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INDY Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 6 mai 1999

• 1532

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): La séance est ouverte. Conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre daté du 1er mars 1999, nous étudions le Budget principal des dépenses pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 2000, Industrie, crédits 1, 5, L10, L15, 20, 25, 30, 35, 40, 45, 50, 55, 60, 65, 70, 75, 80, 85, 90, 95, 100, 105, 110, 115 et 120.

Je suis très heureuse d'accueillir aujourd'hui M. Ivan Fellegi, statisticien en chef du Canada, de Statistique Canada. Avant de faire votre exposé liminaire, vous pourrez peut-être présenter les collègues qui vous accompagnent.

M. Ivan P. Fellegi (statisticien en chef du Canada, Statistique Canada): Je suis accompagné de Stewart Wells, statisticien en chef adjoint responsable des comptes économiques et des études analytiques; de Bruce Petrie, responsable des statistiques sociales des institutions et du travail; et de Ray Ryan, qui est responsable de tous les statisticiens en chef adjoints de la statistique du commerce et des entreprises.

Madame la présidente, je suis heureux d'avoir l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui et de répondre à vos questions. Statistique Canada s'est engagé à répondre sérieusement aux besoins exprimés par ses clients et, au cours de l'année à venir, nos ressources seront mises à rude épreuve. Il n'est pas exagéré d'affirmer que durant les deux ou trois prochaines années, le Bureau améliorera de façon spectaculaire son programme de statistiques économiques et sociales.

J'ai confiance que Statistique Canada pourra faire face aux défis que présentent ces deux transformations. Je suis donc heureux de vous donner aujourd'hui un aperçu de la façon dont Statistique Canada traitera de la mise en oeuvre de ces transformations.

[Français]

En premier lieu, j'aimerais parler un peu de notre programme de statistique économique et des changements importants visés par ce programme. D'abord, du côté de la statistique économique, l'harmonisation des taxes de vente entre le gouvernement fédéral et les trois provinces de l'Atlantique a nécessité le remaniement conceptuel de notre programme de statistique économique afin que celui-ci puisse servir de base de données pour répartir annuellement des recettes fiscales de 2,5 milliards de dollars.

En fait, étant donné la structure de la TPS, la répartition de ces recettes ne peut se limiter aux trois provinces participantes et au gouvernement fédéral; le système remanié doit donc être assez robuste pour servir de base de données en vue de la répartition d'une TVH conceptuelle commune à toutes les provinces.

D'une durée de quatre ans, ce programme nécessite, de la part de Statistique Canada, des dépenses supplémentaires annuelles de plus de 40 millions de dollars et devrait déboucher sur un résultat bien déterminé. En dernière analyse, ce résultat est un ensemble annuel de tableaux des entrées-sorties provinciales et territoriales et des comptes économiques provinciaux et territoriaux, ainsi qu'un système d'enquête capable de les produire.

• 1535

Si la qualité n'est pas et ne peut pas être préétablie, elle doit cependant résister à l'examen minutieux que les provinces ne manqueront pas de lui faire subir en raison de l'importance des sommes en jeu. On peut y arriver en se contentant de mener plus d'enquêtes, portant sur des échantillons plus grands et augmentant d'autant la charge de travail. Il faut procéder au remaniement conceptuel et opérationnel de l'ensemble des programmes de statistique économique du bureau.

L'exécution de ce projet constituera une réalisation exceptionnelle. La plupart des pays ne publient pas de tableaux des entrées-sorties annuelles, même au niveau national, alors que nous entendons en produire pour chacune de nos 12 ou 13 régions infranationales. Les États-Unis, par exemple, publient un seul tableau national des entrées-sorties à tous les cinq ans.

Une fois que ce projet de grande envergure sera réalisé, nous bénéficierons non seulement des données nécessaires pour répartir les recettes fiscales de la TPS, mais aussi d'une nette amélioration des statistiques économiques: des renseignements beaucoup plus intégrés, notamment au chapitre des données sur les finances et sur la production; de nouveaux renseignements prioritaires dont on me disposait auparavant qu'à l'occasion, par exemple sur le commerce interprovincial, la production et la distribution des biens, les dépenses des ménages, etc.; et des renseignements beaucoup plus détaillés et plus fiables, par province et par secteur économique.

Au cours des deux dernières années, nous avons mené des études de conception et des enquêtes pilotes. L'année 1999-2000 sera celle de la mise en oeuvre à grande échelle de notre nouvelle démarche. Nous avons pris des engagements détaillés et fixé les échéances correspondantes, nous en avons fait part aux responsables des finances fédérales et provinciales, et ils font partie de notre approche transparente à la réalisation de ce projet.

[Traduction]

Sur le plan des statistiques sociales, nous nous sommes engagés à mettre en oeuvre deux ensembles importants de nouvelles initiatives. Premièrement, en réponse aux questions de politique définies par les ministères fédéraux, Statistique Canada cherchera principalement, au cours de l'année à venir, à consolider et à élaborer, en collaboration avec d'autres ministères, un programme de recherche par enquêtes pour répondre à certains besoins essentiels que nos principaux clients ont relevés en matière d'information.

En particulier, nous sommes convenus de mettre en oeuvre un programme englobant plus d'une douzaine de programmes innovateurs d'envergure. Collectivement, ces derniers nous permettront de mieux comprendre une foule de questions, et notamment: l'incidence des pratiques commerciales sur le rendement des employés; l'évolution et les causes de la «connexité» et de la participation des citoyens à l'utilisation des techniques de communication; l'évolution de la rémunération de la main-d'oeuvre; l'incidence de la science et de la technologie sur la croissance économique et sur la société; les rapports entre la croissance économique et la viabilité de l'environnement; les incidences horizontales du secteur des ressources naturelles; le crime et la victimisation; l'incidence changeante de l'immigration sur le Canada; les caractéristiques des immigrants qui réussissent à s'intégrer à l'économie canadienne; les facteurs qui influent sur l'intégration des diplômés de niveau postsecondaire au marché du travail; les facteurs qui influent sur la qualité de vie et l'indépendance des personnes âgées; et la sécurité financière—actifs et endettements—des Canadiens, y compris ceux qui bénéficient ou non d'un régime privé de retraite.

Deuxièmement, de concert avec Santé Canada et l'Institut canadien d'information sur la santé, nous avons cerné les besoins prioritaires en matière d'information sur la santé et formulé des propositions précises à l'égard des améliorations à apporter. Le dernier budget affectait, pour donner suite à ces propositions, 95 millions de dollars sur trois ans, dont quelque 40 millions de dollars consacrés à des travaux qui seront menés par Statistique Canada.

• 1540

Les objectifs globaux consistent à fournir aux Canadiens des renseignements sur le rendement de leur réseau de la santé et, aux gouvernements, les renseignements complets dont ils ont besoin pour gérer ce réseau.

En particulier, nous entendons constituer des bases de données personnalisées en combinant des renseignements tirés des registres de soins médicaux, des enquêtes et des registres de l'état civil des provinces, ce qui devrait nous permettre de mieux comprendre les relations entre les troubles de la santé, les traitements, les facteurs socio-économiques et les résultats des soins de santé.

Nous lancerons une nouvelle enquête de grande envergure visant à fournir, au niveau des régions infraprovinciales du réseau de la santé, des renseignements sur la santé de la population et sur les facteurs qui déterminent l'état de santé. En outre, nous étendrons la portée des renseignements que renferme notre Registre canadien du cancer afin de mieux analyser les taux de survie et l'efficacité de divers traitements.

Comme nous l'avons fait pour établir des systèmes de données visant à améliorer nos statistiques économiques, nous avons adopté une démarche transparente et fixé des dates critiques de planification et de mise en oeuvre. Ces travaux seront surveillés et orientés par des organismes fédéraux-provinciaux. Ce ne sera pas une sinécure, étant donné la nécessité de composer avec une très forte augmentation de la charge de travail: nous nous préparons en effet à mener le recensement de 2001 et, fort probablement, deux grandes enquêtes postcensitaires, l'une sur les Autochtones, l'autre sur l'invalidité.

Dans le texte écrit de mon exposé, je dis également quelques mots au sujet de notre préparation pour l'an 2000, étant donné que je sais que ce sujet vous intéresse. Toutefois, par économie de temps, je laisse tomber cette partie de mon exposé. Je crois qu'il convient simplement de dire que nous sommes confiants de pouvoir fonctionner sans interruption.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Fellegi.

Nous passons maintenant à M. Strahl.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Réf.): Merci.

Merci d'être venu vous adresser au comité. J'ai deux ou trois questions à vous poser.

Permettez-moi d'abord d'exprimer ma sympathie de vous voir comparaître ici précisément le même jour où vous vous retrouvez dans les journaux, attaqué par le commissaire à la protection de la vie privée en raison de l'enquête que vous entreprenez. Il estime que ce pourrait bien être une ingérence dans la vie privée des gens. Comment réagissez-vous à cela? Il déclare que, personnellement, il ne participerait pas à ce type d'enquête, la trouvant trop indiscrète et poussée. Je sais que beaucoup de citoyens partagent son sentiment, mais comment réagissez-vous lorsque le commissaire à la protection de la vie privée porte ce type d'accusation?

M. Ivan Fellegi: Tout d'abord, j'ai émis un communiqué de presse où je réponds à ses préoccupations. Il en a plusieurs. Je crois que ce qui l'a le plus irrité, c'est que nous ayons dit par erreur, dans la documentation distribuée à nos enquêteurs en Alberta, que nous avions consulté les commissaires fédéraux et provinciaux à la protection de la vie privée.

Il est vrai que nous avons consulté le commissaire à la protection de la vie privée du gouvernement fédéral et celui de la Colombie-Britannique. La documentation utilisée en Alberta a été copiée sur celle de la Colombie-Britannique, sans modifier cette formulation. Je lui ai présenté mes excuses; il n'a pas été consulté.

Il n'était pas nécessaire de le consulter, bien qu'il aurait été sage de le faire. En tout cas, c'est ce que nous faisons d'habitude. J'ai moi-même, à plusieurs occasions, rencontré personnellement des commissaires à la protection de la vie privée, et je crois que leur rôle est très important.

Pour ce qui est de l'enquête même, je suis en désaccord avec ses observations quant au fond. Il n'y a rien dans les questions d'enquête qui ne soit absolument nécessaire pour que nous puissions avoir une idée juste, 15 ans après la précédente enquête du même type, de la situation financière des Canadiens. Depuis, nous avons eu deux grandes récessions. Nous avons connu une très lente progression du revenu personnel. D'après certaines indications issues des données sur les comptes nationaux, le taux d'épargne personnelle est à un très bas niveau au plan historique. Nous connaissons la situation d'ensemble, mais nous ne savons pas comment elle se répercute sur divers types de ménages ni quel est l'état de sécurité financière des divers types de ménages.

• 1545

Malheureusement, pour obtenir ce type de renseignements, il faut entrer considérablement dans les détails. Je le regrette très sincèrement. C'est l'une de nos enquêtes les plus pesantes. C'est pourquoi nous ne la tenons pas très souvent. La dernière fois remonte à une quinzaine d'années.

M. Chuck Strahl: J'ai une question complémentaire.

Comme vous le savez, lors du recensement, les Canadiens sont contraints de participer; certaines personnes estiment qu'elles ne devraient pas avoir à répondre, que ce devrait être optionnel. Toutefois, elles doivent remplir le formulaire et participer au recensement. Par contre, pour les autres enquêtes auxquelles participe Statistique Canada, il n'est évidemment pas obligatoire de répondre.

M. Ivan Fellegi: La participation à cette enquête est volontaire.

M. Chuck Strahl: Parfaitement. Lorsque vous vous adressez aux gens, prenez-vous les moyens nécessaires pour qu'ils comprennent la différence? Comment faites-vous pour leur expliquer clairement qu'ils n'ont pas besoin de participer à cette enquête s'ils se sentent gênés ou bousculés de quelque façon que ce soit? Je crois que beaucoup de gens se disent: Statistique Canada est venu cogner à ma porte et j'ai dû répondre. Je n'ai pas eu le choix. À cause du recensement, ils ont l'impression d'être obligés de répondre. Comment fait-on pour s'assurer qu'ils sachent qu'ils n'y sont pas contraints dans ce cas-ci?

M. Ivan Fellegi: Cela se fait de deux façons. Tout d'abord, nous avons envoyé une petite brochure à chacun des ménages échantillonnés. Dans cette brochure, on dit de façon très explicite que la participation à l'enquête est volontaire et que l'on demande aux enquêtés d'y participer. C'est donc dit de façon explicite dans la brochure. Deuxièmement, dans le manuel de formation remis à nos enquêteurs, on leur dit de répondre aux enquêtés qui poseraient des questions sur l'obligation de fournir les renseignements qu'ils doivent honnêtement reconnaître qu'il s'agit d'une enquête à participation volontaire.

Cela étant dit, il est très important que les gens répondent, et nous travaillons très fort à les convaincre de participer. En effet, si nous n'avons pas un bon taux de réponse à l'enquête et, plus particulièrement, si certaines catégories de gens ne répondent pas, les données sont faussées et ne sont pas vraiment utilisables. Nous essayons donc de convaincre les gens...

M. Chuck Strahl: Voilà des propos dignes d'un bon statisticien.

M. Ivan Fellegi: J'espère bien l'être.

M. Chuck Strahl: Merci, madame la présidente.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Strahl.

Monsieur Murray.

