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SNSN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité de la Sécurité publique et nationale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 1 novembre 2005




¿ 0910
V         Le président (M. Paul Zed (Saint John, Lib.))
V         M. Clive Walker (professeur, Université de Leeds, Faculté de droit, à titre personnel)
V         Le président
V         M. Clive Walker
V         Le président
V         M. Clive Walker

¿ 0915
V         Le président
V         M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)
V         M. Clive Walker

¿ 0920
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Clive Walker
V         M. Kevin Sorenson
V         M. Clive Walker

¿ 0925
V         Le président
V         M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ)
V         M. Clive Walker

¿ 0930
V         M. Serge Ménard
V         M. Clive Walker
V         M. Serge Ménard
V         M. Clive Walker

¿ 0935
V         M. Serge Ménard
V         M. Clive Walker
V         Le président
V         M. Serge Ménard
V         Le président
V         M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD)
V         M. Clive Walker

¿ 0940
V         M. Joe Comartin
V         M. Clive Walker
V         M. Joe Comartin
V         M. Clive Walker

¿ 0945
V         M. Joe Comartin
V         M. Clive Walker
V         Le président
V         M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.)
V         M. Clive Walker
V         M. Tom Wappel
V         M. Clive Walker

¿ 0950
V         M. Tom Wappel
V         M. Clive Walker
V         M. Tom Wappel
V         Le président
V         L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)

¿ 0955
V         M. Clive Walker
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Clive Walker

À 1000
V         L'hon. Roy Cullen
V         M. Clive Walker
V         Le président
V         M. Peter MacKay (Nova-Centre, PCC)
V         M. Clive Walker

À 1005
V         M. Peter MacKay
V         M. Clive Walker
V         M. Peter MacKay
V         M. Clive Walker

À 1010
V         Le président

À 1015
V         Le président
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew (à titre personnel)
V         Le président
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         Le président
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         Le président
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         M. Peter MacKay

À 1020
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew

À 1025
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew

À 1030
V         M. Peter MacKay
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         M. Peter MacKay
V         Le président
V         M. Serge Ménard

À 1035
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         M. Serge Ménard
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         M. Serge Ménard
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew

À 1040
V         M. Serge Ménard
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         M. Serge Ménard
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew

À 1045
V         M. Serge Ménard
V         Le président
V         L'hon. Roy Cullen
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         L'hon. Roy Cullen
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew

À 1050
V         L'hon. Roy Cullen
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         L'hon. Roy Cullen
V         Le président
V         L'hon. Roy Cullen
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew

À 1055
V         L'hon. Roy Cullen
V         Le président
V         M. Tom Wappel
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         M. Tom Wappel
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         M. Tom Wappel
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         M. Tom Wappel
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         M. Tom Wappel
V         L'hon. Lord Carlile of Berriew
V         M. Tom Wappel
V         Le président

Á 1100
V         M. Peter MacKay
V         Le président
V         M. Peter MacKay
V         Le président










CANADA

Sous-comité de la Sécurité publique et nationale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 026 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1 novembre 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¿  +(0910)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Paul Zed (Saint John, Lib.)): La séance est ouverte.

    Bonjour et bienvenue à cette séance du Sous-comité de la sécurité publique et nationale du Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile.

    Conformément à l'ordre de renvoi du 22 novembre 2004, nous examinons la Loi antiterroriste. Chers collègues, je suis très heureux d'accueillir M. Clive Walker, qui est professeur à la Faculté de droit de l'Université de Leeds. M. Walker va témoigner par vidéoconférence. Bienvenue, monsieur Walker.

+-

    M. Clive Walker (professeur, Université de Leeds, Faculté de droit, à titre personnel): Bonjour.

+-

    Le président: J'imagine que c'est l'après-midi chez vous, monsieur.

+-

    M. Clive Walker: Oui. Il est à peu près 14 heures ici, et il fait très beau.

+-

    Le président: Merci de participer à notre réunion, monsieur.

    Je crois que vous avez une déclaration à faire, et je vais vous céder la parole.

+-

    M. Clive Walker: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais d'abord vous remercier de me donner l'occasion de m'adresser à votre comité. C'est un honneur que vous me faites. Je suis très heureux de pouvoir discuter de ces questions avec vous. C'est ma semaine d'activités parlementaires parce que j'ai témoigné devant le Comité mixte des droits humains du Parlement du Royaume Uni, hier. Je parle donc beaucoup des mesures législatives de lutte contre le terrorisme avec des parlementaires cette semaine.

    Je m'intéresse à cette question depuis longtemps, depuis que j'ai entrepris mon doctorat sur la lutte contre le terrorisme en 1982. C'est alors que j'ai commencé à examiner les lois sur le sujet, au Royaume Uni mais aussi à l'étranger, notamment la Loi antiterroriste de 2001 du Canada.

    Je dirais que la Grande-Bretagne est l'un des pays, du moins en Europe, qui a les lois les plus complètes sur le sujet et que, particulièrement en raison de la situation en Irlande du Nord, elle a une vaste expérience du terrorisme.

    C'est ce que j'ai déclaré, la semaine dernière, à une journaliste française, qui m'a répondu que c'était en France qu'il y avait le plus de lois sur le sujet. Vous serez donc heureux d'apprendre que les rivalités anglaises et françaises existent en la matière, comme pour d'autres questions. Mais, peu importe qui a le plus de lois sur le sujet, la Grande-Bretagne en a sûrement beaucoup.

    Je peux peut-être, pour commencer, vous donner un aperçu des dispositions qui existent. Elles se retrouvent dans trois ou quatre lois différentes. La plus détaillée est le Terrorism Act de 2000. Puis, en 2001, au lendemain des attentats du 11 septembre, l'Anti-Terrorism, Crime and Security Act a été adopté. Plus récemment, à la suite de la décision défavorable rendue par la Chambre des lords — la Cour suprême, si vous voulez —, la loi de 2001 a été modifiée dans une certaine mesure par le Prevention of Terrorism Act de 2005.

    Ces mesures législatives traitent de sept ou huit sujets. Il y a d'abord les organisations interdites — dans les dispositions sur les groupes terroristes en activité. Nous avons des mesures sur les biens liés aux activités terroristes et, bien sûr, la saisie et la confiscation de ces biens. Il y en d'autres qui facilitent la tenue d'enquêtes sur les activités terroristes en accordant aux forces de sécurité le pouvoir d'installer des cordons de sécurité ou d'exiger la divulgation d'informations.

    La loi accorde aussi des pouvoirs aux forces policières dans la lutte contre le terrorisme; ces pouvoirs se caractérisent peut-être surtout par le fait qu'ils permettent de procéder à des arrestations sans mandat et de recourir à la détention.

    Il y a aussi un chapitre sur les infractions criminelles spéciales, liées au fait de former des terroristes, de diriger des organisations terroristes et de posséder du matériel pour des fins terroristes.

    Il y a également un chapitre sur l'immigration et l'asile, dont certains aspects, comme je l'ai dit, ont été annulés par la Chambre des lords, mais dont d'autres aspects subsistent.

    Il y a des dispositions sur ce que j'appellerais les produits dangereux ainsi que les sites ou les points critiques, comme dans le cas des aéroports et des substances chimiques et nucléaires.

    Enfin, il y a un chapitre de la loi qui traite plus particulièrement de l'Irlande du Nord, qui a longtemps retenue l'attention de la loi, et il y a toute une série de mesures spéciales qui s'appliquent à l'Irlande du Nord. Une des principales est l'établissement des tribunaux spéciaux sans jury, communément appelé les tribunaux Diplock, et qui, malgré des signes encourageants de cessez-le-feu possibles en Irlande du Nord, existent toujours.

    Cela vous donne une idée, je pense, de la teneur des lois. Comme je l'ai dit, c'est un sujet dont je parle depuis 25 ans. Je pourrais continuer longtemps, mais il serait peut-être utile que vous m'indiquiez les sujets qui vous intéressent.

¿  +-(0915)  

+-

    Le président: Merci, monsieur.

    Je vais maintenant laisser mes collègues vous poser des questions.

    Monsieur Sorenson, voulez-vous commencer?

+-

    M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC): Oui, je peux commencer.

    D'abord, monsieur Walker, merci de vous adresser à nous ce matin. Nous sommes à l'ère de la technologie, ce qui nous offre la possibilité de vous entendre. Sans la technologie, il est évident que nous n'aurions pas pu profiter de ce que vous avez à nous dire.

    Comme vous le savez peut-être, notre comité a le mandat d'examiner les mesures qui ont été adoptées après le 11 septembre. Nous devons examiner certaines parties de la Loi antiterroriste qui est en vigueur chez nous. Pour certains, le Parlement aurait agi très rapidement après les attentats du 11 septembre, de sorte qu'un examen s'impose et qu'on devrait même peut-être rendre certaines dispositions temporaires.

    Notre comité constate que la controverse touche un certain nombre de chapitres de la loi. Nous nous rendons compte qu'on se pose beaucoup de questions à propos des certificats ministériels qui permettent de détenir des gens et de fournir des preuves sans avoir à les renseigner. Les gens peuvent être détenus pratiquement sans que des accusations ne soient portées contre eux.

    Vous avez parlé, en troisième lieu, des pouvoirs des forces de police pour lutter contre le terrorisme. Vous pourriez peut-être nous parler un peu des certificats en Grande-Bretagne.

    J'aimerais également que vous nous expliquiez quelles sont les mesures de reddition des comptes. Par exemple, comment les commissions sont-elles tenues responsables aux termes de la loi? Comment tenez-vous le vérificateur indépendant responsable? Quelles sont les mesures de reddition des comptes qui existent?

    Pouvez-vous aussi nous parler un peu du rôle de la Special Immigration Appeals Commission, pour mon information? Je me demande quel est le mandat de cette commission.

+-

    M. Clive Walker: Merci. Vous me demandez de répondre à certain nombre de questions. Je vais d'abord commencer par celle sur les pouvoirs de lutte contre le terrorisme.

    J'ai parlé des pouvoirs spéciaux permettant d'arrêter sans mandat, qui font en sorte que les gens peuvent être détenus au poste de police pendant un certain temps avant que des accusations soient portées contre eux. Cette mesure remonte à 1974. On a le pouvoir d'agir de la sorte depuis ce moment-là. Quand la loi a d'abord été adoptée en 1974, il était permis d'arrêter quelqu'un sans mandat lorsqu'on avait des motifs raisonnables de soupçonner que cette personne participait à la préparation ou à l'exécution, par exemple, d'activités terroristes.

    La durée de la détention spéciale autorisée dans ce cas était de sept jours. En 1974, cette mesure avait été prise pour s'attaquer au terrorisme irlandais, particulièrement au terrorisme de l'armée républicaine. Ce sont surtout des actes comme les attentats à la bombe dans les pubs de Birmingham qui ont vraiment entraîné l'adoption de cette loi. Elle a été modifiée à quelques reprises depuis 1974, et je vais vous signaler deux modifications importantes.

    D'abord, on a reconnu que de meilleures mesures de protection devraient être prévues pour le suspect durant sa détention étant donné que des abus, délibérés ou non, étaient possibles de la part de la police. Donc, un certain nombre de mesures ont été adoptées à cet effet. L'une des plus importantes oblige les services de police à se présenter devant un juge après quatre jours pour confirmer que l'enquête est toujours nécessaire. La décision ne relève alors plus seulement des forces policières.

    Il y a une autre mesure de protection qui est liée à la responsabilité du juge — pour rejoindre ce dont vous avez parlé. Il y a également d'autres mesures de protection qui ont été adoptées, particulièrement en Irlande du Nord.

    Désolé, voulez-vous poser une question?

