autres collaborations douteuses avec l'Organisation mondiale du Commerce. Une telle décision serait très impopulaire auprès de la presse; on vous condamnerait. Certains d'entre vous pourraient perdre leur emploi pour cette raison, ou même une nomination lucrative. Mais ce ne sera rien de semblable à ce que ces paysans ont comme traitement dans le Tiers-monde, ou ce ne serait même pas au sacrifice de votre vie comme lors de la Deuxième guerre mondiale.

Rappelez-vous tout simplement du coquelicot. Je vous remercie.

[Note de la rédaction: Applaudissements dans la salle]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Le prochain témoin est M. Stan Robertshaw. Je vois que vous nous avez remis un document, monsieur Robertshaw. Je crains qu'il déborde des 10 minutes prévues.

M. Stan Robertshaw (témoignage à titre personnel): Je ne dépasserai pas 10 minutes. Je ne me servirai pas de ce document. J'y ferai référence, mais...

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Très bien. J'allais seulement vous demander d'en donner les points saillants.

M. Stan Robertshaw: Je vais le résumer, essentiellement.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup. Je ne voulais tout simplement pas que vous commenciez et qu'on vous dise par la suite que vous n'aviez plus de temps.

M. Stan Robertshaw: Je ne peux pas présenter ce document en 10 minutes. Je le sais.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Je le sais. C'est pourquoi j'en ai pris connaissance. Merci.

M. Stan Robertshaw: Merci beaucoup de me donner la possibilité de m'adresser au comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Je vais tout simplement faire référence à quelques-unes des idées que j'ai mentionnées dans ce mémoire.

Un grand nombre des mémoires que vous avez entendus jusqu'à maintenant portent sur la démocratie et la redéfinition de la démocratie. Nous vivons dans une société et dans un monde qui est une énigme énorme. Nous avons une structure dont la plupart d'entre nous probablement dépendent—eh bien, sauf les membres du comité, il va sans dire—que l'on appelle des sociétés, qui n'ont rien à voir avec la démocratie en ce sens qu'elles ne sont pas structurées en fonction de la démocratie. Elles sont structurées en fonction d'une économie dirigée si vous voulez. C'est fondé sur la propriété. À une époque, ces gens étaient en affaires pour construire un nation, et à une époque notre nation et d'autres nations dépendaient de ces sociétés pour construire nos nations. Nous continuons, dans une grande mesure, de dépendre de ces grandes sociétés.

Maintenant, dans ce contexte, j'aimerais vraiment que vous examiniez l'OMC sous l'aspect de ce qui a été réalisé jusqu'à maintenant par la ZLEA et l'ALENA. Dans mon mémoire, je fais référence à un rapport intitulé The Growing Gap Report.

L'Accord de libre-échange a été instauré en 1988. Il y a eu un grand débat qu'il l'a entouré. Mais je pense qu'il s'agit de l'un des résultats de ces politiques. Il y a certainement quelques membres du comité dans cette salle qui pourraient se rappeler une petite élection de 1993. Les électeurs canadiens ont évincé un parti. C'est ainsi qu'ils votent. Ils votent toujours de cette façon. Ils n'élisent pas des gouvernements; ils évincent les anciens. Ils ont pris un parti politique qui avait seulement un ou deux membres, je pense—le Parti réformiste—et en ont fait graduellement un parti d'opposition. Ils ont dit, et je pense qu'ils disent toujours, que ces politiques de l'ALE, le libre-échange, ne fonctionnent pas. Ils ne favorisent pas l'égalité. Ils n'apportent aucun avantage aux gens. Et on peut le prouver par le nombre d'emplois perdus, par l'impartition aux pays du Tiers-monde, et les maquiladoras au Mexique et en Amérique centrale. Notre société est différente de ce qu'elle était il y a dix ans, et le libre-échange en est malheureusement responsable dans une grande mesure.

• 2010

Maintenant, parmi ces soit-disant projets, une chose unique s'est produite au cours des 30 dernières années. Plus de 92 p. 100 des recettes fiscales qu'Ottawa reçoit chaque année viennent des Canadiens ordinaires tel moi et chaque personne dans cette salle. Il y en a moins de 8 p. 100 qui vient des sociétés.

Quelle était la différence il y a 30 ans? Il y a trente ans, 50 p. 100 des recettes fiscales qu'Ottawa recevait chaque année venaient des sociétés. Elles étaient encore dans le processus de construction d'une nation, et notre gouvernement les tenait fermement. Notre gouvernement, et malheureusement, les membres de ce comité ont lâché prise, pas pour construire notre nation et pas non plus pour aider notre nation à en tirer avantage. En fait, ces sociétés vous ont éclipsé en tant que députés.

Cette redéfinition de la démocratie vous inclut. Dans 30 ans d'ici, où diable allez-vous être? Allez-vous tout simplement adopter des lois qui ont trait aux Canadiens ordinaires et non aux sociétés? Vous devez vraiment vous poser la question, je pense. Ces accords changent le pouvoir que vous avez, donc quel pouvoir avez-vous? Vous ne pouvez pas adopter des lois telles la Loi sur les additifs d'essence au manganèse. Vous ne pouvez pas utiliser votre propre discrétion pour agir d'une façon qui profiterait aux personnes qui vous ont élu. Vous êtes limités par ces accords.

Parmi les 100 plus puissantes économies, 51 sont des sociétés. C'est un gros changement par rapport à la situation d'il y a 20 ans et c'est énorme par rapport à ce qu'il y avait il y a trente ans. Il n'y a aucune réglementation des sociétés dans ces accords, ni aucune disposition pour mettre en application les droits de la personne, des normes environnementales et les droits des travailleurs comme nous avons au Canada.

Il y a plus de 200 000 personnes, je crois, qui viennent dans notre pays chaque année comme nouveaux citoyens pour amorcer une nouvelle vie au Canada. C'est tout dire de ce que nous avons accompli au Canada au cours des 130 dernières années. Les gens viennent ici dans l'espoir de profiter de la citoyenneté et d'être capables de réaliser quelque chose. Au lieu, les choses changent de sorte que ces personnes sont de simples consommateurs et travailleurs, et ces accords sont en train de gruger chaque année leurs droits.

Des travailleurs ont été déplacés par ces accords en très grand nombre. C'est une course vers le fond, si vous voulez. Nous ne pouvons concurrencer. Les travailleurs canadiens ordinaires ne peuvent concurrencer contre la main-d'oeuvre bon marché de Chine. Nous ne pouvons concurrencer contre la main-d'oeuvre enfantine d'Inde, de Chine et d'Amérique centrale.

Au Canada, nous avons une protection pour nos travailleurs. Ce que nous demandons en tant que Canadiens, c'est que vous, à titre de députés, adoptiez dans les lois les mêmes choses qui ont fait de notre pays un grand pays dans les cercles internationaux grâce à ces accords. Faites-le de façon à ce que les travailleurs aient des droits applicables. Créez des accords et créez l'Organisation mondiale du Commerce afin que les gens à la base en profitent, parce que si vous ne répartissez pas correctement la richesse, elle va être concentrée et on va en abuser. Le pouvoir viendra de quelques personnes. Ce n'est plus le monde entier qui en profitera. C'est essentiellement ce dont nous parlons. Nous parlons d'en faire profiter le monde, et non seulement nous-mêmes. Nous avons un mot important à dire dans tout cela.

Pour une raison que je ne m'explique pas, d'autres gens dans d'autres pays pensent que nous pensons différemment, parce que nous avons travaillé tellement fort pour que nous en profitions tous. Nous avons construit une société qui est attentive, compatissante. Mais au cours des dix dernières années, j'ai constaté un changement énorme dans cette société. C'est pourquoi cette salle est remplie de gens ce soir, parce qu'ils sont également inquiets de ces changements.

Il y a un mois ou deux, je me suis présenté devant mes conseillers scolaires et j'ai présenté une résolution à l'encontre de l'AMI. Mon Dieu, ces gens ne sont pas des syndiqués. Ils ne votent pas pour le NPD. Ils pourraient voter pour le Parti libéral. Ce sont des gens très conservateurs. À l'unanimité, ils ont appuyé une motion contre l'AMI. C'est de cela que je parle. Ce sont des gens qui ont une allure conservatrice, et ils voient également le changement dans notre pays. Ils ont voté de façon conservatrice en ce sens qu'ils ont créé le Parti réformiste, parce qu'ils voulaient revenir à la façon dont les choses se déroulaient dans les années 50, alors qu'il y avait de la sécurité et du soutien pour les Canadiens ordinaires.

