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SCRA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON CORRECTIONS AND CONDITIONAL RELEASE ACT OF THE STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

SOUS-COMITÉ SUR LA LOI SUR LE SYSTÈME CORRECTIONNEL ET LA MISE EN LIBERTÉ SOUS CONDITION DU COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 22 novembre 1999

• l534

[Traduction]

Le président (M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.)): Je déclare ouverte la séance du Sous-comité sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Étant donné que nous souhaitions entendre d'autres témoignages au sujet des libérations d'office et en débattre plus longuement, c'est à cette question que sont consacrés notre séance d'aujourd'hui et le forum prévu pour ce soir.

• 1535

J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins. Ainsi, nous entendrons M. Ole Ingstrup, commissaire du Service correctionnel du Canada, qui a dû changer ses plans, si j'ai bien compris, pour être des nôtres. En effet, il devait être à l'étranger aujourd'hui. Monsieur le commissaire, nous vous sommes reconnaissants d'être venu aujourd'hui.

Nous accueillons aussi M. Willie Gibbs, président de la Commission nationale des libérations conditionnelles.

[Français]

Soyez le bienvenu, monsieur Gibbs.

[Traduction]

Enfin, nous accueillons aussi M. Jean Fournier, sous- solliciteur général.

[Français]

Les témoins ont convenu que M. Fournier serait le premier intervenant et qu'il serait suivi de M. Gibbs, puis de M. Ingstrup. J'invite nos témoins à prendre la parole pendant 10 minutes chacun, après quoi nous passerons à la période des questions. Merci.

M. Jean T. Fournier (sous-solliciteur général, ministère du Solliciteur général du Canada): C'est moi qui vous remercie, monsieur le président.

Je débuterai ma présentation en énonçant l'un des credos du système canadien de justice pénale, à savoir que la mise en liberté contrôlée constitue la façon la plus sûre de réintégrer les délinquants dans notre société.

[Traduction]

La réintégration sociale contrôlée est en réalité la meilleure façon de veiller à la sécurité de la population. Cette idée s'appuie sur de la recherche, sur des années d'expérience et sur le système de valeurs des Canadiens qui tient les délinquants responsables de leurs actes et qui reconnaît que la réinsertion graduelle est le meilleur moyen de protéger la population, à court et à long terme.

La libération d'office est un élément important de l'actuel programme de réinsertion progressive et surveillée, qui existe depuis 1992. Son examen par le comité est donc en fait pertinent et opportun.

Ce régime de mise en liberté marche bien, mais cela ne veut pas dire qu'il ne peut pas être amélioré, peaufiné et ajusté. Comme l'a dit M. MacAulay, le 31 mai, lorsqu'il est venu témoigner devant votre sous-comité, croyez-moi quand je vous dis que je suis ouvert aux suggestions qui aideront à améliorer l'efficacité du système correctionnel.

Commençons par passer brièvement en revue le fonctionnement du régime de libération d'office. Tout d'abord, il faut savoir que tous les détenus n'ont pas droit à cette forme de mise en liberté. En effet, les condamnés à perpétuité et les détenus déclarés délinquants dangereux n'y sont pas admissibles. Ces deux groupes représentent environ 20 p. 100 de la population carcérale, soit 2 700 des 13 000 prisonniers.

Seuls les délinquants qui ont été condamnés à une peine d'une durée déterminée y ont droit. Ce sont ceux dont la peine a une durée déterminée et qui, par conséquent, sortiront inévitablement de prison un jour. C'est un fait important à retenir, parce qu'il signifie que la question fondamentale est de savoir quelle est la meilleure façon de favoriser un retour réussi de ces délinquants dans la société. Par ailleurs, les détenus qui ont droit à la libération d'office (ils étaient 4 200 environ en 1998-1999) n'en bénéficieront pas forcément.

Les équipes de gestion des cas du SCC examinent méthodiquement les dossiers des détenus ayant droit à ce type de mise en liberté avant la date prévue de celle-ci et renvoient à la Commission nationale des libérations conditionnelles les cas de ceux qui risquent de commettre une infraction accompagnée de violence ou une infraction grave en matière de drogue. Lorsqu'un détenu a déjà commis un crime avec violence ou une infraction grave liée à la drogue et qu'il est manifestement susceptible de récidiver, la CNLC peut le maintenir en incarcération jusqu'à la fin de sa peine. L'an dernier, par exemple, la CNLC a rendu 233 ordonnances de maintien en incarcération.

Tous les détenus qui sont libérés (quelque 4 000) sont assujettis à des conditions plus ou moins sévères, selon le cas. La condition la plus restrictive est l'assignation à résidence, qui oblige les délinquants à purger une partie ou la totalité de leur période de liberté d'office sous étroite surveillance dans des établissements résidentiels communautaires. L'an dernier, quelque 800 délinquants libérés d'office ont été assignés à résidence.

• 1540

[Français]

De plus, les surveillants de liberté conditionnelle, qui sont des employés du Service correctionnel du Canada ou des mandataires du Service correctionnel tels que des associations communautaires, sont là pour encadrer et soutenir les libérés d'office, par exemple en les aidant à se trouver un domicile fixe et à se chercher un emploi ou, du moins, à obtenir un revenu stable sous forme de prestations d'aide sociale, en les encourageant à participer à des programmes tels que des rencontres des Alcooliques Anonymes et en surveillant leurs fréquentations. La situation d'un libéré d'office est bien différente de celle d'un délinquant qui, au terme de sa peine, se retrouverait dans la collectivité au sortir d'une unité de sécurité moyenne ou maximale, sans personne pour le surveiller et le soutenir.

Une autre tâche importante incombe au surveillant de liberté conditionnelle: veiller à ce que le délinquant respecte les conditions de la mise en liberté et intervenir au moindre signe de détérioration de son comportement.

[Traduction]

La libération d'office donne-t-elle de bons résultats? Eh bien, 60,5 p. 100 des périodes de libération d'office se passent sans incident, et 25,6 p. 100 des libérés d'office sont réincarcérés en raison d'un manquement aux conditions. Dans le dernier cas, cela signifie que leur surveillant a su intervenir avant qu'une infraction soit commise. C'est donc dire que 86 p. 100 des libérations d'office n'aboutissent pas à la perpétration d'une nouvelle infraction et peuvent être qualifiées de succès. C'est une importante contribution à la protection du public.

Bien sûr, nous pouvons toujours faire mieux, mais le taux de réussite est certes élevé. Par ailleurs, 11,4 p. 100 (soit 550 environ) des libérations d'office sont révoquées par suite d'une récidive sans violence.

En 1998—1999, 2,6 p. 100, soit 124 des libérés d'office, ont été renvoyés en prison parce qu'ils avaient commis une infraction accompagnée de violence, comparativement à 4 p. 100 en 1994-1995 et en 1995-1996, à 3,1 p. 100 en 1996-1997 et à 2,9 p. 100 en 1997-1998. On dénote donc une tendance à la baisse en réalité très favorable au cours des cinq dernières années.

Si nous voulons améliorer le régime de libération d'office, et je crois savoir que c'est une des questions sur lesquelles se concentre le comité, voilà manifestement le groupe qu'il nous faut cibler—je parle des 2,6 p. 100 ou des 124 libérés d'office. Parmi les options possibles, mentionnons une surveillance plus intensive dans la collectivité ou un traitement plus intensif en établissement au début de la peine, soit un meilleur traitement ou une meilleure évaluation des risques. On pourrait aussi mettre sur pied plus de programmes ou de meilleurs programmes à l'intention des Autochtones qui, nous le savons tous, sont surreprésentés dans la population carcérale. Ils représentent en effet quelque 3 p. 100 de la population canadienne et quelque 16 ou 17 p. 100 de la population carcérale. De plus, ils représentent un pourcentage encore plus élevé de la population carcérale libérée d'office ou essayant d'obtenir sa libération d'office.

Toutefois, si la libération d'office n'existait plus à cause des 124 récidivistes de 1998-1999, la conséquence pourrait bien être qu'un grand nombre des autres 4 000 libérés d'office purgeraient toute leur peine derrière les barreaux et se retrouveraient dans la société du jour au lendemain, ce qui engendrerait des coûts substantiels et se traduirait par une diminution de la sécurité du public à long terme.

Puisque nous sommes dans la statistique, permettez-moi de souligner qu'elle est nettement meilleure qu'il y a une dizaine d'années, avant l'entrée en vigueur de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Ainsi, une étude de suivi sur les mises en liberté surveillée montre que le taux de révocation pour infraction était de 19 p. 100 en 1987, c'est-à-dire il y a quelque 12 ans, contre 11 p. 100 en 1998-1999, comme je viens de le mentionner.

• 1545

Si l'on remonte encore plus loin, on constate qu'il était de 26 p. 100 en 1976, soit il y a 23 ans, et de 24 p. 100 en 1977. Il y a certes toujours place à l'amélioration, mais ces résultats montrent une progression constante dans la bonne direction. Le programme de libération d'office n'aggrave pas la situation.

La préoccupation première doit être la protection du public. Or, on sait que la réintégration contrôlée est ce qu'il y a de plus sûr et qu'envoyer le délinquant directement dans la société, sans aucun soutien, est ce qu'il y a de moins efficace.

[Français]

Laisser les délinquants en détention jusqu'à l'expiration de leur peine est non seulement ce qu'il y a de moins efficace, mais aussi de plus coûteux. Nous n'avons qu'à regarder du côté de nos voisins du sud pour voir ce qui peut arriver quand on opte pour une telle approche. Les États-Unis ont choisi d'enfermer les délinquants durant la totalité de leur peine, ce qui leur coûte des milliards de dollars. Dans certains États, les sommes consacrées aux prisons dépassent maintenant le budget de l'éducation. Les établissements carcéraux ne suffisent pas à loger tous les détenus, bien qu'il s'en soit construit quatre fois plus ces dernières années. Cela n'a rien d'étonnant quand on sait que le taux d'incarcération n'a jamais été aussi élevé qu'il l'est aujourd'hui aux États-Unis, se situant à 672 par 100 000 habitants.

[Traduction]

Comme je l'ai laissé entendre au début de mon exposé, les recherches indiquent que les traitements sont plus efficaces quand les délinquants les suivent dans la collectivité plutôt qu'en établissement. Ainsi, une étude de 1990 a révélé que les traitements réduisaient la récidive de 35 p. 100 dans le premier cas, comparativement à 20 p. 100 dans le second. D'après une étude de 1998, les programmes étaient même deux fois plus efficaces dans la collectivité.

Je ne suis pas un expert de ces recherches, mais les fonctionnaires du ministère, de même que du Service correctionnel et de la Commission nationale des libérations conditionnelles fourniront avec plaisir au comité tout supplément d'information dont il aurait besoin.

En conclusion, le système actuel, y compris le programme de libération d'office, marche bien et il n'exige pas de réforme pour l'instant. Comme je l'ai fait remarquer tout à l'heure, le taux d'infraction avec violence chez les libérés d'office est en baisse constante depuis cinq ans. Par ailleurs, c'était aussi l'avis des personnes (plus de 200) qui ont réagi au document de travail qui a été distribué, il y a quelques années.

Pourrait-on l'améliorer? Naturellement. Je pense notamment aux programmes, à l'évaluation du risque, à la surveillance dans la collectivité, aux partenariats avec les groupes communautaires et à l'attention accordée aux besoins spéciaux des Autochtones, des femmes, des personnes âgées et des toxicomanes, entre autres.

[Français]

La sécurité du public est notre objectif premier. La libération d'office peut sensiblement contribuer à sa réalisation. Nous sommes déjà à même de le constater à l'heure actuelle. Les suggestions que votre comité pourra nous faire pour nous aider à continuer à progresser dans la bonne voie seront les bienvenues, monsieur le président. Merci.

Le président: Merci, monsieur Fournier.

J'accorde dix à M. Gibbs, le président de la Commission nationale des libérations conditionnelles.

M. Willie Gibbs (président, Commission nationale des libérations conditionnelles): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Lorsque j'ai comparu devant votre comité en mai dernier, vous m'aviez demandé de commenter la libération conditionnelle par rapport à la libération d'office. Je vous avais fait à ce moment-là un très bref historique et, depuis lors, j'ai eu le temps de relire la documentation s'y rapportant, de sorte que je peux vous donner quelques détails de plus aujourd'hui, des détails qui sont importants pour le débat en cours.

La libération d'office est issue du concept de la remise de peine, c'est-à-dire que vous bénéficiez d'une remise de peine si vous vous êtes bien conduit en prison. La remise de peine a revêtu diverses formes au fil des ans. En 1961, par exemple, la Loi sur les pénitenciers a été modifiée pour y inclure deux types de remises de peine; la réduction de peine légale et la réduction méritée de peine.

Dans le cas de la remise de peine légale, le quart de la peine était crédité d'office au prisonnier dès qu'il commençait à purger sa peine; il fallait qu'il commette une infraction très grave, comme participer à une émeute en prison ou s'évader, pour qu'il perde sa remise de peine. D'un autre côté, la remise méritée de peine permettait au délinquant d'accumuler trois jours supplémentaires de remise de peine par mois, s'il avait un bon comportement ou une bonne conduite en prison. Il ne pouvait pas perdre ces jours supplémentaires une fois gagnés. Mises ensemble, la remise de peine légale et la remise méritée de peine pouvaient représenter jusqu'au tiers de la peine imposée. À ce stade là, les délinquants ainsi relâchés étaient tout à fait libres.

• 1550

En 1970, en réponse aux recommandations que renfermait le rapport Ouimet, la Loi sur la libération conditionnelle a été modifiée et les délinquants relâchés à la suite d'une remise de peine qui leur avait été créditée devaient être placés sous surveillance dans la collectivité. C'est ce qu'on a appelé la liberté surveillée. Lorsque la Loi sur la libération conditionnelle a été révisée, la Commission nationale de la libération conditionnelle a été chargée d'établir des conditions de mise en liberté surveillée, qu'elle pouvait révoquer si ces conditions n'étaient pas respectées.

