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CC38 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité législatif chargé du projet de loi C-38


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 13 juin 2005




¹ 1530
V         Le président (M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.))
V         M. Hugo Cyr (professeur, Faculté de science politique et de droit, Université du Québec à Montréal, à titre personnel)

¹ 1535

¹ 1540
V         Le président
V         M. Hugo Cyr
V         Le président
V         M. Bruce Ryder (professeur, Osgoode Hall Law School, à titre personnel)

¹ 1545

¹ 1550
V         Le président
V         M. Terence Rolston (président, Focus on the Family Canada)
V         Le président
V         M. Terence Rolston

¹ 1555

º 1600
V         Le président
V         M. Parminder Singh (membre, Ontario Gurudwara's Committee)

º 1605

º 1610
V         Le président
V         M. Vic Toews (Provencher, PCC)

º 1615
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Mme Anna Marie White (directrice, Politique des familles, Focus on the Family Canada)
V         Le président
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ)

º 1620
V         M. Hugo Cyr

º 1625
V         M. Richard Marceau
V         M. Hugo Cyr
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD)
V         M. Bruce Ryder
V         M. Bill Siksay
V         Mme Anna Marie White
V         M. Bill Siksay
V         M. Terence Rolston

º 1630
V         M. Bill Siksay
V         M. Terence Rolston
V         M. Bill Siksay
V         M. Terence Rolston
V         M. Bill Siksay
V         M. Terence Rolston
V         M. Bill Siksay
V         M. Terence Rolston
V         Le président
V         L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.)
V         Mme Anna Marie White

º 1635
V         L'hon. Don Boudria
V         Mme Anna Marie White
V         L'hon. Don Boudria
V         Mme Anna Marie White
V         L'hon. Don Boudria
V         M. Terence Rolston
V         L'hon. Don Boudria
V         M. Hugo Cyr

º 1640
V         L'hon. Don Boudria
V         Le président
V         M. Mark Warawa (Langley, PCC)
V         Le président
V         M. Mark Warawa

º 1645
V         M. Parminder Singh
V         M. Mark Warawa
V         M. Parminder Singh
V         M. Mark Warawa
V         Le président
V         M. Hugo Cyr
V         M. Mark Warawa
V         Le président
V         M. Bruce Ryder
V         Le président
V         M. Terence Rolston
V         M. Parminder Singh
V         Le président
V         Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)

º 1650
V         M. Terence Rolston
V         Mme Anita Neville
V         M. Terence Rolston
V         Mme Anita Neville
V         Mme Anna Marie White
V         Mme Anita Neville
V         Mme Anna Marie White
V         Mme Anita Neville
V         Mme Anna Marie White
V         Mme Anita Neville
V         Mme Anna Marie White
V         Mme Anita Neville
V         Mme Anna Marie White
V         Le président
V         Mme Anita Neville
V         Le président
V         Mme Anna Marie White
V         Le président

º 1655
V         M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ)
V         M. Hugo Cyr
V         M. Bruce Ryder

» 1700
V         M. Marc Lemay
V         Le président
V         Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.)
V         Mme Anna Marie White
V         Mme Françoise Boivin
V         Mme Anna Marie White
V         Ms. Françoise Boivin
V         Mme Anna Marie White
V         Mme Françoise Boivin
V         Mme Anna Marie White
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Hugo Cyr

» 1705
V         Mme Françoise Boivin
V         M. Hugo Cyr
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         Mme Anna Marie White
V         M. Bill Siksay
V         Mme Anna Marie White
V         M. Bill Siksay
V         Mme Anna Marie White
V         M. Bill Siksay
V         M. Parminder Singh
V         M. Bill Siksay
V         M. Parminder Singh
V         M. Bill Siksay
V         M. Parminder Singh

» 1710
V         M. Bill Siksay
V         M. Parminder Singh
V         M. Bill Siksay
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.)
V         M. Bruce Ryder
V         L'hon. Paul Harold Macklin

» 1715
V         M. Hugo Cyr
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         Le président
V         M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC)
V         M. Hugo Cyr
V         M. Brian Jean
V         M. Hugo Cyr
V         M. Brian Jean
V         M. Hugo Cyr
V         M. Brian Jean
V         M. Hugo Cyr
V         M. Brian Jean
V         M. Hugo Cyr
V         M. Brian Jean
V         M. Hugo Cyr
V         M. Brian Jean
V         M. Hugo Cyr
V         M. Brian Jean
V         M. Hugo Cyr
V         M. Brian Jean
V         M. Hugo Cyr
V         M. Brian Jean
V         M. Hugo Cyr
V         M. Brian Jean
V         M. Hugo Cyr
V         M. Brian Jean
V         M. Hugo Cyr
V         M. Brian Jean
V         M. Hugo Cyr
V         M. Brian Jean
V         M. Hugo Cyr
V         M. Brian Jean
V         Mme Anna Marie White

» 1720
V         M. Brian Jean
V         Mme Anna Marie White
V         M. Brian Jean
V         Mme Anna Marie White
V         Le président
V         M. Marc Lemay
V         Le président
V         M. Marc Lemay
V         M. Terence Rolston

» 1725
V         Mme Anna Marie White
V         M. Marc Lemay
V         Mme Anna Marie White
V         Le président










CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-38


NUMÉRO 019 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 13 juin 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¹  +(1530)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.)): Bonsoir, mesdames et messieurs. Bienvenue au Comité législatif chargé du projet de loi C-38.

    J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins.

    Je suis sûr que l'on vous a dit comment fonctionne le comité. Les témoins ont dix minutes pour faire une déclaration préliminaire. Les premières périodes de questions, de commentaires et de réponses sont limitées à sept minutes et les périodes additionnelles à cinq minutes.

    Deux de nos témoins sont absents aujourd'hui. Nous croyons savoir qu'ils sont à Ottawa cet après-midi. Espérons qu'ils pourront venir et témoigner. Mais nous commençons.

    Nous accueillons, à titre personnel, le professeur Hugo Cyr. Nous accueillons aussi M. Bruce Ryder et des représentants de Focus on the Family Canada.

    Nous commençons tout de suite par M. Cyr.

[Français]

    Vous disposez de 10 minutes, s'il vous plaît, monsieur Cyr.

+-

    M. Hugo Cyr (professeur, Faculté de science politique et de droit, Université du Québec à Montréal, à titre personnel): Bonjour. Je suis ici à titre personnel mais également afin de représenter 133 de mes collègues qui ont signé avec moi une lettre qui a été envoyée au chef de l'opposition vers le mois de janvier dernier et qui portait sur le projet de loi à l'étude. Je vais vous la lire. La version anglaise existe aussi; je crois qu'elle vous a été distribuée. La lettre était adressé à l'honorable Stephen Harper, chef de l'opposition:

Cher Monsieur Harper,

Vous avez récemment signalé votre opposition à l'intention du gouvernement fédéral de déposer à la Chambre des communes un projet de loi confirmant le droit des couples de même sexe de se marier. Vous avez également fait part de votre intention de proposer un amendement à un tel projet de loi, de manière à restreindre la définition du mariage aux seules unions hétérosexuelles. Vous avez au surplus affirmé qu'il ne serait pas légalement nécessaire d'utiliser la clause dérogatoire de la Charte canadienne afin de protéger une définition législative du mariage qui exclurait les conjoints de même sexe contre un éventuel contrôle judiciaire fondé sur la Charte. En tant que professeurs de droit, nous estimons que cette interprétation est erronée puisqu'elle ignore les paramètres constitutionnels qui doivent informer la décision du Parlement sur cette question. En fait, l'inconstitutionnalité de votre proposition n'aurait pour seul effet que de renvoyer la question du mariage des conjoints de même sexe devant les tribunaux. Venant de quelqu'un qui défend constamment le primat de la volonté du Parlement, une telle position est pour le moins étonnante.

Bien que la Cour suprême ne se soit pas directement penchée sur cette question dans le récent renvoi sur le mariage des conjoints de même sexe, des tribunaux de Colombie-Britannique, de Saskatchewan, du Manitoba, de Terre-Neuve, de l'Ontario, du Québec, de Nouvelle-Écosse et du Yukon ont unanimement opiné en faveur de l'inconstitutionnalité de toute définition du mariage qui exclurait le mariage des conjoints de même sexe. Les experts constitutionnels sont généralement d'avis que ces décisions sont bien fondées en droit. Il vous incombe donc d'expliquer aux Canadiennes et aux Canadiens comment votre projet de consacrer législativement la définition traditionnelle du mariage pourra survivre à une contestation constitutionnelle. En vérité, il n'existe qu'un seul moyen d'arriver à vos fins. Il s'agit, en l'occurence, d'invoquer la disposition dérogatoire de la Charte canadienne. Le Premier Ministre Klein a été parfaitement honnête envers les Canadiennes et Canadiens sur ce point. Vous devriez suivre son exemple.

Si le Parlement devait adopter votre position et reprendre la définition traditionnelle du mariage, la constitutionnalité de la loi qui la consacrerait serait aussitôt contestée et cette loi serait vraisemblablement jugée contraire à la Constitution. Mais il est vrai que la Charte canadienne prévoit un mécanisme permettant au Parlement d'avoir le dernier mot sur plusieurs questions relatives aux droits fondamentaux. Il s'agit de la disposition dérogatoire de la Charte, communément appelée “clause nonobstant”. Nous estimons que la définition du mariage ne constitue pas une question dont l'importance est telle qu'elle justifie le recours à cette clause. Toutefois, si vous croyez que tel n'est pas le cas, et que les couples de même sexe ne devraient pas avoir le droit de se marier, rien ne vous empêche de proposer un amendement législatif qui inclurait une telle disposition dérogatoire.

Au reste, le fait que vous souhaitiez que le Parlement adopte une loi clairement inconstitutionnelle en réitérant la définition traditionnelle du mariage sans protéger celle-ci par une clause dérogatoire nous incite à nous demander si vous ne cherchez pas à vous servir de la Cour suprême et de la Charte canadienne à des fins exclusivement politiques. Dans la mesure où les Canadiennes et les Canadiens soutiennent très majoritairement les objectifs de la Charte et où un recours à la clause dérogatoire doit être justifié politiquement auprès de ceux-ci, ne pas utiliser cette clause équivaut en quelque sorte à protéger les opposants au mariage des conjoints de même sexe de la controverse politique que leur position pourrait autrement susciter. Paradoxalement, ceux-ci seraient les premiers à blâmer la Cour suprême, au nom du respect de la volonté du Parlement, si elle devait éventuellement déclarer cette définition inconstitutionnelle.

¹  +-(1535)  

En somme, ceux qui s'opposent au mariage des conjoints de même sexe sans pour autant admettre que la définition traditionnelle du mariage doit, pour demeurer valide, être soustraite à l'application régulière de la Charte par une clause dérogatoire font assumer à la Cour suprême une responsabilité politique qu'eux-mêmes devraient assumer en première ligne. Plutôt que de mettre un terme à l'influence de la Cour suprême dans ce dossier, une telle attitude aurait pour effet de forcer la Cour à s'y immiscer plus profondément encore.

Bref, vous devriez ou bien invoquer la clause dérogatoire de la Charte et justifier cette décision auprès des Canadiennes et Canadiens, ou bien reconnaître que le mariage des conjoints de même sexe fait désormais partie du paysage juridique du pays. Et si, en bout de ligne, vous optez pour la révocation des droits constitutionnels des Canadiennes et Canadiens, vous devriez avoir la franchise de le dire ouvertement. Les Canadiennes et Canadiens ne s'attendent pas à autre chose de votre part.

Veuillez, Monsieur Harper, agréer l'expression de nos sentiments distingués.

    Cette lettre est signée par les professeurs Sujit Choudhry, de Toronto; Jean-François Gaudreault-DesBiens, de Toronto; Wendy Adams, de McGill; Sharryn Aiken, de Queen's; Jennifer Bankier, de Dalhousie; Benjamin Alarie, de Toronto; Reem Bahdi, de Windsor; Bélanger, de Laval; Bell, du Nouveau-Brunswick; Belleau, de Laval; Berger, de Victoria; Berryman, de Windsor; Bogart, de Windsor; Bourgoignie, de l'UQAM; Boyd, de UBC; Brooks, de UBC; Brunnée, de Toronto; Busby, du Manitoba; Calder, de Victoria; Campbell, de McGill; Caulfield, de l'Alberta; Chatterjee, de l'Université du Nouveau-Brunswick; Cook, de Toronto; Cossman, de Toronto; Côté-Harper, de Laval; Coughlan, de Dalhousie; Craig, de York; Crépeau, de Montréal; Currie, de Dalhousie; moi-même, Hugo Cyr, de l'UQAM; le doyen Ronald Daniels, de Toronto; les professeurs Dawson, de Carleton; Deckha, de Victoria; Deleury, de Laval; Denholm, de Windsor; Devlin, de Dalhousie; Dhir, de Windsor; Dickens, de Toronto; Doelle, de Dalhousie; Drummond, de York; Duplé, de Laval; Duff de Toronto; Dyzenhaus, de Toronto; Fainstein, du Manitoba; Fernandez, de Toronto; Gallant, du Manitoba; Gilbert, d'Ottawa; Gilmour, de York; Giroux, d'Ottawa; Gochnauer, de l'Université du Nouveau-Brunswick; Graham, de Western Ontario; Green, de York; Greschner, de Saskatchewan; Guillemard, de Laval; Halley, de Laval; Holland, de Western Ontario; Hughes, de Calgary; Hutchinson, de York; Innis, du Manitoba; Issalys, de Laval; Jackman, d'Ottawa; Janda, de Mcgill; Johnson, de Victoria; Johnston, de Toronto; Katz, de Queen's; Lafond, de l'UQAM; Landheer-Cieslak, de Laval; Langevin, de Laval; Lareau, de Laval...

¹  +-(1540)  

+-

    Le président: Il vous reste une minute.

+-

    M. Hugo Cyr: Vous comprendrez qu'il y a encore plusieurs autres noms sur cette liste. Je vous les épargne, ils sont déjà dans la lettre. C'est en leur nom que je présentais cette lettre.

    Je vous remercie beaucoup.

+-

    Le président: Merci.

[Traduction]

    Permettez-moi de profiter de cette occasion pour accueillir nos deux autres témoins M. Parminder Singh et Mme Harminder Kaur de Ontario Gurdwara Committee.

    Comme je l'ai déjà expliqué, les témoins ont dix minutes pour faire une déclaration, puis nous passerons à une période de questions et de commentaires. La première période est limitée à sept minutes, les autres périodes à cinq minutes.

    Nous avions commencé par M. Cyr et nous continuerons comme prévu. La parole est à M. Ryder.

+-

    M. Bruce Ryder (professeur, Osgoode Hall Law School, à titre personnel): Merci, monsieur le président.

    C'est un honneur d'avoir l'occasion de participer aux délibérations du comité sur le projet de loi C-38, la Loi sur le mariage civil.

    Je voudrais dire quelques mots sur la façon dont le projet de loi répond aux obligations constitutionnelles du Parlement visant à respecter les droits à l'égalité et à uniformiser la définition du mariage dans tout le pays. J'aimerais aussi dire quelques mots sur la façon dont le projet de loi ne menace aucunement la liberté religieuse.

    Permettez-moi de commencer par quelques commentaires sur la liberté de religion, car il me semble que cette question continue de préoccuper beaucoup de gens.