¿  +-(0920)  

+-

    M. Kevin Sorenson: Je voulais vous demander si ce juge avait une cote de sécurité spéciale, des pouvoirs différents de ceux d'autres juges. Combien y a-t-il de juges, en Grande-Bretagne, devant lesquels les policiers peuvent se présenter et quelles sortes de pouvoirs ont-ils? Si on leur présente des faits liés à des activités terroristes, ils ont donc accès à des informations très secrètes. Je me demande combien de juges remplissent ces fonctions.

+-

    M. Clive Walker: Le nombre de juges est assez limité, tout comme le nombre d'arrestations, maintenant.

    À un moment donné durant le conflit en Irlande du Nord, il y avait des centaines d'arrestations chaque année. Évidemment, il aurait très difficile d'avoir seulement un ou deux juges en poste. Mais comme les arrestations se comptent maintenant par dizaines et non plus par centaines, il y a seulement une poignée de juges qui remplissent cette fonction.

    Je n'ai pas de détails sur leur cote de sécurité — qui n'a pas été rendue publique — mais je présume qu'elle est beaucoup plus sévère que la normale, disons. Je suis sûr que tous les juges font l'objet d'une enquête de sécurité, mais j'imagine que cette enquête est plus poussée dans le cas de cette poignée de juges. Il y aurait probablement au plus deux ou trois juges qui remplissent cette fonction dans toute l'Angleterre, deux ou trois en Irlande du Nord, et un ou deux en Écosse. Je ne crois donc pas que la sécurité des faits présentés pose un grave problème.

    Est-ce que cela répond à votre question?

+-

    M. Kevin Sorenson: Oui, merci, monsieur.

+-

    M. Clive Walker: À propos des mesures de protection, j'aimerais faire remarquer qu'en particulier en Irlande du Nord, après une série d'allégations concernant des mauvais traitements infligés à des prisonniers — autant physiques que psychologiques — un commissaire indépendant a été chargé de visiter les postes de police, ce qu'on appelle les centres de détention, pour vérifier le bien-être des prisonniers, leur poser des questions et assister aux interrogatoires. Donc, ce sont les mesures qui ont été prises.

    J'ai signalé certaines autres modifications apportées aux mesures législatives. L'autre modification qui m'apparaît importante a été faite en 2003, plus particulièrement pour tenir compte du terrorisme international. Le terrorisme international cause certains problèmes de communication, sur le plan de l'interprétation — quand le suspect parle une autre langue et peut-être même un dialecte — et sur le plan de la liaison avec les forces policières étrangères — quand un suspect a des liens, disons, avec le Pakistan et qu'il faut vérifier ses antécédents auprès de la police du Pakistan. En raison de ces problèmes, la période maximale de détention a été prolongée, pour passer de sept à quatorze jours et, depuis 2003, il n'y a eu que quelques suspects qui ont été détenus pendant tout ce temps.

    J'aimerais ajouter que le Parlement du Royaume-Uni est maintenant saisi d'un projet de loi qui propose que cette période de détention soit de trois mois et non plus de quatorze jours. Je dirais, le plus objectivement possible, que cette proposition est contestable pour des observateurs comme moi étant donné qu'elle est vraiment exagérée par rapport aux besoins de la police. Toutes les difficultés qu'elle éprouve peuvent être réglées d'autres façons.

    Voilà, je pense, ma version simplifiée des pouvoirs d'arrestation sans mandat. On pourrait me poser d'autres questions si j'ai répondu à la vôtre.

¿  +-(0925)  

+-

    Le président: C'est maintenant à M. Ménard de poser des questions.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard (Marc-Aurèle-Fortin, BQ): Beaucoup de gens ici pensent que les activités terroristes sont déjà illégales en vertu du droit commun et que les lois qui ont été adoptées avaient davantage pour but de démontrer à la population que le Parlement faisait quelque chose contre le danger que présente le terrorisme.

    Est-ce que, effectivement, vous voyez que ces lois ont été très utiles pour lutter contre le terrorisme et que, si nous ne les avions pas eues et que nous nous étions contentés des lois existantes, nous n'aurions pas pu obtenir les mêmes résultats dans la lutte contre le terrorisme?

[Traduction]

+-

    M. Clive Walker: Merci.

    D'abord, j'aimerais souligner que je reconnais que ces lois — du moins celles du Royaume-Uni et sûrement la loi canadienne — répondent en fait à des objectifs symboliques; il existe effectivement un élément d'exemplarité; de plus, on veut rassurer la population et donner l'impression qu'on lutte contre le terrorisme — c'est la solidarité sociale, si vous voulez. Ce sont les objectifs que les lois visent. Cela suppose, évidemment, que la loi n'a peut-être pas d'utilité, pas d'effet apparent.

    À cet égard, je dirais toutefois que la situation est plus nuancée. Il y sûrement des aspects de la loi du Royaume-Uni qui ont vraiment très peu d'effet, qui n'ont pas été appliqués, par exemple, et qui semblent avoir seulement des objectifs symboliques, c'est-à-dire rassurer la population et renforcer la solidarité sociale. Je pense qu'on pourrait formuler cet argument, cette critique, dans le cas de certaines dispositions concernant les organisations interdites, l'interdiction des groupes terroristes.

    On peut imaginer, bien sûr, que diverses autres infractions graves peuvent être imputées à un membre actif d'al-Qaïda, disons, même si l'infraction liée au fait d'avouer qu'il est membre de cette organisation n'existait pas. Donc, nous estimons que les dispositions concernant les infractions de ce genre sont avant tout symboliques et que pratiquement aucune accusation n'a été portée à ce sujet en Grande-Bretagne même depuis 1974.

    Je crois également, comme vous le faites remarquer, qu'on peut faire beaucoup pour lutter contre le terrorisme avec les lois existantes, les lois en vigueur, sans adopter de lois spéciales, comme la Loi antiterroriste de 2001, au Canada, ou les autres mesures législatives dont j'ai parlé. Les terroristes qui préparent et commettent des attentats à la bombe, planifient des meurtres, des délits graves comportant des explosions. On pourrait faire valoir qu'une loi spéciale n'est pas nécessaire pour lutter contre des activités de ce genre, et je suis d'accord avec vous.

    Cela dit, cependant, j'admets qu'en principe des lois antiterroristes spéciales sont nécessaires. Je le reconnais parce que les moyens utilisés et les problèmes causés par le terrorisme ne sont pas exactement les mêmes que ceux auxquels la police est confrontée dans le cas, disons, de la violence conjugale ou du vol à l'étalage. Il y a certaines caractéristiques du terrorisme — comme son organisation très ingénieuse qui s'étend, aujourd'hui, à l'échelle planétaire — qui posent des difficultés dont la loi doit tenir compte. Je n'écarte pas, par exemple, qu'on ait le pouvoir spécial de faire des arrestations sans mandat, mais je trouve qu'il est très difficile de justifier que ce pouvoir permette de détenir les gens pendant trois mois. Une période de détention de peut-être sept ou quatorze jours pourrait être plus acceptable.

    Il reste que le fait qu'il s'agit de crimes graves très bien organisés qui peuvent entraîner, comme ce fut le cas le 7 juillet dernier à Londres, plus de 50 morts nous porte à réfléchir sur les difficultés techniques qui existent et sur la nécessité de prévoir les risques. Il est peut-être acceptable de laisser la loi suivre son cours dans le cas de voleurs à l'étalage, qui ne causent pas vraiment de torts graves, et d'arrêter les voleurs après que le délit a été commis, mais ce l'est moins quand des gens projettent de tuer 50 personnes...

¿  +-(0930)  

+-

    M. Serge Ménard: Je m'excuse de vous interrompre mais, pour préciser le débat, j'aimerais vous poser une question.

    Pourriez-vous faire la comparaison avec la lutte contre le crime organisé? Il est évident que la situation est différente dans le cas d'un vol à l'étalage ou d'un meurtre passionnel, mais on pourrait peut-être comparer les lois que nous avons pour lutter contre le crime organisé, ou la façon dont nous appliquons les lois dans ce cas, et celles qui s'appliquent à la lutte contre les organisations terroristes.

+-

    M. Clive Walker: Encore une fois, je suis d'accord avec vous. J'établis un certain nombre de parallèles entre le crime organisé et le terrorisme. Il y a évidemment des parallèles, dans la loi, entre le crime organisé et le terrorisme, surtout pour ce qui est des aspects financiers de ces deux activités. À cet égard du moins, on peut faire des comparaisons.

    Il y a cependant des différences importantes entre les deux, à mon avis, ce qui nous porte encore une fois à nous demander si toutes les dispositions nécessaires existent dans la loi, si on pense que tout ce qui s'applique au crime organisé est suffisant dans le cas du terrorisme.

    Comme vous l'avez dit, certaines différences ont trait aux motivations du terrorisme qui rendent peut-être les attentats moins prévisibles. Ce ne sont pas de simples visées mercantiles qui les motivent, mais des objectifs politiques plus vastes.

    Les réseaux sont différents dans le cas du terrorisme, et probablement plus amorphes que pour le crime organisé, si nous prenons l'exemple d'al-Qaïda.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, quelle a été, en Angleterre, l'incarcération la plus longue qui fut imposée sans que des accusations n'aient été portées?

[Traduction]

+-

    M. Clive Walker: À ce sujet, je crois qu'il faut faire la distinction entre deux mesures prévues.

    La première permet de détenir des gens sans que des accusations ne soient portées contre eux et avant qu'ils ne comparaissent devant un tribunal. Comme je l'ai déjà dit en réponse à une autre question, la période maximale de détention dans ce cas est actuellement de 14 jours, et je crois qu'il y a au moins eu un cas où une personne a été détenue jusqu'à 13 jours depuis 2003.

    La deuxième mesure permet de détenir des personnes en attente d'un procès et,dans ce cas, la période de détention peut être beaucoup plus longue et peut aller jusqu'à un an.

    Puis-je signaler une troisième possibilité? Au Royaume-Uni, jusqu'à tout récemment, il était possible de détenir sans procès des étrangers soupçonnés d'activités terroristes. Cette mesure ne pouvait pas s'appliquer à des citoyens britanniques, mais elle visait des étrangers soupçonnés de terrorisme. Je crois que 15 ou 16 personnes ont été assujetties à cette mesure, et elles ont pratiquement toutes été détenues de la fin de 2001 ou du début de 2002 jusqu'en 2005. Autrement dit, elles ont été incarcérées pendant trois ou quatre ans sans procès en vertu de ces dispositions de l'Anti-terrorism, Crime and Security Act.

¿  +-(0935)  

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Vous avez parlé tout à l'heure d'abus, mais vous vous êtes limité à des gestes de brutalité posés dans des postes de police. J'aimerais vous entendre parler d'abus de la loi ou d'arrestations qui auraient été faites en vertu de ces lois.

[Traduction]

+-

    M. Clive Walker: On peut penser qu'il y a abus de la loi quand la police arrête des gens qu'on ne peut pas vraiment qualifier de terroristes et qu'elle le fait pour des fins autres que le terrorisme.

    Il y a effectivement eu des abus de ce genre, surtout pour intercepter et fouiller les gens. Il est possible d'exercer ces pouvoirs en pareil cas sans avoir de doute raisonnable, conformément à l'article 44 du Terrorism Act.

    On s'est aussi prévalu de ces pouvoirs à certaines occasions à l'égard de manifestants politiques. L'article 44 a été invoqué dans le cas de militants pour la paix ou l'environnement alors qu'on ne pouvait pas raisonnablement soupçonner qu'ils participaient à des activités terroristes. Malheureusement, l'article 44 n'exige pas le doute raisonnable. Sans affirmer que c'était illégal dans ces cas, je parlerais comme vous l'avez fait de situations abusives.

+-

    Le président: D'accord, merci beaucoup.

+-

    M. Serge Ménard: Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci, monsieur Ménard.

    Monsieur Comartin, c'est à vous.

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—Tecumseh, NPD): Merci, monsieur le président.

    Merci, monsieur Walker, de nous accorder du temps.

