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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 21 mars 2002




Á 1105
V         Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.))
V          M. Steve Sullivan (président et directeur général, Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes)

Á 1110

Á 1115
V         Le président
V         M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne)
V          M. Steve Sullivan
V         M. Chuck Cadman
V         M. Steve Sullivan

Á 1120
V         M. Chuck Cadman
V         Le président
V         M. Lanctôt
V         M. Steve Sullivan
V         M. Lanctôt
V         M. Steve Sullivan
V         Le président
V         M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.)

Á 1125
V         M. Steve Sullivan
V         M. Paul Harold Macklin
V         M. Steve Sullivan
V         M. Paul Harold Macklin
V         M. Steve Sullivan
V         M. Paul Harold Macklin
V         M. Steve Sullivan
V         M. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         M. Chuck Cadman

Á 1130
V         M. Steve Sullivan
V         
V         M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.)
V         M. Steve Sullivan
V         M. Ivan Grose
V         Le président
V         M. Lanctôt

Á 1135
V         M. Steve Sullivan
V         Le président
V         M. Chuck Cadman
V         Le président
V         Dr Chris Webster

Á 1140
V         Le président
V         M. Chuck Cadman
V         Dr Chris Webster

Á 1145
V         Le président
V         M. Lanctôt
V         Dr Chris Webster

Á 1150
V         Le président
V         M. Paul Harold Macklin
V         Dr Chris Webster

Á 1155
V         M. Paul Harold Macklin
V         Dr Chris Webster

 1200
V         M. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         M. Chuck Cadman
V         Dr Chris Webster
V         Le président
V         M. Ivan Grose
V         Dr Chris Webster
V         M. Ivan Grose
V         Dr Chris Webster

 1205
V         
V         Le président
V         M. Lanctôt
V         Le président
V         Dr Chris Webster

 1210
V         M. Lanctôt
V         Dr Chris Webster
V         M. Lanctôt
V         Le président
V         M. Paul Harold Macklin
V         Dr Chris Webster
V         M. Paul Harold Macklin
V         Dr Chris Webster

 1215
V         M. Paul Harold Macklin
V         Dr Chris Webster
V         M. Macklin
V         Le président
V         M. Lanctôt
V         Dr Chris Webster
V         Le président
V         Dr Chris Webster
V         M. Lanctôt
V         Dr Chris Webster
V         Le président
V         M. Chuck Cadman
V         Dr Chris Webster

 1220
V         M. Chuck Cadman
V         Dr Chris Webster
V         Le président
V         M. Steve Sullivan
V         Dr Chris Webster
V         Le président
V         M. Ivan Grose
V         M. Steve Sullivan
V         M. Ivan Grose
V         M. Steve Sullivan
V         M. Ivan Grose

 1225
V         Le président
V         M. Lanctôt
V         Le président
V         Dr Chris Webster
V         M. Steve Sullivan
V         Le président

 1230
V         Dr Chris Webster
V         Le président
V         Dr Chris Webster

 1235
V         Le président
V         Dr Chris Webster
V         Le président
V         Dr Chris Webster
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 072 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 21 mars 2002

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Bonjour et bienvenue à tous.

    Je déclare ouverte la 72e séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. L'ordre du jour est, conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre du 26 février 2002, l'examen prévu dans la loi des dispositions du Code criminel sur les troubles mentaux.

    Je crois savoir que l'avion qui amène les témoins de St. Joseph's Healthcare a un peu de retard et ces derniers devraient arriver vers 11 h 30. Je propose donc d'entendre d'abord Steven, le président du Centre canadien de ressources pour les victimes de crime. Steven connaît bien notre petit groupe.

    Nous allons donc entendre l'exposé de Steven Sullivan—excusez-moi d'être aussi familier—et nous accueillerons ensuite les autres témoins quand ils arriveront.

    Monsieur Sullivan.

+-

     M. Steve Sullivan (président et directeur général, Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes): Merci, monsieur le président. Je remercie le comité de nous avoir donné la possibilité de parler de ce sujet important.

    Je sais que le comité s'apprête à entreprendre un examen général des dispositions du Code criminel concernant les troubles mentaux; notre expérience dans ce domaine est en fait très limitée; nos commentaires seront donc brefs. Ils vont porter sur quelques aspects importants, dont l'un est, ce qui n'est pas surprenant, la participation des victimes du crime au processus, et le deuxième, la question de la durée maximale, un sujet sur lequel le comité a déjà entendu un certain nombre de témoins. Le troisième traite d'une recommandation plus large qui concerne les délinquants susceptibles de représenter un risque élevé et le rôle que notre système de santé mentale peut éventuellement jouer dans ce domaine ainsi que la façon dont le comité pourrait poursuivre par la suite l'étude de cette question.

    La situation des victimes du crime dans le contexte des dispositions relatives aux troubles mentaux a été abordée, comme vous le savez, dans le projet de loi C-79, qui a été adopté par le gouvernement fédéral en 1999. Ces dispositions permettent aux victimes de présenter une déclaration au tribunal et à la commission d'examen, à la suite d'un verdict de non-responsabilité criminelle; les victimes peuvent également, comme les autres membres du public, assister aux audiences de la commission d'examen.

    Les craintes qu'éprouvent les victimes du crime lorsque l'accusé est déclaré non responsable pénalement sont en fait les mêmes que lorsque l'accusé est déclaré sain d'esprit par les services de santé. Les victimes veulent obtenir de l'information, elles veulent être protégées, elles veulent être sûres d'être en sécurité et souhaitent participer au processus.

    Dans le rapport intitulé En constante évolution: la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, préparé par le sous-comité qui examinait la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, on trouve un excellent résumé de ce que souhaitent les victimes:

    

…les besoins des victimes ne sont généralement pas compliqués: elles veulent de l'information sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ainsi que sur l'évolution de l'affaire à laquelle elles ont été involontairement mêlées. Elles veulent se faire entendre aux différentes étapes du processus correctionnel et de mise en liberté sous condition. Elles veulent des correctifs là où ces droits ne sont pas respectés.

    Je dirais que ces besoins sont très semblables à leurs besoins à l'égard des services de santé mentale. C'est pourquoi nous recommandons d'élargir le droit des victimes de choisir la façon de présenter leurs déclarations au cours des enquêtes sur sentence. Nous recommandons que les témoins soient autorisés à présenter oralement leurs déclarations. À l'heure actuelle, elles ne peuvent présenter, à ce que je sais, que des déclarations écrites.

    Nous aimerions également que les victimes soient avisées des audiences de la commission d'examen. Je sais que ces organismes relèvent des provinces, mais le gouvernement fédéral a fait une déclaration importante dans la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents lorsqu'il a stipulé que les victimes devaient être informées des poursuites intentées en vertu de cette loi. Je recommande que le comité envisage également d'appliquer cette mesure à cette disposition.

    Je vais aborder en deuxième lieu la question de la durée maximale de l'internement. Comme vous le savez tous certainement, cette disposition n'a jamais été adoptée mais elle figure dans le Code criminel. Les dispositions relatives à la durée maximale ont suscité de nombreuses questions lorsqu'elles ont été adoptées dans le cadre de ce projet de loi plus large. Le rapport du groupe de travail fédéral-provincial-territorial sur les délinquants violents à risque élevé recommandait en 1995 que les dispositions relatives à la durée maximale fassent l'objet d'un examen avant d'entrer en vigueur.

    Nous connaissons au moins deux enquêtes, l'enquête sur l'affaire Dennis Kerr et l'enquête sur l'affaire Christopher Stephenson, qui concernent toutes les deux l'Ontario, qui ont soulevé des questions concernant les dispositions relatives à la durée maximale. L'enquête sur l'affaire Stephenson recommandait que ces dispositions ne soient adoptées que si elles étaient combinées à une loi sur la protection communautaire qui autoriserait la présentation aux tribunaux d'une demande visant à maintenir en détention un délinquant violent à risque élevé sur le point d'être libéré.

    Au cours de l'enquête sur l'affaire Kerr, le jury a exprimé le désir de renforcer et d'appuyer la recommandation sur la durée maximale formulée lors de l'enquête sur l'affaire Stephenson et il a également recommandé qu'une loi uniforme sur la santé mentale soit adoptée avant que n'entrent en vigueur les dispositions relatives à la durée maximale. Comme vous le savez, chaque province a adopté sa propre loi sur la santé mentale et il n'existe pas à l'heure actuelle de loi uniforme dans ce domaine.

Á  +-(1110)  

    L'établissement d'une durée maximale pour l'internement est devenu un problème pour les victimes et les services policiers en général en 1994, lorsque Denis LePage a soumis cette question aux tribunaux. C'est un accusé qui souffrait de troubles mentaux et qui avait été détenu pendant de nombreuses années; il soutenait que, s'il avait été jugé par le système de justice pénale, il aurait déjà été remis en liberté. Je travaillais à l'époque avec les Victimes de violence et l'Association canadienne des policiers, qui cherchait à obtenir le statut d'intervenant dans cette affaire, nous a contactés à ce sujet. L'association a obtenu le statut d'intervenant, ainsi que CAVEAT et les Victimes de violence.

    Comme vous le savez sans doute également, l'affaire LePage a été portée devant la Cour suprême, avec d'autres affaires du même genre. La cour a prononcé en 1999 sa décision dans l'affaire Winko, qui concernait aussi d'autres affaires connexes. La Cour suprême a confirmé la validité des dispositions du Code criminel en matière de troubles mentaux même si les dispositions sur la durée maximale n'ont jamais été promulguées. La cour a déclaré que, si la personne internée ne représente pas un danger pour la population, elle doit être relâchée aux termes des dispositions actuelles. Par contre, si elle constitue un danger, il me semble illogique de la libérer.

    On a soutenu que les accusés souffrant de troubles mentaux sont traités de façon inéquitable parce qu'ils peuvent être internés plus longtemps que les autres accusés. Les dispositions relatives aux troubles mentaux sont fondées sur l'idée que ces accusés font partie d'une catégorie différente et il ne me paraît pas illogique de les traiter différemment des autres accusés.

    Comme vous le savez, il y a aussi la disposition relative aux accusés violents souffrant de troubles mentaux qui a été adoptée avec les dispositions relatives à la durée maximale. Cette disposition n'a jamais été promulguée. Elle visait les contrevenants qui constituent encore un danger pour la population lorsqu'ils ont purgé une peine de durée déterminée. Mais tout comme les dispositions actuelles relatives aux délinquants dangereux du Code criminel, il faut présenter cette demande au moment de la sentence. Il est difficile pour la Couronne de prévoir si un accusé sera encore dangereux dans 10 ans ou plus. C'est pourquoi nous pensons que cette disposition ne règle pas le problème que soulèvent les dispositions relatives à la durée maximale.