    Je pense que le degré de risque potentiel posé par le projet de loi C-38 à la liberté de religion a été très exagéré. Il est vrai que de nombreuses questions complexes soulevées verront se heurter la liberté de religion et les droits à l'égalité des gais et des lesbiennes. Et l'incertitude persistante qui pèse sur la façon dont les cours et les tribunaux établiront un équilibre entre des arguments contradictoires suscitent une vive inquiétude dans tout le pays. Beaucoup de ces questions ont été soulevées avant le débat sur le mariage et n'ont pas grand-chose à voir avec le projet de loi C-38.

    D'autres questions de liberté religieuse rattachées à la légalisation du mariage entre personnes de même sexe relèvent de la compétence des provinces et doivent être résolues que le projet de loi C-38 soit adopté ou non, puisque le mariage entre personnes de même sexe est actuellement légal dans la plupart des juridictions. Toute tentative du Parlement à traiter un grand nombre de ces questions—surtout celles rattachées à la célébration de mariage—dans la loi serait un empiètement inconstitutionnel sur les champs de compétence des provinces.

    Ni la liberté religieuse ni les droits à l'égalité sont absolus. Par principe, ni la liberté religieuse ni les droits à l'égalité n'ont de précédence l'un sur l'autre. Tout dépend du contexte. Dans le contexte des institutions et des cérémonies religieuses, la liberté de religion aura la préséance sur les droits à l'égalité. Par exemple, au Canada, aucun tribunal ni aucune cour fera respecter une loi qui essaie de forcer l'Église catholique à ordonner des femmes prêtres.

    Dans le contexte des écoles publiques, conformément à la décision de la Cour suprême dans l'Affaire Trinity Western, la liberté des enseignants à exprimer des opinions religieuses doit faire place aux obligations d'enseignement du programme d'études et créer un environnement où tous les étudiants jouissent du même respect .

    La Cour suprême, dans la référence au mariage entre personnes de même sexe, a considéré l'article 2 de la loi proposée, qui stipule que « rien dans le projet de loi ne vient y porter atteinte...la liberté pour les autorités religieuses de refuser de célébrer des mariages contraires à leurs croyances. » La cour a jugé que cet article serait au-delà des compétences du Parlement en ce qui touche la célébration des mariages attribuée par le paragraphe 92(12) de la Loi constitutionnelle de 1867 exclusivement aux provinces.

    L'article 3 du projet de loi C-38 stipule que: « Il est entendu que les autorités religieuses sont libres de refuser de procéder à des mariages non conformes à leurs convictions religieuses. » Il est difficile d'imaginer que la légère différence dans le libellé de cet article et de celui de la référence amènerait les tribunaux à une conclusion différente. L'article 3, je conclus, est donc invalide et sans effet en droit.

    De toute façon, l'article 3 est redondant au plan juridique. L'alinéa 2 a) de la Charte canadienne des droits et libertés offre une bonne protection à la liberté de religion. À l'heure actuelle, aucune loi porte atteinte à l'exercice des droits à la liberté de religion conformément aux croyances et aux pratiques des traditions religieuses. Toute loi qui irait dans ce sens constituerait une violation ultime de l'alinéa 2 a) de la Charte.

    La Cour suprême. dans son avis, a sommairement rendu superflus le fait que les arguments qui définissent que le mariage civil est une union de deux personnes auraient l'effet de violer la liberté de religion. Premièrement, le tribunal a noté que la définition proposée du mariage civil ne portera pas atteinte à la liberté d'autres croyances religieuses. Deuxièmement, le tribunal a reconnu qu'il y avait une possibilité de conflit entre les libertés de religion et les droits de conjoint de même sexe à l'avenir et a déclaré en substance que les tribunaux concilieront des droits opposés au cas par cas, comme ils l'ont fait dans le passé. Troisièmement, le tribunal a déclaré que l'alinéa 2 a) protégera les autorités religieuses contre la possibilité que le gouvernement les contraigne à marier deux personnes du même sexe contrairement à leurs croyances religieuses. La liberté de religion protège la pratique religieuse et, le tribunal a déclaré « L'accomplissement de rites religieux est un aspect fondamental de la pratique religieuse ». L'ingérence de l'État dans l'exercice des droits à la liberté de religion constituerait une violation grave de la liberté de religion.

    Pour encore plus de sûreté, il serait utile que la conclusion évidente du tribunal sur ce point soit inscrite dans la mesure législative, comme vient de le faire l'Assemblée législative de l'Ontario lors de l'adoption du projet de loi 171 en ajoutant une disposition dans le Code des droits de la personne de l'Ontario et dans la Loi sur le mariage.

¹  +-(1545)  

    Étant donné que le paragraphe 92(12) de la Loi constitutionnelle de 1867 reconnaît que la célébration des mariages est de la compétence des provinces et que les lois prévoient la même chose pour les territoires, le rôle du gouvernement fédéral se limite à encourager les gouvernements des provinces et des territoires à adopter des modifications législatives similaires.

    Qu'en est-il de la situation des commissaires de mariage qui célèbrent les mariages civils? Certains gouvernements provinciaux ont demandé à leurs commissaires de mariage de se préparer à célébrer des mariages de personnes de même sexe ou alors de démissionner. Si ces gouvernements n'accordent pas une exonération à des personnes dont les objections d'ordre religieux les empêchent de célébrer des mariages de personnes de même sexe, ces directives constituent une discrimination religieuse en matière d'emploi qui est contraire à la Charte et aux lois applicables et pertinentes sur les droits de la personne. Dans son avis, la Cour suprême a déclaré que l'alinéa 2a) de la Charte protège les autorités religieuses de la contrainte par l'État à célébrer le mariage civil de deux personnes du même sexe contrairement à leurs croyances religieuses. La jurisprudence relative aux droits de la personne appuie clairement les droits des employés, dans les secteurs public et privé, a refuser d'exécuter leurs fonctions pour des raisons de religion ou de conscience, et aux employeurs d'avoir l'obligation de les satisfaire si cela est possible sans préjudice injustifié.

    Un mariage civil n'est, bine sûr, pas un rite religieux. Si une autorité religieuse a le droit de célébrer des mariages civils, il ou elle fournit un service public au nom de l'État. Il ou elle agit en tant que fonctionnaire et par conséquent doit se conformer aux droits à l'égalité prévu dans la Charte. Les couples de même sexe n'ont pas le droit de se marier religieusement, mais ils jouissent de l'égalité d'accès à tous les services publics, y compris le mariage civil. Le juste équilibre entre un religieux de la fonction publique ou une objection de conscience à célébrer des mariages de personnes de même sexe et l'égalité d'accès au mariage civil pour les couples de même sexe ne devrait pas pencher automatiquement d'un côté ou de l'autre. Cela dépend si le fonctionnaire religieux ou l'objection de conscience peuvent être satisfaits par le gouvernement sans préjudice injustifié et sans porter atteinte à l'égalité d'accès au mariage civil des couples de même sexe.

    Permettez-moi de dire quelques mots sur les droits à l'égalité et le fait qu'il est maintenant apparent, à mon avis, que la définition du mariage de personnes de sexes opposés ne peut plus survivre longtemps à l'examen de sa constitutionnalité. Certains députés ont suggéré que, puisque la Cour suprême a choisi de ne pas se prononcer sur la constitutionnalité ou non de la définition du mariage de personnes de sexes opposés dans son avis de l'année dernière, la loi fédérale qui restaure la définition du mariage comme étant l'union d'un homme et d'une femme pourrait survivre à un examen constitutionnel aux tribunaux, même sans une disposition d'exemption dans la loi.

    En tout respect, il y a peu de chance que les tribunaux fassent marche arrière sur la question du mariage de personnes de même sexe. Le degré de consensus judiciaire issu de cette question est remarquable. Ce consensus rallie beaucoup d'analystes juridiques et de constitutionnalistes, comme nous l'a dit le professeur Cyr, et la logique de l'argument en faveur des droits à l'égalité est inattaquable.

    Les députés ont l'obligation de respecter la Constitution. Il est tout aussi important pour les législateurs que pour les juges de considérer sérieusement les demandes de la Charte. Il appartient à ceux qui ne partagent pas l'avis du consensus, soit que la Charte exige la légalisation du mariage de personnes du même sexe, de présenter le fondement juridique sur lequel ils s'appuient. Quelles furent les lacunes juridiques dans le raisonnement du tribunal ces dernières années? Quels arguments convaincants au plan juridique ont été présentés et ignorés par les tribunaux? Je n'en connais pas.

    Nous devrions réfléchir aux raisons pour lesquelles l'argument en faveur des droits à l'égalité est devenu une obligation si légale. La légalisation du mariage de personnes de même sexe est le résultat de nombreux développement sociaux, politiques et juridiques. Nous avons tendance à ne porter attention qu'à la Charte, mais il y a eu beaucoup d'autres combats politiques et changements législatifs sans lesquels nous ne serions pas ici aujourd'hui. Par exemple, la décriminalisation partielle des actes sexuels privés entre adultes consentants. Cette décriminalisation résulte de changements présentés au Parlement en 1968 par le ministre de la Justice de l'époque, Pierre Trudeau. Cette réforme reposait implicitement sur la reconfiguration de la conception de la Loi sur la moralité sexuelle. Quel que soit le sexe des participants ou les parties du corps concernées, l'État n'avait pas à s'occuper des actes sexuels privés entre des adultes consentants.

    Un autre changement très important, bien sûr, était l'utilisation du neutre pour parler des individus dans le droit familial. Les maris et les épouses n'ont plus de garanties et d'obligations juridiques distinctes. Il est intéressante de rechercher dans les recueils de lois fédérales et provinciales les occurrences des mots « mari » ou « épouse ». On peut encore en trouver ici et là, mais rarement. On retrouve beaucoup plus souvent le mot « conjoint » ou « conjoint de fait », les deux termes sont utilisés sans distinction de genre.

¹  +-(1550)  

    Le sexe et la procréation n'ont plus grand-chose à faire avec la loi contemporaine du mariage. Parfois, les discours des opposants au mariage de personnes de même sexe, nous ramène aux années 1950, à l'époque où les maris étaient des maris et les épouses des épouses qui restaient à la maison s'occuper des enfants. Nous sommes bien loin de ce monde; il ne sert à rien d'essayer de revenir en arrière.

    Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci, monsieur Ryder.

    Nous passons maintenant à Focus on the Family Canada. Pourrions-nous avoir Mme White ou M. Rolston, s'il vous plaît?

+-

    M. Terence Rolston (président, Focus on the Family Canada): Merci, monsieur le président. Je ferai la déclaration et Anne Marie White qui m'accompagne répondra aux questions du comité.

+-

    Le président: D'accord.

+-

    M. Terence Rolston: Bonjour à tous les honorables membres du comité.

    Focus on the Family est une organisation de bienfaisance canadienne fondée sur les principes chrétiens qui soutient, encourage et donne plus de cohésion aux familles canadiennes en leur offrant un enseignement et des ressources. Nos objectifs et notre mission s'appuient sur les enseignements fondamentaux de Jésus-Christ. Notre croyance que le mariage est une institution établie par Dieu découle de la Bible et c'est une institution qui n'est pas censée être redéfinie. Chaque année, des dizaines de milliers de Canadiens nous contactent et chaque jour, des Canadiens nous affirment l'importance qu'ils accordent au mariage et la nécessité de préserver l'institution du mariage comme l'union à vie d'un homme et d'une femme à l'exclusion de toute autre forme d'union.

    Nous comparons devant vous aujourd'hui pour vous demander de recommander que le projet de loi C-38 ne soit pas adopté en troisième lecture, car il ne sert pas l'intérêt des familles canadiennes.

    Beaucoup de nos partisans nous a montré des lettres envoyées par leurs députés indiquant que le Parlement n'a d'autre choix que de redéfinir le mariage. Beaucoup de députés disent que les tribunaux provinciaux ne leur offrent pas d'alternative. Cependant, la Constitution stipule qu'il relève du Parlement de légiférer et de définir le mariage civil. Dans sa décision sur les questions de renvoi, la Cour suprême a confirmé cette compétence du Parlement le 9 décembre 2004. En outre, la Cour suprême a refusé de déclarer que la définition du mariage entre personnes de sexe opposé est inconstitutionnelle; donc, le mariage traditionnel peut être confirmé par le Parlement malgré les décisions des tribunaux provinciaux.

    Eugene Meehan, juriste de la firme Lang Michener a écrit: « L'adoption d'une nouvelle loi fédérale—c'est-à-dire une définition statutaire—définissant le mariage en tant qu'union d'un homme et d'une femme à l'exclusion de toute autre forme d'union pourrait avoir la préséance sur la common law »—au niveau des défis des provinces—« et pourrait aussi donc l'emporter sur toute interprétation et déclaration d'une Cour d'appel sur la définition du mariage selon la common law ».

    La position de Focus on the Family a été claire, comme le prouvent notre déclaration faite devant le Comité de la justice en 2003, nos campagnes média et nos interventions publiques en faveur du mariage. L'adoption du projet de loi C-38 ne sert pas les intérêts de la société et notamment ceux des enfants. Redéfinir une institution si fondamentale au Canada, en ne s'appuyant que sur l'argument des droits individuels, sans considérer son effet sur les enfants ne tient aucunement compte de leur bien-être futur. Les sciences sociales le prouvent clairement: les enfants sont mieux élevés dans un cadre familial dans lequel la mère et le père biologiques ont une relation stable. Le mariage est le meilleur moyen d'assurer cet environnement. Les recherches indiquent aussi que les rapports entre le père et les enfants différent de ceux entretenus entre la mère et les enfants; les deux types de relations sont extrêmement bénéfiques pour les enfants.

    Le projet de loi C-38, et en particulier le grand nombre de modifications qui en découleront, sépare la condition parentale de la biologie sans comprendre véritablement les conséquences sur les enfants. Le message du projet de loi C-38 est que la paternité et la maternité sont interchangeables et que leurs différences uniques n'ont aucune importance. Ce point de vue est en totale contradiction avec les innombrables recherches indiquant qu'un enfant a désespérément besoin à la fois de sa mère et de son père.

    Il est important de répéter que le projet de loi C-38 ne devrait pas être adopté. Cependant, si le gouvernement et le comité se sont engagés à redéfinir le mariage, alors nous les exhortons à s'engager également à protéger totalement la liberté de religion et la liberté de conscience.

    Le préambule du projet de loi C-38 énonce que le fait d'empêcher les couples de même sexe à se marier est contraire à la Charte. En conséquence, des millions de Canadiens de diverses croyances et cultures vont se dire que leurs opinions et leurs valeurs sont contraires à la Charte. Cela est inquiétant. Si le comité tient à protéger la liberté de religion, nous espérons qu'il considérera sérieusement nos suggestions concernant des modifications.

    Le projet de loi C-38 promet de permettre aux autorités de groupes religieux de refuser de célébrer des mariages qui sont contraires à leurs croyances religieuses; cette promesse est inadéquate. Premièrement, elle ne reconnaît pas que la liberté de religion va bien au-delà du droit de simplement célébrer des mariages et deuxièmement, la célébration des mariages relève de la compétence du gouvernement provincial.

