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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 018 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 2 octobre 2006

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bonjour. Bienvenue à tous.
    Comme il est 15 h 30, nous allons ouvrir la séance.
    C'est la séance numéro 18 du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. Conformément à l'article 108 du Règlement, nous poursuivons notre étude sur le développement démocratique. Il s'agit de l'examen important que le comité a entrepris sur la participation du Canada au soutien que la commuauté internationale apporte au développement de la démocratie dans le monde.
    Comme vous le savez, nous nous penchons sur tous les aspects de la politique et des activités du Canada dans le domaine de l'aide à la démocratie, dans le contexte des difficultés que le développement de la démocratie pose au niveau international. Nous ferons également une étude comparative de l'aide internationale à la démocratie dans le but de bénéficier de l'expérience des autres pays donateurs.
    Le comité désire particulièrement s'informer des façons de soutenir le développement de la démocratie qui ont démontré leur efficacité sur le terrain.
    Le comité fait cette étude dans le but de présenter au gouvernement canadien un rapport de ses conclusions, accompagné de recommandations au sujet des orientations que devrait prendre la politique à cet égard.
    Cela dit, nous avons aujourd'hui le grand plaisir de recevoir Mme Maureen O'Neil, présidente du Centre de recherches pour le développement international, ainsi que Jean-Louis Roy, président de Droits et démocratie, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique. Vous êtes les bienvenus.
    Les membres du comité savent déjà que nous allons tenir deux réunions. La première partie durera jusqu'à 16 h 30 et nous suspendrons alors la séance pour accueillir d'autres témoins. Nous voulons nous réserver 15 minutes, à la fin, pour les travaux du comité.
    Nous allons tout d'abord accueillir nos témoins. La parole est à vous. Si votre exposé dure plus de 10 minutes, nous allons essayer de vous refréner un peu afin de passer aux questions.
    Vous êtes les bienvenus.

[Français]

    Je suis heureuse d'avoir l'occasion de m'adresser à votre comité. C'est avec grand plaisir que je vous parlerai du travail important que fait le Centre de recherches pour le développement international, ou CRDI.
    Le CRDI est une société d'État qui rend des comptes au Parlement par l'entreprise du ministre des Affaires étrangères. Un conseil de gouverneurs d'envergure internationale, formé de 21 membres, dont 11 sont Canadiens et 10 sont originaires d'autres pays, parmi lesquels huit viennent de pays en développement, est nommé par le gouverneur en conseil sur recommandation du Cabinet.
     Depuis 35 ans déjà, le CRDI appuie la recherche appliquée en sciences naturelles et sociales, permettant ainsi de trouver des solutions innovatrices et concrètes qui aident les populations des pays en développement à devenir maîtresses de leur destin. Le CRDI ne se contente pas d'espérer que les choses s'améliorent; il s'emploie à produire des données probantes et à obtenir des résultats.
    En voici un exemple. L'un des grands problèmes de développement en matière d'agriculture est le faible taux d'adoption de la technologie par les petits exploitants pauvres. Depuis plus d'une décennie, le CRDI appuie une méthode efficace permettant de résoudre ce problème. Il s'agit de l'amélioration participative des plantes, une méthode qui allie l'expertise scientifique des chercheurs agricoles au savoir traditionnel des exploitants locaux, afin d'améliorer le rendement des cultures tout en préservant la biodiversité. Les résultats obtenus contribuent à une meilleure sécurité alimentaire dans un très grand nombre de zones rurales.
    Vous trouverez de plus amples précisions sur les retombées de l'action du CRDI dans les dossiers que nous vous avons remis.
     Le message que je désire livrer aujourd'hui est le suivant: la recherche dans les pays en développement peut favoriser l'essor de la démocratie, et ce, de quatre façons.
     Premièrement, la recherche est propice à la libre investigation et au débat. La liberté d'expression, la liberté de recherche et un débat ouvert sont les fondements d'une démocratie vivace. La liberté d'exécuter des travaux, d'en publier les résultats et de les exposer au débat public sans crainte de représailles en dit long sur l'état de la démocratie et des droits de la personne dans un pays.
    La liberté d'expression et la liberté de recherche sont également déterminantes pour stimuler l'innovation dont toute société a besoin pour favoriser son développement et sa croissance à long terme. Une société ne peut tirer pleinement partie des technologies conçues à l'étranger à moins d'avoir ses propres capacités de recherche.

  (1535)  

[Traduction]

    Deuxièmement, la recherche élargit l'éventail de solutions concrètes face à des problèmes persistants. En effet, la recherche met davantage de solutions concrètes à la disposition des citoyens, des organismes et des responsables des politiques. La recherche fait ressortir les compromis nécessaires et la complexité des problèmes, et elle met au jour des perspectives différentes. La recherche inspire le débat et aide les citoyens à bien examiner les questions difficiles. La recherche alimente l'innovation.
    Par exemple, une étude menée par des chercheurs tanzaniens avec le soutien financier du CRDI sur une meilleure répartition des dépenses en santé, qui a débouché sur l'utilisation de moustiquaires imprégnées d'insecticide dans la lutte contre le paludisme -- avant même que Sharon Stone n'en parle -- s'est traduite par une baisse de la mortalité infantile de l'ordre de 40 p. 100. Les outils mis au point par les chercheurs et testés dans les dispensaires de deux districts sont aujourd'hui appliqués dans toute la Tanzanie.
    Le CRDI a également appuyé la recherche sur les politiques en Afrique du Sud, pour aider ce pays dans sa transition à la démocratie. La recherche a porté sur la rédaction de la Constitution, sur le gouvernement local et sur les politiques du commerce et de la concurrence. Plusieurs des ministres du premier Cabinet de la nouvelle Afrique du Sud démocratique avaient été associés à cette recherche, dont Trevor Manuel, l'actuel ministre des Finances.
    Le fait de financer des partenaires des pays en développement soucieux de trouver une solution aux problèmes de leur pays est un gage d'appropriation du fruit de la recherche. Les résultats découlant de la recherche appliquée soutenue par le CRDI sont si convaincants que des gouvernement et des organismes sont disposés à investir temps, énergie et argent pour les utiliser et les appliquer à une plus grande échelle. Ainsi, un investissement initial modeste du CRDI peut-il entraîner, par la suite, des investissements plus substantiels de la part d'autres acteurs.
    Un projet mené par le CRDI en Colombie en 1974 a donné lieu à la mise au point d'une bande tricolore permettant de mesurer la circonférence du bras entre acromion et olécrane. Cette bande, dont un échantillon est inclus dans votre dossier, est aujourd'hui couramment utilisée par divers ministères de la Santé, l'Organisation mondiale de la santé, l'UNICEF, Médecins Sans Frontières et beaucoup d'autres pour apprécier l'état nutritionnel des enfants, en particulier dans les évaluations rapides effectuées en situation de sécheresse et de famine.
    Troisièmement, la recherche contribue à rendre les gouvernements comptables de leurs actes. Par les données probantes qu'elle produit, la recherche vient étayer la reddition de comptes sur le plan politique, un pouvoir judiciaire impartial et des institutions publiques transparentes et vigoureuses qui protègent les citoyens. Par exemple, au Guatemala, le CRDI appuie un observatoire judiciaire réunissant des magistrats, des avocats de la défense, des procureurs et des militants des droits de la personne afin de suivre de près l'administration de la justice pénale dans le pays. Un rapport sur le déroulement des procès a créé des remous dans les cercles judiciaires du Guatemala et a entraîné la mise sur pied d'un centre de gestion des tribunaux pénaux en vue d'une meilleure administration de la justice.
    Par ailleurs, au Sénégal, le CRDI a appuyé l'étude d'une ONG, le Forum civil, qui s'est penchée sur la corruption dans le secteur de la santé. Ses constatations faisant état d'une corruption généralisée ont trouvé un ample écho dans les média locaux et alimenté le débat sur la nécessaire réforme du système. Le président du Sénégal a depuis reconnu publiquement la gravité de la corruption au sein de la fonction publique.
    Le CRDI a également collaboré avec le secteur privé, entre autres avec Microsoft, pour améliorer les communications dans les pays en développement. Une plus large diffusion des technologies de la communication favorise, elle aussi, le développement démocratique.
    Enfin, la recherche sert d'assise à des politiques fondées sur des données probantes. Le CRDI s'est associé au Centre parlementaire et Bob Miller va vous en parler plus tard cet après-midi. Nous avons évalué ensemble la profondeur, l'ampleur et la répartition de la pauvreté en Afrique de l'Ouest. Cette information est maintenant amplement utilisée par les élus de la région pour débattre des stratégies proposées en vue de réduire la pauvreté dans leurs pays respectifs.
    Plus récemment, en juin 2006, le CRDI -- de concert avec Affaires étrangères Canada et le Centre parlementaire -- a organisé une visite à l'intention d'agent des Affaires parlementaires afghans désireux de mieux connaître le régime parlementaire du Canada. Les politiques d'aide à la démocratie devraient se fonder sur une recherche sérieuse, mais il est rare qu'elles le soient. Ce souci est l'un des grands principes qui ont inspiré la création du Conseil de la démocratie — et le ministre, M. MacKay, en a parlé lorsqu'il a comparu devant votre comité. Le ministère des Affaires étrangères et l'ACDI, ainsi que plusieurs autres organismes autonomes y participent, l'objectif étant de mettre en commun les leçons apprises et de mieux comprendre les tenants et aboutissants de la réussite ou de l'échec du soutien au développement démocratique. Le CRDI est heureux de faire partie de ce Conseil.

  (1540)  

    Chacune de ces activités souligne la nécessité de fonder les choix en matière de politique sur des données substantielles. Monsieur le président, la recherche est importante pour le développement démocratique. Elle est propice à la libre investigation et au débat. Elle élargit la gamme de solutions concrètes disponibles. Elle peut aider les gouvernements à rendre des comptes. Et elle est essentielle à l'élaboration de politiques fondées sur des données probantes. Le CRDI joue un rôle crucial dans la promotion de la recherche en faveur du développement et de la démocratisation.
    Je vous remercie.

[Français]

    Merci, madame O'Neil.
    Monsieur Roy, vous disposez de 10 minutes.

[Traduction]

    Monsieur le président, je viens de dire à Maureen que je souscris entièrement à tout ce qu'elle a dit, mais j'aurais deux ou trois choses à ajouter.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Nous sommes heureux d'être ici. Nous avons trois raisons de nous réjouir. La première est que le sujet qui nous rassemble est au coeur du mandat de Droits et Démocratie, qui a été créé, comme vous le savez, par le Parlement en 1988.
    La deuxième est que je crois qu'il est nécessaire qu'au Canada on discute périodiquement de ce que fait le pays pour appuyer la démocratie dans le monde.
    La troisième est que j'ai très hâte de voir l'évaluation de nos partenaires — le CRDI et les autres — de l'état de la démocratie dans le monde.
    Je crois qu'on doit dire, au point de départ de nos travaux et de notre réflexion — c'est ce que nous ressentons —, que nous vivons dans un monde qui est allé substantiellement vers la démocratie depuis 30 ans et que la géopolitique du monde a été changée par les valeurs démocratiques. C'est le cas en Europe centrale et en Europe de l'Est, c'est le cas, depuis les années 1980, en Amérique latine, et c'est le cas, d'une façon plus limitée, en Afrique. De très grands pays d'Asie sont devenus démocratiques, comme la Malaisie, l'Indonésie, les Philippines, etc.
    L'ordre du jour politique international est encore celui de la croissance et de l'expansion de la démocratie dans le monde. Aucune autre question ne devrait avoir priorité aujourd'hui, à mon avis, sur le plan international, pour les raisons qu'on vient d'entendre, que ce soit pour la recherche ou pour d'autres raisons liées aux libertés et aux droits fondamentaux.
    Je l'ai déjà dit devant ce comité et je n'y reviendrai pas, nous, les membres de Droits et Démocratie, avons une conception de la démocratie dont un des éléments essentiels est l'ensemble des droits humains tels que reconnus dans le droit international et par les Nations Unies, ainsi que par les États qui ont signé et qui ont ratifié les instruments internationaux.
    Monsieur le président, votre comité nous a posé beaucoup de questions. Je tâcherai de les résumer en quatre questions et de fournir pour chacune d'elles deux ou trois éléments de réponse qui pourront servir de base, par la suite, à notre discussion.
    La première question que vous posez est la suivante.