La liberté surveillée était justifiée pour les bonnes raisons que si les délinquants libérés sous condition avaient besoin d'être surveillés et épaulés, ceux qui n'avaient pas été libérés selon ces modalités ou qui avaient enfreint les dispositions de leur libération conditionnelle avaient encore plus besoin d'être encadrés.

[Français]

La remise de peine et la liberté surveillée ont retenu l'attention du public au cours des années 1970 et 1980. D'aucuns craignaient de plus en plus que certains délinquants en liberté surveillée ne mettent véritablement en jeu la sécurité du public.

Un certain nombre d'études importantes, dont le rapport du Groupe de travail sur la mise en liberté des délinquants en 1973 et le rapport du Comité sur la liberté surveillée en 1981, ont fait écho de ces craintes. Ces études reconnaissaient les bienfaits de la surveillance communautaire des délinquants placés en liberté surveillée, mais s'inquiétaient aussi des délinquants qui constituaient une menace imminente pour le public et que la loi nous obligeait à libérer.

Au cours de cette période, le cadre juridique et réglementaire de la remise de peine et de la liberté surveillée a continué d'évoluer. En 1977, la réduction légale de peine a été abolie et remplacée par des crédits de remise méritée de peine.

En 1982, pour empêcher que des délinquants à risque élevé ne soient mis en liberté surveillée, la Commission nationale des libérations conditionnelles s'est mise à «bloquer» la libération des délinquants jugés dangereux. Dans ces cas-là, le délinquant était tout de même placé en liberté surveillée, mais lorsqu'il parvenait à la porte de sortie de l'établissement pénitentiaire, un mandat d'arrestation et de suspension lui était servi, ce qui avait pour effet de suspendre immédiatement sa libération conditionnelle et de le maintenir en prison.

En 1983, après qu'on ait bloqué la libération conditionnelle de 11 délinquants, la Cour suprême du Canada a aboli cette pratique, estimant que la commission ne pouvait suspendre la mise en liberté surveillée d'un délinquant qu'à la lumière de sa conduite après sa libération, et non avant.

En 1986, le Parlement a adopté les dispositions sur le maintien en prison des délinquants pour empêcher que ceux qui sont considérés dangereux ne soient mis en liberté surveillée comme le prévoyait la loi. Ce texte législatif donnait à la commission le droit de maintenir en détention un délinquant au-delà de la date de la mise en liberté surveillée, et cela jusqu'à la fin de sa peine, s'il purgeait une peine pour avoir commis une infraction avec violence et s'il y avait des raisons de croire qu'il était susceptible de commettre, avant la fin de sa peine, une infraction causant la mort d'une personne ou pouvant occasionner des blessures graves.

En 1992, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a aboli les remises de peine et la liberté surveillée au profit de la libération d'office. Ce changement d'attitude tenait compte du principe selon lequel la mise en liberté graduelle des délinquants protégeait mieux la population; il traduisait aussi la nouvelle réalité correctionnelle de l'époque. La remise en liberté était devenue difficile à gérer, et tous les délinquants ou presque bénéficiaient d'une remise de peine, si bien qu'ils étaient libérés après avoir purgé les deux tiers de leur peine.

• 1555

[Traduction]

De plus, en 1996, des modifications à la Loi permettaient à la CNLC d'assigner à résidence des détenus libérés d'office qui étaient susceptibles de commettre de nouvelles infractions à caractère violent.

Ces antécédents montrent bien que les législateurs, les preneurs de décisions et le public participent depuis longtemps et activement au débat sur la libération d'office et sur le système qui l'a précédé, celui de la liberté surveillée. Dans ce contexte, il est à tout fait naturel que ce comité et certains des témoins qu'il a entendus puissent se poser des questions sur la libération d'office. Après tout, le groupe des délinquants libérés d'office pose l'un des défis les plus complexes que connaisse l'administration du système correctionnel et de la mise en liberté sous condition.

Malgré ces difficultés, un bon nombre de délinquants en libération d'office arrivent à la fin de leur séjour en liberté surveillée dans la collectivité sans avoir commis de nouvelles infractions ni avoir enfreint les conditions de leur mise en liberté, et beaucoup ne commettent plus de délits criminels après avoir purgé leur peine. Ces faits doivent être examinés soigneusement lors de toute discussion sur la libération d'office et doivent l'être à la lumière des difficultés que présenterait, et pour la collectivité et pour le délinquant, une libération «subite» après l'expiration de sa peine.

Nous ne devons pas oublier que nous avons des preuves très convaincantes que la libération surveillée est un moyen très efficace de réintégrer les délinquants dans la société.

[Français]

Depuis 40 ans, les législateurs ont consacré un temps et une énergie considérables à créer un cadre législatif qui réponde aux besoins de ce groupe, ainsi qu'aux besoins des collectivités qui les accueillent.

Cependant, je suis convaincu que ce cadre législatif ne représente qu'un élément du succès obtenu. Les efforts déployés par la commission et par le Service correctionnel sont tout aussi importants dans la mesure où ceux qui sont libérés d'office bénéficient de programmes correctionnels efficaces. Par programmes correctionnels efficaces, je veux dire que le SCC, la commission et la communauté doivent travailler ensemble pour veiller à ce que les délinquants bénéficient des meilleurs programmes et traitements possibles, ainsi que des meilleurs programmes d'évaluation du risque et des besoins possibles pendant qu'ils purgent leur peine et d'un meilleur réseau de surveillance.

C'est, à mon avis, le plus grand défi que présente ce groupe de délinquants et la stratégie la plus efficace pour protéger le public. Je vous remercie.

Le président: Merci, monsieur Gibbs.

[Traduction]

La parole est maintenant à M. Ingstrup, le commissaire des Services correctionnels du Canada.

Le commissaire Ole Ingstrup (Services correctionnels du Canada): Bon après-midi, monsieur le président et distingués membres du comité. Je vous remercie. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler de la libération d'office et, dans la mesure du possible, pour répondre aux questions des membres du comité sur le sujet.

J'aimerais tout d'abord parler brièvement de ce qui, à mon avis, est la question essentielle qui se pose dans tout ce débat. Cette question est, en réalité, très simple, à mon avis, et c'est de quelle façon pouvons-nous administrer le mieux possible le dernier tiers de la peine d'un délinquant? Le sujet ne devrait pas, comme les travaux du comité ont permis de le démontrer, être une affaire de conviction personnelle. En fait, l'enjeu fondamental est d'assurer la sécurité publique et de déterminer si ces délinquants commettront plus de crimes, ou moins.

En juin dernier, le vérificateur général a déclaré dans un discours que ce genre d'information permet au Parlement et à ses comités d'évaluer la contribution des services correctionnels, et j'ajouterais personnellement de la Commission des libérations conditionnelles, à la sécurité des Canadiens.

• 1600

[Français]

Monsieur le président, j'aimerais en deuxième lieu parler de nos détenus qui sont admissibles à la libération d'office. Il est important de souligner qu'il ne s'agit pas là de nos détenus les plus à risque. Deux groupes ayant commis des infractions très graves seront exclus au départ: il s'agit premièrement des délinquants condamnés à perpétuité et, deuxièmement, des délinquants purgeant une peine d'une durée indéterminée. Au cours de l'année financière 1998-1999, ce groupe comptait environ 2 700 délinquants, soit 20 p. 100 de toute notre population carcérale. C'est un nombre considérable, monsieur le président.

De nombreuses personnes critiquent le caractère de présomption de la libération d'office, affirmant que le système ne peut rien faire d'autre que de laisser nonchalamment sortir de prison les délinquants, qui obtiennent ainsi une libération automatique.

Monsieur le président, j'affirmerais plutôt le contraire. Aujourd'hui, la libération d'office n'est ni un droit ni une mise en liberté automatique. N'oublions pas que le cas de tous les délinquants qui purgent une peine pour une infraction figurant aux annexes 1 ou 2 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition fait l'objet d'un examen en vue d'un maintien en incarcération jusqu'à la date d'expiration du mandat. En 1998-1999, ces délinquants représentaient 65 p. 100 de la population carcérale. Il ne reste donc que 15 p. 100 de la population carcérale qui purge une peine pour une infraction non violente.

[Traduction]

Le cas de ceux qui ne font pas l'objet d'une ordonnance de maintien en incarcération est soumis à un examen supplémentaire au cours duquel on détermine le meilleur mode de mise en liberté. Diverses options sont alors prises en considération, dont l'assignation à un établissement résidentiel communautaire ou, en fait, à un établissement psychiatrique. Le nombre de délinquants soumis à une ordonnance d'assignation à résidence a bondi de plus de 800 p. 100, passant de moins de 100 délinquants en 1995-1996 à près de 900 en 1998-1999.

Le processus de filtrage ne s'arrête pas là. S'il n'est pas maintenu en incarcération ou s'il n'est pas assujetti à une condition d'assignation à résidence, le délinquant fait l'objet d'une évaluation au cours de laquelle on détermine les restrictions possibles qui seront imposées à ses activités ou à son comportement pendant la période où il sera sous surveillance dans la société.

[Français]

La mise en liberté d'office du délinquant qui a traversé tous ces obstacles à la libération n'est pas totale pour autant. En effet, sur les 4 000 délinquants et plus mis en liberté d'office en 1998-1999, quelque 52 p. 100 devaient respecter au moins trois conditions imposées par la Commission nationale des libérations conditionnelles.

Voici quelques exemples des conditions imposées à un délinquant: premièrement, des prises d'échantillons d'urine; deuxièmement, des restrictions sur les personnes qu'il peut fréquenter; troisièmement, des visites impromptues de l'agent de libération conditionnelle au lieu de travail ou au lieu de résidence du délinquant.

[Traduction]

Voyons maintenant les résultats de la libération d'office.

Beaucoup croient, au Canada, que les délinquants en libération d'office sont responsables d'une grande partie des crimes commis. Or, tel n'est pas le cas. Au cours de 1998, les délinquants en libération d'office ont été responsables d'un demi de 1 p. 100 de tous les crimes perpétrés au Canada. Et pourtant, cette année là, on comptait 30 p. 100 de plus de délinquants en libération d'office que cinq ans plus tôt.

• 1605

De plus, nous avons observé une réduction de 28 p. 100 des cas de révocation de la liberté pour perpétration d'une nouvelle infraction, et une réduction de 46 p. 100 des cas de récidive avec violence. Il y a donc bien contribution à la protection de la société.

Bien que certains affirment que les délinquants en libération d'office ne réussissent pas aussi bien leur réinsertion sociale que les délinquants mis en liberté sous d'autres régimes, comme le dit le président de la Commission nationale des libérations conditionnelle, chaque année, la majorité des libérés d'office mènent à bien leur projet de libération. Sur tous les délinquants qui ont terminé de purger leur peine dans la collectivité sous le régime de la libération d'office en 1998-1999, 86 p. 100 n'ont pas commis de nouveau crime. Pour ce qui est des autres, soit 14 p. 100 de cette population, 2,6 p. 100 ont commis une infraction avec violence.

Souhaitons-nous réduire ces chiffres? Oui, évidemment que nous le voudrions, et nous essayons de faire tout ce qu'il faut pour cela. Mais si l'on y regarde bien, le pourcentage des délinquants qui récidivent n'est pas énorme.

Avec de tels résultats, le Canada fait figure de chef de file au niveau international en matière de réintégration sociale sécuritaire des délinquants, et même des libérés d'office. Nous observons constamment ce qui se passe ailleurs pour voir les leçons que nous pouvons en tirer, et nous voyons aussi si d'autres pays peuvent présenter de meilleurs résultats que le nôtre. Jusqu'ici, nous n'avons pas encore trouvé de système donnant un taux moins élevé de récidive, lorsque nous comparons les autres régimes correctionnels avec le nôtre.

[Français]

Le travail commence dès que les délinquants entrent dans le système correctionnel, par des programmes efficaces qui s'attaquent précisément au facteur de risque lié à la récidive. Des études sur les résultats des programmes de base effectuées dernièrement ont montré certains résultats remarquables. Par exemple, le programme de maîtrise de la colère et des émotions a permis de réduire de 69 p. 100 la récidive non violente et de 86 p. 100 la récidive violente.

De plus, monsieur le président, un suivi des délinquants sexuels à risque élevé qui avaient participé au programme de traitement des délinquants sexuels a relevé un taux de réduction de 59 p. 100 de la récidive sexuelle. Il ne s'agit là que de quelques exemples des succès que nous remportons.

[Traduction]

Une fois placés sous surveillance dans la collectivité, les délinquants peuvent compter sur diverses ressources. Les programmes de prévention des rechutes dans la collectivité, les réunions des Alcooliques et des Narcotiques anonymes, les analyses d'urine, le programme d'emploi et les suivis psychologiques ou psychiatriques ne sont que quelques exemples de nombreuses ressources mises à disposition du délinquant pour l'aider sa réinsertion sociale.

Je suis heureux de pouvoir vous informer que depuis 1997-1998, les dépenses consacrées aux programmes pour délinquants dans la collectivité—là où les programmes, comme le disait le Sous-solliciteur général, sont le plus susceptibles d'avoir un meilleur taux de succès—ont augmenté de 55 p. 100, passant de 8,4 millions à 13 millions de dollars.

[Français]

Lorsqu'un délinquant a des difficultés particulières, il est possible d'avoir recours à des stratégies comme des rencontres individuelles plus fréquentes avec l'agent de libération conditionnelle, une surveillance intensive ou l'imposition de conditions plus restrictives au délinquant en liberté. Si aucune de ces solutions ne fonctionne, le délinquant peut être réincarcéré.