    Le statut caritatif d'une organisation religieuse telle que Focus on the Family Canada pourrait aussi être contesté. On pourrait prétendre que, au terme du droit canadien, une organisation ne peut pas être considérée caritative si ses activités sont contraires à la politique gouvernementale. Après l'adoption du projet de loi, une organisation qui s'opposerait au mariage de personnes de même sexe serait en contradiction avec la politique gouvernementale canadienne et, par conséquent, favoriserait la discrimination contre les couples de même sexe.

    Un certain nombre de modifications permettrait d'assurer une certaine protection de la liberté de religion dans le projet de loi.

    Premièrement, supprimez le préambule. Le préambule n'est pas nécessaire pour adopter le projet de loi; toutefois, il indique clairement que la définition traditionnelle du mariage—c'est-à-dire, un homme et une femme à l'exclusion de toute autre forme d'union—telle que la comprennent des millions de Canadiens de diverses croyances et cultures est en contradiction avec la Charte.

¹  +-(1555)  

    Deuxièmement, affirmer explicitement dans la législation qu'il est valable et acceptable de conserver une définition traditionnelle du mariage—à savoir, l'union d'un homme et d'une femme à l'exclusion de tout autre—et que les Canadiens peuvent exprimer librement ce point de vue et agir en conséquence dans la société canadienne.

    Troisièmement, ajouter dans le projet de loi une déclaration confirmant que ceux qui appuient la définition traditionnelle du mariage n'agissent pas à l'encontre de l'intérêt public. Par exemple, un nouveau paragraphe 3(1) pourrait être ajouté au projet de loi, qui se lirait comme suit: « Il est reconnu que tout Canadien a le droit, comme question de conscience ou de croyance religieuse, de soutenir que le mariage est l'union d'un homme et d'une femme, et qu'aucune peine ou pénalité ne sera imposée en vertu de la loi canadienne à une personne qui a une telle croyance. »

    Quatrièmement, inclure dans le projet de loi une protection expresse en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les organismes de bienfaisance qui mènent des activités à l'appui de la définition traditionnelle du mariage, de sorte qu'ils ne soient pas menacés de perdre leur statut d'organisme de bienfaisance uniquement en raison de leur position sur le mariage.

    Cinquièmement, modifier les dispositions sur le discours discriminatoire de la Loi canadienne sur les droits de la personne en ajoutant un nouveau paragraphe 12(2), qui se lirait comment suit: « Rien dans le paragraphe 1 ne limite la liberté d'une personne d'exprimer l'opinion que le mariage est l'union d'un homme et d'une femme ».

    Modifier l'article 319 du Code criminel pour protéger clairement des poursuites pénales toute personne qui fait des déclarations à l'appui de la définition traditionnelle du mariage ou contre le mariage entre conjoints de même sexe.

    Enfin, nous reconnaissons que même en adoptant toutes ces recommandations, cela ne suffira pas à protéger la liberté de religion et de conscience au Canada, à cause des compétences limitées du gouvernement fédéral. Par conséquent, nous recommandons fortement que vous attendiez que tous les gouvernements provinciaux aient adopté des lois qui garantissent que les Canadiens ayant des croyances religieuses ou une objection de conscience concernant le mariage puissent être protégés. Cela exigerait la protection de tout Canadien qui veut exprimer son appui au mariage traditionnel et agir en conséquence. Aller de l'avant avec une modification de la définition du mariage sans s'assurer que ces libertés essentielles sont protégées est une affirmation claire à l'ensemble du Canada et au reste du monde que le gouvernement n'accorde plus de valeur aux Canadiens qui ont des croyances profondément enracinées concernant le mariage traditionnel.

    En conclusion, Focus on the Family Canada vous invite à rejeter le projet de loi C-38. Le mariage est une institution qui est essentielle au bien-être de la société. Si le gouvernement est sérieux quand il dit qu'il accorde de la valeur à ce pilier de notre nation, nous vous demandons respectueusement de remettre en question cette expérience sociale désastreuse. Sinon, nous espérons que vous allez prendre au sérieux nos préoccupations concernant la liberté de religion et la liberté de conscience.

    Soyez assurés que si le gouvernement est déterminé à tenter des expériences avec une telle institution fondatrice pour notre société, une institution que Dieu lui-même a créée avant que les gouvernements existent, Focus on the Family Canada sera toujours là pour aider les époux et les épouses à construire des mariages solides et à aider les parents à élever leurs enfants. Notre travail sera plus difficile, cela ne fait aucun doute, mais nous sommes engagés plus que jamais à construire une culture qui met en valeur le mariage traditionnel, peu importe ce que le présent gouvernement décide de faire.

    Je vous remercie de votre temps.

º  +-(1600)  

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons maintenant donner la parole à M. Singh ou Mme Kaur du Ontario Gurdwara Committee.

+-

    M. Parminder Singh (membre, Ontario Gurudwara's Committee): Merci beaucoup. Je vais faire l'exposé au nom du Ontario Gurdwara Committee.

    Encore une fois, nous remercions les membres du comité de l'occasion qui nous est donnée de faire valoir notre position et nos objections à certains éléments de la loi sur le mariage entre conjoints de même sexe.

    Nous désirons d'abord affirmer que nous avons le plus grand respect pour la Charte canadienne des droits et libertés, qui reflète la plupart des principes enseignés par nos gourous. Nous pouvons dire avec fierté que le peuple sikh respecte la Charte depuis 500 ans, avant qu'elle fasse partie de la Constitution canadienne. Nous apportons l'avantage du recul.

    Nous tenons à répéter également que la Charte a été des plus précieuses pour garantir les droits, les privilèges et le respect dont jouissent les minorités et les nouveaux arrivants au Canada.

    Cependant, nous désirons affirmer que la législature prend des libertés avec les pouvoirs de coercition de l'État et qu'elle fait une mauvaise interprétation de l'esprit de la Charte. Elle viole un des arrangements les plus sacro-saints de la politie séculaire démocratique occidentale moderne. Elle franchit les frontières établies de longue date qui séparent les prérogatives de l'État de celles de la religion. Cette séparation, qui est apparue pendant la longue période du siècle des lumières en Europe, a permis d'assurer la pluralité communautaire et la tolérance de différentes perspectives philosophiques. Elle n'a jamais été destinée à remplacer une forme de tyrannie, d'uniformité, par une autre.

    En fait, la séparation et le devoir de neutralité sont présumés dans le paragraphe 2a) de la Charte, dans l'article consacré aux libertés fondamentales: « Chacun a la liberté fondamentale suivante: la liberté de conscience et la religion ». Rappelons aux législatures le premier article de la Charte: « La Charte canadienne des droits et libertés garantit les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. »

    C'est la prérogative de la religion d'avoir la liberté d'exercer la propriété sur certains mots et activités associés qui véhiculent exclusivement ses concepts, ses valeurs et ses objectifs fondamentaux tant et aussi longtemps que cela ne porte pas atteinte à la vie et à la liberté des personnes ou ne perpétue des préjudices ou de la discrimination dans la sphère publique. Nous faisons allusion à la liberté qui a été prise avec le mot « mariage » dans le projet de loi C-38 en élargissant sa signification. Le mot mariage, tel qu'il est utilisé dans la longue histoire des langues européennes, possède une signification et véhicule un concept profondément enracinés dans les traditions religieuses visant à sanctionner l'union entre un homme et une femme. En fait, les dictionnaires Oxford, Cambridge et Webster's définissent tous le sens du mot « mariage » comme l'union entre un homme et une femme.

    Apparemment, le mot proviendrait du mot français mari. Il fait partie de la langue anglaise depuis près de 1 000 ans pour célébrer l'union engagée entre des personnes de sexe différent par des cérémonies religieuses.

    Au cours du dernier siècle, l'État a décidé d'amener ce mot dans sa sphère de compétence juridique pour institutionnaliser les droits et responsabilités qui étaient traditionnellement codifiés par le biais de la doctrine religieuse. Avec le temps, l'État en a élargi la signification pour définir les unions engagées entre personnes de sexe opposé qui n'adhèrent pas à une religion. L'extension de sens donnée par l'État pour les engagements personnels a été qualifiée de « mariage civil »; cependant, le mot « mariage » est demeuré sans autre corruption et a continué d'être enraciné dans son contexte religieux traditionnel comme l'union entre un homme et une femme.

    Maintenant, l'État a l'intention de voler ce mot et ce concept pour leur donner une définition entièrement différente, reflétant son incompétence en matière de dextérité et de contexte linguistiques. Aucun article de la Charte ou de la Constitution n'autorise l'État à empiéter sur l'identité contextuelle reconnue d'un mot qui appartient à la tradition religieuse et à imposer une nouvelle interprétation sécularisée de ce mot. Cela viole la séparation qui existe entre l'État et la religion. L'État enfreint le paragraphe 2a) de la Charte lorsqu'il commence à jouer avec les concepts relevant de la religion et qu'il change l'usage doctrinal. Qui plus est, il excède ses pouvoirs en vertu de l'article 1. Il ne peut prétendre de manière convaincante que le fait de limiter le champ de la religion en imposant une nouvelle interprétation est dans l'intérêt d'une société libre et démocratique.

    Nous comprenons et estimons que l'État a la responsabilité fondamentale de s'assurer que tous ses citoyens sont traités également du point de vue des droits et privilèges, peu importe les modes de vie et les croyances des personnes. Ce n'est pas le rôle de l'État de sanctionner une forme particulière de valeurs morales par l'attribution sélective de droits et de privilèges.

    Sur la question des modes de vie des conjoints de même sexe, l'État sera accusé de négliger ses responsabilités ou, plutôt, d'avoir omis d'accorder des droits et privilèges égaux à tous ses citoyens. Cependant, l'État ne peut se racheter en volant un mot enraciné exclusivement dans la religion pour en élargir le sens. Qui plus est, et malgré la décision de la Cour suprême, avec laquelle nous ne sommes pas d'accord, la législation n'assure pas l'égalité enchâssée dans l'article 15 de la Charte en faisant en sorte que le mot « mariage » comprenne toutes les unions et, en fait, elle s'écarte de la notion d'égalité telle qu'on la comprend dans la jurisprudence canadienne.

º  +-(1605)  

    Nous voulons signaler aux honorables législateurs que la signification juridique d'égalité dans la jurisprudence canadienne trouve ses origines philosophiques dans les travaux d'Albert Dicey qui a proposé le concept d'égalité véritable. Ce concept, qui a été un principe directeur dans la jurisprudence canadienne dans le domaine, reconnaît que les gens n'ont pas les mêmes capacités et attributs et ne sont pas égaux en vertu de la loi, mais qu'en traitant les gens différemment, tout le monde sera sujet à des effets égaux de la loi. En d'autres mots, le fait de traiter tout le monde sans exception comme égaux ne permet pas de distinguer les caractéristiques personnelles des gens. Bien qu'une loi puisse être discriminatoire, elle doit avoir une égalité dans la substance de la loi et être appliquée également à tous. Nous demandons aux législateurs de réfléchir au but initial de l'empiètement de l'État dans le secteur le plus personnel de la vie des gens, celui du mariage.

    L'État a pris le rôle de reconnaître légalement le mariage dans le but principal de reconnaître la cohabitation engagée, les impôts, l'héritage et les avantages sociaux. L'État reconnaît une telle cohabitation engagée comme un contrat et, par conséquent, fixe les revenus, les avantages et les responsabilités liés à ce contrat.

    La religion utilise le mot « mariage » non pas comme une simple relation contractuelle avec des droits et des privilèges, mais comme un engagement enraciné dans des devoirs spirituels et personnels. Cependant, comme l'engagement décrit comme un mariage par l'État demeurait essentiellement l'union entre un homme et une femme, ce qui est conforme à la doctrine religieuse, les tiraillements au niveau conceptuel n'avaient guère d'importance.

    Maintenant que l'État outrepasse ses compétences et que non seulement il s'empare du concept, mais qu'il vole le mot, avec son bagage historique inhérent, pour déformer entièrement son sens hors contexte, nous demandons aux législateurs de nous dire quelle partie de la Charte leur impose cette responsabilité et quelle partie de la Constitution leur accorde ce droit.

    De nombreuses démocraties européennes et autres ont rempli leurs obligations de traiter tous les citoyens de manière égale en trouvant des mots différents pour différentes formes d'unions liées au mode de vie sans s'approprier par la force le vocabulaire conceptuel qui relève du domaine religieux. Le Royaume-Uni, dont la jurisprudence ressemble à celle du Canada, est parvenu à régler cette question avec succès. Nous ne voyons pas pourquoi le Canada devrait faire preuve d'une absence remarquable de flexibilité et de créativité.

    En résumé, nous ne demandons pas de juger les autres et nous n'essayons pas non plus de limiter l'État à accorder des droits et privilèges uniquement à un seul concept doctrinal pratique, mais nous demandons que l'État s'acquitte de son obligation d'assurer l'administration égale de la justice et la jouissance égale des droits en vertu de la Charte sans jouer le rôle de l'église ou s'approprier les concepts fondamentaux du domaine religieux et fausser leur sens à des fins politiques.

    Nous invitons les législateurs à réfléchir sérieusement et à se demander en quoi ils sont différents des régimes de l'église médiévale dont les tentatives pour imposer une vérité doctrinale à tous ont laissé un héritage d'antipathie laïque contre les traditions spirituelles. Les législateurs sont maintenant engagés dans un exercice semblable pour imposer des doctrines athées à tous. La loi doit comprendre qu'il y a des types différents d'associations et de concepts idéologiques dans la société. Par conséquent, il y a des mots différents pour justifier des formes différentes d'unions qui ne viennent pas mitiger les droits, les privilèges et les responsabilités de qui que ce soit.

    Nous nous opposons au projet de loi C-38 pour empêcher l'État de voler par la force et de fausser le sens d'un mot qui a une association historique à une forme d'union enracinée dans la doctrine religieuse. Copier ou s'approprier les concepts exclusifs des autres ne fait pas avancer la cause de l'égalité et du respect; ce qu'il faut, c'est que l'État trouve ses propres définitions et qu'il cherche l'égalité dans le traitement. Nous voulons également souligner que dans le gurdwara Sikh nous utilisons la langue gurmukhi. Nous considérons que les mots « Anand Karaj » se traduisent en anglais pas cérémonie du mariage. Si l'État a l'intention de changer la signification du mot « mariage » pour le rendre inclusif, nous estimons que les mots « Anand Karaj » ne peuvent plus se traduire par « mariage » selon notre doctrine. En vertu de l'article 2 de la Charte, nous demandons à l'État d'incorporer les mots « Anand Karaj » pour décrire l'union entre un homme et une femme, au moins pour les unions consacrées par les Sikhs.

    Merci de votre temps.

º  +-(1610)  

+-

    Le président: Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer au premier tour de questions, d'observations et de réponses; chacun aura sept minutes. Nous allons commencer par le Parti conservateur.

    Monsieur Toews, s'il vous plaît.

+-

    M. Vic Toews (Provencher, PCC): Merci, monsieur le président, pour vos observations.

    J'ai pris note de la lettre des quelque 134 professeurs de droit. Je dois exprimer ma déception face à ce type de présentation. On pourrait penser que lorsque des avocats se présentent devant le comité, ils donneraient, en fait, un avis juridique plutôt que de faire une attaque politique à peine voilée.

    Il est très intéressant d'examiner ce document. Premièrement, ces gens décident de s'en prendre à M. Harper plutôt que de traiter du projet de loi lui-même. Je n'ai pas soulevé d'objection technique à cela. J'aurais cru que j'aurais pu m'attendre à mieux de la part des professeurs, mais apparemment non.