  (1545)  

[Traduction]

    Le monde évolue-t-il vers l'acceptation de principes mondiaux de démocratie, un peu comme il l'a fait pour l'élaboration de normes internationales en matière de droits de la personne? Nous disons dans notre mémoire que nous pouvons répondre prudemment à cela par l'affirmative.
    Si nous regardons ce qui se passe aux Nations Unies -- la création d'un fonds pour la démocratie, une conférence sur les démocraties en déroute et rétablies, le processus électoral soutenu par les Nations Unies et d'autres éléments que vous connaissez mieux que moi -- au niveau mondial, la notion de démocratie et...
    Excusez-moi un instant.
    Plusieurs personnes me font signe qu'elles ne reçoivent pas l'interprétation en français.
    La cabine d'interprétation pourrait-elle faire un test?
    Cela fonctionne maintenant.
    Mes excuses, monsieur. Si vous pouvez reprendre là où vous en étiez.
    Vous m'accorderez une minute de plus.
    Vous aurez droit à une minute et demie.
    Merci beaucoup.
    J'essayais de dire que la démocratie a changé notre monde et que nous pouvons répondre prudemment par l'affirmative à la question de savoir si le monde évolue vers l'acceptation de principes mondiaux de démocratie. J'étais en train de faire le tour du monde pour indiquer où la démocratie... Si vous regardez la carte du monde telle qu'elle était il y a 30 ans et telle qu'elle est aujourd'hui, vous verrez que les choses ont beaucoup changé. Cela ne veut pas dire qu'il faut s'arrêter là. Cela veut dire que nous devons intensifier nos activités, et j'espère que c'est ce que fera le Canada.
    Dans le contexte de cette mondialisation de la démocratie, nous mentionnons dans notre mémoire,

[Français]

    De nouvelles exigences découlent de cette mondialisation de la démocratie. Je vois les rapports de la Westminster Foundation for Democracy et d'autres groupes qui, un peu comme nous au Canada, travaillent dans le domaine de la promotion de la démocratie. Les valeurs démocratiques étant devenues globales, je crois qu'on doit trouver un nouveau langage. La démocratie n'est plus uniquement l'affaire de l'Occident. Elle a été internationalisée par l'Inde, qui en a fait son système politique il y a 60 ans. La démocratie est maintenant installée, fragilement, dans de grands pays islamiques comme la Malaisie et l'Indonésie. Elle est installée dans toutes les régions du monde, elle est en lien avec toutes les cultures du monde, tous les héritages spirituels et culturels du monde. On ne peut plus faire comme on il y a 25, 30 ou 50 ans et exporter la démocratie. Ce serait une erreur absolument radicale.
    Je m'inspire de ce que Maureen O'Neil vient de dire. Par conséquent, nous devons réaliser des travaux conjoints avec nos partenaires des pays qui cherchent à consolider la démocratie chez eux ou à l'établir là où elle n'est pas. Il existe là un changement très profond auquel on doit porter une très grande attention.
    D'autre part, dans la première phase de la démocratie, lorsqu'elle était

[Traduction]

dans les confins euro-atlantiques,

[Français]

c'était une démocratie de pays relativement riches.
    La démocratie est maintenant installée, en majorité, dans des pays pauvres, dans des pays qui connaissent de très grandes difficultés sociales et économiques. Lorsqu'on parle de travail, de promotion de la démocratie dans le monde, on doit dépasser la simple affirmation qui stipule que démocratie égale droit politiques.
    La démocratie doit désormais être identifiée à la pleine reconnaissance des droits politiques et à la reddition de comptes qui en découle, bien sûr, mais aussi à la reconnaissance des droits sociaux et des droits économiques.
    Dans les grands sondages qui sont menés en Amérique latine et en Afrique, les gens qui vivent la démocratie dans les pays pauvres nous demandent ce que la démocratie apporte véritablement. On sait qu'elle apporte des valeurs politiques importantes comme la liberté de parole, la liberté de mouvement et quelquefois un vague accès à une nouvelle forme de justice plus indépendante, mais les gens attendent plus que cela. Ils attendent du travail, du logement, de l'accès à la nourriture et à l'eau, des politiques qui viennent confirmer que le fait d'avoir cette nouvelle relation entre le citoyen et l'État — de contrôler l'État, d'une certaine manière — se fera aussi de façon progressive, mais se fera dans le règlement de leurs difficultés.
    Monsieur le président, vous posez plein de questions difficiles, et je ne sais pas si on aura le temps d'y faire justice. Je voudrais quand même, en ce qui a trait à la société civile, dire quelque chose. Je travaille dans une institution qui, depuis sa création, a beaucoup valorisé le lien avec la société civile.
    Un peu plus tôt, j'évoquais d'autres groupes dans le monde. Je pense que personne ne viendra témoigner devant vous pour dire qu'il est possible de construire la démocratie. Or, il existe un lien intime avec les sociétés civiles des pays dans lesquels nous travaillons. Ce sont les citoyens qui construisent la démocratie, ce sont eux qui maintiennent la démocratie et qui se battent pour la démocratie. Et à toutes les étapes, ce travail doit être fait.
    Je souhaiterais que l'on aille cependant un peu plus loin. C'est pour cela que j'évoquais la société civile. Nous avons au Canada une grande expérience du rapport entre l'État et la société civile. Je me demande si on ne devrait pas aller un peu plus loin et structurer de façon plus forte le lien entre la société civile et les pouvoirs publics, à la fois chez nous et dans tous nos programmes de coopération.
    Pourquoi faut-il — vous parliez du Sénégal un peu plus tôt — qu'il y ait dialogue entre les gouvernements, sans présence des sociétés civiles? Dans beaucoup d'États, dans l'autre monde, les populations de ces pays n'ont pas confiance dans le dialogue entre les gouvernements parce qu'ils ont l'impression que ce dialogue se situe à un niveau qui les exclut et que les politiques qui en découleront ne les rejoindront jamais.
    Je souhaiterais donc qu'on aille un peu plus loin en ce qui a trait à la place de la société civile dans les négociations que nous menons pour construire les nouveaux systèmes politiques.
    Enfin pour les raisons que j'ai évoquées un peu plus tôt — je dirai deux mots, le mémoire qu'on vous a soumis étant plus complet —, je souhaiterais vraiment que le comité inclue, dans les perspectives du travail canadien d'appui à la démocratie dans le monde, l'importante contribution qu'apporte le secteur privé de l'économie, les corporations qui partent avec leurs ressources, avec leurs budgets, leurs finances, leurs équipes de recherche, leurs hypothèses et qui les sèment un peu partout dans le monde.
    Il y a un débat dans le monde aujourd'hui. Une table ronde sur la responsabilité des entreprises circule dans les grandes villes canadiennes. Je crois, pour avoir oeuvré dans ce monde depuis 20 ans, que l'investissement est très important. L'investissement a une telle importance sur le plan du développement, l'investissement privé a un tel impact sur la vie des gens, sur les sociétés! On le voit en Asie aujourd'hui, en Asie du Sud, en Inde et en Chine. On doit réfléchir à l'impact de cet investissement, notamment sur le plan du respect des droits et des valeurs démocratiques.
    Enfin, monsieur le président, je crois que l'on doit se rappeler ce que nous savons tous — parfois, il vaut mieux le redire —, la moitié, soit 50 p. 100 exactement de la population du monde, a moins de 25 ans. Il y a 1,2 milliards d'humains qui ont entre 10 et 19 ans. Dans tous les pays où nous travaillons, dans tous ces pays du Sud, la population va croître dans les prochaines années, et le premier groupe d'âge aura entre 10 et 25 ans. Nous devons parler de démocratie à ces jeunes, nous devons trouver des moyens innovateurs et avoir de vrais programmes à leur donner.

  (1550)  

     Je pense, par exemple, à une banque de minicrédits qui serait destinée à des projets soumis par des jeunes d'Afrique, d'Amérique latine ou d'ailleurs dans le monde. Ces initiatives leur permettraient d'intervenir en tant que citoyens, de bâtir la culture politique de leur pays, de parler des institutions, de faire connaître leur situation, etc.
    Monsieur le président, on manque vraiment de temps. Je voudrais quand même répondre rapidement à la question très importante que vous posez:

  (1555)  

[Traduction]

Vers où le Canada devrait-il cibler ses efforts à l'avenir?

[Français]

    On ne peut pas répondre à cette question en deux minutes. Cependant, je crois que le Canada a une très grande obligation, qui est celle de s'assurer que la question de l'édification de la démocratie continue de faire partie de l'ordre du jour international.
    Le Canada est un pays membre de l'ONU, du Commonwealth et de la Francophonie et, à un niveau plus régional, de l'OEA. Il participe à l'APEC et a un impact sur l'Union africaine. Il est par conséquent absolument indispensable qu'un pays comme le nôtre s'assure, chaque fois que c'est possible, que la question de la démocratie continue de faire partie de l'ordre du jour, des discussions et des projets internationaux.
    Dans l'esprit de mes propos précédents, le Canada devrait revoir quelque peu sa politique et, notamment, la politique conduite ces dernières années concernant la justiciabilité des droits sociaux et économiques.
    Ceux qui construisent la démocratie dans les pays pauvres sont en majorité des démocrates, et un pays comme le nôtre doit trouver une façon de leur faire part de son intérêt pour les questions que vous posez:

[Traduction]

Qu'apporte la démocratie sur le plan de l'évolution et du progrès sur le plan social et économique? Nous avons quelque chose à dire à ce sujet. C'est au centre de notre discours.

[Français]

    Je répondrai peut-être plus tard aux questions qui ont trait à la géographie du monde.
    Au début de notre réunion, vous avez posé une question qui portait sur la sorte d'approche à adopter, les meilleures pratiques en quelque sorte. En vue de notre rencontre, j'ai lu l'ensemble des rapports des grands groupes qui travaillent dans le monde. J'en ai nommé quelques-uns plus tôt. Cinq idées reviennent toujours dans les rapports de tous ceux qui, dans le monde, font le travail que nous cherchons à faire, souvent avec eux, d'ailleurs.

[Traduction]

    La démocratie ne peut pas se construire à partir de l'extérieur. Elle doit venir de l'intérieur pour pouvoir être viable.

[Français]

    Tout d'abord, dans leur pratique, tous les groupes cherchent à intégrer, à donner du sens et à incarner cette idée d'une façon concrète.
    Deuxièmement, chaque pays se trouve dans une situation différente. En effet, notre pratique et celle de nos partenaires canadiens diffère de celle de Westminster, du Haut-commissariat et du National Democratic Institute. On doit prendre un grand soin d'éviter de prendre des modèles quelque peu préfabriqués et de croire qu'on construira la démocratie en Égypte comme on la construirait au Vietnam ou au Zimbabwe.
    Tout le monde répète et dit la même chose:

[Traduction]

Le modèle occidental et le système occidental ne sont pas parfaits. Nous devons tenir compte de l'existence d'une pluralité de situations, d'héritages et de situations sociales et économiques dans le monde.
    J'ajouterais que les enquêtes réalisées en Amérique latine ne laissent aucun doute là-dessus. On voit maintenant se développer dans le monde

[Français]

une méfiance à l'égard des étrangers et envers nous. Le monde arabe, par exemple, se méfie un peu de nous pour les raisons que vous connaissez.
    Nous travaillons en Afrique comme vous, madame O'Neil. Nos partenaires africains préfèrent nous voir arriver avec des chercheurs africains, qui travaillent en collaboration avec leurs centres et font appel à leur expertise. Il existe une sorte de méfiance, ce qui doit nous amener à faire très attention aux modèles que nous cherchons quelquefois à imposer.
    Voici la troisième idée qui revient un peu partout:

[Traduction]

la nature particulière de la création du savoir et de son transfert de notre région du monde vers le reste de la planète.