M. Ian Murray (Lanark—Carleton, Lib.): Merci.

Monsieur Fellegi, il y a peut-être quelque chose que je ne comprends pas sur cette question de la taxe de vente harmonisée et sur la nécessité d'effectuer une étude de 40 millions de dollars. J'avais supposé que, si les entreprises percevaient la taxe de vente, tout cela serait inscrit à la source et les reçus seraient tous envoyés quelque part. Nous dites-vous que vous allez vous servir d'une base statistique pour décider comment les recettes de la taxe de vente doivent être partagées et que c'est la seule façon de faire les choses?

M. Ivan Fellegi: Absolument. Bien sûr, ce n'est pas une décision que j'ai prise. C'est la décision qu'ont prise les hauts fonctionnaires aux finances des provinces participantes.

Ce n'est pas tant le montant à percevoir qui est en cause. C'est le montant de la part respective du gouvernement fédéral et des provinces qui participent au programme de la taxe de vente harmonisée. Cela ne peut être déterminé à partir des renseignements recueillis ordinairement dans le cadre des opérations de perception de la taxe.

Cela est dû au fait qu'il s'agit d'une suite de transactions. À chaque point de vente, un producteur intermédiaire paye la taxe de vente sur ce qu'il achète auprès d'autres producteurs. Toutefois, en même temps, lorsqu'il perçoit auprès de ces clients la TPS ou la taxe de vente harmonisée, selon le cas, et qu'il la verse au gouvernement fédéral, il est remboursé de la part de taxe de vente harmonisée qu'il a payée pour ses intrants. Un fabricant de Nouvelle-Écosse peut acheter auprès d'un fabricant de l'Ontario certains des éléments dont il se servira pour produire un objet vendu à un client en Colombie-Britannique. Il y a multiplication des opérations qui sous-tendent l'information obtenue. Pour tirer tout cela au clair, la quantité de renseignements détaillés que chaque entreprise devrait fournir serait absolument renversante.

• 1550

M. Ian Murray: Puis-je supposer que vous comptez réexaminer cela toutes les quelques années, ou estimerez-vous avoir mis au point les programmes adéquats pour faire correctement le travail dès la première fois?

M. Ivan Fellegi: On ne nous a évidemment pas demandé comment les recettes devraient être divisées. On nous a demandé si nous pouvions fournir certains types de renseignements qui, de l'avis des hauts fonctionnaires aux finances, leur permettraient de diviser les recettes, et c'est ce que nous avons accepté de faire.

M. Ian Murray: J'ai une autre question, portant sur la protection des renseignements personnels. Lorsque vous parlez des travaux pour Santé Canada, vous dites avoir l'intention de concevoir des bases de données axées sur les personnes en combinant des renseignements fondés sur les dossiers provinciaux de soins médicaux, diverses enquêtes et les registres de la statistique de l'état civil. Parlez-vous en fait d'aller vraiment voir les dossiers médicaux de certains patients pour obtenir ces renseignements? Dans l'affirmative, comment accédez-vous à ces renseignements?

M. Ivan Fellegi: Pour l'instant, c'est ce qui est prévu. Il y a eu une discussion très pointue sur cette question. Comme je l'ai dit à M. Strahl, il s'agit d'un des cas pour lesquels j'entretiens personnellement des relations actives avec les commissaires à la protection de la vie privée.

Malheureusement, il existe une tension très réelle entre le besoin qu'a la société de savoir certaines choses et le droit d'une personne à la protection de ses renseignements personnels. La façon de résoudre cette tension pour diverses questions dépend de l'importance accordée au besoin de savoir de la société et de l'avantage pour les citoyennetés du fait que certaines recherches soient effectuées.

Dans ce cas précis, le sentiment général de tous les professionnels de la santé est que notre compréhension collective des dossiers de la santé est profondément lacunaire. Je ne parle pas des aspects purement médicaux, car notre contribution à cet égard est de peu d'importance, mais je parle plutôt des causes déterminantes de la santé et de la maladie. Cela inclut le fait d'établir les facteurs qui ont mené à certaines issues en matière de santé et l'efficacité de certaines interventions de soins de santé. Il ne s'agit pas de l'efficacité immédiate. Si l'on vous fait un pontage coronarien, au moment où vous sortez de l'hôpital, on sait très bien si vous vous en êtes bien ou mal tiré. Il s'agit plutôt de ce qui se produit deux semaines plus tard, de l'efficacité qu'a eue cette intervention, dont le caractère d'intrusion est marqué, comparée à d'autres types d'intervention, potentiellement moins intrusifs. Il n'existe aucun moyen de le savoir actuellement.

M. Ian Murray: Je veux simplement comprendre si le personnel de Statistique Canada aura, dans les faits, accès aux dossiers médicaux de certaines personnes.

M. Ivan Fellegi: Pour des objectifs de recherche précis, établis par un conseil d'experts en déontologie qui aura été établi à cette fin. Nous n'allons pas recueillir des renseignements de façon courante. En outre, bien sûr, ces renseignements proviennent tous de dossiers provinciaux; il y a donc un processus transparent où interviennent des administrateurs provinciaux, des commissaires à la protection de la vie privée et Statistique Canada. Bien sûr, tout ce qui parvient à Statistique Canada est assujetti aux exigences de confidentialité de Statistique Canada, ce qui signifie qu'aucun renseignement ne sort de façon identifiable, sauf en mode de recherche.

M. Ian Murray: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Murray.

[Français]

Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Bonjour, monsieur Fellegi.

Le recensement de 2001 s'en vient, et un enjeu extrêmement important sera posé, à savoir si vous poserez à nouveau la question 17 qui figurait au recensement de 1991 au sujet des origines ethniques. On demandait aux personnes interrogées à quel groupe ethnique ou culturel leurs ancêtres appartenaient. Une telle question nous permettrait, même en l'espace de 10 ans, de compiler des séries de statistiques sur l'évolution des groupes d'origine, de mesurer l'assimilation et de continuer à interpréter l'histoire.

Je vous pose cette question parce que vous admettiez vous-même que l'ajout du substantif «Canadien», qui ne correspond pas à une origine ethnique, à titre de réponse en 1996 a rendu impossible l'utilisation scientifique de cette question.

• 1555

Bien que vous le sachiez très bien, je vous rappellerai que les 2,6 millions de Québécois qui ont répondu «Canadien» pouvaient bien vouloir signifier par là que leur origine remontait aux coloniaux français qui, dès le départ, avaient un esprit d'indépendance qu'ils exerçaient à n'en pas douter à l'endroit de la France, comme les Américains en 1776, et s'appelaient eux-mêmes Canadiens, et non pas Français, dès le XVIIe siècle.

Par contre, dans l'Ouest du Canada, à la suite de la campagne qu'avait menée le groupe Call Me Canadian, d'autres sondés qui ont répondu «Canadien» désignaient sans doute une autre origine ou une autre intention. Les réponses obtenues à partir de 1991 ne sont pas utilisables.

Allez-vous revenir à une question scientifique afin de nous permettre de continuer à suivre le fil de l'histoire?

M. Ivan Fellegi: J'aimerais d'abord vous dire que nous ne connaissons pas encore le questions qui seront utilisées dans le cadre du recensement de 2001 parce que nous ne sommes qu'à l'étape de la recherche et que des consultations actives se poursuivent encore.

Deuxièmement, il n'y a jamais eu de constante qui se soit dégagée d'un recensement à l'autre. Je ne devrais peut-être pas dire «jamais» parce que c'est peut-être une expression trop forte, mais l'interprétation de l'origine ethnique est très floue puisque notre origine ethnique correspond à ce que l'on croit être à un moment donné. Nous serions incapables de donner aux gens une définition au moment où ils répondent à la question. On sait très bien que lors de la Deuxième Guerre mondiale, les Allemands ont soudainement disparu du Canada, personne ne voulant s'identifier comme étant d'origine ethnique allemande. D'autres événements sont venus apporter une discontinuité. Si on se penchait sur l'évolution chronologique de n'importe quel groupe ethnique qu'on a déjà identifié, on constaterait qu'il n'y a pas de constance d'un recensement à l'autre.

En troisième lieu, comme vous le savez très bien, un objectif ultime de Statistique Canada est de préserver son caractère non politique. Croyez-moi, madame, je mets en jeu mon poste.

Une voix: Vous avez toujours des statistiques fiables.

Mme Francine Lalonde: Sur preuve, sur preuve.

M. Ivan Fellegi: I put my job on the line. Ici et dans les médias, y compris dans les journaux, ce n'est pas négociable. Nous savons tous que cette question sur l'origine ethnique suscite beaucoup d'émotion chez de nombreuses personnes. C'est pourquoi nous avons adopté une politique selon laquelle nous identifions des exemples qui nous permettent de recueillir des données objectives. Nous tenons donc compte de la fréquence à laquelle les gens ont répondu qu'ils appartenaient à tel ou tel autre groupe ethnique lors du recensement précédent. C'est la règle que nous avons adoptée afin d'éviter ne serait-ce que l'ombre d'une intervention de caractère politique.

Lors du recensement 1991, 1 million de personnes ont déclaré être d'origine ethnique canadienne. Compte tenu de la politique que nous avons adoptée, nous avons considéré qu'il était essentiel de continuer à respecter notre pratique. C'est notre pratique, et non pas une pratique qu'on nous a imposée. En raison de la position qui a été établie lors de ce recensement de 1991, nous avons ajouté «Canadien» à la rubrique de l'origine ethnique, mais le premier choix de réponse est demeuré «Français», le deuxième «Anglais» et le troisième «Allemand», puisque c'étaient les origines ethniques qu'on avait déclarées le plus fréquemment lors du recensement précédent.

• 1600

Le cinquième choix était «Canadien» puisque c'était la cinquième réponse invoquée le plus fréquemment lors du recensement précédent. C'est ainsi que nous en sommes venus à inscrire «Canadien» à titre de choix de réponse, et il n'y a aucune raison pour que nous ne reprenions pas cette réponse lors du prochain sondage.

Mme Francine Lalonde: Si une campagne avait été menée en vue d'inciter les gens à répondre «Martien» à cette question, est-ce que votre politique vous aurait menés à écrire «Martien» comme choix d'origine ethnique?

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): J'invoque le Règlement, madame la présidente.

Mme Francine Lalonde: C'est très important. Je veux dire...

[Traduction]

La présidente: Monsieur Coderre, rappel au Règlement.

[Français]

M. Denis Coderre: Premièrement, il ne faut pas douter de l'intégrité de Statistique Canada, et encore moins de celle du statisticien en chef. Deuxièmement, il est inacceptable qu'on manque de sérieux au point de comparer «Canadien» à «Martien». Si ma collègue veut jouer ce jeu-là, qu'elle le fasse ailleurs.

[Traduction]

La présidente: Il s'agit là d'une question de débat.

[Français]

Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Madame la présidente, vous connaissez le respect que j'éprouve pour notre témoin. Je prendrai donc l'exemple d'une campagne qui inciterait les gens à répondre «Québécois». Est-ce que «Québécois» deviendrait pour autant une origine ethnique? Pour moi, «Québécois» n'est pas plus une origine ethnique que ne l'est «Canadien», et je ne suis pas la seule à le dire. Si j'étais seule, je me poserais bien des questions. De nombreux chercheurs et tous ceux qui, pour des raisons politiques ou d'attachement culturel, suivent l'évolution de l'assimilation soutiennent que le fait d'avoir inscrit «Canadien» a créé une rupture telle qu'il n'y a plus de comparaison qui tienne avec le recensement de 1991. Il me semble que c'est extrêmement grave.

Vous avez dit, et je vous cite...

[Traduction]

La présidente: Madame Lalonde, vous avez dit que vous alliez poser une question. Vous l'avez posée et M. Fellegi y a répondu. Maintenant, vous voulez poursuivre. Désolée, je vais devoir passer à quelqu'un d'autre.

M. Ivan Fellegi: Dois-je répondre à la question?

La présidente: Oui, répondez s'il vous plaît.

[Français]

M. Ivan Fellegi: Si la réponse «Québécois» se classait parmi les 10 réponses les plus souvent données, nos résultats en feraient état. Dans notre analyse détaillée, on reconnaît déjà «Québécois» comme une origine ethnique puisque cette réponse reflète l'information que nous a donnée la population. Nous ne cachons pas l'information qu'on nous donne. «Québécois» fait donc déjà partie des résultats du recensement de 1996.

[Traduction]

La présidente: Merci, madame Lalonde.

Madame Jennings, à vous.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur Fellegi. Je vais enchaîner en tentant d'approfondir cette question. Lorsqu'on demande aux gens quelle est leur origine ethnique, je comprends très bien qu'ils puissent répondre aussi bien «Québécois» que «Canadien».

Je fais peut-être erreur, mais je crois me rappeler que lors du recensement de 1991, on avait indiqué «Black» alors qu'à ma connaissance, il ne s'agit pas d'une origine ethnique. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi?

M. Ivan Fellegi: Il s'agit d'un cas tout à fait différent. Nous avions alors cru qu'il s'agissait de la seule façon de recueillir des données sur les groupes cibles visés par la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Le recensement de 1991 ne contenait aucune autre question nous permettant d'arriver à cette fin. C'est la base que nous avons utilisée, avec quelques autres questions qui nous ont permis d'obtenir de l'information secondaire, afin d'établir une estimation raisonnable. Il s'agissait d'une exigence de la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

• 1605

Lors du recensement de 1996, après de nombreux tests, nous avons établi qu'il nous était possible de poser une question directe au sujet des minorités visibles et des personnes handicapés. Nous pouvons désormais recueillir ces mêmes renseignements d'une façon différente. C'est pourquoi la réponse «Noir» ne figurait pas sur le questionnaire de 1996.

Mme Marlene Jennings: J'ai participé à la réalisation de l'étude Profils démographiques des communautés noires au Canada. Cette étude était justement basée sur le recensement de 1991 et était dirigée par le professeur Jim Torczyner de l'Université McGill. Elle a démontré que la population canadienne d'origine noire était presque deux fois plus nombreuse que ne l'indiquaient les données officielles du recensement de 1991.