    Sans vouloir vous offenser, je m'intéresse toujours à l'orientation que les témoins privilégient quand ils présentent leur point de vue sur cette loi en particulier. Je constate que l'enseignement que vous avez dispensé a porté autant sur les libertés civiles que sur le terrorisme et la loi, les questions entourant les pouvoirs des forces policières.

    Puis-je vous demander ce que vous pensez de la décision rendue par la Chambre des lords? Je crois que c'est en décembre 2004 ou en janvier 2005 qu'elle a rejeté une partie de la loi antiterroriste. Et pourriez-vous nous indiquer si vous vous situez du côté des libertés civiles, au centre ou en faveur des lois antiterroristes?

+-

    M. Clive Walker: Je pourrais peut-être répondre à ce que vous avez dit au sujet de mes antécédents et de mes orientations. J'imagine qu'aujourd'hui nous sommes tous soumis à des influences.

    Mon point de vue est celui d'un universitaire. Je n'appartiens à aucun des groupes concernés. J'ai effectivement travaillé avec des groupes de défense des libertés civiles et des organismes officiels de défense des libertés civiles, comme la Commission des droits de la personne en Irlande du Nord. Je travaille également avec la police. J'ai, par exemple, donné des ateliers à la division antiterroriste du service de police métropolitain, et je suis parfois consulté par les deux parties en cas de litiges ou de poursuites.

    Je pense véhiculer un point de vue généralement admis, si je puis dire. Je ne dirais pas qu'il est impartial parce que nous avons tous un bagage et des intérêts particuliers, mais j'ai travaillé, pour ainsi dire, sur les deux aspects de la question et je pense avoir exprimé mon point de vue de façon assez objective dans beaucoup d'ouvrages et d'articles.

    Où je me situe entre la surveillance policière et les libertés civiles? Je vous répondrai que je défends les deux. Je crois aux libertés civiles. J'ai enseigné dans le domaine, mais la police y croit aussi tout comme le gouvernement. En 1988, pour suivre l'exemple de la Charte canadienne, notre pays a adopté le Human Rights Act, de façon à rendre officielle la politique sur les droits de la personne.

    Après l'adoption de la loi, j'ai donné beaucoup d'ateliers aux policiers sur la façon de mettre en application ses dispositions et je leur ai expliqué que la loi ne les empêcherait pas de faire leur travail, mais qu'elle les aiderait à être de meilleurs policiers.

    Je ne vois donc pas nécessairement de conflit. Le droit à la vie et le droit à la sécurité font partie des droits les plus importants, et j'ai soutenu dans mon livre et dans mes articles que je n'avais pas d'objection, en principe, à ce qu'il y ait une loi spéciale pour lutter contre le terrorisme. À cet égard, je ne partage pas l'avis de certains de mes collègues universitaires qui soutiennent qu'il ne devrait pas y avoir de loi spéciale. Je ne suis pas du même avis. Comme je l'ai dit en réponse à d'autres questions, le terrorisme comporte des difficultés particulières que les assemblées législatives doivent prendre en considération.

¿  +-(0940)  

+-

    M. Joe Comartin: Et que pensez-vous de la décision de la Chambre des lords?

+-

    M. Clive Walker: Je dirais que, sur le plan juridique, la Chambre des lords a rejeté la loi pour des raisons très sensées. Ces raisons étaient liées à l'aspect discriminatoire avec lequel la loi était énoncée et appliquée.

    La Chambre des lords n'a pas affirmé, même si elle a exprimé des doutes à cet égard, qu'il n'y avait pas de situation d'urgence pour le gouvernement, pour le Royaume-Uni, justifiant l'adoption de mesures spéciales pour lutter contre le terrorisme. Elle a simplement fait valoir que les mesures adoptées étaient énoncées et appliquées de façon discriminatoire, et je serais d'accord avec son analyse là-dessus.

+-

    M. Joe Comartin: À ce sujet, pensez-vous que les modifications actuelles, qui ont été proposées et sont examinées par la Chambre des communes du Royaume-Uni, vont être contestées avec succès aux termes du Human Rights Act ou la Charte européenne?

+-

    M. Clive Walker: Je crois que l'on remettra en question certaines dispositions, qui risquent même fortement d'être éliminées. Comme le projet de loi, que j'ai ici, est plutôt long — il comprend 38 articles —, je parlerai de seulement deux d'entre elles, qui sont à mon avis les plus controversées.

    Examinons d'abord l'article 1, qui concerne l'encouragement au terrorisme. Je crois que le gouvernement est en droit de vouloir empêcher toute forme d'incitation au terrorisme, comme les discours poussant les gens à commettre des actes de terreur. Je pense qu'il est justifiable de considérer cela comme un crime. Toutefois, je crois qu'il existe suffisamment de dispositions dans ce sens, mais je ne m'oppose pas à ce qu'on en ajoute une autre, si c'est ce que vous voulez.

    Cependant, selon moi, l'article 1 va beaucoup plus loin. Le sens d'incitation indirecte, ou de « glorification », comme on l'a déjà appelée, va bien au-delà, et on risque de contrevenir aux dispositions sur la liberté d'expression de la loi sur les droits de la personne et de la Charte européenne.

    De plus, comme je l'ai déjà dit, le gouvernement propose maintenant que la période de détention préventive autorisée passe de 14 jours à 3 mois. Je crois que même si un juge peut modifier la durée de cette période, la Cour internationale de Strasbourg — habituée à ce que ce soient les juges qui soient chargés des enquêtes, et donc à ce que les suspects soient entre les mains des juges et non des policiers — n'en sera pas satisfaite pour autant et pourra très bien conclure que cette disposition viole le droit à la liberté.

¿  +-(0945)  

+-

    M. Joe Comartin: Dans le cadre de notre étude, nous tentons de trouver une solution de rechange aux certificats de sécurité. On nous a dit qu'il était possible de recourir à la détention à domicile ou d'utiliser des bracelets électroniques, entre autres, plutôt que d'emprisonner les suspects — cela permettrait d'éviter d'incarcérer les gens sans inculpation, ou du moins sans qu'on les ait informés des raisons de leur détention. Savez-vous ce qu'en pense la Chambre des lords?

+-

    M. Clive Walker: À la suite de la décision de la Chambre des lords prise fin 2004, le gouvernement britannique a adopté une autre disposition, comme vous le savez peut-être, dans le Prevention of Terrorism Act de 2005, prévoyant des ordonnances de contrôle. Il n'y a pas encore eu de procédure judiciaire à leur sujet; je ne peux donc me prononcer sur leurs conséquences.

    Toutefois, je dirais ceci : nos mesures législatives prévoient une sorte d'échelle variable. Les conditions imposées peuvent être très clémentes ou très sévères. Cela peut aller d'interdire à un suspect de rencontrer une personne en particulier jusqu'à la détention à domicile. Dans les faits, on a le plus souvent recours à des mesures drastiques. Fait intéressant, le gouvernement les applique sans contrevenir à la loi sur les droits de la personne ni à la Charte européenne.

    Je crois que la Cour européenne invalidera toutes les formes de détention à domicile, sans dérogation. Quant à savoir s'il peut y avoir des exceptions, je crois que cela soulève une question plus vaste consistant à déterminer si les menaces de terrorisme au Royaume-Uni donnent lieu à une situation d'urgence nationale.

    Comme je l'ai dit plus tôt, la Chambre des lords nous a donné l'impression, fin 2004, qu'elle doutait de cette proposition, sans toutefois s'être prononcée à son sujet. Compte tenu des récents attentats à la bombe, la position du gouvernement sur cette question pourrait être renforcée.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je vais dire quelques mots, puis je passerai la parole à M. Wappel.

+-

    M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

    Bonjour, monsieur Walker.

    J'ai seulement quelques questions à vous poser. À plusieurs reprises, vous avez dit reconnaître, en principe, la nécessité d'adopter des lois antiterroristes. Mais d'un point de vue pratique, êtes-vous favorable à celles dont vous avez parlé au début de votre témoignage, en particulier la Terrorism Act de 2000, l'Anti-terrorism, Crime and Security Act de 2001 et la Prevention of Terrorism Act de 2005? Je sais qu'elles comprennent de nombreux articles, et vous avez peut-être des réserves au sujet de certains d'entre eux, mais appuyez-vous ces lois dans l'ensemble?

+-

    M. Clive Walker: Oui. En outre, je crois au bien-fondé d'un modèle de loi antiterroriste prévoyant des dispositions de large portée. Cependant, je pense qu'avant de les appliquer, on doit, pour chaque cas, établir la proportionnalité et déterminer si leur utilisation est nécessaire. Par ailleurs, je trouverais déconcertant qu'un pays comme le Royaume-Uni ou peut-être le Canada — vous en savez plus que moi là-dessus — ne se dote pas de lois antiterroristes appropriées. Il existe des lois spéciales en matière de fraude et de viol. Pourquoi n'en aurions-nous pas pour le terrorisme?

+-

    M. Tom Wappel: Monsieur, avez-vous eu l'occasion d'examiner le projet de loi canadien et d'en étudier certaines dispositions de manière approfondie?

+-

    M. Clive Walker: Oui. Cependant, je ne prétendrais pas les connaître autant que celles qui existent au Royaume-Uni, mais je les ai examinées. Je trouve que beaucoup d'entre elles sont courantes, en ce sens qu'elles sont calquées sur celles des conventions internationales. C'est aussi ce que font d'autres pays, par exemple pour les mesures relatives aux détournements d'avions et à l'utilisation de matières nucléaires.

    Deux de ces dispositions ont attiré mon attention — et je précise que je ne les mentionne pas par intérêt quelconque, vu qu'on m'a accusé de partialité plus tôt — parce qu'elles sont intéressantes et peu communes. Ce sont celles qui portent sur l'investigation, à l'article 83.28, et sur l'engagement de ne pas troubler l'ordre public, à l'article 83.3. Je félicite le Parlement canadien de l'inventivité dont il a fait preuve.

¿  +-(0950)  

+-

    M. Tom Wappel: Je vous remercie, monsieur.

    Comme vous avez pu le constater, notre loi antiterroriste prévoit que Parlement en examine les dispositions, ce qui explique la raison d'être de ce comité et de nos discussions aujourd'hui. Les lois britanniques dont vous avez parlé prévoient-elles également des mécanismes d'examen? Et dans l'affirmative, quels sont-ils?

+-

    M. Clive Walker: Oui. Non seulement ils sont prévus par la loi, mais aussi approuvés par convention, conformément à la pratique. Je suis sûr que lord Carlile, à qui vous avez déjà parlé, pourra vous l'expliquer plus en détail parce qu'il est l'évaluateur officiel de cette loi. Premièrement, un de ses articles stipule qu'elle doit faire l'objet de rapports annuels au gouvernement sur la façon dont elle est appliquée et la nécessité éventuelle de la modifier. Lord Carlile a rédigé un de ces rapports, ainsi qu'un certain nombre d'autres rapports spéciaux sur cette loi. Ceux-ci ont été publiés et on les prend très au sérieux. Selon moi, cette procédure d'examen est importante.

    Lord Carlile et moi sommes toutefois en désaccord sur celle-ci. Bien qu'il soit un homme tout à fait respectable dont je ne conteste pas les compétences, je crois qu'il serait utile de demander également à d'autres personnes — deux ou trois — d'examiner cette loi chaque année. On pourrait les changer de temps en temps, ce qui nous permettrait d'avoir des points de vue différents. Comme lord Carlile a déjà tout vu, il répète ce qu'il a dit les années précédentes dans certains de ses rapports, ce qui pose problème. Bref, même si le système est valable et que lord Carlile fait du bon travail, il y a toujours place à l'amélioration.