[Français]

    Un certain nombre d'institutions nationales ou internationales qui oeuvrent dans le domaine ont récemment compris qu'il leur fallait absolument avoir dans leur personnel des gens qui parlent la langue du pays, qui sont originaires du pays. Certains travaux ne peuvent se faire qu'à partir de l'intérieur du pays, et non de l'extérieur.
    La quatrième et avant-dernière idée est la suivante:

[Traduction]

un engagement à long terme. Il est ridicule d'aller au Vietnam pendant deux ans. Nos partenaires danois sont là-bas depuis 10 ans. Ils comptent y rester au cours des 15 prochaines années. Ils ont réussi à s'intégrer dans le système. Je ne peux pas parler pour eux, mais ils ont réussi à s'insérer très loin dans le système judiciaire en établissant des programmes en coopération, car ils étaient sur place et ils ont gagné la confiance de leurs partenaires.
    Monsieur le président, je serais très satisfait si, à la fin de ses travaux, le comité reconnaissait l'importance de ce que j'ai déjà mentionné, l'engagement de la jeunesse et les capacités de la jeunesse. Nous avons créé des réseaux de délégations de Droits et démocratie dans une quarantaine d'universités canadiennes. Nous sommes en train de jumeler chacune de ces délégations avec deux délégations situées quelque part ailleurs dans le monde. Ces jeunes établissent conjointement des plans et des projets et il est merveilleux de voir que les jeunes du Maroc et de Sherbrooke, de McGill et du Kenya, de l'Afghanistan et de l'Université de l'Alberta construisent quelque chose ensemble. Les idées qu'ils puisent dans leur propre culture et leur propre sphère d'activité sont précieuses et je crois que nous devons examiner cela attentivement.
    En ce qui concerne les structures que nous avons au Canada, Maureen a parlé du Conseil de la démocratie. Nous en faisons également partie. Nous le voyons se développer depuis un an. Nous espérons que cette expérience va se poursuivre et nous serions très satisfaits si cela donnait lieu à la création d'un regroupement d'institutions indépendantes afin que le Centre parlementaire, vous-mêmes, Droits et démocratie et d'autres puissent organiser ensemble leur travail. Cela nous permettrait de voir ce que nous avons en commun, quels sont nos besoins et de nous réunir ensuite avec le gouvernement du Canada pour discuter avec lui.
    J'espère aussi que le comité se tournera du côté des comités interministériels que le gouvernement a peut-être pour voir si ce que font l'ACDI, le ministère des Affaires étrangères et les autres ministères tend vers le même but et qu'il vérifiera également quels genres de comités il y a pour la coopération entre le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires. Certains rapports sont préparés dans cette ville, mais nécessitent la participation de tous les gouvernements. Nous aimerions beaucoup que le comité se penche sur les mécanismes que vous avez au niveau gouvernemental.
    Merci beaucoup, monsieur le président.

  (1600)  

    Merci.
    Et merci à vous deux pour les documents que vous avez remis au comité. Nous nous préparons à voyager dans certains des autres pays donateurs.
    À propos des recommandations de Mme O'Neil concernant la recherche eti de celles de M. Roy, qui formule deux recommandations très précises à la fin de ce document, je suggère à tous les membres du comité de les lire avant de voyager, car ce sont d'excellents renseignements de base.
    Nous allons passer du côté de l'opposition: monsieur Patry.
    Je vais partager mon temps avec M. Martin.
    Vous voulez le partager avec M. Martin? Très bien. Cinq minutes.

[Français]

    Ma question s'adresse à Mme O'Neil, que je félicite pour son travail de recherche.
    Le dernier Sommet de la Francophonie, qui vient de se terminer à Bucarest, avait pour thème « Les technologies de l’information dans l’éducation ». Dans votre exposé, vous avez mentionné que le CRDI collabore avec le secteur privé, entre autres avec Microsoft, pour améliorer les communications dans les pays en développement, ce qui peut effectivement améliorer le développement économique et de la démocratie, la création d'emplois, etc. Toutefois, il existe actuellement une très grande fracture alphabétique, plus particulièrement chez les filles.
    Avec l'avènement des nouvelles techniques de communication, qui ne peut avoir lieu que dans les régions urbaines au détriment des régions rurales, ne croyez-vous pas que l'on se dirige rapidement vers une nouvelle fracture numérique ou, en d'autres mots, qu'on élargit le fossé entre les régions et qu'on augmente la pauvreté? Laisse-t-on tomber l'éducation de base, particulièrement celle des jeunes filles, au profit d'un projet de communication au moyen des nouvelles techniques de communication et d'information?

[Traduction]

    Oui, madame O'Neil?

[Français]

    Je ne le crois pas. Les nouvelles technologies peuvent être très utiles pour l'éducation de base également. En Afrique, par exemple, des organisations comme SchoolNet Africa utilisent les nouvelles technologies pour éduquer les institutrices et les professeurs des écoles car, comme vous le savez, l'épidémie du sida vient compliquer la formation de nouvelles équipes d'institutrices, etc.
    Il y a également les réseaux téléphoniques et les appareils téléphoniques, qui sont parfois plus performants que les portables qui sont utilisés ici. Cette infrastructure est très importante, non seulement dans le domaine de l'agriculture et de l'éducation, mais également dans le domaine de la santé.
    On a subventionné des réseaux de chercheurs en Ouganda, qui utilisent des appareils Treo ou des BlackBerry pour rassembler des données sur la santé dans des régions très rurales. Ils partagent ces données avec les plus grands centres de santé, ce qu'il n'était pas possible de faire auparavant.
    Ces nouvelles technologies améliorent les services publics, y compris ceux de l'éducation et de la santé. Elles sont également d'une grande aide pour les fermiers, qui ont maintenant beaucoup plus accès à de l'information sur leur marché. Par exemple, une femme ne fera pas une longue promenade pour se rendre à un marché donné si elle sait qu'elle pourra vendre ses produits à meilleur prix à un autre marché.
    À mon avis, la possibilité de communiquer ne crée pas un grand fossé mais comble plutôt celui qui existe entre les régions urbaines et les régions rurales.

  (1605)  

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Martin, il vous reste une minute pour votre question. Préférez-vous attendre le deuxième tour?
    Je pensais que c'était 10 minutes.
    Non, c'est cinq minutes.
    Je vais attendre. Vous alliez seulement m'accorder deux minutes et demie?
    Non, vous n'avez droit qu'à cinq minutes au premier tour.
    Oh, je vois. Dans ce cas, je vais attendre le prochain tour.
    Madame Barbot, allez-y, s'il vous plaît.

[Français]

    Madame O'Neil et monsieur Roy, je vous remercie pour vos présentations très intéressantes.
    Monsieur Roy, prenons l'exemple d'un pays qui, sans dire qu'il évolue dans un contexte normal, n'est pas en guerre, n'est pas assailli et où les choses vont relativement bien. Nous pourrions penser que les gens du pays fournissent également de l'aide, puisqu'il faut travailler avec les gens qui sont sur place.
    Récemment, j'ai écouté une émission sur la grippe aviaire où on montrait un sorcier en train de pratiquer des cérémonies vaudou avec des poulets. On pouvait constater une énorme distance entre ce qu'il faisait et les connaissances scientifiques des médecins de ce pays, qui disaient qu'il ne fallait pas manipuler les poulets de la sorte.
    Au niveau local, comment arrivez-vous à concilier, d'une part, la confiance que les gens ont envers le pouvoir surnaturel du sorcier d'exorciser et d'empêcher la grippe aviaire d'arriver jusqu'à eux, et les données scientifiques, d'autre part? Vous devez bien être confronté à ce genre de choses dans votre pratique.

[Traduction]

    Monsieur Roy, allez-y, s'il vous plaît.

[Français]

    Monsieur le président, j'aurais dû le faire plus tôt; je ne l'ai pas fait et je m'en excuse. Je voudrais vous transmettre les salutations de Janice Stein, la présidente de notre conseil, qui n'est pas avec nous aujourd'hui car, comme vous le savez, le Yom Kippour est une grande fête. Je vous présente le vice-président de notre conseil, M. Wayne MacKay, de Halifax, qui est professeur de droit et grand juriste canadien à l'Université Dalhousie; M. Lloyd Lipsett, qui est l'adjoint principal à mon bureau; et d'autres collègues qui sont venus par intérêt pour vos travaux.
    Je crois que la question que vous posez est extrêmement importante dans l'ensemble du monde, hormis l'espace Atlantique, l'Europe, le Japon peut-être, le Canada, les États-Unis, etc. L'autre dimension spirituelle et traditionnelle est encore éminemment présente partout et continue d'avoir un impact considérable sur la vie des gens, et vient très souvent la structurer.
    Il faut donc trouver des façons d'amorcer un dialogue avec ces personnes, surtout les leaders d'opinion. La chose qui importe le plus pour la démocratie, c'est l'éducation, l'éducation et encore l'éducation. Il faut que les gens fréquentent l'école, et trop peu le font. Cinquante pour cent de la population mondiale est âgée de moins de 25 ans et 1,3 milliard de personnes ont entre 10 et 19 ans. À l'heure actuelle, près de 200 millions d'enfants n'iront jamais à l'école une seule journée de leur vie. Et en 2006, on dit qu'il faut construire la démocratie, l'économie de marché, ainsi de suite. Je crois que l'éducation est importante.
    Ce que je vais dire a un rapport avec ce que Maureen a dit tout à l'heure. Il n'est pas possible d'avoir un impact sur les sociétés humaines lorsqu'on vient de l'extérieur. Il faut donc travailler avec des gens qui peuvent, eux, aller très loin dans leur société, aller au coeur de questions très concrètes pour la vie des gens, parler avec eux dans des formules d'éducation populaire. Je vous dirais de garder ce qui est bon dans leur héritage, puis de trier ce qui ne l'est pas.
    Je suis de plus en plus convaincu que nous devons aussi faire ce que j'appelle dans le document une « reconversion copernicienne ». Il faut procéder à des changements en profondeur de notre compréhension du monde, parce qu'il a tellement changé.
    Prenons le cas du droit des femmes. Quel est le pays au monde qui possède la législation dont l'effet a porté le plus loin le droit des femmes? Je crois que c'est l'Inde. Les amendements constitutionnels apportés en Inde en 1992, qui obligeaient les gouvernements locaux et provinciaux à avoir une composition dont le tiers des élus sont de femmes, a changé l'ordre du jour en ce qui a trait à l'éducation des fillettes, l'hygiène publique, l'habitation, les questions sanitaires, etc.
    On a mené plusieurs études sur le sujet. En juin, une grande conférence a eu lieu à Toronto sur la démocratie en Asie. On y avait invité des spécialistes indiennes qui ont travaillé sur cette question, dont Mme Gopal Jayal, qui est très célèbre en Asie mais que l'on connaît peu ici. De 1992 à 2005, appuyée par une grande équipe, elle a réalisé ce changement constitutionnel. D'après leur analyse, le fait que le tiers des personnes qui participent aux délibérations publiques et qui composent les gouvernements locaux et régionaux des deux tiers des États indiens sont des femmes a eu un impact considérable.
    Certes, on peut relever plusieurs difficultés, mais on peut également apprendre d'eux.

  (1610)  

[Traduction]

    Merci.
    Je veux seulement rappeler à tout le monde que les cinq minutes comprennent à la fois les questions et les réponses. Veillez donc à ce que vos questions soient assez brèves afin que vous puissiez en poser le plus grand nombre possible.
    Monsieur Obhrai, allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être venus.
    Vos deux organismes jouent également un rôle très actif dans le domaine du développement, comme vous l'avez dit. Depuis de nombreuses années, l'ACDI et tous les autres ont très bien centré leurs efforts sur la promotion de la démocratie, de même que sur le développement. Vos deux organismes ont très bien réussi sur ce plan. Le temps est maintenant venu d'aller plus loin. L'aide au développement est-elle suffisante pour promouvoir la démocratie ou devons-nous chercher d'autres moyens pour voir si nous ne pouvons pas aller beaucoup plus loin?
    Je reviens tout juste du Congo où j'ai assisté au déroulement d'élections démocratiques. Un des domaines dans lesquels je constate de graves lacunes, et que vous pourriez examiner, est qu'il n'y a absolument aucun progrès sur le front politique, du côté des partis politiques ou de la participation politique ou encore des liens politiques, car ce sont les partis politiques qui se chargent de faire progresser la démocratie. Vous avez parlé des institutions, de la justice, du fait qu'elles vont très bien et qu'il faut les consolider... Toutefois, qu'en est-il du développement des principaux acteurs? Les députés de l'opposition sont venus ici, j'ai moi-même siégé dans l'opposition et je leur ai souvent parlé. Ce sont des choses que nous faisons. Toutefois, ne pensez-vous pas que, collectivement, le Canada devrait diriger ses efforts de ce côté-là pour voir quels en seront les résultats?

