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SNSN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité de la Sécurité publique et nationale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 5 octobre 2005




¹ 1540
V         Le président (M. Paul Zed (Saint John, Lib.))
V         M. Gavin Cameron (professeur, Département des sciences politiques, Université de Calgary)

¹ 1545
V         Le président
V         M. Peter MacKay (Nova-Centre, PCC)
V         M. Gavin Cameron
V         M. Peter MacKay
V         M. Gavin Cameron

¹ 1550
V         M. Peter MacKay
V         M. Gavin Cameron
V         M. Peter MacKay
V         M. Gavin Cameron
V         M. Peter MacKay
V         M. Gavin Cameron
V         M. Peter MacKay

¹ 1555
V         M. Gavin Cameron
V         M. Peter MacKay
V         M. Gavin Cameron

º 1600
V         Le président
V         M. Peter MacKay
V         M. Gavin Cameron
V         Le président
V         M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ)

º 1605
V         Le président
V         M. Peter MacKay
V         Le président
V         M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD)
V         M. Serge Ménard
V         M. Gavin Cameron
V         M. Serge Ménard
V         M. Gavin Cameron
V         M. Serge Ménard

º 1610
V         M. Gavin Cameron
V         M. Serge Ménard
V         M. Gavin Cameron
V         M. Serge Ménard
V         M. Gavin Cameron
V         M. Serge Ménard
V         M. Gavin Cameron
V         M. Serge Ménard
V         M. Gavin Cameron

º 1615
V         M. Serge Ménard
V         M. Gavin Cameron
V         M. Serge Ménard
V         M. Gavin Cameron
V         M. Serge Ménard
V         M. Gavin Cameron
V         M. Serge Ménard
V         M. Gavin Cameron
V         M. Serge Ménard

º 1620
V         M. Gavin Cameron
V         M. Serge Ménard
V         M. Gavin Cameron
V         M. Serge Ménard
V         M. Gavin Cameron
V         M. Serge Ménard
V         M. Gavin Cameron
V         Le président
V         M. Joe Comartin
V         M. Gavin Cameron
V         M. Joe Comartin
V         M. Gavin Cameron
V         M. Joe Comartin
V         M. Gavin Cameron

º 1625
V         M. Joe Comartin
V         M. Gavin Cameron
V         M. Joe Comartin
V         M. Gavin Cameron
V         M. Joe Comartin
V         M. Gavin Cameron
V         M. Joe Comartin
V         M. Gavin Cameron
V         M. Joe Comartin
V         M. Gavin Cameron
V         M. Joe Comartin
V         M. Gavin Cameron
V         M. Joe Comartin
V         M. Gavin Cameron
V         M. Joe Comartin
V         M. Gavin Cameron
V         M. Joe Comartin
V         M. Gavin Cameron
V         M. Joe Comartin
V         M. Gavin Cameron

º 1630
V         M. Joe Comartin
V         Le président
V         L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)
V         M. Gavin Cameron
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Gavin Cameron

º 1635
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Gavin Cameron
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Gavin Cameron
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Gavin Cameron

º 1640
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Gavin Cameron
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Gavin Cameron
V         L'hon. Roy Cullen

º 1645
V         M. Gavin Cameron
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)
V         M. Gavin Cameron
V         M. Kevin Sorenson

º 1650
V         M. Gavin Cameron

º 1655
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Gavin Cameron
V         M. Kevin Sorenson

» 1700
V         M. Gavin Cameron
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Gavin Cameron
V         Le président










CANADA

Sous-comité de la Sécurité publique et nationale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 024 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 5 octobre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¹  +(1540)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Paul Zed (Saint John, Lib.)): Bon après-midi, chers collègues.

    Nous sommes le Sous-comité de la sécurité publique et nationale. Conformément à notre ordre de renvoi, nous étudions aujourd'hui la Loi antiterroriste.

    J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue au professeur Gavin Cameron du département des sciences politiques de l'Université de Calgary. Si je comprends bien, un monsieur de l'Institut MacKenzie pourrait éventuellement se joindre à vous. Je crois que vous avez une déclaration liminaire.

    Vous avez la parole.

+-

    M. Gavin Cameron (professeur, Département des sciences politiques, Université de Calgary): Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole devant le comité sur cette importante question. Comme on l'a déjà dit, je suis professeur de sciences politiques à l'Université de Calgary. Depuis 1994, j'ai écrit de nombreux articles sur le terrorisme et en particulier sur la menace posée par ce type de violence.

    Si vous me le permettez, je voudrais d'abord faire quelques observations assez générales, après quoi je passerai aux questions plus précises qu'on m'a demandé d'aborder.

    Premièrement, je crois qu'il est très clair que le terrorisme demeure une menace pour le Canada. Le comité aura évidemment entendu d'autres témoignages allant dans le même sens et il n'a guère besoin que je revienne à la charge pour l'en convaincre. Mais dans la foulée des attentats commis à Londres cet été, Anne McLellan a lancé un avertissement contre la tentation de l'autosatisfaction au Canada. Elle n'est que la dernière d'une série de personnalités publiques bien informées qui ont dit publiquement que le Canada demeure une cible pour les terroristes. En fait, le Canada est le dernier grand État sur la liste des ennemis d'al-Qaida à n'avoir pas encore été attaqué.

    Si le Canada est attaqué, ce sera à cause de ce qu'il représente, c'est-à-dire une société occidentale séculière et ouverte, plutôt que pour des gestes particuliers que nous aurions posés comme notre présence en Afghanistan. Les citoyens canadiens n'ont pas été à l'abri des attentats en Iraq et il faut y voir non seulement une volonté délibérée de brutalisation par les insurgés là-bas, mais aussi une stratégie délibérée consistant à poser que tous les Occidentaux sans exception sont des ennemis potentiels. Or les citoyens canadiens sont clairement des représentants de l'Occident.

    Cependant, l'ampleur de la menace pour le Canada demeure incertaine. La nature du réseau d'al-Qaida a changé profondément depuis le 11 septembre 2001. Les récents attentats à Londres et ceux de l'année dernière à Madrid ont été la manifestation d'une entité qui est souple, sophistiquée et presque entièrement détachée de tout contrôle centralisé. Autant à Londres qu'à Madrid, ceux qui ont planifié les attentats avaient une certaine expérience internationale, mais ceux qui les ont perpétrés étaient des citoyens et des résidents de longue date de Grande-Bretagne et d'Espagne, respectivement. Par conséquent, nous demeurons dans l'incertitude quant à la direction d'où pourrait venir toute menace éventuelle contre le Canada.

    Le Canada est l'hôte d'un grand nombre de groupes dissidents qui, de manière générale et historiquement, hormis quelques exceptions cruciales comme la catastrophe d'Air India, n'ont pas dirigé leur violence contre des cibles canadiennes. Étant donné cette menace indéniable mais imprécise qui pèse sur le Canada, les organismes d'application de la loi et de renseignements sont confrontés à un défi extrêmement difficile et il est essentiel qu'ils puissent compter sur des mesures législatives musclées pour les aider dans leur tâche.

    Je sais que certains ont soutenu devant le comité que toutes les poursuites intentées en application de la Loi antiterroriste auraient tout aussi bien pu être intentées en invoquant des dispositions du droit pénal qui existaient avant l'adoption de la Loi antiterroriste. Je ne suis pas avocat, je suis politicologue et je suis donc bien incapable de juger de la valeur de ces arguments. Mais je dirais que les forces antiterroristes du Canada sont loin d'être les seules à dire que de telles mesures sont essentielles pour combattre le terrorisme contemporain. Des affirmations semblables ont été faites à maintes reprises par les autorités d'autres pays, notamment les États-Unis, la Grande-Bretagne et l'Australie. Je crois donc personnellement que la Loi antiterroriste est une mesure législative nécessaire.

    Il y a la tentation de supposer que la législation antiterroriste est une réaction temporaire et ponctuelle nécessitée par un impératif à relativement court terme. Le bilan historique dans beaucoup de pays est sans équivoque. Devant le besoin de prouver une réalité négative, c'est-à-dire l'absence d'une menace, les mesures d'urgence ont tendance à se transformer en lois permanentes. Par exemple, en Grande-Bretagne, la loi de 1974 sur la prévention du terrorisme nécessitait un renouvellement annuel qu'elle a effectivement reçu jusqu'à ce qu'elle soit remplacée en 2000 par la Loi sur le terrorisme. Il faut donc supposer que la Loi antiterroriste ou les mesures qui lui succéderont seront des mesures législatives à long terme qui devront rester pour composer avec la nature évolutive et de plus en plus complexe du terrorisme international.