• 2015

Je vais maintenant conclure. Il s'agit d'une progression naturelle du pouvoir vers les énormes sociétés transnationales et si vous n'agissez pas maintenant, vous devrez agir plus tard. Les droits des Canadiens ordinaires et des gens ordinaires qui travaillent dans les maquiladoras et des endroits comme ça diminuent et sont déplacés. En bout de ligne, Vous deviendrez des commis, le pouvoir que vous avez diminuera parce que ces énormes sociétés deviennent toujours plus grosses. Dans 20 ans d'ici, elles ne seront peut-être plus 51 grandes économies, elles pourraient être 90.

Je vous remercie une fois de plus de m'avoir permis de m'adresser au comité, madame la présidente.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Robertshaw.

Madame Schwartzkopf.

Mme Olga Schwartzkopf (Water Caucus, B.C. Environmental Network): Je représente le Water Caucus du B.C. Environmental Network, et je fais également partie du conseil de cette organisation. Nous sommes formés de 250 à 300 membres d'organisations environnementales de partout en Colombie-Britannique. Je fais également partie du comité consultatif de la Burns Bog Conservation Society, qui s'intéresse à la protection des terres humides partout au Canada et en Colombie-Britannique, et de Burns Bog en particulier. Je fais également partie du comité exécutif de la Soil & Water Conservation Society, succursale de la C.-B. Nous nous occupons principalement de questions agricoles reliées au sol et à l'eau.

Je me présente devant vous aujourd'hui sur un très court préavis de sorte que j'ai fait de nombreuses petites recherches sur ces questions.

Ma principale préoccupation est la perte graduelle de notre souveraineté et de notre contrôle sur notre propre eau. Malheureusement, je ne fais pas confiance à nos politiciens lorsqu'ils disent non, l'eau ne fait pas partie de l'accord de libre-échange. Je ne les crois pas parce que l'eau est dans le GATT, et l'OMC est le GATT du point de vue de l'Amérique du Nord.

L'eau, c'est la vie. Le monde est contenu dans une goutte d'eau. Les transferts d'eau, que ce soit par pipeline ou par navires-citernes, mettent en cause le transfert d'écosystèmes et devraient être interdits. L'eau est la question du XXIe siècle.

Sur la question de l'eau qui ne fait pas partie des accords commerciaux, j'ai constaté dans ma recherche qu'il s'agit d'une question litigieuse dans la communauté mondiale quant à savoir si l'eau est un bien économique. Je me suis rendu compte que la plupart des nations et des cultures ne considèrent pas l'eau comme un bien économique, peu importe ce que dit le GATT, ce que l'OMC va inévitablement dire, et ce que la ZLEA va probablement nous dire aussi.

Les discussions ont commencé en 1977 lors d'une conférence parrainée par l'ONU sur l'eau à Mar del Plata. En 1992, la Conférence internationale sur l'eau et l'environnement a eu lieu à Dublin, en Irlande. De cette conférence est venue la Déclaration de Dublin et le rapport de la conférence sur l'eau. Le Canada était un participant et un signataire de ces principes. Ces principes et recommandations ont été incorporés dans tous les rapports de conférences internationales ultérieures, y compris la conférence au sommet de Rio de Janeiro en 1992. La Déclaration de Dublin a été incorporée au Programme 21, au chapitre 18, qui touche l'eau. Le Canada était un participant et un signataire de programme 21. Cependant, il ne s'agit pas d'un accord exécutoire.

Les participants à la conférence demandaient:

    de nouvelles approches fondamentales en ce qui concerne l'évaluation, la mise en valeur et la gestion des ressources d'eau potable, que l'on ne peut obtenir que par la participation et l'engagement politiques depuis les plus hauts paliers de gouvernement jusqu'aux plus petites collectivités.

• 2020

La Déclaration de Dublin a été présentée à la conférence des Nations Unies de Rio de Janeiro en 1992, et les participants ont pressé tous les gouvernements de traduire leurs premières recommandations de la conférence de Dublin en un programme d'action urgent pour l'eau et le développement durable. La recommandation du rapport de la conférence se fonde sur quatre principes directeurs, et j'ai découvert que ces quatre principes ont suivi leur chemin jusqu'à aujourd'hui, grâce à l'initiative du Conseil mondial de l'eau, dont je parlerai plus tard.

Les quatre principes directeurs qui sont maintenant décrits comme la Déclaration de Dublin sont: un, l'eau potable est une ressource finie et vulnérable, essentielle au maintien de la vie, au développement et à l'environnement; deux, la mise en valeur de l'eau et sa gestion devraient se fonder sur une approche participative faisant intervenir les utilisateurs, les planificateurs et les décideurs de tous les paliers; trois, les femmes jouent un certain rôle dans la fourniture, la gestion et la protection de l'eau; quatre, l'eau a une valeur économique dans toutes ses utilisations et devrait être reconnue comme un bien économique.

Le quatrième principe est la question la plus litigieuse. Le raisonnement relatif à ce principe est le suivant:

    Dans ce principe, il est vital de reconnaître d'abord le droit fondamental de tous les êtres humains d'avoir accès à de l'eau propre, et à l'hygiène publique à un prix abordable. L'échec passé de reconnaître la valeur économique de l'eau a mené à un gaspillage et à des utilisations dommageables pour l'environnement de la ressource. La gestion de l'eau comme bien économique est une façon importante d'en arriver à une utilisation efficace et équitable et d'encourager la conservation et la protection des ressources aquatiques.

Mon examen de divers documents universitaires et professionnels sur le sujet permet de constater qu'il n'y a aucun consensus parmi les collectivités et les cultures pour ce qui est de traiter l'eau comme un produit ou un bien économique. Si on reconnaît l'eau comme un bien économique et si cette définition inclut la privation des ressources aquatiques, alors le droit fondamental à une eau abordable ne peut en toute logique être assuré.

C'est la nature des sociétés privées de maximiser le profit, étant donné que c'est leur impératif. Elles ne se soucient pas des obligations morales ou sociales envers la collectivité et la province. La seule façon que les obligations morales et sociales d'une collectivité puissent être satisfaites, c'est de garder nos ressources aquatiques comme un bien public.

On ne peut mettre l'eau dans la même catégorie que des biens échangés sur le marché mondial. Il y a eu et il y a encore des guerres locales qui se livrent à cause de l'eau. Dans le futur, il y aura des guerres plus étendues qui seront livrées pour le contrôle des ressources aquatiques. On ne déclarera pas une guerre pour la disponibilité et le contrôle des montres Seiko, des jeans Levi's, des espadrilles Nike, ou d'une Ford, ou encore d'une Toyota, ou même d'une Lada. Il n'y a aucun être humain qui peut vivre plus que quelques jours sans eau propre. L'humanité a survécu pendant des milliers d'années sans montres Seiko, jeans Levi's, espadrilles Nike et Ford, Toyota ou Lada.

L'eau est une question locale, une question domestique, et c'est l'ensemble mondial de tous les ménages et de toutes les collectivités locales qui doit prendre des décisions au sujet des ressources aquatiques.

L'eau ne doit pas être incluse comme bien du commerce dans la ZLEA, en particulier étant donné que cet accord aura pour modèle l'ALENA. L'ALENA, avec la structure de soutien. L'OMC, menace notre souveraineté sur les ressources aquatiques de notre pays. Notre législation locale et nos règlements ont été subordonnés à ces accords commerciaux. Ces accords commerciaux ont établi des barrières aux processus démocratiques par lesquels nous avons régi nos produits depuis la formation de notre pays; par exemple, le droit de Sun Belt Water Inc. de poursuivre nos gouvernements pour avoir adopté des lois à la demande de la collectivité. Il y a bien des choses qui ont été dites à ce sujet.

Nous sommes forcés d'accepter la diminution de nos processus démocratiques parce que l'OMC et l'ALENA ont décidé qu'il ne peut y avoir d'obstacles au libre-échange: le libre-échange est mondial, et c'est le nirvana; il éliminera la pauvreté et nous prospérerons tous dans l'aura de la gouverne des sociétés.