  (1615)  

    Merci, monsieur Obhrai.
    Madame O'Neil.
    C'est vraiment une question intéressante et il est aussi très important de voir les choses à long terme lorsqu'on parle du développement démocratique. Dans notre société occidentale, nous avons parcouru beaucoup de chemin entre le moment où la Grande Charte a été signé en 1215 et celui où les Autochtones ont enfin obtenu le droit de vote au Canada en 1961. Il faut toujours voir les choses à long terme lorsque nous parlons du développement démocratique.
    Également, lorsque nous parlons du développement des partis politiques, on raconte une histoire, peut-être pas tout à fait véridique, concernant Mobutu qui est sans doute l'un des mauvais exemples de l'influence des politiques de la guerre froide sur les politiques africaines. Lorsque les choses ont commencé à changer et que les gouvernements occidentaux ont demandé la création de partis politiques, M. Mobutu leur a dit: « Si vous avez besoin de partis politiques, vous pourrez en avoir », parce qu'il pouvait les créer, bien sûr.
    Ce n'est pas de cela dont il s'agit. Il s'agit plutôt de voir comment une société peut s'offrir suffisamment de liberté pour que les gens puissent s'associer, créer leurs propres organisations, les structurer et aller de l'avant. Nous devons vraiment nous demander: « Est-ce un simple détail ou un problème beaucoup plus important? » Autrement dit, pouvons-nous dire: « Nous, les Canadiens, nous allons vous aider à créer vos partis politiques »? Nous devons longuement réfléchir à tous les autres éléments que cela exige.
    Une fois qu'il y a des partis politiques... Je devrais sans doute préciser que l'aide aux partis politiques et à la formation des partis politiques est sans doute l'un des investissements les plus importants si l'on additionne ce que fait la Fondation George Soros, ce que font les fondations politiques allemandes ainsi que la National Endowment for Democracy pour faciliter la création de partis politiques. Il se passe beaucoup de choses sur ce front.
    On se demande s'il faudrait un programme frappé à l'emblème de la feuille d'érable pour dire que le Canada est là pour aider à créer des partis politiques. C'est un domaine dans lequel un pays a énormément de difficulté à intervenir dans le cadre de l'aide bilatérale, car il s'agit certainement d'une ingérence directe dans la politique des autres pays. Pour organiser ce genre de choses, il faudrait donc faire preuve de la plus grande prudence. Mais surtout, il s'agit de voir quelles sont les conditions préalables qui doivent être réunies pour que les gens soient libres de s'assembler, de réfléchir ensemble à ces questions, d'organiser leur financement et de faire bouger les choses. Je dirais que ce n'est pas un simple détail.
    Jean-Louis a sans doute beaucoup d'expérience dans ce domaine.
    C'est peut-être une question sur laquelle nous devrons revenir. C'est la fin de ce premier tour et il faut que tout le monde puisse poser une question.
    Madame McDonough.
    Pas de problème. Merci.
    Je voudrais aborder rapidement deux questions et nous avons très peu de temps.
    Les coupes annoncées dans les programmes de stages internationaux pour les jeunes ont suscité énormément de consternation cette semaine. J'aimerais savoir si le CRDI et Droits et démocratie ont des stagiaires qui travaillent actuellement dans le cadre de ce programme.
    Deuxièmement, pourriez-vous nous dire si vous avez recruté des diplômés de ces programmes de stages, des jeunes qui ont travaillé directement avec votre organisation ou qui ont acquis une expérience similaire ailleurs et qui répondaient à vos conditions d'embauche. J'aimerais que vous nous en parliez.
    D'autre part, dans ce que vous venez de dire, vous avez fait brièvement allusion à un problème que je crois bien réel. C'est une question d'équilibre. C'est une question de sensibilité. C'est la question de savoir si l'aide au développement va tenir compte des besoins ou si elle ne risque pas d'être reliée aux intérêts politiques du pays donateur. Est-ce une chose dont vous avez tenu compte pour décider du genre de programmes que vous alliez parrainer directement ou auxquels vous avez décidé de vous associer dans les pays qui cherchent clairement à développer leur démocratie?
    Quand faut-il faire des compromis entre l'aide qui répond à des besoins fondamentaux et celle qui peut être associée à des intérêts politiques? Quels sont, à votre avis, les défis et les dangers que cela représente?

  (1620)  

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais ajouter un mot sur la question précédente concernant les partis politiques. J'ai observé certains des travaux d'Élections Canada — je ne parlerai pas pour Jean-Pierre Kingsley; il le fait très bien — qui touchent quand même indirectement les partis politiques. À Droits et Démocratie, dans les cas d'Haïti, de la République démocratique du Congo, du Kenya dans le passé, du Maroc et de l'Égypte, nous avons des contacts avec des partis politiques autour de questions spécifiques qui sont liées aux droits humains, aux droits des minorités et aux droits des femmes. Nous sommes entrés tranquillement, avec précaution, dans cet espace très important. Autrement, je suis d'accord, c'est très délicat et très sensible.
     Madame McDonough, je ne suis pas sûr de bien pouvoir répondre à votre question concernant le political agenda of the donor.

[Traduction]

Pourriez-vous répéter? J'aurais peut-être dû écouter l'interprétation, mais je ne l'ai pas fait.
    J'ai posé deux questions. La première concernait les programmes de stages internationaux. La deuxième portait sur la difficulté de trouver un juste équilibre entre l'aide au développement qui répond vraiment aux besoins et celle qui est associée à la promotion de la démocratie, à l'édification de la démocratie dans un pays, le danger et la difficulté de relier l'aide au développement aux intérêts politiques qu'un pays peut avoir, de toute évidence, à vouloir soutenir le développement de la démocratie.

[Français]

    J'espère réussir à répondre à votre question. Il m'arrive quelques fois d'être très surpris de l'absence du Canada dans certains pays. Prenons l'exemple de l'Afrique. Dans les années 1990, elle a connu un premier rapport avec la démocratie, pour des raisons de nature globale, notamment ce qui se passait en Europe. Il y a eu des reculs dans un certain nombre de pays, et tout à coup, il y a des pays qui sont dans la deuxième phase de leur rapport avec la démocratie.
    Où était le Canada lorsque le Bénin est redevenu un pays démocratique? Nous étions absents, et je n'ai pas compris que nous n'ayons pas été présents à ce moment-là. Où sommes-nous, aujourd'hui, en Mauritanie? La Mauritanie est en train de passer à la démocratie, et nous ne sommes pas là. Cela m'inquiète. Toutes les fois où une société humaine... Le Maroc est en train de le faire. Que fait ce pays lorsque, d'une façon très claire, une société civile, une place politique, une espèce de mouvance commune vers une culture démocratique créent des institutions et débattent entre elles? Cela devrait être tout à fait prioritaire.
    J'aimerais qu'on parle, à un autre moment peut-être, de l'islam et de la Chine, mais je voudrais que la démocratie soit perçue comme un des besoins pour l'Amérique latine, pour l'Afrique et pour certains pays d'Asie du Sud. Nous avons tous lu les sondages en Amérique latine, et ce qui me frappe beaucoup, c'est de voir comment, malgré la lenteur de ce que la démocratie peut offrir de tangible, les gens y restent attachés. Les gens ont besoin que nous les aidions, mais ils veulent en même temps que leur pays reste démocratique, même si c'est extrêmement difficile sur les plans social et économique. Nous avons des stagiaires, madame McDonough.

[Traduction]

    Nous avons les stagiaires dont vous parlez. Nous en avons onze, je crois, qui sont répartis dans le monde entier. Nous attachons beaucoup d'importance à ce programme. Les jeunes aussi. Ils viennent de toutes les régions du Canada et nous les avons placés dans des institutions de toutes les régions du monde.
    Nous allons certainement avoir une discussion avec le gouvernement à ce sujet et nous sommes sûrs qu'il va réexaminer son projet. C'est un programme très important pour les jeunes Canadiens. Plus de 150 d'entre eux ont bénéficié de ce programme. Mais surtout, nous avons des jeunes Canadiens à la Commission des droits de l'homme de l'ONU. Nous en avons d'autres à la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples et ils font un travail extraordinaire au sein d'institutions dont certaines sont pauvres. Ils peuvent leur apporter une précieuse contribution.

  (1625)  

    Merci.
    Comme nous manquons de temps, je vais vous faire une suggestion. M. Martin et M. Goldring et quelques autres membres du comité ont demandé un deuxième tour. Pourrais-je accorder à M. Martin 30 à 40 secondes pour poser rapidement une question? Nous passerons ensuite à M. Goldring et à tous ceux qui voudront participer au deuxième tour, et nos témoins pourront répondre plus brièvement.
    Allez-y, monsieur Martin.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame O'Neil, monsieur Roy, je vous remercie d'être venus.
    Le développement démocratique est merveilleux, mais ce n'est pas une garantie de développement durable, comme chacun sait. Je crois que la corruption pose un problème plus important. Pourriez-vous nous dire de quel genre de mesures nous avons besoin pour poursuivre les dirigeants qui se livrent à un pillage flagrant des ressources de leur pays comme c'est le cas au Zimbabwe et en Angola?
    Deuxièmement, pensez-vous qu'il faudrait réviser la Loi sur les mesures économiques spéciales, notamment pour y inclure l'obligation de dénoncer?
    Merci.
    Monsieur Goldring.
    Monsieur Roy, vous avez mentionné certaines de vos compétences dans le domaine de la création des partis politiques, mais vous avez ensuite ajouté que vous étiez très prudent à cet égard. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ce facteur important doit être abordé avec prudence?
    Merci.
    Madame Bourgeois, avez-vous une question très brève?

[Français]

    M. Roy a parlé d'utiliser nos entreprises à titre de partenaires dans la démocratisation des États. J'aimerais que nous parlions de la mondialisation, de la Chine et de partenaires économiques, en lien avec la démocratie.

[Traduction]

    Merci, madame Bourgeois.
    J'espère que vous prenez note de ces questions afin de pouvoir y répondre.
    Oui, madame McDonough.
    Très rapidement, pourrais-je demander à Maureen O'Neil si elle peut répondre aux deux questions qui ont été soulevées. Deuxièmement, pourriez-vous, non pas maintenant, mais plus tard, faire savoir au comité le nombre de stagiaires que vous employez actuellement dans vos organisations respectives, les fonctions qu'ils remplissent et le nombre de participants ou de diplômés du programme de stages que vous avez recrutés?
    Merci pour ces questions.
    La parole est à M. Roy ou Mme O'Neil.
    Je vais d'abord essayer de répondre à la question de Keith et ensuite à la question directe de Mme McDonough au sujet des stagiaires.
    En ce qui concerne la corruption et l'obligation de la dénoncer, comme l'ont révélé les réunions de Singapour, la Banque mondiale a pris très fermement position à ce sujet. Curieusement, certains ministres, en fait le secrétaire d'État au Développement international du Royaume-Uni, ont émis des objections.
    J'ai mentionné un cas dans lequel des chercheurs se sont penchés sur cette question dans leur propre pays, avec l'appui du CRDI. J'ai mentionné le problème de la corruption dans le système de santé au Sénégal où cela s'est traduit par certaines mesures.
    Nous avons également soutenu le travail de John Githongo, du Kenya, que le gouvernement avait chargé d'examiner la corruption dans ce pays. Comme vous le savez peut-être, après avoir bien fait son travail -- et nous avons appuyé la recherche appliquée qui accompagnait certains de ses travaux -- il a été obligé de quitter le pays pendant un certain temps parce qu'il avait touché une corde sensible. Malgré cela, des poursuites sont en cours au Kenya.
    Je reconnais que la corruption est un grave problème. La recherche appliquée peut être extrêmement utile pour établir exactement quelles sont les forces à l'oeuvre.

[Français]

    En ce qui a trait à la corruption, je peux prendre la parole tout de suite.
    Je voulais d'abord répondre à Mme McDonough...