    D'après la Cour suprême, les dispositions relatives aux troubles mentaux semblent fonctionner relativement bien même en l'absence de dispositions sur la durée maximale, et celles-ci ne sont donc pas nécessaires. Je crois que l'on ferait courir un risque à la population si l'on disait qu'il faut libérer dans 10 ans, par exemple, un contrevenant souffrant de troubles mentaux, même s'il est encore dangereux.

    Le document de discussion que nous a envoyé le comité abordait certains sujets dont nous ne nous occupons pas directement. L'un concerne la question de savoir si la commission d'examen devrait avoir le pouvoir d'ordonner un examen de l'accusé avant de réviser la décision le concernant et nous pensons que ce serait une bonne chose. Cela nous paraît logique. C'est également une des recommandations qui avait été formulée par l'enquête sur l'affaire Kerr.

    L'autre sujet était celui de la défense d'automatisme. Notre position est que si l'on veut conserver ce moyen de défense, il faut qu'il soit défini par le Parlement.

    Je ne sais pas si vous avez invité cette personne à comparaître devant votre comité, mais le Peterborough Examiner a publié au mois de mars un article sur le Dr Stanley Semrau. C'est un psychiatre légiste qui a travaillé avec des accusés souffrant de troubles mentaux. Il a écrit un livre. Je n'en connais pas vraiment le contenu; je vous le mentionne simplement parce que le comité souhaiterait peut-être entendre cette personne parce qu'elle semble avoir beaucoup d'expérience dans ce domaine. Il soulève plusieurs questions au sujet des dispositions actuelles relatives aux troubles mentaux. Il affirme en fait qu'il faudrait les supprimer. Il a critiqué la défense d'automatisme et affirme que ce moyen de défense est rejeté par la plupart des psychiatres. Je pense qu'il serait utile que votre comité entende son point de vue.

    L'article mentionnait que ce psychiatre avait examiné Clifford Olson et Terry Driver. Je sais qu'il a témoigné il y a quelques années à l'audition prévue par l'article 745 dans l'affaire Olson. Terry Driver est un meurtrier qui vient d'Abbotsford. Je pense donc qu'il réside en Colombie-Britannique.

    Le dernier sujet que j'aimerais rapidement aborder—et que je recommanderais au comité d'examiner, s'il ne fait pas partie de l'examen auquel vous procédez actuellement—découle d'une promesse qui figurait dans le Livre rouge libéral de 1993. Le voici:

Avec un gouvernement libéral, les auteurs de délit sexuel qui n'ont pas été réadaptés à la fin de leur peine pourraient être remis, par décision de la justice, à des établissements de soins possédant un régime de sécurité. Cette approche a connu du succès en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas.

    Il est clair que nous n'avons pas de disposition de ce genre. Le gouvernement a présenté un projet de loi qui concernait les délinquants à risque élevé, le projet de loi C-55. C'était un très bon projet de loi et nous y étions favorables. Je pense néanmoins que la libération des délinquants sexuels qui ont purgé leur peine mais qui sont encore dangereux est un problème qui perdure. Il y a au Canada des collectivités où les services de police avisent la population lorsqu'ils libèrent ce genre de personne et ces services ont de plus en plus souvent recours aux ordonnances de l'article 810. Je pense que les services de police éprouvent des difficultés dans ce domaine et la plupart des solutions adoptées ne visent que le très court terme.

Á  +-(1115)  

    Nous savons que certains délinquants sexuels représentent un risque pour la population pendant des années après leur libération. Le Service correctionnel du Canada a pris l'initiative, dans un but de prévention, de mettre sur pied des groupes de soutien et de suivi, composés de bénévoles de la collectivité, qui travaillent avec les délinquants et les assistent dans le but de réduire le risque de récidive.

    Nous recommandons par conséquent que le comité examine la question de la libération des délinquants sexuels à risque élevé lorsqu'ils ont purgé leur peine. Certains suggèrent qu'il faudrait confier ce type de contrevenants au système de santé mentale; ils pourraient être détenus à la fin de leur peine conformément aux dispositions provinciales en matière de santé mentale.

    Je crois que l'enquête sur l'affaire Stephenson a fait ressortir le fait que les services provinciaux de santé mentale n'ont pas été conçus pour ce genre de délinquant. Ils ont été prévus pour les internements à court terme mais pas pour traiter ce genre de délinquant sexuel. L'enquête sur l'affaire Stephenson a examiné le cas d'un individu, Joseph Fredericks, qui a passé la plus grande partie de sa vie d'adulte dans les établissements psychiatriques de l'Ontario. Il a été traité pendant tout ce temps et chaque fois qu'il a été remis en liberté, il a attaqué un autre enfant jusqu'à ce qu'il assassine finalement Christopher Stephenson.

    Il faut donc s'interroger sur la capacité des services provinciaux de santé mentale de s'occuper de ce genre de délinquants. Il s'agit là, je pense, d'un problème permanent. Le gouvernement a reconnu en 1993 que la situation était problématique et je crois que ce problème perdure encore aujourd'hui.

    Voilà donc l'essentiel de mes commentaires. Comme je l'ai mentionné, il est très rare que les victimes qui ont participé à ce processus s'adressent à nous, mais il y en a eu quelques-unes. Je crois que nous vous avons transmis les préoccupations qu'elles nous ont exprimées. Je serais heureux de répondre aux questions que souhaiteraient poser les membres du comité.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Sullivan.

    Nous allons maintenant passer à M. Cadman pour sept minutes.

+-

    M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    Merci, Steve, d'être venu témoigner encore une fois.

    Certains témoins ont proposé que l'on accorde à la commission d'examen le pouvoir d'accorder une absolution inconditionnelle lorsque l'accusé n'est pas apte à subir son procès. Nous avons entendu des opinions divergentes à ce sujet de la part des psychiatres et des membres des professions juridiques. Je me demandais si vous aviez une opinion sur cet aspect.

+-

     M. Steve Sullivan: Je dirais que cela nous préoccupe beaucoup. Nous ne nous occupons pas directement des accusés qui sont déclarés inaptes à subir leur procès, mais il me semble illogique d'accorder une absolution inconditionnelle à une personne qui est déclarée inapte à subir son procès, malgré ce qu'elle a fait. Ces personnes constituent un danger pour la population. Il me paraît approprié de les détenir ou de les suivre jusqu'à ce qu'elles soient aptes à subir leur procès, pour ensuite prendre les mesures nécessaires à leur égard. Il me semble toutefois que leur accorder une absolution inconditionnelle fait courir un danger à la population et nous nous opposerions à une telle mesure.

+-

    M. Chuck Cadman: Certains soutiennent également que l'accusé devrait pouvoir invoquer la défense d'aliénation mentale lorsqu'il a volontairement consommé une substance intoxicante. Autrement dit, cela devrait être considéré comme de l'aliénation mentale.

+-

    M. Steve Sullivan: Il est évident que les cas de toxicomanie soulèvent la question du traitement mais je trouverais inquiétant que l'on considère que l'abus volontaire d'une substance intoxicante constitue un trouble mental. Il est sûr que les personnes qui font un usage excessif de drogues et d'alcool doivent être traitées, quel que soit le système qui les prend en charge. Mais je ne pense pas qu'elles devraient être traitées comme une personne qui souffre de troubles mentaux et qui n'est pas capable de distinguer le bien du mal, par exemple. Ce sont, je crois, deux choses différentes et ces personnes devraient être traitées différemment.

Á  +-(1120)  

+-

    M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Cadman.

    Monsieur Lanctôt.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Je vous remercie de votre présence, monsieur Sullivan. Ce n'est pas par manque d'intérêt que je ne poserai pas les questions dont nous avons déjà fait le tour avec plusieurs autres témoins entendus avant vous.

    Cependant, vous avez touché un point sur lequel vous semblez avoir une opinion quelque peu contraire à celle de plusieurs témoins. Vous nous dites que la défense fondée sur l'automatisme mental devrait être précisée dans le Code criminel. Par contre, d'autres témoins nous ont dit de ne pas le faire parce que ce serait inutile, surtout après la décision Stone de la Cour suprême. On disait que l'automatisme non accompagné d'aliénation mentale est très rare et que, dans ce cas-là, la personne est habituellement très peu violente et donc peu dangereuse. Par ailleurs, si la défense de l'accusé repose sur l'automatisme accompagné d'aliénation mentale, il est de toute façon assujetti à la surveillance de la commission d'examen.

    Donc, veuillez me préciser pour quelles raisons vous demandez que ce moyen de défense soit spécifié dans le Code criminel.

[Traduction]

+-

    M. Steve Sullivan: Je pense que c'est un principe plus large selon lequel c'est au législateur de définir les notions utilisées dans le Code criminel; cela fait partie, d'après moi, d'un régime démocratique dans lequel le législateur a le dernier mot. Je ne soulève pas cette question parce que je connais des affaires où la défense d'automatisme a suscité des problèmes; des victimes m'en ont également parlé et je dirais que c'est davantage un principe général.

    J'aimerais aussi revenir sur les aspects que traite le Dr Semrau dans son livre—et je répète que je ne l'ai pas eu entre les mains mais le comité souhaitera peut-être entendre son témoignage. D'après lui, les psychiatres rejettent la défense d'automatisme. Je fais référence à un article de journal; cela n'indique pas si c'est bien ce qu'il a dit mais le comité voudra peut-être l'entendre.

    Là encore, je n'ai pas soulevé cette question parce qu'elle pose nécessairement certains problèmes; il s'agit plutôt du principe selon lequel ce genre de question doit être confiée au législateur. Ce n'est pas la common law et la jurisprudence qui devraient toujours avoir le dernier mot.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Très bien.

    Voici une dernière question, monsieur le président. Vous avez fait mention d'une loi sur la santé mentale qui serait de juridiction provinciale et qui serait uniforme. Vous savez très bien que ce serait impossible justement parce que cette matière est de juridiction provinciale.

    Par contre, si on maintient le statu quo et qu'il n'y a pas de plafond, je pense qu'on n'a pas besoin, au Québec, d'une loi qui serait la même qu'en Ontario et en Alberta, qui serait uniforme. Si on ne touche pas à la question du plafond, s'il n'y a pas de plafond et qu'on maintient le statu quo, je pense qu'on règle le problème. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

+-

    M. Steve Sullivan: Je suis d'accord avec vous. J'ai parlé d'une loi uniforme sur la santé mentale parce que, dans l'enquête sur l'affaire Kerr, qui concernait une personne internée dans un établissement psychiatrique de l'Ontario qui avait tué un autre patient du même établissement, le jury a recommandé que, si le gouvernement promulguait les dispositions relatives à la durée maximale, il fasse d'abord adopter une loi uniforme sur la santé mentale applicable à l'ensemble du pays. Je pense que votre remarque répond à cette recommandation: si nous ne promulguons pas ces dispositions, il n'est pas nécessaire d'adopter une telle loi.