L'ALENA, avec l'aide de l'OMC, prendra des sanctions contre le Canada ou tout autre membre qui n'élimine pas les politiques ou les lois qui sont perçues ou interprétées par eux comme un obstacle au commerce. En même temps, l'OMC ne reconnaîtra pas que certains de ces membres sont responsables de l'esclavage de leurs citoyens respectifs dans la production de biens pour les pays développés. Est-ce que ce n'est pas un obstacle à l'atteinte des objectifs prescrits de l'OMC et des raisons énoncées pour son existence, à savoir maintenir la paix dans le monde et apporter la prospérité à ses habitants?

L'eau ne devrait pas être reléguée à des accords commerciaux, qu'il s'agisse de l'ALE, de l'ALENA, de la ZLEA, de l'OMC, de la Banque mondiale ou du Fonds monétaire international. L'eau est trop importante pour être laissée entre les mains de politiciens qui travaillent en collaboration avec des spécialistes du commerce, qui viennent habituellement du secteur privé, vers qui vont tous les avantages des règles de l'OMC.

Il s'est dit beaucoup de chose dernièrement au sujet des vastes réserves d'eau potable du Canada. Nous avons plus d'eau que n'importe quel autre pays au monde. Un conférencier a dit que le Canada a 40 p. 100 de la réserve mondiale d'eau potable; un autre a parlé de 28 p. 100; et un autre de 20 p. 100. Il n'y a habituellement aucune référence qui est donnée à l'appui de ces statistiques. Vient ensuite un discours sur notre obligation morale de partager cette eau avec le reste du monde. On a découvert par la suite que la personne qui parle de cette obligation morale est un entrepreneur en colère qui a une entreprise du domaine de l'eau et qu'on a empêché d'augmenter les profits de son entreprise à la suite d'un moratoire sur les exportations d'eau.

• 2025

Un de ses collègues entrepreneurs fera bientôt partie du club des millionnaires en fournissant de l'eau aux boutiques asiatiques dans cette bouteille d'eau canadienne, qui est étiquetée de façon appropriée avec une illustration de ruisseaux de montagnes coulant dans d'étroites vallées boisées primitives. Vous pouvez obtenir des cubes de glace qui viennent tout juste d'être acheminés par avion directement des glaciers des Rocheuses de l'Alberta. Ces glaciers ont été exploités en vue de produire des cubes de glace de conception.

La publication d'Environnement Canada Le capital-nature du Canada en capsule nous donne les statistiques suivantes: le Canada a environ 9 p. 100 des réserves d'eau potable renouvelable du monde, le Brésil en a 18 p. 100, l'ancienne Union Soviétique a 13 p. 100, la Chine a 9 p. 100, la même chose que le Canada; les États-Unis ont 8 p. 100. En fait de superficie des lacs, le Canada vient au premier rang dans le monde, avec 565 lacs de plus de 100 kilomètres carrés. Les Grands lacs qui chevauchent la frontière du Canada et des États-Unis, contiennent 25 p. 100 de l'eau potable mondiale dans des lacs, partageant la première place avec le Lac Baykal en URSS. Le Lac Baykal est le lac le plus profond au monde, et il contient le volume combiné d'eau potable des Grands lacs. Le Lac Baykal a été déclaré lieu du patrimoine mondial il y a quelques années par les Nations Unies. Je me demande s'il y a des entrepreneurs du domaine de l'eau qui négocient un pipeline pour l'eau qui partirait du Lac Baykal vers les étendues desséchées de Mongolie ou de Chine, ou peut-être vers le désert de Gobi, qui n'est pas très loin au sud de ce lac.

Il n'a cessé d'y avoir une pression pour acheminer par pipelines l'eau de l'intérieur de la C.-B. au sud de la frontière par un entrepreneur de la C.-B. Sa justification se fonde également sur des principes moraux. Après tout, ces fontaines d'eau à Las Vegas procurent un soulagement esthétique essentiel aux voyageurs qui émergent des cavernes du jeu sur la rue principale. L'entrepreneur-joueur peut se permettre de payer pratiquement n'importe quel prix pour cette eau. La C.-B. devrait continuer son moratoire sur l'exploitation de l'eau à des fins d'exportation, y compris les transferts entre bassins et les transferts. Le Canada devrait décréter un moratoire semblable immédiatement. Je pense que nous aurions l'appui international à cet égard compte tenu de la formation du Conseil mondial de l'eau, du projet de vision mondiale de l'eau ainsi que le partenariat mondial de l'eau.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Si je pouvais vous arrêter quelques instants, vous avez dépassé le temps alloué. Je sais qu'il y a beaucoup de choses importantes que vous avez à dire. Pourrais-je vous demander de donner les points saillants sur le Conseil mondial de l'eau et les recommandations de l'OMC?

Mme Olga Schwartzkopf: Le Conseil mondial de l'eau a formé un organisme sans but lucratif qui est basé à Paris. Par l'entremise du Conseil mondial de l'eau, on a mis sur pied ce que l'on appelle un projet de vision, qui sera à La Haye en mars 2000, période au cours de laquelle divers organismes régionaux de partout sur la planète, ou autour de la planète, j'espère, seront en mesure de présenter leur vision locale de l'approvisionnement en eau dans leurs compétences.

D'une quelconque façon, toutes ces visions seront réunies à La Haye en 2000. Par l'entremise du Conseil mondial de l'eau, il y a également un organisme qui s'appelle le Partenariat mondial de l'eau, qui doit prendre cette vision créée par la mise en commun de toutes ces visions régionales et mettre en oeuvre une stratégie de l'eau pour le XXIe siècle.

Je ne suis pas certaine, et je n'ai pas été en mesure de le découvrir, quelle est la position ou le rôle du Canada au sein de ces organismes, mais j'espère que nous y participons. J'aimerais voir le gouvernement fédéral appuyer des ONG, des représentants municipaux et des personnes de partout au pays pour les envoyer à La Haye et présenter leur vision et, à tout le moins, publiciser le fait que nous avons cette possibilité de partager en mettant en commun une vision pour l'avenir de l'approvisionnement mondial en eau et la façon dont cette eau sera distribuée à l'avenir.

Nous avons une possibilité de le faire, mais on en fait nulle part la publicité et je pense que notre gouvernement devrait le faire. À tout le moins qu'on le mette dans les journaux et je pense que le véhicule par lequel ces visions sont réunies est le Secrétariat international de l'eau à Montréal. Je n'en suis pas certaine, mais je pense que c'est ce véhicule.

• 2030

J'ai quelques commentaires au sujet de l'OMC. En effectuant de la recherche sur l'OMC dans leur page web, j'ai été choquée de lire ce que j'ai lu. En fait, ils essaient d'informer le public dans ces pages web.

Il y a une liste des 10 avantages du système d'échange commercial de l'OMC. J'ai choisi mes trois préférés. Le premier dit que nous devrions être reconnaissants de la mise sur pied de l'OMC parce que leur justification pour exister est que la Deuxième guerre mondiale a été déclarée en raison des obstacles au commerce entre des pays d'Europe. J'ai eu beaucoup de difficultés à réconcilier la marche d'Hitler en Pologne, en France, en Hollande, en Scandinavie et en Russie en raison des obstacles au commerce. Puis, après la guerre, les tensions entre les pays d'Europe ont été adoucies en raison de la formation du GATT, et le GATT a connu tellement de succès que nous avons maintenant l'OMC. Il y a une partie de cet aspect de l'histoire qui a échappé à mes enseignants, car je n'ai jamais appris cela à l'école.

L'avantage numéro huit dit ceci:

    Les principes fondamentaux rendent le système économiquement plus efficace et ils réduisent les coûts [...] Ils simplifient la vie des entreprises directement concernées par le commerce ainsi que des producteurs de biens et de services. Le commerce permet une division de la main-d'oeuvre entre les pays. Il permet d'utiliser les ressources de façon plus appropriée et plus efficace pour la production. Mais le système commercial de l'OMC offre plus que cela. Il aide à accroître l'efficience et à réduire les coûts encore plus en raison des principes importants enchâssés dans le système.

Est-ce la division de la main-d'oeuvre qui favorise la production d'aliments au Mexique qui est alors cueillie par de jeunes enfants—plus une famille a d'enfants, plus elle peut gagner d'argent—et concentre la fabrication de vêtements et de nombreux biens durables en Chine, où un travailleur gagne quelques sous par jour pour un travail dur? Les conséquences de l'utilisation appropriée et efficace des ressources a eu pour résultat des politiques qui favorisent le développement industriel et détourne l'eau de la production d'aliments à des utilisations industrielles.