[Traduction]

    Oui, mais laissez Mme O'Neil répondre au sujet des stages.

  (1630)  

    Nous n'avons pas beaucoup utilisé le programme de stages. Si je me souviens bien, mais je vais devoir vérifier, il y a quelques années, pour notre travail concernant les nouvelles technologies, nous avons eu un stagiaire qui travaillait dans notre bureau d'Afrique du Sud. Je vais devoir vérifier. Nous avons nos propres programmes de stagiaires, surtout pour ceux qui font leur thèse de doctorat avec nous. Nous n'avons donc pas beaucoup utilisé ce programme.
    En ce qui concerne votre deuxième question au sujet des compromis à faire, je demanderais plutôt si ces compromis existent vraiment. Je ne suis pas certaine qu'il faille choisir entre promouvoir la démocratie et répondre aux besoins particuliers des pays. En fait, lorsqu'il y a plus d'ouverture et de transparence dans un pays, en général, on constate en même temps une croissance de l'investissement dans la santé, dans l'éducation, dans les domaines essentiels pour améliorer la vie des gens.
    Pour ce qui est des intérêts politiques, il y a parfois des enjeux politiques extrêmement importants pour tous les organismes gouvernementaux. Un bon exemple serait de se demander comment tous les organismes canadiens peuvent unir leurs efforts pour appuyer tout mouvement visant à améliorer la situation au Moyen-Orient. Le CRDI a donc soutenu le Canada à la présidence du groupe de travail sur les réfugiés qui découlait du processus de paix d'Oslo, maintenant presque oublié, sur la question des réfugiés et nous avons soutenu les recherches menées conjointement par les Syriens, les Jordaniens, les Israéliens et les Libanais. Cela semble presque impossible aujourd'hui, mais ce travail a été extrêmement utile. Par conséquent, on peut dire qu'il y a là un enjeu politique important.
    De la même façon, le travail réalisé dans un pays comme Cuba, il y a quelques années, grâce au soutien du CRDI, a sans doute permis à des économistes qui n'avaient connu jusque-là que l'économie marxiste, de se familiariser avec d'autres modèles économiques. On pourrait dire qu'effectivement cela répond à des intérêts politiques au plus haut niveau. Mais en fait, cela aide à relier ces pays au reste du monde.
    Merci.
    Monsieur Roy.
    Monsieur Martin, je vous remercie beaucoup pour votre question sur la démocratie, le développement et la corruption. Vous avez sans doute raison de dire que la corruption est un phénomène énorme dans le monde entier. Cela ne touche pas seulement l'Afrique ou l'Amérique latine. Nous avons vu ce qui se passe aux États-Unis et en Europe. C'est un problème mondial.
    Je crois toutefois que la démocratie est le seul système qui permette d'inscrire, au moins à un moment donné, la question de la corruption à l'ordre du jour. Comme vous le savez, nous avons offert au gouvernement malien de mettre sur pied un système de vérificateur général comme celui que nous avons ici et c'est ce que les Maliens ont fait. Lorsque le vérificateur général du Mali a publié son premier rapport, cela a fait la manchette des journaux pendant une semaine au Mali, car ce rapport révélait beaucoup de choses. Avant cela, ce n'étaient que de simples rumeurs. Ce rapport a été une source d'information extraordinaire pour les citoyens. Nous ne pourrons pas faire la même chose au Zimbabwe. Nous pouvons aider à bâtir des institutions qui apporteront les mesures correctives nécessaires dans un pays comme le Mali, mais pas au Zimbabwe.
    Il vaut sans doute aussi la peine de s'intéresser de près au système d'examen par les pairs mis en place en Afrique. Cela n'est pas un très bon système. Il n'a pas donné beaucoup de résultats. C'est un nouveau système. Les Africains l'ont mis eux-mêmes au point. Il est difficile de s'en prendre au collègue qui est le chef d'État, mais récemment, la Commission africaine a clairement mis au pilori Mugabe, le régime Mugabe, en des termes très clairs en soulignant les conséquences pour les citoyens du Zimbabwe.
    Nous abordons avec prudence la question des partis politiques. Je vais demander à Wayne MacKay de vous expliquer pourquoi, et je suis sûr qu'il va vous parler de l'Égypte.
    Très rapidement et nous devrons ensuite nous arrêter. Il y a d'autres témoins qui attendent.

  (1635)  

    Je serai très bref.
    Je voulais citer l'exemple de l'Égypte pour montrer l'importance de faire preuve de prudence. Dans le mémoire que M. Roy vous a présenté, on dit que la démocratie ne peut pas être importée, qu'elle doit être adaptée au contexte. L'Égypte en est un excellent exemple. Au cours de la semaine que nous avons passée là-bas, nous avons rencontré une trentaine de groupes différents allant des Frères musulmans à toutes sortes d'organismes qui avaient chacun des besoins différents. Le facteur qui est sans doute le plus important est que, comme c'est souvent le cas, la liberté d'expression n'est pas comparable à celle que nous avons au Canada, même lors des récentes élections contestées de Mubarak.
    Une des raisons justifiant la prudence est qu'il ne faut pas que les gens que vous rencontrez en paient le prix après votre départ. Vous pouvez partir sans avoir la moindre conséquence à assumer, mais pas eux. Le degré de liberté d'expression et le degré de dissension, de même que la tolérance vis-à-vis de la dissension varient énormément d'un pays à l'autre. Il faut donc être très prudent lorsqu'on aborde le sujet des partis de la société civile. C'est une des bonnes raisons que nous avons d'être prudents.
    Merci infiniment.
    Je remarque que dans votre mémoire, vous dites que nous avons dû faire preuve d'une très grande prudence. Je suppose que notre comité devra en faire autant. La démocratisation n'est pas l'occidentalisation. Nous avons parfois notre propre idée de ce que devrait être la démocratie. D'autres pays la rejettent. Il va falloir trouver un moyen de gagner du terrain sans imposer le modèle occidental et ce sera un gros défi.
    Merci beaucoup d'être venu.
    Nous allons suspendre la séance quelques instants et demander aux autres témoins de bien vouloir prendre place.

    


    

  (1640)  

    À l'ordre. Nous allons reprendre la séance.
    J'ai le grand plaisir d'accueillir cet après-midi, tout d'abord le président-directeur général du Centre parlementaire, Robert Miller.
    Vous êtes le bienvenu.
    Nous recevons aussi Jean-Marc Hamel, membre du Conseil d'administration du Centre parlementaire. Nous avons également le grand plaisir d'accueillir John W. Graham, de la Fondation canadienne pour les Amériques.
    Je vais vous demander de faire des exposés ne dépassant pas huit à dix minutes. Cela nous permettra de poser plus de questions. Nous allons vous minuter et essayer de respecter l'horaire prévu.
    Monsieur Miller, voulez-vous commencer? Merci de comparaître devant notre comité.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président. Mesdames et messieurs les députés, bonjour.

[Traduction]

    La Constitution canadienne soutient que « la paix, l'ordre et la bonne gouvernance » représentent les buts fondamentaux de l'État. Pour la communauté internationale, il est désormais entendu, et parfois unanimement reconnu, qu'une bonne gouvernance est essentielle au développement humain durable. La démocratie, c'est-à-dire la représentation du citoyen au sein du gouvernement ainsi que la responsabilité gouvernementale envers les citoyens, fait de plus en plus office de référence à l'échelle mondiale.
    Toutefois, la démocratie et une bonne gouvernance n'apparaissent pas du jour au lendemain. Au contraire, elles sont le résultat d'une lutte citoyenne parsemée d'embûches, souvent dangereuse et s'étalant sur de nombreuses années. Le développement démocratique y contribue grâce à l'instauration d'une coopération internationale pacifique. L'appui au développement démocratique devrait être perçu comme un service canadien à l'intention de la communauté internationale.
    Certains croient que d'autres pays travaillent au développement démocratique mieux que nous et que nous devrions copier leur approche. Je crois que les Canadiens accomplissent ce travail aussi bien que quiconque et que nous devrions concentrer nos efforts sur le renforcement de notre propre approche.
    L'approche canadienne contient deux éléments clés. Tout d'abord, au cours des 20 dernières années, nous avons procédé à un regroupement institutionnel fort. Au début des années 90, le ministère des Affaires étrangères et l'ACDI ont commencé à subventionner des programmes axés sur le développement démocratique. Depuis, le financement s'est considérablement accru et de pair avec lui, la grande famille des institutions canadiennes se spécialisant dans la mise sur pied de programmes d'aide touchant un grand nombre de secteurs différents. Au cours des 15 dernières années, le Centre parlementaire s'est spécialisé dans un domaine clé du développement démocratique, c'est-à-dire le renforcement des institutions et des processus politiques en Europe de l'Est, au Moyen-Orient, en Asie, en Afrique et dans les Amériques.
    Deuxièmement, au cours des années, nous avons adopté une philosophie de coopération. Les Canadiens ont adopté une démarche claire et unique qui est appréciée par un bon nombre de nos partenaires. Nous épaulons les initiatives des personnes qui ont à coeur d'améliorer les institutions et les pratiques démocratiques de leur pays, et ce, sans tenter d'imposer notre façon de faire. Nous partageons notre vaste expérience acquise grâce aux efforts continuellement déployés pour renforcer notre propre système démocratique tout en reconnaissant nos réussites et nos échecs. Enfin, préférant des résultats concrets à la rhétorique, nous limitons le plus possible les considérations idéologiques. Mais surtout, nous croyons que le développement démocratique se doit d'être une pratique démocratique entre pairs.
    Nous savons maintenant que la démocratie représente un ensemble complexe d'institutions, de pratiques et de valeurs qui, comme tout le monde le sait ici, progressent doucement. Il est donc évident que l'aide internationale au développement démocratique ne doit plus s'effectuer selon une vision à court terme, c'est-à-dire un projet à la fois.
    Le gouvernement canadien a donc commencé à instaurer une nouvelle approche permettant le renforcement des résultats. Entre autres, voici certaines initiatives qui doivent être reconnues et encouragées par le comité: la formation du Conseil de la démocratie qui réunit le ministère des Affaires étrangères et l'ACDI et toute une série d'organismes indépendants dont le Centre parlementaire fait partie. Deuxièmement, je crois important que le comité reconnaisse et appuie le fait que l'ACDI entreprend une approche plus stratégique basée sur les connaissances en matière de développement démocratique et conforme aux objectifs généraux de l'aide publique au développement.
    De plus, nous conseillons au gouvernement de créer un réseau de centres d'excellence canadiens du développement démocratique international. Ce type d'initiative soutiendrait des organisations canadiennes dûment sélectionnées afin de leur permettre d'acquérir une expertise considérable sur des questions essentielles liées au développement démocratique. Elle favoriserait également leur capacité à innover, à appliquer et à diffuser leur savoir. En retour, elle donnerait l'occasion au Canada de jouer un rôle de chef de file plus dominant dans ce domaine fondamental des relations internationales.

  (1645)  

    Enfin, monsieur le président, je tiens à souligner le rôle important que joue cette institution, le Parlement du Canada. Tout comme le système des élections, les partis politiques et la société civile, les parlements sont des éléments essentiels au développement démocratique. Ils constituent, ou devraient constituer, des liens institutionnels entre les citoyens et l'État.
    Le Centre parlementaire a été créé en 1968 pour améliorer la démocratie parlementaire au Canada. Au cours des 15 dernières années, le Centre a progressé pour devenir une organisation canadienne internationale dont le personnel et les bureaux gèrent des programmes de développement parlementaire dans diverses parties du monde. La direction du Centre est de plus en plus prise en main par des gens tels que Bunlen Men, responsable de notre programme au Cambodge, et Rasheed Draman, qui dirige nos programmes en Afrique à partir de notre bureau régional à Accra, au Ghana.
    Depuis plus d'un siècle, le Parlement du Canada participe activement dans I'organisation internationale ainsi que dans des programmes visant le renforcement de la démocratie parlementaire. Au cours de son existence, le Centre a grandement bénéficié du soutien et de la collaboration étroite du Parlement du Canada, tout comme de ceux des assemblées Iégislatives provinciales et territoriales. L'aide apportée ajoute une crédibilité notable, des ressources et du poids à notre travail.
    Dans un esprit de participation à la cause du développement démocratique international, nous croyons qu'il serait utile pour le Parlement du Canada d'adopter une résolution proclamant son engagement en matière de développement démocratique international et qu'il s'engage à offrir un appui continu, et si possible accru, aux programmes d'aide au développement parlementaire.
    Nous vous remercions et nous nous réjouissons à la perspective d'en discuter avec vous.
    Merci, monsieur Miller.
    Monsieur Hamel.
    Monsieur le président, je voudrais d'abord vous présenter mes excuses pour avoir raté le début de la réunion, mais j'étais retenu ailleurs.
    D'autre part, notre président regrette de ne pas pouvoir être présent ici cet après-midi. M. Robert Marleau, l'ancien greffier de la Chambre des communes, qui est actuellement notre président, est en voyage à l'étranger. Il m'a demandé de le remplacer aujourd'hui.