    Je ne préconisais pas l'adoption d'une loi uniforme sur la santé mentale; j'ai simplement mentionné cet aspect parce qu'il a été relevé par l'enquête dont j'ai parlé. Je pense que vous avez raison: si les dispositions relatives à la durée maximale ne sont pas promulguées, je dirais que les auteurs de cette enquête reconnaîtraient qu'il n'est pas nécessaire d'adopter une loi uniforme sur la santé mentale.

[Français]

+-

    Le président: Merci, monsieur Lanctôt.

[Traduction]

    Monsieur Macklin.

+-

    M. Paul Harold Macklin (Northumberland, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci d'être venu ici.

    Pour ce qui est de la durée maximale, je vois mal comment l'on peut envisager la possibilité d'abandonner ce genre de disposition dans le cas où l'accusé souffre d'une déficience intellectuelle et où il n'existe aucun espoir de le voir se rétablir. Comment pensez-vous que l'on devrait traiter ce genre de cas? Pensons à quelqu'un qui aurait un âge mental de 11 ou 12 ans, mais aurait en réalité 25 ou 30 ans, et qui serait traduit devant les tribunaux? Je crois qu'il y a lieu de proposer l'adoption de dispositions relatives à la durée maximale pour que la décision prise à l'égard de ces personnes fixe au moins une date pour leur libération éventuelle.

Á  +-(1125)  

+-

    M. Steve Sullivan: Je suis en faveur du système actuel, qui place l'accusé en détention, à l'écart de la société, jusqu'à ce qu'il cesse d'être un risque pour la société. Est-il juste d'interner pendant des années des personnes qui souffrent d'un trouble mental qui les rend dangereuses pour la population? Sans doute que non. Il ne serait toutefois pas plus équitable de libérer ces personnes et de les laisser commettre des meurtres ou des viols.

    L'idée est que dans le système de justice traditionnel, les peines sont déterminées. La détention vise en partie à punir le détenu parce qu'il savait ce qu'il faisait et c'est pourquoi nous lui imposons une peine déterminée. Dans le cas des délinquants atteints de troubles mentaux, l'élément punition est absent. On pourrait certes soutenir que le fait de les placer à l'écart de la société constitue une forme de punition, mais ce n'est pas là l'intention des dispositions; l'intention est de protéger la société. Il faut bien entendu faire ce que nous pouvons pour protéger ces personnes. Elles devraient être détenues dans un établissement qui ne soit pas une prison, parce qu'il ne s'agit pas de les punir, mais elles ne devraient pas non plus être mises en liberté tant qu'elles constituent un danger pour la population. Si cela veut dire qu'elles ne seront jamais libérées, eh bien c'est une réalité regrettable mais qu'il faut, d'après moi, accepter.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Eh bien, je vais aller un peu plus loin. Lorsque vous parlez de danger pour la société… Si quelqu'un constitue un danger pour les biens—autrement dit, il a volé quelque chose—comment pensez-vous que l'on devrait définir la notion de danger? Vous semblez être favorable à ce que l'on interne ces gens pour le restant de leur vie. La notion de danger pour la population comporte différents niveaux. Pourriez-vous nous dire, du point de vue de la victime, quel genre de solution nous devrions envisager à ce sujet?

+-

    M. Steve Sullivan: Si la commission d'examen étudiait un dossier dans lequel le délinquant risquait de voler une bicyclette s'il était libéré, personne ne demanderait que ce délinquant soit détenu ou enfermé. Par contre, si la commission estimait que ce contrevenait risquait d'agresser sexuellement un enfant, je crois que cela justifierait l'internement de cette personne. C'est pourquoi l'on confie ce genre de décision à une commission d'examen. La commission prend connaissance de tous les éléments pertinents et décide ensuite si le danger pour la société est trop grand.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Si je vous ai bien compris, vous faites en fait une distinction entre les infractions contre les biens et les infractions contre la personne.

+-

    M. Steve Sullivan: Il est évident que, pour la plupart des gens—et pour nous aussi—c'est le danger que le contrevenant représente pour la population, le risque qu'il nuise à des personnes qui va influencer la décision de le mettre en liberté.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Si nous allons jusque-là, si nous supprimons le danger que représente une personne pour les biens… Vous parlez de cas extrêmes et je pense que nous craignons tous que ces personnes commettent des infractions graves comme le viol—je crois que vous avez utilisé ce terme—et le meurtre. Comment voyez-vous le risque que représente la personne qui a commis des voies de fait simples, autrement dit, qui a frappé quelqu'un? Cela arrive assez souvent aux personnes qui ne possèdent pas des aptitudes sociales suffisamment développées.

+-

    M. Steve Sullivan: Il me paraît pratiquement impossible de dire qu'une personne donnée risque d'en frapper une autre; de dire qu'une personne donnée risque d'agresser un enfant, ou qu'elle risque de voler une bicyclette. Je ne pense pas—et vous allez entendre des spécialistes à ce sujet—que l'on puisse placer les gens dans ce genre de catégorie. Ce genre de décision est confié à des personnes qui ont examiné le dossier du contrevenant, qui ont examiné les recommandations présentées par les médecins et par d'autres spécialistes d'après lesquels cette personne constitue un risque ou non, ou un risque gérable, comme nous le faisons dans le système normal. Les contrevenants peuvent bénéficier de la libération conditionnelle ou de la libération d'office. Les détenus risquent de commettre certaines infractions mais lorsqu'il ne s'agit pas d'une infraction susceptible de causer des lésions corporelles graves, nous disons que le risque est gérable.

    Je pense que le système de santé mentale fait cette différence. Les décisions sont, fondées sur tous les éléments du dossier. Personne ne peut dire: «Untel risque d'assommer quelqu'un; empêchez-le de le faire» et se contenter de cela. Je ne pense pas que l'on puisse faire ce genre de prévision, en tout cas pas du point de vue juridique.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci, monsieur Macklin.

    Monsieur Cadman.

+-

    M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président.

    J'ai une petite question au sujet d'une personne qui souffre de troubles mentaux, à qui un médecin a prescrit des médicaments après avoir diagnostiqué son trouble mental, qui décide à un moment donné d'arrêter de prendre ses médicaments et qui commet ensuite une infraction avec violence. Nous avons connu un certain nombre d'affaires de ce genre ces dernières années. J'aimerais savoir dans quelle mesure, d'après vous, cette personne est responsable, à quel moment peut-on dire qu'elle est responsable. Est-elle responsable ou devrait-elle pouvoir invoquer la défense d'aliénation mentale même si elle a décidé elle-même d'arrêter de prendre ses médicaments?

Á  +-(1130)  

+-

    M. Steve Sullivan: C'est une question difficile. Nous savons qu'il est possible de circonscrire le danger que représentent certaines personnes, lorsqu'elles prennent leurs médicaments. Il arrive que ces médicaments aient des effets secondaires indésirables pour la personne qui les prend. Il faut sans doute procéder cas par cas. Si la personne en question souffrait encore de troubles mentaux lorsqu'elle a oublié de prendre ses médicaments—ce genre de chose—et commettait ensuite une infraction grave, je pense que cette personne devrait tout de même pouvoir invoquer ce moyen de défense.

+-

     Lorsque la personne décide de ne pas prendre ses médicaments et commet une infraction, la situation est plus complexe, mais cette personne agit toujours en fonction de ses troubles mentaux. Du point de vue de la victime, la décision essentielle est de confier ce genre de personne au système pénal ou au système de santé mentale; si elle représente un grave danger pour la société, elle devrait être internée quelque part et mise à l'écart de la société. Cette décision doit être prise en fonction des circonstances, et je ne sais pas quelle réponse vous fournir. Nous pourrions insérer une disposition dans le code qui prévoirait que le délinquant qui décide une deuxième fois de ne pas prendre ses médicaments serait envoyé en prison. Je crois que les tribunaux devraient se prononcer cas par cas. C'est l'instance appropriée pour ce genre de cas.

    Le président: Monsieur Grose.

+-

    M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Sullivan, vous avez parlé des déclarations de la victime concernant les personnes souffrant de troubles mentaux. Je m'interroge sur la valeur que peut avoir dans ce cas la déclaration d'un témoin, parce que ce témoin ne connaît pas les troubles qui affectent l'accusé. Il me semble que l'on risque alors de parler de vengeance au lieu de tenir compte du fait que l'accusé n'est pas comme les autres. C'est une personne qui n'a pas toutes ses facultés et ce n'est pas en lui imposant une peine de cinq, dix, quinze ou vingt ans de prison qu'il faut s'en occuper.

    Je sais que c'est nous qui avons autorisé les déclarations de la victime mais j'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.

+-

    M. Steve Sullivan: Il y a un certain nombre de choses. On a craint effectivement, au moment où les déclarations des victimes ont été introduites, que ces déclarations soient utilisées par les victimes pour se venger. En fait, les études effectuées aux États-Unis ont démontré que ce n'était pas le cas. Ces déclarations décrivent l'effet qu'a eu le crime sur la victime.

    Cela serait utile, je crois, dans les cas dont a parlé M. Cadman, lorsque le contrevenant est remis en liberté et doit prendre des médicaments pour contrôler son comportement. Si la victime pouvait lui rappeler qu'il est important qu'il prenne ses médicaments, si le contrevenant pouvait voir ce qui est arrivé la dernière fois qu'il n'a pas pris ses médicaments, cela pourrait être utile pour cette personne. Pour les victimes, l'utilité serait la même; le fait de présenter une déclaration et de participer au processus a un effet cathartique. Je pense aussi que ces déclarations seraient très utiles pour la personne susceptible d'être remise en liberté et qui risque d'avoir à prendre des médicaments; celui lui rappellerait ce qu'elle fait lorsqu'elle ne les prend pas.

+-

    M. Ivan Grose: Voilà un point de vue intéressant.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Je vais voir si M. Lanctôt veut poser une autre question et nous passerons ensuite à notre témoin suivant, M. Webster.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: J'ai apprécié la question qui a démystifié la réponse que l'on vient de rendre à la question de M. Grose. J'apprécie cette réponse-là. Je me posais la même question que vous. C'était très pertinent. Mon autre question, par contre, est un peu contraire à celle de mon collègue Macklin.

    D'abord, on n'est pas là pour punir ces gens-là; au contraire, on est là pour les traiter. Même si c'est quelque chose de mineur et qu'en raison d'un manque de ressources dans le système, il était dans la rue et la société a malheureusement subi un crime, il est pris en main. Ce n'est peut-être pas dans le secteur de la santé qu'on l'a fait, mais on l'a pris en main par le biais du judiciaire et on peut le traiter. Je pense qu'on lui donne un coup de main. Il va pouvoir recevoir les traitements dont il a besoin.