Cela s'explique probablement par le fait que de nombreuses personnes d'origine antillaise ne se définissent pas comme noires, mais plutôt comme étant originaires de la Barbade, de la Guadeloupe ou d'Haïti. Il arrive aussi que des personnes d'origine haïtienne soient nées en France et indiquent lors du recensement qu'elles sont d'origine ethnique française. Lorsque des personnes nées en Haïti répondaient aux questions secondaires au sujet de la langue parlée en disant qu'elles parlaient le créole, il y avait 99,9 p. 100 de probabilités qu'elles soient des Haïtiens dont les ancêtres étaient africains. Vos données ne tenaient pas compte de ces personnes, tandis que l'étude l'a fait. On a évalué que 541 000 Canadiens étaient d'origine noire, tandis que le recensement de 1991 indiquait qu'il n'y en avait que 225 000. C'est un écart énorme qui peut avoir des incidences énormes sur les politiques gouvernementales et la prestation de services.

Je vous demanderais de prendre connaissance de l'étude du MCHRAT. Vous pourriez examiner la méthodologie qu'a utilisée le professeur Jim Torczyner et voir s'il vous serait possible de vous en servir pour réviser les données de 1996.

M. Ivan Fellegi: Je serai heureux de prendre connaissance de cette étude. D'autre part, comme je viens de le souligner, lors du recensement de 1996, on a posé une question directe qui n'était pas basée sur l'origine ethnique. Lors du recensement de 1991, nous avons basé nos résultats uniquement sur la question de l'origine ethnique noire. Si une personne déclarait qu'elle était originaire d'un pays dont les habitants sont majoritairement noirs ou qu'elle avait émigré d'un tel pays, nous en tenions compte. Ce n'était pas un calcul simpliste.

Mme Marlene Jennings: Je comprends très bien, mais l'exemple que je vous ai donné est celui d'une personne d'origine haïtienne née en France ayant répondu qu'elle est d'origine ethnique française. Vous n'avez pas tenu compte de cette personne dans vos calculs. On pourrait aussi prendre l'exemple d'une personne d'origine brésilienne. Lorsque vous regardez une personne, vous pouvez l'identifier comme étant d'origine noire ou africaine. Votre recensement de 1991 n'a pas nécessairement relevé cette distinction.

• 1610

M. Ivan Fellegi: C'est pourquoi nous avons modifié nos questions en 1996 et les avons posées de façon plus directe.

Mme Marlene Jennings: Parfait.

La présidente: Merci, madame Jennings.

[Traduction]

Monsieur Jones, s'il vous plaît.

M. Jim Jones (Markham, PC): Oui, merci beaucoup.

Je suis curieux de savoir pourquoi les tableaux des entrées-sorties doivent être publiés de façon annuelle, et même au niveau détaillé des treize régions, alors que les États-Unis ne les publient qu'une fois tous les cinq ans?

M. Stewart Wells (statisticien en chef adjoint, Comptes nationaux et études analytiques, Statistique Canada): Je m'appelle Stewart Wells.

Nous le faisons depuis longtemps. Au niveau national, nous préparons ces tableaux tous les ans depuis 1961. Contrairement aux États-Unis, nous nous en servons pour établir des estimations repères pour la plupart de nos données économiques à ce niveau. Nous trouvons que nous faisons ainsi du meilleur travail que les pays qui n'ont pas cette capacité. En général, je crois que cela est reconnu. Je ne vois donc pas d'autres moyens de répondre à votre question que de dire que cela nous permet d'obtenir de meilleures données, et qu'en plus on considère que ça ne coûte pas très cher.

M. Ivan Fellegi: Mais nous avons également besoin des données régionales pour disposer d'un moyen statistique de suivre les divers acheminements de produits dans la suite de transactions dont j'ai parlé il y a quelques instants, la chaîne de production entre les provinces. Il semble qu'il n'y ait aucune autre façon... Je ne suis pas un spécialiste des méthodes de répartition des recettes de la taxe de vente harmonisée, mais on nous a dit que c'était la seule façon pour les fonctionnaires fédéraux et provinciaux de parvenir à un accord sur une formule acceptable de répartition.

M. Stewart Wells: Et, je le répète, cela va améliorer la qualité des données.

M. Ivan Fellegi: Oui. Les tableaux des entrées-sorties servent elles-mêmes à deux choses. J'ai été le premier à en parler et je savais, au moment même où j'en parlais dans ma déclaration liminaire, que c'est un terme très obscur et que cela ne signifie pas grand-chose pour la plupart des gens.

Les tableaux des entrées-sorties servent essentiellement à deux choses. Un des objectifs, que mon collègue a mentionnés, c'est de fournir un bon nombre de renseignements détaillés qui peuvent servir de base aux estimations des comptes nationaux, et qui fournissent des données sur le produit intérieur brut, la production de l'ensemble des Canadiens et, indirectement, sur leur niveau de vie. Voilà donc un des objectifs.

L'autre objectif, c'est de permettre à un ministère ou à un entrepreneur de savoir ce que serait l'effet de dépenser certains montants pour acheter certains biens sur d'autres industries qui ne produisent pas nécessairement ces biens en raison de cet effet indirect. La seule façon de déterminer l'incidence finale de certaines dépenses, mettons dans la construction de routes, pour savoir ce que serait l'impact de la construction d'une route sur toute une gamme d'industries qui offrent l'approvisionnement approprié directement ou indirectement, c'est de recourir aux tableaux des entrées-sorties.

Elles servent donc à deux objectifs très fondamentaux. L'un est d'améliorer nos estimations du produit intérieur brut, de la balance des paiements et de toute la gamme des renseignements qui proviennent des comptes nationaux. L'autre est de permettre à des gens d'affaires de disposer de scénarios pour évaluer l'incidence de certains types de dépenses.

M. Stewart Wells: Puis-je pousser un peu plus loin au sujet de la TVH? Lorsque les responsables examinaient la façon de répartir la TVH perçue entre le gouvernement fédéral et les diverses provinces participantes, comme l'a dit Ivan, on a d'abord examiné la possibilité de le faire par une analyse détaillée des transactions des entreprises. On s'est très vite rendu compte que c'était impossible. À ce moment-là, les gouvernements provinciaux ont dit: Très bien, cela doit se faire en se servant des comptes économiques, mais nous voulons que leur qualité soit améliorée. Après en avoir discuté encore plus, on a reconnu que la seule façon d'y parvenir, ce serait de produire des tableaux annuels des entrées-sorties au niveau provincial. C'est pourquoi elles sont calculées annuellement à ce niveau.

M. Jim Jones: Merci.

Le dernier rapport du vérificateur général fait ressortir certaines préoccupations à l'endroit de la qualité des méthodes de recherche de Statistique Canada. Nous avons également vu le ministre de l'Industrie évoquer certains chiffres montrant la faible productivité du Canada pour aussitôt voir ces chiffres mis en doute par le ministre des Finances. Comment les Canadiens peuvent-ils mieux être instruits des problèmes de productivité lorsque deux ministres de très haut niveau se contredisent au sujet de chiffres produits par Statistique Canada?

• 1615

M. Ivan Fellegi: Eh bien... Je ne vais pas aborder l'aspect politique de cette question pour deux raisons. En ma qualité de fonctionnaires, je ne suis pas censé le faire. Deuxièmement, comme statisticien en chef, je ne suis absolument pas censé m'en mêler. Je resterai donc loin de cette question, si vous le permettez. Mais je veux bien répondre à la partie de votre question qui porte sur le vérificateur général.

Le vérificateur général a dit que Statistique Canada a une réputation internationale sans égale pour ce qui est de son indépendance, de son esprit d'innovation et de la qualité de son travail. Rien dans le rapport du vérificateur général ne laisse planer le moindre doute sur la qualité des données. Au contraire, il en a fait l'apologie.

Ce sur quoi il fait état de certaines préoccupations, et je partage généralement ces préoccupations, c'est que nous ne fournissons pas suffisamment d'informations sur la qualité de nos données—ce qui est très difficile à faire, mais nous pourrions certainement faire mieux—et que nous ne sommes pas conséquents dans ce que nous révélons sur la qualité de nos données. Toutefois, cela aussi est très difficile, parce que la qualité est un concept très multidimensionnel. Ce n'est pas une mesure unique, comme dans les sondages, 19 fois sur 20... ça, c'est la partie facile. Il y a beaucoup de dimensions qui déterminent la qualité. Par exemple, la façon dont on pose une question influence les réponses obtenues.

Toutefois, j'en conviens, nous pourrions certainement mieux indiquer dans quelle mesure nos données sont fiables ou quelles limites il faut imposer à leur interprétation. Cela dit, le vérificateur général n'a pas soulevé le moindre doute quant à la qualité de nos statistiques, et j'espère que les Canadiens tireront cette leçon de ce rapport. Il serait d'accord avec moi là-dessus, parce qu'il me l'a dit en personne, en plus de l'écrire dans le rapport.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Jones.

Monsieur Murray.

M. Ian Murray: Merci.

Monsieur Fellegi, vous venez tout juste de parler de ce que les fonctionnaires ne sont pas censés faire. Je suis encore troublé par cette question de l'accès aux dossiers médicaux, mais il y a peut-être quelque chose que je ne m'explique pas. Je crois comprendre que certains fonctionnaires fédéraux et provinciaux se sont réunis, ont discuté et sont arrivés à la conclusion commune qu'il était dans l'intérêt du public qu'ils aient accès à ces dossiers et que, par conséquent, ils allaient y avoir accès. Pouvez-vous me dire s'il existe un pouvoir législatif qui permet que cela se fasse?

M. Ivan Fellegi: Eh bien, tout d'abord, ce n'était pas seulement un groupe de fonctionnaires. C'était un comité de personnalités éminentes établi par le ministère de la Santé pour le conseiller sur les renseignements dont les administrations de soins de santé—pas seulement fédérales et certainement pas seulement provinciales, mais de tout ordre—ont absolument besoin pour mieux gérer collectivement le système de soins de santé des Canadiens.

M. Ian Murray: Désolé de vous interrompre; j'essaye simplement de savoir qui donne la permission d'accéder à ces dossiers. À moins de me tromper, je crois comprendre que certaines personnes auront accès aux dossiers médicaux de certaines autres personnes. Il est peut-être vrai que...

M. Ivan Fellegi: Mais cela se fait déjà. Les gouvernements provinciaux ont les dossiers de santé de tous les habitants de leurs provinces, parce que c'est à cette condition que l'on paye les factures de l'assurance-santé. Il ne s'agit donc pas de savoir si ces renseignements existent ou non; ils existent. La question, c'est de savoir comment les utiliser pour améliorer le système des soins de santé. L'important, c'est qu'il est possible d'améliorer considérablement la façon dont ces renseignements sont utilisés pour améliorer non seulement le système de soins de santé, mais également la santé des Canadiens. Ces renseignements existent maintenant. Ils sont entre les mains des administrateurs provinciaux.

M. Ian Murray: Donc, chaque fois que le ministre de la Santé de l'Ontario, par exemple, ou le ministre fédéral de la Santé décide qu'il veut examiner des dossiers médicaux, pour n'importe quelle raison, il peut le faire.

M. Ivan Fellegi: Pas pour n'importe quelle raison. En ce qui concerne Statistique Canada, cela se justifie par la nécessité d'établir des statistiques. Nous refusons de participer à des travaux qui n'ont pas d'objectif statistique ou qui n'ont pas un objectif fondamental qui justifie l'ingérence requise. Là-dessus, nos principes sont très clairs et nous avons une série de processus d'examens pour assurer le respect de ce juste équilibre. Personnellement—rien ne m'y oblige, sinon mon propre caractère—je réprouve toute ingérence dans la vie privée des gens. Si je n'étais pas fonctionnaire, je serais défenseur de la protection des renseignements personnels.

M. Ian Murray: Merci.

• 1620

J'examinais votre très ambitieux plan de travail pour la statistique sociale. Il y a là environ une douzaine de grandes études. Doivent-elles être réalisées dans certains délais? Il semble presque impossible de faire tout cela en un an.

J'ai également une autre question. Ces études seraient-elles produites par Statistique Canada ou par les ministères qui les ont demandées?

M. Ivan Fellegi: Elles seraient produites par Statistique Canada, parce que les ministères veulent de l'information valable et nous font vraiment confiance. Ce n'est pas seulement qu'ils veulent une information valable, ils veulent également de l'information valable aux yeux des autres, afin qu'elle serve de base à une discussion d'envergure sur les politiques gouvernementales où les données seraient tenues pour acquises et généralement acceptées parce qu'elles viennent de nous.

Soit dit en passant, c'est là la principale raison d'être de Statistique Canada, à savoir que la discussion ne devrait pas porter sur la validité des données, mais sur ce qu'elles signifient et sur ce qu'il faudrait faire en conséquence.

Cela dit, la réponse à votre question est non. Cela s'étale sur une période de trois ans.

M. Ian Murray: Très bien, merci.

La présidente: Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, madame la présidente.

Je regrette, mais je n'ai pas entendu votre exposé, monsieur Fellegi.

J'aimerais parler pendant un instant de questions touchant la productivité. On a beaucoup parlé dernièrement dans la presse de la définition de la productivité. J'aimerais que vous nous expliquiez comment Statistique Canada suit l'évolution de la productivité, comment vous la définissez et quelles tendances vous décelez dans le cadre de vos activités.