Est-ce que cela signifie que les gens de Chine auront en bout de ligne à se fier aux habitants du Mexique pour produire leur nourriture? Ce système repose sur une énergie bon marché pour le transport de ces produits vers des marchés lointains. Que se passera-t-il lorsque nos combustibles fossiles seront épuisés? Le système gaspille nos ressources énergétiques renouvelables et il n'est pas durable.

Je pense que c'est l'avantage numéro neuf qui est le meilleur.

L'avantage numéro neuf dit ceci:

    Le système protège les gouvernements contre les intérêts étroits. Les gouvernements sont mieux placés pour se défendre contre les démarches de groupes d'intérêts étroits en se concentrant sur des compromis faits dans les intérêts de chacun dans l'économie. L'une des leçons du protectionnisme qui a dominé les premières décennies du XXe siècle a été le dommage qui peut être causé si des intérêts sectoriaux étroits obtiennent une part non équilibrée de l'influence politique...

Ce qui me chicote ici, c'est la façon dont le mot «protectionnisme» est utilisé partout dans les pages de l'OMC. Cela me rappelle la façon dont le mot «communisme» était utilisé au début des années 50 en Amérique du Nord. Est-ce que nous avons toujours des démarcheurs grassement payés qui parcourent les corridors du Sénat des États-Unis et qui reçoivent des représentants du Congrès, et la même chose à la Chambre des communes? Quelle est la carrière la plus populaire pour les politiciens à la retraite en Amérique du Nord?

L'avantage numéro dix dit ceci:

    Le système encourage un bon gouvernement. En vertu des règles de l'OMC, une fois qu'un engagement est pris de libéraliser un secteur du commerce, il est difficile de faire marche arrière. Les règles découragent également un éventail de politiques non avisées. Pour les entreprises, cela signifie une plus grande certitude et une plus grande clarté au sujet des conditions du commerce. Pour les gouvernements, cela peut souvent signifier une bonne discipline. Les règles réduisent les possibilités de corruption. Les règles incluent des engagements de ne pas revenir à des politiques non avisées. Le protectionnisme est de façon générale non avisé en raison du dommage qu'il cause tant à l'échelle nationale qu'internationale, comme nous l'avons déjà vu. Différents types d'obstacles au commerce causent d'autres dommages parce qu'ils donnent des occasions de corruption et d'autres formes de mauvais gouvernement...

Est-ce que cela signifie que les députés fédéraux et provinciaux ne sont pas autorisés à faire partie des divers conseils d'entreprises privées une fois qu'ils sont élus? Est-ce que mauvais gouvernement signifie d'imposer un moratoire à l'exportation de l'eau en vrac et aux transferts entre bassins de l'eau? Est-ce qu'une politique non avisée inclut de voir aux besoins en énergie de vos citoyens comme priorité avant l'exportation? Est-ce qu'une bonne discipline signifie que lorsque l'on fait référence aux actions d'un État membre démocratiquement élu qui agit conformément aux souhaits de son peuple? Qu'est-ce qu'une bonne discipline signifie lorsque l'on fait référence aux actions d'un État membre qui est une dictature militaire ou qui est gouverné par une autorité autre qu'à la suite d'une élection par sa population?

• 2035

Vous pourriez dire que les réponses à ces questions ne relèvent pas de l'OMC, que nous devrions demander les réponses à nos propres gouvernements. L'OMC n'a rien à voir avec les questions morales. Cela ressemble beaucoup pour moi à une société. Mais comme on le disait à l'avantage neuf, l'OMC fournit les réponses à ses gouvernements membres pour qu'ils les transmettent à leurs citoyens.

    [...] le gouvernement peut rejeter la pression protectionniste en faisant valoir qu'il a besoin d'un accord plus large qui profitera à tous les secteurs de l'économie.

Cela me semble familier.

Les objectifs louables de l'OMC—paix et prospérité pour tous—ne peuvent être atteints sans un impératif moral. Je prétends que l'OMC pourrait atteindre ces objectifs en ajoutant un code d'éthique à ses accords avec les membres et les producteurs que les règles de l'OMC protègent. Ce code de conduite pourrait se fonder sur la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies, qui inclut maintenant le droit à un environnement sain.

Merci beaucoup d'avoir fait preuve de patience.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Nous avons encore quatre personnes qui vont témoigner devant nous. Nous avons accumulé une bonne demi-heure de retard. Je demanderai instamment à tous les témoins d'essayer de limiter leurs commentaires à dix minutes—si vous avez un document préparé, tout votre document sera incorporé au compte rendu. Jusqu'à maintenant je ne l'ai pas appliqué, mais nous avons beaucoup de retard. Je vous demanderais donc votre collaboration.

Monsieur Koscielniak.

M. Shane Koscielniak (témoignage à titre personnel): J'ai en fait demandé un rétroprojecteur. J'ai de magnifiques diapositives que malheureusement je ne peux partager avec vous, mais j'ai demandé qu'on en produise deux.

Quoi qu'il en soit, bonsoir, membres du comité. Permettez-moi de me présenter. Je suis un scientifique à l'emploi de TRIUMF-UBC à Vancouver, qui est un laboratoire de recherche de physique subventionné par le gouvernement fédéral.

Cet article de journal provenant du North Shore News énonce clairement ma position à l'égard d'une récente initiative du MAECI. L'AMI était certainement une menace à la souveraineté canadienne. Je ne suis pas venu à cette conclusion en lisant le livre de Maud Barlow ou en me joignant à la campagne de David Orchard contre l'ALENA, mais plutôt en lisant les textes respectifs dans leur totalité—et l'ALENA compte un quart de million de mots—et en suivant l'ALENA pendant cinq ans et l'AMI pendant les deux dernières années.

Aujourd'hui, je suis ici pour discuter de l'OMC et de la ZLEA. Le cycle du millénaire de l'OMC semble étendre l'accord de l'OMC dans des directions semblables à l'AMI, et la ZLEA espère obliger tous le pays des Amériques à faire partie d'un accord élargi de type ALENA.

Qu'est-ce qui ne va pas? Eh bien, ma principale objection au cadre de tous ces accords est l'hypothèse dominante que le commerce est plus important que n'importe quelle autre activité humaine ou que la santé environnementale de notre planète. Cette hypothèse est tellement tenue pour acquise par les partisans du libre-échange qu'ils ont complètement oublié que l'hypothèse même doit être justifiée. Mais comment pouvez-vous expliquer les récentes actions de l'OMC qui ont renversé des lois nationales conçues pour protéger l'air propre, les espèces en danger, la sécurité de la chaîne alimentaire, la diversité culturelle, l'hygiène publique et les droits de la personne?

Les exemples de l'OMC-GATT incluent l'interdiction européenne du boeuf contenant des hormones artificielles; le gouvernement des États-Unis qui est obligé de retirer des dispositions de sa Clean Air Act; le tribunal administratif de l'OMC qui annule la tentative d'Ottawa de protéger son industrie du magazine des publications à tirage partagé américaines; et la décision du GATT contre la limitation des importations de thon fondée sur des pratiques de pêche qui mettent en danger les dauphins aux États-Unis.

L'ALENA nous a également fourni de nombreux exemples où on a mis le commerce au-dessus de l'environnement, des ressources et de la culture. Il y a eu Ethyl Corp et l'interdiction du MMT, qui est essentiellement une question de profits provenant du MMT contre la santé publique. Il y a eu S.D. Myers et l'interdiction d'exportation de BPC qui est en réalité l'ALENA contre la convention de Bâle sur le transport de substances toxiques. Puis il y a eu récemment la compagnie américaine, Sun Belt, qui a entrepris des poursuites, contestant la protection de l'eau en C.-B.

Il y a également des exemples ahurissants—des exemples qui ne se sont pas rendus devant les tribunaux. Par exemple, le projet de législation d'Ottawa sur les emballages neutres de cigarettes, auxquels s'opposaient des compagnies américaines en vertu des règles de l'ALENA. Le gouvernement libéral a donné suite à la promesse faite dans son livre rouge d'étendre un régime d'assurance-médicaments en raison de problèmes de l'ALENA avec les droits enchâssés dans le chapitre 17 de l'ALENA, portant sur les droits de propriété intellectuelle.

Donc, cet article de foi voulant que le commerce ait lieu ne trouve son équivalent en absurdité et entêtement que dans l'hypothèse des partisans du libre-échange, que l'accès aux marchés est un droit venant de Dieu, comme le droit des rois. Enfin, l'accès est un privilège qui peut être accordé ou refusé.