    Quant à votre exemple, les statistiques disent que ce n'est qu'une infime minorité de ces gens-là, quelques exceptions seulement, qui vont rester là toute leur vie. Les autres vont sortir après quelques mois. Au moins, ils auront reçu un traitement. Si on plafonne ça, il y a un danger qu'on le fasse sortir de là avant que son traitement ne soit terminé. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. C'est un peu contraire à l'opinion de M. Macklin.

Á  +-(1135)  

[Traduction]

+-

    M. Steve Sullivan: Je pense que vous avez raison. Évidemment, nous examinons cette question en nous plaçant du point de vue des victimes d'infractions graves, mais vous avez raison, ces dispositions ont pour but de traiter ces personnes. En Ontario, la tendance est à la désinstitutionnalisation, ou du moins, c'était le cas il n'y a pas très longtemps. Il est possible de soutenir que ces personnes peuvent être contrôlées lorsqu'elles ne constituent pas un danger grave pour la population mais il faut également être sûr d'avoir raison et de les traiter. S'il est possible de leur offrir un traitement dans la collectivité, et si elles vivent dans la collectivité ou ont accès à ces traitements, c'est effectivement la chose à faire mais l'objectif est de traiter le contrevenant tout en protégeant également, dans les cas graves, la population. Ces deux objectifs ne sont pas incompatibles.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Cadman.

+-

    M. Chuck Cadman: Je voudrais faire un bref commentaire sur la question qu'a posée M. Grose au sujet des déclarations des victimes et sur la réponse que lui a donnée M. Sullivan. Il a déclaré que cela sensibilisait le contrevenant à l'importance de prendre ses médicaments et que la préparation d'une déclaration avait également un effet cathartique pour la victime. Je pense que cela sensibilise également la commission d'examen, lorsqu'elle entend la victime lui décrire l'effet qu'a eu sur elle l'infraction commise, à l'importance de veiller à ce que cette personne prenne ses médicaments. Je voulais simplement faire ce commentaire.

+-

    Le président: J'aimerais souhaiter la bienvenue au Dr Chris Webster de St. Joseph's Healthcare. Je crois savoir que vous avez été retardé.

    M. Sullivan a déjà présenté son exposé. Monsieur Sullivan, je vous invite bien sûr à demeurer avec nous.

    Si M. Webster souhaite faire un exposé, je lui signale que nous essayons de limiter ces exposés à une dizaine de minutes. Je vous ferai toutes sortes de signes étranges lorsque cette période de dix minutes sera presque écoulée.

    J'aimerais également signaler aux membres du comité que nous allons poursuivre les rondes de trois minutes après avoir entendu M. Webster et que nous pourrons donc poser des questions à nos deux témoins.

    Docteur Webster.

+-

    Dr Chris Webster (Services de psychiatrie légale, St. Joseph's Healthcare): Bonjour et merci de m'avoir invité. Je vous demande d'excuser mon retard. C'est bien sûr la faute d'Air Canada.

    Je n'ai jamais assisté à une de ces audiences. Cela paraît très solennel. Je ne suis pas habitué aux feux de la rampe.

    Je devrais peut-être vous dire quelques mots sur mes humbles origines—en respectant bien sûr la période dix minutes. Je suis psychologue de formation. J'ai toujours fait de la recherche en psychologie et je m'intéresse depuis 25 ans environ à la question de la prévision des risques, la prévision de la violence, en particulier chez les patients atteints de troubles mentaux et chez les personnes qui relèvent du système de justice pénale. Tout comme d'autres collègues l'ont fait, j'ai beaucoup écrit sur ce sujet. Naturellement, ce genre de travail s'effectue à l'intérieur du cadre juridique. C'est finalement l'élément essentiel qui oriente nos activités.

    J'ai été très intrigué de lire l'excellent résumé qui nous a été envoyé, le document décrit comme étant un examen.

    Au milieu des années 80, je faisais partie d'un groupe de chercheurs, d'avocats et d'autres personnes qui se rendaient très souvent à Ottawa pour conseiller les fonctionnaires qui travaillaient sur le projet relatif aux troubles mentaux. Nous avons été un peu surpris de voir apparaître en 1991-1992, un projet de loi qui était à peu près conforme à nos prévisions. C'est-à-dire qu'il y avait certains changements dans la terminologie et les dispositions étaient modernisées. Mais il y avait également une tentative d'y ajouter la partie 24 du Code criminel, les articles relatifs aux délinquants dangereux, ce qui nous a semblé nouveau, ou du moins, à moi. L'idée d'adopter des dispositions relatives à la durée maximale était nouvelle et certains d'entre nous ont été surpris par cette nouveauté. Je pense que nous nous attendions tous à ce que ces dispositions entrent en vigueur dans un délai d'un an environ, mais ce n'est pas ce qui s'est passé.

    Nous savions également que cette loi prévoyait que les changements, les modifications apportés au Code criminel feraient l'objet d'un examen dans cinq ans. Il me semble que c'est cet examen que vous effectuez maintenant.

    J'aimerais ajouter, avant de terminer, qu'une collègue de l'Université de Montréal, Mme Sheilagh Hodgins, et moi-même avons reçu, vers 1988, 1989 ou 1990, des fonds provenant du ministère de la Justice pour faire une étude sur ce que l'on appelait à l'époque le système des mandats du lieutenant-gouverneur. Pendant trois ans, nous avons réuni des données précises sur toutes les personnes visées par ces mandats, quelle que soit la province où elles se trouvaient. Ces données ont été réunies, classées et remises au ministère de la Justice. Nous espérions beaucoup que l'on continuerait à collecter ces données après l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions.

    Cette tâche a ensuite été confiée à Statistique Canada—c'est nous qui la lui avons confiée—mais par la suite, ce travail s'est arrêté. On a cessé de recueillir des données de façon systématique et personne n'a repris le flambeau. Autrement dit, depuis 1991-1992, depuis l'entrée en vigueur de ces changements, il me semble que nous nous basons principalement sur des impressions. Ce sont peut-être des impressions proches de la réalité, puisqu'elles viennent de parlementaires, du public, d'universitaires, et d'autres, mais nous possédons très peu de données qui nous décrivent ce qui s'est véritablement produit à la suite de ces changements importants. Cela me paraît regrettable.

Á  +-(1140)  

    La seule étude qui ait été faite sur ce groupe de personnes assez nombreux a été effectué assez récemment par Richard Schneider, un psychologue, qui est également avocat, et qui est récemment passé du côté de la magistrature, puisqu'il a été nommé juge de la Cour provinciale de l'Ontario. C'est donc Richard Schneider qui a fait la seule étude portant sur cette population, lorsqu'il était avocat. Cela a été sa dernière mission avant sa fuite dans la magistrature. Richard me pardonnera si je mentionne que c'est une étude assez superficielle; il s'agit d'un simple recensement. Elle ne permet même pas de savoir le sexe des personnes qui sont visées par ces décisions judiciaires.

    J'ai simplement essayé de vous expliquer pourquoi je m'intéresse à ce sujet, comment je suis venu à m'y intéresser et pourquoi je m'y intéresse toujours. Le Dr Stephen Hucker—qui se trouve en Allemagne en ce moment, c'est pourquoi il n'est pas ici et il vous demande de l'excuser—et moi-même avons pour cette raison préparé des réponses écrites aux questions plus précises que posait votre comité.

    Si cela vous convient, monsieur, j'aimerais m'arrêter ici.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Nous sommes heureux que vous ayez réussi à venir.

    Dr Chris Webster: Merci.

    Le président: Après les commentaires que vous avez faits au sujet d'Air Canada, nous nous demandons si vous pourrez rentrer chez vous.

    Monsieur Cadman.

+-

    M. Chuck Cadman: Merci, monsieur le président, et merci, docteur Webster, d'être venu. Je crois que ceux qui sont assis autour de cette table savent ce que peuvent faire Air Canada et les intempéries, en particulier lorsqu'il faut se rendre sur la côte ouest.

    Vos commentaires semblent indiquer que vous êtes favorable aux dispositions relatives à la durée maximale. C'est ce que j'ai compris lorsque vous avez dit que vous espériez...

+-

    Dr Chris Webster: Non, pas nécessairement, non.

    M. Chuck Cadman: Je vois.

    Dr Chris Webster: Je pense que, dans la situation actuelle, il n'est peut-être pas nécessaire de mettre en vigueur ces dispositions. Cela vient en partie des décisions récentes de la Cour suprême et du fait que le fardeau de la preuve est aujourd'hui différent. Autrement dit, les commissions d'examen sont maintenant tenues d'empêcher que ces personnes soient internées lorsque cela n'est pas justifié. Bien sûr, c'était là l'objet des dispositions relatives à la durée maximale, qui comportait également une limite fondée sur la notion d'accusé dangereux atteint de troubles mentaux.

    Je dirais donc que non, dans la situation actuelle, compte tenu de la façon dont les commissions fonctionnent maintenant... Je devrais également mentionner que je suis membre de la commission d'examen de l'Ontario, et je vois également les choses de ce point de vue; en d'autres termes, je participe au processus décisionnel. Je dirais, du moins pour ce qui est de l'Ontario, que je suis très impressionné par la façon dont fonctionne la commission, et que cela représente une nette amélioration par rapport à ce qui se faisait auparavant dans l'ancien système des mandats du lieutenant-gouverneur.

    Je dirais que les commissions, celle de l'Ontario du moins, sont très sensibles aux décisions de la Cour suprême, elles nous sont expliquées et le président de la commission nous demande d'en faire notre cadre de référence. Nous sommes donc très conscients du fait qu'il faut remettre ces personnes en liberté, lorsque leur détention n'est plus justifiée. Avec l'ancien système, comme vous le savez fort bien, il y a eu des erreurs très graves, en particulier on a détenu pendant des années des gens atteints de déficience mentale.

    Il y a eu au Nouveau-Brunswick une affaire qui remonte à une quinzaine d'années. Il s'agissait d'un jeune homme qui, à l'âge de 16 ans, a volé un sac à main. Je pense que, s'il n'avait pas été pris en charge par ce système, il aurait peut-être eu trois mois d'emprisonnement; en fait, il a été détenu pendant 10 ou 11 ans. Avec les nouvelles dispositions, je dirais qu'il est très peu probable que des personnes soient détenues aussi longtemps.

    C'est pourquoi je ne suis pas certain qu'il faille promulguer les dispositions relatives à la durée maximale, car elles sont extrêmement complexes. Comme je l'ai dit, les commissions utilisent de façon très prudente l'expression «risque important» et elles réfléchissent beaucoup au sens de cette expression.

Á  +-(1145)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Cadman.

    Monsieur Sullivan, je tiens à ce que vous vous sentiez libre d'intervenir; je ne voudrais pas que vous pensiez que c'est à l'autre témoin de parler.