M. Ivan Fellegi: Tout d'abord, certains économistes définissent la productivité, mais pas nous. Il existe une série de définitions consacrées et professionnelles, car on utilise deux mesures de productivité. La plus simple, c'est ce qu'on appelle la productivité du travail. C'est la quantité de biens et services produits par le pays, divisée par le nombre d'heures qu'il a fallu pour les produire. Pour une heure de travail, donc, quelle est la valeur des biens et services produits? C'est ce qu'on appelle la productivité du travail. C'est assez simple et assez facile à suivre.

M. Roy Cullen: Est-ce également ce qu'on appelle la productivité globale des facteurs?

M. Ivan Fellegi: La productivité globale des facteurs est beaucoup plus complexe. Il existe une formule, que je n'essaierai même pas de vous expliquer—les professionnels s'entendent à dire que c'est la bonne formule—qui vise fondamentalement à exclure les autres intrants qui influent sur la productivité, et surtout le capital, car plus il y a de capitaux investis, plus la main-d'oeuvre peut être productive, de toute évidence. Si on ne tient pas compte du capital, on n'obtient pas un tableau complet de la situation. Selon le but recherché, on peut utiliser l'une ou l'autre formule.

En fait, on a beaucoup parlé de la distinction qui existe entre la productivité du travail et la productivité plurifactorielle, qui se ressemblent beaucoup. Elles ne se situent pas au même niveau, car une fois que l'on retire le capital, il reste un plus petit niveau de productivité plurifactorielle que si l'on ne tient compte que de la productivité du travail, qui englobe également le capital. Le niveau est donc différent, mais avec le temps les deux courbes sont parallèles. Il n'y a donc pas une énorme différence, si on veut faire cette analyse. Est-ce que la productivité s'améliore? À quel rythme? Selon qu'on tient compte de la formule simple ou de la plus complexe, on en arrive à des conclusions très différentes. Voilà pour le premier point.

Deuxièmement, est-ce que nous obtenons de bons résultats? Dans tous les pays industrialisés, dont le Canada, il y a eu un ralentissement du taux de croissance de la productivité depuis le milieu des années 70. La productivité est toujours à la hausse, mais le taux de croissance a considérablement diminué. Nous suivons cette évolution depuis longtemps, depuis cette époque au milieu des années 70, plus ou moins, et la tendance se maintient.

Ce qui s'est produit et qui a suscité beaucoup d'attention, c'est le fait que l'OCDE publie des chiffres sur la productivité, lesquels indiquaient pour la période des sept dernières années à peu près, un taux de croissance négatif de la productivité au Canada, c'est-à-dire une baisse. Nous avons publié il y a peu des prévisions qui indiquent non pas une baisse mais bien une augmentation—pas énorme, mais une augmentation quand même pour cette période.

En fait—et malheureusement, les médias refusent de l'admettre—l'OCDE a deux séries de chiffres qui proviennent de deux services différents de l'organisation, une que je crois et l'autre que je ne crois pas. Les chiffres que je crois sont très proches des nôtres. Ceux que je ne crois pas doivent être révisés, et ils seront beaucoup plus proches des nôtres et indiqueront un taux de croissance positif également.

J'irais même jusqu'à vous dire de ne pas tenir compte de ces chiffres de l'OCDE. Ils ne sont pas vraiment valables, parce que les autres chiffres publiés par l'organisation montrent exactement les mêmes résultats que nous.

• 1625

La présidente: Merci.

Chers collègues, nous sommes confrontés à un dilemme. Il y a plusieurs députés qui veulent encore poser des questions, et nous sommes censés entendre un autre témoin à 16 h 30. Je pourrais poursuivre la période des questions, si c'est ce que tout le monde souhaite. J'ai sur ma liste M. Bellemare, Mme Jennings et M. Jones, et je sais pas si Mme Lalonde ou M. Strahl veulent aussi intervenir.

Monsieur Strahl.

M. Chuck Strahl: Je voulais conclure sur une blague, mais je ne veux pas vous interrompre.

La présidente: Très bien.

Une voix: Gardez-la pour vous.

Une voix: J'aimerais l'entendre.

La présidente: Monsieur Jones.

M. Jim Jones: Bon nombre de Canadiens m'écrivent au sujet de l'utilisation des données du recensement de 1911, ce qui est actuellement interdit en raison de la Loi sur la protection des renseignements personnels. J'ai reçu dernièrement une lettre du ministre Manley indiquant que Statistique Canada va entreprendre une révision de cette exigence réglementaire. Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est? Quand peut-on s'attendre à ce que cette révision soit terminée?

M. Ivan Fellegi: Tout d'abord, permettez-moi de vous présenter un peu le dossier et de vous dire où nous en sommes. Même si elle est brève, c'est malheureusement une question complexe, comme la plupart des questions, mais c'est bien pour cette raison qu'on les pose.

Tous les recensements antérieurs à 1911 ont été faits aux termes de décrets administratifs qui ne s'accompagnaient d'aucune promesse ayant force exécutoire concernant la confidentialité. Le recensement de 1911 et tous ceux qui ont suivi ont été faits en vertu d'une garantie légale de confidentialité sans limite de temps. Nous avons donc un avis juridique du ministère de la Justice selon lequel il est impossible de permettre aux gens de faire des recherches généalogiques. Je le regrette sincèrement, mais c'est un avis juridique. Je dois me conformer à la loi.

M. Manley et d'autres nous ont demandé d'élaborer certaines options, et nous l'avons fait. Les options—simplement les plus logiques—sont les suivantes: premièrement, le statu quo; deuxièmement, modifier rétroactivement la loi et déclarer que tout ce qui a été promis aux Canadiens ne sera pas respecté ou sera modifié—cela reviendrait en fait à modifier de façon rétroactive une promesse qui avait été faite; et troisièmement, une modification possible qui stipule qu'à compter du recensement de 2001, les recensements futurs ne renfermeront pas cette clause mais que la clause de confidentialité sera assujettie à une limite de temps.

Voilà les trois options logiques, et nous les avons soumises à M. Manley.

M. Jim Jones: Merci.

La présidente: Merci.

Monsieur Bellemare.

[Français]

M. Eugène Bellemare (Carleton—Gloucester, Lib.): J'aimerais revenir sur la question de l'ethnicité. J'ai découvert qu'aujourd'hui, en 1999, on a une nouvelle définition, soit la définition Fellegi. Le définitions du Oxford, du Larousse et du Robert ne s'appliquent plus, non plus que celles des dictionnaires canadiens-français, américains ou anglais-canadiens. C'est la définition de M. Fellegi qui prime, et cela m'inquiète beaucoup.

Corrigez-moi si j'ai tort, mais aux États-Unis, lorsqu'ils ont fait leur sondage, je crois qu'ils ont indiqué à la population qu'il était interdit d'écrire «Américain». Il fallait indiquer ce que la définition du dictionnaire donne. Les sondages sont faits pour les chercheurs, pour aider le marketing, les systèmes scolaires et les provinces à produire des programmes sociaux, et j'en passe.

Je respecte beaucoup le mot «Canadien». Je suis de la quatrième génération franco-ontarienne et je me souviens que mes grands-parents se disaient Canadiens. Ma grand-mère était une Canadienne; en réalité, elle voulait dire qu'elle était une Canadienne française. Mais tout à coup, tout le monde a commencé à se dire «Canadien» et nous avons donc commencé à nous dire «Canadiens français». On n'a jamais voulu se faire assimiler. Mais là, vous êtes en quelque sorte en train de nous assimiler.

• 1630

Si mon voisin d'origine ethnique orientale, un néo-Canadien que j'aime bien et qui est une personne très correcte, répond «Canadien» et que je réponds aussi «Canadien», dans 50 ans, les gens ne sauront pas quelle était la différence entre nous deux, à moins qu'ils aient des photographies de nous qui leur feraient peut-être deviner cette différence.

Si les chercheurs se fient seulement à votre terminologie, ils seront dans la confusion. Suis-je un Canadien français ou non?

La présidente: Docteur Fellegi.

M. Ivan Fellegi: Monsieur Bellemare, je vais vous donner quatre brefs éléments de réponse. Ma nièce a une mère d'origine hongroise et un père d'origine moitié allemande-moitié russe. Quelle est son origine ethnique? C'est quand même ma nièce. C'est un exemple très concret. L'origine ethnique est très ambiguë.

Je ne conseillerais à personne de mener des études très raffinées et très sérieuses sur l'assimilation ou quoi que ce soit d'autre en se basant sur l'origine ethnique. C'est pourquoi, il y a à peu près 20 ans, nous avons inclus trois autres questions sur la langue. C'est par la langue parlée à la maison le plus souvent et la langue apprise à la naissance que l'on peut étudier le rythme d'assimilation d'une génération; c'est limité dans le temps.

Pour l'origine ethnique, on ne sait pas ce qu'on pourrait recevoir comme réponse de la part des répondants parce qu'une très grande partie des gens ont plusieurs origines et que c'est très difficile à interpréter.

M. Eugène Bellemare: Est-ce qu'il ne serait pas plus utile...

M. Ivan Fellegi: Si vous me le permettez, je voudrais répondre à vos questions; c'était mon premier point.

Deuxièmement, il n'y a pas de définition Fellegi et je m'oppose vraiment à ce qu'on en libelle une, parce que c'est une définition des Canadiens qui ont répondu de façon très précise à une question qui, en 1991, n'incluait pas le mot «Canadien». Au contraire, dans l'introduction à cette question, en 1991, on disait à peu près ceci: nous savons qu'une grande partie des gens se considèrent comme des Canadiens, mais nous serions intéressés à connaître votre origine ethnique. En dépit de cela, plus d'un million de personnes ont répondu «Canadien». Ils se considéraient d'origine ethnique canadienne. Ce sont ces millions de personnes qui ont ainsi défini leur origine ethnique et non pas M. Fellegi.

M. Eugène Bellemare: Mais vous ne pouvez pas en déduire qu'il s'agit d'une ethnie.

M. Ivan Felligi: Pardon?

M. Eugène Bellemare: Par exemple, si un million de personnes répondaient à la blague qu'elles descendent de Mickey Mouse, est-ce que l'ethnie Mickey Mouse existerait tout à coup?

M. Ivan Fellegi: Non. Comme quelqu'un l'a dit, je ne me considère pas canadien comme Mickey Mouse.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Bellemare, nous avons déjà posé des questions semblables plus tôt, et M. Fellegi y a déjà répondu. Vous avez eu vos cinq minutes et je vais donc donner la parole à Mme Jennings.

Une dernière question, madame Jennings.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Merci. J'aimerais faire un petit commentaire à l'intention de M. Bellemare. Je suis une Canadienne noire d'origines ethniques multiples: père noir américain dont les ancêtres étaient des esclaves africains, mère canadienne-française d'origine...

[Traduction]

La présidente: À l'ordre.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Ma question, monsieur Fellegi, se rapporte à la page 6. Vous dites à l'avant-dernier paragraphe:

[Traduction]

«lancer une nouvelle enquête de grande envergure visant à fournir, au niveau des régions infraprovinciales du réseau de la santé, des renseignements sur la santé de la population et sur les facteurs qui déterminent l'état de santé».

[Français]

Des études récentes aux États-Unis démontrent que la race et le sexe de la personne peuvent avoir un impact très grave et très direct sur la qualité du traitement médical reçu. Une de ces études porte sur les maladies du coeur et l'on sait que les Noirs américains, surtout les femmes, y sont plus susceptibles. On a conclu que si vous étiez une femme noire, vous deviez vous se méfier de la qualité du traitement médical que vous offrent les médecins.

• 1635

J'aimerais savoir si ces études américaines vous ont fait réfléchir. Lors de votre cueillette de données, lorsque vous mènerez vos études, cette question sera-t-elle également étudiée? Allez-vous recueillir des données sur la race ou l'ethnie, par exemple? Ces données pourraient servir à quelqu'un qui voudrait mener une étude pour voir si le fait d'être une femme noire de tel âge peut avoir un impact négatif sur la qualité du traitement médical reçu lorsqu'on se présente à l'hôpital ou dans un bureau de médecin.

M. Ivan Fellegi: Merci. C'est un très bon commentaire et nous devrons sans doute l'examiner avec soin.

[Traduction]

La présidente: Merci.

Je rappelle aux membres du comité que nous avons un autre témoin. La séance est censée se terminer à 17 h 30.

[Français]

Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde: Monsieur Fellegi, à la page 3 de votre exposé, vous annoncez que vous allez refaire une base de données en vue de la répartition d'une TVH conceptuelle commune à toutes les provinces. Est-ce une commande que vous avez reçue ou si vous avez eu une inspiration de l'Esprit saint?

M. Ivan Fellegi: Non, ce n'est pas du tout une commande que nous avons reçue. Comme je le disais, et je le répète avec plaisir, en tant que statisticien en chef, je ne tolère pas la politisation des statistiques. Alors, ce n'est pas le cas.

[Traduction]

Je vais passer à l'anglais, car...

[Français]

Mme Francine Lalonde: Oui, oui.

[Traduction]

M. Ivan Fellegi: Pour retrouver...

[Français]

Mme Francine Lalonde: Vous parlez très bien français.

M. Ivan Fellegi: ...la chaîne de production, il faudrait avoir ce niveau de détails pour chacune des provinces. Je dois souligner qu'on fait cette étude avec un important soutien de la province de Québec, parce qu'il en résultera des données beaucoup plus détaillées qu'elle veut avoir même si on ne participe pas à la répartition de...

Mme Francine Lalonde: Elle perçoit les deux.

M. Ivan Fellegi: Elle veut avoir ces données pour ses politiques économiques; ce n'est pas pour la TVH et la TPS.

Mme Francine Lalonde: J'aurais bien d'autres questions, mais je vais m'arrêter. J'attends la farce de M. Strahl.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup, madame Lalonde.