En 1998-1999, 26 p. 100 de tous les délinquants mis en liberté d'office ont été réincarcérés même s'ils n'avaient commis aucun nouveau crime. Si la libération d'office n'existait pas, on ne pourrait profiter d'outils correctionnels essentiels comme, par exemple, le soutien, la prévention des rechutes, la surveillance, ainsi que le droit de suspendre et de révoquer la liberté de quelque 2 200 à 2 700 délinquants.

• 1610

Si on changeait les outils correctionnels, monsieur le président, je ne pourrais promettre une sécurité publique accrue. Vraisemblablement, la population canadienne bénéficierait d'une protection moins efficace.

[Traduction]

D'après nos premiers calculs, les répercussions financières seraient énormes, car quelques 2 200 à 2 700 délinquants devraient rester en prison. Il convient de souligner tout particulièrement que plus de 60 femmes de plus resteraient derrière les barreaux et ce, malgré le fait qu'au cours des dernières années, 90 p. 100 des femmes en libération d'office n'ont pas récidivé.

De même, près de 600 délinquants autochtones de plus devraient rester en prison, ce qui aurait pour effet d'intensifier la discrimination systémique dont ils font l'objet et d'augmenter considérablement leur surreprésentation dans nos établissements correctionnels. Le tableau est déjà très sombre pour les délinquants autochtones. On prévoit que d'ici huit ou neuf ans, le nombre de délinquants autochtones sous responsabilité fédérale augmentera de 48 p. 100.

Enfin, il faudrait prévoir des coûts d'investissements de près de trois-quarts de milliards de dollars pour la construction de neuf pénitenciers supplémentaires, dont un spécialement pour les femmes. Il faudrait augmenter d'environ 125 millions de dollars les coûts de fonctionnement annuels.

Mais le coût réel, c'est le coût pour la sécurité du public. Quelque 2 200 à 2 700 délinquants seraient mis en liberté chaque année sans que leurs activités ou leurs comportements ne soient soumis au moindre mécanisme de contrôle. Si l'on abolissait la libération d'office, le mieux qui pourrait arriver, ce serait quelques mois de répit, lorsqu'on cesserait temporairement la mise en liberté des délinquants qui auraient été libérés. Le répit serait toutefois de courte durée, car une nouvelle vague de délinquants commencerait peu après à être mis en liberté à l'expiration de leur mandat. Les coûts supplémentaires associés à la détention de ces délinquants seraient toujours présents, mais il n'y aurait plus d'avantages.

Avec votre permission, monsieur le président, avant de conclure mes observations liminaires, j'aimerais citer quelques commentaires sur les sociétés, formulés par Mme Clarkson lors de son discours d'installation en tant que gouverneure générale du Canada. Elle a dit quelque chose qui m'a frappé, en raison de ma profession je suppose, mais aussi en raison de ce qu'elle est.

    On dirait qu'il y a deux types de société dans le monde de nos jours [...] Les sociétés qui punissent et les sociétés qui pardonnent. Une société comme la société canadienne, avec ses quatre siècles où chacun y met du sien, accepte le compromis, reconnaît l'erreur et apporte des correctifs, est fondamentalement une société qui pardonne. Nous tentons [...] de pardonner ce qui est passé. La société qui punit n'oublie jamais le mal passé. La société qui pardonne se tourne vers le futur. Une société qui pardonne favorise le respect mutuel [...]

J'aime croire que Son Excellence a raison lorsqu'elle dit que le Canada est une société qui pardonne, et non qui punit. Toutefois, dans sa décision dans l'affaire Jamie Tanis Gladue, la Cour suprême du Canada a présenté un point de vue moins positif en déclarant ce qui suit:

    Le Canada fait figure de chef de file mondial dans de nombreux domaines, et particulièrement en matière de politiques sociales progressistes et de droits de la personne. Malheureusement, notre pays se distingue aussi, à l'échelle mondiale, par le nombre de personnes qu'il met en prison.

Monsieur le président et membres du comité, si la libération d'office cessait d'exister, notre taux d'incarcération, qui se situe actuellement à 130 pour 100 000 habitants, pourrait grimper à 140 pour 100 000 habitants, et notre société qui pardonne en deviendrait une qui punit, au détriment de la sécurité du public.

Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Ingstrup. Nous allons maintenant passer à la période de questions, en rondes de sept minutes, en commençant par M. Gouk.

• 1615

M. Jim Gouk (Kootenay—Boundary—Okanagan, Réf.): Merci.

J'essaie encore d'additionner tous ces chiffres que j'ai entendus, mais ça ne marche pas. Nous y reviendrons.

J'aimerais commencer par une très brève déclaration liminaire de mon cru. Elle ne consiste qu'en une seule phrase, et c'est que notre intention—et en toute franchise, j'espère qu'il en est encore ainsi—n'est pas de ne pas relâcher les délinquants en liberté conditionnelle; ce n'est pas de les relâcher automatiquement.

Monsieur Gibbs, vous êtes venu me voir il y a moins d'un an pour me faire part plus précisément de vos préoccupations à l'égard de la libération d'office, parce que la Commission des libérations conditionnelles, à tous égards, n'avait aucun contrôle sur quelqu'un qui vraiment, à votre avis, ne devrait pas être libéré.

Je vais vous poser quelques très courtes questions et j'aimerais le faire pour pouvoir passer à autre chose. Elles sont très courtes et je m'attends à des réponses tout aussi courtes.

Monsieur Gibbs, la Commission nationale des libérations conditionnelles est-elle un organisme compétent?

M. Willie Gibbs: Est-ce que la Commission nationale des libérations conditionnelles est compétente? Oui.

M. Jim Gouk: Monsieur Fournier, croyez-vous que la Commission nationale des libérations conditionnelles est compétente?

M. Jean Fournier: Oui, je le crois, monsieur le président.

M. Jim Gouk: Monsieur Ingstrup.

Comm. Ole Ingstrup: J'ai confiance en la commission.

M. Jim Gouk: D'accord. J'aimerais alors savoir pourquoi les chiffres que nous utilisons laissent entendre que si nous révoquons la libération d'office mais conservons l'examen du cas en vue d'une libération conditionnelle, ces personnes à qui on peut en toute sécurité accorder une libération d'office ne pourraient obtenir que leur demande de libération conditionnelle soit examinée par la Commission des libérations conditionnelles. Pourquoi considérons- nous la chose de cette manière? Pour vous messieurs qui estimez que nous ne pouvons agir ainsi parce que nous nous retrouvions avec toutes ces personnes incarcérées, pourquoi supposez-vous que la Commission nationale des libérations conditionnelles n'accordera toujours pas la libération conditionnelle à la majorité d'entre eux s'ils ne posent en fait aucun risque pour la société? À vous de jouer.

M. Willie Gibbs: Je ne conviendrais certainement pas que la Commission des libérations conditionnelles ne libérerait pas au moins certains d'entre eux. Comme je l'ai dit en faisant l'historique de la libération d'office, il est très clair qu'au fil des ans nous avons participé de façon beaucoup plus directe à l'examen des dossiers des personnes potentiellement dangereuses. Je le répète, la disposition sur le maintien en incarcération existe au Canada depuis 1986. Depuis lors, la Commission nationale des libérations conditionnelles est en mesure d'imposer n'importe quelle condition qui s'impose lorsqu'une personne est mies en liberté d'office. Nous avons donc notre mot à dire.

Depuis 1996, nous sommes autorisés à imposer une assignation à résidence dans le cas des personnes qui, selon nous, lorsqu'elles sortiront sont susceptibles de commettre un acte violent. Au cours du dernier exercice, par exemple, nous avons examiné quelque 800 cas qui ont été soumis à la commission pour assignation à résidence dans le cadre d'une libération sous condition. Nous participons déjà dans une large mesure.

Au fil des ans ces conditions ont été imposées au bureau sur recommandation du Service correctionnel du Canada. Nous ne croyions pas que c'était suffisant. Maintenant pour toute assignation à résidence dans le cas d'une libération d'office, nous tenons une audience en prison. Nous ne cessons d'accroître notre participation. Je crois donc que nous nous améliorons d'année en année.

M. Jim Gouk: Merci. Il y a encore pas mal de gens, avez-vous dit, qui n'obtiennent pas de mise en liberté d'office ou qui sont maintenus en incarcération.

Certains de ceux que nous avons vus dans le cadre de notre tournée ont refusé la libération conditionnelle. Ils veulent sortir et ne pas avoir de compte à rendre à personne. D'après vos trois témoignages, la libération automatique n'est pas souhaitable.

L'une des choses que nous avons examinées et dont on nous avait mention à un certain nombre de reprises, c'est que lorsqu'il y a possibilité de libération automatique, un détenu est moins tenu de suivre les règles, de participer activement aux programmes et de vraiment essayer de se réadapter ou est moins motivé en ce sens.

Bien sûr, certains d'entre estiment que si la libération doit être acquise, il vaut mieux alors adopter un bon comportement à l'intérieur de l'établissement. Pour ces gens qui restent jusqu'à la date d'expiration du mandat, que penseriez-vous d'apporter un amendement à la Loi sur la détermination de la peine selon lequel tout le monde est obligatoirement assujetti à une supervision pendant un certain temps au moment de la libération, que la personne soit admissible à la libération conditionnelle, cassent tout et lance n'importe quoi aux gardiens, se bat, etc.? Au moment de l'expiration du mandat, la personne continuera à faire l'objet d'une supervision si elle n'est pas été réadaptée. Si vous n'avez pas fait suffisamment d'effort pour obtenir la libération conditionnelle, vous sortirez au moins avec une certaine supervision. Que pensez-vous de cette idée, premièrement, en ce qui a trait à la sécurité publique compte tenu de votre propre témoignage selon lequel les libérations automatiques ne sont pas une bonne solution et, deuxièmement, de l'idée voulant que cela incite les délinquants à mieux se comporter et à participer aux programmes à l'intérieur de la prison?

• 1620

Le président: Monsieur Ingstrup, nous aimerions une courte réponse à cette courte question.

M. Jim Gouk: Je n'ai pas dit que toutes mes questions seraient courtes.

Comm. Ole Ingstrup: Il y avait en fait deux questions, monsieur le président.

Le député a demandé dans un premier temps pourquoi nous estimons qu'un grand nombre de délinquants devraient rester en prison si l'on abolissait la libération d'office. Au moment où on se parle, la Commission des libérations conditionnelles maintient en prison environ 60 p. 100 de nos délinquants pendant toute la période de libération conditionnelle. Ce sont ceux qui sont les moins susceptibles de récidiver. Si elle réussit à le faire pour environ ces 60 p. 100, nous supposons que ce serait un petit peu plus, entre 70 et 80 p. 100 peut-être, pour la supervision obligatoire, traditionnellement les cas les plus à risque de récidiver, et c'est ainsi que nous en sommes venus à ce chiffre.

À mon avis, votre autre proposition, monsieur, n'est qu'une prolongation de toutes les peines, un point c'est tout. Ce n'est vraiment pas une question de libération conditionnelle ou de mise en liberté sous condition parce que vous ne faites que repousser davantage le tiers de la peine et que cela signifie que nous ajoutons un tiers à la peine. Je ne crois vraiment pas que c'est...

M. Jim Gouk: Ce n'est pas ce que je disais, mais nous en parlerons plus tard.

Je comprends que le temps qui m'était imparti est écoulé.

Le président: Monsieur Fournier.

M. Jean Fournier: Permettez-moi une brève observation, monsieur le président, à l'Égard d'un des points qui a été soulevé. Je crois qu'il est juste de dire—et il se peut que M. Ingstrup ait quelque chose à dire à ce sujet—que les délinquants en libération d'office qui ne suivent pas un traitement ou pour qui le risque de commettre un nouveau crime violent continue de se poser ou qui commettent une grave infraction peuvent être assujettis à une ordonnance de maintien en détention jusqu'à la fin de leur peine. D'autre part, ceux qui suivent un traitement et qui manifestent de l'empressement à tirer parti de traitements et de programmes améliorent leur chance d'une mise en liberté d'office. Je crois que la preuve serait très manifeste.

Le président: Merci, monsieur Fournier.

[Français]

Madame Venne, je vous accorde sept minutes.

Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, monsieur Gibbs, vu l'importance de la révélation que nous avons eue dans le journal Le Droit d'aujourd'hui, j'aimerais vous demander s'il est vrai, comme le prétend le journaliste Michel Vastel, que vous publierez d'ici deux semaines le rapport de M. Doucet. Cette question m'apparaît vraiment très importante pour nous aujourd'hui, et puisque vous êtes ici, nous apprécierions que vous nous disiez si cette révélation est fondée. Si tel est le cas, de quelle façon entendez-vous procéder?

Le président: Madame Venne, la question à l'ordre du jour de cette séance est la libération d'office.

Mme Pierrette Venne: Je le sais très bien.

Le président: Je souhaite que nous respections notre ordre du jour et que nous nous en tenions à ce sujet.

Mme Pierrette Venne: Mais puisque c'est une question d'actualité aujourd'hui, qu'il s'agit de révélations importantes et que M. Gibbs est ici, je devrais certainement, si les députés me le permettent, pouvoir obtenir une réponse ici même.

Le président: M. Gibbs devrait répondre très brièvement puisque nous sommes ici pour étudier une autre question.

Mme Pierrette Venne: Il pourrait juste me dire oui ou non.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): J'invoque le Règlement.

Le président: Oui, monsieur Saada.

M. Jacques Saada: Nous ne disposons que d'un après-midi et d'une soirée pour travailler sur un point extrêmement important de notre rapport, qui est la libération d'office. Je n'ai rien contre le fait de consacrer une minute à l'obtention d'une telle réponse, mais nous ouvririons alors la porte à un précédent et nous devrions accepter qu'on pose à tous les témoins qui vont comparaître des questions relatives à autre chose que la libération d'office.