    On aurait de bonnes raisons de ne pas aimer les lois antiterroristes de manière générale, et la Loi antiterroriste qui est actuellement à l'étude ne fait pas exception à la règle. Le terrorisme est impossible à définir précisément, même si l'on tente d'être le plus objectif possible. Le terrorisme est une tactique à motivation politique qui englobe un vaste éventail d'activités ainsi que le recours direct à la violence comme méthode coercitive. Cela a incité des critiques de telles lois à alléguer que l'on pourrait recourir à des lois antiterroristes pour s'en prendre à des groupes très divers, par exemple des manifestants en faveur de l'environnement ou contre la mondialisation. Je crois que le bilan historique dans un bon nombre de pays montre que c'est indéniable, mais que c'est aussi inévitable.

    La législation antiterroriste permet souvent d'utiliser dans la lutte contre le terrorisme des règles extraordinaires sur le plan de la procédure et de la preuve. Dans le cas de la Loi antiterroriste, cela comprend des pouvoirs plus étendus en matière de détention, un rabaissement du seuil de la preuve exigée afin de permettre des enquêtes policières intrusives, des audiences secrètes au nom de la sécurité nationale, et même la possibilité que des non-citoyens soient refoulés au risque de subir la torture « dans des circonstances extraordinaires ». Ces mesures semblent en bonne partie contraires aux traditions du système judiciaire canadien de manière générale et en particulier contre la Charte des droits et libertés.

    En conclusion, il me semble que le Canada est confronté à une menace indéniable mais indéfinie. La Loi antiterroriste, à l'instar d'autres législations antiterroristes, aide à contrer cette menace. Mais cette aide a un prix: une définition trop inclusive du terrorisme et des mesures qui sont contraires aux principes fondamentaux de la liberté.

    Je crois qu'il est essentiel de conserver un équilibre raisonnable entre les questions de sécurité et les libertés civiles. Il est admis par presque tous les responsables de la sécurité que des mesures comme la Loi antiterroriste sont nécessaires pour combattre efficacement le terrorisme. Cependant, il m'apparaît tout aussi clairement que de telles mesures législatives ouvrent la porte à l'application arbitraire et aux abus. Les parallèles internationaux sont clairs sur ce point également: la législation antiterroriste, dès lors qu'elle est disponible, est utilisée à des fins autres que celles pour lesquelles elle était prévue à l'origine. Inévitablement, elle cible de façon disproportionnée certains groupes par rapport à d'autres dans la société. Soit dit en passant, ce dernier aspect n'aide pas du tout à lutter contre le terrorisme et soulève des problèmes quant aux libertés civiles, parce que cela accroît la probabilité que des groupes qui appuient le terrorisme ou qui commettent des actes terroristes bénéficient de certains appuis.

    Par conséquent, j'exhorte instamment le comité à examiner la possibilité de mettre en place de solides mécanismes d'examen, non seulement de la loi elle-même mais de sa mise en oeuvre dans des cas particuliers. Une législation antiterroriste est un mal nécessaire, mais elle doit être utilisée seulement in extremis et il ne faut jamais permettre qu'elle devienne une méthode plus rapide ou plus commode d'obtenir des preuves ou une condamnation, par opposition au droit pénal courant, qui doit toujours être la première option envisagée d'office.

    Merci.

¹  +-(1545)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Cameron.

    Monsieur MacKay, je crois que vous êtes le suivant.

+-

    M. Peter MacKay (Nova-Centre, PCC): Merci, monsieur le président.

    Merci beaucoup, professeur Cameron, de nous avoir fait part de votre point de vue sur cette importante question.

    Je veux revenir sur votre dernier point, à savoir que durant le cours d'une audience d'enquête, d'une arrestation préventive ou dans le cadre de certains pouvoirs extraordinaires qui sont conférés par la législation antiterroriste, il peut arriver que des enquêteurs, des agents de sécurité, soient confrontés à une situation où ils trouvent des preuves d'un acte criminel ou d'une infraction quelconque qui est normalement prévue au Code criminel, qui ne ressort pas des recours extraordinaires que permet cette législation. Vous avez signalé l'évidence, mais comment doivent réagir les enquêteurs si, dans le cadre de leur enquête, en utilisant les pouvoirs qui leur sont conférés, ils découvrent qu'un vol de banque est en préparation? Je vous donne l'exemple récent d'un cambriolage énorme qui a eu lieu récemment à Belfast et qui a été perpétré par une organisation qualifiée de terroriste, l'IRA.

    Êtes-vous en train de dire que les preuves ainsi recueillies ne devraient pas être admises dans un procès criminel parce qu'elles ont été obtenues dans le cadre d'enquêtes visant des terroristes?

+-

    M. Gavin Cameron: Je crois que dans l'affaire en question, il a fallu une grue pour transporter le butin du hold-up et je dirais donc que le volume était en effet excessif.

+-

    M. Peter MacKay: Le but a été atteint sur les deux plans.

+-

    M. Gavin Cameron: Oui.

    Évidemment, dans ce cas particulier, il est impossible de séparer les deux actions. Je posais une situation idéale plutôt qu'autre chose.

    J'ajouterais par ailleurs que l'un des problèmes dans la définition du terrorisme, c'est la question tout à fait fondamentale... Nous convenons tous que la personne qui tire du fusil, qui pose la bombe ou quoi que ce soit est un terroriste et que cela constitue un acte de terrorisme; personne ne conteste cela. Mais plus on s'éloigne d'un geste aussi tranché, plus la ligne de démarcation devient floue entre le terrorisme et l'activité criminelle ordinaire. Les paramilitaires d'Irlande du Nord posent un problème particulier à cet égard en ce sens que ces organisations se livrent essentiellement à du banditisme et qu'on ne distingue pas clairement dans quelle mesure leurs motifs sont politiques ou s'ils sont motivés purement par l'appât du gain. C'est un exemple particulièrement critique de ce phénomène.

    Le vol de banque auquel vous avez fait allusion, à ma connaissance, a servi à financer le programme d'armement des paramilitaires protestants.

¹  +-(1550)  

+-

    M. Peter MacKay: Les paramilitaires protestants?

+-

    M. Gavin Cameron: Nous avons peut-être à l'esprit des vols de banque différents. Duquel parlez-vous?

+-

    M. Peter MacKay: Je parle du hold-up perpétré à Belfast par l'IRA, le Continuity IRA. Je ne savais pas que... Peut-être y a-t-il eu un autre hold-up à Belfast.

+-

    M. Gavin Cameron: Je parlais d'un autre hold-up. Il y en a eu de part et d'autre.

    Dans ce cas, s'il s'agit du Continuity IRA, ces gens-là n'ont pas abandonné leur campagne; c'est la continuation de la campagne militaire.

+-

    M. Peter MacKay: Sauf le respect que je vous dois, ce que j'essaie de comprendre de votre témoignage, c'est comment nous pouvons faire le tri dans le cadre de ce type d'enquête. Comme vous l'avez signalé à juste titre, parfois le crime ordinaire, en l'occurrence un vol de banque, est étroitement associé aux objectifs, à la philosophie et aux motivations d'une organisation terroriste. Je soupçonne qu'il y en a beaucoup d'autres exemples dans le monde.

    Mais je pourrais peut-être passer à une autre question. À mon avis, cela va au coeur même de ce que nous tentons de faire, c'est-à-dire trouver le moyen d'améliorer la loi et d'y injecter un meilleur équilibre, comme vous l'avez proposé. La solution semble consister à inclure un mécanisme de contrôle plus serré et un système qui permet l'application de la procédure contradictoire que nous utilisons dans le cadre de la procédure criminelle ordinaire, que ce soit pour les juges, les procureurs ou les avocats spécialement désignés pour examiner la preuve.

    Comme vous le savez, cette loi est extraordinaire en ce sens que, comme vous l'avez dit, elle permet de détenir des gens non seulement sans les informer des raisons de leur détention, mais sans même qu'on présente la moindre preuve aux détenus ou à leur avocat, ce qui, dans des circonstances ordinaires, constituerait clairement une violation de la Charte, ce serait clairement une violation des droits de l'homme.