Je tiens à remercier M. Fellegi de son témoignage. Je veux vous dire également que votre collègue qui a comparu plus tôt aujourd'hui a parlé de productivité. John Baldwin a abondé dans votre sens au sujet de l'OCDE. Pour les collègues qui n'étaient pas là ce matin, je signale que les témoins semblent tous du même avis, ce qui est une bonne chose. Nous vous remercions de cette discussion et d'avoir pris le temps de nous rencontrer à nouveau.

M. Ivan Fellegi: Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Fellegi.

Nous allons maintenant changer de témoins et je vais demander à M. Howard Wilson, le conseiller en éthique, de s'asseoir à la table. Un certain nombre de documents vont être distribués, et nous allons donc suspendre la séance pendant une minute, mais guère plus, si vous le voulez bien.

• 1639




• 1642

La présidente: Nous reprenons la séance. Je demanderais à tous de bien vouloir reprendre leur place.

Je rappelle aux membres du comité que le comité a été saisi de deux motions à deux moments différents. La première a été déclarée irrecevable. La motion en vertu de laquelle M. Wilson comparaît aujourd'hui se lit comme suit: «Que M. Howard Wilson, conseiller en éthique, soit convoqué devant le Comité de l'industrie pour expliquer son mandat et ses responsabilités à l'égard des dépenses de son bureau, tel qu'indiqué sous la rubrique Industrie Canada.» Je voulais rappeler à mes collègues le libellé de cette motion.

J'ai le grand plaisir d'accueillir M. Wilson.

M. Chuck Strahl: J'invoque le Règlement, madame la présidente, car j'aimerais obtenir un éclaircissement.

La présidente: Allez-y.

M. Chuck Strahl: Au cours de la période des questions aujourd'hui, le premier ministre est intervenu en disant que si l'on veut poser des questions à M. Wilson, le conseiller en éthique, tout ce qui a rapport avec l'éthique, il ne fallait pas hésiter à l'assaillir de questions.

La présidente: Monsieur Strahl, je sais très bien ce qui s'est passé à la période des questions. Je voulais simplement rappeler aux députés la motion dont le comité était saisi.

M. Chuck Strahl: Très bien.

La présidente: Notre témoin a des remarques liminaires à faire. Je vais demander à M. Wilson de présenter son exposé, mais je rappelle aux membres du comité que s'il témoigne aujourd'hui, c'est pour discuter du Budget des dépenses.

Nous vous écoutons, monsieur Wilson.

M. Howard Wilson (conseiller en éthique, Industrie Canada): Merci beaucoup, madame la présidente.

C'est avec grand plaisir que je saisis cette occasion d'exposer les responsabilités de mon Bureau et de répondre aux questions du comité sur nos activités.

En juin 1994, le premier ministre du Canada a créé le poste de conseiller en éthique et y a nommé un fonctionnaire de carrière, moi en l'occurrence. Certaines fonctions déjà existantes rattachées aux conflits d'intérêts et à l'enregistrement des lobbyistes ont été intégrées dans un bureau plus visible assumant de plus grandes responsabilités.

Le Bureau du conseiller en éthique est chargé de l'application du Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat, de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et du Code de déontologie des lobbyistes.

Commençons d'abord par le Code régissant les conflits d'intérêts. La version la plus récente a été déposée à la Chambre des communes par le premier ministre, également en 1994. Les dispositions du Code s'appliquent aux membres du Cabinet, aux secrétaires parlementaires, aux membres du personnel des ministres et à essentiellement toutes les personnes nommées à une charge à plein temps par le gouverneur en conseil. En d'autres termes, les dispositions visent les cadres dirigeants du pouvoir exécutif, ce qui représente quelque 1 200 personnes, sans compter les quelque 1 900 personnes nommées à une charge à temps partiel qui sont également assujetties aux principes du Code. Le Code ne s'applique toutefois pas aux autres membres de la Chambre des communes ou du Sénat.

• 1645

[Français]

Le code énonce d'abord une série de grands principes desquels sont tirées un nombre restreint de mesures. Ces principes précisent, par exemple, que le titulaire d'une charge publique doit agir selon des normes supérieures en matière d'éthique. Il doit en outre exercer ses fonctions officielles et organiser ses affaires personnelles d'une manière si irréprochable qu'elles puissent résister à l'examen public le plus minutieux; «pour s'acquitter de cette obligation, il ne lui suffit pas simplement d'observer la loi». Un autre principe stipule que le titulaire doit organiser ses affaires personnelles de manière à éviter les conflits d'intérêts réels, potentiels ou apparents et que l'intérêt public doit toujours prévaloir dans les cas où les intérêts du titulaire entrent en conflit avec ses fonctions officielles.

Les mesures qui s'ensuivent précisent que le titulaire doit présenter au conseiller en éthique un rapport confidentiel indiquant tous les biens lui appartenant, toutes ses dettes et toutes ses activités extérieures. Le code établit les biens pouvant être toujours administrés par le titulaire, les biens qui doivent être déclarés et les biens dont doit se dessaisir le titulaire. Il existe également des limites quant aux activités extérieures, des règles concernant les cadeaux et des dispositions pour l'après-mandat. Nous cherchons essentiellement à prévenir et à éviter à l'avance les possibilités de conflits.

Dans le monde de l'éthique, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, il existe deux modèles fondamentaux. L'un est fondé sur l'intégrité, l'autre, sur la conformité. Le système fondé sur l'intégrité, dont s'inspire notre code, ne cherche pas à réglementer toutes les situations possibles, mais bien, par l'établissement de principes fondamentaux, à fournir un cadre servant à la prise de décisions. Un système fondé sur la conformité est davantage axé sur la réglementation et, selon moi, n'inspire pas confiance au public.

[Traduction]

La Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, qui est entrée en vigueur en 1989 mais a été considérablement renforcée en 1995, prescrit que tous les lobbyistes doivent enregistrer leurs activités. La loi définit trois types de lobbyistes: le lobbyiste-conseil qui, moyennant paiement, s'engage auprès d'un tiers à exercer des activités de lobbying pour le compte de celui-ci; le lobbyiste salarié, employé par une société, qui consacre une partie importante de ses fonctions à exercer des activités de lobbying pour le compte de son employeur; et le lobbyiste pour le compte d'une organisation, notamment une association. Au 31 mars 1999, on dénombrait 618 enregistrements de lobbyistes-conseils, 352 enregistrements de lobbyistes salariés et 362 enregistrements de lobbyistes travaillant pour le compte d'un organisme à but non lucratif ou d'un groupe d'intérêt.

Les lobbyistes sont tenus de fournir des renseignements sur leurs clients ainsi qu'une description détaillée du domaine de leurs activités de lobbying, ce qui comprend le nom des ministères et des autres organismes gouvernementaux visés. Je dois ajouter ici qu'il est prévu dans la Loi que ses dispositions feront l'objet d'un examen parlementaire à compter de janvier 2000.

Une de nos plus grandes réalisations a été le recours à Internet afin de garantir notre transparence. L'adresse de notre site Web se trouve dans le texte que j'ai fait distribuer.

Sur les conflits d'intérêts, le site renferme des documents de base ainsi que le registre public. Mais plus important encore, il en est de même pour le registre des lobbyistes. Ce site représente une importante amélioration par rapport au passé, lorsque toute personne intéressée par les activités de lobbying devait soit se présenter à nos bureaux, soit demander à recevoir les renseignements par télécopieur. Le registre est maintenant accessible, rapidement et à bas prix, dans toutes les régions du pays. Nous continuons à améliorer la qualité de notre site Web par l'ajout d'informations sur les pratiques provinciales et étrangères. Par exemple, je travaille actuellement avec mes homologues provinciaux afin que notre site serve de point d'accès vers leurs activités. Les bureaux de certains de mes homologues sont assez petits et n'ont pas encore les moyens de créer leur propre site. Une autre amélioration qui sera apportée sous peu est l'instauration d'un lien direct avec un fichier sur le site de nos lobbyistes, où seront présentées des données sur tous les nouveaux enregistrements et les fermetures des trente derniers jours. Le public pourra ainsi prendre beaucoup plus facilement connaissance de ce qui se passe.

• 1650

Enfin, madame la présidente, mon affectation budgétaire pour l'exercice financier 1999-2000 s'établit à 1,7 million de dollars, dont 1,6 million de dollars est consacré aux dépenses salariales et environ 100 000 $ au fonctionnement et à l'entretien. Le personnel du Bureau du conseiller en éthique est fixé, pour la même période, à 23 ETP, soit 23 employés.

Je suis ravi d'être ici, comme je l'ai dit au début, et je suis disposé à répondre à toutes les questions concernant nos activités, y compris les questions que les membres du comité voudront poser sur les directives secrètes ou les rapports hiérarchiques, par exemple. Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Wilson.

Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Strahl.

M. Chuck Strahl: Comme je l'ai dit plus tôt, monsieur Wilson, merci de votre présence. On a beaucoup parlé de vous aujourd'hui pendant la période des questions. Le premier ministre a absolument tenu à faire savoir à tout le monde que vous alliez témoigner devant notre comité, et c'est peut-être pour cette raison que tous les gens qui étaient à la tribune se trouvent réunis derrière vous. Quoi qu'il en soit, je suis heureux de vous voir et je vous remercie d'être venu.

Ma première question est directement en rapport avec les voies de communications hiérarchiques. Lorsqu'une question arrive, ou qu'une question est soulevée au sujet de la situation du premier ministre ou de n'importe quelle situation le mettant en cause, est-ce que vous vous en occupez personnellement ou en chargez-vous l'une des 23 personnes qui font partie de votre personnel, comme vous venez de nous le dire?

M. Howard Wilson: Vous voulez dire lorsqu'une question me parvient de la presse ou du grand public? Cela dépend. La plupart du temps, si c'est une question d'un journaliste, je m'en occupe. Mais nous recevons souvent des appels de personnes qui veulent savoir quelles sont les dispositions en vigueur ou quelle est la situation relativement au premier ministre, ou à d'autres députés.

M. Chuck Strahl: D'accord.

Dans votre déclaration préliminaire, vous parlez de votre site Web, etc.; si on a une question à poser, comme c'est mon cas et celui de bien d'autres personnes, par exemple, sur le chahut qu'il y a eu à la Chambre des communes, et que l'on cherche à savoir si M. Chrétien a effectivement vendu ses actions dans le terrain de golf, ou s'il a vendu une option d'achat d'actions, ce qui est tout à fait différent, est-il possible d'obtenir ce renseignement sur le site Web? Pourrais-je voir une copie de l'acte de vente, ou en avez-vous déjà vu une, ou est-ce...? On nous raconte toutes sortes de choses contradictoires. Comment savoir où est la vérité?

M. Howard Wilson: En effet, si vous consultez le registre public, vous y trouverez des documents publics. Dans le cas de M. Chrétien, il s'agira de ses déclarations sur une foule de questions.

En ce qui concerne le terrain de golf, j'ai eu affaire aux journalistes pour la première fois lorsqu'ils ont posé des questions à mon Bureau pour savoir si le terrain de golf avait été vendu ou non, et il y avait une certaine confusion autour de cette question. J'ai fait distribuer publiquement, dès janvier, un feuillet d'information sur la situation de l'époque. Pour vous mettre au fait rapidement, le premier ministre avait vendu son intérêt dans le terrain de golf le 1er novembre 1993. Vous avez demandé si j'ai vu l'acte. Oui, je l'ai vu.

Dans certains articles de journaux, on a dit qu'une personne prétendait que ce n'était qu'une option. Je peux vous dire que c'était une véritable vente, libérant le premier ministre de tout intérêt dans ce terrain de golf. Cela s'accompagnait d'une somme d'argent précise et d'une calendrier de remboursement.

Or, cela s'est passé le 1er novembre 1993, et cette transaction n'a donc pas été mentionnée dans les dispositions que le premier ministre a dû prendre pour se conformer au Code sur les conflits d'intérêts. Un peu plus tard, si ma mémoire est bonne—je pense que c'était en janvier 1996—nous avons discuté tous les deux, parce qu'à ce moment-là il ne recevait aucun argent et voulait savoir quelles étaient ses options. J'ai discuté de cette question en détails avec les journalistes et d'autres personnes qui voulaient obtenir des renseignements à ce sujet.

Je considère comme un aspect très important de mon travail le fait d'essayer de répondre à ce genre de questions avec un maximum de transparence. Je veux dire qu'il s'agit de questions touchant la vie privée. Il existe des renseignements personnels qui doivent rester confidentiels. Toutefois, lorsqu'on pose ce genre de questions, j'essaye d'expliquer la situation.

• 1655

À l'heure où nous nous parlons, pour clore cette question de la vente, il n'a pas encore été payé. Il ne détient plus les actions. Je dis depuis un certain temps que la vente semble imminente. C'est sans nul doute l'une des négociations qui a le plus traîné en longueur, mais l'affaire est aux mains de son avocate qui me tient au courant. Toutes les questions de fond ont été résolues et ce n'est plus qu'une question de temps.

Lorsque le moment sera venu, toutefois, nous ferons une déclaration publique qui se trouvera sur Internet, pour clore le dossier.

M. Chuck Strahl: Il y a apparemment des ententes commerciales entre l'hôtel et le terrain de golf qui prévoient des échanges de bons procédés. Autrement dit, vous me rendez un p'tit service, j'en profite... par exemple, votre hôtel est rempli, mon terrain de golf tourne mieux, etc.