    En parlant de M. Harper, ils ont écrit: « Vous avez au surplus affirmé qu'il ne serait pas légalement nécessaire d'utiliser la clause dérogatoire... afin de protéger une définition législative du mariage qui exclurait les conjoints de même sexe ». Ils poursuivent ensuite avec la profonde déclaration: « En tant que professeurs de droit, nous estimons que cette interprétation est erronée. »

    Je ne sais pas si ces professeurs de droit pratiquent le droit, plutôt que de l'enseigner, mais ils doivent savoir que 50 p. 100 de tous les avocats dans chaque cause sont dans l'erreur. Dans le présent cas, j'ignore si nous avons les 50 p. 100 qui ont raison ou les 50 p. 100 qui ont tort, mais je suis déçu qu'ils ne nous disent pas au moins pourquoi ils ne sont pas d'accord.

    Ensuite, ils insinuent qu'un parlementaire n'a pas été tout à fait honnête. Je trouve cela extraordinaire. Peut-être que c'est pour cette raison qu'ils n'ont pu nous donner une opinion—parce que 134 professeurs de droit ne peuvent s'entendre sur rien. Ils disent: « En fait, l'inconstitutionnalité de votre position n'aurait pour seul effet que de renvoyer la question du mariage de conjoints de même sexe devant les tribunaux. Venant de quelqu'un qui défend constamment le prima de la volonté du Parlement, une telle position est pour le moins étonnante. »

    Je ne sais pas pourquoi 134 professeurs de droit trouveraient cela étonnant. Ils ne le disent pas. Ce genre de lettre est indigne d'un étudiant en droit, alors que dire de 134 professeurs de droit. Où est l'avis juridique? Il n'y a pas d'avis juridique ici.

    Je vais passer à travers ce document pour démontrer qu'il ne s'agit pas d'un avis juridique; il s'agit d'une attaque politique à peine voilée. Nous savons tous que le professeur Choudhry, qui était membre du comité politique du premier ministre pour sa réélection, est un libéral notoire. Alors, nous savons d'où vient tout cela.

    Dans le deuxième paragraphe, ils disent: « Il vous incombe donc d'expliquer aux Canadiennes et Canadiens comment votre projet de consacrer législativement la définition traditionnelle du mariage pourra survivre à une contestation constitutionnelle ». Et ils continuent en disant: « En vérité, il n'existe qu'un seul moyen d'arriver à vos fins. Il s'agit, en l'occurrence, d'invoquer la disposition dérogatoire de la Charte canadienne . »

    Encore une fois, nous donnent-ils un avis juridique? Non. Il s'agit d'un vague appel à l'autorité des professeurs de droit qui estiment que cette interprétation est erronée. Laisser entendre que M. Harper ou quiconque d'autre n'a pas été tout à fait honnête n'est tout simplement pas nécessaire. Lorsque je reçois une lettre de 134 professeurs de droit, je m'attends à voir un peu de droit.

    Ils poursuivent en disant:  « Bien que la Cour suprême ne se soit pas directement penchée sur cette question dans le récent renvoi sur le mariage de conjoints de même sexe, des tribunaux de Colombie-Britannique, de Saskatchewan, du Manitoba, de Terre-Neuve, de l'Ontario, du Québec, de Nouvelle-Écosse et du Yukon ont unanimement opiné en faveur de l'inconstitutionnalité de toute définition du mariage qui exclurait le mariage de conjoints de même sexe. »

    Ils écartent ici la Cour suprême comme s'il s'agissait d'un élément technique sans pertinence. Je suis un peu étonné de ce: « Bien que la Cour suprême ». Ils ne disent pas pourquoi la Cour suprême du Canada a choisi de ne pas traiter de cette question. Où est l'avis juridique?

    Ensuite ils disent: « En vérité, il n'existe qu'un seul moyen d'arriver à vos fins. »

    Je dois m'étonner de ce « En vérité ». Des déclarations sèches ne nous intéressent pas. Nous aimerions savoir quel est l'avis.

º  +-(1615)  

    Puis, à la deuxième page, il affirme vers la fin de la lettre, en accusant le chef du Parti conservateur de se livrer à des jeux politiques: « Si, en bout de ligne, vous optez pour la révocation des droits constitutionnels des Canadiennes et Canadiens, vous devriez avoir la franchise de le dire ouvertement. Les Canadiennes et Canadiens ne s'attendent pas à autre chose de votre part ».

    J'aurais cru que les Canadiennes et Canadiens s'attendent à mieux de 134 éminents professeurs de droit que de les voir venir ici mener une attaque politique à peine voilée dans le cadre d'un pareil débat.

    Ce qui m'inquiète et ce dont j'aimerais peut-être que nous parle Focus on the Family, c'est la décision rendue par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique qui confirme le licenciement de M. Kempling, enseignant dans cette province. Nous avons entendu aujourd'hui un avocat nous dire que la liberté religieuse n'est pas remise en question. Les déclarations faites par ces avocats me rappellent celles du ministre de l'Information de l'Irak...

+-

    Le président: Monsieur Toews, un instant.

+-

    M. Vic Toews: Oui, je vous remercie.

    Je disais donc que cela me rappelle la déclaration faite par le ministre de l'Information de l'Irak à Bagdad, lors d'une entrevue avec les médias, lorsqu'il a dit: « Oh non! Il n'y a pas de chars d'assaut américains à Bagdad ». À l'arrière-plan, on voyait défiler les chars d'assaut.

    C'est exactement ce qui s'est passé ici. La décision Kempling est en fait la preuve que la liberté religieuse subit des assauts au pays. Pourtant, des avocats comme le ministre de l'Information affirment simplement:« Il n'y a pas de chars d'assaut ici. Pas de problèmes. »

    Madame White, vous pourriez peut-être nous parler un peu de vos préoccupations?

+-

    Mme Anna Marie White (directrice, Politique des familles, Focus on the Family Canada): Avec plaisir.

    En réalité, j'allais simplement attirer votre attention sur un article paru dans le journal de ce matin où il est question de la légère inquiétude de groupes confessionnels au sujet du débat entourant le mariage entre conjoints de même sexe. Certains se sont prononcés en faveur de l'abolition du statut d'organisme de bienfaisance qui les exonère d'impôt, par exemple.

    La situation de M. Kempling nous préoccupe tous vivement. Voilà un simple citoyen auquel on a refusé le droit d'exprimer ses convictions religieuses en public. Ce qu'il faut faire, c'est de dialoguer, mais en sortant du cadre de protection des droits de la personne et en cessant de garder ses opinions pour soi.

    Mon estimé collègue a fait allusion, dans sa déclaration, à la manière dont, dans l'affaire de Trinity Western, le droit à la libre expression a été restreint. Vous pouvez avoir des croyances religieuses, votre droit à la liberté religieuse est garanti, mais l'expression de cette liberté religieuse sur la scène publique—et le cas de M. Kempling en est un exemple parfait—est restreinte. C'est là une de nos grandes sources de préoccupation dans le projet de loi à l'étude.

[Français]

+-

    Le président: Thank you.

    Nous passons maintenant au Bloc québécois.

    Maître Marceau.

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Merci aux témoins d'être venus nous voir aujourd'hui. Les présentations furent fort intéressantes et très appréciées.

    Je commencerai par un commentaire. Maîtres Cyr et Ryder, le fait de lire cette lettre portant 134 signatures, dont la vôtre, m'a fait un petit velours. Je me suis dit que 134 professeurs d'université fort reconnus dans le domaine du droit constitutionnel étaient d'accord sur l'analyse que j'avais faite et la conclusion à laquelle j'en étais arrivé à partir des témoignages entendus au Comité permanent de la justice. Contrairement à mon collègue M. Toews, qui est aussi très apprécié mais avec lequel je suis quelquefois en désaccord, j'ai trouvé la lettre fort intéressante. On ne vous avait pas demandé une opinion juridique comme telle, mais un résumé destiné aux médias à grand tirage. Lorsqu'il est question de publication dans un journal, on ne présente pas un mémoire de 80 pages comportant 18 notes en bas de page. Nous nous entendons sur ce fait.

    Je voudrais poser deux questions, la première étant destinée à Me Cyr. Êtes-vous d'accord sur l'interprétation de Me Ryder concernant l'inconstitutionnalité de l'article 3 du projet de loi C-38 tel que rédigé actuellement?

    Ma deuxième question s'adresse soit à Me Cyr ou à Me Ryder. M. Rolston a fait allusion à l'opinion de Me Meehan. J'aimerais entendre vos commentaires sur ce point de vue, que vous avez sûrement eu l'occasion de lire. Nous pourrions commencer par Me Cyr et la question sur l'article 3.

º  +-(1620)  

+-

    M. Hugo Cyr: Je parlerai d'abord rapidement de l'opinion de Me Meehan. Certaines personnes ont prétendu que les décisions de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et, en fait, de la plupart des provinces portaient sur la common law et que, par conséquent, si une loi était adoptée, les tribunaux traiterait la question d'une façon différente. Or, pour une raison que j'ignore, on oublie que la cause qui vient du Québec et qui a fait l'objet d'une décision de la Cour supérieure et de la Cour d'appel portait sur la contestation d'une loi fédérale adoptée par ce Parlement.

º  +-(1625)  

+-

    M. Richard Marceau: On parle de la Loi d'harmonisation n° 1 du droit fédéral avec le droit civil.

+-

    M. Hugo Cyr: Tout à fait. C'est une loi fédérale. On a déjà fait la tentative: il n'y a pas de différence entre la façon dont les tribunaux traitent la définition discriminatoire du mariage lorsqu'il s'agit d'une règle de la common law et la façon dont ils la traitent lorsqu'ils s'agit d'une règle adoptée en vertu du processus législatif.

    Sur ce point, je n'ai pas vu exactement le détail de l'expression de Me Meehan, mais il a pu vouloir dire que le Parlement pourrait adopter la loi. Je ne nie pas que le Parlement pourrait adopter une loi sans avoir recours à la clause nonobstant, sauf que dès qu'elle serait adoptée, elle serait contestée et invalidée. Telle est la véritable question. La question ne consiste pas à savoir si on empêcherait le Parlement d'agir si on vous retirait vos crayons juste avant que vous apposiez votre signature. C'est le premier point.

    Le deuxième point porte sur l'article 3 du projet de loi, qui se lit comme suit:

3. Il est entendu que les autorités religieuses sont libres de refuser de procéder à des mariages non conformes à leurs convictions religieuses.

    Je ne suis pas aussi certain que mon collègue qu'il s'agit d'une disposition inconstitutionnelle. La différence, en termes de phraséologie, semble indiquer, à mon avis — on peut différer d'opinion —, que la disposition est vraiment purement déclaratoire et qu'elle ne vise pas à définir le partage des compétences comme cela aurait pu être le cas dans la disposition évaluée par la cour. C'est simplement une disposition qui me semble déclaratoire, qui reconnaît des droits religieux. C'est une reconnaissance en vertu de l'article 2, mais ce n'est pas un article qui vise à déterminer des compétences législatives. Toutefois, il faut se rappeler que la célébration des mariages est de compétence provinciale et qu'il est impossible, pour le Parlement fédéral, de légiférer sur ce sujet.

    J'ouvre une parenthèse. Il ne faut pas oublier la raison pour laquelle le Parlement fédéral a une compétence en matière de mariage. Ce qui se passe aujourd'hui est une réplique de ce qui s'est passé en 1867. Pour des raisons religieuses, les gens ne s'entendaient pas sur ce qui constituait un mariage valide, ce qui créait des régimes éparpillés, différents, qui faisaient en sorte qu'il y avait un manque de cohésion, un chaos sur le plan du droit privé international et de perpétuels conflits de lois. Or, la seule raison pour laquelle le Parlement fédéral a une compétence en regard du statut est qu'on a voulu éviter que ce type de problème se reproduise. Comme on ne s'entendait pas pour des raisons religieuses, on a décidé d'ouvrir la question du mariage afin de s'assurer que les gens d'une province ou d'une autre qui se marient puissent se déplacer à l'intérieur du Canada sans voir leurs droits disparaître et réapparaître. Cela ne vise pas uniquement les individus, mais également les banques, les compagnies d'assurances, enfin tous ceux qui doivent faire affaire avec des gens qui se sont mariés dans une province, afin d'assurer la stabilité des contrats et des effets juridiques.

+-

    M. Richard Marceau: Merci beaucoup.

    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président? Il me reste une minute, je ferai donc simplement un bref commentaire.

    Nous avons, monsieur Rolston et madame White, jusqu'à 18 heures pour déposer des amendements au projet de loi C-38 à cette étape-ci. Je veux simplement vous dire que j'ai déposé un amendement qui dit à peu près ceci: une organisation ne peut perdre son statut d'organisation de charité si elle refuse de célébrer le mariage entre conjoints de même sexe. À mon avis, c'est redondant. Je crois que ce droit était déjà protégé, mais dans le but d'atténuer certaines craintes qui avaient été formulées par votre groupe et par d'autres groupes aussi, j'aimerais que cela soit spécifié noir sur blanc dans le projet de loi C-38. Je sais que cela ne fera pas de vous des convertis au projet de loi C-38 ni au mariage entre conjoints de même sexe, mais j'espère quand même que c'est un pas dans la direction que vous souhaitez suivre.

    Je désire remercier une de vos alliées, sûrement, qui est assise derrière vous à ce comité et qui m'a fourni le libellé de cet amendement.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    C'est maintenant au tour du Nouveau Parti Démocratique.

    Monsieur Siksay, vous disposez de sept minutes.

+-

    M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président, et je tiens à remercier tous les témoins de s'être présentés cet après-midi. Je leur suis reconnaissant d'avoir pris la peine de venir jusqu'ici.

    J'aimerais poser une question à M. Ryder.

    Dans votre déclaration, vous avez très clairement affirmé que vous n'étiez pas préoccupé par les dispositions actuelles de la Charte concernant la liberté religieuse. Accordez-vous le même niveau de confiance aux lois provinciales des droits de la personne ou existe-t-il des exemples flagrants où, selon vous, la jurisprudence au sujet de la liberté de religion est préoccupante?

+-

    M. Bruce Ryder: Je n'irais pas jusqu'à dire que je n'ai pas de préoccupation. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, il s'agit-là d'un problème très épineux du droit canadien actuellement, un problème au sujet duquel il existe beaucoup de flottement, là où s'affrontent la liberté religieuse et le droit à l'égalité, particulièrement le droit à l'égalité des gais et des lesbiennes.

    Je faisais simplement valoir que ces problèmes ne datent pas du projet de loi C-38, mais bien auparavant. Que le projet de loi C-38 soit adopté ou pas, ils continueront d'exister, y compris les problèmes liés à la célébration du mariage, parce que les mariages entre les conjoints de même sexe sont déjà autorisés presque partout au pays. Je crois que la capacité du Parlement de régler ces questions est très limitée, mais il se pourrait que des modifications apportées à la loi des droits de la personne au niveau des provinces et des territoires puissent atténuer certaines des craintes exprimées.