    Quel est votre sentiment quant à la capacité de remédier à ce problème, peut-être en ayant des avocats et même des juges qui auraient suivi une formation spéciale et qui scruteraient à la loupe la preuve justifiant la détention, étant clairement entendu que la preuve en question ne sera pas divulguée? S'il faut les assermenter ou leur accorder une cote de sécurité spéciale, qu'on le fasse.

    Je suppose que la question corollaire est de savoir s'il existe un mécanisme qui permettrait de procéder à cet examen rigoureux sans pour autant compromettre les enquêtes en cours et sans nuire à la sécurité publique, car c'est évident qu'il y a un risque. Si des renseignements provenant d'informateurs sont divulgués, si des enquêtes visant à protéger le public sont compromises... Voilà l'équilibre que nous nous efforçons constamment d'établir.

    Quelle est votre opinion sur un contrôle de ce genre?

    Je vous poserai ensuite une autre question sur la surveillance. Je m'excuse d'avoir posé une question aussi longue.

+-

    M. Gavin Cameron: Je pense que la procédure que vous décrivez est la moins mauvaise option. On est aux prises avec une problématique complexe et il faut jongler avec de nombreux facteurs. Le premier, comme vous le dites, c'est qu'il faut éviter de compromettre les enquêtes en cours; il pourrait même être nécessaire de protéger les sources. C'est un argument très répandu en faveur d'une telle procédure.

    Le problème clé, à ce qu'il me semble, c'est qu'il faudrait aussi veiller, du moins on le suppose, à ce que les avocats de la défense aient le même privilège, c'est-à-dire qu'on aurait un groupe d'avocats de la défense qui serait autorisé à prendre connaissance d'une partie ou de la totalité de la preuve et d'organiser leur défense en conséquence.

    Je pense qu'il serait souhaitable, si jamais on a un tel groupe d'avocats de la défense désigné, que ceux-ci puissent prendre connaissance de la quasi totalité de la preuve. C'est ce que je soutiens, parce que la capacité de mener une défense solide, peu importe sur quoi elle se fonde, repose sur la capacité de prendre connaissance de la preuve.

+-

    M. Peter MacKay: Compte tenu de ce que vous venez de dire, croyez-vous que dans une telle éventualité, d'autres pays seraient moins disposés à communiquer des éléments de preuve au Canada? Avez-vous l'impression que d'autres pays qui n'ont pas actuellement ce genre de mécanisme contradictoire...? Seraient-ils réticents à faire leur part pour partager l'information?

¹  +-(1555)  

+-

    M. Gavin Cameron: Bien sûr, c'est un problème particulier parce qu'une forte proportion des renseignements obtenus par le Canada sont dérivés de sources étrangères.

    Je pense qu'en toute probabilité, si l'on avait de telles procédures à demi-confidentielles, avec des participants dûment autorisés et triés sur le volet, qu'il s'agisse des avocats ou du juge — je suppose que cela s'appliquerait seulement à un procès devant juge seulement, ce qui soulève par ailleurs d'autres questions, mais je pense qu'il faut poser au départ cette hypothèse pour qu'une telle procédure puisse exister —, le fait de permettre à des personnes soigneusement choisies de participer à une telle procédure ne pose pas un problème insurmontable au partage des renseignements. Le partage de renseignements nous pose déjà des problèmes et je ne crois pas que cela constituerait un obstacle insurmontable.

+-

    M. Peter MacKay: Monsieur le président, je suppose que l'étape suivante, dans les tentatives progressives de notre comité de trouver un juste équilibre, c'est de poser la question du contrôle parlementaire.

    Vous savez sans doute que le Canada est le seul pays du G-8 à ne pas avoir un système de contrôle parlementaire. Nous avons un système de contrôle exercé par une instance, le CSARS supervisant le SCRS et le comité des plaintes du public surveillant les activités de la GRC, et il y a aussi un contrôle semblable pour les forces armées, mais pour ce qui est des parlementaires, à l'exception du ministre et des hauts fonctionnaires, il n'y a absolument aucun élément non partisan.

    Envisagez-vous un système, dont il existe des exemples évidents, par exemple en Grande-Bretagne, en Australie et aux États-Unis, et notre comité a d'ailleurs eu l'occasion d'étudier le modèle de certains pays...? Est-ce que cela constituerait une amélioration, à votre avis, en permettant un contrôle supplémentaire, ce qui donnerait une assurance supplémentaire que tout est fait pour établir un juste équilibre entre la sécurité publique et les droits individuels? Ces juges ou avocats spécialement désignés constituent à mon avis une sorte de soupape de sûreté, dans l'éventualité où cela permet de mettre au jour que des irrégularités ont été commises par les agents chargés de la sécurité dans la compilation et la présentation de la preuve.

    Notre comité est-il crucial, à votre avis, dans l'exercice ou l'établissement de ce juste équilibre?

+-

    M. Gavin Cameron: Je dirais que non. Que la population, par l'entremise du législateur, puisse exercer un contrôle sur les organismes chargés du renseignement, c'est assurément un objectif souhaitable. La réalité est qu'un comité parlementaire est limité à ce chapitre quant au niveau de détail opérationnel. En tout cas, c'est ce que l'expérience a montré en Grande-Bretagne. Je pense donc que, si l'on veut être réaliste, vous devez accepter le fait qu'un comité parlementaire n'est pas l'entité idéale pour orchestrer un tel contrôle.

    Ce qui est plus important, à mon avis, c'est que l'on puisse compter sur un organisme de contrôle crédible qui soit clairement séparé de l'organisation qu'il cherche à superviser — cela s'applique peu importe qu'il s'agisse d'organismes de renseignements ou d'audiences spéciales comme celles dont on parlait tout à l'heure — et qu'il y ait un véritable processus d'examen qui soit suffisamment solide pour qu'il devienne possible que l'organisme de contrôle soit vraiment indépendant et qu'il ne choisisse pas toujours automatiquement le SCRS, par exemple, dès qu'il faut choisir entre croire sur parole nos amis du SCRS et défendre les intérêts d'un particulier.

    Voilà ce qu'il faut éviter dans un organisme de contrôle et je crois en fait que le Canada a déjà un tel mécanisme en place. C'est mon avis.

º  +-(1600)  

+-

    Le président: L'autre témoin n'est pas présent et nous allons donc donner un peu plus de temps à chacun, si vous n'avez pas d'objection.

+-

    M. Peter MacKay: Votre réponse m'intéresse beaucoup et je vais revenir à la charge pour obtenir de plus amples précisions. Je suis curieux de savoir pourquoi vous dites qu'il serait plus efficace de créer une troisième ou même une quatrième entité indépendante des organismes de sécurité, plutôt que de s'en remettre à un organe élu dont les membres ont peut-être des bagages tout à fait différents, mais je vous invite à considérer que l'on obtiendrait ainsi certaines connaissances et une certaine expérience qui pourraient être utiles, ou tout au moins c'est ce qu'il nous semble avoir discerné quand nous avons examiné d'autres instances de contrôle formées de parlementaires ou de gens démocratiquement élus.

    J'admets qu'il n'y a aucun exemple parfait et j'accepte sans réserve votre suggestion que tout dépend presque entièrement du niveau de détail opérationnel que le comité est autorisé à examiner. Par contre, quand vous parlez d'un organisme de contrôle crédible, je vous dirais — et je vous invite à commenter cela — qu'un groupe parlementaire a davantage de crédibilité à cause de son indépendance et parce qu'il doit également rendre des comptes au Parlement. C'est pourquoi je soutiens que le simple fait de savoir qu'un tel organisme est en place garantirait un peu plus de diligence de la part des agents de sécurité eux-mêmes.

    Dans l'exemple britannique, qui se rapproche peut-être le plus de la solution que nous pourrions envisager, on nous a dit durant des discussions officieuses que le comité en question prend tout son temps afin d'établir des relations de confiance. De même, chez nous, la capacité de garder le secret et d'éviter toute fuite est d'une importance cruciale pour l'établissement de ce lien de confiance.

    Pourquoi préférez-vous l'option d'un autre organisme nommé, par opposition à un organisme élu formé de parlementaires qui peuvent saisir d'une question le tribunal suprême du pays, le Parlement du Canada, si de tels incidents et abus se produisent? Et il faut espérer que pareils cas seraient rares.

+-

    M. Gavin Cameron: Je pense que la première réponse à cela, c'est le facteur temps: le temps qu'un comité parlementaire peut vraiment consacrer à scruter un organisme de renseignements est limité. C'est un élément de réponse. S'il y avait moyen de contourner ce problème, cela contribuerait certainement à modifier sensiblement mon opinion.