Après 1996, M. Chrétien vous a dit qu'il y avait un problème avec le paiement et qu'il savait que les actions allaient lui être rendues. L'avez-vous conseillé pour lui dire s'il était mal venu, après ce moment-là, d'accorder des subventions gouvernementales à l'hôtel ou au club de golf? J'ai l'impression que lorsqu'il a su qu'il détenait un intérêt commercial dans ce terrain de golf encore une fois... Étant donné les ententes commerciales passées entre le club de golf et l'hôtel, de toute évidence sans qu'il y ait lien de dépendance avec l'un ou l'autre... Lorsqu'on parle de subventions gouvernementales, il ne suffit pas d'être indépendant, car voilà que soudain M. Chrétien détenait un intérêt commercial dans ce complexe.

L'avez-vous conseillé pour lui dire s'il devait garder ses distances ou s'assurer que son cabinet s'abstienne de toute participation à des subventions gouvernementales ou une aide gouvernementale quelconque à l'une ou l'autre de ces deux entités commerciales?

M. Howard Wilson: Je répondrai à cette question, monsieur, en disant qu'à mon avis M. Chrétien ne détient pas d'intérêts dans cette entreprise. Il a vendu ses intérêts. Il a vendu ses parts. Selon son avocate, c'est une vente non garantie. Autrement dit, la seule façon pour lui de se faire rembourser est ou bien d'intenter des poursuites auprès de la personne en question ou bien, comme c'est le cas, d'essayer de trouver une façon pour se faire payer.

Dans l'état actuel des choses, le propriétaire actuel des actions doit les vendre à d'autres personnes, de sorte qu'elles ne reviendront probablement pas aux mains de M. Chrétien. À mon avis toutefois, l'affaire était conclue, les choses étaient réglées et il n'y avait aucun rapport, aucun lien financier entre le premier ministre et l'auberge ou le club de golf.

Je signale, en passant, madame la présidente, que M. Nystrom m'a écrit à ce sujet et je lui ai envoyé une réponse au début de l'après-midi. J'ai remis des copies de ma réponse au greffier, et nous sommes tout à fait disposés à les faire distribuer. Je ne vous ennuierai pas avec les détails de cette réponse détaillée, mais j'ai essayé de répondre aux préoccupations de M. Nystrom.

M. Chuck Strahl: En avez-vous des copies?

La présidente: Le greffier va les distribuer.

Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen: Merci, madame la présidente.

Merci, monsieur Wilson, de votre présence.

Dans votre allocution liminaire, vous dites que la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes doit faire l'objet d'un examen parlementaire à compter de janvier 2000. Pourriez-vous expliquer au comité toutes les questions ou tous les changements qui vous paraissent souhaitables à votre avis, ou avez-vous entendu d'autres parties prenantes, d'autres utilisateurs du système suggérer des modifications qui pourraient être utiles lorsque cet examen débutera en janvier 2000?

M. Howard Wilson: La loi prévoit cet examen de la part du Parlement. M. Manley, en sa qualité de ministre responsable, fera connaître ses vues au comité au début du processus, et nous consulterons un certain nombre de personnes. Des gens ont utilisé notre site Web et y reviennent.

Je pense toutefois... J'ai l'impression que le système fonctionne assez bien actuellement. Il y a évidemment toujours moyen de l'améliorer, mais je reçois des observations des journalistes et des partis d'opposition qui me permettent de croire que le système est facile à utiliser. Au niveau des détails, cela n'a plus rien à voir avec ce qui se trouvait dans la loi avant 1995. Le système permet d'obtenir de façon opportune des renseignements à jour pour savoir qui fait quoi à qui dans cette ville. Le ministre aura certainement des suggestions très concrètes à faire au moment où votre comité ou un autre entreprendra cette étude l'an prochain.

M. Roy Cullen: D'après ce que vous savez, monsieur Wilson, les lobbyistes eux-mêmes sont-ils satisfaits? Sont-ils satisfaits de la façon dont le système fonctionne? Ou souhaitent-ils y apporter des modifications? Avez-vous entendu des commentaires de leur part?

• 1700

M. Howard Wilson: Au cours des mois à venir, je suppose qu'ils me feront part de leurs idées, car ils sauront que l'examen doit commencer au début de l'an 2000. Ils voudront s'assurer que le ministre est au courant de leurs opinions.

Il y a deux ou trois choses. Les lobbyistes-conseils ne tardent pas à faire connaître leurs points de vue.

À mon avis, il n'y a pas vraiment de problèmes au niveau de l'application. Si je dis cela, c'est que dès l'instant où une personne est engagée pour faire du lobbying, si elle n'est pas enregistrée, tous ses concurrents et une foule de gens dans cette ville le sauront. Étant donné que l'information est très facile d'accès, on accorde à mon avis énormément d'attention à l'enregistrement des lobbyistes, qui se fait de façon électronique, ce qui facilite encore les choses.

M. Roy Cullen: Monsieur Wilson, pourriez-vous nous expliquer de qui vous relevez? Existe-t-il un système de rapport hiérarchique et, si c'est le cas, à qui rendez-vous des comptes?

M. Howard Wilson: Avant la réunion, Mme Lalonde m'a demandé pourquoi c'est le Comité de l'industrie qui examine mon budget. J'ai dit que c'était un accident de parcours. En fait, dans les années 70, le gouvernement de l'époque a décidé de charger quelqu'un de s'occuper des conflits d'intérêts, mais il ne voulait pas que les choses soient trop évidentes. Le gouvernement avait envisagé de créer un registre. Il y avait un ministre qui était également registraire général, et on a donc créé le poste de sous-registraire général adjoint dont le bureau a été rattaché à ce ministère qui, à l'époque, était Consommation et Corporations.

Je viens du service extérieur, et j'étais entre deux affectations en 1993 juste avant le congrès qui a vu Kim Campbell se faire élire chef du Parti conservateur. Le Bureau du Conseil privé m'avait demandé d'occuper ce poste pendant un an. Je ne savais pas quel était son rôle à l'époque. Après avoir été nommée premier ministre, Kim Campbell a décidé de fusionner plusieurs ministères, comme vous vous en souvenez sans doute. Le ministère de la Consommation et des Corporations a disparu. Il a été fusionné avec celui de l'Industrie, et c'est là que je me suis retrouvé.

À mon avis, et c'est un avis très pratique, c'est très utile parce que c'est un gros ministère doté d'un budget important, qui peut m'offrir le genre d'aide dont j'ai besoin. Par exemple, il aurait été impossible de créer le site Web à partir de mon petit bureau. Vous avez une base sur place et c'est très utile.

Pour ce qui est de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, je relève de M. Manley qui est le ministre responsable de l'application de cette loi. Pour le Code sur les conflits d'intérêts, je relève du premier ministre. C'est donc un peu différent, mais je ne pense pas que cela pose de problèmes.

M. Roy Cullen: Merci.

[Français]

La présidente: Madame Lalonde, s'il vous plaît.

Mme Francine Lalonde: Votre poste est-il un poste politique? Vous n'êtes pas un fonctionnaire de l'État?

[Traduction]

M. Howard Wilson: Oui, je suis fonctionnaire. Cela n'a pas changé. Cela va faire 35 ans à la fin du mois que je suis fonctionnaire. Je suis encore fonctionnaire, madame.

[Français]

un fonctionnaire de carrière.

Mme Francine Lalonde: Mais vous êtes un fonctionnaire qui a cette caractéristique de recevoir des commandes du premier ministre seul, si je comprends bien, en ce qui concerne les conflits d'intérêts potentiels des ministres.

[Traduction]

M. Howard Wilson: Non, je ne le décrirais pas de la sorte. Je le vois comme la réception de directives. En fait, si nous parlons des rapports, nous devons parler de la responsabilité du premier ministre pour la gestion du gouvernement et sa décision de charger quelqu'un de le faire pour lui, et c'est essentiellement la position. C'était très important, je crois, qu'un fonctionnaire en soit chargé, car on s'attend à ce que je sois celui qui essaie de justifier nos actions et les recommandations que j'ai faites.

• 1705

Moi et mes collègues sommes donc chargés d'administrer le Code et de faire savoir aux ministres ce qu'ils doivent faire pour s'y conformer, et le premier ministre m'appuie sans réserve à cet égard.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Mais vous avez parlé de deux lignes d'autorité. Nous sommes ici pour adopter le budget et, franchement, j'ai une question à vous poser. On parle de votre poste à la rubrique des dépenses de fonctionnement, et là il n'y a pas de problème, au numéro 5, où il est question des subventions et contributions, et aux numéros 10 et 15, où on parle des paiements conformément aux paragraphes 14(1) et 14(2). Quel est votre rôle relativement aux subventions et contributions?

[Traduction]

M. Howard Wilson: Si je comprends bien, madame la présidente, je suis ici parce que mon budget relève entièrement du ministère de l'Industrie.

La présidente: Afin que tout le monde le sache, les crédits qui ont été mentionnés—comme tous les crédits que nous avons examinés au cours des derniers jours et que nous allons voter à la fin—relèvent du ministère de l'Industrie, mais ils ne sont pas particuliers à son rôle. Je suis désolé s'il y a confusion.

M. Howard Wilson: Mais selon moi au moins, cela vous donne l'occasion de me poser des questions sur mon travail.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Que faites-vous relativement au respect du code de déontologie? J'ai lu les bonnes intentions, mais relativement au respect du code de déontologie des lobbyistes, par exemple, que faites-vous en plus d'être sur le web?

[Traduction]

M. Howard Wilson: Je crois que le Code se compare bien à ce qui se fait ailleurs, que ce soit dans les provinces ou d'autres pays.

D'entrée de jeu, il faut dire qu'il ne s'agit pas d'une loi. C'est important, car nous essayons de composer avec un ensemble de principes selon lesquels vous devez prendre à l'égard de vos affaires privées des arrangements pouvant résister à un examen public approfondi, une obligation qu'on ne peut simplement remplir en respectant la loi. En d'autres termes, pour les titulaires de charge publique, les normes sont très élevées, et je crois que les Canadiens ont le droit de s'y attendre.

De plus, le Code vise très précisément à prévenir les conflits réels, potentiels ou apparents. Une province tente de prévenir les conflits apparents. C'est la Colombie-Britannique. Les autres n'en parlent pas. Elles s'attaquent au conflit réel. Pourtant, selon moi, l'apparence des conflits est une réalité politique, et si le système en place ne cherche pas à les prévenir, il pourrait bien ne pas atteindre son but, qui est de maintenir la confiance du public dans l'intégrité des institutions politiques.

Le Code énonce un ensemble de principes. Ils sont très larges, mais comme je l'ai dit dans mon texte, nous n'essayons pas de réglementer toutes les situations possibles. Tout d'abord, nous avons une déclaration confidentielle de tous les actifs. C'est une déclaration exhaustive protégée par la Loi sur les renseignements personnels. Le Code précise ensuite le genre d'actifs qu'un ministre peut gérer lui-même. Il existe une catégorie de biens exemptés, qui comprennent le domicile et les comptes bancaires, de même que les fonds de placement ouverts. Il s'agit d'une déclaration. Ils sont autorisés à gérer ces biens, car on estime qu'il n'y a pas de risque de conflits.

La deuxième catégorie est celle des biens à déclarer, et une déclaration publique est requise. Encore une fois, il n'y a pas de risque réel de conflit. À l'échelle fédérale, cela comprend les immeubles locatifs, par exemple. Cela pourrait comprendre les exploitations agricoles. Cela comprendrait aussi les entreprises privées qui n'ont aucun lien avec le gouvernement du Canada, par exemple, une franchise de Provisoir. Le titulaire du poste doit remplir une déclaration publique pour faire état de ses intérêts et il peut poursuivre ses activités.

• 1710

La troisième catégorie, et c'est la plus importante, est celle des biens contrôlés. Elle couvre les actions en bourse de même que les intérêts dans des entreprises privées ayant des rapports avec le gouvernement du Canada. Le Code dit que le titulaire doit se dessaisir de ces biens. Pour ce faire, il peut les vendre à un tiers avec qui il n'a aucun lien de dépendance. L'autre possibilité, par exemple dans le cas de valeurs échangées en bourse, c'est de les déposer dans une fiducie indépendante.

Nous utilisons des documents normalisés. Nous devons approuver la fiducie. Le titulaire peut recevoir mensuellement des renseignements sur la valeur de sa fiducie, mais il ne peut en connaître la composition. Je crois que cette solution a bien réussi l'épreuve du temps, mais elle ne peut servir que dans le cas des actions échangées en bourse. Comme votre courtier s'occupe de ces choses, vous n'êtes pas tenu au courant de votre situation.

La troisième catégorie est un accord de gestion indépendante. Elle s'applique dans le cas d'un titulaire qui a des intérêts importants dans une entreprise privée qui fait affaire avec le gouvernement du Canada. Nous pouvons lui retirer la gestion de ces intérêts, mais il connaît la nature et par conséquent il doit les déclarer. Il existe de nombreux exemples, le meilleur étant celui du ministre des Finances.

Notre Bureau essaye de fournir des conseils à l'avance afin d'éviter les problèmes éventuels. Ce sont des mesures préventives. Il faut donc donner beaucoup de conseils—90 p. 100 de mon travail consiste à donner des conseils. Voilà ce que je fais.

La présidente: Merci, madame Lalonde.

Je rappelle aux députés que nous essayons de nous limiter à cinq minutes, et nous en prenons un peu plus. Nous allons manquer de temps et nous devons voter sur le budget avant de partir.

Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings: Merci, madame la présidente.

Monsieur Wilson, j'aimerais savoir exactement quels sont vos pouvoirs. Si quelqu'un se plaint par exemple d'une infraction à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes ou au Code sur les conflits d'intérêts, quels sont vos pouvoirs? Avez-vous celui d'effectuer des fouilles et des perquisitions, par exemple?