Je passerai maintenant au commerce comme source d'emploi et de prospérité. Adam Smith et son célèbre traité An Inquiry Into the Nature and Causes of the Wealth of Nations a défendu de façon convaincante les avantages du commerce: deux pays, chacun avec un avantage comparatif dans une industrie donnée, peuvent habituellement profiter du commerce de ces biens. Donc, je pense que nous avons essentiellement une aubaine Faustienne. Si ces accords commerciaux peuvent créer suffisamment d'emplois et nous rendre riches, eh bien nous devrions alors le considérer une aubaine qui en vaut la peine d'échanger la souveraineté pour la prospérité.

• 2040

Selon chaque véritable indicateur relié au commerce, les mesures de libéralisation ont fait augmenter les exportations—ainsi que les importations. Mais ce n'est pas cela l'important. Si on se fonde sur la prospérité et les emplois, l'augmentation du commerce n'a eu absolument aucun avantage. C'est un contrôle de la réalité, et je vais l'étayer de façon plus détaillée.

L'IDE n'est pas nécessairement un instrument de création d'emplois. Sergio Marchi nous dit qu'une augmentation de un milliard de dollars en investissements directs étrangers aide à créer environ 45 000 emplois sur environ cinq ans. Je ne contesterai pas cet énoncé. Au lieu, j'invite le comité à faire un contrôle de la réalité. Sergio Marchi et Statistique Canada nous ont donné un autre élément d'information. L'IDE au Canada est passé de 96 milliards de dollars en 1986 à 180 milliards en 1996.

Un calcul arithmétique de base sous-entend que cet investissement aurait dû créer 3 millions d'emplois. Pourtant, voici le contrôle de la réalité—c'est illustré sur votre graphique. Essentiellement, l'emploi au Canada est demeuré constant au cours des dix dernières années. Tous ces milliards de dollars n'ont rien fait pour créer des emplois.

La résolution de cette énigme nous a été donnée par Mel Hurtig dans le Globe and Mail. La raison est que 94 p. 100 de l'IDE est consacré à l'achat d'entreprises canadiennes existantes—non à la création de nouvelles, et non à l'introduction de la nouvelle technologie au Canada.

En ce qui concerne l'ALE et l'ALENA au niveau des emplois, tant en vertu de l'ALE que de l'ALENA, le Canada a perdu des emplois au profit des États-Unis. Dans le cadre de l'ALENA, les États-Unis et le Canada ont perdu d'autres emplois, en fait, aux maquiladoras mexicains où les salaires sont faibles et les normes environnementales et d'hygiène faibles également. Selon les statistiques, au cours des trois premières années de l'ALE, 1,4 million d'emplois ont disparu. Tel que l'indique Statistique Canada, suite à l'ALE en 1989, le chômage a bondi de 7,5 p. 100 à 11,3 p. 100 en 1992. Depuis le début du libre-échange, Ford a mis à pied 2 200 travailleurs. Allied Signal a réduit son effectif de 21 p. 100; United Technologies de 15 p. 100; GE de 35 p. 100, Dupont de 18 p. 100 et 3M de 11 p. 100. Je pense que je n'ai pas besoin d'ajouter quoi que ce soit.

On utilise habituellement le volume commercial comme indicateur des raisons pour lesquelles ces transactions sont si bonnes, mais je ne pense pas que ce soit un indicateur de prospérité. Diane Francis a récemment écrit dans le National Post que: «La croissance économique au Canada depuis 1989 a surtout eu rapport au fait que les exportations sont en hausse de près de 114 p. 100». Encore une fois, le contrôle de la réalité est le triste bilan des sans-emploi au Canada.

Donc qu'est-ce qui n'a pas été avec toutes ces exportations? Eh bien, la réponse est qu'environ 70 p. 100 du commerce entre le Canada et les États-Unis est un commerce entre sociétés. C'est entre des filiales canadiennes d'entreprises de propriété américaines qui envoient des ressources vers le sud à leurs entreprises mères et ces entreprises mères les revendent par la suite sous forme de produits finis au Canada.

Quoi qu'il en soit, Adam Smith a certainement bien présenté le commerce des biens et services. Mais je tiens à faire remarquer que les MIC et les APIC—ces mesures concernant les investissements liés au commerce et les droits d'auteur internationaux—ne sont pas véritablement du commerce. En fait, il s'agit de commerce des moyens de production. Ils ont rapport aux avantages comparatifs de la vente et de l'achat. Ce sont des aspects dont Adam Smith n'a rien dit. Ce sont des concepts beaucoup plus abstraits.

Je ne dis pas que les échanges commerciaux ne peuvent pas en principe créer d'emplois et de prospérité. Ce que je dis, c'est que ce genre de traité relié au commerce que nous avons conclu au cours des dernières années n'a pas eu ces effets.

Donc je veux maintenant vous dire ce qui est bien, ce que nous devrions faire.

Ces traités et la plus grande partie de la législation correspondent à une tendance. Premièrement, vous énoncez un objectif, puis vous concevez un mécanisme détaillé pour atteindre cet objectif. J'aimerais vous donner des principes pour les négociations du millénaire.

Prenez une définition étroite de l'investissement, contrairement à l'AMI. Faites en sorte que le traitement national et le traitement de la nation la plus favorisée soient accordés comme un privilège pour le maintien d'un bon comportement. Réglementez les mouvements de capitaux pour contrer les spéculations sur la devise. Rendez légales les exigences en matière de rendement comme un mécanisme de création d'emplois et de prospérité. Remplacez tout le mécanisme d'État investisseur en règlement des différends d'états à états. Nous avons besoin d'une indemnisation raisonnable pour l'expropriation, et nous ne voulons pas une définition large de l'expropriation. Enfin, tout accord que nous signons devrait avoir une clause comportant aucune obligation pour le retrait en moins de six mois.

Une autre chose que j'ai remarquée, c'est que les négociateurs commerciaux semblent de toute évidence faire un emploi abusif et insulter l'intelligence du grand public en ce qui concerne l'utilisation du mot «devrait» par rapport à «doit». Le mot «devrait» est à peine une suggestion discrétionnaire d'un comportement approprié. Le mot «doit» est un impératif obligatoire de respecter des règlements ou des exigences. Donc, à quel endroit est-ce que nous indiquons clairement dans ces documents que le bien public doit être protégé et est absolument exempté de l'application de ces accords?

• 2045

Faire la bonne chose: Selon l'expérience vécue avec l'ALE et l'ALENA, qui a été en quelque sorte destructrice pour les partenaires économiques subalternes, je suis contraint de concéder que bien que des emplois disparaîtront ici au Canada, il y a des avantages économiques pour le Canada d'élargir l'ALENA aux pays d'Amérique latine. Ils ont beaucoup plus à perdre que nous à gagner. Ils ont des ressources naturelles et une main-d'oeuvre ouvrière qui est bon marché. Leurs normes en matière de santé sont moins strictes. De plus, les forces mandatées du FMI les ont ouverts, vendant leurs biens publics et éliminant aussi leurs protections de la devise. Mais je pense que d'essayer d'infliger ce type de dommages de pirate à un autre pays pour un gain économique à court terme est à la foi immoral et profondément non canadien. Partout les groupes d'intérêts publics, les syndicats et les églises devraient s'y opposer.

[Note de la rédaction: Applaudissements dans la salle]

M. Shane Koscielniak: Les investisseurs ont des solutions de rechange. La position du MAECI me semble avoir été que l'accord de l'AMI et d'autres accords comme celui-là sont nécessaires pour protéger les investisseurs canadiens à l'étranger du risque et de l'insécurité là-bas, même si c'est au coût des frais publics. Ce qui nous échappe ici, c'est que les investisseurs ont un choix. Il sont libres de choisir entre investir au Canada et à l'étranger. Lorsqu'ils investissent à l'étranger, il y a de toute évidence un coût lié à l'occasion en terme de ce que le capital aurait pu faire ici au Canada. Le Canada est tristement à cours de capitaux d'investissement dans les domaines de la science et de la technologie ainsi qu'en R & D. C'est une position qu'il faut changer du tout au tout. L'avenir économique à long terme du Canada ne peut continuer de se fonder sur l'extraction des ressources.