    Si nous avions en l'occurrence un système de comité qui ressemblerait davantage, par exemple, à celui des États-Unis, où les comités ont des pouvoirs d'enquête, je pense qu'encore une fois cela ajouterait de la crédibilité au mécanisme de contrôle dont nous discutons.

    Je ne voulais pas insinuer qu'un comité parlementaire n'est pas une organisation capable d'exercer un contrôle sur la communauté du renseignement; mon argument est plutôt qu'il faut une organisation ayant accès à ce niveau de détail opérationnel. Si vous arrivez avec le temps à aller au fond des choses et à établir un lien de confiance, c'est parfaitement raisonnable. Mon argument est que nous avons déjà une telle organisation et je suis relativement satisfait du contrôle qui est exercé actuellement sur le SCRS et les autres organismes de renseignements.

+-

    Le président: Je vais intervenir ici pour donner la parole à mon collègue M. Ménard.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ): Monsieur Cameron, je voudrais d'abord vous dire qu'en peu de mots, vous m'avez...

º  +-(1605)  

[Traduction]

    Pour sept minutes?

+-

    Le président: Plus ou moins.

    M. MacKay a eu 17 minutes, mais...

+-

    M. Peter MacKay: Je m'en excuse.

+-

    Le président: Il n'y a pas de quoi. Nous n'avons pas de chronomètre.

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Il va vous enlever dix minutes de votre temps la prochaine fois.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Monsieur Cameron, je dois d'abord vous dire qu'en peu de mots, vous m'avez impressionné par le désir que vous partagez avec nous de trouver un juste équilibre entre la sécurité nécessaire, d'une part, à l'exercice de nos libertés et le maintien, d'autre part, de libertés dont ces mêmes mesures pourraient entraîner la perte. C'est pourquoi j'aimerais bien que vous nous parliez brièvement de votre expérience et de votre formation.

[Traduction]

+-

    M. Gavin Cameron: Pardonnez-moi. L'un des problèmes, quand on est Britannique, c'est que nous avons une très médiocre...

+-

    M. Serge Ménard: Je suis passablement bilingue; je peux vous écouter, mais je manque de vocabulaire quand je parle anglais.

+-

    M. Gavin Cameron: D'accord. Mon expérience comprend la rédaction d'une thèse de maîtrise sur les questions de sécurité portant sur le terrorisme en général. J'ai rédigé une thèse de doctorat en Grande-Bretagne, dans laquelle j'examine la manière dont les organisations terroristes haussent progressivement le degré de violence qu'elles utilisent, et les facteurs psychologiques qui en découlent; j'ai fait cela à St. Andrews, en Écosse. Après cela, j'ai fait des études postdoctorales aux États-Unis, d'abord à Monterey, en Californie, où je me suis attaché surtout à la prolifération des armes de destruction massive et du terrorisme, et ensuite à Harvard, où j'ai étudié la protection civile et le degré de préparation face au terrorisme, surtout dans le contexte de la planification des mesures d'urgence plutôt que du point de vue législatif. Par la suite, j'ai enseigné en Grande-Bretagne pendant trois ans et j'enseigne maintenant au Canada, à Calgary, depuis 18 mois.

    Dans le cours de mes travaux et recherches sur le terrorisme, j'ai interviewé un certain nombre de représentants d'organismes gouvernementaux d'application de la loi et de renseignements, principalement au Royaume-Uni et aux États-Unis et, dans une moindre mesure, au Canada. J'ai aussi interviewé un certain nombre de représentants d'organisations paramilitaires, quoique ces entrevues aient été pour la plupart des conversations libres non consignées par écrit, pour des raisons évidentes.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Étant donné que nous avons peu de temps, mes questions seront courtes et, je le crois, demanderont des réponses courtes.

    Pourriez-vous nous donner un exemple d'un acte terroriste qui n'est pas déjà prévu dans les lois criminelles?

º  +-(1610)  

[Traduction]

+-

    M. Gavin Cameron: Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, je ne suis pas avocat et je dois donc dire en toute franchise que je ne suis pas à l'aise pour ce qui est d'essayer d'établir ces distinctions juridiques à votre intention.

    Je crois toutefois comprendre que certaines de ces questions mettent en cause le complot, infraction prévue au Code criminel, mais aussi l'incitation à la violence. C'est plus bas dans le spectre de la violence qu'il devient très difficile d'intenter des poursuites, et je soupçonne que c'est surtout à cause de la difficulté d'établir la preuve.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Je comprends bien que vous hésitez quant à l'incitation à se joindre à des organisations ou l'incitation à la violence. Mais avant cela, quand on parle du fait de poser des bombes, de s'attaquer à des édifices publics, etc., c'est déjà couvert par les lois criminelles.

    Estimez-vous que le type de terrorisme auquel nous aurons à faire face sera vraisemblablement à l'intérieur des communautés musulmanes?

[Traduction]

+-

    M. Gavin Cameron: Il semble assurément que ce soit le cas à l'heure actuelle. Je dois toutefois émettre une réserve: toute législation antiterroriste doit pouvoir s'appliquer à un vaste éventail de menaces et de scénarios possibles; elle ne peut pas être précise au point de spécifier qu'il faut contrer une menace à prédominance musulmane.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Mon expérience dans la lutte contre le crime organisée, que j'ai acquise au Québec, m'a appris que nous avons fait beaucoup de progrès avec la collaboration du public.

    Est-ce que, de la même façon, nous pouvons faire beaucoup de progrès? En fait, n'avons-nous pas besoin de la collaboration de l'ensemble de la communauté musulmane qui n'est pas terroriste et qui considère généralement que les activités terroristes les discréditent dans l'opinion publique?

[Traduction]

+-

    M. Gavin Cameron: Oui, bien sûr. Si l'on soutient que la nature du terrorisme — et c'est ce qu'il faut effectivement soutenir — est telle que nous devons compter très fortement sur les services de renseignements, nous avons absolument besoin de l'aide des gens. Or les gens qui possèdent les connaissances susceptibles d'être utiles sont ceux qui sont les plus proches des terroristes. En l'occurrence, ce sont les membres de la communauté musulmane.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Si la communauté musulmane dans son ensemble — peut-être pas les dirigeants — perçoit que des lois ou des activités d'organismes de sécurité sont dirigées contre elle, ne croyez-vous pas que cela peut nous priver d'une source importante de collaboration?

[Traduction]

+-

    M. Gavin Cameron: C'est ce que j'ai fait remarquer dans mon exposé quand j'ai parlé du besoin d'empêcher les abus ou l'application apparemment arbitraire de toute nouvelle disposition. Je suis donc d'accord avec vous.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Encore une fois, à l'égard de cette question très complexe qu'est celle du terrorisme, il s'agit d'une autre raison pour laquelle nous devons rechercher l'équilibre entre l'efficacité que nous demandent les organisations de lutte contre le terrorisme et la nécessité de conserver la collaboration du public ou d'une partie du public. Cela est nécessaire pour mener une lutte efficace contre le terrorisme, n'est-ce pas?

[Traduction]

+-

    M. Gavin Cameron: Je suis également d'accord avec cela. J'irais même plus loin. Je crois que les démocraties libérales ont essentiellement deux armes clés dans la lutte contre le terrorisme: premièrement, les mesures pratiques, la législation, l'application de la loi et le renseignement; deuxièmement, les normes d'une société démocratique libérale. Nous devons faire très attention de ne pas trop renforcer un volet au détriment de l'autre.

º  +-(1615)  

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Pour rejoindre partiellement une des préoccupations de mon collègue M. MacKay, que je partage d'ailleurs entièrement, pour être efficaces, les organismes de surveillance et d'agents de sécurité ont-ils besoin d'employer des personnes à plein temps?

[Traduction]

+-

    M. Gavin Cameron: Je dirai essentiellement que pour exercer une surveillance efficace, il faut, premièrement, avoir accès aux détails opérationnels, et deuxièmement, avoir le temps de faire enquête et de superviser vraiment les activités de l'organisme de renseignement, le cas échéant. Si l'entité de surveillance se réunit périodiquement et aborde seulement des généralités, ce n'est pas une surveillance efficace.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Je comprends que cela requiert un personnel assez considérable et qui a l'expertise nécessaire pour examiner les documents des agences de sécurité.

    Êtes-vous au courant des effectifs des organismes de surveillance au Canada? Les trouvez-vous en nombre suffisant?