    Monsieur Lanctôt.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Monsieur Webster, je vous remercie de votre présence. Votre spécialité me porte à vous poser la question suivante et à poursuivre un peu le sujet du plafond ou du maximum.

    Est-ce qu'on pourrait aller jusqu'à dire que depuis les changements survenus après l'arrêt Stone et depuis l'établissement de la commission d'examen, qui accomplit sérieusement son travail, pour ledit criminel, pour celui qu'on juge irresponsable ou inapte à subir son procès, cela peut constituer une forme de désinstitutionnalisation et même d'échappatoire? Est-ce que ça peut être une façon de remettre sur la bonne voie, avec traitements appropriés, celui qui ne prenait pas ses médicaments? Est-ce que la commission d'examen ne vient pas supplanter le système de santé? Se pourrait-il que le statu quo soit une bonne chose?

[Traduction]

+-

    Dr Chris Webster: Merci.

    Vous demandez, notamment, si en fait ces changements n'ont pas donné naissance, presque sans le vouloir, à une sorte de grand système d'ordonnances de traitement communautaire, sans que cela ait été voulu ou sans même que l'on s'en soit rendu compte à l'époque? Je pense que c'est un peu ce qui s'est produit. Je dirais que certains services ont trouvé pratique de confier ces personnes à ce que l'on pourrait appeler le système médico-légal dans le but de faire surveiller ces personnes, ce que ne prévoyaient peut-être pas toujours les lois sur la santé mentale en vigueur dans les provinces. Je crois que c'est un peu ce qui s'est produit.

    Cela a eu, je crois, un effet considérable, en Ontario certainement, parce qu'avec ces dispositions, un grand nombre de patients qui auraient été auparavant des patients «ordinaires» souffrant de troubles mentaux ont été accusés et confiés au système de justice pénale; avec l'intervention des commissions d'examen, elles ont font l'objet d'une décision judiciaire qui a eu pour effet de les maintenir dans ce système. Cela a évidemment entraîné une diminution du nombre des places dans les hôpitaux psychiatriques généraux. Tous les hôpitaux ontariens ont connu une augmentation du nombre des patients judiciaires aux dépens des autres patients psychiatriques.

    Dans un certain sens, cela a permis de résoudre certains problèmes. Grâce à ces dispositions, certaines personnes sont prises en charge et surveillées. Elles sont incitées à prendre leurs médicaments et à respecter d'autres conditions. Je crois cependant qu'il faut que le comité sache, et qu'il fasse enquête ou réfléchisse à cet aspect, que cela a entraîné des coûts, des coûts pour les provinces.

    L'Ontario a construit, ou adapté, trois ou quatre centres de psychiatrie légale à sécurité moyenne depuis l'adoption de ce projet de loi. Je ne dirais pas que c'est uniquement à cause de ce projet de loi, mais il a certainement contribué à ce résultat. Même dans un hôpital assez petit comme celui d'où je viens, le service de psychiatrie légale de l'Hôpital St. Joseph d'Hamilton, qui s'appelait auparavant l'Hôpital psychiatrique d'Hamilton, on est en train de créer une unité à sécurité moyenne. Nous avons une unité à sécurité minimale et nous sommes en train de créer une unité à sécurité moyenne. C'est ce qui s'est également produit ailleurs dans la province.

    En fait, cela n'est pas particulier au Canada. Si l'on prend l'exemple de l'Angleterre, de la Suède, de la Norvège ou de l'Allemagne, on constate que la taille des hôpitaux psychiatriques généraux a tendance à diminuer et que le nombre des lits dans les services de psychiatrie légale a tendance à augmenter. Il est évident que c'est ce qui se passe, comme je le dis, non seulement au Canada, mais dans tous les pays; cela est incontestable. C'est une tendance qu'on ne peut que constater.

    Cela vient en partie du fait que les établissements psychiatriques ordinaires ne sont pas toujours en mesure d'assurer des services de surveillance. Il me paraît important que le gouvernement fédéral sache, du moins c'est ce que je pense, qu'il a comblé une lacune, presque sans s'en rendre compte. Je ne pense pas que l'adoption du projet de loi C-30 visait ce résultat. Je ne le pense pas. Le nombre des patients pris en charge par ce nouveau système a effectivement augmenté de façon considérable. Ce nombre a été multiplié par deux ou trois. Ces chiffres se trouvent dans le rapport de Richard Schneider, pour ce qui est des données quantitatives. Il faut donc savoir qu'il a fallu développer les services de psychiatrie légale pour tenir compte du projet de loi C-30.

    Cela ne veut pas dire que je suis contre le projet de loi C-30. Je vous décris la situation comme je la vois.

Á  +-(1150)  

+-

    Le président: Monsieur Macklin.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Merci d'être venu aujourd'hui.

    Cela n'entre peut-être pas dans votre domaine de spécialité, mais je me demande comment vous considérez ceux qui ont une «déficience intellectuelle» mais qui est d'origine génétique ou traumatique par opposition à une maladie dans son sens habituel? Pensez-vous que notre système juridique traite correctement ces personnes? Autrement dit, ces personnes bénéficient-elles de la protection à laquelle elles ont droit avant que l'on décide si elles sont aptes à subir leur procès ou si elles sont responsables de leurs actes?

+-

    Dr Chris Webster: Oui, bien entendu. On sait depuis longtemps que les déficients mentaux, les retardés mentaux, sont désavantagés; c'est un grave problème. Lorsqu'il s'agit de se prononcer sur leur aptitude à subir un procès, ils sont gravement désavantagés. Et il y a aussi des gens qui ne seront probablement jamais aptes à subir leur procès. C'est une situation très triste pour les personnes, très peu nombreuses il faut le dire, qui se trouvent dans ce cas-là.

    L'élément déterminant est la gravité de l'accusation initiale. Comme vous le savez fort bien, ces aspects sont toujours reliés entre eux. Lorsque l'accusation est relativement mineure, il est probable que l'on assouplit le critère de l'aptitude. Je sais que cela est prévu dans le Code et qu'il existe trois critères, mais les tribunaux appliquent ces critères de façon judicieuse.

    C'est un problème grave—et il faut que les professionnels de la santé mentale soient très attentifs dans les cas comme celui du jeune homme de 16 ans—mais je ne pense pas que cela touche beaucoup de gens. Il y en a très peu. De nos jours, d'après ce que je constate dans mon travail clinique et à la commission d'examen, ces cas-là sont examinés très soigneusement.

Á  +-(1155)  

+-

    M. Paul Harold Macklin: Avez-vous des suggestions à faire au comité en vous fondant sur votre expérience? Vous dites que le système est assez souple pour ce qui est d'apprécier l'aptitude à subir un procès. Pensez-vous que nous devrions examiner la possibilité de modifier la façon dont on évalue à ce moment-là les besoins de l'accusé?

+-

    Dr Chris Webster: Voilà une idée intéressante. Ces nouvelles dispositions prévoient notamment que la Couronne doit démontrer après deux ans qu'il existe toujours des éléments de preuve suffisants pour ordonner que l'accusé subisse son procès. J'aimerais beaucoup savoir comment ces critères sont appliqués et s'ils le sont fréquemment.

    Autrement dit, je ne connais pas la réponse à cette question. C'est pourquoi il nous faudrait une base de données, de façon à pouvoir suivre ce genre de chose. J'aimerais savoir s'il y a des personnes handicapées mentalement qui sont prises en charge par le système mais dont le dossier ne fait pas l'objet de l'examen mentionné ci-dessus après deux ans. Il serait particulièrement important de procéder à cet examen lorsqu'il s'agit d'une infraction relativement mineure.

    Je travaille depuis plusieurs années avec des collègues de l'Université Simon Fraser sur un petit livre—j'aurais aimé vous en remettre un exemplaire—intitulé The Fitness Interview Test, FIT. C'est un petit manuel et les dernières révisions présentent les trois critères mentionnés dans le Code criminel. Ces critères y sont décrits.

    Tous les tests, toutes les échelles élaborées par des psychologues ou des psychiatres doivent être conformes au droit. Le droit est le point de départ. On peut imaginer toutes sortes d'instruments, mais s'ils ne sont pas élaborés en fonction du droit, ils ne sont pas d'une grande utilité et risquent même de nuire. Il me paraît toutefois important que les spécialistes de la santé mentale chargés de procéder à ces évaluations reçoivent une formation pour ce qui est de l'évaluation de l'aptitude à subir son procès—avec notre FIT, ou toute autre méthode généralement reconnue.

    À première vue, il semble assez facile d'évaluer l'aptitude à subir un procès. Cela semble assez simple. En fait, lorsqu'on débute cet examen et qu'on commence à examiner la complexité et la gravité de l'infraction imputée, la chose devient plus complexe. Nous pensons qu'il existe 20 éléments que l'on peut utiliser pour évaluer l'aptitude à subir son procès et qui vous permette d'en arriver à une conclusion raisonnable du point de vue de la santé mentale, conclusion qui est suffisamment solide pour être ensuite présentée au tribunal.

    L'idée d'utiliser un modèle ou un mécanisme pour évaluer cette aptitude existe depuis un certain temps. Il y avait au milieu des années 1980, un éminent psychiatre, le Dr McGarry, qui avait été placé à la tête d'un hôpital psychiatrique important dans un lieu appelé Bridgewater. Il y avait beaucoup de patients qui avaient été classés inaptes à subir leur procès. Après avoir réfléchi à la situation, il a élaboré avec des collègues ce qu'il a appelé un instrument d'évaluation des aptitudes, qu'il a ensuite utilisé sur 200 à 300 personnes.

    Ces psychiatres en sont arrivés à la conclusion que près de la moitié des patients internés dans leur établissement ne devaient pas y être. Ils ont soumis à nouveau ces dossiers aux tribunaux, en s'appuyant sur le CAI, le Competency Assessment Instrument (instrument d'évaluation des aptitudes)—sur lequel nous avons modelé notre premier test d'entrevue concernant l'aptitude à subir son procès, je dois vous le dire pour être franc—et les tribunaux ont remis en liberté près de la moitié de ces personnes. Cela a eu de grandes répercussions. On a constaté qu'il y avait beaucoup de gens que l'on détenait pendant de nombreuses années sans aucune raison valable.

    Il serait difficile de procéder par voie législative dans ce domaine, mais je pense qu'il serait néanmoins possible d'insérer quelques éléments précisant que les spécialistes de la santé mentale chargés d'effectuer ces examens, des médecins compétents, doivent utiliser des méthodes d'évaluation généralement reconnues. Comme je l'ai dit, si cela se faisait de façon systématique, cela serait d'un grand bénéfice pour les personnes visées et en fait, pour la société.

    Pensez-vous que cela pourrait vous être utile?

  +-(1200)  

+-

    M. Paul Harold Macklin: Oui, ce sera très utile. Merci.

+-

    Le président: J'ai trouvé cela très utile.

    Le président donne la parole à M. Cadman.