    La modification adoptée plus tôt dans l'année par l'Assemblée législative de l'Ontario en est un exemple. Il s'agit d'une disposition qui, à mon avis, énonce l'évidence, mais elle pourrait néanmoins être utile pour dissiper certaines inquiétudes et rendre parfaitement clair que les professionnels d'une église qui refusent de célébrer des mariages contraires à leurs croyances ne vont pas l'encontre des lois sur les droits de la personne. Il serait peut-être utile également que les assemblées législatives des provinces et des territoires envisagent la possibilité d'adopter d'autres modifications qui iraient encore plus loin, au-delà de la situation des institutions et des professionnels religieux, et qui s'appliqueraient à d'autres situations qui sont survenues et qui ont été la source de préoccupations.

    J'estime qu'il est très important que nous nous efforcions d'atteindre un juste équilibre entre la liberté de religion et les droits à l'égalité. Les assemblées législatives peuvent faire beaucoup pour nous aider à atteindre cet équilibre. Nous ne pouvons pas choisir quels droits ou quelles libertés nous souhaitons confirmer. Nous devons trouver une solution qui respecte les droits et libertés de chacun.

+-

    M. Bill Siksay: Monsieur Rolston et madame White, je suppose que Focus on the Family a déjà comparu devant des comités parlementaires dans le passé, probablement au sujet de nombreuses questions. L'avez-vous fait souvent, ou est-ce une expérience nouvelle pour vous?

+-

    Mme Anna Marie White: Non, je dirais que nous avons participé à de nombreux débats.

+-

    M. Bill Siksay: Dans le passé, votre statut d'organisme de bienfaisance auprès de Revenu Canada ou de l'ADRC a-t-il été remis en question à la suite d'une de vos interventions?

+-

    M. Terence Rolston: Non, mais ce qui distingue cette situation de toutes les autres, c'est qu'il s'agit de savoir si c'est un droit de la personne ou non et si l'on va à l'encontre de la Charte. La question comporte un élément de discrimination qui pourrait aller à l'encontre de l'intérêt public. À nouveau, Anna Marie a fait allusion à cet article qui est paru dans le journal d'aujourd'hui, mais toute la question a été en réalité mise en relief dans le National Post. C'était dans le journal d'aujourd'hui. Il était question de M. Bourassa, que le journal décrirait comme un important militant gai de Toronto, qui a dit lui-même que nous avions raison de craindre que notre statut d'organisme de bienfaisance soit contesté. Ce n'est donc pas notre imagination. Je ne crois même pas que nous cherchions à semer la peur. C'est la très réelle reconnaissance d'une préoccupation que nous avons et que reconnaîtraient peut-être aussi ceux qui sont favorables au projet de loi. Il n'est pas question de simplement faire peur. Il s'agit d'un véritable problème au sujet duquel nous réclamons à la fois des précisions et une certaine protection.

º  +-(1630)  

+-

    M. Bill Siksay: Lors de son témoignage devant nous, l'Église unie a affirmé avoir reçu de l'ADRC un appel durant la campagne électorale fédérale pour lui rappeler les responsabilités des organismes de bienfaisance, pour lui rappeler son obligation de neutralité politique. C'est ce dont parlait M. Bourassa lorsqu'il a mentionné son bénévolat pour la Metropolitan Community Church à Toronto et qu'il souhaitait avoir l'assurance que l'organisme se conformait aux exigences de la loi actuelle. Est-ce une question que d'autres organismes ont abordé avec vous ou avez-vous déjà eu ce genre de contact durant une période électorale en particulier au sujet d'une activité politique partisane?

+-

    M. Terence Rolston: Nous ne représentons pas d'autres organismes, de sorte que je ne puis pas forcément dire, mais il est vrai qu'au sein de notre propre organisme, nous sommes très conscients des restrictions et des lignes directrices que nous devons respecter aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu en tant qu'organisme de bienfaisance.

    Quant aux activités sectaires, nous ne pouvons pas y prendre part. C'est interdit. Ce n'est pas une question d'activité politique restreinte du tout. C'est plutôt une question de décider clairement si le fait d'avoir des croyances religieuses peut être considéré comme étant discriminatoire et, de ce fait, contraire à l'intérêt public, à la politique gouvernementale, de sorte que nous nous retrouverions à ne pas littéralement contribuer à l'intérêt public et à n'être donc pas admissibles au statut d'organisme de bienfaisance. Il n'est pas question de politiser quoi que ce soit, mais bien de savoir ce que signifie cette croyance.

+-

    M. Bill Siksay: Toutefois, jusqu'ici, il n'est jamais arrivé que quelqu'un prenne des mesures contre vous à la suite d'une déclaration faite par votre organisme, d'une comparution au Parlement ou de quoi que ce soit du même genre?

+-

    M. Terence Rolston: Je ne suis pas sûr de répondre... Je crois que nous...

+-

    M. Bill Siksay: Des mesures ont-elles été prises contre votre organisme pour lui retirer son statut d'organisme de bienfaisance ou connaissez-vous des organismes auxquels c'est arrivé?

+-

    M. Terence Rolston: Nous avons certes été approchés par des organismes gouvernementaux au sujet de déclarations que nous avons faites, qu'il s'agisse du CCNR ou d'autres qui suivent notre activité. L'an dernier, durant une campagne particulière que nous avons menée, on nous a demandé si nous n'étions pas en train de nous livrer à des activités partisanes. Je crois donc qu'une certaine surveillance est exercée et qu'il y a reddition de comptes convenable. Nous sommes très conscients des exigences de la loi et des règles.

    Toutefois, à nouveau, simplement par souci de clarté, cela n'a rien à voir avec l'activité politique. Il s'agit plutôt de savoir si une croyance, une croyance religieuse, est discriminatoire et de ce fait contraire à l'intérêt public et à la politique gouvernementale, de sorte que nous pourrions fort raisonnablement nous attendre à perdre notre statut d'organisme de bienfaisance.

+-

    M. Bill Siksay: D'après les contacts que vous avez eus, vous avez dit cependant qu'une certaine surveillance était exercée. Vous n'avez pas perçu cela comme étant une menace, une tentative d' intimidation ou quoi que ce soit du même genre?

+-

    M. Terence Rolston: Dans le cas particulier de l'an dernier dont je vous ai parlé, durant notre campagne, l'Agence du revenu nous a envoyé un avis pour nous informer qu'on viendrait vérifier nos livres. Était-ce une menace? De l'intimidation? Ce n'est pas à moi de le dire. Je crois qu'ils ont un processus à suivre. Nous sommes en train d'examiner la question, simplement pour qu'on nous communique tous les renseignements à cet égard.

    À nouveau, ce qui nous intéresse, c'est de bien faire. Nous sommes très conscients de ce que prévoient les règlements et nous sommes convaincus que nous les respectons. Ce que nous craignons, c'est qu'en raison du projet de loi à l'étude, nos croyances ne soient jugées discriminatoires.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Nous allons maintenant céder la parole à un membre libéral.

[Français]

    Monsieur Boudria, vous disposez de sept minutes.

+-

    L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.): Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Ma première question s'adresse à M. Rolston. Vous préconisiez que soient supprimés tous les articles du préambule. Il y en a une dizaine, je crois.

    Le septième parle de « garantie » de la liberté de conscience et de religion. Souhaitez-vous supprimer celui-là également?

+-

    Mme Anna Marie White: Me permettez-vous de répondre à cette question?

º  +-(1635)  

+-

    L'hon. Don Boudria: Je n'y vois pas d'inconvénient.

+-

    Mme Anna Marie White: La difficulté causée par, si je puis l'exprimer ainsi, les tentatives en vue de garantir la liberté de religion dans le préambule, c'est que ces initiatives sont inefficaces et ne sont pas exécutoires dans une cour de justice. Voilà où se trouve la difficulté. Elles prévoient un cadre juridique au sein duquel les tribunaux interpréteront la loi, comme nous l'avons vu dans d'autres causes, mais elles ne donnent pas, loin de là, de garantie coulée dans le béton à l'égard du droit à la liberté religieuse.

    Comme je l'ai déjà dit, nous sommes très préoccupés par la façon dont la liberté religieuse s'insère dans toute la question de la liberté d'expression.

    Est-ce un début de réponse à votre préoccupation?

+-

    L'hon. Don Boudria: Je ne suis pas d'accord avec vous, mais s'il est vrai que la garantie est sans effet, pourquoi tenez-vous tant à la supprimer?

+-

    Mme Anna Marie White: Il y a plusieurs sources de préoccupation.

    Tout d'abord, les libertés religieuses insérées dans le dispositif du projet de loi à l'étude ne relèvent pas de la compétence du Parlement, en ce sens qu'elles ont trait à plusieurs questions de compétence provinciale auxquelles mon collègue a déjà fait allusion, notamment au financement des écoles privées, à la confessionnalité des écoles et aux lois d'adoption, par exemple. Il existe toute une foule de domaines dont je suis sûre que le député est conscient, au sujet desquels le Parlement fédéral n'a pas compétence. Nous sommes préoccupés par les événements qui surviennent dans ce domaine ou dans les domaines où le gouvernement fédéral et les provinces se partagent les compétences.

+-

    L'hon. Don Boudria: Sauf votre respect, il est toutefois question ici de l'article 3 du projet de loi. Je vous posais une question au sujet du préambule.

    Quoi qu'il en soit, avec votre permission, je vais passer à une autre question. Votre position continue de me laisser un peu perplexe. Vous préconisez, à nouveau M. Rolston, que nous apportions des modifications au projet de loi. Comme vous le savez peut-être, le processus législatif est tel que... Je suis en train de lire un passage de notre manuel. Ce sont les règles de fonctionnement de notre comité. Il s'intitule La procédure et les usages de la Chambre des communes, de Marleau et Montpetit. Au sujet des amendements, on peut y lire: « Dans ses travaux, le comité doit respecter un certain nombre de contraintes. Il ne peut empiéter sur la prérogative financière de la Couronne, il ne peut aller au-delà de la portée du projet de loi adopté à l'étape de la deuxième lecture » et ainsi de suite. En d'autres mots, nous ne pouvons pas modifier une loi qui ne nous a pas été renvoyée. Nous pouvons faire certaines choses au moyen d'amendements pour rassurer, préciser et ainsi de suite.

    Par exemple, la Loi de l'impôt sur le revenu —du moins, certains de ses articles—est mentionnée dans le projet de loi, mais le Code criminel ne l'est pas, de sorte que nous ne pouvons pas modifier le Code criminel en adoptant un amendement au projet de loi à l'étude. Cela va au-delà de la portée du projet de loi. Je ne puis concevoir de cas où une pareille chose serait possible.

    L'amendement dont vous parlez vise à insérer une disposition qui ajouterait de la clarté dans la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est bien cela?

+-

    M. Terence Rolston: C'est juste.

+-

    L'hon. Don Boudria: Nous en débattrons selon le moment où il nous sera renvoyé. Il se peut qu'il ne déborde pas de la portée du projet de loi. Toutefois, pour ce qui est de l'amendement visant le Code criminel, je suis désolé, mais peu importe à quel point on pourrait vouloir le faire, c'est impossible. Je ne vois pas comment cela pourrait se produire, selon ce que je sais de la procédure.

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse au professeur Cyr et concerne précisément la lettre. Si on réalisait ce que nous demande de faire le chef de l'opposition — et ce n'est pas, il va sans dire, ce que je préconise —, quel effet cela aurait-il sur les conjoints de même sexe qui se sont déjà épousés? Entre le moment où la première décision a été rendue et aujourd'hui, je crois savoir qu'ils sont assez nombreux à s'être mariés. Si ma mémoire est bonne, on m'a dit au bureau du ministre qu'ils étaient environ 2 000. Je ne me rappelle plus s'il s'agissait de 2 000 couples ou de 2 000 personnes, mais quoi qu'il en soit, on parle ici d'un bon nombre de cas.

    S'il advenait que le Parlement décide qu'il n'existe pas de mariages entre conjoints de même sexe, est-ce que cela annulerait le mariage des 1 000 ou 2 000 couples, selon le cas, qui se sont mariés jusqu'à présent? Bien entendu, ce n'est pas ce que je souhaite. J'aimerais simplement connaître votre point de vue à ce sujet.

+-

    M. Hugo Cyr: C'est là une excellente question. En fait, c'est une des raisons principales — sinon la raison principale — qu'a invoquée la Cour suprême pour refuser de répondre à la quatrième question. Nous n'avons pas mentionné cela dans la lettre, qui était une lettre d'opinion destinée aux tribunaux. Or, concernant la question des mariages, la Cour suprême dit explicitement que ces gens ont des droits acquis. Elle refuse de prendre une décision dans le contexte actuel puisqu'il y aurait confusion, à savoir si les mariages sont toujours valides. Elle ne dit pas qu'ils le seraient ou qu'ils ne le seraient pas. Elle dit que cela créerait une confusion.

    On ne sait pas vraiment ce qui arriverait si la loi stipulait que les mariages n'ont jamais été valides. On sait par contre que cela placerait plusieurs personnes dans une situation très inconfortable. Je ne parle pas ici uniquement des couples qui ont été mariés, mais aussi des gens qui ont conclu des affaires de nature juridique avec ces couples, avec l'idée que ces relations jouiraient d'une certaine stabilité.

    Par exemple, le patrimoine familial n'existe au Québec que pour les gens mariés ou unis dans le cadre d'une union civile. Dans le cas des conjoints de fait, il n'y a pas de patrimoine familial. Il existe par contre dans celui des conjoints de même sexe qui se marient. Le créancier de l'un des membres de ce couple, par exemple, prévoit que la maison incluse dans le patrimoine familial fera partie du patrimoine général. Si on invalide l'union, un important élément du patrimoine disparaît. Ce n'est sans doute pas ce à quoi le créancier s'attend.

    Cette situation pourrait s'appliquer dans le cas des banques, en matière d'hypothèques, ou dans le cas des assurances-vie. Tout cela créerait en effet un désordre assez important qui se répercuterait sur bien d'autres gens que ceux déjà mariés. Je n'entends pas par là minimiser la situation de ces couples. Dans leur cas, cette éventualité déstabiliserait toute leur vie. Néanmoins, ce serait aussi un gros problème pour les autres.

º  +-(1640)  

+-

    L'hon. Don Boudria: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    La parole va maintenant au Parti conservateur. Nous venons d'amorcer les tours de table supplémentaires de cinq minutes.

    Monsieur Warawa, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Mark Warawa (Langley, PCC): Merci, monsieur le président. Je remercie également chacun des témoins d'avoir répondu à notre invitation.

    Monsieur le président, j'aurais un commentaire à faire. M. Cyr et M. Ryder sont tous deux inscrits comme témoins à titre personnel. Or, ils ont eu droit à 10 minutes chacun, alors qu'ils sont tous deux signataires de la lettre. Le point est intéressant et me laisse un peu perplexe. Voilà un autre exemple de certains qui sont privilégiés par rapport à d'autres quand vient le temps de prendre la parole.

+-

    Le président: D'accord. Avant d'aller plus loin, puisqu'il en est question, laissez-moi vous expliquer que M. Cyr était inscrit sur une liste, en tant que signataire de la lettre, et M. Ryder, sur une autre liste qui n'a rien à voir avec la lettre, la liste en provenance de Justice Canada.

    Je vous remercie d'avoir soulevé le point. Ils ont eu leurs dix minutes; vous avez maintenant vos cinq minutes.

    Je vous remercie.

+-

    M. Mark Warawa: Merci, monsieur le président.

    Mon premier commentaire s'adresse à M. Ryder.