[Traduction]

+-

    M. Gavin Cameron: Je ne sais pas quels effectifs permettraient de respecter ce critère. Je soupçonne toutefois que la majorité d'entre eux ont de l'expérience en application de la loi et qu'ils sont d'anciens agents du renseignement. En soi, cela peut être problématique. Je crois donc qu'il faudrait pouvoir compter sur des gens ayant probablement une expérience juridique, mais possédant un éventail d'expériences diversifiées. À cet égard, je crois que l'on possède au Canada un nombre suffisant de personnes.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Dans le discours qu'il a livré à Madrid le 10 mars 2005, le secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, a repris une définition du terrorisme que lui avait suggérée un groupe de personnalités. On y lit ce qui suit:

[...] qui indiquerait clairement que tout acte constitue un acte de terrorisme si son intention est de causer la mort ou de blesser gravement des civils et des non-combattants dans le but d’intimider une population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à accomplir un acte ou à s’abstenir de le faire.

    Cette définition n'est-elle pas suffisante?

[Traduction]

+-

    M. Gavin Cameron: Si je crois que c'est suffisant? Non.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: D'accord. Mais pourquoi?

[Traduction]

+-

    M. Gavin Cameron: Parce que cela englobe un très vaste éventail d'activités. Le génocide serait inclus dans cette définition, sauf erreur, ou encore ce qu'on appelle le nettoyage ethnique.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: On parle ici de causer la mort ou de blesser gravement des civils. Il me semble qu'un génocide correspond à cela. Ne trouvez-vous pas?

º  +-(1620)  

[Traduction]

+-

    M. Gavin Cameron: Oui, et je dirais que nous sommes certainement contre le génocide, nous sommes certainement contre le nettoyage ethnique, mais il y a une différence qualitative entre le génocide et le terrorisme dont on parle ici. Je veux dire, ce sont dans les deux cas des actes répugnants, mais si l'on veut en arriver à une définition applicable du terrorisme à des fins législatives, il nous faut une définition relativement circonscrite qui n'englobe pas tout. C'est précisément le problème qui inquiète beaucoup de défenseurs des libertés civiles: plus la définition du terrorisme est étendue, plus nombreux sont les groupes et les particuliers que l'on peut poursuivre en invoquant la loi en question. Il me semble que c'est là un résultat peu souhaitable.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Je ne suis pas certain de bien comprendre votre réponse. Vous me dites que cette définition n'est pas suffisante. Est-ce exact?

[Traduction]

+-

    M. Gavin Cameron: Je dis que la définition est trop large.

+-

    M. Serge Ménard: Elle est trop large?

+-

    M. Gavin Cameron: La définition de Kofi Annan est trop large. C'est un compromis élaboré pour plaire à de nombreux membres de l'ONU. Ce n'est pas...

+-

    M. Serge Ménard: Eh bien, si elle est trop large, que pensez-vous de notre propre définition du terrorisme dans la loi actuelle? Ne croyez-vous pas qu'elle touche davantage les droits civils?

+-

    M. Gavin Cameron: Je pense que notre définition est extrêmement large, elle aussi. Comme je l'ai dit dans mon exposé, je crois que c'est un aspect inévitable de toute définition du terrorisme à des fins législatives. Mais je ne suis certainement pas disposé à dire que c'est un modèle idéal ou que le modèle de Kofi Annan est un modèle idéal de la manière dont nous devrions essayer de définir le terrorisme. Je pense que nous devons dire qu'il y a là un problème, que nous reconnaissons que c'est un problème et que nous devons tenter d'en atténuer les conséquences.

+-

    Le président: Je dois vous interrompre.

    Merci, monsieur Ménard.

    Monsieur Comartin.

+-

    M. Joe Comartin: Monsieur Cameron, avez-vous étudié l'historique de l'utilisation de la législation s'appliquant aux situations d'urgence, plus précisément la manière dont la Loi sur les mesures de guerre a été utilisée, ainsi que les lois qui lui ont succédé au Canada?

+-

    M. Gavin Cameron: Je connais les grandes lignes de la Loi sur les mesures de guerre. Je ne l'ai pas étudiée en détail. Je connais bien le concept du recours à l'armée à des fins de sécurité passive et tout le reste.

+-

    M. Joe Comartin: À cet égard, comme votre connaissance est de nature générale, nous avons examiné ce qui s'est passé à cette époque, qui a été ciblé, comment cela a été appliqué et comment les décisions ont été prises, et il me semble que beaucoup de commentateurs, tout au long des années 1970 et 1980, seraient assurément d'accord avec vos propos sur les véritables risques de cette loi.

    A-t-elle été utilisée à mauvais escient par des gouvernements qui ne possédaient pas suffisamment de renseignements ou qui étaient même en état de panique? Seriez-vous d'accord avec cela, de manière générale?

+-

    M. Gavin Cameron: Oui.

+-

    M. Joe Comartin: J'en reviens à la loi que nous avons maintenant, la Loi antiterroriste. Vous nous avez dit que vous n'êtes pas avocat. Êtes-vous membre de l'Association canadienne des professeurs d'université?

+-

    M. Gavin Cameron: Oui.

º  +-(1625)  

+-

    M. Joe Comartin: Avez-vous pris connaissance de leur mémoire?

+-

    M. Gavin Cameron: Je l'ai sous les yeux.

+-

    M. Joe Comartin: On y montre de façon détaillée que tous les crimes créés dans la Loi antiterroriste existent déjà dans le Code criminel, à une exception près.

+-

    M. Gavin Cameron: Oui.

+-

    M. Joe Comartin: Êtes-vous en désaccord avec cette analyse?

+-

    M. Gavin Cameron: Je ne me considère pas équipé pour être en désaccord avec eux sur leur interprétation de la loi canadienne.

+-

    M. Joe Comartin: Cela m'amène à vous poser une question qui saute aux yeux: pourquoi êtes-vous un aussi fervent partisan de la Loi antiterroriste dans sa forme actuelle?

+-

    M. Gavin Cameron: Nous avons intrinsèquement un conflit dans l'évaluation entre diverses organisations comme l'ACPU. Je constate que Maureen Webb a donné un témoignage très détaillé, exposant son point de vue là-dessus. Il y a un conflit entre ce point de vue et les perspectives des responsables du renseignement et de l'application de la loi avec qui je me suis entretenu. Je ne suis évidemment pas au courant des témoignages que vous avez peut-être entendus au comité, mais les gens à qui j'ai parlé disent très clairement que la situation actuelle n'est pas satisfaisante. Je crains qu'ils me l'ont dit en termes assez généraux, sans entrer dans les détails.

+-

    M. Joe Comartin: Attendiez-vous autre chose de leur part?

+-

    M. Gavin Cameron: Je suppose que non, en ce sens que je n'ai jamais rencontré un seul policier qui ne réclamait pas des pouvoirs plus étendus.

+-

    M. Joe Comartin: Moi non plus.

+-

    M. Gavin Cameron: Ce qui me frappe, c'est l'harmonie, si l'on peut dire, entre les responsables de l'application de la loi et du renseignement dans différents pays sur ce point. Essentiellement, ils disent tous avoir besoin de meilleurs outils pour combattre le terrorisme. Le terrorisme devient de plus en plus compliqué et de plus en plus difficile à contrer.

+-

    M. Joe Comartin: Si l'on accepte que nous entendrons des opinions en ce sens, le fait que tous les services de renseignement soient unanimes ne me convainc pas le moindrement, surtout quand je constate, autant ici qu'au Royaume-Uni et à un degré moindre aux États-Unis, que l'appareil judiciaire devrait faire une analyse indépendante des lois de ce genre. Les juges expriment de sérieuses réserves à ce sujet au Canada et ils en ont invalidé des pans entiers au Royaume-Uni et ils semblent en faire autant aux États-Unis dans certains dossiers. Ne devrions-nous pas nous tourner vers cet élément de notre société, puisqu'ils sont indépendants? Ne devrions-nous pas accepter leur analyse?

+-

    M. Gavin Cameron: Absolument. Et si vous faites allusion à l'affaire des lois qui ont été invalidées au Royaume-Uni parce qu'elles étaient en violation de la Convention européenne des droits de l'homme, alors absolument.

+-

    M. Joe Comartin: Bien.

    Mais si la même logique était appliquée au Canada, monsieur Cameron, une bonne partie de la Loi antiterroriste ne résisterait pas...