    Deuxièmement, comme je l'ai indiqué, la pratique veut que des comités parlementaires semblables au vôtre fassent également des examens de la loi, presque chaque année maintenant... Par exemple, le comité des affaires intérieures de notre Chambre des communes, et le comité mixte sur les droits de la personne de la Chambre des communes et de la Chambre des lords se sont déjà penchés sur le recours aux lois antiterroristes spéciales. Je crois que les rapports qu'ils ont produits sont, eux-aussi, très importants et utiles.

+-

    M. Tom Wappel: Merci beaucoup, monsieur, et merci aussi à vous, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Cullen, je vous en prie.

+-

    L'hon. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Walker, je vous sais gré de participer à cette séance.

    Pourriez-vous me rappeler les dispositions qui existent aujourd'hui en Grande-Bretagne pour traiter le cas des ressortissants étrangers représentant une menace pour la société britannique? Vous avez mentionné la loi de 2005, que vous avez appelée loi anticriminelle ou loi antiterrorisme et qui aurait été abrogée. Vous avez également fait mention des ordonnances de contrôle qui seraient en vigueur actuellement. Est-ce qu'elles prévoient la détention? J'essaie de faire un parallèle avec ce que nous faisons ici. Au Canada, nous avons instauré les certificats de sécurité — cela a soulevé la controverse — qui permettent l'incarcération des ressortissants étrangers représentant un danger pour la société. Nous disons de ces gens qu'ils sont enfermés entre trois murs. En effet, ils sont libres de quitter le Canada n'importe quand. Toutefois, lorsqu'ils affirment qu'un renvoi dans leur pays d'origine mettrait leur sécurité en péril, nous sommes confrontés à certaines difficultés. Néanmoins, tant qu'ils représentent une menace pour les Canadiens, ils sont maintenus en détention.

    Quelles sont les mesures actuellement en vigueur au Royaume-Uni pour régler ce type de problème?

¿  +-(0955)  

+-

    M. Clive Walker: Je vais vous décrire brièvement la situation. Pour commencer, la Grande-Bretagne a eu elle aussi ce que nous appelons les « prisons à trois murs », qui étaient prévues dans la Anti-terrorism, Crime and Security Act de 2001 et permettaient au secrétaire de l'Intérieur de détenir les ressortissants étrangers présumés terroristes pour une durée indéterminée et sans procès. Comme je l'ai mentionné plus tôt, 16 ou 17 personnes ont été détenues pendant trois ou quatre ans en vertu de cette disposition.

    Puis, en décembre 2004, la Chambre des lords, notre tribunal suprême, a statué que cette disposition violait les droits humains, le droit à la protection contre toute discrimination. Dans notre système, la Chambre des lords ne peut véritablement abroger une loi. Mais il s'agissait d'une déclaration très puissante à laquelle, je crois, le gouvernement voudra sans doute se conformer.

    Il en est résulté que les dispositions concernant la détention sans procès ont été annulées en avril 2005 et remplacées par des ordonnances de contrôle en vertu de la Prevention of Terrorism Act de 2005.

    La disposition relative aux ordonnances de contrôle diffère de celle de la détention sans procès sur deux plans importants. Le premier est qu'elle ne permet pas la détention, c'est-à-dire l'emprisonnement, mais elle autorise la détention à domicile et limite sérieusement les libertés individuelles. En vertu de cette disposition, on pourrait par exemple interdire à un individu d'avoir un ordinateur ou un compte bancaire. On pourrait également lui imposer un couvre-feu ou l'obligation de se présenter au poste de police trois fois par jour. Tout cela est désormais possible.

    La deuxième différence de taille est que ces dispositions s'appliquent aux Britanniques aussi bien qu'aux étrangers, comme c'était le cas pour la détention sans ordonnance d'instruction. Je crois savoir qu'un ou deux citoyens britanniques ont fait l'objet d'ordonnances de contrôle. Je ne suis pas très au fait des détails, étant donné que ces personnes sont gardées dans l'anonymat.

    Dix ou douze ordonnances de contrôle ont été rendues lors de l'entrée en vigueur de la Prevention of Terrorism Act de 2005. Toutes ces ordonnances visant des étrangers ont maintenant été annulées parce que, d'après ce que j'ai compris, tous ces gens ont maintenant été arrêtés de nouveau en vue d'être déportés.

    Le gouvernement défend activement l'idée de conclure des protocoles d'entente avec des pays tels que l'Algérie, la Jordanie et l'Égypte, qui sont les pays d'origine des gens détenus actuellement. Cette politique est évidemment, elle aussi, très controversée.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Oui, merci.

    Voilà donc comment le gouvernement traite les individus qui constituent vraisemblablement une menace pour la société britannique.

    L'une des critiques formulées à l'encontre des certificats de sécurité, ici au Canada — ces certificats, soit dit en passant, existent depuis longtemps en vertu de notre Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, mais ont été inclus dans l'examen de notre loi antiterroriste —, c'est le fait que toute personne a le droit de faire appel à un avocat et d'obtenir un résumé des motifs de sa détention, mais pour des raisons de sécurité nationale, et pas pour protéger les sources...

    On a laissé entendre que pour renforcer le processus et lui conférer davantage de transparence, un avocat indépendant et désintéressé pourrait prêter serment de confidentialité. L'idée est de garantir davantage d'impartialité.

    J'ai cru comprendre que vous avez eu ce système au Royaume-Uni, mais que les résultats était mitigés. J'aimerais avoir vos commentaires à ce sujet.

+-

    M. Clive Walker: En 1997, nous avons adopté une disposition législative appelée Special Immigration Appeals Commission Act. En vertu de cette loi, une commission traite les renvois pour des motifs de menace à la sécurité nationale dans les cas où l'on craint de révéler la totalité des renseignements concernant la sécurité nationale à une personne faisant l'objet d'un renvoi. On l'avait créée pour des besoins d'immigration, mais on l'a ensuite adaptée pour qu'elle puisse aussi s'occuper d'antiterrorisme. Par exemple, les individus détenus sans procès ont fait appel devant cette commission, puisqu'elle était très pratique pour protéger les renseignements.

    La commission fonctionne de façon autonome et elle est dirigée par un juge indépendant. C'est particulier, en ce sens que le suspect n'a pas accès à la preuve, ce qui ne serait évidemment pas le cas lors d'un procès publicisé.

    Nous avons adopté un compromis, qui consiste à nommer un avocat spécial, lequel agit à titre indépendant. La plupart des avocats spéciaux sont des spécialistes en matière d'immigration qui ont posé leur candidature afin d'obtenir le poste. Il va sans dire qu'ils font l'objet de vérifications de sécurité. On leur permet de consulter la totalité de la preuve présentée devant la commission, c'est-à-dire la preuve justifiant le renvoi. Mais ils ne doivent pas en révéler la teneur à leurs clients — ou plutôt leurs pseudo-clients, en l'occurrence.

À  +-(1000)  

+-

    L'hon. Roy Cullen: Comment ce système fonctionne-t-il? C'était ma question. L'a-t-on bien accueilli, remplit-il bien sa fonction?

+-

    M. Clive Walker: Je crois qu'on considère généralement qu'il fonctionne aussi bien que possible dans des circonstances très difficiles. Bien entendu, il est regrettable que la transparence de la justice ne puisse s'appliquer dans de tels cas, mais je crois que les tribunaux du pays, tout comme le tribunal de Strasbourg, d'ailleurs, trouvent ce compromis satisfaisant. La Cour européenne des droits de l'homme est également de cet avis. Je n'irais pas jusqu'à dire que ce système est totalement satisfaisant, étant donné qu'il prive, dans une certaine mesure, le suspect du droit à une procédure équitable. Cependant, nous croyons que c'est peut-être le meilleur arrangement possible pour l'instant.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Lord Carlile nous attend, mais je veux permettre à mon collègue, M. MacKay, de poser les dernières questions.

    Monsieur MacKay.

+-

    M. Peter MacKay (Nova-Centre, PCC): Merci, monsieur le président et monsieur Walker.

    Je crois que la plupart des aspects ont été couverts, mais j'aimerais revenir sur l'un des principaux rôles de notre comité. Il s'agit d'envisager des moyens d'améliorer les façons de faire tout en s'assurant que ce soit en conformité avec la Loi canadienne sur les droits de la personne. Actuellement, l'une des différences entre votre pays et le nôtre tient à ce mécanisme de surveillance additionnel dont dispose votre Parlement.

    Nous allons également entendre M. Lord Carlile en sa qualité d'évaluateur indépendant.

    Voici mes questions : en Grande-Bretagne, le rôle de l'évaluateur indépendant est-il lié à la surveillance parlementaire? En quoi, selon vous, cette fonction contribue-t-elle au suivi des lois ainsi qu'à la surveillance générale effectuée par le Parlement lui-même?

+-

    M. Clive Walker: La réponse à votre première question est que l'évaluateur indépendant, Lord Carlile, n'est pas formellement ni légalement lié aux comités parlementaires que j'ai mentionnés. Ces derniers s'assignent eux-mêmes leurs tâches, pour ainsi dire. Ils sont évidemment aussi indépendants que vous l'êtes par rapport aux sujets qu'ils désirent traiter. Mais puisque la loi antiterroriste est un sujet brûlant depuis maintenant cinq ans, ils ne peuvent faire autrement que de s'en préoccuper.

    Vous me demandiez ensuite quel était l'impact de ce type d'enquête. D'abord, je pense qu'il est très utile de faire une enquête annuelle. Encore une fois, je suis étonné que les lois canadiennes aient permis qu'il y ait de longues périodes sans aucun mécanisme de surveillance en place. Nous jugerions cela inadéquat dans le contexte de la législation britannique. Je pense qu'une surveillance constante est bénéfique.

    Je crois qu'un autre aspect de cette forme d'enquête est la capacité de recueillir des preuves indépendantes et des déclarations de témoins, de parler aux parties concernées et d'apporter une opinion plus experte et éclairée — sauf tout le respect que je dois aux députés ici présents — que lors de débats parlementaires qui, à mon avis, tendent à la partisanerie. Cela nous permet de disposer d'une preuve pour nourrir les débats. Je considère la preuve issue de ces enquêtes comme un terreau fertile pour les débats; c'est très utile.

À  +-(1005)  

+-

    M. Peter MacKay: Vous nous avez fait part de vos observations et de vos prévisions, en quelque sorte, quant à ce qui pourrait se produire devant les tribunaux, et vous avez dit à mon collègue, M. Wappel, que vous aviez eu l'occasion d'examiner notre Loi antiterroriste.

    Je suppose que c'est un peu théorique, mais pouvez-vous nous dire si notre loi résisterait dans le contexte européen? Autrement dit, quelle serait la réaction des tribunaux britanniques ou européens, en particulier en ce qui concerne les certificats de sécurité? Vous avez un processus semblable, vos certificats de sécurité de l'État, qui vous permet de détenir une personne pendant une longue période. Plus particulièrement, si vous pouviez vous concentrer sur la différence avec le processus canadien, puisque nous faisons une différence entre les citoyens canadiens de plein droit et ceux qui sont visés par des mesures d'expulsion ou ceux qui sont considérés comme des ressortissants étrangers.

+-

    M. Clive Walker: En fin de compte, la disposition britannique qui, d'après nous, présente des parallèles a été annulée par la Chambre des lords en décembre 2004. Elle a été déclarée incompatible, plus précisément avec les dispositions sur les droits de la personne. Je vois des parallèles avec vos propres dispositions en ce sens que nos deux pays semblent parler de détention à trois murs et, par conséquent, une forme de discrimination — qui était la base sur laquelle s'appuyait le jugement de la Chambre des lords — une forme de discrimination entre les présumés terroristes qui sont des étrangers et les supposés terroristes qui ne sont pas des étrangers.

    Malheureusement, nous savons qu'un certain nombre des terroristes en Grande-Bretagne ne sont pas des étrangers. Les attentats à la bombe de juillet, si nous entretenions des doutes, nous en ont donné la preuve.