    Je comprends votre point de vue, mais je ne suis pas nécessairement d'accord. Je dirais même que votre conclusion me préoccupe passablement. Vous avez dit que dans les années 50, il y avait des maris et il y avait des épouses, et que celles-ci demeuraient à la maison pour s'occuper des enfants. Je crois que certaines personnes pourraient juger de tels propos offensants et dégradants. Si une femme choisit d'être une épouse et de rester à la maison pour prendre soin des enfants, elle pourrait considérer que votre point de vue est dégradant.

    Je suis marié depuis 33 ans. Mon épouse et moi avons eu cinq enfants. C'est une femme extraordinairement douée. Elle aurait pu faire ce qu'elle aurait voulu, et elle a choisi de s'occuper de nos enfants. Elle a des talents et des compétences que je n'ai pas. J'ai beaucoup d'admiration pour elle. Comme je le dis souvent, c'est une artiste, elle fait de la décoration intérieure, mais elle a choisi...

    Je dois donc vous dire que vos commentaires m'inquiètent un peu.

    J'aimerais tout d'abord poser une question aux représentants du Ontario Gurdwara Committee. Nous avons reçu un témoin de la World Sikh Organization qui a adopté un point de vue différent du vôtre relativement au projet de loi C-38. Je sais également que votre organisation englobe un certain nombre d'écoles. La semaine dernière, nous avons aussi entendu des témoins qui nous ont parlé des écoles confessionnelles. On nous a fait valoir qu'il y avait des risques d'entrave à la liberté d'enseignement des principes de votre foi dans ces écoles. Celles-ci bénéficient d'un financement provincial. Environ 50% des fonds vont à l'école.

    Pourriez-vous nous dire si cette situation vous préoccupe à la lumière des cas antérieurs? Nous avons entendu parler de la situation de M. Kempling qui a perdu sa cause concernant la liberté d'expression. Comment les choses se passent-elles dans vos écoles confessionnelles? Pouvez-vous nous en parler?

º  +-(1645)  

+-

    M. Parminder Singh: Certainement. Je ne peux pas vous dire exactement ce qui se passe dans les écoles, parce que je ne connais pas très bien ce système. C'est un autre segment de notre organisation qui s'occupe de ces questions. Mais je peux comprendre les préoccupations que cela soulèverait. Je crois que ma déclaration faisait surtout part de nos inquiétudes à l'égard de la définition du « mariage ». Le mode de vie qu'une personne peut choisir relève de l'indépendance dont toute personne jouit. Est-ce que cela poserait problème? Peut-être bien. Est-ce un problème actuellement? Je ne crois pas. Cette préoccupation n'a pas encore été soulevée. C'est tout ce que je peux vous dire à ce sujet.

+-

    M. Mark Warawa: D'accord. Et concernant la World Sikh Organization et son point de vue qui diffère de celui de votre comité?

+-

    M. Parminder Singh: Eh bien, je crois que la World Sikh Organization, encore une fois...Je suppose que c'est la même chose pour bon nombre de groupes confessionnels chrétiens qui comptent une variété de membres dans leurs rangs. Je pense que c'est ainsi que la distinction s'effectue. Notre point de vue a été adopté en fonction d'un sondage mené dans tous les gurdwaras faisant partie de l'organisation ontarienne, alors que la World Sikh Organization regroupe différentes associations d'Amérique du Nord et d'outremer.

+-

    M. Mark Warawa: D'accord. J'ai encore une question rapide. Comme je dispose de peu de temps, peut-être que chaque représentant pourrait commenter.

    Environ les deux tiers des Canadiens sont d'avis que nous devrions préserver la définition traditionnelle du mariage comme étant l'union entre un homme et une femme, tout en offrant les mêmes droits et les mêmes avantages à tous les conjoints de même sexe dans le cadre de ce qu'on pourrait appeler une union civile, et en protégeant les libertés religieuses. C'est essentiellement la proposition qui a été rejetée par le Parlement, ce qui fait que nous poursuivons l'étude du projet de loi C-38.

    Considérez-vous qu'une union civile, si elle est assortie des mêmes droits, est moins valable qu'un mariage? Il y aurait deux définitions distinctes, mais les mêmes droits seraient accordés. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?

+-

    Le président: Je suis désolé, mais il faudrait se limiter à cinq secondes par réponse, parce que vous n'avez plus de temps, M. Warawa.

[Français]

+-

    M. Hugo Cyr: Ce n'est tout simplement pas la même chose.

[Traduction]

+-

    M. Mark Warawa: Pourquoi?

+-

    Le président: Non, je suis désolé, vous n'avez vraiment plus de temps. Vous pouvez obtenir une réponse rapide des autres témoins.

+-

    M. Bruce Ryder: Je pourrais vous répondre brièvement que c'est attribuable aux décisions des tribunaux qui ont conclu que cela ne satisfaisait pas aux critères de la Charte en matière d'égalité des droits. C'est parce que la question en cause actuellement est celle des ressources symboliques associées à l'état matrimonial. Selon le jugement rendu par la Cour suprême, l'union civile ne donne pas accès à ces ressources symboliques.

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres observations?

+-

    M. Terence Rolston: Il ne fait aucun doute que nous sommes en faveur du mariage traditionnel. C'est une valeur fondamentale que nous voulons défendre.

    Quant aux autres questions, il nous est difficile de commenter sans voir le texte du projet de loi. Nous allons donc attendre avant de formuler des observations à ce sujet.

+-

    M. Parminder Singh: Je veux ajouter que, comme je l'ai déjà un peu dit, au sein des gurdwaras sikhs, nous utilisons le terme « anand karaj », qui désigne la cérémonie du mariage. Le problème c'est que notre définition ne correspondrait pas à celle utilisée par l'État.

    Encore là, cela n'a rien à voir avec le sikhisme. Ce sont les pouvoirs que s'arroge actuellement l'État qui nous posent problème.

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons maintenant revenir au Parti libéral du Canada avec Mme Neville pour cinq minutes.

+-

    Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Merci à tous pour votre présence.

    Mes questions s'adressent à Mme White et M. Rolston.

    L'ordre du jour que nous avons reçu indique que vous représentez « Focus on the Family Canada ». Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet de votre organisation? Pourquoi précise-t-on « Canada »? Y a-t-il d'autres groupes Focus on the Family dans les provinces et les territoires?

    Je vais vous laisser répondre avant de poser mes autres questions.

º  +-(1650)  

+-

    M. Terence Rolston: C'est bien « Focus on the Family Canada ». Nous sommes constitués en société sous le nom « Focus on the Family Canada Association ». Nous avons laissé tomber le terme « Association ».

    Nous sommes une entité juridique distincte, constituée en vertu de la Society Act de la Colombie-Britannique au Canada. Nous sommes affiliés à d'autres organisations Focus on the Family à l'échelle internationale, mais nous constituons une entité juridique distincte ici au Canada. Notre conseil d'administration est ici et nous sommes gérés au Canada.

+-

    Mme Anita Neville: Puis-je vous demander la nature de vos relations avec les autres pays? Est-il question des États-Unis? Est-il question de l'Europe? Y a-t-il partage de ressources? J'aimerais connaître votre mode de fonctionnement.

+-

    M. Terence Rolston: Notre affiliation nous permet simplement d'utiliser le même nom. Nous sommes entièrement indépendants quant à notre gestion. Nous avons bien évidemment des objectifs communs, ce qui nous amène à nous rencontrer pour échanger des idées. Mais notre organisation ici au Canada est entièrement indépendante.

+-

    Mme Anita Neville: Merci.

    J'ai reçu un document intitulé « Eleven Arguments Against Same-Sex Marriage ». Connaissez-vous ce document de M. James Dobson?

+-

    Mme Anna Marie White: Je ne suis pas certaine d'avoir vu le document en question, mais je connais assez bien les arguments dans ce dossier. Vous pouvez y aller avec votre question.

+-

    Mme Anita Neville: J'aimerais savoir si vous partagez les mêmes préoccupations. Je vous ai entendu parler de la famille traditionnelle, mais il y a un certain nombre d'autres questions en jeu.

    On parle des tourments que vivent les enfants. On indique que les écoles publiques de tous les États vont endosser l'homosexualité, que les lois sur l'adoption deviendront obsolètes, que les programmes de familles d'accueil seront touchés considérablement, que le système de soins de santé va chanceler et peut-être même s'effondrer. On fait aussi valoir des arguments relativement au VIH et au sida, aux pressions sur le système de sécurité sociale et à la mise en péril de la liberté religieuse. Cela se rapproche à n'en pas douter des questions dont vous nous avez entretenu aujourd'hui.

    Pourriez-vous nous parler des similitudes entre les arguments mis de l'avant par M. Dobson et ceux de Focus on the Family? J'essaie de comprendre parce qu'il y a certes des répercussions pour les autres gouvernements de notre pays.

+-

    Mme Anna Marie White: Certainement. Je pense que tout le monde est conscient que lorsqu'on partage un continent avec un grand pays comme les États-Unis, il y a certains éléments à prendre en considération. Il faut certes prévoir des débordements dans les médias et sur d'autres tribunes.

    Je crois que dans un souci d'exactitude, je préférerais traiter de chacun de ces éléments individuellement. Alors si vous pouviez peut-être... Nous pourrions commencer par celui que vous jugez le plus déconcertant et je pourrais vous répondre à ce sujet.

+-

    Mme Anita Neville: Je n'ai pas dit que les arguments étaient déconcertants, je demandais seulement...

+-

    Mme Anna Marie White: Oh, désolée. Je vais reformuler ma réponse pour parler de ceux qui suscitent votre curiosité.

+-

    Mme Anita Neville: Si vous le permettez, je vais donc commencer par les deux arguments suivants : les enfants seront les principales victimes; et les écoles publiques de tous les États vont endosser l'homosexualité.

+-

    Mme Anna Marie White: Je crois que ces questions sont envisagées dans un contexte américain, mais peut-être puis-je resituer les choses dans une perspective canadienne.

    Je suppose que les membres du comité sont probablement au courant de l'affaire du conseil scolaire de Surrey en Colombie-Britannique. Ce serait là un bon exemple des préoccupations pouvant être mises de l'avant dans un contexte canadien. Un enseignant à la maternelle a demandé l'autorisation du conseil scolaire pour utiliser avec les jeunes de cinq et six ans de sa classe des livres traitant des relations entre conjoints de même sexe et de leur situation familiale.

    Je pense donc que si on devait appliquer un argument de ce type au contexte canadien, cela viendrait de préoccupations semblables à celles qui ont été soulevées à ce sujet en Colombie-Britannique. Je présume que toutes les personnes ici présentes ont au moins entendu parler de cette affaire. Une grande quantité de ressources ont été dépensées pour cette cause qui a traîné pendant plusieurs années avant d'aboutir à la Cour suprême du Canada. En bout de ligne, la Cour a obligé le conseil scolaire à permettre l'utilisation en classe de livres que les parents du district avaient désapprouvés. De fait, les parents du district ont réélu, à deux reprises, si je ne m'abuse, ces commissaires d'école pendant la durée du processus juridique.

    Voilà donc peut-être un exemple pouvant être analogue dans le contexte canadien. Il y a certes aussi d'autres préoccupations. Je pense que l'affaire Trinity Western serait un autre exemple de cas où un enseignant peut avoir certaines croyances, mais ne peut pas les exprimer. J'estime que cela contribue à perpétuer ce mythe d'une société où les valeurs sont neutralisées. Ce n'est pas vraiment le cas. L'athéisme séculaire est en soi un système confessionnel implicite. Le fait qu'une appellation religieuse lui soit associée ou non est sans importance. Les croyances auxquelles adhèrent les partisans demeurent les mêmes.

+-

    Mme Anita Neville: Quel nom lui avez-vous donné, athéisme...?

+-

    Mme Anna Marie White: Athéisme séculaire.

+-

    Le président: Merci, madame Neville.

+-

    Mme Anita Neville: Oh, je n'ai plus de temps?

+-

    Le président: Malheureusement pas.

+-

    Mme Anna Marie White: Je me ferai un plaisir de répondre à d'autres questions après la séance. Je ne veux pas que le temps vous limite.

+-

    Le président: Cinq minutes, ça passe très vite.

[Français]

    Nous allons maintenant passer au Bloc québécois.

    Monsieur Lemay.

º  +-(1655)  

+-

    M. Marc Lemay (Abitibi—Témiscamingue, BQ): Bonjour. Merci d'être là.

    J'ai apprécié pouvoir participer à ce débat; c'est un dossier très intéressant. Notre position est claire. Je voudrais aborder avec vous deux points qui ont retenu mon attention.

    Monsieur Cyr et Maître Ryder, j'aimerais bien que vous m'expliquiez la différence du juste équilibre entre la liberté de religion et le droit familial. Je parle de droit familial parce que j'ai manqué un petit bout de la traduction.

    La définition du mariage, en 1867, a été confiée au pouvoir central parce que les provinces ne pouvaient pas s'entendre. J'aimerais qu'on essaie d'aller un peu plus loin et voir pourquoi on en est rendu là aujourd'hui.

    Vous aurez deux minutes pour répondre à cette question. Je vais essayer de prendre moins d'une minute pour poser la prochaine.

    Quant à M. Rolston et à Mme White, je suis un peu surpris, même très surpris. J'aimerais donc que vous me donniez une explication. Je me suis beaucoup impliqué dans le sport au niveau national et je me suis engueulé, chicané, battu contre le gouvernement fédéral, et jamais on ne nous a enlevé notre statut d'organisme charité qui nous permettait d'émettre des reçus. Je crois que l'honorable député Boudria sait que je me suis battu contre le gouvernement fédéral.

    J'aimerais donc savoir pourquoi vous dites cela. Vous avez le droit d'exprimer une opinion; nous avons le droit de ne pas la partager. Cependant, je ne comprends pas pourquoi l'Agence des douanes et du revenu du Canada vous retirerait votre permis d'organisme de charité. Je veux seulement aller un peu plus loin que ce que vous avez sous-entendu lors de votre intervention.

    Ce sont mes deux questions. Je vais maintenant écouter les réponses de mes honorables collègues professeurs d'université et, ensuite, de M. Rolston et Mme White. J'espère ne pas avoir pris trop de temps et qu'il vous en reste suffisamment pour me donner de bonnes réponses.

+-

    M. Hugo Cyr: À l'origine, en 1867, la question était de savoir qui aurait la compétence en matière de mariage, puisque les provinces gardaient la compétence en matière de propriété et en matière de droits civils. On s'est alors dit qu'il y aurait des problèmes parce que certaines provinces reconnaissaient le divorce, alors que le Québec et certaines autres provinces ne le reconnaissaient pas. D'autres provinces reconnaissaient les mariages civils, ce que le Québec ne reconnaissait pas non plus à cette époque.

    On a craint qu'une personne ayant fait un mariage civil en Ontario puisse ensuite aller au Québec et, puisque son mariage n'y était pas valide, s'y marier de nouveau, cette fois dans une église catholique et, le lendemain, aller dans les Maritimes pour y obtenir un divorce à la suite de son premier mariage, puis revenir en Ontario pour s'y remarier. Où se trouveraient les biens? Qui aurait droit à quoi? C'est un rappel très rapide d'une situation particulière, mais dans une société où les gens voyagent de plus en plus d'une province à l'autre, c'est un élément assez important.