+-

    M. Chuck Cadman: Pour rester dans le sujet qu'a abordé M. Macklin avec ses questions, il a déjà été proposé que les commissions d'examen aient le pouvoir d'accorder une absolution inconditionnelle à un accusé inapte à subir son procès. En tant que membre d'une commission d'examen, aimeriez-vous posséder ce genre de pouvoir?

+-

    Dr Chris Webster: Je crois que oui. Les commissions d'examen, telles qu'elles sont composées à l'heure actuelle—et je crois qu'elles sont composées de façon très judicieuse—possèdent les connaissances et les compétences nécessaires pour prendre ce genre de décision. Cela supprimerait une étape. C'est une chose que je suis prêt à recommander, non seulement en me basant sur les commissions d'examen dont j'ai fait partie, mais également sur les commissions d'examen que j'ai examinées au cours de mes recherches. Je pense qu'elles ont les compétences nécessaires, en particulier depuis l'entrée en vigueur de ce projet de loi. Ramener cette personne devant le tribunal est une étape supplémentaire qui n'est pas vraiment nécessaire.

    Les membres de la commission possèdent les compétences requises. Elle est présidée par un avocat ou un juge de grande expérience, il y a un autre avocat et un psychiatre. Cela est assez impressionnant. Je ne pense pas que l'étape du tribunal soit vraiment nécessaire. Je ne sais pas si vous êtes d'accord avec moi.

+-

    Le président: Merci, monsieur Cadman.

    Monsieur Grose.

+-

    M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

    Vous avez mentionné que vous aviez fait de la recherche pendant 25 ans. J'espère que vous avez fait aussi de la recherche à partir de statistiques.

+-

    Dr Chris Webster: Oh oui.

+-

    M. Ivan Grose: Très bien. Alors finalement, est-ce que nous envoyons suffisamment de gens dans le système de santé mentale au lieu de les garder dans le système pénal? Quel est le taux de récidive? Avons-nous de meilleurs résultats que ceux que l'on obtenait il y a 10, 20 ou 30 ans? Ce sont les questions auxquelles il faut pouvoir répondre.

    Laissons de côté les personnes qui font les manchettes—les agresseurs sexuels, les pédophiles et les autres. Il faut les mettre avec les autres mais sans leur donner trop d'importance. Nous devons fournir des réponses à nos électeurs. Est-ce que cela fonctionne bien, est-ce que cela fonctionne mieux qu'avant? Pouvons-nous encore améliorer les choses? Il est toujours possible d'améliorer les choses, je le sais, mais qu'est-ce qui a changé en 25 ans?

+-

    Dr Chris Webster: Si je me base sur l'expérience que j'ai acquise à travailler pendant 25 ans dans ces systèmes, je dirais que nous avons fait des progrès, que le système est plus équitable à la fois pour les patients qui sont sous notre protection et pour la société en général. Ça ne veut pas dire, avec le recul, que nous n'avons pas commis de graves erreurs. Nous les apprenons par les journaux, et bien sûr, cela tend à déformer notre raisonnement. Mais cela est compréhensible; c'est presque un phénomène scientifique qu'on pourrait étudier.

    Il est parfois très difficile de démontrer scientifiquement et statistiquement qu'en consacrant des ressources considérables à nos patients—je parle des personnes qui souffrent de troubles mentaux et de troubles de personnalité—on pourrait vraiment améliorer les choses. On vient de publier les résultats d'une grande étude britannique qui a réparti au hasard un grand nombre de patients entre les services psychiatriques habituels et les services de surveillance intensive. Il n'y avait pas de différence, c'est ce qu'ils ont constaté. Cela peut s'expliquer pour plusieurs raisons, mais elles sont difficiles à préciser. Je vous demande de vous fier à mon intuition et je dirais qu'il faudrait étudier cette question.

    Nous avons des données pour les années 1988, 1989 et 1990. Ces données ont été mises sous clé mais elles existent. Nous devrions réussir à les trouver. Il faudrait pouvoir répondre à cette question de façon moins impressionniste et plus scientifique, sans avoir à y consacrer trop d'argent. Je pense que cela devrait vraiment être fait.

    Il faudrait également prendre note du fait, je le signale en passant, qu'il y a un petit problème dans le sens que, lorsque la commission d'examen accorde une absolution inconditionnelle à un contrevenant, nous en perdons la trace. Nous n'avons aucun moyen juridique ou moral de suivre cette personne à partir de ce moment-là. Il est presque impossible de faire enquête sur elle, parce qu'il y a que quelques personnes, peu nombreuses, qui obtiennent une absolution inconditionnelle et qui commettent deux ou trois ans plus tard une infraction grave, et nous pourrions ne pas le savoir.

    Il est toutefois possible de faire davantage en examinant la situation de façon plus systématique et plus structurée et d'obtenir le genre de réponse dont vous avez probablement besoin pour pouvoir expliquer correctement la situation à vos électeurs et pour les rassurer.

  +-(1205)  

+-

     Il y avait hier dans le Globe and Mail un article qui faisait état d'une nouvelle remarquable à savoir que, lorsqu'un hôpital offre de bons soins infirmiers, il y a moins de patients qui meurent. Le comité estime-t-il qu'il est important de savoir qu'avec de bonnes infirmières, moins de patients meurent? C'est un élément qu'il est important de savoir. Je pense que nous devons adopter le même genre d'approche. Nous devons être en mesure de connaître le taux d'échec de notre système.

    Dans une grande mesure, il est possible de répondre à cette question et nous devrions en fait avoir cette réponse. Si l'on modifie la loi, il faut le faire en fonction de considérations politiques, de l'opinion publique et de tous ces éléments, mais il faut également que ces modifications s'appuient sur des données statistiques, que nous ne possédons pas à l'heure actuelle.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Lanctôt.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Je reviens sur deux points. Monsieur Webster, vous nous dites que la compétence a sa place dans toute la société, entre autres à la commission d'examen, et je suis bien d'accord avec vous. Vous parlez de personnes ayant une formation médico-légale, donc de psychologues ou de psychiatres. On s'est fait dire que l'absence de procureurs posait un problème. Je pense que c'est un tout. Il s'agit de regarder la compétence de la commission d'examen au complet, de la rendre très compétente, mais faut-il qu'elle prenne la place du tribunal? Je me demande ce que cela ajouterait. Je pense qu'il s'agit d'avoir le meilleur rapport possible à donner aux tribunaux pour qu'ils rendent une décision bien fondée sur la compétence des personnes qui feraient partie de la commission d'examen.

    Entre autres, on nous disait hier qu'à l'Institut Pinel, au lieu d'avoir seulement un psychiatre ou un psychologue sur la commission, on devrait en avoir au moins deux, ce qui ajouterait à la transparence et à la qualité du rapport qui pourrait être rendu par la commission d'examen. Je sais qu'on a toujours le problème du manque de ressources, mais je pense que c'est un procédé qu'on pourrait indiquer, à savoir qu'il y ait un membre de plus de votre profession. Je suis moi-même avocat, mais je ne suis pas nécessairement d'avis qu'il faille remplacer quelqu'un de la profession médicale par quelqu'un de la profession juridique. Je pense qu'il y a des gens qui sont compétents dans votre domaine et je pense aussi qu'il y a des gens qui sont compétents au tribunal et qui peuvent continuer à faire leur travail.

    Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Je crois que vous payez votre commentaire au sujet de l'avocat qui est passé du côté de la magistrature.

+-

    Dr Chris Webster: C'est vrai, mais il n'a pas été tenu compte du commentaire que j'ai fait au sujet des affaires d'aptitude à subir un procès; j'ai dit que la commission était présidée par un avocat ou un juge de grande expérience et qu'un autre avocat en faisait également partie. Je crois que j'ai montré le respect qui convient à l'aspect juridique de la situation.

    Je crois que nous parlons ici du fait qu'au Québec, les commissions sont habituellement composées de trois personnes. Je crois que c'est bien ce qui se passe, ce qui veut dire qu'il y a un président, un avocat et un psychiatre. La loi précise qu'il doit y avoir au moins un psychiatre.

    En Ontario, depuis l'entrée en vigueur du projet de loi C-30, ou à peu près, la pratique a toujours été d'avoir cinq membres. Il est très rare en Ontario que la commission ne siège pas au complet. En pratique, l'Ontario utilise donc les dispositions du Code criminel telles que rédigées et ne s'en remet pas à l'existence d'un quorum. Le président exige que les cinq personnes soient présentes. En 18 mois, je n'ai jamais siégé à une commission qui n'était pas composée de cinq personnes.

  +-(1210)  

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Est-ce qu'il y a toujours deux psychiatres ou deux psychologues à la commission?

[Traduction]

+-

    Dr Chris Webster: Non. En Ontario, la commission comprend toujours un psychiatre, et parfois un deuxième psychiatre ou un psychologue. Il y a donc parfois deux psychiatres, et parfois, un psychiatre et un psychologue.

    Plusieurs psychiatres m'ont dit qu'ils préféraient avoir avec eux un psychologue plutôt qu'un autre psychiatre. L'avantage d'avoir un psychiatre est qu'il peut normalement répondre aux questions concernant la médication, ce que ne peut faire le psychologue. Par contre, les psychologues qui s'intéressent à la recherche apportent souvent un point de vue très différent.

    Je mentionne en passant que j'ai visité l'Institut Philippe Pinel l'automne dernier et que j'ai parlé à l'ensemble du personnel, aux psychiatres, aux psychologues et aux autres, de la façon dont nous effectuons l'évaluation du risque. Cet institut essaie d'utiliser ce qui se fait ailleurs au pays et il a récemment fait traduire en français notre méthode d'évaluation du risque, que l'on appelle HCR-20. Ces psychiatres vont donc commencer à utiliser une méthode standard qui est aujourd'hui assez répandue au Canada.

    Cela répond-il à votre question? Ai-je été suffisamment précis?

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Oui, je vous remercie.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Macklin.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Merci, monsieur le président.

    Vous semblez avoir voulu nous lancer un défi dans vos notes et j'aimerais vous relancer ce défi. Il s'agit du passage suivant: «Nous croyons que l'automatisme devrait être défini dans le Code criminel et que les tribunaux devraient être habilités à rendre des ordonnances de surveillance dans certains cas d'automatisme sans trouble mental».

    Premièrement, pouvez-vous nous dire quelle devrait être cette définition, et deuxièmement, quels sont le genre d'affaires et le genre d'ordonnances auxquels devrait s'appliquer la seconde partie de cet énoncé?

+-

    Dr Chris Webster: C'est une question très difficile et si mon collègue Steve Hucker était ici—il témoigne depuis des années dans tous les procès qui mettent en jeu la défense d'automatisme—il pourrait certainement vous fournir une meilleure réponse à cette question. Si vous voulez une bonne réponse à cette question, je pense que... Je ne pense pas que je pourrais vous la fournir ici...