[Français]

La présidente: Ça va?

[Traduction]

Mme Marlene Jennings: Voulez-vous que je répète mes questions?

[Français]

Mme Francine Lalonde: Parlez plus fort, madame Jennings.

[Traduction]

Mme Marlene Jennings: Je demandais à M. Wilson quels étaient ses pouvoirs réels, en tant que conseiller en éthique, en ce qui concerne l'administration, par exemple, de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes ou du Code régissant les conflits d'intérêts. J'ai donné l'exemple des mandats de perquisition, des mandats pour obliger quelqu'un à faire une déclaration. Avez-vous ce genre de pouvoir?

M. Howard Wilson: Il y a trois types de pouvoirs, si l'on veut. Le plus important découle du Code de conduite des lobbyistes. La Loi sur l'enregistrement des lobbyistes exigeait que je rédige le Code, et elle me confère tous les pouvoirs d'une cour supérieure. Si j'ai des motifs raisonnables, à la suite d'une plainte, de croire qu'un lobbyiste a enfreint les règles, je dois tenir une enquête et faire rapport au Parlement. C'est ce que prescrit la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

Si on nous informe que quelqu'un ne s'est pas inscrit comme lobbyiste correctement, ou qu'il ne s'est pas enregistré du tout, la loi confère certains pouvoirs aux fonctionnaires judiciaires. C'est un processus judiciaire.

• 1715

Le Code régissant les conflits d'intérêts est publié avec l'autorisation du premier ministre et est une condition d'emploi, je n'ai donc pas vécu encore cette expérience. Lorsqu'on me pose des questions, je préfère dire que nous allons faire enquête. Mais si je devais me rendre compte que quelqu'un ne respectait pas le Code, je serais tenu d'en faire rapport au premier ministre.

Mme Marlene Jennings: En d'autres termes, si quelqu'un enfreignait le Code sur les conflits d'intérêts ou déposait une plainte au sujet d'une éventuelle infraction au Code, vous vous en remettriez à la bonne volonté de la personne dont la conduite est mise en doute.

M. Howard Wilson: Je peux vous affirmer que lorsque des allégations sont formulées, je n'ai jamais eu de difficulté à obtenir des titulaires de charge qu'ils me fournissent tous les renseignements dont j'ai besoin pour m'assurer que les allégations ne sont pas fondées.

Mme Marlene Jennings: Je comprends. Cependant, dans le cas hypothétique où la personne intéressée ne veut pas collaborer, pouvez-vous obliger cette personne à divulguer les documents, et les noms ou les renseignements requis?

Je vous pose cette question parce que le Code régissant les conflits d'intérêts est très important. Je pense qu'on le reconnaît et j'essaie de mesurer l'ampleur de vos pouvoirs.

M. Howard Wilson: J'ai toujours beaucoup de difficulté à répondre à des questions hypothétiques, surtout lorsqu'il s'agit de situations que je n'ai jamais vécues depuis mon entrée en fonction il y a cinq ans. Je n'ai jamais éprouvé ce genre de difficultés. Vous devez vous rappeler que la majorité des personnes visées sont soit nommées par décret ou sont des députés.

Je terminerai en disant que si on en venait à la conclusion que quelqu'un ne se conformait pas au Code et refusait de le faire, un règlement satisfaisant à la situation serait trouvé. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit.

La présidente: Vous pouvez poser une dernière question, madame Jennings.

Mme Marlene Jennings: Le problème, monsieur Wilson, c'est que si vous n'avez pas le pouvoir d'obliger les titulaires à vous transmettre les renseignements, vous ne pourrez peut-être pas déterminer s'ils se conforment ou non au Code. N'est-ce pas vrai?

M. Howard Wilson: Non, grâce aux déclarations, aux examens annuels, nous sommes peu inquiets, et je crois que les gens avec qui nous travaillons savent que s'ils enfreignent le Code, ils se mettent dans une situation très dangereuse. Le Code vise à éviter ce genre de problèmes, et nous avons donc une bonne collaboration de leur part. Ce n'est pas une obligation; c'est en fait une invitation. Je crois que la plupart des gens se rendent compte de son utilité. Au pire, cependant... J'ai déjà fait un commentaire à ce sujet.

La présidente: D'accord, merci.

Monsieur Nystrom.

L'honorable Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci beaucoup, madame la présidente.

Bienvenue au comité, monsieur Wilson.

Il y a quelques heures, j'ai reçu de votre part une lettre de quatre pages, après que je vous ai écrit le 19 mars pour vous demander de faire enquête sur la possibilité que M. Chrétien se soit mis dans une situation de conflit d'intérêts, un problème impliquant un de ses employés au sujet de subventions versées à M. Duhaime, qui a acheté un hôtel qui appartenait en partie à M. Chrétien, et ma lettre faisait également allusion au terrain de golf, des questions que Chuck Strahl a posées plus tôt.

Dans votre lettre, vous me dites qu'il n'y a pas de conflit d'intérêts parce que M. Duhaime ne doit aucune somme à M. Chrétien et que par conséquent il n'y a pas de relation financière continue entre M. Duhaime et M. Chrétien. Je me demande si vous pourriez nous donner des preuves à ce sujet. Un terrain de golf—c'est un dossier complexe—c'est une autre histoire, encore, et il y a une promotion conjointe entre le terrain de golf et l'hôtel. Ils font de la publicité sur leurs activités réciproques. Si l'hôtel fait de bonnes affaires, le terrain de golf peut espérer accroître ses revenus, et vice versa: si le terrain de golf fait de bonnes affaires, l'hôtel en fera aussi.

M. Chrétien a vendu ses actions en 1993. M. Prince déclare maintenant qu'il ne possède plus ces actions, qu'il s'en est défait. Pourriez-vous nous donner davantage de détails sur l'état de ces actions, qui en est propriétaire et où sont-elles? Pouvez-vous fournir publiquement ce renseignement au comité?

M. Howard Wilson: J'ai essayé de le faire en réponse à M. Strahl. C'est en novembre 1993, je crois, que la vente a été effectuée. La société qui possédait le terrain de golf avait également géré l'auberge.

Mr. Lorne Nystrom: À Grand-Mère.

• 1720

M. Howard Wilson: Oui, et ces intérêts ont été vendus à M. Duhaime. Cette vente a eu lieu en avril 1993. La majeure partie des sommes dont les parties avaient convenu pour la vente du mobilier, de l'équipement et de l'achalandage—je crois savoir que l'hôtel, à cette époque, appartenait en fait à une autre société—a été versée au moment de la signature du contrat en avril, et le reste, d'après l'avocate de M. Chrétien, a été payé avant l'été de 1993. Voilà ce qui en est.

M. Chrétien a continué de posséder un intérêt dans le terrain de golf, toutefois. Il a ensuite décidé qu'il souhaitait se départir de cet intérêt, ce qui a été fait le 1er novembre 1993. Comme je l'ai dit, j'ai vu le contrat. Son libellé est très clair et relativement simple. Je puis vous assurer que personne ne saurait prétendre qu'il y avait là une possibilité d'option. Je ne pourrais que deviner les raisons pour lesquelles quelqu'un se livrerait à de telles spéculations. Il s'agissait d'une vente, d'une vente sans garantie, ce qui signifie qu'il n'y avait pas possibilité de récupérer les actions.

Le premier ministre a décidé de tenir des négociations. D'après ce que je sais, ces négociations vont bon train et sont près d'être achevées depuis quelque temps. Je répète qu'à ma connaissance, cette affaire sera conclue de façon imminente.

Mr. Lorne Nystrom: Qui possède les actions à l'heure actuelle? M. Prince dit qu'il n'en est pas propriétaire.

M. Howard Wilson: C'est M. Prince qui a ces actions.

Mr. Lorne Nystrom: M. Prince dit qu'il ne possède pas les actions. Avez-vous des documents qui prouvent qu'il en est le propriétaire?

M. Howard Wilson: Permettez-moi de procéder à l'inverse. Je sais que le premier ministre n'a pas ces actions. Je sais qu'il n'en est plus propriétaire depuis le 1er novembre 1993, ce qui à mon avis, est l'essentiel de la question.

Mr. Lorne Nystrom: Mais on n'a pas versé au premier ministre le prix de ces actions.

M. Howard Wilson: C'est exact.

Mr. Lorne Nystrom: Il attend donc toujours le paiement de ces actions, n'est-ce pas?

M. Howard Wilson: Je suppose qu'il...

Mr. Lorne Nystrom: Il me semble que si l'on veut trouver un acheteur pour ces actions, la propriété doit posséder une valeur quelconque. Personne ne va acheter les actions d'un terrain de golf si celui-ci ne vaut rien. Par conséquent, si l'on agrandit l'hôtel et que l'on améliore l'entreprise, il s'ensuit que le terrain de golf fonctionnera mieux si l'hôtel fait de meilleures affaires. Est-ce logique? Il existe un accord d'interpromotion entre les deux, et le premier ministre n'a toujours pas reçu le paiement des actions.

La présidente: Monsieur Nystrom, la seule question dont nous discutons aujourd'hui est celle des actions.

Mr. Lorne Nystrom: Ma question porte sur les actions. Je veux savoir si le premier ministre a reçu le paiement de ces actions.

M. Howard Wilson: Il n'a pas été payé, mais il n'a plus les actions. Il s'agissait d'un prêt non garanti. Il avait deux choix, d'après ce que me dit son avocate. L'un était de porter l'affaire devant le tribunal, ce qu'il n'a pas fait. L'autre était d'essayer d'organiser une vente. Je crois savoir que c'est ce qui s'est produit. Je suis certain que c'est ce qui se fera. Mais plus encore, monsieur Nystrom, il y aura une déclaration publique à ce sujet.

La présidente: Dernière question, monsieur Nystrom.

Mr. Lorne Nystrom: Convenez-vous de ce que les actions pourraient avoir une valeur accrue du fait que l'hôtel vaut davantage maintenant qu'auparavant, en partie parce que près d'un million de dollars d'argent du fédéral a servi à sa rénovation et à son agrandissement?

La présidente: Monsieur Nystrom, vous faites des suppositions.

Mr. Lorne Nystrom: Je demande si l'on convient ou non...

La présidente: Monsieur Nystrom, vous vous écartez du sujet, et nous parlons de la propriété d'un autre actif par quelqu'un d'autre. Votre question est irrecevable. Nous avons énoncé des règles précises à ce sujet précédemment. M. Wilson a répondu à votre question au sujet des actions. Avez-vous d'autres questions?

Mr. Lorne Nystrom: Oui, j'ai une autre question à poser à M. Wilson.

Vous faites rapport au premier ministre des questions de conflit d'intérêts et à M. Manley des questions de lobbying. Mais bon nombre d'autres institutions publiques, entre autres le Bureau du directeur général des élections et celui du vérificateur général, présentent leurs rapports au Parlement plutôt qu'au premier ministre. Puisque vous faites rapport de vos activités au premier ministre, croyez-vous que votre intégrité est compromise, surtout lorsque vous faites enquête sur une possibilité de conflit d'intérêts pour le premier ministre? N'ajoute-t-on pas un conflit d'intérêts à un autre? Croyez-vous que votre intégrité est compromise du fait que vous devez présenter votre rapport à la même personne sur qui vous faites enquête?

M. Howard Wilson: Merci de poser la question. Je m'inquiétais de ce que...

Mr. Lorne Nystrom: Ce sont des questions très importantes en matière de politique publique.

M. Howard Wilson: Et je vais répondre à votre question. Tout d'abord, je vous ai préparé un document. Il s'agit d'une brève note sur le rapport de subordination du conseiller en éthique. J'en ai remis des copies à la greffière, qui pourra les distribuer. Je ne vais pas la lire, mais je vais en discuter. Permettez-moi...

M. Jim Jones: J'invoque le Règlement.

La présidente: Monsieur Jones, pourquoi invoquez-vous le Règlement?

M. Jim Jones: Pourquoi devons-nous poser la question avant qu'il distribue le document? Je ne comprends pas.

M. Howard Wilson: Je croyais savoir que je devais procéder de cette façon.

La présidente: Monsieur Jones, on a posé une question à M. Wilson. Celui-ci avait déjà préparé une réponse. Elle sera distribuée.

Monsieur Wilson.

• 1725

M. Howard Wilson: C'est une question essentielle qui se pose depuis ma nomination, et c'est pourquoi je ne présente pas de rapport au Parlement. Vous demandez pourquoi je présente mes rapports au premier ministre? Je crois qu'il y a à cela deux raisons. La première est la plus importante et issue d'une convention constitutionnelle, c'est-à-dire que dans les démocraties de type Westminster, c'est le premier ministre qui rend compte au Parlement de la conduite de son gouvernement ou du rendement de ses ministres.

La deuxième raison, c'est qu'il existe une différence entre mon travail et celui du vérificateur général. Le vérificateur général a depuis toujours des fonctions très claires: il veille à ce que les dépenses du gouvernement soient conformes aux lois et soient efficaces. Dans mon travail à moi, il y a de nombreuses zones grises, des questions qui dépassent le cadre juridique et qui traitent des apparences de conflits. Il est très difficile d'appliquer une loi lorsqu'on traite de questions au sujet desquelles la loi dit qu'il faut appliquer une norme qui va au-delà de la loi pour traiter les apparences.

Qu'est-ce qu'une apparence? Le Code est très souple à cet égard. Ce que je dis dans mon document, toutefois, c'est que notre façon de procéder possède une meilleures assise constitutionnelle que si je faisais rapport au Parlement. Il est essentiel que, dans notre régime politique, dans notre régime constitutionnel, soit conservée la reddition de comptes du premier ministre. C'est lui qui doit défendre le rendement de son gouvernement. En fait, il m'a demandé de l'aider dans ce domaine, et je crois que cela a donné de bons résultats, mais nous en avons d'autres exemples.