[Français]

    Je suis membre du conseil d'administration du Centre parlementaire depuis que j'ai pris ma retraite comme directeur général des élections du Canada.
    J'ai accepté de faire partie de ce conseil d'administration parce que le Centre parlementaire, à cause de sa mission et de ses objectifs, me semblait être un prolongement de ce que nous faisions à Élections Canada sur le plan international et qu'Élections Canada continue de faire.
    À partir du début des années 1980, nous avons commencé à prêter assistance aux pays qui cherchaient à se doter d'institutions démocratiques. Nous les avons aidés en tenant des élections libres et honnêtes et tout ce que cela comporte, comme la formation du personnel électoral et des chefs de bureau du scrutin et la préparation des listes. Nous avons même rédigé des lois, électorales et autres. Mais notre aide s'arrêtait là. Une fois élus, nous les laissions aller et nous les laissions seuls.
     C'est là que le Centre parlementaire m'apparaissait être en mesure d'aider, c'est-à-dire de prendre la relève et d'aider les élus à fonctionner efficacement dans une assemblée législative libre: une expérience que la plupart d'entre eux n'avait pas. Ce type d'aide est sans doute beaucoup moins visible que l'aide que l'on apporte aux élections, mais selon moi, elle est tout au moins aussi essentielle.

  (1650)  

[Traduction]

    Je n'en dirai pas plus. Je sais que vous aurez de nombreuses questions à poser, surtout à M. Miller, qui a déjà présenté son mémoire.
    Merci, monsieur le président, et merci de nous avoir invités aujourd'hui.
    Merci, monsieur Hamel. Transmettez notre bonjour à M. Marleau.
    C'est maintenant au tour de la Fondation canadienne pour les Amériques. Monsieur Graham, vous êtes le bienvenu.
    C'est un honneur pour moi d'être ici, mais venir parler de la démocratie devant un comité parlementaire c'est un peu comme vouloir montrer aux gens de l'Île-du-Prince-Édouard comment cultiver des pommes de terre. Je sais toutefois que vous vous intéressez surtout à la démocratie à l'étranger et au soutien pratique que les Canadiens peuvent apporter.
    Il y a quelques années, j'ai résumé mon expérience au niveau de notre hémisphère dans un article dont le titre demandait si la surveillance des élections dans les Amériques était bénéfique ou complètement bidon. C'est nettement plus bénéfique que bidon, mais je vais trop vite.
    Depuis 1990, l'année où le Canada s'y est joint, l'Organisation des États américains a fait superviser par des observateurs internationaux le déroulement des élections dans 19 de ses 34 pays membres. Au cours de cette période, l'OEA a procédé, à elle seule, à plus de 80 observations. Des millions de dollars, dont une bonne partie provenait du Canada, ont été investis et des centaines de Canadiens ont participé à cette entreprise. De toute évidence, il s'agit d'une entreprise d'envergure. Mais a-t-elle eu des effets positifs? Cela a-t-il changé le cours de l'évolution de la démocratie dans les Amériques? Si vous comparez le paysage politique qui était dominé par des dictatures avant les années 80 avec la situation actuelle, la réponse est qu'effectivement cet investissement a été très rentable.
    Malheureusement, la situation s'est dégradée. Il est très inquiétant de constater qu'en Amérique latine la confiance de la population dans le système démocratique est en perte de vitesse. Cela n'a pas grand-chose à voir avec le processus électoral et beaucoup à voir avec le fait que la promotion de la démocratie dans les années 80 n'a pas répondu aux attentes et que la population a perdu tout respect pour les partis politiques, ce qui est fâcheux étant donné que les partis politiques représentent l'appareillage indispensable des démocraties.
    Le Canada peut faire plus pour aider à reconstruire les partis et les parlements, surtout par l'entremise du réseau parlementaire et de l'OEA. L'ACDI a de bons programmes de gouvernance dans de nombreux pays. Il faut qu'ils soient appliqués aux systèmes politiques et pas seulement aux bureaucraties.
    Une mission d'observation consiste généralement à évaluer si des élections peuvent être considérées comme véritablement libres et équitables. L'approbation des observateurs internationaux aide à établir la légitimité à la fois aux yeux de la population du pays et aux yeux de l'étranger. Pour les pays qui passent d'un régime autoritaire à un régime démocratique naissant, ces missions d'observation ont joué un rôle essentiel et si elles s'accompagnent d'une assistance technique à long terme, elles jouent un rôle décisif pour faciliter la transition. Dans les pays où la culture démocratique a été effacée par la dictature ou ne s'est jamais entièrement développée, il faut apporter une assistance technique dès le départ pour permettre d'établir des listes d'électeurs fiables et tout le reste de l'infrastructure électorale.
    Le succès le plus spectaculaire de ce processus a été les élections de 1990 au Nicaragua. Un autre exemple est celui de l'Afrique du Sud.
    Au Nicaragua, le leader sandiniste, Daniel Ortega, avait accepté d'inviter des observateurs en s'attendant à ce qu'ils appuient la victoire des sandinistes. Lorsqu'il est devenu apparent qu'il avait perdu, Ortega s'est ravisé mais il s'est finalement laissé convaincre d'accepter la victoire de Violeta Chamorro grâce aux efforts diplomatiques de Jimmy Carter et du président vénézuélien Carlos Andrez Perez. Ces efforts auraient toutefois été futiles si les observateurs et leur travail préparatoire n'avaient pas permis d'obtenir un verdict très crédible.
    D'autres progrès ont été accomplis à l'occasion des élections dominicaines de 1994 lorsque la mission de l'OEA que je dirigeais a dénoncé les manipulations électorales qui avaient privé l'opposition de la victoire. La même chose s'est passée au Pérou, à l'occasion des élections de l'an 2000, lorsque l'OEA a refusé d'entériner les élections truquées du président Fujimori.
    Les missions d'observation n'ont pas toutes réussi à faire progresser le processus démocratique. Néanmoins, les preuves démontrent que la préparation et la surveillance des élections ont largement contribué à l'implantation d'une culture démocratique. Ce que l'on comprend moins bien, c'est que ces succès n'auraient pas eu lieu sans le professionnalisme des observateurs et des experts techniques.
    Pendant plusieurs années, l'OEA n'a pas accepté de candidats canadiens pour les missions d'observation, parce qu'ils avaient été choisis par des ministres, souvent sans qu'on tienne compte de leurs compétences.

  (1655)  

    Le système actuel fonctionne parce que les missions internationales ont acquis une grande crédibilité. Grâce à ce succès, les observations électorales traditionnelles sont devenues inutiles dans de nombreux pays. Bien entendu, l'objectif visé est précisément de rendre ces missions d'observation inutiles. Voilà pourquoi il est important de soutenir les organisations de la société civile locales.
    Je dois toutefois mentionner que nous travaillons déjà avec la société civile, mais qu'il s'agit trop souvent de la société civile des élites très instruites et bien établies. Nous devons établir de meilleurs liens avec les classes sociales moins privilégiées.
    Dans les pays où l'incertitude, la corruption ou l'instabilité exigent encore une observation externe, nous repensons notre approche. Il faudrait notamment voir ce qui se passe dans les bureaux de scrutin le jour des élections, mais en dirigeant surtout les efforts vers les points faibles qui ont été identifiés dans le processus tels qu'un contrôle gouvernemental abusif des médias, les problèmes au niveau du transport, la fraude informatique, le financement des élections, l'intimidation, le manque de transparence au niveau de l'inscription électorale et les faiblesses sur le plan de la sécurité des bulletins de vote.
    Les principales organisations d'observation envoient des équipes sur le terrain plusieurs mois à l'avance pour évaluer la situation et repérer les principaux points faibles. Dans les pays où la culture démocratique ne s'est pas implantée ou reste fragile, quelques observateurs à long terme peuvent jouer un rôle plus important que les activités d'un grand nombre d'observateurs qui ne passent qu'une semaine dans le pays.
    Un important défi pour les missions d'observation consiste à trouver des ressources jusqu'à un an à l'avance. L'ACDI a commencé à financer les missions d'observation des élections sur une base annuelle, ce qui facilite énormément la planification. Il y a des leçons à tirer de notre participation aux élections ukrainiennes de 2004 -- M. Goldring est certainement expert en la matière et il a aussi observé d'autres élections -- ainsi qu'aux élections en Palestine, plus tôt cette année.
    Une de ces leçons est la nécessité absolue de maintenir l'impartialité des observateurs. On ne doit pas recruter des observateurs qui ont des liens solides avec l'un des partis en lice dans une lutte pour le pouvoir. En Ukraine, le parti du gouvernement cherchait, avec l'appui de la Russie, des occasions de discréditer les missions d'observation occidentales en dénonçant les liens et les comportements partisans. Certains membres de la mission d'observation canadienne ont bien failli tomber dans le piège. Tout signe d'observation partiale aurait pu être désastreux étant donné que les rapports des missions d'observation occidentales ont joué un rôle crucial pour favoriser une transition pacifique.
    À deux reprises au cours des deux dernières années, le gouvernement canadien a organisé des missions d'observation qui étaient exclusivement canadiennes. Il est tentant de voir dans ces missions l'occasion de rehausser l'image du Canada chez nous et à l'étranger. Nous le faisons à nos risques et périls.
    Les missions d'observation des élections doivent jouir d'une crédibilité reposant sur l'ensemble des résultats passés pour pouvoir approuver ou répudier un processus électoral. Les missions nationales apportent inévitablement avec elles un certain bagage politique, ou risquent d'apporter un bagage politique qui peut compromettre leur crédibilité.
    Que serait-il advenu de la mission en Palestine si The Globe and Mail ou Le Soleil avaient publié des caricatures insultantes pour la religion pendant que nous étions en Palestine? Les missions multilatérales sont mieux protégées contre ce genre de problème.
    Bien entendu, les élections ne sont qu'un élément du processus et les autres éléments méritent plus d'attention qu'ils n'en reçoivent habituellement. Nous avons réussi à exporter au Mexique notre modèle d'accès à l'information. C'est un outil essentiel pour le processus démocratique. Nous devrions le faire plus souvent. Néanmoins, le fait qu'une série de premiers ministres aient fait des entorses à notre propre modèle n'a pas facilité les choses. Notre image dans ce domaine et sa valeur à l'étranger seraient grandement améliorées si nous pouvions mettre fin à l'érosion des pouvoirs du Commissaire à l'information et même inverser la vapeur.
    Certaines des leçons les plus fondamentales à tirer portent sur le respect des différences culturelles, mais comme on en a déjà parlé, je n'aborderai pas le sujet.
    Pour conclure, j'ai couvert tout un éventail de sujets, mais sans répondre à l'une de vos principales questions: sur quel front notre aide est-elle la plus nécessaire? C'est une question complexe. Nous avons fait beaucoup de choses utiles et nous en avons encore beaucoup à faire dans les Balkans, en Europe de l'Est, en Afrique et en Asie centrale, par exemple au niveau de l'architecture des partis, des règles financières, de la gouvernance au niveau municipal, de la transparence, de l'accès à l'information et du soutien aux organisations de la société civile. Ce ne sont généralement pas des opérations très coûteuses, mais compte tenu de nos ressources limitées, je crois que nous devrions également tenir compte de notre crédibilité et de notre capacité à changer les choses.