Je serais très heureux que M. Venne pose la question à M. Gibbs en dehors de nos délibérations. Je ne m'oppose pas précisément à ce qu'elle pose cette question, mais je crains le précédent que nous pourrions ainsi créer.

Mme Pierrette Venne: Monsieur le président, je suis bien désolée que mes collègues ne veuillent pas participer davantage à notre démocratie, mais je me plierai à l'opinion de la majorité.

Le président: Nous avions convoqué cette séance dans le seul but de discuter de la libération d'office.

Mme Pierrette Venne: Il se serait simplement agi de dire oui ou non au comité, et tout se serait bien passé. Mais vu qu'on ne le veut pas, je passerai à autre chose, monsieur Gibbs. Enfin, ce sera partie remise.

• 1630

J'aimerais que vous me disiez, monsieur Gibbs, s'il existe des États américains qui ont opté pour un système carcéral où il n'y a pas de libération d'office. Si oui, pourriez-vous me donner votre évaluation des résultats obtenus et des coûts?

M. Willie Gibbs: Je crois qu'il y en a quelques-uns, mais le seul dont je suis tout à fait certain qu'il l'a fait est celui de l'Utah, où tous les détenus qui purgent une peine déterminée sortent quand la commission, et non la loi, détermine qu'ils sont admissibles à la libération conditionnelle. Jusqu'à la toute fin de leur mandat, la seule manière de sortir est la libération conditionnelle.

Selon les résultats que j'obtenais la semaine dernière, le taux de récidive s'établit à 50 p. 100. Ces résultats n'indiquent pas nécessairement que le système fonctionne mal, qu'il y a de mauvais commissaires ou qu'il y a des délinquants plutôt difficiles, mais le taux de récidive y est beaucoup plus élevé qu'au Canada. Dans notre pays, même les détenus libérés d'office présentent un taux de récidive beaucoup moins élevé. C'est le seul État sur lequel je puis vous faire rapport.

Mme Pierrette Venne: D'accord, merci.

Monsieur Ingstrup, dans le Rapport de rendement de 1998-1999 de la Commission nationale des libérations conditionnelles, on nous indique que de 1992 à aujourd'hui, le taux de réincarcération après l'expiration du mandat a été de 4 p. 100 pour les détenus ayant bénéficié d'une libération totale et de 20 p. 100 pour ceux qui ont bénéficié d'une libération d'office.

Dans votre présentation tout à l'heure, vous disiez que la situation était encore pire cette année puisqu'en 1999, ce taux de réincarcération s'élève à 26 p. 100. J'aimerais que vous nous expliquiez cet écart.

Comm. Ole Ingstrup: Oui, madame, avec plaisir.

Le taux de récidive s'établit généralement à environ 10 p. 100 par année pour tous les types de libération. Ce taux de récidive beaucoup plus élevé s'explique par le fait que les détenus qui ont été libérés sous le système de libération d'office font partie d'un groupe qui présente un plus grand risque que le reste des détenus. Ce sont deux groupes différents.

Mme Pierrette Venne: Je comprends.

J'aimerais également, monsieur Ingstrup, connaître votre avis au sujet de l'impact humain qu'aurait l'abolition de la libération d'office sur la population carcérale et les employés du Service correctionnel. En d'autres termes, est-ce une façon de négocier à l'intérieur pour garder une certaine discipline en promettant la libération d'office en bout de ligne si le détenu est sage? Est-ce que son abolition ne vous enlèverait pas ce pouvoir, parce que dans le fond il s'agit bien d'un pouvoir?

Comm. Ole Ingstrup: Effectivement, madame. Comme l'expliquait le président de la Commission nationale des libérations conditionnelles dans son exposé, on voulait à l'origine utiliser la libération d'office, ou le processus qu'on utilisait auparavant, comme moyen de régler le comportement des détenus à l'intérieur des institutions pénitentiaires.

Comme professionnel du domaine correctionnel, madame, je n'ai pas besoin d'un tel recours. Nous disposons d'une foule d'autres moyens pour régler des problèmes de comportement chez les détenus. Je ne saurais recommander qu'on utilise la libération conditionnelle ou la libération d'office comme moyen disciplinaire. Ce que je trouve très positif dans le contexte actuel, c'est qu'on peut continuer à évaluer les détenus dans l'optique du risque plutôt que dans celle de leur comportement à l'intérieur.

• 1630

Au bout de la ligne, c'est vraiment le comportement des détenus dans la communauté qui compte. C'est là qu'on doit livrer la marchandise, si je puis dire, la marchandise étant la protection de la population.

Le président: Merci, madame Venne.

Mme Pierrette Venne: Je continuerai tout à l'heure.

Le président: Monsieur MacKay, je vous accorde sept minutes.

[Traduction]

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Merci d'être ici, messieurs Ingstrup, Fournier et Gibbs.

Ma première question s'adresse à vous, monsieur Ingstrup. Vous avez dit dans vos remarques liminaires que la libération d'office n'est pas un droit.

Comm. Ole Ingstrup: Oui.

M. Peter MacKay: J'ai sous la main un document intitulé Calcul des peines. Il s'agit d'une publication du gouvernement fédéral. C'est un guide à l'intention des juges, des avocats et des responsables des services correctionnels. On y dit très clairement que la libération d'office est un droit plutôt qu'un privilège. Est-ce que vous connaissez ce document?

Comm. Ole Ingstrup: Oui.

M. Peter MacKay: Vous niez donc que ce soit le cas.

Comm. Ole Ingstrup: Ce n'est pas une très bonne façon de décrire le phénomène qui nous occupe, parce qu'un droit signifie que je ne peux simplement vous dire que je veux quelque chose et que vous n'avez d'autre choix que de me donner ce que je vous demande. Ce n'est pas le cas en ce qui a trait à la libération d'office.

Je le répète, comme 85 p. 100 des délinquants verront leur cas réexaminé, ce n'est certainement pas un droit pour eux. Vous pourriez utiliser le mot «droit» pour les 15 p. 100 qui restent, mais j'hésite un peu à le faire—même si je ne m'y oppose pas entièrement—parce que toutes ces personnes sont aussi assujetties à un examen des conditions relatives à la de résidence ou autres, comme la supervision, qui peuvent être révoquées le lendemain.

M. Peter MacKay: N'est-il pas vrai qu'une personne incarcérée pour meurtre ou pour un crime violent, qui reste dans sa cellule et se tourne les pouces—ne participe à aucun programme ni ne fait aucune tentative de sa propre initiative pour se réhabiliter ou se réformer—a le droit de présenter une demande le dernier tiers de sa peine? Il est prévu à l'heure actuelle qu'elle en a le droit. Cela ne veut pas dire qu'on acquiescera à sa demande, mais elle a le droit de le faire.

Comm. Ole Ingstrup: Non. Cette personne n'a pas ce droit.

M. Peter MacKay: Si Karla Homolka, après avoir tué trois personnes, présente sa demande quatre ou cinq ans après avoir commencé à purger sa peine de 12 ans, elle aura droit à une mise en liberté d'office dans huit ans.

Comm. Ole Ingstrup: Non.

M. Peter MacKay: C'est ce qui va arriver.

Comm. Ole Ingstrup: Absolument pas.

M. Peter MacKay: Elle fait la demande à l'heure qu'il est. Elle obtiendra une libération d'office dans huit ans.

Comm. Ole Ingstrup: Dans huit ans elle aura le droit de faire examiner sa demande, mais elle pourrait rester en prison. N'importe qui peut être incarcéré à cette étape. La plupart des meurtriers sont condamnés à perpétuité...

M. Peter MacKay: Au cours de votre exposé vous avez donné des statistiques—et ces statistiques sont parfois difficiles à suivre. Vous avez dit que 26 p. 100 de tous les délinquants mis en libération d'office ont été réincarcérés sans avoir commis un nouveau crime.

Comm. Ole Ingstrup: C'est exact.

M. Peter MacKay: Si le fait de ne pas avoir respecté les dispositions de leur libération était un crime, ils auraient été incarcérés pour un nouveau crime à l'Instar d'une personne qui serait incarcérée pour manquement aux conditions de la probation. Nous devrions peut-être prévoir une disposition pour non-respect d'une ordonnance de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Je dis cela parce que nous savons, d'après des témoignages que vous et d'autres ont déjà présentés, que des documents distribués à ce comité ont laissé entendre que votre bureau aurait donné des directives relativement aux quasi- infractions.

Le président: Nous sommes ici dans un seul but et c'est pour parler de la libération d'office. Pouvons-nous nous limiter à cette question?

M. Peter MacKay: Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le président, je crois que c'est tout à fait pertinent.

Le président: Je sais, mais je ne veux pas revivre ce qui s'est passé lors de la dernière comparution du, lorsque nous avons parlé d'une seule question.

M. Peter MacKay: Si des directives avaient été données de ne pas tenir compte des quasi-infractions, dans quelle mesure pouvons- nous faire confiance à ces statistiques?

Comm. Ole Ingstrup: Comme je l'ai expliqué en réponse à une de vos questions, monsieur MacKay, aucune directive n'a été donnée de ne pas tenir compte des violations des conditions techniques—jamais. Nous avons encouragé nos troupes à mieux gérer notre population et je crois que c'est ce à quoi riment de bons services correctionnels.

De toute évidence, s'il se trouvait que la violation des conditions était une infraction, il y aurait... Mais pour l'instant ce n'est pas une infraction. Cela signifie qu'une personne sur quatre a été réincarcérée, avec l'aide de la Commission des libérations conditionnelles, en raison d'un comportement qui n'était pas un comportement criminel, mais un comportement qui allait à l'encontre des règlements en vigueur. Ainsi nous prenons ces conditions au sérieux et demandons que les délinquants les prennent aussi au sérieux. S'ils ne respectent pas les conditions, ils retournent en prison.

• 1635

M. Peter MacKay: On croirait entendre le solliciteur général. Si vous avez établi des conditions—se tenir loin d'un terrain de jeu dans le cas d'un pédophile, ne pas boire parce que cela incite davantage au crime, ne pas fréquenter d'anciens associés criminels—et que ces conditions ne sont pas remplies, cela ne va- t-il pas à l'encontre du principe de la réhabilitation? Si une personne ne remplit pas ces conditions, pourquoi ne voudrions-nous pas en faire une infraction criminelle? Vous nous dites que nous ne sommes pas une société qui punit, mais ne sommes-nous pas censés être une société qui protège?

Comm. Ole Ingstrup: C'est exact. Je dirais que, dans ce contexte, il n'y a pas de preuve que ce que vous proposez fera baisser ce 1/2 de 1 p. 100 de tous les crimes perpétrés au Canada par les personnes qui sont en libération d'office. Si nous avions des preuves qu'une plus grande criminalisation du comportement des détenus dans ce domaine ferait baisser le taux de criminalité, je crois qu'il faudrait y réfléchir, mais pour l'instant ce n'est pas le cas.

Des signes laissent supposer que ce que nous faisons maintenant contribue grandement à protéger la société. Sur 312 000 infractions, environ 1 400 nouvelles infractions, dont la plupart ne sont pas des infractions violentes, constitue un assez bon résultat. C'est un point de référence à mon avis.

M. Peter MacKay: Monsieur Gibbs, croyez-vous que le public serait mieux protégé, si l'on optait pour une révision d'office par la Commission nationale des libérations conditionnelles plutôt que pour une libération d'office?

M. Willie Gibbs: Voulez-vous dire que pour chaque cas, lorsque la peine a été purgée aux deux tiers, la Commission des libérations conditionnelles devrait procéder à une révision afin de décider si la personne devrait être libérée?

M. Peter MacKay: Automatiquement.

M. Willie Gibbs: Cela abolirait la libération d'office.

M. Peter MacKay: Oui. C'est ce que je laisse entendre.

M. Willie Gibbs: Je ne crois pas qu'il y ait une mesure intermédiaire ici, si nous devons rendre une décision dans chaque cas.

Comme je l'ai déjà dit il y a longtemps, cela fait 40 ans que nous fonctionnons ainsi et les législateurs ont eu leur mot à dire à au moins deux ou trois reprises au cours de chacune des décennies. J'hésiterais à redonner toute cette responsabilité à la commission ou à abolir la libération d'office.

Nous participons à l'examen d'un nombre respectable de cas et jusqu'au mois dernier nous examinions le cas de chaque résident en liberté surveillée. L'année dernière il y en avait 800. Comme nous les rencontrons personnellement, nous participons à un nombre respectable de cas, à part les cas de détention. J'ajoute les cas de détention dont nous nous occupons et il s'agit de ceux qui ont le plus d'intérêt pour vous et pour la collectivité.

Le président: Monsieur Gibbs, je vous remercie.

Monsieur Wappel, vous avez sept minutes.

M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci à vous aussi, messieurs, d'être venus ici cet après-midi. Mes questions seront très courtes, et je vous serais vraiment reconnaissant de faire des réponses aussi brèves.

Est-il juste de dire que tous vos exposés reposent sur l'hypothèse que le régime des libérations d'office sera aboli, sans être remplacé?

M. Jean Fournier: Je laisse mes collègues répondre en leur nom propre, mais mon exposé d'aujourd'hui avait pour objet d'expliquer le fonctionnement des libérations d'office et de souligner qu'au fil des ans, cette formule s'est avérée utile. Les résultats sont bons dans l'ensemble et ne cessent de s'améliorer.

• 1640

Par ailleurs, j'ai souligné, comme mes collègues, qu'il y a place à l'amélioration. Il existe divers moyens, décrits dans mon exposé, d'améliorer les libérations d'office et, de fait, tant la Commission nationale des libérations conditionnelles que le Service correctionnel y travaillent.