+-

    M. Gavin Cameron: Bon, je vous crois sur parole.

+-

    M. Joe Comartin: Je vais passer à un autre sujet.

    Vous avez exprimé une assez grande confiance envers le CSARS en particulier, mais dans l'affaire Air India qui a récemment fait les manchettes, le juge de première instance s'est montré franchement très critique envers le rôle du SCRS et la manière dont ses agents se sont conduits, le CSARS les ayant pourtant blanchis il y a des années — je ne devrais pas employer ce mot, mais le CSARS avait dit que leur performance avait été satisfaisante. Et l'on vient de vivre l'affaire Bhupinder Liddar; là encore, le CSARS avait approuvé l'organisation alors qu'en rétrospective, on constate que cette approbation n'était pas fondée.

    Pourquoi faites-vous tellement confiance au CSARS?

+-

    M. Gavin Cameron: Mon argument était qu'il faut une solide organisation qui jouit de la confiance des organismes qu'elle est chargée de superviser, ce qui est un dilemme en soi.

+-

    M. Joe Comartin: Mais le problème n'est-il pas que le pont est vite franchi entre la confiance et la co-optation?

+-

    M. Gavin Cameron: C'est le danger, et c'est pourquoi j'ai dit au tour précédent que l'on ne pourrait pas, par exemple, avoir des agents de renseignement qui seraient chargés d'exercer la surveillance. Il faut que ce soit une entité véritablement indépendante.

    La raison pour laquelle je me suis prononcé en faveur d'une entité comme le CSARS par opposition à un comité parlementaire, c'est parce que ce niveau de confiance existe déjà, et pour aucune autre raison, en fait.

º  +-(1630)  

+-

    M. Joe Comartin: C'est tout, monsieur le président. Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Comartin.

    Monsieur Cullen.

+-

    L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Merci, M. Cameron, d'être venu.

    Vous avez fait beaucoup de travail dans le domaine du terrorisme nucléaire, la menace du terrorisme nucléaire, et je me demande si vous pourriez nous dire quelle forme cela pourrait prendre, en particulier dans le contexte du Canada.

    Et je me demande si vous pourriez commenter la situation suivante. On met souvent en cause l'arsenal nucléaire des soi-disant États voyous, mais on sait qu'il y a également des pays qui ne sont peut-être pas enclins à agir comme des États voyous, mais qui n'en possèdent pas moins un arsenal nucléaire. Dans leur appareil bureaucratique et militaire, il peut se trouver des gens corrompus ou mal avisés qui peuvent être tentés de communiquer des secrets technologiques à des terroristes réels ou potentiels. Pourriez-vous nous parler de la menace du terrorisme nucléaire pour le Canada, en particulier de ce point de vue.

+-

    M. Gavin Cameron: Je vais répondre au dernier point en premier, si vous permettez. D'après ce que vous dites, vous vous intéressez particulièrement aux liens qui peuvent exister, par exemple, entre l'ISI et la communauté nucléaire du Pakistan et al-Qaida ou des groupes liés à al-Qaida. C'est un argument qu'on a...

+-

    L'hon. Roy Cullen: Eh bien, le Pakistan est un exemple, mais je ne veux pas me limiter au Pakistan.

+-

    M. Gavin Cameron: Non, mais votre question va dans le sens d'une idée très répandue. Je pense que tout indique que, bien qu'il y ait eu une certaine coopération individuelle au sein du ISI et de la communauté nucléaire pakistanaise, cela se situait à un niveau relativement bas. À ma connaissance, c'est ce qu'indiquent les éléments de preuve, du moins ceux qui sont du domaine public.

    Il y a évidemment des inquiétudes depuis une quinzaine d'années au sujet de possibles fuites permettant à des organisations terroristes d'acquérir des armes nucléaires ou des secrets nucléaires des anciens États soviétiques. Nous n'avons que peu de preuves à cet égard. Il est très difficile d'acquérir des preuves qu'une fuite nucléaire a eu lieu. Nous n'avons presqu'aucune preuve que des matières fissiles permettant de se doter de l'arme atomique, sans même parler d'une arme nucléaire comme telle, soient tombées entre les mains d'une organisation terroriste. Je suis relativement confiant quant à cette possibilité de terrorisme nucléaire.

    Si l'on parle d'armes à détonation nucléaire, le facteur clé est l'accès à des matières nucléaires et, si l'on est réaliste, je crois que cela exigerait, dans le cas de la plupart des organisations terroristes, qu'elles l'achètent sur le marché noir ou bien qu'elles soient parrainées par un État. À mon avis, la probabilité d'enrichissement ou quelque chose du genre par une organisation terroriste est très faible. Par conséquent, la principale menace, du moins la menace la plus probable, surtout pour le Canada, c'est un terrorisme radiologique, l'utilisation d'un vecteur de dispersion radiologique, ce qui est facile à faire à partir de matières nucléaires que l'on peut aisément se procurer, ou encore une attaque contre une centrale nucléaire, et le Canada en possède évidemment plusieurs.

    La sécurité a été renforcée dans les centrales nucléaires. Pour être réaliste, on ne peut pas empêcher tous les scénarios possibles, mais la situation s'est améliorée. Les capacités de confinement des installations nucléaires, surtout dans des pays comme le Canada, sont relativement bonnes. C'est relativement difficile d'y pénétrer par la force et de créer une fuite radioactive sur place. Par conséquent, je pense qu'il faut en revenir au terrorisme radiologique comme étant le scénario le plus probable pour le Canada.

º  +-(1635)  

+-

    L'hon. Roy Cullen: Avez-vous fait beaucoup de travail dans le domaine des menaces biologiques ou chimiques et la forme qu'elles pourraient prendre? Et quant aux attentats radiologiques, quelle forme pourraient-ils prendre s'ils se produisaient au Canada?

+-

    M. Gavin Cameron: Sur le front radiologique, il s'agirait essentiellement d'explosifs classiques enrobés d'isotopes radiologiques qu'on peut se procurer relativement facilement, le césium-137 étant celui qu'on évoque le plus souvent dans ce contexte. C'est assez facile de s'en procurer. C'est utilisé par exemple dans les appareils à rayon-x. C'est celui qui m'inquiète le plus.

    Si l'on est réaliste, le nombre de victimes serait faible en comparaison d'une ogive nucléaire. En toute probabilité, c'est une arme faisant peu de victimes, mais ayant un fort retentissement. C'est un outil de perturbation; cela pourrait par exemple interdire pendant longtemps l'accès à un secteur comme la rue Bay. C'est possible de procéder à l'assainissement, mais cela prend du temps et il s'ensuit évidemment une baisse notable de la confiance. Il est clair qu'un tel attentat aurait des conséquences.

    J'ai fait quelques travaux sur les armes chimiques et biologiques. Je pense que l'une des questions qu'il faut se poser au sujet des armes chimiques est celle-ci: compte tenu de la difficulté relative de créer une arme chimique vraiment dangereuse, n'est-il pas probable que des terroristes chercheraient plutôt à utiliser une arme conventionnelle de forte puissance? C'est l'une des questions clés que je pose au sujet des armes chimiques. C'est beaucoup plus facile de se procurer des armes classiques très puissantes, et les conséquences, à l'exception des conséquences psychologiques, sont probablement à peu près les mêmes.

    Pour ce qui est des armes biologiques, il y a là une inquiétude et elles sont clairement attrayantes pour beaucoup d'organisations terroristes. Un aspect attrayant est évidemment la possibilité d'attaquer de manière subversive; l'utilisation d'un virus étend la portée et les répercussions. Donc, oui, il est clair que nous devons nous en inquiéter.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Dans quelle mesure les groupes terroristes, si je peux les appeler ainsi, sont-ils bien entraînés? Existe-t-il une grande capacité de déployer une menace de ce type au Canada?

+-

    M. Gavin Cameron: Au Canada? Je ne suis pas au courant...

+-

    L'hon. Roy Cullen: Non, je ne veux pas dire au Canada. Peut-être pas par des gens sur place, mais dans le monde entier, existe-t-il une telle capacité? Existe-t-il au Canada un groupe nombreux capable de se livrer à de tels attentats terroristes?

+-

    M. Gavin Cameron: Il y a beaucoup de gens qui ont les connaissances techniques voulues pour créer des armes de ce genre, oui. Quant à savoir si beaucoup d'entre eux sont à l'emploi d'organisations terroristes, c'est une toute autre histoire. Je suis d'avis que leur nombre est beaucoup plus restreint.