  (1700)  

    Je vais faire preuve d'un préjugé professionnel. Les régions logiques sont l'Amérique latine et les Caraïbes, les endroits comme Haïti, le Nicaragua, le Paraguay, l'Équateur, la Jamaïque et le Guyana, qui sont nos voisins de l'hémisphère.
    Nous pouvons faire une partie du travail au niveau bilatéral, en appuyant l'action du centre du président Carter sur la Charte démocratique interaméricaine. Il y aurait beaucoup à faire par l'entremise de l'Organisation des États américains. Aucune organisation régionale en dehors de l'Europe de l'Ouest n'a défendu aussi énergiquement les valeurs de la gouvernance démocratique. L'OEA devrait pousser la région vers la voie d'une meilleure gouvernance, d' une meilleure responsabilisation et vers plus de vigilance à l'égard des horreurs de la drogue et des violations des droits de la personne. Elle a besoin d'un plus grand soutien pour jouer son rôle de rempart de la démocratie dans l'hémisphère.
    Merci.
    Je remercie les deux groupes pour leurs exposés.
    Une fois de plus, nous allons commencer notre premier tour de questions.
    Monsieur Martin, vous avez cinq minutes.
    Merci.
    M. Wrzesnewskyj va également poser une ou deux questions à la fin.
    Merci beaucoup d'être venus.
    Comme je n'ai pas eu l'occasion de le dire tout à l'heure, depuis 13 ans que je suis les activités du Centre parlementaire et du CRDI, je crois que vos organisations en donnent énormément aux contribuables pour leur argent. J'ai eu l'occasion de voir de très près ce que font vos deux groupes. Je crois vraiment que nous obtenons énormément pour notre argent et je vous encourage seulement à continuer ce que vous faites.
    Je voudrais faire suite à la dernière question que j'ai posée, car j'aimerais votre opinion à ce sujet. Je suis convaincu que si nous voulons développer les pays pauvres, compte tenu des abus scandaleux que certains dirigeants commettent contre leur peuple -- et je pourrais, tout comme vous, en citer une longue liste -- il nous faudrait un cadre juridique pour pouvoir poursuivre les dirigeants qui se livrent à un véritable génocide économique dans leur pays.
    Je voudrais prendre l'exemple de l'Angola étant donné qu'une rare occasion d'intervenir là-bas s'offre à nous grâce aux surplus de pétrole que possède ce pays alors qu'une pauvreté abjecte y règne. J'aimerais savoir si, à votre avis, nous ne devrions pas travailler avec d'autres pays à l'établissement d'un mécanisme fondé sur des règles pour poursuivre les dirigeants qui se livrent à un véritable pillage économique de leur pays.
    J'ai une deuxième question. Je suis revenu des États-Unis il y a quelques heures à peine. Je crois que nous devrions travailler beaucoup mieux avec les autres pays au niveau gouvernemental, de même qu'au niveau des ONG -- et c'est là que vos groupes ont un rôle à jouer -- pour nouer des relations transfrontières qui permettront de créer une masse critique capable d'influencer les politiques gouvernementales. J'aimerais beaucoup connaître vos opinions quant au rôle que le Canada, ainsi que les organisations comme les vôtres, pourraient jouer pour développer cette masse critique, des deux côtés de la frontière, afin d'influencer les politiques gouvernementales.
    Merci, monsieur Martin.
    Monsieur Miller.
    Je dirais simplement qu'un cadre juridique est une bonne chose à la condition qu'on sache bien en quoi cela consiste.
    Un des principaux messages que nous cherchons à transmettre lorsque nous travaillons au développement des parlements c'est que les cadres juridiques ne sont pas seulement constitués de lois. Cela en fait partie, mais il y a un grand nombre de lois contre la corruption et contre d'autres problèmes qui sont inefficaces dans les pays où nous travaillons. Ces lois ne sont pas supervisées et ne sont pas mises en oeuvre efficacement. Une bonne partie de notre travail dans le domaine de la lutte contre la corruption -- et c'est au centre de nos activités -- vise à faire en sorte que les parlementaires fassent le suivi voulu pour s'assurer que les lois sont vraiment efficaces, qu'elles sont appliquées et qu'elles donnent lieu à des poursuites et à de véritables changements.
    Deuxièmement, le cadre juridique doit également s'appliquer à la classe politique. L'un des principaux problèmes que pose la corruption dans un bon nombre de pays où nous travaillons se situe au niveau du processus politique et du financement des élections. C'est seulement dernièrement que nous avons commencé à nous attaquer à ces problèmes avec succès.
    Il est très important de travailler avec les autres pays. C'est ce que nous faisons pour une grande partie de notre travail. Par exemple, nous avons entrepris un programme de développement des partis politiques au Soudan avec International IDEA, une organisation internationale basée à Stockholm. Nous allons coopérer avec un programme que l'Université de New York dirige en Haïti et qui est financé par U.S. Aid à un degré jamais vu jusqu'ici dans le domaine du développement parlementaire international.
    Je crois donc que la voie que vous indiquez est celle de l'avenir et que c'est une chose que toutes nos organisations doivent apprendre à faire beaucoup mieux.

  (1705)  

    Très brièvement, ni mon organisation ni moi-même ne faisons autorité en matière de corruption, mais je vous demanderais certainement de vous reporter au travail accompli par Transparency International. Le directeur de Transparency International au Canada est Wesley Cragg. Cette organisation peut répondre à ces questions beaucoup plus utilement que moi.
    Transparency International a établi un indice d'humiliation annuel ou bisannuel. Tous les pays du monde y sont classés selon leur degré de corruption. Je crois que le Canada a reculé un peu. Nous sommes maintenant au sixième rang. C'est le genre de chose qui peut avoir une certaine influence, avec un peu de publicité.
    Une des principales difficultés -- et c'est ressorti dans la discussion avec le groupe de témoins précédent -- c'est que dans certains pays où la corruption est très répandue, on peut considérer que les pays occidentaux, que les cultures occidentales essaient d'imposer leurs valeurs, ce qui suscite une certaine résistance. Il faudrait donc faire le maximum d'efforts pour développer et soutenir l'opposition à la culture de la corruption à l'intérieur du pays, et je crois que c'est une des choses que fait Transparency International.
    En ce qui concerne les partenariats, à la Fondation canadienne pour les Amériques, nous sommes tout à fait pour l'établissement de partenariats. Nous en avons conclu de très utiles avec un certain nombre de pays d'Amérique latine et des Caraïbes.
    Merci.
    Vous devrez continuer au prochain tour, Borys.
    Madame Bourgeois.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse à M. Miller.
    Monsieur Miller, dans le chapitre « L'approche canadienne » du document que vous nous avez apporté, vous soutenez qu'un regroupement institutionnel fort est important pour développer, notamment, la démocratie.
    En Chine, depuis 1996, le Canada offre beaucoup de services de soutien à la démocratie, en ce qui à trait aux juges, à la formation des juges et des avocats, et aux droits humains en général. Depuis 1998, le Canada a investi un montant de 265 millions de dollars pour la démocratie.
    Comment expliquez-vous, alors que le Canada a investi autant depuis presque 10 ans, que la démocratie pose encore des problèmes en Chine? La Chine est un pays autoritaire, non démocratique, mais comment se fait-il que 265 millions de dollars et 10 ans plus tard, on n'ait pas réussi à élargir les horizons du gouvernement chinois face à certains groupes religieux et à d'autres pays qu'on est en train de détruire, comme le Tibet par exemple? Pouvez-vous m'expliquez cela?

  (1710)  

[Traduction]

    C'est surtout, je crois, parce qu'une des principales caractéristiques du système chinois, c'est-à-dire l'existence d'un parti unique, n'a pas changé et ne changera que très lentement.
    Le comportement des gouvernements est contrôlé en partie par les leçons que les gouvernements tirent eux-mêmes de leurs erreurs, mais surtout du fait que s'ils ne savent pas les tirer, ils seront chassés du pouvoir et remplacés par quelqu'un d'autre. Lorsque ce contrôle n'existe pas, les gouvernements ont beaucoup de mal à apprendre.
    Il ne fait aucun doute dans mon esprit qu'avec le temps, pour apporter certains des changements qui devront être apportés en Chine pour en faire une démocratie, il faudra changer le système politique et l'ouvrir au pluralisme. Cela ne veut pas dire que rien de ce que nous avons fait au cours des dix dernières années n'a été utile car je crois que les échanges entre le Canada et la Chine, les divers liens qui ont été noués dans le secteur juridique, le secteur parlementaire et dans la société civile commencent à faire de la société chinoise une société plus complexe.
    Il y a une différence fondamentale entre le genre de conversations que j'ai actuellement avec les Chinois et celles que j'avais il y a 10 ans au sujet de la situation mondiale et du genre de changements qu'il faudra finir par apporter pour que la Chine se joigne vraiment au reste du monde. Mais les changements sont lents et le régime a fait très clairement savoir que la démocratie multipartite est la dernière question dont il est prêt à discuter.
    Merci.
    Il vous reste une minute et demie, madame.

[Français]

    Je fais le lien avec ce que disait M. Roy, qui vous précédait, en ce qui concerne la durée de l'aide internationale. On vient de voir qu'en Chine, après 10 ans, les résultats commencent à peine à paraître.
    Que diriez-vous d'une option canadienne qui voudrait que nous choisissions les pays où nous allons intervenir? Je dis « choisir », parce qu'en termes d'argent et d'énergie, il est certain que nous ne pouvons pas être partout où il y a des besoins sur la terre.
    Le Canada ne devrait-il pas s'engager dans une aide limitée à un certain nombre de pays, mais où il pourrait déjà établir, avec des partenaires, un lien à plus long terme? Cette question s'adresse aux deux témoins.

[Traduction]

    Merci.
    Répondez très brièvement, s'il vous plaît.
    Oui, je suis fermement convaincu que la Chine devrait en faire partie, car nous avons tous énormément intérêt à ce que la Chine réussisse sa transition à la démocratie.
    Monsieur Graham.
    Pour répondre très brièvement, je pense que c'est effectivement une bonne idée. Si nous nous dispersons trop, nos ressources deviennent insuffisantes, et je pense que c'est ce que l'ACDI a essayé de faire l'année dernière.
    C'est une décision difficile. Cela veut-il dire que nous devrons retirer le genre d'appui que nous avons apporté, même si ce n'était pas beaucoup, pour les élections au Congo qui ont été un grand succès, ainsi que dans d'autres régions du monde qui ne sont pas inscrites sur notre liste de priorité? Il faut préserver un certain équilibre, mais en établissant des priorités afin que nous puissions déployer des efforts intensifs qui auront de meilleures chances de produire les résultats escomptés.
    Merci, monsieur Graham.
    Monsieur Menzies, s'il vous plaît. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins d'aujourd'hui. Je ne sais pas si vous étiez là pour entendre les témoins précédents. Cela m'amène à vous poser une question. De nombreuses organisations, dont l'ACDI ainsi que tous les témoins qui sont venus ici aujourd'hui, et bien d'autres, semblent mettre l'accent sur la démocratie et les moyens de l'établir ou de la promouvoir sans imposer nos valeurs... Je me réjouis que vous insistiez sur ce point, car c'est essentiel. Nous avons une organisation qui vient de tenir une conférence, l'Organisation mondiale des parlementaires contre la corruption. Toutes font un excellent travail.
    On a suggéré de former des centres d'excellence. Une chose m'inquiète. N'avons-nous pas un trop grand nombre d'organisations et ne ciblons-nous pas insuffisamment nos efforts? Le ministère des Affaires étrangères finance le CRDI. L'ACDI y joue un grand rôle. Je ne critique personne, mais ne faudrait-il pas concentrer davantage nos efforts? Faudrait-il regrouper tout cela en une seule association, un centre d'excellence, si vous voulez, qui pourra concentrer tous les efforts afin que nous puissions vraiment changer les choses?
    Prenez le montant d'argent que nous avons investi dans le développement au cours des années. Tout cela part d'une bonne intention, mais si nous ne créons pas une démocratie qui sera capable de poursuivre son développement, ne passons-nous pas à côté de quelque chose d'essentiel?
    J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'idée de concentrer davantage les efforts.