    M. Paul Harold Macklin: Très bien.

    Dr Chris Webster: ...et je crois que je devrais renoncer à essayer de le faire.

    Je veux dire en fait que, si l'on réunissait quelques psychiatres ou psychologues judiciaires bien connus, au moins deux et quelques avocats spécialisés dans ce domaine—et il y en a plusieurs, comme vous le savez fort bien, qui ont témoigné dans des affaires comme l'affaire Parks, par exemple—qui s'intéressent vraiment à cette question, je crois qu'ils pourraient formuler une définition de l'automatisme sans trouble mental qui serait acceptable pour un comité comme le vôtre. Mais je ne pense pas que je devrais essayer d'imaginer une définition maintenant.

+-

    M. Paul Harold Macklin Pouvez-vous répondre à la deuxième partie de la question qui portait sur l'énoncé suivant: «...et que les tribunaux devraient être habilités à rendre des ordonnances de surveillance dans certains cas d'automatisme sans trouble mental» et nous dire ce que vous...

+-

    Dr Chris Webster: Il y a peut-être quelques cas—extrêmement rares—où une personne a commis un acte très violent par automatisme, et où la possibilité d'une récidive serait particulièrement horrible même si cette personne n'a aucun souvenir conscient de l'incident. Il ne semble pas déraisonnable que le tribunal puisse autoriser, dans ce genre d'affaire, un certain type de surveillance. Ces cas sont extrêmement rares mais je crois qu'il faudrait probablement prévoir ce genre de chose.

  +-(1215)  

+-

    M. Paul Harold Macklin: Merci.

    Pour poursuivre avec l'automatisme, vous dites que vous faites de la prévision de risque. Êtes-vous en mesure de prédire avec quelque certitude la répétition d'incidents d'automatisme?

+-

    Dr Chris Webster: Je ne peux pas répondre à cette question. Les bases de données statistiques que j'ai mises sur pied avec l'aide de mes collègues et d'autres personnes contiennent si peu de cas de ce genre qu'il n'est pas possible d'en faire une étude statistique.

    Par exemple, la principale base de données contient les noms de 600 personnes qui ont été examinées en 1978-1979 dans un établissement appelé le Service médico-légal de la Communauté urbaine de Toronto. Nous avons suivi ces personnes. Je serais surpris qu'il y ait dans ces 600 personnes plus de deux ou trois cas d'automatisme non démentiel.

    J'ai souligné tout à l'heure l'importance d'avoir des données statistiques générales, mais pour ce qui est de ces cas particuliers, je ne crois que l'on puisse faire beaucoup de choses sur le plan statistique. Il faut alors s'en remettre au droit.

+-

    M. Paul Harold Macklin: Merci, docteur.

+-

    Le président: Je vais faire une exception au Règlement et donner la parole à M. Lanctôt parce que cela vient compléter cette réponse.

    M. Chuck Cadman: Très bien.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Merci beaucoup.

    J'aimerais demander au Dr Hucker s'il lui serait possible de nous donner quelque chose par écrit s'il ne peut pas être ici. Hier, dans son mémoire, le Dr Morissette est venu nous dire le contraire, à savoir qu'il ne fallait pas faire de définition de l'automatisme. Il nous donnait des exemples et nous disait que la jurisprudence, depuis l'arrêt Stone, réglait bien des choses et que, dans la grande majorité des cas, la défense de l'automatisme avec aliénation est déjà surveillée par la commission d'examen et que c'est très rare lorsqu'il n'y a pas d'aliénation mentale.

    On nous disait que, lorsqu'on met une définition qui n'est pas précise ou très bonne, on crée un problème, surtout si cela est renversé par un jugement de la Cour suprême. On n'est pas toujours obligé de donner des définitions pour que ça aille bien; on peut trouver un procédé ou des critères dans un jugement. J'aimerais donc que M. Hucker, s'il ne peut pas venir témoigner, nous donne par écrit les raisons pour lesquelles, selon lui, une définition serait nécessaire.

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    Dr Chris Webster: Merci. C'est un bon commentaire. Je vais transmettre cette demande à mon collègue Steve Hucker et lui demander de vous envoyer un mot. Est-ce que cela vous convient?

+-

    Le président: Oui, ce serait...

+-

    Dr Chris Webster: J'aimerais poser une brève question à ce sujet. Vous dites que c'était le Dr Morrison?

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: C'est le Dr Morissette de l'Institut Pinel.

[Traduction]

+-

    Dr Chris Webster: Oh, Morissette. Je le connais en fait. J'aime bien savoir de qui il s'agit.

    Je vais demander au Dr Hucker de communiquer avec le comité sur cette question, par l'intermédiaire du président.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Cadman, je vous remercie encore une fois de votre générosité.

+-

    M. Chuck Cadman: On est jeudi.

    J'aimerais revenir à un sujet dont nous parlions lorsque vous êtes arrivé, docteur Webster, et c'est la question des déclarations des victimes. À l'heure actuelle, les victimes sont autorisées à présenter une déclaration à la commission d'examen qui examine le cas des accusés jugés non criminellement responsables. L'organisme que représente M. Sullivan a proposé d'autoriser les victimes à présenter ces déclarations oralement de façon à harmoniser ces dispositions avec celles du Code criminel et de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

    Ma première question est la suivante: pensez-vous que cela serait utile? J'aimerais également savoir, d'après votre expérience comme membre d'une commission d'examen, quel est le poids que vous accordez aux déclarations des victimes?

+-

    Dr Chris Webster: Il arrive que les membres de la commission d'examen, en particulier, disons, après une première audience, ne disposent pas de beaucoup d'informations. Mais habituellement, les membres de cette commission reçoivent beaucoup de renseignements au sujet du cas qu'ils vont examiner. Le dossier contient habituellement une description détaillée et complète de l'incident, il décrit les antécédents de l'accusé et des choses de ce genre.

    Je trouverais peut-être quelque peu inquiétant que l'on utilise les déclarations des victimes pour ce genre de réunion. Je mentionne cela surtout parce que je crois que ces renseignements figurent déjà au dossier. La commission examine ces dossiers chaque année. Si l'on autorisait la présentation de déclarations orales devant la commission, cela reviendrait pratiquement à rejuger chaque affaire tous les ans, à présenter tous les renseignements et à les examiner à nouveau.

    Je ne dis pas qu'il ne faut pas tenir compte de l'incident lui-même, y réfléchir et le prendre en considération, mais je serais quelque peu inquiet—et c'est là une opinion personnelle—si l'on présentait à plusieurs reprises des déclarations de la victime.

  +-(1220)  

+-

    M. Chuck Cadman: Excusez-moi, mais est-ce que la loi n'exige pas que la commission d'examen examine dans chaque cas la déclaration de la victime? Dites-vous que cela ne se fait pas toujours?

+-

    Dr Chris Webster: Je vois rarement la déclaration de la victime lorsque je siège à cette commission.

+-

    Le président: Monsieur Sullivan.

+-

    M. Steve Sullivan: Les choses se passent ainsi bien souvent parce que les services provinciaux ont du mal à obtenir des renseignements provenant d'un autre service. Par exemple, même la Commission ontarienne des libérations conditionnelles ne présente pas les déclarations de la victime aux enquêtes sur sentence. Lorsqu'il s'agit des audiences de la commission d'examen, il est très rare que les victimes soient avisées. Il n'y a personne qui les informe de la tenue prochaine d'une audience. Il n'est donc pas surprenant que les victimes ne présentent que très rarement des déclarations. Je ne pense pas que c'est parce que les victimes ne veulent pas les présenter. Elles ignorent que ces audiences ont lieu.

+-

    Dr Chris Webster: Puis-je faire un dernier commentaire sur ce point? Il y a une chose qui s'est produite depuis les changements—la réorganisation du droit qu'a apportée le projet de loi C-30—c'est qu'aujourd'hui les parents des victimes assistent très souvent aux audiences. Ils ont une place dans le processus et dans la salle d'audience. En un certain sens, c'est un aspect important, il me semble, et il est nécessaire qu'ils soient autorisés à assister à ces audiences et d'une certaine façon, leur présence a également un effet très important sur les personnes qui font face à la commission d'examen. Est-ce que je me suis exprimé suffisamment clairement? La seule présence des parents a un effet. Je me souviens d'une affaire de ce genre qui est récente. La loi autorise les parties touchées et intéressées à présenter chaque année des observations de par leur seule présence, c'est ce qu'il me semble, selon les arrangements actuels. Cela me semble suffisant.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Grose.

+-

    M. Ivan Grose: Merci, monsieur le président.

    Je vais adresser cette question à M. Sullivan. Depuis la dernière fois que vous avez témoigné, je dirais que, si nous n'avons pas quitté la route, nous sommes au moins rendus sur le bas côté. Je remarque que vous avez pris beaucoup de notes. J'aimerais avoir vos commentaires sur ce que nous avons fait au cours des 20 dernières minutes, parce que cela a été très différent de votre témoignage et des questions auxquelles vous avez répondu.

+-

    M. Steve Sullivan: C'est évidemment un autre point de vue. Le Dr Webster a beaucoup plus d'expérience et de compétence que moi. Je présente ces commentaires à titre de personne de l'extérieur qui représente une clientèle particulière. Pour ce qui est de réformer certains articles du code, je dirais que le Dr Webster connaît beaucoup mieux que moi le fonctionnement du système et ses lacunes.

+-

    M. Ivan Grose: Oui, mais vous représentez quand même certaines personnes, et il est important pour nous de savoir ce qu'elles penseraient des observations formulées par le Dr Webster.

+-

    M. Steve Sullivan: C'est pourquoi nous sommes venus présenter des commentaires. Les grandes questions que nous avons soulevées sont d'une façon générale celles qu'expriment les victimes. Je ne pense pas que les victimes aient l'expérience ou les compétences nécessaires pour offrir le genre de recommandation que le Dr Webster est en mesure de présenter.

    Je ne sais pas si cela répond à votre question.

+-

    M. Ivan Grose: Je vous l'ai posée parce que nous avons reçu des avis très contradictoires ces derniers jours et je me demandais si cela vous concernait et si vous attendiez d'avoir la possibilité de nous en parler; mais si ce n'est pas le cas, très bien.

    Merci.

  +-(1225)  

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Lanctôt.

+-

    M. Robert Lanctôt: Ma question s'adresse aussi à M. Sullivan, parce qu'il a donné à M. Grose une réponse qui m'a un peu désarçonné.

    J'étais sur la même longueur d'onde que M. Webster. Monsieur Webster, vous n'étiez pas là, mais à la même question, ou presque, M. Sullivan a répondu que, si les victimes peuvent participer ou donner verbalement leur vision de la situation, elles seront peut-être même intéressées à aider la personne à suivre son traitement lorsqu'il n'y aura plus de surveillance. Peut-être que la victime pourra être un «chien de garde». Je ne sais pas si toutes les victimes feraient cela, mais cette réponse m'a un peu désarçonné. Que pensez-vous de cela?