    Un certain nombre de groupes se sont engagés dans la production à relativement petite échelle, en particulier d'armes chimiques et biologiques, et cela remonte aux années 1980. Il y a tout un éventail de groupes motivés par toute une gamme de raisons particulières. Quant aux groupes possédant une capacité vraiment importante, il n'y a en fait que Aum Shinrikyo et al-Qaida.

    Aum Shinrikyo a échoué parce qu'on les a détectés, mais aussi parce qu'ils ont fait un certain nombre de très mauvais choix scientifiques.

    Al-Qaida semble avoir exploré toute une gamme de possibilités d'armes chimiques et biologiques en Afghanistan, et ces efforts ont été grandement perturbés par l'invasion de l'Afghanistan à l'automne 2001.

    Je pense que le facteur commun entre Aum Shinrikyo et al-Qaida est que les deux groupes ont ou avaient un grand nombre de membres et qu'ils sont bien financés. Il s'agit de sommes vraiment très importantes qui peuvent être consacrées à la recherche et au développement. À l'heure actuelle, le nombre d'organisations terroristes qui sont en mesure d'investir des sommes pareilles dans la recherche et le développement est très limité.

º  +-(1640)  

+-

    L'hon. Roy Cullen: Merci.

    Avez-vous eu l'occasion dans le cadre de votre travail de comparer les régimes législatifs antiterrorisme au Canada et, disons, dans d'autres pays industrialisés comme le Royaume-Uni ou les États-Unis? Avez-vous fait du travail dans ce domaine?

+-

    M. Gavin Cameron: Non, je n'ai en fait jamais travaillé dans ce domaine.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Bon, mais j'ai remarqué que vous avez fait des travaux dans le domaine des négociations entre les groupes terroristes et les gouvernements.

    C'est une mauvaise analogie, mais au Royaume-Uni et plus récemment ici même au Canada, les imams ont dénoncé publiquement la violence et le terrorisme. En fait, le premier ministre de notre pays a rencontré un groupe assez représentatif d'imams au Canada pour les remercier d'avoir adopté cette position et de travailler ensuite aux étapes suivantes. Je pense que des initiatives parallèles et semblables ont été prises au Royaume-Uni. Je ne connais pas les détails.

    Je me demande dans quelle mesure c'est important que la communauté musulmane dans son ensemble ait pris position publiquement de la sorte et comment le gouvernement du Canada pourrait travailler en plus étroite collaboration avec la communauté musulmane pour essayer d'éviter que des attentats terroristes soient commis au Canada.

    L'un des groupes qui suscitent des inquiétudes est bien sûr celui des jeunes — non pas que je veuille singulariser les jeunes —, notamment ceux qui ne se distinguent pas de la masse. Autrement dit, si l'on voit ce qui s'est passé à Leeds, beaucoup de gens qui ont été interrogés par après ont dit: Seigneur, cette personne travaillait au comptoir de « fish and chips » de la localité et jouait au cricket en fin de semaine. Mais il est évident qu'il fréquentait une mosquée très radicale ou qu'il rencontrait des gens et, à mon avis, certains d'entre eux ont subi un lavage de cerveau, quoique je me ferai probablement étriper pour avoir dit cela.

    Quelles sont les possibilités que les gouvernements puissent travailler avec la communauté musulmane pour essayer de prévenir de telles activités terroristes par des musulmans au Canada?

+-

    M. Gavin Cameron: Le potentiel est considérable et c'est en fait l'une des méthodes les plus prometteuses pour contrer le terrorisme.

    L'un des aspects qui suscitent les plus grands espoirs depuis quelques années, du moins en Grande-Bretagne, c'est qu'on a extirpé les imams extrémistes de certaines mosquées, en particulier la mosquée de Finsbury Park à Londres. Il est clair que c'est une manière de réduire la possibilité de lavage de cerveau, si vous voulez employer ce terme. C'est une manière de s'y opposer et c'est la communauté musulmane elle-même qui a fait cela, souhaitant se distancer de cette activité.

    Cependant, il est clair que cela n'a pas empêché d'autres réunions radicales, d'autres imams radicaux. Vous avez donné l'exemple de Leeds. Il est très clair que même les gens qui pensaient bien connaître ces personnes n'étaient absolument pas au courant de toute cette dimension de ces quatre personnes qui ont perpétré les attentats du 7 juillet — ils sont d'ailleurs plus nombreux si l'on y inclut ceux qui ont posé ou tenté de poser les bombes du 21 juillet. Cela peut seulement nous faire faire un bout de chemin. Tout le problème est là. Mais il est indéniable que c'est une manière d'abaisser le niveau de l'eau dans laquelle nagent les poissons, pour utiliser une métaphore que l'on entend souvent. Ce n'est pas une solution parfaite.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Vous avez parlé de la législation antiterroriste et du fait que certains en réclament davantage et veulent qu'on donne des pouvoirs plus étendus à l'État, mais d'autres sont venus ici et ont dit que le fait que le gouvernement n'a pas utilisé les dispositions qui existent déjà — je pense qu'il n'y en a eu qu'un seul cas — démontre essentiellement que nous n'en avons pas besoin. On peut bien sûr réfuter cet argument en disant que nous en avons besoin au cas où il deviendrait nécessaire d'y recourir.

    Je me demande si vous pourriez commenter ces points de vue.

º  +-(1645)  

+-

    M. Gavin Cameron: Personnellement, je suis en faveur d'avoir une loi de ce genre et de l'utiliser de façon très sélective. Il est clair qu'il faut une interprétation très rigoureuse par la magistrature, les juges devant affirmer que telle n'était pas l'intention du législateur. C'est l'option que je privilégie, c'est-à-dire avoir les outils voulus pour affronter une situation donnée et choisir de les utiliser plutôt que d'être dépourvu de ces outils. C'est ma position.

+-

    Le président: Merci.

    Chers collègues, quelqu'un a-t-il quelque chose à ajouter?

    Monsieur Sorenson, je crois que vous avez des questions à poser.

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Merci.

    Merci, monsieur Cameron, d'être venu à Ottawa aujourd'hui, d'avoir quitté la belle ville de Calgary pour venir nous voir.

    Vous avez dit durant votre témoignage que vous avez fait des travaux de recherche sur l'état de préparation aux urgences. Or depuis environ un mois, nous avons vu défiler à la télévision l'ouragan Katrina, l'ouragan Rita et avant cela, la ruine causée par un tsunami. Avez-vous examiné l'état de préparation du Canada? Croyez-vous que nous sommes prêts à affronter une catastrophe naturelle?

+-

    M. Gavin Cameron: Non, je n'ai pas examiné spécifiquement l'état de préparation du Canada.

    Je pense toutefois que les événements des dernières semaines font ressortir clairement un problème qui a été identifié à maintes reprises dans des études dont j'ai pris connaissance autant aux États-Unis qu'au Royaume-Uni, et je soupçonne qu'on peut en dire autant du Canada. On aura beau tirer des plans, se livrer à des exercices théoriques, lorsque le pire arrive, il y a une crise sur le terrain. Il y a de l'incertitude quant à l'identité des personnes responsables et les lignes de communication sont troubles. Il y a de l'incertitude quant aux possibilités de faire venir des ressources additionnelles de l'extérieur de la région.

    J'ai étudié la réaction aux États-Unis depuis la fin des années 1990. Aux États-Unis, il y a eu exercice après exercice, et à chaque fois se posait le problème de savoir « qui est aux commandes ». Et je pense que, dans une certaine mesure, nous avons encore vu des problèmes de ce genre dans la réaction à l'ouragan Katrina.

+-

    M. Kevin Sorenson: Je vous remercie pour cette réponse et cela m'amène à ce dont on discutait tout à l'heure, le contrôle parlementaire. Nous avons suivi le déroulement des événements aux États-Unis; il y a eu une catastrophe qui a fait des centaines de morts, et le chef de la FEMA a été essentiellement congédié parce que les autorités n'étaient pas prêtes.

    Quand nous interrogeons le ministre et les responsables du ministère sur la protection civile, ils nous disent toujours que tout est prévu. En fait, il y a à peu près un an, nous avons eu une bataille de compétences. Le ministre chargé de la protection civile en Ontario a dit: non, c'est notre plan à nous qui aurait préséance; et notre ministre ici a dit non, c'est un autre plan. Nous avons donc eu une petite bataille.