    Donc, si une mesure législative semblable devait être promulguée à nouveau en Grande-Bretagne ou si nous transposions en quelque sorte notre Cour suprême au Canada, je pense que ces arguments pourraient fort probablement être utilisés contre la loi canadienne. Nous avons réagi à ces arguments avec ce que nous avons en ce moment, soit des mesures de contrôle qui ne sont pas l'équivalent d'une détention mais qui restreignent la liberté et peuvent s'appliquer autant aux étrangers qu'aux citoyens.

+-

    M. Peter MacKay: J'ai une dernière question, monsieur, et mon collègue y a fait allusion plus tôt. Pensez-vous que l'on devrait former des juges dans le domaine du terrorisme et leur donner une cote de sécurité spéciale pour ce qui est de leur rôle dans tout le système décisionnel, leur rôle judiciaire de surveillance?

    Par ailleurs, devrions-nous aussi avoir des procureurs et des avocats de la défense spéciaux, des personnes très au courant de cette question? De toute évidence, nous le faisons en droit de la famille, en droit des affaires et dans toutes sortes d'autres domaines du droit. Est-ce ce vers quoi nous allons, compte tenu de la nature sophistiquée tant de la mesure législative que des actions des terroristes?

+-

    M. Clive Walker: Excellent point. Le nombre de juges à former dépendrait, évidemment, en partie du nombre de causes que vous avez.

    En Grande-Bretagne, et plus particulièrement en Irlande du Nord, nous avons passablement d'affaires qui sont soumises aux tribunaux. Comme vous le dites, nous avons des tribunaux spéciaux qui s'occupent de litiges commerciaux ou de litiges familiaux. Il est donc utile d'avoir des protocoles spéciaux, une formation spéciale, pour s'occuper des affaires liées au terrorisme, non seulement du point de vue de la sécurité, mais aussi pour que les juges puissent comprendre le contexte; par exemple, s'ils ont affaire à un examen de la détention par le police pendant une période, que ce soit sept jours, quatorze jours ou trois mois, pour qu'ils comprennent, notamment, certaines des pressions psychologiques qui s'exercent après une longue période de détention, peu importe ce que font les policiers à la personne — je ne suis pas ici pour accuser la police de brutalité ou de quoi que ce soit du genre — afin qu'ils comprennent qu'une détention de trois mois a ses impacts psychologiques en plus de comporter d'autres dangers. Donc, une formation, certainement, un barreau spécialisé, certainement aussi.

À  +-(1010)  

+-

    Le président: Merci, monsieur MacKay.

    Merci beaucoup, monsieur Walker, au nom des parlementaires réunis ici et de notre comité. Nous tenons à vous exprimer toute notre gratitude de vous être mis à la disposition de notre comité cet après-midi, en Angleterre. Vos observations et commentaires nous seront très utiles.

    Nous allons interrompre quelques instants nos travaux et nous préparer à accueillir lord Carlile.

    Encore une fois, merci, monsieur Walker.

À  +-(1015)  

+-

    Le président: Nous reprenons nos travaux.

    Bonjour, Lord Carlile.

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew (à titre personnel): Bonjour.

+-

    Le président: Nous vous remercions de consacrer un peu de votre temps à notre comité.

    Comme vous le savez, notre comité procède à l'examen de la Loi antiterroriste. Nous venons tout juste de parler un de vos collègues de Leeds, le professeur Walker, qui a témoigné devant notre comité il y a quelques instants.

    Nous vous remercions donc de bien vouloir comparaître devant notre comité et nous vous invitons, si vous avez des propos liminaires, à le faire dès maintenant. Vous avez la parole.

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Merci. Il serait peut-être utile pour le comité que je vous dise ce que je fais et que je vous donne rapidement mes antécédents, pour que vous sachiez pourquoi je fais cela. Est-ce que cela vous serait utile?

+-

    Le président: Oui, merci beaucoup. Allez-y.

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: J'ai été nommé examinateur indépendant de la Terrorism Act 2000, notre propre législation contre le terrorisme, en fait, et par coïncidence, le 11 septembre 2001, et je suis devenu l'examinateur d'autres mesures législatives adoptées depuis. La presse m'appelle parfois le chien de garde des mesures législatives de la lutte contre le terrorisme. Essentiellement, mon travail consiste à faire rapport sur le fonctionnement ou la pertinence de notre législation contre le terrorisme au Royaume-Uni.

    J'ai d'ailleurs une nouvelle responsabilité, que l'on m'a confiée plus tôt en 2005, et c'est celle de préparer des rapports sur l'effet de propositions gouvernementales en prévision d'autres mesures législatives contre le terrorisme. J'ai publié récemment l'un de ces rapports, en prévision du dépôt de la Prevention of Terrorism Act 2005, le 10 octobre. Mes rapports sont présentés au secrétaire de l'Intérieur, qui doit les publier, peu importe qu'il les aime ou non, et mes rapports sont régulièrement publiés.

    Pour ce qui est de mes antécédents, je suis un avocat, un criminaliste. Je me spécialise plus particulièrement dans les crimes d'ordre financier, quoique je m'occupe aussi d'autres crimes graves. En outre, je dirige un cabinet d'avocats de 78 avocats à Londres.

    J'ai été député à la Chambre des communes, sous la bannière libérale démocrate, pendant 14 ans, de 1983 à 1997, et je suis un pair à vie — c'est-à-dire un membre nommé à vie — de la Chambre des lords depuis 1999.

    C'est en fonction de ces antécédents variés et vastes que l'on m'a demandé d'être l'examinateur indépendant de la législation antiterroriste.

    L'autre chose que j'ajouterais pour me présenter, c'est que, à mon avis, le fait d'avoir un mécanisme d'examen indépendant, dont les rapports doivent être publiés, est une discipline utile pour le gouvernement. Il peut accepter ou rejeter ce que je dis, mais au moins cela aide à centrer le débat, en particulier du fait que je suis en mesure de voir beaucoup de documents secrets, que d'autres n'ont pas l'occasion de voir.

    J'espère que cela suffira en guise de présentation.

+-

    Le président: Oui, cela suffit. Merci beaucoup.

    Maintenant, monsieur, mes collègues ici, autour de la table, vont vous poser des questions. J'invite donc en premier M. MacKay à vous poser quelques questions.

+-

    M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.

    Bienvenue, Lord Carlile. Nous vous remercions beaucoup d'avoir accepté de comparaître et de prendre un peu de votre temps pour discuter avec nous aujourd'hui.

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Merci beaucoup. Mon seul regret est de ne pas être à Ottawa, une ville que j'aime tout particulièrement.

+-

    M. Peter MacKay: Je vous lance une invitation permanente. Nous aimerions beaucoup vous accueillir ici.

    Je crois comprendre que votre résidence est au pays de Galles. Est-ce exact?

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Effectivement, j'habite au pays de Galles.

+-

    M. Peter MacKay: Dans ce cas, votre équipe de rugby connaît une bonne saison.

À  +-(1020)  

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Oui, très bonne.

+-

    M. Peter MacKay: Je vais commencer par là où vous avez terminé, à savoir votre capacité d'examiner à l'occasion ce que nous appellerions des détails opérationnels provenant de nos agents de sécurité. Quelle obligation, le cas échéant, avez-vous d'essayer de trouver un équilibre entre la divulgation et des questions pénétrantes, de toute évidence, sur le rendement et l'utilisation de cette information. Je suppose que cela doit parfois être un rôle très difficile en raison de l'obligation que vous avez de protéger le public et de vous assurer qu'il y a un équilibre.

    J'aimerais aussi en savoir un peu plus sur vos rapports hiérarchiques avec le Parlement. Relevez-vous directement du Parlements, ou est-ce d'un ministre ou du premier ministre?

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Si vous me le permettez, je vais répondre d'abord à votre dernière question parce que je pense qu'elle vient en premier lieu pour ce qui est de ma façon de fonctionner; je suis nommé par le secrétaire de l'Intérieur, de sorte que c'est de lui que je relève.

    Je produis environ quatre rapports par année — et ce nombre varie légèrement puisque j'en ai rédigé un de plus cette année. Un rapport est propre à l'Irlande du Nord. Un autre a trait à la législation antiterroriste plus large que nous avons, la Loi antiterroriste de 2000, et il y en a habituellement deux autres. Ils sont présentées au secrétaire de l'Intérieur. Je demande au cabinet du secrétaire de l'intérieur de les vérifier, mais uniquement sous l'aspect de l'exactitude factuelle, car je ne veux pas commettre d'erreurs factuelles. De plus, je veux m'assurer de ne pas révéler dans mes rapports quoi que ce soit qui pourrait être préjudiciable à la sécurité nationale. J'ai l'honneur de pouvoir voir des documents qui concernent la sécurité nationale, mais je sais que je ne peux rien en révéler, sauf si j'y suis autorisé, et c'est incontournable.

    Le cabinet du secrétaire de l'Intérieur jette ensuite un coup d'oeil aux rapports. Je suppose que le secrétaire et ses proches conseillers lisent probablement les rapports avant qu'ils soient publiés, parce qu'ils ont l'avantage de les avoir en leur possession, mais ils sont habituellement publiés peu de temps après que j'en ai fini la rédaction. La date de publication dépend toujours, selon que le Parlement est en session ou non, car pour des raisons de procédure, ils peuvent être publiés uniquement lorsque le Parlement siège. Je suis certain que vous aussi devez respecter des procédures parlementaires

+-

    M. Peter MacKay: En effet.

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Pour ce qui est de l'utilisation que l'on fait des documents, j'estime qu'il est très important que je puisse connaître le travail d'autres personnes.

    Par exemple, si le secrétaire de l'Intérieur prend ce que l'on appelle une mesure de contrôle en vertu d'une loi quelconque du Parlement afin de restreindre le mouvement d'un terroriste international présumé, j'insiste pour faire exactement le même exercice que le secrétaire de l'Intérieur. Je prends littéralement le même dossier, je revois les mêmes documents et je demande d'autres papiers si j'en ai besoin.

    Mais j'estime qu'il m'incombe de donner une description générale de ce que j'ai fait plutôt que de donner une description particulière. Cela pose des problème parce qu'il subsiste toujours un manque de confiance entre ceux qui voient des choses et ceux qui ne sont pas en mesure de les voir, de sorte qu'ils sont obligés de nous faire confiance à nous, qui voyons ces choses — et, évidemment, ils ne nous feront pas toujours confiance, et cela fait partie du travail.

+-

    M. Peter MacKay: Puis-je vous demander, en fait de pouvoirs, si vous avez des pouvoirs d'enquête? Pouvez-vous assigner des témoins à comparaître ou exiger des éléments de preuve? Pouvez-vous faire enquête sur des plaintes qui pourraient vous mener passablement loin?

    Et si je peux me permettre, je vais vous poser une autre question — à savoir votre relation avec la surveillance parlementaire, qui est un aspect avec lequel nous avons des problèmes au Canada, étant donné qu'à l'heure actuelle nous n'avons pas un organisme semblable qui assure la supervision de nos forces de sécurité.

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: En ce qui concerne la surveillance parlementaire, je comparais devant la multitude de comités parlementaires qui peuvent s'occuper de ces questions: le comité des affaires intérieures, qui serait l'équivalent de votre comité; le comité des affaires constitutionnelles; le comité du renseignement; le comité spécial mixte parlementaire des droits de la personne -- pour n'en nommer que quatre. Il peut y en avoir d'autres. Je comparais devant tous ces comités, pas de façon courante, mais sur demande.

    Quant à mes pouvoirs, mes responsabilités sont énoncées en termes très généraux dans les lois du Parlement en vertu desquelles je suis nommé, quoique dans mon cas il s'agit d'une nomination légale. Je dois faire rapport du fonctionnement de la législation.