Le comité sur la société civile: La ZLEA a proposé de créer un comité de la société civile comme intermédiaire entre les négociateurs et les syndicats et les groupes environnementaux. Au lieu de nommer un intermédiaire, je pense qu'il serait beaucoup plus efficace d'avoir une société civile qui se réunit directement avec les négociateurs. Je propose également que ce modèle amélioré d'intrant par la société civile soit adopté comme élément essentiel pour les audiences du millénaire de l'OMC.

J'ai presque terminé. Un plus grand nombre d'audiences du MAECI: J'aimerais demander que cette ronde d'audiences publiques sur les traités ne soit pas la dernière, mais la première d'un grand nombre. Bien que la négociation porte sur des principes et l'intégrité, elle porte également inévitablement sur des concessions. Ne vous y trompez pas, nos négociateurs feront des concessions. Il est impératif de laisser la société civile les inspecter et décider si elles sont acceptables.

Vendre le traité du millénaire que vous élaborerez, le MAECI a véritablement deux tâches: la première, de négocier un traité; et la deuxième, de vendre ce traité aux Canadiens. Lorsque le temps viendra, la première chose que je veux que le ministre Marchi ou son successeur fasse, c'est d'expliquer pourquoi un gouvernement qui a été élu sur une promesse de renégocier ou d'abroger l'ALENA a manqué à cette promesse, et deuxièmement j'aimerais qu'il explique pourquoi il est maintenant si empressé de conclure des transactions, comme l'AMI, qui sont éventuellement encore plus destructrices. Jusqu'à maintenant, on n'a aucune explication de cette volte-face. Sans cette explication, il n'y a aucune crédibilité dans la stratégie actuelle de MAECI et ces plans concernant le libre-échange.

[Note de la rédaction: Applaudissements dans la salle]

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Koscielniak. Je vous remercie également pour vos recommandations très précises en signalant à quel point le langage est important dans un accord—«doit», et «devrait» et «et» et «et/ou», quelques mots. Je pense que c'est très important. Merci beaucoup.

Le prochain témoin est Mme Parker, du Conseil des Canadiens, le chapitre de Coquitlam. Est-ce exact?

Mme Eunice Parker (membre, Chapitre de Coquitlam, Conseil des Canadiens): Oui, Merci, madame la présidente et membres du comité.

Il y a eu quelques excellentes contributions ici aujourd'hui, mais je suppose que le cerveau ne peut absorber que ce que votre feuille peut tolérer. Enfin, je pense qu'un grand nombre de ces comités devraient siéger en deux équipes, de sorte qu'une équipe pourrait être relevée avant que vos yeux commencent à devenir vitrés.

Quoi qu'il en soit, je m'appelle Eunice Parker. Je suis une résidente de Coquitlam, qui est une ville voisine de Vancouver et qui fait partie de district régional de Vancouver. Nous avons été un chapitre actif au sein du Conseil des Canadiens à Coquitlam. Il a été formé en réponse vraiment à une préoccupation au sujet de l'accord multilatéral, et aussi en raison de l'érosion des programmes sociaux.

J'ai passé une grande partie de ma vie dans des postes élus au sein des administrations locales, d'abord en tant que conseillère scolaire, puis en tant que conseillère municipale pendant neuf ans. J'ai récemment présenté un mémoire au comité législatif de la C.-B. qui demandait des commentaires sur l'AMI. Le point sur lequel je me concentrais à ce moment était l'administration municipale et l'impact que ce genre de traité mondial aurait sur l'administration municipale.

• 2050

Notre exigence auprès du gouvernement canadien a été qu'il publicise et annonce ces intentions précises en ce qui concerne le commerce et la mondialisation. Au lieu, vous nous demandez de donner notre avis sur la façon dont on devrait aborder la politique commerciale. Je pense que nous nous sommes déjà prononcés très clairement sur la façon dont nous voyons les dispositions de l'AMI et son orientation non démocratique. Le gouvernement fédéral n'a pas encore accusé réception de notre opposition à une politique de commerce mondial qui est essentiellement au programme pour la liberté des entreprises, afin que les entreprises soient libres de faire ce qu'elles veulent, et que rien ne devrait interférer avec leur rentabilité. Je pense que l'AMI dit cela très clairement.

Maintenant, il revient sous un autre nom, la zone de libre-échange des Amériques, et tout indique qu'on envisage une finalisation par l'Organisation mondiale du commerce dès l'automne prochain.

Je pense que Squamish a véritablement fait un bon travail de souligner les dangers pour l'administration municipale dans ses mémoires, mais j'aimerais dire que si nous examinons les propositions présentées dans l'AMI en ce qui concerne son incidence sur l'administration locale, c'est vraiment le gouvernement qui est le plus près des gens. C'est le gouvernement qui est accessible dans leur collectivité, qu'ils peuvent aller voir et à qui ils peuvent parler. Le gouvernement ne fait pas toujours ce que veut la collectivité, mais il est là. Son rôle traditionnel a été d'appuyer les entreprises et d'utiliser les ressources au sein de la collectivité dans toute la mesure du possible.

Dans un système de marché libéralisé, cela pourrait être considéré comme injuste. Si l'administration locale devait faire face à des mesures de réglementation, ou devait avoir à indemniser une société, qu'il s'agisse d'une société nationale ou étrangère, où trouverait-elle les fonds pour cette indemnisation? Il est fort probable qu'elle serait obligée de mettre fin à toutes les pratiques qui favorisent les entreprises locales et qu'elle devrait fournir à la place un contexte sûr pour l'investissement transnational ou en souffrir les conséquences.

Est-ce que la façon de penser de l'Institut Fraser est un modèle pour le monde? Nous ne le pensons pas. Nous avons tout récemment eu la gérance des soins de santé transférée à nos collectivités locales et gérée par les habitants de la collectivité. On a prétendu qu'il s'agissait d'une politique de gérance plus près de chez soi qui est meilleure, étant donné que supposément, les collectivités locales sont plus près des besoins et sont plus au courant de ces derniers. Maintenant, l'AMI, ou son clone, arriveraient sur la scène et notre système de santé et de services sociaux ferait l'objet d'un traité d'investissement qui serait en concurrence, et l'importance du financement publique serait considérée comme une subvention et une mesure injuste pour les fournisseurs de soins de santé du secteur privé.

Nos systèmes d'éducation et de soins de santé subissent une pression extrême en raison de la réduction des paiements de transfert du gouvernement fédéral. L'AMI, ou des dispositions semblables, étendraient très certainement le mouvement à un régime de soins de santé à deux volets, et c'est le service auquel les Canadiens accordent le plus de valeur. Les conseils scolaires également sont pressentis pour des partenariats corporatifs afin que des sociétés aient un monopole de mettre en marché leurs produits auprès des jeunes dans le système scolaire. Il y a beaucoup de négativité à cela. Nous avons déjà vu des exemples de la façon que cela a joué aux États-Unis.

De plus, nous avons eu quelques graves diminutions au niveau de la collectivité. On demande aux parents de subventionner les écoles de très nombreuses façons maintenant. Les municipalités augmentent le coût lié à l'utilisation des terrains de jeu communautaires, des piscines, et des installations communautaires, tous ces événements auxquels nous avons déjà contribué en coûts de capital et en taxes continues.

Malgré les merveilleux progrès de la technologie que nous avons connus dans le monde et à notre époque, il y a encore plus de pauvres et de démunis dans le monde que dans toute l'histoire de l'humanité. Les riches se sont enrichis, et les pauvres se sont appauvris. N'est-ce pas là un phénomène dégouttant dans un monde qui a tellement de richesses? Pourquoi est-ce que notre gouvernement ne peut pas utiliser ses ressources et sa technologie pour le bien de ses citoyens? Pourquoi est-ce que notre gouvernement ne peut pas établir des normes qui profitent à l'humanité et dire aux sociétés riches du monde que ce sont là les règles?

Il se trouve que je suis revenu d'Indonésie il y a deux mois à peine, et il y a un exemple classique de ce qui est arrivé à un peuple dans la crise des monnaies et l'effondrement économique qui a suivi, avec lequel l'Indonésie n'avait absolument rien à voir. Maintenant, plus de 100 millions de personnes reçoivent moins de 1 $ par jour chacune, et elles travaillent fort pour le gagner. Toutes sortes de structure sont à moitié construites et abandonnées. Ce pays est dirigé par un dictateur dans un paradis tropical où il n'y a même pas un système d'éducation obligatoire. Depuis la première année en montant, la plupart des gens paient l'équivalent du salaire de quatre jours par mois pour que leurs enfants aillent à l'école. Ce coût augmente s'ils sont assez chanceux pour monter dans le système.