Les données statistiques que je vous ai fournies révèlent qu'au cours des cinq dernières années, le taux de récidivisme avec violence a baissé parmi les libérés d'office. Ce sont là des faits que mon exposé visait à mettre en valeur.

M. Tom Wappel: Monsieur Gibbs.

M. Willie Gibbs: S'il existe des moyens d'améliorer le régime de libération d'office, personnellement, je serais très ouvert à toutes les suggestions.

M. Tom Wappel: Monsieur Ingstrup.

Comm. Ole Ingstrup: Je peux vous répondre très brièvement. Ce que j'ai dit reposait sur l'hypothèse que le régime de libération d'office serait remplacé par un régime dans le cadre duquel la Commission nationale examinerait chaque dossier également aux deux tiers de la peine.

M. Tom Wappel: Fort bien. J'ai pris quelques notes durant vos exposés. Monsieur Fournier, mes notes ne sont peut-être pas exactes, mais, à un moment donné, vous avez dit que 80 p. 100 des détenus avaient droit à la libération d'office, et qu'il s'agissait là d'un droit plutôt que d'un privilège. Est-ce bien ce que vous avez dit?

M. Jean Fournier: Non, je n'ai pas parlé de «droit» ou de «privilège».

M. Tom Wappel: La libération d'office est-elle un droit, selon vous, en tant que sous-solliciteur général?

M. Jean Fournier: Je vous renvoie à l'échange qui a eu lieu, il y a quelques instants, entre M. MacKay...

M. Tom Wappel: Cet échange ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse, c'est que vous et moi avons à nous dire. Est-ce un droit, selon vous?

M. Jean Fournier: Comme l'a dit le commissaire du Service correctionnel, c'est un droit relatif. Il ne s'agit pas d'un droit absolu.

M. Tom Wappel: Il n'a pas dit cela. Il a dit que ce n'était pas un droit. Il a dit que c'était un privilège. Vous dites que c'est un droit relatif.

M. Jean Fournier: Sauf votre respect, monsieur le président, je ne crois pas qu'il ait dit cela et, moi-même, je croirais que c'est un droit. Si l'on veut se lancer dans ce débat, je crois qu'il s'agit probablement d'un droit relatif.

M. Tom Wappel: Il a dit, et je cite: «la libération d'office n'est ni un droit, ni une mise en liberté automatique». C'est un passage extrait directement de son exposé.

Monsieur Ingstrup, vous l'avez bel et bien dit, n'est-ce pas?

Comm. Ole Ingstrup: J'ai bel et bien dit ce que vous venez de citer et par là, j'entendais qu'il vaut mieux ne pas utiliser le mot «droit» pour décrire la libération d'office, car elle est assortie de tant de conditions qu'il ne serait pas logique de parler d'un droit.

M. Tom Wappel: Voyons ce que dit l'article 127:

    Sous réserve des autres dispositions de la présente Loi, l'individu condamné ou transféré au pénitencier a le droit d'être mis en liberté à la date [...]

Il n'a pas besoin de présenter une requête, comme l'a dit M. MacKay. Il y a droit à sa date de libération d'office, à moins de circonstances très particulières qui permettraient à la Commission nationale de se pencher sur le cas, n'est-ce pas?

Donc, le spécialiste de l'entrée par infraction sera libéré, que la commission nationale estime qu'il récidivera ou pas. Il faut qu'elle appréhende un tort considérable pour empêcher les détenus d'exercer leur droit à la libération, pour reprendre l'expression de la loi. Ai-je raison?

Comm. Ole Ingstrup: Ce que j'essayais...

M. Tom Wappel: Monsieur, ai-je raison?

Comm. Ole Ingstrup: Ce que vous nous avez lu est exact, mais...

M. Tom Wappel: Merci.

Comm. Ole Ingstrup: Monsieur...

M. Tom Wappel: Non. J'ai d'autres questions à poser et très peu de temps pour le faire.

Comment décririez-vous les libérés d'office? N'est-il pas vrai que ce sont ceux qui n'auraient pu obtenir une libération anticipée? Est-ce vrai?

Comm. Ole Ingstrup: Certaines personnes auxquelles le Service correctionnel du Canada ou la Commission nationale de libération conditionnelle n'a pas...

M. Tom Wappel: La libération anticipée leur a été refusée.

Comm. Ole Ingstrup: C'est juste.

M. Tom Wappel: C'est tout ce que je voulais savoir.

Comm. Ole Ingstrup: Elles n'ont pas eu de libération conditionnelle anticipée avant d'avoir purgé les deux tiers de leur peine. C'est exact.

M. Tom Wappel: Elles sont donc admissibles à la libération d'office...

Comm. Ole Ingstrup: Non, elles ne le sont pas.

M. Tom Wappel: ... à moins qu'aux termes de l'article, la commission nationale décide de la leur refuser.

Comm. Ole Ingstrup: Oui.

M. Tom Wappel: Vous avez dit que les libérés d'office ne constituaient pas le groupe au risque le plus élevé.

Comm. Ole Ingstrup: C'est juste.

M. Tom Wappel: C'est ce que vous avez vous-même affirmé.

Le groupe au risque le plus élevé est composé, je suppose, des personnes que la commission nationale refuse de libérer. Ceux qui présentent le moins de risque pour la société sont probablement ceux qui ont obtenu leur libération. Ils s'insèrent donc entre les deux autres groupes, n'est-ce pas?

Comm. Ole Ingstrup: Oui.

M. Tom Wappel: Ces personnes n'ont pu obtenir leur libération conditionnelle, mais elles n'étaient pas si mauvaises, sur le plan des torts qu'elles pouvaient causer, que la commission nationale les empêche d'être libérées.

Comm. Ole Ingstrup: C'est juste.

M. Tom Wappel: Que le gars soit un voleur de banque professionnel ou un spécialiste de l'entrée par effraction, il sera libéré. Vous avez dit que, d'après certains, les libérés d'office commettent plus d'infractions. Vous avez demandé—du moins c'est ainsi que je l'ai compris—, comme si vous n'arriviez pas à y croire, comment on pouvait le penser.

• 1645

Je vous renvoie donc à la page 23 de votre propre rapport de rendement, c'est-à-dire en réalité du rapport de rendement de la Commission nationale de libération conditionnelle pour l'exercice se terminant le 31 mars 1999. On peut lire:

    [...] la probabilité qu'un libéré d'office soit renvoyé dans un pénitencier avant l'expiration de son mandat, que ce soit par suite de la violation d'une condition ou de la perpétration d'une nouvelle infraction, est environ une fois et demie plus élevée que pour les délinquants en liberté conditionnelle totale, et la probabilité de réincarcération pour une infraction commise après l'expiration du mandat est de 3 à 4 fois plus grande.

C'est la Commission nationale de libération conditionnelle qui l'affirme elle-même dans son rapport de rendement, pas «certaines personnes». Êtes-vous d'accord avec le rapport de rendement présenté par la commission?

Comm. Ole Ingstrup: Bien sûr, je suis d'accord avec son rapport de rendement, mais ce n'est pas ce que je disais, monsieur Wappel. Je disais qu'une idée fausse a cours en ce moment selon laquelle—et je me cite moi-même—, au Canada, les délinquants en libération d'office sont responsables d'une grande partie des crimes commis. Je soutiens le contraire.

Ils sont responsables de un demi de 1 p. 100 des crimes commis. Ont-ils un taux de criminalité plus élevé que ceux qui ont obtenu une libération conditionnelle totale ou une libération conditionnelle de jour? Oui, parce qu'ils sont choisis de telle manière qu'ils représentent un risque plus élevé. Les libérés d'office représentent donc le haut de la fourchette des risques, au sein de la population carcérale.

Le président: Monsieur Wappel, je vous remercie. Vous avez épuisé le temps qui vous était alloué.

Nous allons maintenant entamer le deuxième tour de table, durant lequel chacun aura trois minutes. Monsieur Gouk.

M. Jim Gouk: Je vous remercie. On publie en ce moment beaucoup de données statistiques. On entend dire que seulement 15 p. 100 des détenus sont admissibles à une libération d'office. Toutefois, si nous leur refusons la libération d'office, nous aurons jusqu'à 2 700 personnes de plus en prison. À la page 2 de votre exposé, monsieur Ingstrup, vous dites que 2 700 détenus représentent 20 p. 100 de la population carcérale.

Supposons que M. DeVillers, qui est de nature très généreuse, vous invite à son bureau pour prendre un verre à la fin de la réunion, qu'il vous en verse trois grandes portions et que vous les consommez. Vous prenez ensuite le volant pour retourner chez vous sans vous faire arrêter par la police. Avez-vous commis un crime?

Comm. Ole Ingstrup: Oui, monsieur, bien sûr.

M. Jim Gouk: Oui. Un demi de un pour cent sont appréhendés pour avoir commis un crime. Avons-nous des données statistiques qui nous disent si le reste sont de bons citoyens? Tous ceux qui commettent un crime sont-ils appréhendés?

Comm. Ole Ingstrup: Non. Toutefois, nous avons lieu de croire que la proportion de personnes bénéficiant d'une libération conditionnelle, quelle qu'en soit la forme, sont plus susceptibles d'être appréhendées si elles commettent une nouvelle infraction—elle ne seront peut-être pas toutes appréhendées, mais elles sont plus susceptibles de l'être. La raison en est simple. Elles sont beaucoup plus suivies par la police et par nos propres surveillants de liberté conditionnelle et elles sont habituellement connues du milieu où elles évoluent. Cependant, elles...

M. Jim Gouk: Merci. J'aimerais passer à d'autres questions, parce que nous disposons de très peu de temps pour ce tour de table.

Je continue d'avoir du mal à accepter le principe général selon lequel, si vous ne prévoyez pas de mesures de libération d'office, sauf quand le fardeau de prouver qu'ils vont commettre une infraction grave ou violente est inversé et revient à la commission nationale... C'est maintenant à la commission nationale de faire la preuve. Laisser entendre que, si cette forme de libération est abolie, en termes de tous ces gens qui pourraient sortir, la commission nationale est animée par un tel esprit de vengeance—si c'est bien le mot—qu'elle ne laissera pas ces personnes sortir à certaines conditions... Pourquoi la personne ayant droit à une libération d'office qui n'est pas dangereuse n'aurait-elle pas droit à une libération ordinaire si son dossier était examiné d'office par la commission nationale, sans imposer à celle-ci le fardeau inversé de la preuve cependant?

Comm. Ole Ingstrup: Je ne puis vous donner l'assurance que la commission nationale libérerait les 60 p. 100 qui atteignent la date d'expiration de leur mandat de libération d'office sans avoir récidivé et sans avoir violé les conditions. Vous me demandez pourquoi la commission n'accepterait pas de libérer toutes ces personnes. Je ne puis vous en donner l'assurance. Il se peut que nous en libérions moins, comme il se peut que nous en libérions plus. Je ne sais pas.

• 1650

M. Jim Gouk: Il est question ici de 15 p. 100 de la population. Ce sont les chiffres qu'utilisait lui-même M. Ingstrup. Si la décision vous en revenait subitement et que vous aviez la possibilité de décider si ces personnes justifient vraiment une libération anticipée ou pas, les nombres cités laissent entendre que vous rejetteriez chaque demande.

Vous déciderez peut-être d'en maintenir 10 p. 100 en prison ou vous déciderez peut-être de tous les libérer. Estimez-vous que vous refuseriez la libération à toutes ces personnes ou à une grande majorité d'entre elles et, dans l'affirmative, pourquoi? Pourquoi affirmons-nous qu'il est sans danger de les libérer maintenant si la commission nationale, dans sa sagesse, leur refuse la libération quand elle a la chance de le faire?

M. Willie Gibbs: Nous savons que la moitié environ des libérés qui ne respectent pas les conditions de leur libération—si j'ai mes données statistiques ici—sont des libérés d'office. Je dirais que la moitié des libérés d'office ont déjà obtenu une libération et n'en ont pas respecté les conditions. Nous avons déjà essayé de les libérer sous condition. Donc, dire qu'aux deux tiers de leur peine, il faudrait leur donner une autre chance—ainsi qu'à tous ceux qui ne l'ont jamais eue—revient à émettre des conjectures que je ne suis pas prêt à faire.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Gibbs.

Monsieur Saada, je vous accorde trois minutes.

M. Jacques Saada: Merci, monsieur le président. J'aimerais m'assurer que je comprends bien le processus qu'on essaie de corriger. À l'heure actuelle, le Service correctionnel du Canada choisit, parmi ceux qui arrivent au deux tiers de leur sentence, ceux qu'il convient de référer à la Commission des libérations conditionnelles, tandis que les autres sont libérés avec conditions.

Si on éliminait la disposition des deux tiers, on ne ferait que confier le travail que fait le Service correctionnel à la Commission des libérations conditionnelles. Là on parle du même dossier, des mêmes gens, des mêmes conditions et des mêmes données de départ.

Contrairement à M. Gouk, je fais autant confiance à la Commission des libérations conditionnelles qu'au Service correctionnel, mais j'aimerais savoir comment on peut m'assurer qu'en transférant la responsabilité de l'un à l'autre, on réduirait à moins de 2,9 p. 100 le taux de récidive.

Comm. Ole Ingstrup: Monsieur le président, c'est exactement le point que j'essayais de faire valoir. À l'heure actuelle, on évalue tous les détenus afin de déterminer s'ils devraient bénéficier d'une libération conditionnelle. Si nous jugeons nécessaire de retenir certains de ces détenus, nous les référons à la Commission nationale des libérations conditionnelles pour détention ou détention potentielle.

Comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises, dans le système actuel, les détenus en libération d'office commettent 0,5 p. 100 de tous les crimes au Canada. Bien que je ne pas puisse en être sûr, je suis porté à croire qu'en référant ces détenus à la commission, nous pourrions encore réduire ce taux de 0,5 p. 100.

M. Jacques Saada: La question que je me posais n'était pas tout à fait dans ce sens-là, mais je vais y revenir.

Les dossiers de tous les détenus sont évalués par le Service correctionnel tout au long du processus. La question que je pose, en fin de ligne, est celle-ci: est-ce que l'évaluation du Service correctionnel est plus méritoire ou moins méritoire que celle de la Commission des libérations conditionnelles pour ce qui est de garantir que la personne qui va sortir présente un risque moindre ou plus grand? Je ne vois pas, à l'heure actuelle—et j'attends la suite des événements—ce qui me confirmerait que l'un me donnerait une meilleure garantie que l'autre pour la sécurité publique.

Comm. Ole Ingstrup: Je suis d'accord avec vous.

M. Jean Fournier: J'abonderais dans le même sens. Vous avez soulevé un excellent point de vue et je crois que c'est là le noeud de la question qui doit être examinée. Il me semble qu'il n'y a effectivement pas d'avantage évident à remplacer un système qui fonctionne relativement bien et qui a été mis en place il y a plusieurs années par un autre système, compte tenu des coûts et des inévitables transformations qu'un tel chambardement entraînerait.

• 1655

Le système actuel fonctionne relativement bien, comme l'indiquent toutes les évaluations et toutes les recherches à l'intérieur et à l'extérieur. Nos collègues de l'étranger viennent voir le système canadien et estiment que c'est un système qui fonctionne bien. Est-ce qu'on peut l'améliorer? Bien sûr.

M. Jacques Saada: J'aimerais revenir sur la question de l'amélioration pour profiter de la dernière fraction de seconde. Dans votre rapport, monsieur Fournier...

Le président: Monsieur Saada, votre temps est écoulé. Je dois donner la parole à Mme Venne.

M. Jacques Saada: Je pourrai revenir plus tard?

Le président: Oui, bien sûr.

Mme Pierrette Venne: Je serai très rapide, monsieur Saada. Vous pourrez donc prendre quelques minutes plus tard.

Monsieur Fournier, les gens disent qu'ils ne comprennent rien dans toutes ces histoires de sentences et que, de toute façon, quand on dit que la personne va faire huit ans, cela ne veut pas dire huit ans mais peut-être les deux tiers ou le sixième de huit ans. Je parle des gens de la population en général. Ne croyez-vous pas que, dans un but de transparence de la justice et de compréhension, une approche nouvelle serait intéressante, qui consisterait à faire en sorte que la sentence donnée soit effectivement celle qui serait purgée?

M. Jean Fournier: C'est une approche qui est en vogue dans certains États américains. On a vu certaines campagnes électorales aux États-Unis menées sur la base de propositions de ce genre. Notre valeurs au Canada sont fondamentalement différentes, dans notre système correctionnel comme dans notre système politique. Je crois que dans la mesure où il peut y avoir confusion, et je ne nie pas qu'il y ait possibilité de confusion, les programmes gouvernementaux, non seulement dans le domaine correctionnel, ne sont pas toujours faciles à comprendre.

Je pense qu'on peut le faire, et on le fait. On travaille très étroitement avec le Service correctionnel et avec la Commission des libérations conditionnelles à éduquer et à sensibiliser le public, par des vidéos, des programmes de télévision, etc. Je pense que c'est davantage dans ce domaine et de cette manière qu'on va améliorer la confiance du public dans notre système carcéral et de justice criminelle qu'en le chambardant pour des raisons qui ne sont pas évidentes.

Mme Pierrette Venne: Dans différents mémoires, entre autres celui de l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec, on disait que la mise en liberté devrait plutôt être en fonction du mérite. J'aimerais vous entendre là-dessus, monsieur Gibbs. Pensez-vous qu'une telle méthode pourrait remplacer celle que nous avons actuellement sur la table?

M. Willie Gibbs: De façon générale, je suis d'avis que la libération conditionnelle devrait surtout être basée sur l'évaluation du risque. L'évaluation au mérite est une autre façon de faire. La personne a suivi les programmes nécessaires pour que le risque soit diminué. Cela va pour une bonne partie de la peine, mais il reste que vers la fin de la peine, on a toujours besoin de supervision, de contrôle, de structure. Le mérite est peut-être alors moins important qu'au début de la peine.

[Traduction]

Le président: Monsieur Grose, vous avez trois minutes.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.

Comme j'ai l'esprit plutôt simpliste, je vais poser une question en conséquence. Pourquoi débattons-nous en ce moment de l'idée de modifier la sentence initiale prononcée par le juge? Selon moi, le juge évalue le coupable et le condamne à 12 ans de peine, parce qu'il sait que trois en seront retranchés et qu'il veut que la personne fasse huit ans de prison.

Pourquoi nous en mêler? Pourquoi ne pas accepter que c'est là la sentence? Ensuite, la Commission nationale décide si vous avez été bon ou pas et, si elle croit que vous avez changé, elle vous laissera sortir plus tôt, à condition de respecter certaines conditions. Tout serait tellement plus simple. Vous allez me répondre que c'est nous qui avons fait cette loi, pas vous.

• 1700

Dites-moi toutefois ce que vous en pensez. C'est la raison pour laquelle vous êtes ici. C'est ce que je tiens à savoir. Ne serait-il pas plus simple de s'en tenir à la sentence prononcée par le juge et de laisser la Commission nationale s'en occuper? Cessons de perdre notre temps avec les libérations d'office aux deux tiers de la peine; parce que le juge vous a condamné à douze, vous en faites huit.

Dites-moi ce que vous en pensez, je vous prie, tous les trois.

Comm. Ole Ingstrup: Il est toujours bon de chercher des moyens de simplifier. Je suppose que, quand vous examinez l'évolution du régime de la liberté surveillée, du régime de la libération d'office, il s'agissait en réalité d'un régime qui était censé être efficace pour la plupart des délinquants, de sorte que deux tiers de leur peine seraient retranchés.

M. Ivan Grose: Dans le temps, on parlait de réduction de peine pour bonne conduite.

Comm. Ole Ingstrup: C'était en réalité un régime fort différent du régime actuel, qui insiste davantage sur ce que vous ferez probablement quand vous réintégrerez la société plutôt que sur ce que vous avez fait pendant votre détention. Si nous appliquions la règle exactement de la même manière à partir du tiers de la peine jusqu'à la fin, les sentences rallongeraient en réalité. Rien ne permet de croire que le public serait mieux protégé, ce qui est à mes yeux le principal critère.

De nombreux autres pays ont un régime de libération, mais je n'en connais pas qui ne prévoit pas certaines dates limites. La raison en est simple: souvent les peines ont une double raison d'être.

La première, comme le prévoyait même la loi romaine, est le châtiment—sa seule raison d'être est de punir. Mais vient un moment, durant la peine, où il faut se tourner vers l'avenir. Que pouvons-nous faire pour réduire le risque que cette personne représenterait, une fois libérée? Les sentences ont donc une double raison d'être. Les dates limites diffèrent d'un pays à l'autre. C'est en réalité une décision d'ordre politique.

Le président: Merci, monsieur Grose.

Monsieur MacKay, vous avez trois minutes.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

Je suppose que ma question s'adresse à tous. Il a été mentionné—dans l'exposé de M. Ingstrup, je crois—qu'en fait, la libération d'office est la meilleure façon de gérer le dernier tiers de la peine. À mon avis, parfois, particulièrement dans le cas des plus violents qui sont incarcérés pour avoir commis les crimes les plus graves, il faut surtout chercher à savoir si cette personne va tuer, violer ou mutiler à nouveau. C'est sur quoi devra reposer la décision.

Je ne vais pas me lancer dans un débat sur des questions comme les peines consécutives pour ce genre d'infraction ou la clause de la dernière chance, qui existe toujours. Je sais que, dans votre réponse, il est sous-entendu que le comportement humain n'est pas une science exacte. Je sais tout cela.

Nous sommes en train d'examiner la Loi sur les jeunes contrevenants pour essayer de distinguer les infractions avec violence des infractions sans violence. Cela revient à un examen de fond en comble du régime. Je vous pose donc une question évidente. J'aimerais cependant que vous y répondiez. Pourquoi n'avons-nous pas une annexe plus précise des infractions, une longue annexe qui inclurait par exemple les entrées par effraction et les vols commis avec violence? Nous y affirmerions simplement qu'en bout de ligne, nul ne sera libéré sans condition ou supervision, si son infraction figure dans cette annexe, que ce soit à sa date de libération d'office ou après l'expiration du mandat. Nul ne sort sans avoir à subir une période de liberté surveillée.

Maintenant, je sais que ça va donner froid dans le dos aux avocats de droit constitutionnel du ministère de la Justice, mais pourquoi ne pouvons-nous pas faire cela au Canada?

Comm. Ole Ingstrup: Oui, c'est d'abord et avant tout une question d'ordre juridique, du moins la dernière partie de la question, lorsque vous dites peu importe le moment de la libération—ce pourrait être à l'échéance du mandat original, et il y aurait tout de même une période de supervision.

M. Peter MacKay: Vous avez tous dit que vous ne voulez pas libérer ces gens subitement.

Comm. Ole Ingstrup: C'est exact. D'après ce que je comprends, bien que je puisse facilement suivre votre raisonnement, je crois que nous revenons à simplement appliquer la Loi sur la libération conditionnelle pour prolonger les peines. C'est vraiment ce que nous faisons. C'est à cela que ça revient. Et je ne crois pas, monsieur le président, monsieur MacKay, que nous ayons vraiment de preuves pour démontrer que des peines plus longues réussiront mieux à réduire la criminalité que ce que nous faisons actuellement.

• 1705

M. Peter MacKay: Mais une plus longue surveillance y réussira.

Comm. Ole Ingstrup: La plus longue période de surveillance est ce qui est prévu pour la libération d'office. La question qui se pose est combien devraient durer les peines? Combien de temps les délinquants devraient-ils passer derrière les barreaux?

Si vous regardez le taux d'incarcération au Canada, à 130 ou environ, bien que nous ne soyons pas au haut de l'échelle—par exemple, nous n'atteignons pas les niveaux des États-Unis, de l'Afrique du Sud, de la Russie et de certains pays de l'Est—je dirais que ça n'en est pas moins, pour un pays de l'hémisphère occidental, très élevé.

Ce n'est donc pas tant que nous ne recourons pas beaucoup à l'incarcération, surtout si on fait une comparaison avec la criminalité au Canada, qui est sensiblement au même niveau que la plupart des pays occidentaux, et parfois inférieur.

Vous avez demandé, monsieur MacKay, si une annexe pourrait s'appliquer aux délinquants particulièrement violents. C'est certainement ce que fait la détention. Je n'en ai pas parlé ici, parce que 65 p. 100 de nos délinquants sont en fait régis par l'annexe 1 ou 2, la plupart par l'annexe 1.

M. Peter MacKay: Croyez-vous qu'il y en ait qui ne peuvent pas être réhabilités, peu importe le temps qu'ils passent derrière les barreaux, peu importe le nombre de programmes par lesquels ils passent? Croyez-vous qu'il y en ait que nous pourrions garder en prison jusqu'à la saint-glinglin, puis les libérer et, tout de même, si la situation se présente et qu'ils en sont encore physiquement capables, qu'ils tueront encore?

Comm. Ole Ingstrup: Ce sont là deux questions distinctes, parce que «tuer encore» relève d'une catégorie différente.

Est-ce que je peux croire qu'on puisse garantir un jour que la réhabilitation sera infaillible? Non, je ne le peux pas. Le problème est qu'on ne sait que trop tard lorsqu'elle a échoué, et qu'il serait déraisonnable de garder tout le monde en prison à cause de cela.

Le président: Nous devons avancer.

Monsieur Wappel, vous avez trois minutes.

M. Tom Wappel: Merci. Je vais essayer d'être bref.

Je voudrais d'abord un petit éclaircissement terminologique. Monsieur Ingstrup, à la réponse de M. MacKay, vous avez dit quelque chose dans le sens que le fait de tripoter la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition prolongerait la peine. Vous voulez certainement dire que ça prolongerait la période d'incarcération? Aucun changement à la loi ne changerait quoi que ce soit à la peine, qui est déterminée par un juge. Vous parlez bien de la durée de l'incarcération, et non pas de la peine, n'est-ce pas?

Comm. Ole Ingstrup: Non, parce qu'en fait, je répondais à la question de M. MacKay sur la mise en surveillance du délinquant après la période d'incarcération qui existe déjà, ce qui signifie que la personne serait soumise la peine plus longtemps.

M. Tom Wappel: Après l'échéance de la peine.

Comm. Ole Ingstrup: Oui.

M. Tom Wappel: D'accord.

Mais vous êtes d'accord avec moi pour dire que, quoi que nous fassions, ou quoi que d'autres fassent, en vertu de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, cela ne peut pas prolonger la peine. Ça peut prolonger la période d'incarcération.

Comm. Ole Ingstrup: Non, c'est autre chose.

M. Tom Wappel: D'accord.

Monsieur Fournier, dans vos remarques préliminaires, vous avez dit—et j'espère avoir bien compris, parce que ça n'a pas été le cas la dernière fois, apparemment—que la libération d'office fonctionne bien. Aussi, dans votre réponse à M. Saada, vous avez dit—et je vous cite—«le système actuel fonctionne relativement bien.»

J'aimerais citer un extrait du rapport sur le rendement de la Commission nationale des libérations conditionnelles pour la période se terminant le 31 mars 1999. On y lit:

    Depuis 1992, année où la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition est entrée en vigueur, ce taux a été de 4 p. 100 en moyenne dans le premier groupe, contre environ 20 p. 100 dans le second.