    Personne ne m'a jamais empêché de faire quoi que ce soit. Si on m'empêchait de faire quelque chose que j'estime important, je démissionnerais aussitôt. Mais jusqu'à présent, j'ai demandé à voir des choses; j'ai parlé à toutes les personnes avec qui je souhaitais m'entretenir; j'ai dû à l'occasion demander conseil pour savoir à qui m'adresser; j'ai eu accès à d'autres ministères; et j'ai été en mesure d'aller à l'étranger et de comparer avec ce qui se fait dans d'autres pays. Par exemple, hier matin, j'étais avec le célèbre juge Bruguière en France.

À  +-(1025)  

+-

    M. Peter MacKay: Je suppose — et c'est ce que l'on nous a dit lorsque notre comité était dans votre pays et que nous avons rencontré le Comité de surveillance parlementaire ainsi que les dirigeants des divers organismes de sécurité, y compris le MI6 et vos forces de sécurité internes — que compte tenu de l'historique de votre pays à composer avec le terrorisme, sûrement depuis beaucoup plus longtemps que la plupart des pays, il s'est établi une confiance entre votre bureau et ceux des membres du Comité de surveillance parlementaire, et que c'est de la plus haute importance lorsqu'il s'agit du besoin omniprésent de s'assurer que les renseignements de nature délicate qui pourraient mettre en péril des enquêtes en cours sont protégés et qu'en même temps vous avez la réelle obligation de veiller à ce que l'on ne fasse pas un recours abusif des libertés civiles?

    Est-ce un énoncé exact?

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Je vous dirais que c'est extrêmement bien dit.

    Une partie de ma tâche est d'essayer de trouver un équilibre entre les libertés civiles de la grande majorité des gens, qui veulent se rendre à Londres en métro pour aller travailler en toute sécurité, et les libertés civiles des personnes que l'on peut soupçonner à tort — ou à raison aussi — d'avoir commis des actes criminels. Il s'agit d'un équilibre très difficile à obtenir.

    Je pense que l'on a passablement confiance dans mon bureau. Je suis convaincu que je le saurais si ce n'était pas le cas. Évidemment, je parle seulement en mon nom, mais si j'estimais avoir perdu cette confiance, j'estimerais alors qu'il n'y a plus aucune valeur dans le rôle que je joue.

+-

    M. Peter MacKay: C'est une norme très élevée à atteindre, et évidemment les conséquences sont graves si l'on ne parvient pas à cet équilibre.

    Puis-je vous demander, Lord Carlile, si vous pourriez nous expliquer en quelques mots la nature de vos certificats de sécurité d'État, qui ressemblent à nos certificats de sécurité? Cela semble être de loin l'élément le plus controversé de notre législation antiterroriste. Parallèlement, je suppose qu'il s'agit d'un aspect dont on s'est beaucoup préoccupé et qui s'est évidemment retrouvé devant les tribunaux. C'est d'ailleurs ce qui se passe chez nous, devant la Cour suprême du Canada. D'après ce que je peux comprendre, la norme est maintenant de trois mois.

    En ce qui concerne la détermination de la personne et de la menace réelle pour la sécurité nationale, pouvez-vous nous dire comment cette norme est établie et quels renseignements, le cas échéant, sont fournis aux détenus? Il semble que ce soit un aspect qui inquiète beaucoup un grand nombre de défenseurs des libertés civiles — qui est obligatoire dans nos tribunaux ordinaires et qui est évidemment protégé par notre Charte maintenant, puisque la Cour suprême a rendu une décision selon laquelle il faut essentiellement que l'État divulgue tous les éléments de l'accusation qui est portée et tous les renseignements qui ont été déposés.

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Je pense que dans votre question vous avez peut-être touché à deux points distincts en fait. Si je peux commencer par ce que je pense qu'était votre question au sujet...

+-

    M. Peter MacKay: Je sais qu'il y a deux processus distincts, un pour la détention et un autre pour le certificat de sécurité.

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: En vertu de la Prevention of Terrorism Act 2005, qui a remplacé l'Anti-terrorism, Crime and Security Act 2001, la partie pertinente de ce qui a été annulé par les lords juristes, la Chambre des lords, le secrétaire d'État peut prendre des mesures de contrôle à l'endroit de présumés terroristes internationaux. Il n'y a aucune limite temporelle, mais la procédure judiciaire est passablement complexe. Ces mesures font automatiquement l'objet d'un examen par un tribunal, la Special Immigration Appeals Commission. C'est une section de la Haute cour, et elle est présidée par un juge de la Haute cour assisté par deux assesseurs ayant l'expérience pertinente.

    Je pense ne pas me tromper en disant, de mémoire, que quatre mesures de contrôle sur un total de 18 ont été modifiées, mais qu'aucune n'a été complètement retirée. Cependant, le gouvernement a choisi de placer en détention 10 des 18 personnes en cause, qui sont des immigrants illégaux assujettis à des procédures d'expulsion — s'il ne s'agit pas d'immigrants illégaux, ils ont la permission de rester au pays. L'un d'eux, Abu Qatada, vient de Jordanie et il pourrait être expulsé en Jordanie. Les neuf autres sont des Algériens et en raison de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, on ne peut encore les expulser en Algérie, mais des pourparlers sont en cours pour créer un protocole d'entente avec l'Algérie.

    Maintenant, les Français expulsent certaines personnes en Algérie. Tout cela est encore confus pour l'instant et contesté devant les tribunaux.

    La période de trois mois est une question distincte. Le gouvernement a déposé un projet de loi, le Prevention of Terrorism Bill 2005. En vertu de ce projet de loi, on propose que la période maximale actuelle de détention de quatorze jours soit prolongée à un maximum de trois mois, et qu'au cours de cette période le processus devrait être supervisé par un juge de district qui est un magistrat rémunéré qui entend habituellement des affaires traitées par des cours inférieures.

    Dans un rapport que j'ai publié le 10 octobre, j'ai exprimé l'avis que cette protection judiciaire ne suffisait pas. Ayant examiné quelques éléments de preuve, je suis convaincu qu'il y a un très petit nombre de cas graves, un ou deux par année peut-être, qui pourraient justifier une période de détention allant jusqu'à trois mois, mais il faudrait un contrôle judiciaire beaucoup plus serré.

    L'un des choses dont j'ai discuté lorsque j'étais au Canada il y a un an et demi de cela environ, c'était la question du recours que nous avons à des représentants spéciaux, et j'ai également suggéré que des avocats spéciaux habilités au plan de la sécurité soient nommés pour conseiller dans le cas de ces détentions.

    Enfin, pour ce qui est de la divulgation, qui est une question très importante, pour étendre l'obligation de divulgation à l'ensemble du Royaume-Uni, la personne qui est visée par une procédure criminelle ou de type criminel a droit à la divulgation de tous les documents qui peuvent avoir une importance et l'aider dans sa cause ou apporter des éléments importants contre la cause de la Couronne. Cela ne revient pas à dire que tous les documents pertinents doivent être communiqués.

    Par exemple, s'il y a une forme de surveillance électronique secrète, dont la technique est très secrète, il n'est pas nécessaire d'en faire la divulgation à moins que le produit aide beaucoup l'accusé dans sa cause, ce qui est fort peu probable, parce que si c'était le cas, il ne serait probablement pas dans la position dans laquelle il se retrouve.

À  +-(1030)  

+-

    M. Peter MacKay: J'ai quelques questions au sujet des avocats spéciaux, et c'est ce vers quoi nous nous dirigeons également je vous dirais. Quant à la formation des avocats spéciaux et des juges, estimez-vous qu'il s'agit d'un élément critique pour une fois de plus parvenir à l'équilibre nécessaire, qu'il faut que les personnes aient des connaissances précises tant de la loi que du terrorisme? Et comment pouvons-nous faire de notre mieux pour assurer un système équitable?

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Si je peux me permettre d'utiliser le mot « conseil », mon conseil serait que si vous devez emprunter cette voie, faites-le uniquement si vous donnez aux avocats spéciaux et aux juges une formation très minutieusement structurée pour les questions très précises que vous avez soulevées. Je me suis rendu compte dans mes rapports sur le rôle des avocats spéciaux que nous avions un problème de formation inadéquate, c'est-à-dire que peu importaient leurs compétences, la formation qu'ils recevaient ne portait pas sur les techniques dont ils avaient besoin. On a maintenant corrigé la situation, du moins je l'espère, et je pense que c'est un aspect clé.

    Nous avons effectivement eu des problèmes avec un système d'avocats spéciaux et cet aspect, je pense, était à la base même du problème.

+-

    M. Peter MacKay: Merci beaucoup, Lord Carlile.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Ménard.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Lord Carlile, je vois que nous avons beaucoup de choses en commun. J'ai été avocat et j'ai pratiqué le droit criminel toute ma carrière. J'ai également été élu président du Barreau, comme bâtonnier du Québec, et j'ai aussi rencontré le juge Bruguière quand j'étais ministre de la Sécurité publique du Québec.

    Je vois que la traduction fonctionne bien. Je fais toujours un peu d'humour au début et je vois à votre sourire que vous me comprenez.

    En tant que criminaliste, j'ai toujours cru que le terrorisme était une forme d'activité criminelle et que, en fait, toutes les activités terroristes étaient couvertes d'une façon ou d'une autre par le Code criminel. Il est certain qu'on peut avoir des difficultés opérationnelles, ainsi que le témoin qui vous a précédé l'a mentionné, mais encore là, il me semble que les enquêtes sur le terrorisme ressemblent beaucoup à celles que l'on doit mener sur les groupes de crime organisé.

    Croyez-vous vraiment que l'on avait besoin de lois particulières pour lutter contre le terrorisme, et que les lois qui ont été adoptées, au fond...

À  +-(1035)  

[Traduction]

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Oui, et j'en suis fermement convaincu. L'opinion que vous avez exprimée est celle que nous a exprimée à l'occasion Lord Lloyd of Berwick, un lord juriste à la retraite qui, lorsqu'il était lord juriste, a été l'auteur du rapport qui a mené à la promulgation de la Terrorism Act 2000 — et je pense que Lord Lloyd a peut-être changé d'avis à quelques reprises.

    Si vous me le permettez, je vais tout simplement caractériser une différence importante entre un acte terroriste et un acte normal du crime organisé, ou ce que la police appelle des ODC, ou des criminels ordinaires décents, dans une distinction qu'ils font.

    Dans le cas du crime organisé, il est souvent possible pour la police qui enquête sur le crime perpétré de reporter l'arrestation à beaucoup plus tard. En effet, par exemple, il y a eu un énorme vol à l'aéroport Heathrow de Londres il y a quelques années — j'ai participé à cette affaire pendant un certain temps au plan professionnel — que les policiers ont laissé se perpétrer, puis ils ont arrêté les voleurs pendant qu'ils commettaient leur vol, ce qui a eu pour résultat que la plupart des inculpés ont plaidé coupables en fin de compte. C'est un risque que vous ne pouvez pas prendre dans le cas du terrorisme.

    Je pourrais mentionner plusieurs opérations, si je pouvais les décrire de façon détaillée, au cours desquelles la police et les services de sécurité du Royaume-Uni ont estimé qu'ils devaient intervenir très tôt en raison du risque que des terroristes effrayés ou nerveux essaient de poser leurs gestes beaucoup plus tôt que ce qui avait été prévu à l'origine. Cela signifie que l'on doit recueillir énormément d'éléments de preuve après ce que l'on considère parfois comme une arrestation prématurée.

    Nous n'avons rien comme le délit criminel qu'ils ont en France et qu'ils appellent, si je me souviens bien, l'association de malfaiteurs, qui est un concept très vaste qui permet d'arrêter une personne pour n'importe quel lien avec un terroriste. L'Association de malfaiteurs décrit de façon très précise ce que cela veut dire.