    En ce sens, le Parlement fédéral a compétence uniquement pour remettre le statut de marié. D'ailleurs, pour certains qui se posaient la question, la Cour dit expressément que l'union civile ne constitue pas tout à fait un mariage et qu'elle est donc régie par les provinces. C'est dans la décision de la Cour suprême. La province a la compétence pour créer des droits et des obligations entre diverses personnes, mais elle ne peut pas créer le mariage. À l'inverse, le Parlement fédéral ne peut pas créer l'union civile à des fins générales.

    Pour répondre à la question sur la liberté de religion, je passe la parole à mon collègue.

[Traduction]

+-

    M. Bruce Ryder: La liberté de religion est bien évidemment garantie par la Charte et toutes les lois, y compris celle du droit familial, et toutes les mesures gouvernementales doivent être conformes à cette garantie. Je pense que nous nous employons surtout ici à déterminer de quelle manière la liberté de religion préservera les droits des autorités religieuses d'officier à des cérémonies de mariage uniquement dans les limites de leurs croyances et de leurs traditions religieuses.

    Et il y a aussi bien sûr la question des commissaires au mariage qui officient à des cérémonies civiles. Dans mon exposé de tout à l'heure, j'ai laissé entendre qu'ils avaient le droit d'invoquer la liberté religieuse pour refuser d'officier à une cérémonie qui va à l'encontre de leurs croyances.

»  +-(1700)  

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: D'accord. C'est clair maintenant.

+-

    Le président: Merci, monsieur Lemay. Malheureusement, vos cinq minutes sont écoulées.

    Nous retournons du côté du Parti libéral et de Me Boivin.

+-

    Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.): S'il me reste du temps, il me fera plaisir de te permettre de poser ta question de nouveau, Marc.

    Premièrement, je veux remercier les invités d'être présents. Je veux aussi profiter de l'occasion pour remercier particulièrement Focus on the Family Canada pour tous les courriels qu'on m'a fait parvenir. J'admire votre passion et celle des membres de votre organisme. Beaucoup d'organisations politiques auraient intérêt à imiter votre façon de procéder, car vous savez comment mobiliser des gens. Je trouve cela particulièrement intéressant. À l'époque ou je travaillais à la radio, j'encourageais les auditeurs qui m'appelaient à écrire à leur député lorsqu'ils n'étaient pas contents. Je regrette parfois un peu maintenant d'avoir suggéré ce genre de comportement, mais c'est de bonne guerre.

    Cela étant dit, un peu comme Mme Neville, vu que j'ai reçu beaucoup de courriels et de télécopies de votre groupe, j'aimerais savoir ce que veut dire le mot « family » dans votre nom . Which family? Pour vous, qu'est-ce que la famille?

[Traduction]

    Quel type de famille?

+-

    Mme Anna Marie White: Je crois que c'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui à discuter avec vous. Pour ce qui est de la quantité de réponses que les Canadiens vous ont fait parvenir, je veux seulement vous dire qu'en toute franchise, nous sommes aussi étonnés que vous. Dans toute l'histoire de notre organisation, nous n'avons jamais vu un dossier qui a autant dynamisé et mobilisé la population canadienne. Je ne crois donc pas que nous pouvons vraiment en prendre le crédit. Je pense que ce sont les débats qui ont eu cours ici même au Parlement, de même que dans les médias de grande diffusion et devant les tribunaux qui ont vraiment agi comme catalyseurs dans ce dossier. Nous ne voulons donc pas prendre indûment le crédit pour cette situation.

    Mais lorsque vous demandez ce qu'est une famille, vous allez au coeur même de nos préoccupations relativement au mariage. Est-ce qu'une famille c'est n'importe quel groupe de personnes vivant sous même toit qui partagent le même niveau de codépendance économique? S'agit simplement de personnes partageant la même résidence?

    Il y a environ deux semaines, j'ai reçu l'appel d'une femme qui s'inquiétait du risque, dans l'éventualité où nous choisissons d'éliminer ainsi toutes distinctions par rapport au mariage, que la personne qui partage sa résidence décide un jour de mettre fin à cette situation et puisse d'une manière ou d'une autre la poursuivre pour obtenir la moitié de ses biens. Il y a donc beaucoup de gens qui se préoccupent de la définition que l'on donne de la famille. S'agit-il simplement de ce groupe particulier de personnes? Cela nous amène à l'essence même de notre organisation, aux raisons pour lesquelles ces questions nous passionnent autant et suscitent à ce point l'enthousiasme des partisans. C'est parce que le mariage est au centre de tout, c'est la fondation, une institution qui existe depuis toujours au sein de la société humaine.

[Français]

+-

    Mme Françoise Boivin: Je reviens à ma question, qui très simple et précise. Qu'est-ce qu'une famille, pour vous? Est-ce un père, une mère, des enfants? Est-ce un père et une mère biologiques et des enfants? Est-ce qu'on met de côté l'adoption? J'essaie seulement de comprendre votre vision à cet égard.

[Traduction]

+-

    Mme Anna Marie White: Pour vous répondre brièvement, je dirais que pour les besoins de ses interventions, notre organisation définit la famille comme un regroupement de personnes liées par le mariage, la naissance ou l'adoption.

+-

    Ms. Françoise Boivin: Vous incluez donc l'adoption.

+-

    Mme Anna Marie White: Oui, tout à fait.

+-

    Mme Françoise Boivin: D'accord, c'est ce que je voulais savoir à ce sujet.

+-

    Mme Anna Marie White: En fait, mon patron a lui-même été adopté. Alors, je suis certaine qu'il a une famille lui aussi.

[Français]

+-

    Mme Françoise Boivin: Maître Cyr, je vous écoutais parler et cela me ramenait à l'époque où je faisais mes études en droit à l'université. Le cours que je détestais le plus, je vous le dis bien sincèrement, c'était le droit international privé. Je trouvais cela tellement compliqué. Il n'était pas évident de comprendre les différentes juridictions, de voir comment la loi en vigueur dans un territoire s'appliquerait ailleurs, etc. Et je n'ose même pas parler de la loi du for, car je ne me rappelle pas ce que cela voulait dire exactement, au grand dam de mes professeurs.

    Présentement, sept provinces et un territoire ont entériné une définition du mariage équivalente à celle retenue par la Cour suprême dans le cadre du renvoi. Tout à l'heure, je pense que M. Boudria disait que jusqu'à 2 000 personnes ou couples — je ne sais lequel des deux; je vais répéter son erreur — ont contracté une union. Comment doit-on comprendre ces unions? Parfois, sur le plan pratico pratique, les gens nous demandent si ces gens sont mariés ou s'ils ont contracté une union civile. Vous pourriez peut-être nous expliquer un peu ce qui se passe à cet égard.

+-

    M. Hugo Cyr: Les mariages qui ont été contractés dans les provinces où une décision a reconnu les mariages entre conjoints de même sexe sont des mariages valides. C'est donc déjà reconnu.

    La difficulté réside dans le fait que si la personne déménage en Alberta, par exemple, ou dans une autre province où on ne reconnaît pas ces mariages, il n'est pas encore clair que la province reconnaîtra sa situation comme étant celle d'une personne mariée, ce qui va la forcer à aller devant les tribunaux pour faire reconnaître, une fois de plus, son mariage. Compte tenu de l'unanimité des tribunaux sur cette question, ces couples vont finir par se faire reconnaître comme des couples mariés, mais entre-temps, l'incertitude persiste, ce qui est très complexe et entraîne des coûts.

»  +-(1705)  

+-

    Mme Françoise Boivin: Je veux être certaine de bien vous comprendre. Je terminerai là-dessus, car je n'ai jamais poussé trop loin. Cela veut dire que peu importe que nous adoptions le projet de loi C-38 ou que nous ne l'adoptions pas, cela ne changera pas la situation qui prévaut dans les sept provinces et territoires, où des mariages civils continueront à être célébrés.

+-

    M. Hugo Cyr: Dans ces provinces, oui, mais cela changera la vie des gens, compte tenu du fait qu'ils ne pourront pas facilement déménager d'une province à une autre.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Nous revenons au Nouveau Parti démocratique.

    Monsieur Siksay, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.

    Madame White, j'aimerais revenir aux observations que vous avez formulées en réponse à Mme Boivin, lorsque vous avez dit avoir reçu un appel d'une personne s'inquiétant des répercussions possibles sur sa situation de partage de résidence. Avez-vous pu la rassurer en lui indiquant qu'il y avait un traitement différent pour les personnes partageant une résidence, les conjoints de fait et les couples mariés?

+-

    Mme Anna Marie White: Nous osons espérer qu'il existe effectivement une telle distinction dans le contexte actuel. Pouvons-nous garantir que la situation demeurera la même à long terme? C'est ce qui inquiétait cette femme.

+-

    M. Bill Siksay: Croyez-vous que d'une façon ou d'une autre ce projet de loi puisse changer sa situation?

+-

    Mme Anna Marie White: Non, je dirais que nous sommes davantage préoccupés par les effets destructeurs possibles sur le mariage. Si on ne cesse d'en retirer des éléments, à quel moment cette institution perdra-t-elle tout son sens? Si vous prenez un concept et que vous le videz complètement de sa substance, il ne vous reste plus rien.

+-

    M. Bill Siksay: Vous ne croyez donc pas que les personnes partageant une résidence vont soudainement être considérées comme des conjoints de fait ou des gens mariés?

+-

    Mme Anna Marie White: Non, cela ne m'inquiète pas. Je voulais simplement vous faire part des préoccupations d'une personne qui a communiqué avec notre organisation.

+-

    M. Bill Siksay: Très bien.

    Monsieur Singh, lorsque les Sikhs sont arrivés au Canada, est-ce qu'on a reconnu automatiquement le gurdwara, ou la possibilité pour un prêtre sikh de marier des gens dans la foi sikh? Savez-vous comment les choses se sont passées et s'il y a eu un problème à cet égard?

    Je ne connais pas la réponse à cette question. Je suis curieux d'abord et avant tout.

+-

    M. Parminder Singh: Si j'affiche ce petit sourire, c'est parce que je connais l'histoire des Sikhs au Canada et, je vous prie de me croire, c'est un sujet que vous ne souhaiteriez pas vraiment aborder ici aujourd'hui. Comme toutes les fois que les gens sont confrontés à de nouvelles modalités et à de nouvelles questions, il y a eu effectivement beaucoup d'opposition, comme dans l'affaire du Komagata Maru, et c'est probablement de cela que le député souhaite m'entendre parler.

    Je crois que le problème que nous avons, et cela est très implicite dans les déclarations que nous avons présentées, vient du fait qu'on trouve dans la foi sikh le terme Anand Karaj, qui peut se traduire littéralement en français par cérémonie de mariage.

    Un autre député a posé une question au sujet de la confusion par rapport à la religion sikh dans les écoles primaires et notamment des problèmes qui pourraient en résulter. Nous avons effectivement deux définitions pour un même terme; celui-ci peut vouloir dire deux choses différentes selon votre bagage personnel.

    Pour en revenir à votre question du départ, je peux vous dire que nous nous demandons s'il est préférable que la définition du mariage soit confiée à l'État ou si de meilleures solutions s'offrent à nous. Nous sommes d'avis qu'il devrait y avoir d'autres avenues, mais je ne crois pas que celles-ci soient vraiment examinées de façon approfondie dans le cadre de l'opposition qui est faite actuellement. On assiste simplement à une prise en charge du dossier, mais nous ne sommes pas d'accord avec cette façon de procéder.

+-

    M. Bill Siksay: À leur arrivée au Canada, les membres de la communauté sikh ont-ils trouvé que leur conception du mariage était acceptée?

+-

    M. Parminder Singh: Disons que je ne saurais me prononcer sur le plan historique au sujet de cette épreuve.

+-

    M. Bill Siksay: Merci.

    Je me demande si les membres du Ontario Gurdwara Committee ont des inquiétudes concernant les droits d'autres groupes religieux qui veulent avoir la possibilité de marier leurs membres, qui le font déjà d'ailleurs et qui voient cet enjeu comme une question de liberté religieuse comparativement aux tenants de l'autre opinion.

+-

    M. Parminder Singh: Comme vous l'avez mentionné plus tôt, les doctrines du sikhisme ont toujours accueilli le changement. La Charte canadienne des droits et libertés reflète d'ailleurs nos croyances. Il n'est pas question ici des doctrines du sikhisme, mais bien du rôle de l'État dans cette affaire; voilà ce qui nous préoccupe.

»  +-(1710)  

+-

    M. Bill Siksay: Vous ne voyez donc pas cette intervention de l'État comme une façon de garantir la liberté de religion en s'assurant que...c'est vrai que ça concerne probablement très peu de groupes religieux au Canada, mais certains veulent pouvoir marier des personnes homosexuelles au même titre que les couples hétérosexuels. Est-ce que ça vous inquiète?

+-

    M. Parminder Singh: Si ça nous inquiète? Je ne saurais le dire car, comme je l'ai déjà mentionné, nous avons la liberté de religion et tous ont le droit d'agir comme ils le souhaitent.

    Toutefois, en ce qui a trait au mariage, c'est comme si on parlait de football européen et de football américain, n'est-ce pas? C'est le même mot mais deux sens différents. Le football ici, c'est le football américain, et le soccer, c'est le football européen. La définition doit être examinée; alors pourquoi ne pas trouver quelque chose qui conviendrait à tous? C'est le problème que nous avons, je crois, sur le plan terminologique.

    Merci.

+-

    M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci, monsieur Siksay.

    C'est au tour des libéraux. Le secrétaire parlementaire, M. Macklin, prendra la parole.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. J'aimerais remercier tous les témoins de leur présence.

    Vous nous avez fait part d'idées intéressantes qui donnent matière à réflexion aujourd'hui. Un des soucis, qui semble transpirer dans nos discussions, c'est de savoir jusqu'où va la protection de la liberté de religion garantie par la Charte. Plus tôt, on a fait allusion à l'affaire de l'université Trinity Western. On peut lire dans la décision—je ne vais vous en citer qu'une petite partie : « ...la liberté de religion, comme toute liberté, n'est pas absolue. Elle est limitée de façon inhérente par les droits et libertés des autres ».

    Avez-vous une idée de la façon dont tout cela va passer au sein de la société? Comment pensez-vous que ça influera sur l'opinion des gens? Pour le moment, il y a évidemment certains cas, que vous avez mentionnés je crois, où on constate des problèmes avec des commissaires de mariage et d'autres responsables; ils essaient de trouver leur chemin dans tout ça. Je sais que vous n'êtes pas des clairvoyants, mais vous savez comment nous avons adapté dans le passé des lois et vous pouvez nous donner une idée des résultats possibles, particulièrement à l'échelle provinciale.

    Ma question s'adresse à MM. Cyr et Ryder, en particulier.

+-

    M. Bruce Ryder: C'est une question très difficile à répondre hypothétiquement, car comme l'a déclaré la Cour suprême, ces affaires sont réglées au cas par cas. Aussi, comme je l'ai laissé entendre plus tôt, la liberté de religion, quand elle se frotte à d'autres droits comme le droit à l'égalité des couples de même sexe, n'a pas nécessairement préséance sur le droit à l'égalité et vice versa. Les tribunaux cherchent à trouver un équilibre ou un compromis.