    Peut-être que dans le cas du terrorisme, quand il est question de la preuve, vous mettez en doute la valeur du contrôle parlementaire, mais je vous dirai qu'un comité parlementaire dont les membres sont élus, auquel on communique des renseignements et qui pourrait discuter pourrait aussi exercer un contrôle des organismes chargés de l'enquête. Je trouve que c'est impératif. À mon avis, nous en avons absolument besoin. C'est l'une de mes questions.

    La semaine dernière, je suis allé aux États-Unis où j'ai rencontré des experts en matière de sécurité. Le Comité des affaires étrangères et du commerce international est allé là-bas. L'un des témoins a évoqué le terrorisme comme une forme de guerre pour infliger des dommages économiques. Il a dit qu'il doutait énormément qu'il y ait un autre attentat terroriste dans le réseau de transport en commun de Londres parce que la réalité, c'est que cet attentat a échoué. Les gens ont peut-être eu un peu peur, mais il a dit que c'était un échec puisque la Grande-Bretagne a réussi à remettre en route le transport en commun en quelques heures. Les gens n'ont pas cessé de prendre le métro. Il estimait qu'en toute logique, il n'y aurait probablement pas d'autres attaques.

    Il a parlé ensuite de l'importance du commerce entre le Canada et les États-Unis, de l'infrastructure critique, du transport transfrontalier des biens, de l'économie de base, et aussi du bioterrorisme et de l'incidence que cela aurait sur le système de santé.

    Pourriez-vous nous en dire un peu plus long sur tout cela, nous préciser où se situe à votre avis la principale menace et aussi nous parler du projet de loi C-36, parce que je suppose qu'il faut toujours en revenir au projet de loi C-36? Vous êtes partisan du projet de loi C-36 et d'une législation antiterroriste rigoureuse et je vous demande donc quels seraient à votre avis les domaines de prévention? On a évoqué l'arrestation préventive et les certificats, et ces questions suscitent de graves interrogations dans le projet de loi, mais pour chacune des menaces qui se posent ici au Canada, en quoi le projet de loi C-36 aiderait-il à prévenir une telle attaque?

º  +-(1650)  

+-

    M. Gavin Cameron: Tout d'abord, je conteste l'affirmation que les attentats terroristes de Londres étaient un exemple flagrant de terrorisme économique. Quand je songe au terrorisme économique, je songe à la campagne de l'IRA au début des années 90, quand ils ont détruit de grands immeubles dans le quartier financier, notamment le Baltic Exchange et d'autres immeubles semblables. Je crois qu'il y a eu deux attentats qui ont fait des dégâts ayant coûté des centaines de millions de livres. Financièrement, c'était beaucoup plus important que la campagne menée depuis 30 ans par l'IRA en Irlande du Nord.

    L'attentat du World Trade Center était un exemple de terrorisme économique, bien qu'il y ait eu également toute une gamme d'autres motivations. Pour moi, s'en prendre au transport en commun, je ne vois pas cela du tout sous le même angle. L'aspect économique de la perte du tourisme, par exemple, est un élément de l'équation, mais c'est relativement minime.

    Quant aux autres manières dont on pourrait être attaqué, il pourrait y avoir une attaque contre l'agriculture. L'un des scénarios évoqués à répétition ces dernières années est une attaque biologique non pas contre les humains, mais contre la chaîne alimentaire, comme moyen de semer la peur. Si l'on ciblait certains secteurs de la communauté agricole, on causerait d'assez profondes répercussions économiques également, bien que l'incidence économique serait répartie inégalement dans les diverses régions du pays.

    Pour ce qui est du projet de loi C-36, je crois qu'il s'inscrit dans le contexte du terrorisme dans son ensemble et non pas de scénarios spécifiques. Il s'agit en fait de la capacité de... Bon, puisque vous avez évoqué la détention préventive, il s'agit essentiellement d'une situation où l'on n'a pas suffisamment de preuves, ou bien on a des preuves qui ne peuvent pas servir de fondement à des poursuites ordinaires.

    À mes yeux, le projet de loi C-36 joue un rôle dans la lutte contre le terrorisme de façon générale et je ne l'applique pas à des scénarios particuliers comme de s'en prendre à l'industrie du boeuf en Alberta ou quelque chose du genre. Je ne crois donc pas que l'on puisse lier le projet de loi C-36 aux scénarios que vous évoquez.

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    M. Kevin Sorenson: Une dernière brève question. Il y a quelques années, nous avons eu un solliciteur général qui a pris la parole à la Chambre en réponse à une question durant la période des questions et qui a raconté comment le Canada avait sauvé la mise en évitant aux États-Unis d'être la cible d'une certaine attaque qui aurait pu avoir lieu.

    Il s'est fait taper sur les doigts parce qu'il avait dit publiquement que le Canada avait déjoué le complot. Comme on l'a écrit dans certains documents, on craignait que des cellules terroristes puissent comprendre que le gouvernement avait obtenu des renseignements; cela pourrait mettre en péril notre informateur. L'information, premièrement, nous l'avions peut-être obtenue un mois ou deux auparavant, mais cela pourrait menacer la vie des gens qui avaient infiltré les cellules terroristes.

    Je suis vraiment troublé par la disposition du projet de loi C-36 qui stipule que l'on peut détenir des gens sans dévoiler les preuves que l'on a contre eux. Pour moi, c'est un droit humain fondamental, ou en tout cas un droit civil; quiconque est détenu doit certainement être en mesure de comprendre les raisons et les preuves que l'on a contre lui.

    Mais d'autre part, nous avons assurément la responsabilité de protéger les Canadiens. Et l'argument de M. MacKay a déjà été soulevé ici: quel organisme international de renseignement va nous divulguer quoi que ce soit si nous devons à notre tour dévoiler aux avocats de la défense les preuves qu'on a recueillies?

    Si un ministre dit publiquement « Nous avons évité un attentat en interceptant un appel sur un téléphone portable », et si cela met en péril des vies humaines et des canaux d'information, quel organisme international de renseignement va nous dire quoi que ce soit si nous devons le divulguer immédiatement? Cela couperait essentiellement tous les canaux par lesquels nous pouvons obtenir des renseignements.

    Je pense que vous comprenez par ailleurs — vous l'avez d'ailleurs dit vous-même — que nous devons compter sur d'autres organismes étrangers, que ce soit aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Australie ou ailleurs.

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    M. Gavin Cameron: C'est pourquoi je crois que l'on est obligé, dans un tel scénario, d'avoir des avocats de la défense désignés et bénéficiant d'une autorisation préalable. On a ainsi un groupe de gens...

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    M. Kevin Sorenson: Mais ce ne sont pas des avocats de la défense que l'on propose ici. C'est un groupe de juges ou peut-être d'avocats qui ne font pas partie de l'équipe de la défense. C'est un groupe séparé qui examinerait la preuve et donnerait l'assurance qu'il y a effectivement des preuves ou qui pourrait même dire que les preuves ne sont pas assez solides pour justifier la détention.

    Ce ne serait donc pas l'avocat de la défense qui prendrait connaissance de la preuve contre son client. C'est un groupe séparé, une entité séparée composée d'avocats ou de juges à la retraite ou quoi que ce soit, qui seraient autorisés à prendre connaissance de renseignements secrets. Ces gens-là auraient cette autorisation préalable et seraient assermentés. Peut-être qu'en pareil cas, les autres organismes en question auraient une certaine confiance en nous. Mais vous disiez que l'équipe des avocats de la défense devrait l'obtenir.

»  -(1700)  

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    M. Gavin Cameron: Je dis qu'il devrait y avoir un groupe d'avocats de la défense désigné.

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    M. Kevin Sorenson: Mais dans ce cas, ils vont soutenir...

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    M. Gavin Cameron: Je pense que l'on a ici un problème crucial en ce sens que l'accusé ne peut pas prendre connaissance de la preuve, ce qui est encore contraire aux principes de base de la justice pénale.

    Je pense qu'il est également problématique que, dans ce scénario, on n'aurait pas seulement des juges et des procureurs, mais aussi des avocats de la défense, qui sont intrinsèquement des initiés. C'est loin d'être une situation idéale, mais je trouve que c'est préférable que de s'en remettre entièrement au juge et au procureur.

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    Le président: Bon, je vous remercie, monsieur Cameron, au nom du comité. Nous vous sommes reconnaissants pour vos travaux intéressants et votre fascinante contribution à ce domaine d'étude.

    Chers collègues, nous allons faire une pause de deux minutes, après quoi nous passerons à huis clos pour étudier nos travaux futurs. Merci.

    [La séance se poursuit à huis clos]