  (1715)  

    Monsieur Miller.
    Nous devrions certainement le faire pour ce qui est d'établir des priorités et je pense que les principales priorités sont d'ordre politique. Les deux principales priorités que je vois pour le moment sont le lien entre la démocratie et la pauvreté et le lien entre la démocratie et la violence ou les conflits sur la scène internationale. Ce sont les deux principaux domaines dans lesquels je pense que le Canada pourrait centrer ses efforts pendant longtemps.
    Si nous passons en revue l'histoire de notre propre démocratie, c'est je pense, le pluralisme et la diversité qui ont fait sa force. Nous n'avons certainement pas été seuls à bâtir notre démocratie. Notre société compte un grand nombre d'institutions différentes qui y ont contribué.
    Je ne suggère pas de créer une institution unique, mais de reconnaître que notre pays a intérêt à bâtir un certain nombre d'institutions qui pourraient être des chefs de file mondiaux dans certains domaines du développement démocratique. C'est dans ce sens que je parle de centres d'excellence. Je suggérerais de recourir à une sorte de concours, comme ce qui se passe au Conseil de recherches en sciences humaines ou à la Fondation pour l'innovation, par exemple, pour voir quelle est la capacité présente et future de ces institutions afin de concentrer une partie de ce que le Canada fait actuellement dans un nombre limité de domaines d'excellence.
    Monsieur Graham.
    Je suis d'accord avec Bob. Je crois important de souligner qu'un certain nombre d'organisations qui travaillent dans ce domaine tirent relativement peu de choses du financement que leur accorde le gouvernement. Ce sont des organisations de la société civile, des ONG comme la mienne. La mienne ne s'intéresse pas exclusivement au développement démocratique, mais c'est certainement un élément essentiel de ses activités.
    À propos des dimensions de la démocratie dont Bob a parlé, j'ajouterais qu'au niveau de l'éducation, la démocratie est absolument essentielle. Dans la région que je connais le mieux, celle des Amériques, l'Amérique latine et les Caraïbes, l'éducation publique a été en perte de vitesse au cours des 10 dernières années dans pratiquement tous les pays de cette zone. Cela se répercute inévitablement sur la qualité du discours démocratique.
    Une autre chose, bien sûr, une des grandes difficultés qui se posent dans la même région c'est l'élargissement du fossé entre riches et pauvres. Cela a eu pour effet de saper la confiance de la population dans le processus démocratique et les attentes qu'elle a commencé à avoir il y a 20 ou 25 ans quant à ce que les institutions démocratiques lui apporteraient.
    Merci, monsieur Graham.
    Madame McDonough.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup pour vos exposés intéressants. Je voudrais revenir sur une ou deux choses en commençant par dire combien j'ai apprécié et combien j'ai été impressionnée par la façon dont le Centre parlementaire a organisé la visite en Haïti non pas pour les élections présidentielles, mais pour les élections qui ont suivi. J'ai été très, très impressionnée par toute cette organisation.
    J'aurais une observation et une question. Vous avez mentionné la vulnérabilité d'un pays, lorsque les choses ne se passent pas de façon idéale -- et on ne peut jamais garantir que ce sera le cas -- lorsqu'il participe seul à une mission d'observation internationale ou d'assistance technique. J'ai l'impression, à tort ou à raison -- et si je me trompe, j'aimerais que vous me le disiez -- que le Canada a peut-être couru ce risque en Haïti, car il ne semblait pas y avoir beaucoup d'autres observateurs internationaux sur le terrain. D'autre part, c'est une entreprise assez coûteuse pour un pays qui a déjà beaucoup d'autres engagements. Je le dis sans vouloir minimiser le travail extraordinaire qui a été accompli, ni son importance.
    D'autre part, il serait difficile de ne pas être complètement dépassé par l'ampleur de la tâche, les défis à relever, que ce soit sur le plan du développement économique, de la remise en état de l'environnement, de l'infrastructure de base, de l'infrastructure humaine et de ce genre de choses. Comment envisagez-vous le genre de processus à mettre en place suite au processus électoral qui a certainement haussé les aspirations et les attentes de la population, et pour relever ces nombreux défis?
    D'après tout ce que nous avons entendu et observé, il est tout à fait inimaginable qu'on puisse éliminer la corruption, par exemple, quand les policiers touchent des salaires de misère, tout comme les travailleurs de la santé, et que les gardiens de prison ne sont pas payés. Je me demande si vous avez des recommandations à formuler afin qu'il y ait un suivi suffisant pour s'atteler à une tâche aussi herculéenne.

  (1720)  

    Permettez-moi de répondre très brièvement que je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit. En entreprenant un programme en Haïti, même si nous avions déjà travaillé dans des contextes difficiles, nous avons eu certainement l'impression de travailler dans l'environnement le plus difficile qui soit.
    Le principe fondamental auquel je reviens constamment et qui n'a pas toujours été suivi en Haïti est qu'il faut véritablement engager la population et la société civile. Il est trop facile de leur dire qu'on va faire les choses à leur place sans les faire participer. Nous nous sommes forcés à ralentir, à commencer par avoir une bonne conversation avec les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat haïtien, par exemple, afin que lorsque nous agirons, nous le ferons en appuyant les idées qu'ils ont eues eux-mêmes et qui leur tiennent à coeur. Souvent, les efforts n'aboutissent pas parce qu'on n'a pas suivi ce principe fondamental.
    En ce qui concerne la vulnérabilité des missions d'observation des élections, je laisserai John répondre à cela, si ce n'est pour dire qu'il est sans aucun doute important pour nous tous de répartir les risques, dans les situations hautement risquées, en collaborant avec d'autres pays.
    Monsieur Graham.
    Ce sont là des questions importantes. Quel est le lien avec des élections réussies? Vous étiez sur place et les élections ont été un succès. Je crois qu'Élections Canada a fait un excellent travail.
    J'ajouterais qu'à mon avis, nous avons eu de la chance car, comme vous l'avez souligné, la mission était surtout canadienne. Cela ne nous a pas causé de difficultés. C'est parfois une source de problèmes, mais ce n'est pas arrivé dans ce cas-ci.
    Comme vous le savez, cela a contribué à créer des conditions plus prometteuses -- ce qui est très relatif -- en Haïti. Un de mes collègues est rentré de Port-au-Prince il y a quelques jours à peine. La situation y est plus calme pour le moment. Les espoirs d'amélioration sont plus grands qu'ils ne l'ont été depuis des années.
    Le problème c'est bien sûr la fragilité du pays. Les choses pourraient mal tourner très facilement. Des bandes qui ne sont pas encore désarmées peuvent s'organiser et la MINUSTAH, l'organisation des Nations Unies chargée d'assurer la sécurité sous la direction du Brésil, semble avoir entrepris de désarmer les gangs de façon plus énergique. Si elle y parvient, cela va faire une énorme différence, car l'autorité du gouvernement de Port-au-Prince est très limitée et, comme vous le savez, elle est parfois complètement inexistante.
    Je crois qu'une des principales priorités est d'amener les donateurs à prêter davantage attention à la nécessité de créer des emplois. Tant que la majorité des habitants du pays, et surtout les jeunes,seront en chômage ou ne travailleront qu'une petite partie de leur temps, cela attisera les problèmes de sécurité dans le pays, surtout dans la région de Port-au-Prince.
    Malgré les engagements financiers énormes qui ont été pris envers Haïti, il n'y a pas encore suffisamment d'argent sur le terrain pour accélérer la création des emplois nécessaires. Des efforts sont déployés sur le plan de l'éducation, mais pour ce qui est de l'ampleur de la tâche, c'est un peu comme le mythe de Sisyphe.
    Et il faut faire davantage pour stimuler le secteur privé. Il y a un secteur de la petite entreprise dont certains éléments ont mauvaise réputation, mais étonnamment, pas tous, et qui pourrait faire plus avec un peu d'aide et d'encouragement, et aussi grâce à l'encadrement fragile que les élections ont créé.

  (1725)  

    Merci, monsieur Graham.
    Vous allez pouvoir poser quelques questions très rapides. Vous pourriez peut-être les formuler en 30 secondes et la réponse devra être très brève.
    Monsieur Wrzesnewskyj.
    Monsieur Graham, vous avez mentionné les élections en Ukraine. Dans les démocraties naissantes, les élections peuvent marquer un tournant historique. Le Canada n'avait jamais participé à une mission d'observation de cette envergure. Elle était sans précédent, comme on l'a souvent dit, et elle a été organisée en deux semaines.
    Estimez-vous que cette mission a été une réussite et, dans l'affirmative, quels sont été les facteurs de succès? Qu'est-ce qui a conduit à son succès?
    Merci.
    Monsieur Goldring, allez-vous poser une question?
    Monsieur Miller, dans votre mémoire, vous dites que les principaux éléments nécessaires au développement démocratique sont les élections et, bien entendu, les partis politiques et la société civile. Peut-être pourriez-vous nous dire quel genre de travail vous avez fait dans le domaine du développement des partis politiques.
    Très bien. Monsieur Miller et monsieur Graham, voulez-vous répondre à ces deux questions?
    Les élections ukrainiennes ont-elles été une réussite ou non? C'était effectivement un succès et l'organisation de cette mission dans des délais très courts a été une entreprise extraordinaire. Mais le risque était énorme et je pense qu'il était excessif. C'est un peu comme en Haïti, mais encore plus. Les Russes et, bien entendu, le gouvernement ukrainien cherchaient l'occasion de discréditer les équipes d'observation occidentales. Ce dont vous parlez c'est, bien sûr, de la troisième élection.
    Je m'intéresse davantage aux facteurs de succès plutôt qu'aux risques. Je pense que tout le monde savait quels étaient les risques, mais qu'est-ce qui a permis cette réussite sans précédent dans un délai aussi court?
    Je ne pense pas que les Canadiens puissent s'arroger le mérite de cette réussite. C'était une entreprise collective. Un certain nombre d'organisations internationales étaient là, y compris l'OSCE, l'Union européenne et plusieurs autres. Si nous avions été seuls, la situation aurait été très différente, car les difficultés que nous avons eues à organiser et à former nos représentants auraient posé des problèmes. Ils n'ont pas été vraiment mis à l'épreuve.
    Cela a-t-il été une réussite? Oui, nous avons fait partie d'un large groupe qui a réussi. Cela a permis de couvrir le pays beaucoup mieux que ce n'aurait été le cas autrement. Le mérite revient aux personnes qui étaient sur le terrain et qui, de toute évidence, se sont comportées intelligemment dans des circonstances difficiles qui posaient parfois des problèmes. Je ne recommanderais pas de refaire la même chose.

  (1730)  

    Merci.
    La question de M. Goldring.
    Je crois que le Canada devrait faire beaucoup plus dans le domaine du développement des partis politiques, et cela sur deux plans, car la façon dont c'est fait est extrêmement importante.
    Premièrement, nous avons commencé à travailler au développement des partis politiques en construisant des parlements solides. Comme vous le savez, les partis politiques sont un élément essentiel d'un parlement, mais il est très important d'établir un cadre juridique et constitutionnel pour régir le comportement des partis politiques.
    Deuxièmement, je crois que les partis politiques canadiens devraient être beaucoup plus actifs sur la scène internationale. Rien ne les empêche d'établir des organisations sans lien de dépendance, en fait des ONG, pour se livrer à ce genre d'activité au niveau international. Je crois très important que l'initiative soit prise par les partis politiques, car le message que nous voulons envoyer dans le monde est que les partis politiques relèvent de la société civile et non pas de l'État.
    Un des principaux problèmes que posent les partis politiques, dans presque tous les pays où nous travaillons, est que la ligne de démarcation entre le parti politique et l'institution de l'État, y compris l'armée et la police, devient floue. Le message voulant que les partis politiques sont issus de la société et sont l'expression de la société civile est donc un élément très important du modèle canadien que nous voulons réussir à transmettre.
    Merci.
    Je tiens à vous remercier d'être venus. J'ai l'impression que certains membres du comité contacteront peut-être vos organisations un peu plus tard. Je sais que plusieurs d'entre eux vous ont été vivement félicités pour leur travail. Nous savons ce que vous faites. D'autre part, nous voudrons peut-être obtenir des réponses complémentaires à l'égard du contenu de vos mémoires. Il se pourrait donc que le comité vous contacte de nouveau ultérieurement.
    Les membres du comité se sont mis d'accord pour reporter l'étude des travaux à la prochaine réunion. Je vous en remercie.
    La séance est levée.