C'est cela que vous appelez «fonctionner relativement bien»?

M. Jean Fournier: J'ai bien dit que le système actuel fonctionne relativement bien, et je ne suis pas le seul à le penser. Je crois avoir aussi dit que pas mal de gens partagent cette opinion. Ceux qui ont répondu au document d'information, d'un bout à l'autre du pays, étaient du même avis.

J'ai aussi dit, dans la foulée de ce commentaire, qu'il y avait place pour l'amélioration, le raffinement et l'ajustement. J'ai bien souligné que le taux actuel de récidive des délinquants violents, qui était de 4 p. 100 en 1994-1995, est descendu à 2,9 p. 100 en 1997-1998 et à 2,6 p. 100 en 1998-1999.

M. Tom Wappel: Oui, mais croyez-vous...

M. Jean Fournier: Il y a nettement un progrès. Aucun pays au monde n'a un régime égal au nôtre ou qui donne de meilleurs résultats.

• 1710

M. Tom Wappel: Croyez-vous que le système fonctionne bien si le taux de récidive des libérés d'office, après expiration du mandat, est de 20 p. 100, alors que pour les délinquants qui sont en liberté surveillée, ce n'est que de 4 p. 100?

M. Jean Fournier: Je vais laisser Willie Gibbs répondre à cette question, puisqu'il s'agit de son rapport sur le rendement. Bien que je connaisse assez bien les statistiques dont vous parlez, je crois préférable de lui laisser le soin de donner une réponse plus précise.

M. Tom Wappel: Bien sûr, merci.

M. Willie Gibbs: Monsieur Wappel, puisque vous parlez de ce rapport, je crois qu'il convient de l'expliquer.

Oui, nous avons fait une rétrospective sur 12 ans, comme vous pouvez le voir. Nous avons examiné tous les cas de libération conditionnelle totale ou de libération d'office de chaque année, et il ne fait pas de doute que les libérés d'office ont un taux de récidive supérieur de quatre ou cinq fois à celui des autres.

M. Tom Wappel: Sur 12 ans.

M. Willie Gibbs: Mais il ne faut pas oublier que les libérés d'office sont ceux qui nous posent les plus grandes difficultés. Je l'ai dit dans mon...

M. Tom Wappel: Je peux vous assurer que nous ne l'avons pas oublié.

M. Willie Gibbs: C'est bien.

Je serais donc étonné qu'il en soit autrement. Pour ceux sur lesquels nous avons un pouvoir discrétionnaire, nous allons certainement prendre les décisions pertinentes, et les résultats seront ce qu'ils seront, que ce soit à court ou à long terme.

Lorsqu'on parle de cette catégorie, la libération d'office, eh bien, nous avons affaire à ceux qui n'ont pas réussi à obtenir de libération conditionnelle ou qui en ont enfreint les conditions. Il n'est donc pas surprenant que 10 ou 12 ans plus tard, il en soit ainsi.

M. Tom Wappel: D'accord.

Une autre question sur les statistiques.

Le président: Sur les statistiques.

M. Tom Wappel: Oui, sur les statistiques. Je vous remercie de votre indulgence, monsieur le président.

En tant que sous-ministre, monsieur Fournier, c'est sûr que vous vous préoccupez d'argent et du coût de la gestion du ministère. Vous l'avez dit dans votre réponse à M. Saada.

N'est-il pas vrai que la libération d'office rend possible la libération de 25 à 33 p. 100 de la population de prisonniers des pénitenciers fédéraux par année, ce qui est un excellent moyen de réduire cette population et de la renouveler? Est-ce vrai?

M. Jean Fournier: Oui, c'est vrai.

M. Tom Wappel: Merci.

[Français]

Le président: Madame Venne.

Mme Pierrette Venne: Pas pour l'instant.

[Traduction]

Le président: Monsieur MacKay, je vous accorde trois minutes.

M. Peter MacKay: En ce qui concerne les statistiques, je ne tiens pas à entrer dans le détail de ce qu'elles disent ou ne disent pas, mais il y en a une qui me frappe, à propos du taux de révocation de la liberté conditionnelle ou de la libération d'office pour cause de violation des conditions de libération.

En ce qui concerne la libération conditionnelle totale, le taux de révocation pour violation des conditions—par exemple, garder ces distances des terrains de jeu, ne pas prendre d'alcool ou de drogues et observer les règles de rapport—est de 14,4 p. 100, et de 25,6 p. 100 pour la libération d'office. C'est donc 10 p. 100 de moins dans le cas de la libération conditionnelle totale.

Dans le cas des délinquants violents, ne faudrait-il pas essayer d'arriver à une baisse de 10 p. 100 du taux de révocation pour manquement aux conditions? En effet, la plupart du temps, au moins en ce qui concerne les délinquants violents, le manquement aux conditions peut mener à une autre infraction avec violence.

En d'autres termes, si ces statistiques sont exactes—ce que je ne dis pas—on observe ici une baisse de 10 p. 100

Comm. Ole Ingstrup: Non, c'est le contraire, monsieur MacKay.

M. Peter MacKay: C'est une baisse de 14,4 p. 100...

Comm. Ole Ingstrup: Pour la libération conditionnelle totale. Cela veut dire que ceux qui sont en libération conditionnelle totale sont habituellement ceux qui ont légèrement moins de conditions à respecter que ceux qui présentent plus de risques en cas de libération d'office. Par ailleurs, ce sont ceux qui ont le plus de chances de respecter les règles contrairement à ceux qui font l'objet d'une libération d'office. C'est vraiment quelque chose de tout à fait naturel.

M. Peter MacKay: D'après mon interprétation, 25,6 p. 100 des libérations d'office ont fait l'objet d'une révocation.

Comm. Ole Ingstrup: Oui.

M. Peter MacKay: Si ces gens avaient joui d'une libération conditionnelle totale, seulement 14,4 p. 100 auraient fait l'objet d'une révocation.

Comm. Ole Ingstrup: Oui, mais c'est exactement pour cela qu'ils tombent dans une autre catégorie; ils représentent un risque plus élevé. Par conséquent, les deux pourcentages indiquent en fait que le système fonctionne relativement bien lorsqu'il fait la distinction entre ceux qui doivent faire l'objet d'une libération d'office et ceux qui doivent faire l'objet d'une libération conditionnelle. Les cas les moins graves et les gens qui risquent de se comporter comme il le faut bénéficient d'une libération conditionnelle totale, comme le système est censé le prévoir. Ceux qui présentent plus de risques bénéficient d'une libération d'office un peu plus tard au cours de leur peine.

• 1715

M. Peter MacKay: Ce n'est pas du tout comme cela que je l'interprète. D'après moi, il y a 10 p. 100 de personnes de plus—en libération d'office qui ont fait l'objet d'une révocation—que de personnes en libération conditionnelle totale.

M. Willie Gibbs: Si je vous comprends bien, monsieur MacKay, vous dites que si ceux qui font l'objet d'une libération d'office étaient libérés un peu plus tôt dans le cadre d'une libération conditionnelle, leur manquement aux conditions serait moindre, n'est-ce pas? Ils feraient l'objet d'une libération conditionnelle au lieu d'une libération d'office. À mon avis, si l'on procédait de la sorte, je crois que le pourcentage de manquement aux conditions de ceux qui sont en libération conditionnelle augmenterait.

Pour la libération d'office, cela paraîtrait mieux, peut-être, mais le résultat ne serait pas aussi bon pour la libération conditionnelle totale.

Le président: Monsieur Saada.

M. Jacques Saada: Il ne fait aucun doute, je crois, que nous voulons tous ici essayer de trouver une façon d'améliorer la situation. C'est très clair. Nous avons des principes, et parfois nous n'en avons pas, mais nous poursuivons toujours le même objectif.

Ma question se rapporte à la recommandation que vous faites ou aux exemples que vous donnez en matière d'amélioration. Je vais peut-être adresser cette question à M. Fournier, mais les deux autres interlocuteurs pourront également intervenir s'ils le souhaitent. Vous dites, à la page 3 de votre exposé:

    Parmi les options possibles, mentionnons une surveillance plus intensive dans la collectivité ou un traitement plus intensif en établissement au début de la peine.

Ai-je raison de supposer que ce sont des recommandations faites plus pour le côté administratif du fonctionnement du Service correctionnel et de la Commission nationale des libérations conditionnelles que pour des changements législatifs requis à cet égard?

M. Jean Fournier: C'est exact, monsieur Saada. Il s'agit essentiellement de changements non législatifs qui s'appuient sur nos observations ainsi que sur nos consultations à l'échelle du pays, qui indiquent essentiellement que le système fonctionne bien à l'heure actuelle et que, avec quelques améliorations, quelques rajustements, il pourrait fonctionner encore mieux. Les genres de suggestions ou d'exemples qui nous ont été donnés visent effectivement une surveillance améliorée et plus intensive dans la collectivité et un soutien dans la collectivité, dans la rue; des programmes plus intensifs, y compris les traitements; une meilleure évaluation du risque dans les établissements. C'est le genre de message que j'ai transmis un peu plus tôt dans mes remarques.

M. Jacques Saada: Dans ce cas-là, serait-il raisonnable de supposer—bien sûr, si nous laissons de côté les ressources financières—qu'il s'agit de quelque chose susceptible d'être mis en oeuvre, indépendamment des décisions que nous pourrions prendre en ce qui concerne les modifications de nature administrative? Si tel est le cas, recommanderiez-vous—et je ne dis pas que je serais d'accord, mais je pense avec vous à haute voix—que cela s'inscrive dans le cadre de la recommandation que nous ferions, soit mettre en oeuvre ces genres de mesures et les évaluer au moment du prochain examen de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition?

M. Jean Fournier: Je suis tout à fait en faveur de cette approche qui, à mon avis, est pragmatique, progressive et correspond avec celle adoptée au cours des 10 à 25 dernières années et qui consiste à améliorer le système progressivement, en fonction de l'expérience acquise et des résultats de la recherche.

Pour répondre autrement, je dirais que si le gouvernement nous proposait quelques fonds supplémentaires, je préférerais les utiliser de manière à assurer une surveillance plus intensive dans la collectivité, les investir dans des groupes communautaires qui aident le Service correctionnel et la Commission nationale des libérations conditionnelles, au lieu de les utiliser pour construire davantage d'établissements et de prisons dans notre pays.

M. Jacques Saada: Ai-je encore du temps?

Le président: Oui.

M. Jacques Saada: D'après certains témoins, il arrive que ceux qui sont libérés surchargent les installations ou les services offerts à toute la population—je veux parler de ceux qui bénéficient d'un genre de mise en liberté sous condition. En fait, ils empêchent d'autres personnes à avoir accès aux services. Pensez-vous que ce soit exact ou justifié?

Comm. Ole Ingstrup: Je ne suis pas sûr de parfaitement comprendre la question.

M. Jacques Saada: Vous avez des ressources dans un secteur donné.

Comm. Ole Ingstrup: Oui.

M. Jacques Saada: Lorsque les gens sortent de prison,...

Comm. Ole Ingstrup: Techniquement parlant.

M. Jacques Saada: Oui, en cas de libération de ce genre, ils se rendent dans ces centres. Ils n'ont pas encore prouvé qu'ils veulent véritablement améliorer leur situation. En même temps toutefois, ceux qui bénéficient d'autres sortes de mise en liberté sous condition ont besoin de ces services et n'y ont pas accès à cause du manque de place. Est-ce exact?

• 1720

Le président: Je crois que M. Saada fait allusion à un témoignage entendu par le sous-comité selon lequel la libération d'office avec assignation à résidence surcharge les maisons de transition, etc.

Comm. Ole Ingstrup: C'est exact. C'est tout à fait vrai. Comme je l'ai dit, nous avons augmenté le nombre des ordonnances d'assignation à résidence de plus de 800 p. 100; la Commission nationale des libérations conditionnelles et le Service correctionnel examinent si elles sont nécessaires, si c'est une bonne façon d'utiliser les ressources. Quelques changements ont été apportés ces derniers temps.

Ce qui est important toutefois, c'est que nos prisons ne sont pas aussi surpeuplées aujourd'hui, car la criminalité diminue au Canada. Le nombre des admissions recule, ce qui est fort encourageant.

Par ailleurs, dans certains secteurs, nous manquons un peu de programmes. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas les ressources, c'est parce qu'il n'y pas assez de spécialistes, qu'il y a un nombre limité de personnes qui peuvent faire du travail de qualité auprès des délinquants sexuels; nous ne voulons pas faire intervenir des amateurs dans ce domaine, ce travail devant être fait par des spécialistes. Nous investissons dans des secteurs où nous pouvons trouver...

M. Jacques Saada: Qu'en est-il des régions éloignées?

Comm. Ole Ingstrup: Les régions éloignées? Eh bien, cela relève davantage de la collectivité et nous évaluons le risque en fonction du genre de collectivité dans laquelle va retourner la personne en question. Bien sûr, il est beaucoup plus facile de gérer le risque si un spécialiste peut s'occuper de la personne dans la collectivité où elle est libérée. Cela fait partie de l'évaluation du risque présentée par la Commission nationale des libérations conditionnelles.

Le président: Merci.

M. Jean Fournier: Si vous permettez, monsieur le président...

Le président: Oui.

M. Jean Fournier: ... dans ma réponse aux questions de M. Saada, en soulignant l'efficacité d'un régime correctionnel et l'importance d'un régime correctionnel au sein de la collectivité, je n'ai pas voulu dire que certaines des préoccupations et des propositions faites, par exemple, par M. Wappel, à propos de l'introduction par effraction, ne devraient pas être prises en compte. Il s'agit de questions importantes qui ont été soulevées et qu'il faudra sans doute examiner à l'avenir en fonction de certaines des approches ou des critères retenus par la Commission nationale des libérations ou par le Service correctionnel du Canada.