    Je pense que ce que je vous ai dit est par conséquent un exemple des raisons pour lesquelles on a besoin de lois spéciales. De plus, à mon avis, la protection de la sécurité nationale exige des dispositions spéciales. Autrement, on pourrait avoir une divulgation complète qui risquerait de compromettre les services de sécurité dans certains cas pendant des années si leurs techniques étaient divulguées.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Je comprends. D'ailleurs, j'ai souvent dit, lors de discussions sur cette loi, que la différence est qu'on doit procéder à l'arrestation avant que les crimes ne se produisent plutôt que d'attendre après qu'ils se soient produits.

    Je voudrais maintenant vous référer à ce que j'ai lu dans la revue The Economist, une revue anglaise que vous connaissez sûrement bien. Dans le numéro de juillet, je crois, ou peut-être dans celui du mois d'août, on faisait la comparaison entre les anarchistes de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle et les groupes terroristes d'aujourd'hui. Je ne sais pas si vous avez lu ces articles.

[Traduction]

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Non, je ne l'ai pas lu.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: D'accord.

    Croyez-vous que votre fonction est essentielle, si on doit avoir des lois antiterroristes?

[Traduction]

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Je crois que ma fonction est utile. Je pense qu'il est absolument essentiel d'avoir une forme quelconque de système d'ombudsman ou d'examen indépendant. Peu importe que certaines personnes — et je pense que le professeur Walter est de cet avis — aient raison de dire qu'il devrait y avoir un institut plutôt qu'une personne, c'est une question d'opinion.

    Le problème avec les instituts, à mon avis, c'est qu'ils deviennent institutionnels, c'est bien évident, tandis qu'une personne, quoique cela puisse à l'occasion être idiosyncrasique — et je suppose que je devrais me reconnaître coupable de cette faute de temps à autre — va probablement avoir des réflexions un peu plus provocantes. Je ne suis pas le premier examinateur indépendant, quoique ceux qui m'ont précédé avaient un mandat beaucoup plus pointu — parce que comme je l'ai dit plus tôt, j'ai été nommé le 11 septembre — et ils s'occupaient principalement de l'Irlande du Nord. Cependant, je pense qu'ils ont tous montré leur valeur au fil des ans comme étant des personnes prêtes à examiner les enjeux dans un cadre sécuritaire. Je pense que les institutions sont plus susceptibles aux fuites, ce qui peut provoquer des difficultés.

    Globalement — et je vais le dire parce que j'occupe le poste — j'estime qu'il y a une valeur à avoir un examinateur indépendant. Il y a probablement énormément de valeur à avoir un examinateur indépendant qui est vraiment indépendant, qui ne s'occupe pas vraiment de ce que les gens pensent de ses rapports et qui est prêt à consacrer tous les efforts nécessaires pour essayer de comprendre correctement le territoire.

À  +-(1040)  

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Est-ce qu'on pourrait savoir de quel personnel vous disposez pour exécuter votre fonction?

[Traduction]

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: C'est une question extrêmement intéressante.

    On m'autorise à embaucher le personnel que je veux, et on ne m'a jamais rien refusé. Cependant, en raison de tout ce que je vois, j'estime que je suis limité dans le genre de personnel que je peux utiliser. Je peux obtenir des conseils en matière de politique partout dans le gouvernement. Il y a quelqu'un au ministère de l'Intérieur qui s'occupe de tout ce qu'il me faut. L'administrateur général de mon cabinet d'avocats, que l'on appelle assez curieusement dans la tradition britannique le greffier principal, s'occupe de toutes mes demandes de renseignements et il est très habitué à composer avec mes questions confidentielles. Je fais passablement appel aux ONG; elles viennent à moi et je vais à elles de sorte que nous discutons de questions et d'autres. Et si je ressentais le besoin d'engager du personnel supplémentaire, on m'a dit que je l'obtiendrais.

    De fait, je constate que je peux fonctionner seul dans l'ensemble. C'est on ne peut plus efficace pour moi que de pouvoir faire mon programme de travail, prendre des notes minutieuses et faire le travail moi-même, pouvant disposer d'autant d'adjoints de recherche qu'il me faut au besoin.

    Je ne pense pas que l'on ait besoin d'un personnel nombreux pour faire ce travail et en fait je ne m'y consacre pas à plein temps. Ma fonction d'examinateur indépendant de la législation contre le terrorisme occupe environ 40 p. 100 de mes activités professionnelles pour l'instant. C'est une augmentation d'environ 15 p. 100 depuis les attentats à la bombe de Londres en juillet dernier.

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: J'aimerais que vous nous parliez maintenant des abus de la loi que vous auriez constatés.

[Traduction]

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: J'ai plusieurs préoccupations quant au fonctionnement de la législation antiterroriste en Grande-Bretagne. Je m'inquiète du recours aux mesures de contrôle et de ce qui semble être un certain manque de succès. Le fait que le gouvernement, en vertu des dispositions sur l'expulsion, ait décidé d'appréhender et de détenir les personnes qui sont visées par des mesures de contrôle, laisse entendre qu'il y a un manque de confiance au sein du gouvernement en ce qui concerne ses propres lois. Cela m'inquiète.

    En vertu de l'article 44 de la Terrorism Act 2000, nous avons un pouvoir spécial qui nous autorise à arrêter les gens et à les fouiller. Cette mesure permet aux policiers dans des zones géographiques prescrites et munis d'un certificat ou habilités pour des périodes pouvant aller jusqu'à 28 jours, de fouiller des personnes à la recherche de matériel terroriste sans qu'il soit nécessaire que l'on soupçonne ces personnes d'avoir en leur possession du matériel terroriste. On a beaucoup trop recours à ce pouvoir à mon avis et j'ai recommandé que l'on en réduise l'utilisation de 50 p. 100 sans préjudice pour la sécurité nationale. Il y a beaucoup de travail qui se fait en ce sens en ce moment et j'ai en fait un rapport provisoire préparé par le National Centre for Policing Excellence avec moi sur ce sujet.

    Je m'inquiète aussi de l'utilisation éventuelle des pouvoirs de lutte contre le terrorisme. Je ne sais pas si vous avez au Canada autant d'actes de terrorisme pour la libération des animaux que nous, mais il y a un danger, à mon avis, que l'on ait recours aux pouvoirs de la loi antiterroriste beaucoup plus que ce que la loi prévoit. Je ne dis pas qu'on ne devrait jamais l'utiliser dans le cas des militants pour les droits des animaux, mais il est important de ne pas confondre manifestation légitime et terrorisme.

    Je m'inquiète aussi du fait que l'actuel projet de loi dont est saisi le Parlement puisse permettre d'arrêter des gens qui ne sont pas visés. Par exemple, en vertu du nouveau projet de loi, le gouvernement propose que l'on considère un délit le fait d'assister à un camp de formation terroriste n'importe où dans le monde — simplement d'y assister. Eh bien, le principal correspondant diplomatique de la BBC, John Simpson, a assisté à l'occasion à des camps de formation de terroristes, non pas pour apprendre comment devenir un terroriste — ce n'est pas nécessaire, il travaille pour la BBC — mais dans le but de faire un reportage sur ces gens. Je pense qu'il est de l'intérêt public que nous sachions que ces endroits existent et que nous soyons conscients de ce qui se passe dans le monde. Je pense que l'exemple que je viens de vous donner est un peu un exemple de la loi des conséquences imprévues, et j'espère que le gouvernement modifiera cette proposition.

À  +-(1045)  

[Français]

+-

    M. Serge Ménard: Je vous remercie beaucoup. C'est exactement le genre de réponse que je cherchais, étant donné vos fonctions et vos compétences.

    C'est tout, monsieur le président.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Cullen.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Merci, monsieur le président.

    Merci, Lord Carlile.

    En examinant la Loi antiterroriste ici au Canada, une des idées avancées est que parce que les dispositions de la Loi antiterroriste au Canada n'ont pas été utilisées — en fait, je pense qu'on a eu une fois recours à une disposition —, l'argument invoqué est que si elle n'a pas été nécessaire et si nous ne l'avons pas utilisée, pourquoi la garder? L'envers de la médaille est qu'elle devrait être là si nous en avons besoin et qu'elle pourrait ainsi avoir une valeur dissuasive.

    Je me demande ce que vous en pensez, Lord Carlile.

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: J'ai eu énormément d'expérience avec ce genre de problème au sujet de l'Irlande du Nord. En vertu de la partie VII de la Terrorism Act 2000, il y a des dispositions qui s'appliquent uniquement à l'Irlande du Nord. Il s'agit de dispositions particulières qui découlent de la situation que l'on connaît là-bas depuis au moins 1971. À l'occasion, j'ai recommandé que certaines de ces dispositions soient supprimées parce qu'elles sont inutiles; elles n'ont jamais servi et on ne peut voir quand elles vont servir. Dans presque tous les cas, le gouvernement a accepté ce fait, et les dispositions qu'il a acceptées de ne pas utiliser sont finalement abrogées dans la mesure législative qui a passé la deuxième lecture à la Chambre des communes hier.

    À mon avis, une loi ne devrait rester en vigueur que s'il est passablement certain qu'on pourrait en avoir véritablement besoin à un moment ou à un autre. Je ne pense pas que l'on devrait adopter une loi si l'on pense que l'on pourrait peut-être y recourir dans 20 ans d'ici parce que cela finit pas discréditer la loi. D'ailleurs, un membre de votre comité a dit plutôt qu'il existe une loi criminelle qui traite déjà d'un grand nombre de ces questions.

    Je pense aussi qu'il est très important que le public comprenne pourquoi nous avons ces lois. Le public est davantage susceptible de comprendre une loi qui a sa raison d'être et qui est utilisée plutôt qu'une loi que l'on pourrait utiliser à tous les 20 ans.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Merci.

    Les mesures de contrôle, et une partie de la controverse actuelle au R.-U. au sujet de personnes qui seraient expulsées... Cela revient à la justification de nos certificats de sécurité au Canada, qui existent en fait depuis longtemps mais que l'on fait maintenant intervenir dans ce débat sur les législations antiterroristes. Pour ces personnes, dans notre cas, les certificats de sécurité sont destinés à des ressortissants étrangers qui posent un risque pour la sécurité de la population canadienne. Ces personnes sont détenues dans ce que nous appelons le centre de détention à trois murs et elles peuvent quitter n'importe quand, indépendamment des problèmes pour certaines personnes qui ne sauraient où elles peuvent aller.

    Maintenant, vous avez dit au sujet des mesures de contrôle qu'il y a un certain nombre de ces personnes que le gouvernement propose actuellement d'expulser parce qu'elles ont contrevenu à des lois sur l'immigration. Je crois comprendre que cela aussi soulève la controverse. Qu'en est-il de toutes les personnes qui pourraient avoir respecté les lois sur l'immigration mais qui sont considérées comme une menace pour la sécurité nationale de la Grande-Bretagne? Que leur arrivera-t-il?

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Elles peuvent être visées par des mesures de contrôle. La disposition précédente, qui prévoyait la détention des présumés terroristes étrangers, les dispositions Belmarsh, du nom de l'une des prisons où on les détenait, a été abrogée par la Chambre de lords en partie pour des motifs de discrimination. Elles étaient discriminatoires à l'endroit des ressortissants étrangers et, par conséquent, elles étaient illégales. On peut recourir aux mesures de contrôle à l'endroit de tous les visiteurs du Royaume-Uni, qu'ils soient ou non des ressortissants britanniques. Donc, il s'agit d'un système plus souple. On l'a utilisé contre des ressortissants britanniques qui vivaient au Royaume-Uni et que l'on pensait, preuves à l'appui avoir des liens avec la fraternité générique que nous appelons al-Quaïda.

    En ce qui concerne les 10 personnes qui ont été détenues en vertu des dispositions de renvoi, la raison pour laquelle ces personnes sont renvoyées est que leur présence au Royaume-Uni, selon le gouvernement, est contraire à la sécurité nationale. Il y a un régime juridique qui relève de la commission que j'ai mentionnée plus tôt, la Special Immigration Appeals Commission, en vertu duquel cette disposition peut être contestée. Nous avons aussi, tout comme vous je crois, une loi passablement évoluée de ce que nous appelons ici un examen judiciaire, un régime de droit public.