• 2055

Nous devrions appuyer activement la taxe Tobin et la campagne Jubilee 2000 pour la dette, qui pourrait apporter un certain soulagement aux terribles souffrances des peuples du monde sous-développé. Les sociétés transnationales ne devraient pas être libres de parcourir le monde, d'exploiter la main-d'oeuvre la moins dispendieuse ou d'avoir les impôts les moins élevés. Quoi que ce soit qui gêne les profits doit être subordonné aux droits au commerce et à l'investissement.

Où se trouve la publicité au sujet de ces discussions en matière de politiques que nous avons ici? Je ne vois rien à la télévision, je n'entends rien à la radio; je ne lis rien dans les journaux; il n'y a aucun article de fond sur ces politiques que l'on examine de façon active. Regardez dans la salle. Elle devrait être remplie de gens. C'est la chose la plus importante au sujet de laquelle nous allons prendre un décision au cours du présent siècle, et il y a tellement peu de gens qui en ont entendu parler.

Est-ce que nous allons être tout simplement comme des champignons que l'on garde dans le noir et que l'on recouvre de vous savez quoi?

Des voix: Oh, Oh!

Mme Eunice Parker: Comment est-ce que les gens vont savoir ce que le gouvernement et l'économie mondiale leur réservent lorsqu'il n'y a aucune information qui est communiquée, sauf lorsque des organisations intéressées et au courant utilisent leur initiative pour passer le mot; et excepté pour ce qui est publié sur Internet? Vous vous rendez probablement compte que ce n'est pas tout le monde qui a Internet. Et il y a beaucoup de gens qui n'ont même pas d'ordinateur. Donc ce n'est pas suffisant.

Est-ce que la présente audience n'est qu'une façade pour une consultation, alors que le dé a déjà été lancé et que les décisions ont déjà dans une grande mesure été prises? J'espère que non. J'espère que vous communiquerez ce message au gouvernement, ce que vous avez entendu aujourd'hui, que vous entendrez probablement demain et que vous avez probablement entendu dans d'autres régions du pays: veuillez écouter les Canadiens et notre supplique pour un pays démocratique qui protège ses programmes sociaux auxquels nous tenons chèrement et qui font, dans de nombreux cas, l'envie du monde.

Merci de votre attention.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, madame Parker.

Maintenant, le dernier mais non le moindre, je suis heureuse d'accueillir le chef Stewart Phillip, président de l'Union of British Columbia Indian Chiefs. Chef Phillip, je vous souhaite la bienvenue.

Chef Stewart Phillip (président, Union of British Columbia Indian Chiefs): Merci. Au nom de l'Union, j'aimerais vous transmettre notre appréciation d'avoir cette occasion de nous adresser au comité permanent.

Les peuples autochtones paient le prix de la régionalisation, de la nationalisation et de l'internationalisation de nos terres et de nos ressources. Les conséquences des initiatives actuelles en matière de commerce international sur les peuples autochtones seront graves.

Nos gens racontent des histoires où ils endurent des conditions horribles de pauvreté au sein de leur communauté, pendant qu'ils regardent impuissants la richesse des terres quitter leur territoire. Il y a plus d'argent qui quitte nos territoires dans un chargement de billots, cueillis sans notre consentement, que ce qu'une famille de quatre vivant de l'aide sociale reçoit dans une année.

En tant que peuples autochtones, nous sommes les propriétaires initiaux des terres et des ressources, mais vous ne le croiriez pas à voir la pauvreté dans laquelle nos peuples vivent. Toutes les questions touchant les territoires autochtones, y compris les terres, l'eau et les ours, sont crucialement importantes pour les peuples autochtones. Notre philosophie nous dit que la terre fait les gens et que les gens sont la terre.

Depuis des temps immémoriaux, nos peuples ont été intimement reliés à la terre. Nos cultures, nos langues, nos organisations politiques ainsi que le bien-être économique et spirituel découle tous de notre rapport avec la terre. Sans notre solide lien à la terre et notre responsabilité à son égard, nos peuples cesseraient d'exister. Ce lien avec notre Terre est notre titre autochtone, et par conséquent la survie même de nos peuples est menacée par les initiatives commerciales internationales que le Canada envisage.

• 2100

Pour les membres de l'Union of B.C. Indian Chiefs, qui n'ont signé aucun traité ni vendu nos territoires autochtones au Canada, notre titre autochtone et notre compétence demeurent intacts. Jusqu'à ce que nous vendions ou cédions volontairement nos intérêts dans nos terres autochtones au gouvernement fédéral, le Canada n'a pas compétence ni droit légal d'envisager d'accorder un intérêt dans nos terres à un tiers, y compris des particuliers ou des sociétés étrangères.

Le Canada envisage de conclure des accords commerciaux internationaux et des protocoles qui garantiront à des investisseurs étrangers un accès à nos terres et à nos ressources. L'Union of B.C. Indian Chiefs est d'avis que le Canada utilisera des accords commerciaux internationaux et des protocoles pour encourager le vol légalisé de nos terres et de nos ressources et rejeter notre droit à l'autodétermination.

En pratique, le Canada n'a pas reconnu le titre autochtone des habitants originaux de cette terre, et ne reconnaît pas la relation des nation à nation qui existe entre les peuples autochtones et l'État. Le Canada n'a jamais respecté notre droit inhérent d'autodétermination, notre titre autochtone des terres, de l'eau et des ressources qui forment nos territoires traditionnels, ni notre statut international en tant que peuples.

Le Canada a agi comme s'il avait l'autorité unilatérale de conclure ces accords commerciaux sans le consentement des peuples autochtones. Les peuples autochtones n'ont pas été informés ni consultés de ces initiatives commerciales internationales. Le titre autochtone a été traité comme s'il n'existait tout simplement pas.

La Cour suprême du Canada, dans la décision Delgamuukw, le 11 décembre 1997, a rendu très clair que notre intérêt légal et notre titre pour les terres et les ressources existent et sont à égalité avec le titre de la couronne. Cela signifie que le Canada n'a aucun pouvoir unilatéral d'accorder un intérêt dans nos terres autochtones sans notre pleine participation et notre consentement.

Les initiatives commerciales internationales peuvent subordonner l'article 35 de la constitution de 1982, qui protège constitutionnellement le titre et les droits autochtones. En accordant un intérêt automatique dans nos terres et ressources à des sociétés et des intérêts étrangers, ces initiatives commerciales internationales reconnaîtront plus de droits à un chef de la direction qui vit dans une métropole étrangère qu'aux peuples autochtones, qui sont intimement liés à la terre et à ses ressources et qui en dépendent.

Un point majeur des initiatives actuelles qu'examine le comité permanent des affaires étrangères et du commerce international est d'éliminer les barrières au commerce au niveau international. Notre titre autochtone non abandonné est un obstacle au commerce. Notre droit non abandonné à l'autodétermination est un obstacle au commerce. Toutes les initiatives conçues pour exploiter ou commercialiser davantage nos terres et nos ressources exigent notre plein consentement informé, tant en droit international qu'en droit national au Canada. Tant que le Canada n'aura pas obtenu ce consentement, il n'est pas en mesure de conclure des accords commerciaux internationaux.

Dans les lois commerciales actuelles que le Canada et les provinces utilisent, notre titre et nos droits autochtones sont attaqués. En Colombie-Britannique, pour utiliser un exemple, le gouvernement provincial a de façon accrue accordé un intérêt dans nos terres et nos ressources à des promoteurs tiers sans notre consentement. Des initiatives telle la permission à l'égard de produits forestiers autres que du bois d'oeuvre et des ressources marines, ainsi que la nationalisation des politiques d'acquisition des terres de l'état ont tous l'incidence de minimiser nos intérêts dans nos territoires autochtones.

Les dispositions de la zone de libre-échange des Amériques donneraient aux sociétés le pouvoir de poursuivre des gouvernements nationaux lorsque la législation nationale limite le commerce. À l'heure actuelle, les lois nationales du Canada ne vont pas jusqu'à protéger les terres et les ressources, et sont entièrement muettes au sujet de la compétence, des droits et du titre autochtones. Par la ZLEA, le Canada pourrait être dans une position d'indemniser des investisseurs étrangers alors que la législation environnementale canadienne ou d'autres politiques, peut-être la reconnaissance du titre et des droits autochtones, limitent les occasions d'investissement.