Le président: Merci, monsieur Fournier.

[Français]

Madame Venne.

Mme Pierrette Venne: Des témoins ont soutenu devant le sous-comité que la véritable raison de la mise en liberté d'office était que ce type de libération constituait une importante mesure permettant de réduire la population carcérale. Que pensez-vous de cet argument? Allez-vous oser dire que cela peut être vrai?

Une voix: Non.

Comm. Ole Ingstrup: Ce n'est pas vraiment une question de gestion de la population, parce que si on change la loi, il va falloir qu'on construise des institutions pénitentiaires. À l'heure actuelle, on a assez de cellules et assez de lits pour les gens qui sont là.

Mme Pierrette Venne: Avec le système actuel.

Comm. Ole Ingstrup: Oui, c'est ça.

Mme Pierrette Venne: Oui, mais si on le change...

Comm. Ole Ingstrup: Si on le change, cela va nécessiter beaucoup de construction.

Mme Pierrette Venne: Donc, si on fait une déduction facile avec ces deux prémisses, on peut dire que cela contribue effectivement à vider les pénitenciers.

Comm. Ole Ingstrup: Cela ne va pas contribuer à vider les institutions. Les institutions ne sont pas totalement remplies partout au Canada à l'heure actuelle, mais si on change la loi et si nos présomptions sont réalistes, 80 p. 100 des détenus n'obtiendront pas une libération conditionnelle. Dans ce cas, on aurait besoin de 2 500 cellules de plus.

Mme Pierrette Venne: Vous dites la même chose, mais en d'autres mots. J'ai compris. Merci.

Avez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Fournier?

M. Jean Fournier: J'ajouterais simplement que le système actuel, que nous connaissons bien et qui est relativement bien rodé, repose sur la notion que relâcher les détenus dans la communauté sous une forme de supervision est le meilleur système et la meilleure façon de procéder en ce qui a trait à la sécurité publique. Si notre préoccupation première est la sécurité du public et qu'on tient compte que tous ces détenus vont tôt ou tard retourner dans la communauté, le plus tôt on les retourne dans la communauté sous une forme de supervision communautaire, en utilisant les ressources communautaires existantes, le mieux ce sera pour le public en bout de ligne.

Le président: Merci, madame Venne.

[Traduction]

Monsieur Grose.

• 1725

M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

Je ne veux pas vous ennuyer avec les pourcentages. Comme vous le savez, je les change au fur et à mesure.

J'ai une question rapide, directe, qui s'adresse essentiellement à M. Gibbs, mais j'aimerais que les deux autres interlocuteurs me répondent également. Ne serait-il pas plus simple de laisser le jugement aux juges, lesquels imposent la peine qui, à leur avis, est celle qui convient, et de laisser la libération conditionnelle ou la libération anticipée à la Commission nationale des libérations conditionnelles? Si nous discutons de tout cela aujourd'hui, c'est uniquement parce que nous mélangeons ces deux aspects de la question. Répondez-moi franchement. Si le système ne marche pas, ce n'est pas votre faute, mais la nôtre. Par conséquent, dites-moi s'il ne vaudrait pas mieux simplifier le système?

M. Willie Gibbs: J'imagine qu'idéalement, il vaudrait la peine de s'y arrêter. Mais comme je l'ai dit à plusieurs reprises—et j'ai parlé de la réduction de peine légale, de la réduction méritée de peine et de la liberté surveillée—je ne pense pas que l'on puisse tout simplement oublier 40 années d'histoire. C'est ce que je pense. Idéalement, ce serait peut-être une façon de procéder.

Le président: Merci. Y a-t-il d'autres observations?

M. Jean Fournier: Je répéterais simplement ce que j'ai dit plus tôt. En général, le système actuel marche bien et je crois qu'on essaie de l'améliorer pour faire en sorte que les Canadiens se sentent davantage en sécurité, au lieu d'apporter un changement radical, ce qui, à notre avis, n'est pas justifié.

M. Ivan Grose: Monsieur Ingstrup.

Comm. Ole Ingstrup: Puisque vous insistez sur ce point, je dirais qu'à mon avis, on ne peut pas avoir de système—je n'en ai vu nulle part ailleurs—où les juges décident de la peine qui s'impose en attendant que la Commission des libérations conditionnelles décide d'autre chose. Cela n'existe pas. La notion de peine doit comporter un élément de réalité.

Dans la plupart des pays, une date d'admissibilité est prévue et sert de point de départ à la Commission des libérations conditionnelles. Au Canada, à cause de la complexité historique, comme nous l'a souligné M. Gibbs, deux dates d'admissibilité sont prévues, en fonction de deux critères différents. C'est le résultat de l'histoire. Par conséquent, cette différence mise à part, notre système fonctionne grosso modo comme ceux que l'on retrouve dans la plupart des autres pays.

Je crois qu'il importe de dire, si vous permettez que je termine sur ce point, monsieur le président, qu'il ne faut jamais oublier que tout nouveau système législatif doit en fait améliorer les résultats.

À l'instar de M. Fournier, je pense qu'il faut mettre l'accent sur la formation au niveau des programmes tout en continuant à beaucoup investir dans la recherche, laquelle peut nous ouvrir de nouvelles portes. Il ne faut pas oublier que la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement ne s'explique pas par le fait que le gouvernement ne veuille pas nous donner de l'argent pour davantage de programmes, mais simplement par le fait que notre connaissance des mécanismes humains s'arrête là pour l'instant. C'est la recherche qui va nous permettre d'élargir nos horizons.

M. Ivan Grose: Merci. Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Grose.

Nous arrivons presque au terme de notre séance, mais je vais brièvement céder la parole à M. MacKay, puis à M. Wappel, avant de terminer.

M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

Au sujet de l'affectation des ressources, j'aimerais bien savoir jusqu'à quel point vous êtes au courant des programmes et de leur mise en oeuvre. Il n'y a rien de plus facile que de dire que nous voulons tous que les programmes répondent aux besoins, que la surveillance au sein de la collectivité se fasse comme il se doit et que la Société John Howard et des groupes comme elle puissent travailler auprès des délinquants.

J'ai déjà entendu des juges déclarer en audience publique que le délinquant doit suivre un programme de traitement, un programme particulier pour délinquants sexuels et qu'il va être placé sous la surveillance de la collectivité; le shérif fait sortir le délinquant de la salle d'audience et rien ne se passe, les programmes n'existant pas dans certaines régions rurales du Canada ou le délinquant n'ayant jamais accepté de les suivre. Même si le programme existe, il est toujours possible que le délinquant ne veuille tout simplement pas y prendre part.

• 1730

En général, dans le cadre de vos diverses fonctions, savez- vous si ces programmes sont accessibles? Malgré les meilleures intentions du monde, sont-ils véritablement accessibles?

Comm. Ole Ingstrup: Monsieur le président, monsieur MacKay, ces programmes existent bel et bien, mais ne me satisfont pas à 100 p. 100. Il y a toujours les limites, comme je le disais plus tôt.

Beaucoup de points sont à envisager. Il y a 10 ou 15 ans, nous avions deux programmes pour le traitement des délinquants sexuels; aujourd'hui, nous en avons plus de 100. Les programmes relatifs aux drogues et à l'alcool et les programmes visant les Autochtones existent dans pratiquement tous les établissements. La recherche fait état de baisses remarquables du taux de récidive: par exemple, grâce à l'éducation de base des adultes, baisse de 21 p. 100; grâce à l'emploi en prison, baisse de près de 27 p. 100; pour l'abus d'intoxicants, baisse de 31 p. 100; et ainsi de suite. Je crois que vous avez ces documents.

Par ailleurs, pour répondre véritablement à votre question, je dirais que par suite de certaines séances de ce comité il y a deux ans environ, j'ai commencé à me demander comment s'assurer que les programmes axés sur les délinquants sexuels, les programmes de formation etc., sont vraiment à jour et correspondent à ce que nous pouvons faire de mieux. Étant avocat, tout comme vous, je ne savais pas vraiment comment évaluer ces programmes. Nous avons donc mis sur pied un programme d'accréditation où des groupes d'experts de l'étranger examinent nos programmes et peuvent m'assurer que les programmes que nous offrons sont à jour, correspondent au niveau des connaissances actuelles et sont offerts en fonction de leur objectif.

Le président: Merci, monsieur Ingstrup.

Monsieur Wappel, vous avez le temps de poser une dernière question.

M. Tom Wappel: En réponse à Mme Venne, monsieur Ingstrup, vous avez dit que si le système devait changer, il faudrait construire plus de prisons.

Cette observation m'intrigue, car elle sous-entend que, en cas d'abolition ou de changement du concept de libération d'office, vous supposez tout naturellement que la Commission nationale des libérations conditionnelles ne libérerait pas certains de ceux qui bénéficient actuellement d'une libération d'office. Toutefois, l'article 102 de la loi stipule que la Commission peut autoriser la libération conditionnelle si elle est d'avis qu'une récidive du délinquant ne présentera pas un risque inacceptable pour la société. En théorie donc, si, comme vous le craignez, la Commission nationale des libérations conditionnelles ne libérait pas ces gens qui autrement bénéficient d'une libération d'office, ne faudrait-il pas que ces gens ne soient de toute façon pas libérés, étant donné que leur libération compromet la sécurité du public?

C'est la seule façon dont je peux interpréter vos propos: si le système change, il faudra construire plus de prisons. Ai-je raison de dire que d'après vous, si l'on change la notion de libération d'office, la Commission nationale des libérations conditionnelles, en vertu de ses directives, ne libérera pas ceux qui bénéficient actuellement de la libération d'office?

Comm. Ole Ingstrup: Il me semble que vous dites assez bien ce que je pense: si nous abolissons les dispositions relatives aux deux tiers de la peine et disons simplement que la Commission nationale des libérations conditionnelles doit exercer le même jugement que celui qu'elle exerce actuellement dans le contexte de la libération conditionnelle totale, cela va se traduire par une augmentation importante de la population carcérale.

Si je le prétends, monsieur, c'est parce que pour la Commission nationale des libérations conditionnelles, il est toujours beaucoup plus difficile d'évaluer à l'avance qui est susceptible de commettre une nouvelle infraction que pour nous, de dire après coup, qu'il y en a très peu. Un plus grand nombre de personnes seront naturellement incarcérées, vu que notre capacité d'évaluation avec ce genre de certitude n'existe tout simplement pas. C'est un jugement de la part de la Commission nationale des libérations conditionnelles et pour qu'elle puisse faire son travail consciencieusement, on finira par avoir beaucoup plus de personnes en prison. D'après moi, cela équivaudrait à 2 000 personnes de plus environ.

Je ne sais pas ce que l'on pense du président de la Commission nationale des libérations conditionnelles, mais son point de vue est très clair—il l'a exprimé aujourd'hui—un plus grand nombre de détenus ne seraient pas libérés.

M. Tom Wappel: Il s'agit de ceux qui, d'après la Commission nationale des libérations conditionnelles, dans sa sagesse, ne devraient pas être libérés, afin d'assurer la protection de la société. Pourtant, ils sont tout simplement libérés en vertu de la libération d'office uniquement parce qu'ils y ont droit.

Comm. Ole Ingstrup: Non, monsieur, ce n'est pas aussi simple. Nous examinons leurs dossiers, mais c'est...

• 1735

M. Tom Wappel: C'est impossible. Permettez-moi de donner l'exemple d'un homme qui est condamné à six ans de prison pour introduction par effraction. Il ne prend part à aucun programme; il participe à une émeute de prison; il n'a pas d'antécédents d'infraction violente ou d'infraction sexuelle. Il a été condamné à six ans de prison. Quatre années passent et il est libéré.

Comm. Ole Ingstrup: Mais, monsieur...

M. Tom Wappel: Cela ne fait aucun doute, n'est-ce pas?

Comm. Ole Ingstrup: À moins que...

M. Tom Wappel: Alors que la Commission nationale des libérations conditionnelles pourrait dire: Nous ne croyons pas que cet homme soit un bon candidat, car il est probable qu'il récidive, si bien que nous n'allons pas le libérer. En vertu de la libération d'office, on n'a pas ce choix, cet homme doit être libéré.

Est-ce que je trompe au sujet de cet exemple?

Comm. Ole Ingstrup: Oui.

M. Tom Wappel: Comment?

Comm. Ole Ingstrup: Une disposition de la loi prévoit que si juste avant la libération du détenu, nous croyons qu'il va commettre une très grave infraction, pas une introduction par effraction, mais...

M. Tom Wappel: Non, je veux parler d'introduction par effraction. Je vous ai donné un exemple très précis.

Comm. Ole Ingstrup: Non, nous...

M. Tom Wappel: J'ai raison, n'est-ce pas? Une personne coupable d'introduction par effraction purge quatre années de sa peine de six années et peut ensuite sortir de prison, n'est-ce pas?

Comm. Ole Ingstrup: À moins que nous croyions qu'elle va commettre une très grave infraction.

M. Tom Wappel: Mais si vous croyez qu'elle va commettre une introduction par effraction, elle est libérée.

Comm. Ole Ingstrup: C'est exact.

M. Tom Wappel: Merci.

Comm. Ole Ingstrup: Monsieur, le résultat, c'est que...

M. Tom Wappel: Merci.

Comm. Ole Ingstrup: ... je vous l'ai déjà dit.

Le président: Merci. Nous devons terminer maintenant.

Je remercie les témoins, M. Ingstrup, M. Fournier et M. Gibbs. Merci d'être venus.

Un autre comité va utiliser cette pièce sous peu si bien que je vais demander aux gens de sortir le plus rapidement possible.

[Français]

On va recommencer à 19 h 30, à la pièce 209 de l'édifice de l'Ouest.

La séance est levée.