    Le problème dans le cas des personnes détenues en prévision de leur expulsion est qu'elles ne peuvent pas encore être expulsées. Aucun des neuf Algériens ne peut être expulsé tant que l'on n'a pas conclu un protocole d'entente, si cela finit par se faire, avec l'Algérie. En soi, l'absence d'un tel protocole d'entente ouvre la porte à d'autres contestations juridiques pour l'instant.

À  +-(1050)  

+-

    L'hon. Roy Cullen: Merci. J'y vois maintenant clair. Donc, ces personnes pourraient être expulsées non seulement pour les motifs qu'elles ont enfreint des lois sur l'immigration, mais parce qu'elles sont perçues comme une menace à la sécurité publique en Grande-Bretagne.

    Lord Carlile, en ce qui concerne vos pratiques de travail, vous avez mentionné des réunions avec des ONG. De toute évidence, vous avez accès au ministère de l'Intérieur et à d'autres. Disposez-vous d'un régime structuré pour ce qui est de la façon de procéder à votre examen? Par exemple, je me demande si vous rencontrez les personnes détenues. Quel sorte de processus suivez-vous?

    Évidemment, le problème est que différentes personnes aimeraient vous voir et vous rencontrer pour discuter de ces questions. Avez-vous une structure quelconque concernant cette problématique?

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Oui. J'ai effectivement une structure. Régulièrement, j'essaie de rencontrer les personnes détenues. Elles ne me rencontreront pas toutes, et cette année toutes les personnes visées par des mesures de contrôle ont refusé de me rencontrer. Elles ont l'avantage des conseils juridiques. Je suppose qu'elles demandent des avis juridiques avant de décider de me rencontrer ou non. Je ne sais pas quels sont les conseils juridiques qui leur sont donnés, de toute évidence, mais si c'est effectivement le cas qu'on leur conseille de ne pas me rencontrer parce que d'une certaine façon elles seraient perçues comme co-optant le régime, je considérerais ces conseils comme très erronés.

    J'ai été capable, lorsqu'elles étaient détenues dans une prison, de prendre des dispositions très favorables comme veiller à ce qu'elles reçoivent de meilleurs services dentaires ou à ce que leur régime soit suivi de plus près.

    Je rencontre aussi régulièrement des politiciens et d'autres personnes qui ont un intérêt direct ou indirect dans la mesure législative. La chose la plus méthodique que je fais est que lorsque je rédige mes rapports, je revois les dispositions de la loi, article par article, de sorte que lorsque les gens lisent mes rapports chaque année, ils peuvent comparer mon rapport à celui de l'année précédente et voir si la base de la preuve a changé. J'essaie aussi d'obtenir des statistiques et, dans l'ensemble, j'obtiens des statistiques assez utiles sur l'utilisation de différentes dispositions.

    J'espère que cela répond à votre question.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Oui. Merci.

    Puis-je poser une autre question?

+-

    Le président: C'est votre dernière.

+-

    L'hon. Roy Cullen: Oui, c'est très utile. Merci beaucoup.

    Au Royaume-Uni, est-ce que les citoyens ont eu de la difficulté à définir le terrorisme? Je sais que c'est souvent un défi vague. Est-ce que la définition du terrorisme continue à être une controverse au Royaume-Uni?

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: C'est à peine controversé.

    Le terrorisme est défini au début de la Terrorism Act 2000. Ne me demander pas de le citer car il est très long et je ne l'ai pas devant moi. Il s'agit d'une définition plus restreinte du terrorisme que celle que l'on a dans les documents pertinents des Nations Unies, mais elle est quand même assez large et couvre certainement tout ce que vous pourriez imaginer qui est du terrorisme.

    Dans la mesure législative actuelle, la Prevention of Terrorism Act 2005, le gouvernement élargit légèrement la définition de terrorisme. Quant à moi, ce n'est pas particulièrement un sujet à controverse, mais certaines personnes pourraient le penser.

    Cela fera sûrement l'objet de discussions lorsque le comité sera saisi du projet de loi. Je pense que vous suivez presque exactement la même procédure parlementaire que nous. Lorsque le projet de loi est l'étape du comité de la Chambre des lords, qui compte une multitude d'avocats comme moi, je pense qu'il y a peut-être une considération plus tendancieuse et plus détaillée de la définition de terrorisme.

À  +-(1055)  

+-

    L'hon. Roy Cullen: Merci.

+-

    Le président: Chers collègues, je vais maintenant intervenir et demander à M. Wappel de conclure.

+-

    M. Tom Wappel: Merci, monsieur le président.

    Je serai raisonnablement bref, lord Carlile. Merci beaucoup de nous accorder votre temps.

    J'ai quelques aspects précis concernant la nature de votre nomination et ce que vous faites.

    Quelle est précisément la nature de votre nomination en vertu de la loi? Par cela, j'aimerais savoir si vous êtes nommé à titre amovible ou à titre inamovible ou pour une période précisée ou encore d'une autre façon.

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Au départ, j'ai été nommé pour trois ans. On a ensuite prolongé mon mandat de deux ans, mais c'était en réalité un peu plus de deux ans parce que j'occupais le poste depuis plus de trois ans lorsque l'on m'a demandé de le prolonger de deux autres années.

    Je pense qu'en vertu de la Loi sur les droits de l'homme de 1998 et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il fallait que j'aie un mandat assez long pour que l'on puisse me considérer, comme je suis, indépendant.

+-

    M. Tom Wappel: Êtes-vous à l'aise avec la période de trois ans ou, toutes choses étant égales, préféreriez-vous un mandat plus long ou plus court? Que pensez-vous?

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Je suis bien à l'aise avec une nomination de trois ans. Je pense que la période idéale pour cet emploi est probablement de six ou sept ans.

    Autant je trouve ce travail extrêmement intéressant et, j'oserais dire, palpitant parce qu'il est très stimulant au plan intellectuel, je ne pense pas que quiconque devrait occuper ce poste plus de sept ans. Après six ou sept ans, je pense qu'il faut vraiment avoir du sang neuf. Mais je pense qu'un grand nombre d'entre nous qui ont été des parlementaires conviendraient que de le faire pendant plus de six ou sept ans mettrait à l'épreuve l'endurance du titulaire.

+-

    M. Tom Wappel: Merci.

    Êtes-vous à l'aise avec le fait que vous relevez du secrétaire de l'Intérieur? Préféreriez-vous relever du Parlement ou d'un autre groupe? Êtes-vous satisfait de la façon dont tout cela fonctionne maintenant?

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Je ne pense pas qu'il existe une recette parfaite pour ce travail. Je ne serais pas heureux, et je ne ferais pas le travail s'il était question que les rapports que je rédige ne soient pas publiés après un dialogue itératif convenable pour faire en sorte que je n'ai rien écrit qui soit factuellement erroné ou que je n'aie rien divulgué d'important pour la sécurité nationale. L'important, c'est que ces rapports devraient être publiés et devraient être disponibles.

    J'insiste pour que mes rapports soient affichés sur le site Web du ministère de l'Intérieur. Vous pouvez les obtenir tous tout simplement en cliquant sur le lien, ce qui est très bien, et le public peut me rejoindre par courriel puisque mon adresse y est divulguée.

    Par conséquent, tant et aussi longtemps qu'il s'agit d'un processus transparent, dans toute la mesure du possible, et que tout ce que j'écris est publié, je suis satisfait de cet arrangement, mais je pense qu'il n'existe aucune disposition constitutionnelle parfaite. Il faut l'adapter à ses propres conventions.

+-

    M. Tom Wappel: Très bien.

    Finalement, je trouve amusant que vous produisiez au moins quatre rapports par année et que vous ne consacriez que 40 p. cent de votre temps à cette tâche, compte tenu que, d'après votre témoignage, suppose que vous faites toute la lecture et toute la rédaction.

    À cet égard, j'aimerais savoir si vous — je ne veux pas dire précisément vous, mais votre successeur ou en tant que modèle — pensez qu'il devrait y avoir une sorte de secrétariat ou de bureaucratie pour appuyer la personne qui occupe votre poste.

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    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Je pense que le gouvernement devrait laisser à la personne qui occupe le poste le soin de répondre à cette question. Ce que je veux dire, c'est que 40 p. 100 de mon temps, c'est 40 p. 100 de beaucoup de temps car, selon mon expérience d'avocat plaidant et de député, etc., j'ai beaucoup aimé travailler et j'y ai consacré beaucoup de temps. Je trouve aussi que je travaille mieux par moi-même, mais c'est idiosyncrasique de ma part.

    Je pense qu'il est important que la personne qui occupe le poste devrait être autorisée à obtenir toute l'aide dont elle a besoin. Cependant, il est tout à fait illogique à mon sens de mettre sur pied une bureaucratie qui est tout simplement redondante la plupart du temps. Je connais un ou deux organismes gouvernementaux — et je ne veux pas les nommer car je ne veux offenser personne — où l'on a mis sur pied une bureaucratie, qui consacre beaucoup de temps à aller manger. Je ne pense que ce soit une très bonne idée.

+-

    M. Tom Wappel: Peut-être littéralement et au figuré.

+-

    L'hon. Lord Carlile of Berriew: Les deux.

    Des voix:Oh, oh.

+-

    M. Tom Wappel: Merci beaucoup, Lord Carlile.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci, chers collègues.

    Lord Carlile, je tiens à vous remercier au nom du comité. Nous sommes désolés que vous n'ayez pu vous joindre à nous au Canada, mais nous croyons comprendre que notre Sénat se rend en Grande-Bretagne la semaine prochaine pour traiter du même sujet que nous de sorte que vous pourrez peut-être rencontrer ces gens.

    Chers collègues, avant de conclure, je tiens à vous rappeler que nous recevrons demain l'Association canadienne des chefs de police, ainsi que M. Martin Rudner et M. Ganor. Nous sommes également censés accueillir Maureen Basnicki le 16 novembre.

    Voilà pour quelques éléments de cuisine interne.

    Monsieur MacKay.

Á  -(1100)  

+-

    M. Peter MacKay: Monsieur le président, toujours au sujet des témoins, on a m'a contacté — et je ne sais pas si on vous a contacté vous ou le greffier — par plusieurs groupes de victimes et organismes qui aimeraient avoir l'occasion de témoigner.

+-

    Le président: C'est Mme Basnicki.

+-

    M. Peter MacKay: Les témoins auxquels je fais précisément référence sont des membres de la famille des personnes tuées lors des attentats du 11 septembre, et ils ont manifesté un souhait précis de témoigner. Je voulais tout simplement que ce soit porté au compte rendu, et s'il y a une façon quelconque de répondre à leur souhait, je demanderais respectueusement que nous essayions de le faire. Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps, et je sais que nous voulons entamer la rédaction du rapport, mais je pense que le point de vue des victimes est extrêmement important dans tout ceci.

-

    Le président: D'accord, monsieur MacKay.

    Maureen Basnicki vient d'un groupe de victimes et elle sera certainement invitée à la réunion du 16 novembre. Je pense que compte tenu des contraintes de temps que nous avons imposées à la présidence, c'est à peu près les seuls temps disponibles qu'il reste car, évidemment, nous devons aussi recevoir la vice-première ministre de nouveau et le ministre de la Justice — et peut-être même une fois de plus le directeur du SCRS. C'est d'ailleurs l'une des choses dont nous avions discuté il y a plusieurs mois. J'essaie donc d'intégrer toutes ces choses à notre horaire.

    De toute évidence, nous espérons toujours être à Washington le 14 novembre. Cette date n'a pas été approuvée par les leaders à la Chambre, mais nous devrions connaître la réponse d'ici un jour ou deux.

    Très bien, chers collègues, merci beaucoup.

    Merci encore une fois, Lord Carlile.

    La séance est levée.