Parmi ces exemples, il y a le régime du Québec. Dans cette province, la Loi sur l'Assemblée nationale crée le poste de jurisconsulte, dont le titulaire conseille les députés mais non les membres du Cabinet. Ces derniers appliquent les directives qu'ont mises en place plusieurs premiers ministres du Québec. Il en va de même en Australie. Il existe un régime de divulgation qui s'applique à tous les membres du Sénat et de la Chambre des représentants, mais le premier ministre Howard applique également à ses ministres un autre ensemble de règles. Pour ce qui est du Royaume-Uni, vous vous souviendrez du comité Nolan. Ce comité a été créé sous l'égide de Lord Nolan, à qui Major avait demandé d'examiner l'allégation voulant qu'un certain nombre de députés se faisaient payer pour poser des questions à la Chambre des communes et que d'autres députés étaient payés par des lobbyistes. Ce comité a été mis sur pied en 1994.

À cette époque, j'ai discuté avec lord Nolan. Il avait recommandé que soit créé un poste de commissaire parlementaire et sa recommandation a été adoptée. Mais d'après le règlement de la Chambre des communes britannique, les ministres de la Couronne qui sont députés à la Chambre des communes sont assujettis aux règles d'inscription, de déclaration et d'intervention au même titre que tous les autres députés. En outre, les ministres doivent respecter d'autres lignes directrices et d'autres exigences énoncées par les divers premiers ministres qui se sont succédé afin d'éviter les conflits et les apparences de conflit entre leurs intérêts privés et leur charge publique. L'exécution de ces exigences ne relève pas de la Chambre des communes et dépasse donc la portée de ces règles.

Je puis vous assurer que Lord Nolan se préoccupait beaucoup de conserver cet aspect de la responsabilité du premier ministre, et c'est ce que fait le régime de Westminster dans lequel nous fonctionnons. Notre régime ne permet pas, à mon avis, d'avoir un conseiller indépendant. Certains ne seront pas d'accord, mais nous pouvons toujours appliquer le précédent du premier de tous les Parlements afin de fonder notre régime sur une plus forte assise constitutionnelle que si l'on nommait quelqu'un comme moi au Parlement. C'est notre position. J'estime qu'il est essentiel que cette responsabilité envers le premier ministre ne soit nullement entravée.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Nystrom.

Monsieur Jones, qui sera le dernier.

M. Jim Jones: Merci beaucoup.

Si vous constatiez une dérogation aux règles d'éthique de la part du premier ministre, à qui en feriez-vous rapport?

M. Howard Wilson: Votre question se fonde sur une hypothèse, monsieur Jones. Permettez-moi de vous expliquer comment le régime a fonctionné dans les faits. On m'a demandé de signaler aux gens ce qu'ils doivent divulguer—on m'a expliqué ce que je dois faire dans ces cas. J'ai fait connaître mon opinion. J'ai expliqué aux gens ce qu'ils doivent faire pour respecter les règles. Cela ne m'a posé de problèmes.

Le fait d'être un conseiller et d'agir à l'avance signifie que si une question concernant le bureau d'un ministre ou un ministre est soulevée, le premier ministre en discutera à l'avance avec moi. J'ai eu de nombreuses discussions avec le premier ministre au sujet de telles affaires avant que des mesures soient prises. C'est le but de ce système, d'essayer de régler les problèmes à l'avance.

• 1730

M. Jim Jones: Ma question portait sur le premier ministre, pas sur son Cabinet. Comment pouvez-vous vous assurer que le premier ministre respecte le Code régissant les conflits d'intérêts?

M. Howard Wilson: Je suis venu vous dire que le premier ministre respecte totalement ses obligations sous le régime du Code.

M. Jim Jones: Mais qui veille à ce qu'il le fasse? Lui seul?

M. Howard Wilson: Non, il m'a confié cette tâche.

M. Jim Jones: D'accord.

Arrive-t-il fréquemment que des fonctionnaires, des ministres et des secrétaires parlementaires s'adressent à vous lorsque leurs fiducies sans droit de regard connaissent des difficultés?

M. Howard Wilson: Il y avait en Alberta une situation très curieuse, où on permettait la participation à des fiducies sans droit de regard tout en interdisant à la personne de connaître la valeur de la fiducie. Il y eu, semble-t-il, un ou deux cas tragiques.

Pour notre part, nous permettons la participation à la fiducie et la divulgation de la valeur de la fiducie. Il est clair que dans un tel contrat de fiducie, vous pouvez, à titre de titulaire de charge publique, venir à mon bureau pour demander à changer de fiducie si le rendement de celle-ci sur le marché est insuffisant.

Mon opinion sur cette question des fiducies, c'est que dès que vous devenez titulaire d'une charge publique, vous ne pouvez plus transiger sur les marchés boursiers. Et pourtant, votre intérêt financier est peut-être de transiger sur ces marchés; nous avons donc créé un instrument qui vous permet au moins de participer à ces marchés, si à votre avis, votre intérêt financier en dépend. Si vous avez mal choisi votre fiducie, nous vous permettons d'en changer. Il suffit pour cela d'appeler mon bureau.

M. Jim Jones: On dit que le premier ministre a communiqué avec vous personnellement lorsque la vente de ses actions dans le terrain de golf de Grand-Mère a frappé des écueils en 1996. Est-ce exact? Si oui, pourriez-vous...

La présidente: Cette question a déjà été posée et on y a répondu.

M. Jim Jones: Non, elle n'a pas été posée.

Une voix: Ce n'est pas ce que j'ai demandé.

La présidente: Cela a été expliqué lorsque M. Strahl a posé la question. Est-ce que quelqu'un écoute les délibérations?

M. Howard Wilson: Non, il y a ici un aspect important, madame la présidente.

La présidente: D'accord, bien sûr.

M. Jim Jones: Est-ce exact? Et dans ce cas, n'est-ce pas la responsable de la fiducie sans droit de regard, Debbie Weinstein, qui aurait dû communiquer avec vous, plutôt que le premier ministre?

M. Howard Wilson: C'est un élément qui a été mal compris et j'ai essayé de le préciser dans mon bulletin de janvier dernier. Le premier ministre participe à des fiducies sans droit de regard qui sont gérées par Mme Weinstein, et quelqu'un d'autre s'occupe de ses actions. Le terrain de golf constituait ce que j'ai décrit comme un actif déclarable. Autrement dit, le titulaire de charge publique peut s'en occuper. Il a vendu ses actions. Quelles sont donc ses options? Tout d'abord, cela ne faisait pas partie d'un quelconque arrangement. Les actions ont été vendues et il attendait son argent. J'estimais toutefois que s'il voulait les récupérer, rien dans le Code ne pouvait l'en empêcher. Ce n'est pas ce qu'il a choisi. Rien dans le Code ne l'en empêcherait toutefois. Il faudrait qu'il y ait une déclaration publique. Il était tout à fait à propos qu'il communique avec moi et me demande quelles étaient ses possibilités d'action.

M. Jim Jones: Dans le cas des fiducies sans droit de regard du premier ministre, est-il vrai que vous vous êtes fié à la parole du premier ministre et de Mme Weinstein sans obtenir de corroboration, comme par exemple le contrat d'achat entre la société de portefeuille du premier ministre, 161343 Canada Inc., et Jonas Prince?

M. Howard Wilson: Il faut se rappeler que lorsque le Code régissant les conflits d'intérêts a commencé à s'appliquer au premier ministre, la vente avait déjà été réalisée. Je n'avais donc aucune raison d'examiner une transaction terminée.

En janvier 1996, lorsque le premier ministre a dit qu'il n'avait pas été payé, nous avons discuté des possibilités d'action. J'ai discuté avec son avocat. L'avocat m'a décrit le document. Je n'avais aucune raison à cette époque de l'examiner moi-même. Lorsqu'on m'a demandé quelles étaient les possibilités d'action, j'ai dit que j'aimerais examiner le contrat, et je l'ai fait. C'est seulement lorsque les choses n'étaient pas claires que j'ai demandé à consulter le document. Mais au début, je n'avais aucune raison de le faire.

La présidente: Une dernière question, monsieur Jones.

M. Jim Jones: Serait-ce une violation du Code régissant les conflits d'intérêts que d'inviter un fiduciaire à comparaître devant notre comité pour qu'il réponde à des questions sur l'administration d'une fiducie sans droit de regard?

• 1735

M. Howard Wilson: Je crois que ce serait un énorme problème pour ce fiduciaire. Dans le cas de Mme Weinstein, il existe bien sûr l'exigence du secret professionnel. C'est ma tâche que d'essayer de répondre à de telles questions, soit devant un comité comme celui-ci, soit lorsque des journalistes m'appellent, par exemple. Mais c'est très difficile.

Le contrat interdit en fait à un fiduciaire de révéler ce genre de renseignements et je ne sais donc pas s'il pourrait fournir ces renseignements à votre comité sans violer l'intégrité même de la fiducie.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Jones.

M. Jim Jones: J'invoque le Règlement. J'aimerais savoir si M. Wilson a déposé tous les documents qu'il avait amenés avec lui pour cette réunion.

M. Howard Wilson: Oui.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Jones.

Monsieur Wilson, puisque personne n'a posé la question et que la motion portait sur votre mandat et vos fonctions pour ce qui est du budget de votre bureau, estimez-vous avoir suffisamment de ressources pour faire votre travail?

M. Howard Wilson: Oui. Pour un ministère de la taille d'Industrie Canada, mes ressources ne représentent pas grand-chose, et on m'a donc fourni d'excellents systèmes informatiques qui sont tous conformes pour l'an 2000. Nous avons un très bon accès au réseau et je ne suis donc pas privé.

La présidente: Monsieur Wilson, je vous remercie d'être venu nous rencontrer cet après-midi. Nous apprécions vos observations, vos documents et vos réponses à nos questions.

Mesdames et messieurs du comité, nous devons maintenant nous occuper des crédits. J'ai besoin que quelqu'un propose la motion numéro 9.

M. Ian Murray: Je la propose.

La présidente: M. Murray propose que le budget principal des dépenses principal sous la rubrique Industrie, crédits l, 15, L10, L15, 20, 25, 30, 35, 40, comme on peut le lire... Dois-je continuer?

Des voix: Non.

La présidente: Je mets donc aux voix les crédits 1 à 120 inclusivement.

INDUSTRIE

    Ministère de l'Industrie

    Crédit 1—Dépenses de fonctionnement ...... 428 903 000 $

    Crédit 5—Subventions et contributions ...... 424 247 000 $

    Crédit L10—Paiements conformément au paragraphe 14(2) de la Loi sur le ministère de l'Industrie ...... 300 000 $

    Crédit L15—Prêts conformément à l'alinéa 14(1)a) de la Loi sur le ministère de l'Industrie ...... 500 000 $

    Ministère de l'Industrie

    Agence de promotion économique du Canada atlantique

    Crédit 20—Dépenses de fonctionnement ...... 44 303 000 $

    Crédit 25—Subventions et contributions ...... 223 435 000 $

    Ministère de l'Industrie

    Agence spatiale canadienne

    Crédit 30—Dépenses de fonctionnement ...... 63 686 000 $

    Crédit 35—Dépenses en capital ...... 216 854 000 $

    Crédit 40—Subventions et contributions ...... 18 886 000 $

    Ministère de l'Industrie

    Tribunal de la concurrence

    Crédit 45—Dépenses du Programme ...... 1 152 000 $

    Ministère de l'Industrie

    Commission du droit d'auteur

    Crédit 50—Dépenses du Programme ...... 745 000 $

    Ministère de l'Industrie

    Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec

    Crédit 55—Dépenses de fonctionnement ...... 27 893 000 $

    Crédit 60—Subventions et contributions ...... 190 291 000 $

    Ministère de l'Industrie

    Société d'expansion du Cap-Breton

    Crédit 65—Paiements à la Société d'expansion du Cap-Breton ...... 10 536 000 $

    Ministère de l'industrie

    Conseil national de recherches du Canada

    Crédit 70—Dépenses de fonctionnement ...... 238 861 000 $

    Crédit 75—Dépenses en capital ...... 34 816 000 $

    Crédit 80—Subventions et contributions ...... 152 566 000 $

    Ministère de l'Industrie

    Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie

    Crédit 85—Dépenses de fonctionnement ...... 18 228 000 $

    Crédit 90—Subventions ...... 484 780 000 $

    Ministère de l'Industrie

    Conseil de recherches en sciences humaines

    Crédit 95—Dépenses de fonctionnement ...... 7 765 000 $

    Crédit 100—Subventions ...... 97 956 000 $

    Ministère de l'Industrie

    Conseil canadien des normes

    Crédit 105—Paiements au Conseil canadien des normes ...... 5 283 000 $

    Ministère de l'Industrie

    Statistique Canada

    Crédit 110—Dépenses du Programmes ...... 258 533 000

    Ministère de l'Industrie

    Diversification de l'économie de l'Ouest canadien

    Crédit 115—Dépenses de fonctionnement ...... 31 824 000 $

    Crédit 120—Subventions et contributions ...... 138 452 000 $

(Les crédits 1 à 120 inclusivement sont adoptés)

La présidente: Monsieur Murray, voulez-vous proposer la motion numéro 10?

M. Ian Murray: Je la propose.

La présidente: M. Murray propose la motion numéro 10 pour que l'on confie au président la tâche de faire rapport à la Chambre des communes du budget principal des dépenses, comme vous pouvez le lire dans le document que vous avez sous les yeux.

(La motion est adoptée)

La présidente: Merci à tous. La séance est levée.