[Traduction]

+-

    Le président: Je pense que cela s'adresse au Dr Webster.

+-

    Dr Chris Webster: Si j'ai bien compris, je dirais qu'il peut arriver dans des cas très, très rares, extrêmement rares, que la victime ou sa famille puisse jouer un rôle de soutien ou de réhabilitation mais je dirais que ces cas-là seront très rares, extrêmement rares. Il me semble qu'il serait très difficile d'essayer de formuler une disposition pour ces cas-là.

    Depuis une vingtaine d'années, nous bénéficions de l'importante contribution qu'apportent les groupes de représentants des victimes, qui ont souvent été inspirés, je crois, au début, par M. Cadman. Je me souviens d'avoir assisté à une conférence que vous avez donnée à Vancouver il y a quelques années, en fait, il y a pas mal de temps. C'est donc un mouvement qui a pris beaucoup d'importance et je crois que comme professionnels de la santé mentale, nous devons être sensibilisés à ces mouvements, cela est normal.

    Mais ce n'est qu'une partie de la situation, et une petite partie. Il me paraît un peu irréaliste de croire que les victimes sont dans la plupart des cas en mesure d'apporter un soutien utile aux personnes qui comparaissent devant les commissions d'examen.

+-

    M. Steve Sullivan: Je pourrais peut-être intervenir également sur ce point. L'idée sur laquelle nous avons insisté tout à l'heure est que, de notre point de vue, les victimes souhaitent principalement éviter que ce qui leur est arrivé arrive à quelqu'un d'autre. En assistant aux audiences—et elles ne le font peut-être pas très souvent—pour celles qui souhaitent le faire, elles rappellent, non seulement au contrevenant, comme nous l'avons entendu dire tout à l'heure, une personne qui n'est pas criminellement responsable, que, s'il ne prend pas ses médicaments, et s'il est remis en liberté, voilà ce qui pourrait arriver. Ce qui m'est arrivé pourrait arriver à quelqu'un d'autre si vous ne prenez pas vos médicaments. Il me paraît important de rappeler cela.

    En outre, comme M. Cadman l'a fait remarquer, la commission d'examen est appelée à prendre des décisions qui peuvent avoir des répercussions très graves. Je ne dis pas que les commissions ne prennent pas ces choses au sérieux, mais nous avons constaté pendant les enquêtes sur sentence ou celles des commissions des libérations conditionnelles, que la présence des victimes rappelle aux décideurs que les enjeux sont très élevés. Ce qui est arrivé à la victime est important, je crois, pour ce qui est d'aider le contrevenant, ou dans ce cas-ci l'accusé non criminellement responsable, pour qu'il comprenne toute l'importance des aspects qui sont en jeu ici. Je pense que les victimes ont un rôle à jouer dans ce processus, un rôle productif.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Lanctôt, si les membres du comité le permettent, j'aimerais poser quelques questions.

    Il y a un aspect qui m'intéresse beaucoup parce que nous avons pratiquement parlé tous les jours de la question des ressources. J'aimerais en revenir à l'idée que les services généraux de santé mentale ont été envahis par les services de psychiatrie judiciaire. Je ne sais pas quelle est exactement l'expression qu'il faut utiliser, mais je me demande si l'on ne pourrait pas soutenir—et j'aimerais que vous me disiez si je me trompe—que ces personnes ont été déplacées à cause de ce projet de loi. Je pense que l'on pourrait également dire que c'est à cause de leur institutionnalisation.

    Nous avons connu des périodes de désinstitutionnalisation, au cours desquelles des personnes qui seraient autrement prises en charge par les services généraux de santé mentale se retrouvent dans la collectivité. Cela pourrait représenter beaucoup de gens si l'on allait de l'avant avec cette désinstitutionnalisation.

    Il y a aussi le fait que nous essayons d'être plus raffinés dans la façon dont nous traitons les troubles mentaux dans le cadre du système de justice pénale. Ces choix exercent également des pressions sur le système. Il en résulte que des personnes qui n'auraient pas été institutionnalisées il y a 30 ans et ne sont plus confiées maintenant au système de justice pénale n'ont pas aujourd'hui accès aux services auxquels elles auraient pu avoir accès lorsque la demande était moins forte. Ne recevant pas les services dont elles ont besoin, elles risquent d'adopter un comportement qui les amène à être prises en charge par le système d'une façon tout à fait différente, d'une façon regrettable. Est-ce je...

  +-(1230)  

+-

    Dr Chris Webster: Les ressources sont un aspect essentiel.

+-

    Le président: Mais est-ce que mon impression...

+-

    Dr Chris Webster: Oui, je pense que vous avez mis le doigt sur un problème très important. Je vais essayer d'être concret.

    Par exemple, vous êtes membre d'une commission d'examen, vous assistez à une réunion, vous avez entendu les arguments et vous commencez à comprendre l'accusé. Vous commencez à comprendre que cette personne a besoin d'un type d'aide très précis, qu'il est possible d'obtenir grâce à... [Note de la rédaction: Inaudible]. Il faudra peut-être interner cette personne pendant quelque temps, prévoir une surveillance communautaire ou autre chose. Les membres de la commission d'examen discutent du cas pendant un long moment et l'un des membres dit: «Eh bien, essayons de présenter des recommandations concrètes. Docteur Untel, vous avez des relations avec la direction de tel hôpital, pourquoi ne pas les appeler pour voir ce qu'ils peuvent faire pour cette personne.» Il est bien souvent très difficile d'obtenir une admission parce que les services sont surchargés. Il y a ensuite des gens qui suggèrent que la commission d'examen devrait peut-être rendre ce genre d'ordonnance plutôt qu'une autre et cela continue.

    Il est parfois très, très difficile d'avoir rapidement accès à ces ressources. Vous n'avez pas tort d'affirmer que, si l'on ne donne pas accès à ces ressources suffisamment rapidement, cela risque de mettre en danger la société, et cela risque également de nuire au patient ou à l'accusé parce qu'on ne s'occupe pas immédiatement de son problème.

    Heureusement que les modifications introduites par le projet de loi C-30 énoncent clairement qu'il n'est pas obligatoire d'envoyer ces personnes dans un hôpital. Avant le projet de loi C-30—et il est bon de rappeler les progrès que nous avons réalisés—en Ontario du moins, les personnes visées par un mandat du lieutenant-gouverneur étaient automatiquement envoyées au Penetanguishene Mental Health Centre, pourvu qu'elles soient de sexe masculin. Nous avions 330 lits dans cet établissement. Une fois placés là, quel qu'était l'acte à l'origine de cette décision, c'était à elles de s'arranger pour passer d'un établissement à un autre. Avec le projet de loi C-30, comme vous le savez, la commission d'examen peut immédiatement placer la personne dans la collectivité, si elle l'estime souhaitable. Mais sur le plan pratique, il est parfois très difficile de prendre ce genre de décision.

    Les ressources soulèvent donc de graves questions qui doivent être négociées entre le gouvernement fédéral et les responsables provinciaux des services de santé mentale.

  -(1235)  

+-

    Le président: Vous avez mentionné dans votre introduction que vous avez travaillé dans le domaine de l'évaluation du risque. Comment le Canada se situe-t-il pour ce qui est de l'évaluation et de la gestion du risque—par comparaison avec les autres pays, je pense?

+-

    Dr Chris Webster: Eh bien, nous faisons comme la plupart des pays. Il y a eu des changements considérables depuis 25 ans. Nous parlions auparavant de «dangerosité» ou de «périculosité». C'était le mot, l'idée à la base de notre raisonnement. Nous parlons maintenant de prévision du risque et cela est beaucoup plus précis. Les spécialistes parlent aujourd'hui de la nature du risque réel, du risque précis que représente tel individu. Qui va courir ce risque, pendant quelle durée et dans quelles circonstances? Dans la mesure où nous raisonnons maintenant sur des aspects plus précis, on peut dire que nous avons fait de véritables progrès. Nous ne disons plus qu'une personne est dangereuse et qu'il faut l'interner pendant des années. Nous avons plutôt tendance à nous demander quel est le risque qu'elle représente et comment il est possible de gérer ce risque. C'est l'autre aspect.

    Mes collègues de l'Université Simon Fraser et moi-même venons de publier ce que nous appelons un guide d'accompagnement à ce que nous appelons la méthode d'évaluation HCR-20. Nous avons préparé ce guide parce que nous nous sommes aperçus qu'évaluer le risque de violence était une chose mais que, s'il n'était pas possible de gérer ce risque et de le contrôler, il ne servait pas à grand-chose de l'évaluer. Nous avons donc consacré beaucoup d'énergie à mettre au point une méthode, si vous me permettez l'expression, destinée à aider les fonctionnaires des services de santé mentale et correctionnels à mieux gérer ces risques.

    En fait, nous avons beaucoup de progrès à faire dans ce domaine. Dans ce domaine, il faut concentrer davantage son attention. Si l'on remonte à la situation qui existait il y a 30 ans, nous—et j'en faisais partie—disions qu'il était illusoire d'essayer de prédire la violence. C'était il y a 30 ans. Nous disions que les spécialistes de la santé mentale se trompaient plus d'une fois sur deux. Les gens écrivaient des articles intitulés La psychiatrie et la présomption d'expertise: on joue à pile ou face dans les salles d'audience, qui attaquaient les psychiatres et les psychologues. Nous avons connu une très longue période pendant laquelle nous avons été très critiqués et avons subi des pressions...

+-

    Le président: Cela nous rappelle quelque chose.

+-

    Dr Chris Webster: Oui. Je suis sûr que vous avez dû ressentir la même chose.

    Depuis sept ou huit ans, la situation s'est légèrement améliorée. Nous en sommes arrivés à la conclusion qu'il y a beaucoup de cliniciens qui connaissent certaines choses dans ce domaine. Lorsqu'on procède de façon systématique, on obtient des résultats tolérables la plupart du temps. Nous n'aurions pas pu faire de telles affirmations il y a 30 ans. Il y a donc eu quelques progrès. Nous avons encore beaucoup à faire.

-

    Le président: Je regarde autour de moi et je ne vois personne qui souhaite prendre la parole.

    Je remercie les témoins. Je crois que le fait que M. Grose, pour la première fois depuis le début de cet examen, n'ait pas commencé son intervention en disant qu'il ne comprenait pas très bien les choses en dit long sur la clarté de vos exposés. Je vous remercie en particulier pour l'effort supplémentaire que vous avez déployé pour venir ici, avec les retards et le reste.

    Merci également, monsieur Sullivan.

    S'il n'y a pas d'autres questions, je lève la séance. Merci.