• 2105

Malgré des années d'utilisation non autorisée de nos terres et de nos ressources, le Canada n'a pas une seule fois indemnisé les pertes autochtones pour la violation de nos terres et de nos ressources. Le Canada n'a toujours pas reconnu notre titre autochtone. Est-ce que cette reconnaissance sera exclue en vertu des nouveaux accords sur le commerce et l'investissement?

L'Union of British Columbia Indian Chiefs croit que les entreprises étrangères pourraient poursuivre le Canada pour reconnaître notre titre et nos droits à des terres et des ressources précises. Il est certain que la reconnaissance de la compétence des peuples autochtones rendrait le Canada sujet à des poursuites lorsque des entreprises étrangères estiment que cela interfère avec leur accès libre et facile aux ressources.

Le résultat des accords commerciaux internationaux sera de restreindre et de limiter la reconnaissance actuelle du Canada du titre et des droits autochtones et en fait de lier les mains du Canada en vue d'une reconnaissance plus étendue de notre droit à l'autodétermination et du titre autochtone. Pour des raisons pratiques, les accords commerciaux internationaux donneront au Canada un moyen de mettre de côté notre titre et nos droits autochtones en reconnaissant le s intérêts économiques d'intérêts étrangers avant et en dépit de notre titre et de nos droits autochtones protégés par la constitution.

Ces politiques commerciales ne serviront qu'à éloigner encore davantage nos peuples de la terre et des ressources en accordant un intérêt dans l'eau, les terres, les forêts, les minéraux, les plantes, les poissons et les animaux qui nous soutiennent aux entreprises et investisseurs qui n'ont jamais foulé notre sol, qui n'ont jamais soutenu et pris soin de la terre, qui n'ont aucun intérêt dans la terre à part l'argent qu'elle peut leur procurer. La seule façon que ces entités étrangères peuvent acquérir un intérêt dans nos terres et nos ressources c'est si le Canada vend nos peuples et renie ses responsabilités fiduciaires en concluant ces accords commerciaux internationaux. En tant que comité permanent des affaires étrangères et du Commerce international, vous avez le pouvoir de prévenir cela.

L'Union of British Columbia Indian Chiefs est très préoccupée de l'hypocrisie évidente que le Canada a affichée sur la scène internationale. Il y a des protocoles internationaux qui existent et qui reconnaissent le droit à l'autodétermination des peuples autochtones et qui reconnaissent que le vol des terres est équivalent à un génocide pour les peuples autochtones qui sont étroitement liés à la terre.

Le Canada a combattu avec onescence des nations autochtones comme peuple à l'échelle internationale et n'a ni mis en oeuvre ni respecté les droits des peuples autochtones en droit international, et pourtant le Canada cherche à utiliser des accords internationaux dans le but de favoriser sa prétention contre nos terres et nos ressources.

D'ici à ce que le Canada respecte et mettre en oeuvre complètement les accords internationaux reconnaissant les droits des peuples autochtones, il n'est pas en mesure de conclure des accords internationaux ou commerciaux en ce qui concerne nos terre et nos ressources. Tant qu'ils n'abandonnent pas leur droit, tant qu'ils n'y consentent pas, les peuples autochtones n'appuieront jamais des initiatives commerciales internationales qui accordent des intérêts dans nos terres et nos ressources à des entités étrangères.

Si l'objectif du Canada est d'accroître la certitude et la prospérité économique des Canadiens, la conclusion de ces accords sans le consentement de chaque nation autochtone qui a des territoires attitrés sera affectée, et ce n'est pas la façon d'y parvenir. Peu importe le nombre d'accords ou de protocoles internationaux que le Canada signe, les ressources devront toujours être prises dans nos cours, et nous ne laisserons pas cela se produire. Nos peuples sont prêts à se lever pour empêcher toute autre destruction et dégradation de nos territoires. Le Canada n'agit pas honnêtement au sein de la communauté internationale s'il prétend qu'il a la compétence et l'autorité légale de conclure unilatéralement des accords commerciaux en ce qui concerne nos terres et nos ressources sans notre consentement.

Nous avons sept recommandations.

La première, tant que la question des terres n'est pas résolue pleinement à la satisfaction des peuples autochtones, le Canada n'est pas en mesure de conclure un accord commercial international concernant les territoires et les ressources autochtones non cédés en Colombie-Britannique.

• 2110

Deuxièmement, tout accord ou protocole commercial que le Canada conclut doit être explicitement assujetti au titre ou aux droits autochtones des peuples autochtones qui ont le titre, les droits et la compétence aux terres et ressources.

Troisièmement, les peuples autochtones sont des nations dans un sens international et aucun accord ou protocole que le Canada conclut, en l'absence de notre consentement, peut subordonner notre titre de nation et notre droit à l'autodétermination.

Quatrièmement, avant d'aller de l'avant, toutes les initiatives d'extraction des ressources et d'utilisation des terres nécessitent le consentement complet et informé des peuples autochtones dont les territoires sont concernés. Tout le développement doit se faire de concert avec les lois et traditions des peuples autochtones en ce qui concerne la protection de la terre, de l'eau et des ressources.

Cinquièmement, les accords commerciaux internationaux doivent contenir des dispositions pour la reconnaissance explicite de la compétence des peuples autochtones et que les lois des peuples autochtones ne peuvent être subordonnées par un accord commercial international que le Canada conclut, et les compagnies étrangères doivent accepter l'application des lois des peuples autochtones comme condition préalable à une mise en valeur de nos territoires.

Sixièmement, tous les accords commerciaux internationaux doivent contenir des dispositions qui reconnaissent le droit des peuples autochtones de bénéficier culturellement, aussi bien qu'économiquement, des mises en valeur sur nos territoires attitrés.

Finalement, notre septième recommandation veut que les Nations Unies ou d'autres organismes internationaux soient invité à envoyer des représentants permanents au Canada pour s'assurer que le titre et les droits de tous les peuples autochtones sont respectés malgré les accords commerciaux internationaux auxquels le Canada est actuellement parti ou qu'il pourrait conclure à l'avenir.

Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci Beaucoup, chef Phillip. Je vous suis reconnaissante de votre exposé, des questions qui vous préoccupent et précisément, de vos sept recommandations que nous examinerons très attentivement.

Mesdames et messieurs, je...

Chef Stewart Phillip: J'aimerais faire un dernier commentaire.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Évidemment.

Chef Stewart Phillip: Dans toute la question des terres et des ressources, l'eau est notre plus grande préoccupation et je pense que c'est une façon et un moyen de tenir compte de cette notion que ce pays envisage d'exporter de l'eau en vrac. Merci.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci encore une fois. Vous avez réaffirmé la position adoptée par madame Schwartzkopf.

Je tiens à remercier tous les témoins qui ont comparu devant nous aujourd'hui pour leurs exposés très détaillés. Nous avons entendu parlé de plusieurs questions, non seulement ce soir, mais tout au long de la journée. En fait, nous avons entendu aujourd'hui 39 témoins et nous poursuivrons nos consultations demain. D'ici à ce que nous quittions Vancouver, le comité aura entendu 70 témoins.

Je crois comprendre qu'il y a eu une certaine préoccupation au sujet de l'avis. À l'origine, l'avis a été publié en février, il y a deux mois et demi. Nous essayons de tenir compte de tout le monde. Si vous estimez que vous voulez plus de consultations, si vous voulez que le comité revienne, veillez nous le faire savoir. Écrivez à la greffière et nous essaierons d'en tenir compte si c'est possible.

En attendant, s'il y a des mémoires que vous aimeriez nous faire parvenir, d'autres mémoires provenant des témoins, ainsi que des personnes du public qui sont ici, veuillez voir madame Fisher, notre greffière, qui pourra vous donner une adresse. Tous vos mémoires feront partie du compte rendu officiel, qui sera pris en considération au moment où nous préparerons notre rapport.

Encore une fois, je vous remercie d'avoir été si patients envers nous.

Je tiens également à remercier sincèrement les membres du comité pour leur participation, ainsi que notre recherchiste et notre greffière et le travail extraordinaire des traducteurs et des techniciens, qui sont ici beaucoup plus tôt que les membres du comité. Merci à tous.

Je lève donc officiellement cette séance. Mesdames et messieurs, nous reprendrons demain à 8 h 30 précisément. Merci beaucoup.