    Par exemple, si on parle de la liberté d'exprimer ses croyances religieuses, y compris son opposition au mariage entre personnes de même sexe, il va sans dire que c'est un droit essentiellement illimité. J'ai de la difficulté à voir comment ce droit pourrait nuire aux autres droits. Toutefois, dans un établissement scolaire, où la commission scolaire doit instaurer un climat non discriminatoire, notamment en ce qui a trait à l'orientation sexuelle, l'expression dans une classe de croyances religieuses pouvant dénigrer des familles dont les parents sont de même sexe ou leur manquer de respect ne serait pas bien tolérée car le droit à un environnement scolaire égalitaire pourrait avoir préséance sur la liberté de religion.

    Il y a de nombreux enjeux très complexes. Je crois que la Cour suprême du Canada, dans des affaires comme Chamberlain c. le Surrey District School Board et celle touchant l'université Trinity Western, a fait preuve d'une grande sensibilité. Dans notre pays, nous avons de quoi être fiers de notre débat continu pour trouver un équilibre entre le droit de religion et le droit à l'égalité. Je crois que nous avons une feuille de route exemplaire à cet égard. Nous avons défini la liberté de religion de façon très élargie et la prenons très au sérieux. Nous sommes également déterminés à protéger pleinement les droits à l'égalité. Cependant, aucun droit n'est absolu. Il faut souvent modifier certaines choses pour parvenir à un compromis adéquat.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: C'est ce dont il s'agit à l'article 1 de la Charte où on peut lire que ces droits et libertés sont garantis « dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique », ce qui nous permet de faire des ajustements, si on peut dire.

    Monsieur Cyr, que pensez-vous de ça?

»  +-(1715)  

[Français]

+-

    M. Hugo Cyr: Je n'aurais qu'une chose à ajouter. Si on regarde les décisions que la Cour suprême du Canada a rendues dans les dernières années en matière de liberté de religion, on constate qu'elle est très attentive et sensible à la diversité des points de vue. On n'a qu'à penser à une décision qui portait sur un contrat de copropriété où on interdisait de mettre quoi que ce soit à l'extérieur de l'ensemble. La Cour suprême a dit que cette décision, même si elle était personnelle ou contractuelle, portait atteinte à un aspect important de la religion des demandeurs et que, par conséquent, il devait y avoir un accommodement raisonnable.

    On doit se rappeler l'expression « un accommodement raisonnable », car il s'agit de l'essence même des droits et libertés lorsqu'ils sont en conflit. La liberté de religion des uns est limitée par les droits à l'égalité des autres, mais c'est mutuel.

    Il faudrait se rappeler d'un autre point: il est ici question de mariage civil, et non de mariage religieux. La loi ne vise évidemment pas la définition religieuse. En fait, c'est une loi qui porte sur un élément assez technique, en fin de compte.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci, monsieur Macklin.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: Merci.

+-

    Le président: Nous revenons au Parti conservateur.

    Monsieur Jean.

+-

    M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC): Merci.

    Veuillez excuser mon français, il n'est pas très bon.

    Monsieur Cyr, pouvez-vous me dire depuis combien de temps vous êtes avocat?

+-

    M. Hugo Cyr: Je suis avocat depuis 1999, je crois.

+-

    M. Brian Jean: Depuis quand enseignez-vous le droit?

+-

    M. Hugo Cyr: J'ai commencé à enseigner lorsque j'étais assez jeune. J'avais 24 ans et maintenant j'en ai 32. À l'époque, j'étais le plus jeune professeur de l'histoire de l'Université McGill.

+-

    M. Brian Jean: Avez-vous enseigné avant d'obtenir votre diplôme en droit?

+-

    M. Hugo Cyr: Oui, j'enseignais le droit constitutionnel en tant qu'aide-enseignant d'un professeur.

+-

    M. Brian Jean: Vous étiez aide-enseignant.

+-

    M. Hugo Cyr: Oui, c'était à ma deuxième année d'études, mais j'avais enseigné le droit auparavant, à 24 ans. J'avais déjà un baccalauréat en droit civil et un autre en common law. À 26 ou 27 ans, j'ai commencé à enseigner à plein temps; je revenais de la Cour suprême et avais terminé mes études à l'école de droit de l'université Yale.

+-

    M. Brian Jean: Êtes-vous à l'origine de cette lettre?

+-

    M. Hugo Cyr: Non, je n'en suis pas l'auteur.

+-

    M. Brian Jean: Au moment où cette lettre circulait, enseigniez-vous le droit?

+-

    M. Hugo Cyr: Oui.

+-

    M. Brian Jean: Savez-vous s'il y avait d'autres lettres en circulation qui préconisaient une position toute autre que celle-ci?

+-

    M. Hugo Cyr: Je n'en ai jamais entendu parler.

+-

    M. Brian Jean: Savez-vous combien de professeurs dont le nom figure sur la liste enseignent le droit constitutionnel?

+-

    M. Hugo Cyr: Je ne connais pas le nombre exact, mais je pourrais les compter.

+-

    M. Brian Jean: Pouvez-vous nous donner, comme ça, un nombre approximatif?

+-

    M. Hugo Cyr: Je ne sais pas. Je peux vous citer des noms, si vous le voulez.

+-

    M. Brian Jean: Non, ça va aller. Il ne me reste que 30 secondes.

+-

    M. Hugo Cyr: Pour les deux premiers, oui...

+-

    M. Brian Jean: J'ai déjà eu cette occasion. Vous n'avez pas à continuer.

+-

    M. Hugo Cyr: De combien de temps disposons-nous?

+-

    M. Brian Jean: Nous l'avons déjà fait, monsieur. Nous pourrons en faire la lecture aux fins du compte rendu.

    Il y a environ 3 000 ou 4 000 professeurs de droit au Canada, n'est-ce pas?

+-

    M. Hugo Cyr: Non, ce n'est pas possible.

+-

    M. Brian Jean: Combien y en a-t-il?

+-

    M. Hugo Cyr: Pour commencer, je crois qu'il y a peut-être 20 écoles de droit en tout au Canada.

+-

    M. Brian Jean: J'ai eu la chance d'enseigner aussi le droit pendant un petit moment. Je ne suis pas d'accord avec ça.

    Je me demandais si d'autres personnes ont eu l'occasion de faire circuler des lettres car je n'ai jamais vu celle-ci avant qu'elle ne soit signée; ni aucune autre par ailleurs. Pour tout dire, je me demande comment on s'est pris pour la faire circuler.

+-

    M. Hugo Cyr: Elle a été principalement envoyée à des professeurs de droit constitutionnel, puis des gens dans les facultés de droit l'ont envoyée à d'autres personnes que ça pourrait intéresser. Je l'ai envoyée à mon département. Je pense qu'elle a été publiée le 8 janvier; il a donc été difficile de contacter d'autres gens puisqu'il y en avait encore en vacances. C'est le nombre que nous avons pu avoir à ce moment-là.

+-

    M. Brian Jean: Il me reste très peu de temps.

    Madame  White, vous avez une certaine expérience aux Nations Unies. Vous avez aussi étudié un peu le droit international. D'après vous, quels seront les effets du projet de loi sur le plan international pour les immigrants, tant les personnes qui viennent au Canada que celles qui quittent le pays, étant donné que la plupart des pays—à l'exception de deux ou trois, si je ne m'abuse—utilisent la définition traditionnelle du mariage? Quelles sont les différences et les difficultés que vous entrevoyez dans l'avenir?

+-

    Mme Anna Marie White: Je crois que nous voyons déjà des répercussions de l'autre côté de la frontière puisque des couples américains viennent chez nous pour se marier, puis retournent dans aux États-Unis et tentent de faire reconnaître civilement leur mariage. C'est un exemple idéal. C'est notre voisin le plus proche. Nous lui transmettons maintenant certaines valeurs canadiennes.

    À l'échelle internationale, je pense qu'il y a un consensus assez clair sur la façon de traiter cette question. Des pays comme le Royaume-Uni, la France, le Denmark, etc.—qui sont des démocraties occidentales très progressistes—ont discuté en long et en large des façons de reconnaître les couples homosexuels. La plupart de ces pays, à l'exception de deux ou trois, ont déterminé qu'une union civile, ou appelez ça comme vous voulez, une institution parallèle au mariage, semble la meilleure façon d'assurer le plus grand bien de la société en préservant le mariage et en donnant aux enfants une meilleure chance de pouvoir habiter avec leurs parents. C'est la meilleure façon de répondre à la fois aux besoins des communautés gaies et lesbiennes et de défendre le mariage.

    Pour ce qui est de la confusion que ça peut entraîner, nous en avons déjà un aperçu.

»  +-(1720)  

+-

    M. Brian Jean: Aux États-Unis.

+-

    Mme Anna Marie White: Absolument. On peut s'attendre à la même chose dans d'autres pays aussi.

+-

    M. Brian Jean: On a mentionné des études sur les effets sur les enfants. Pour être honnête, c'est ma préoccupation principale. Je peux dire, en toute équité, que j'entends les arguments des deux côtés. A-t-on une idée ailleurs dans le monde des effets possibles? J'ai entendu dire—et ce n'est qu'une rumeur et non pas des données fiables ou empiriques—qu'un pays avait constaté une diminution de 75 p. 100 des demandes de licence de mariage. Est-ce...?

+-

    Mme Anna Marie White: Je serais portée à croire qu'il y ait de grands changements dans certains pays d'Europe occidentale en particulier. Les lois établies par un gouvernement influent beaucoup, comme vous le savez très bien, sur l'éducation des citoyens, en particulier au sein de démocraties où on s'attend à ce que le gouvernement agisse dans le meilleur intérêt de tous. Lorsque les dirigeants d'un pays enlèvent de la valeur au mariage, le message qu'ils transmettent aux électeurs, c'est que c'est dans leur intérêt, que c'est bon pour eux. Ça soulève certainement des interrogations.

    Pour ce qui est de la forme que ça pourrait prendre à l'échelle internationale, je ne connais aucune recherche empirique à cet égard. J'ai des tonnes de documents de recherche et je pourrais probablement y trouver quelque chose là-dessus, pour voir où ça pourrait mener. Ici encore, nous revenons au fait qu'il s'agisse d'une institution au coeur de la société humaine. Elle renferme une norme et assure la continuation de la race humaine, de la civilisation.

    Quels en seraient donc les résultats en bout de ligne? Je ne saurais le dire pour le moment.

+-

    Le président: Merci.

    Nous passons aux libéraux. Non? D'accord.

[Français]

    Nous passons au Bloc québécois.

+-

    M. Marc Lemay: Il ne faut pas faire d'erreurs, ces temps-ci, monsieur le président.

    Soyez sans crainte.

+-

    Le président: Vous disposez de cinq petites minutes, monsieur Lemay, car nous devrons aller voter et je ne voudrais pas qu'il manque un vote au Bloc québécois.

+-

    M. Marc Lemay: Oui, c'est évident. On n'arrête pas le progrès.

    Monsieur Rolston, je pose à nouveau la question que j'ai posée il y a 14 minutes. En quoi et comment avez-vous des difficultés, en tant qu'organisme de charité, à recevoir des dons de charité? J'ai été avocat durant 30 ans et je vous assure que ce n'est pas la définition du mariage qui a fait augmenter le nombre de divorces et qui a fait diminuer le nombre de mariages. Il faut avoir été souvent sur le terrain pour voir comment cela fonctionne. Je peux vous dire qu'on n'y est pas du tout et que ce ne sont pas les mariages entre conjoints de même sexe qui vont empêcher qu'il y ait des divorces ou des mariages.

    Cela étant dit, revenons à la question. Je veux une réponse. Comment l'Agence du revenu du Canada vous a-t-elle causé des ennuis? Ces gens vous posent des problèmes. Je veux en entendre parler.

[Traduction]

+-

    M. Terence Rolston: L'octroi du statut caritatif à une organisation est tributaire des dispositions législatives à cet égard. Il faut déterminer ce qui distingue l'expression de croyances religieuses en vertu des dispositions concernant la liberté de religion de l'oeuvre caritative pour qu'une organisation puisse avoir ce statut. En vertu de la liberté de religion—et peut-être des différentes dispositions législatives qui ont été mentionnées—, on a le droit d'avoir des croyances religieuses. De toute évidence, comme nous l'avons dit plus tôt, nous nous demandons si nous pouvons agir selon nos croyances religieuses. Je crois qu'une distinction doit être faite. Je crois que vous comprenez ça, mais de notre point de vue, ce projet de loi doit être renforcé de façon à permettre aux gens d'agir conformément à leurs croyances religieuses.

    Pour faire le lien avec le statut d'organisation caritative, il faut comprendre que ce statut est octroyé, dans la common law, en fonction de quatre éléments fondamentaux : la lutte à la pauvreté; l'avancement de la religion; l'éducation; et la dernière, si j'ai bien compris car je ne suis pas avocat, le bien collectif. Si j'ai bien suivi notre conseiller juridique, l'octroi du statut d'oeuvre caritative à une organisation est contestable si on ne peut pas déterminer clairement que son mandat sert l'intérêt public. Je crois qu'il y a des cas aux États-Unis qui illustrent abondamment ce point. Je ne suis pas avocat, je ne peux donc pas vous les citer, mais je peux vous les fournir plus tard; c'est ce que je vais faire. On constate clairement que si une organisation ne fait pas la promotion de l'intérêt public, elle peut revendiquer ses croyances religieuses, mais pas en tant qu'organisme caritatif. Voilà ce qui est préoccupant.

    Pour ce qui est de la situation qui nous intéresse, je crois qu'on menace véritablement notre droit d'exprimer nos croyances religieuses. Nous ne sommes pas les seuls à soulever cette question; même ceux qui ont une opinion différente de la nôtre, comme nous l'avons vu aujourd'hui dans le National Post, parlent de cette question comme un souci réel. Évidemment, en tant qu'organisme caritatif, nous avons peur qu'une loi puisse nous empêcher de promouvoir et d'appuyer, en fonction de nos croyances religieuses, ce qui nous tient le plus à coeur, c'est-à-dire aider les couples mariés et les familles, la grande majorité se composant de conjoints de sexe opposé, ce qui est dans le meilleur intérêt des enfants.

    Donc, il y a beaucoup d'inquiétude puisque la liberté de religion et le statut d'organisme caritatif peuvent être vus séparément. Cette préoccupation est très réelle.

»  -(1725)  

+-

    Mme Anna Marie White: J'aimerais ajouter quelque chose pour répondre plus clairement à la question. L'ARC a effectivement communiqué avec nous, et disons que nous avons eu des difficultés dans le passé en raison de la campagne dans les médias que nous avons menée le printemps dernier.

[Français]

+-

    M. Marc Lemay: Je suis très surpris. Ne vous laissez pas faire, puisque je les connais. Vous pouvez contester. Vous avez le droit de défendre la cause que vous défendez. Je ne vous dis pas que je la partage, mais je vous dis que vous avez le droit de la défendre et que vous êtes dans le bien commun. Vous prendrez un bon avocat.

[Traduction]

+-

    Mme Anna Marie White: Merci.

[Français]

-

    Le président: Merci, monsieur Lemay du Bloc québécois.

    Monsieur Lemay, monsieur Marceau, mes excuses pour l'erreur, nous savons très bien que vous êtes du Bloc québécois.

[Traduction]

    La séance se terminera donc sur cette note.

    J'aimerais remercier les témoins.

[Français]

    Merci aux témoins.

[Traduction]

    Soyez prudents sur le chemin du retour.

    La séance est levée.