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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 042 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 8 décembre 2009

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    C'est la séance numéro 42 du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Cette séance est télévisée et nous recevons un grand nombre de témoins. Nous allons leur accorder un peu de temps pour faire une déclaration préliminaire.
    Le représentant de Rideauwood Addiction and Family Services est M. James Budd, directeur principal des Services ministériels.
    On invoque le Règlement.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président, car pourrais-je demander aux autres personnes qui sont ici de bien vouloir évacuer la salle afin que nous puissions poursuivre la réunion?
    Très bien, toutes les caméras doivent être fermées, sauf celles dont la présence est autorisée, s'il vous plaît.
    Également, les personnes qui ont d'autres réunions pourraient-elles sortir?
    Très bien, nous allons poursuivre notre séance.
    La représentante du ministère de la Justice est Mme Margaret Trottier, analyste principale du Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie. Nous allons probablement commencer par son exposé. Le Groupe des services de santé Royal Ottawa est représenté par la Dre Helen Ward, directrice clinique, Programme de psychiatrie légale Champlain. Nous allons recevoir l'hon. juge Heather E.Perkins-McVey, de la Cour de justice de l'Ontario. Elle n'a pas encore pris place à la table. Le représentant du ministère du Procureur général de l'Ontario est David Moffat, procureur de la Couronne. L'Edmonton Drug Treatment and Community Restoration Court est représenté par M. Doug Brady, son directeur.
    Je crois que Son Honneur le juge Heather Perkins-McVey n'est pas encore arrivée.
    Comme nous avons un important programme aujourd'hui, je vais demander à Mme Margaret Trottier si elle est prête à commencer son exposé.
    Allez-y, s'il vous plaît, madame.
    Je m'appelle Margaret Trottier et je suis analyste principale de politiques à la Direction de la mise en oeuvre des politiques au ministère de la Justice. Je suis chargée du Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie.
    Compte tenu du lien entre la toxicomanie et la criminalité, le Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie a été mis sur pied en 2005. Il s'agit d'un partenariat politique entre le ministère de la Justice et Santé Canada qui permet aux autorités fédérales de la Justice et de la Santé d'expérimenter des approches horizontales pour s'attaquer à la problématique que représentent les délinquants toxicomanes dans le système de justice pénale.
    Les objectifs du Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie sont de promouvoir et de renforcer l'utilisation de solutions autres que l'incarcération pour les délinquants toxicomanes; de mieux faire connaître les tribunaux de traitement de la toxicomanie aux personnes qui oeuvrent dans le domaine de la justice pénale, de la santé et des services sociaux ainsi qu'au grand public aux et de recueillir des renseignements et des données sur l'efficacité de ces tribunaux afin que nous puissions promouvoir des pratiques exemplaires.
    Le Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie, qui s'inscrit dans le plan d'action de la Stratégie nationale antidrogue, soutient à titre de projets pilotes, six tribunaux de traitement de la toxicomanie répartis aux quatre coins du pays. Ces tribunaux sont situés à Toronto, Vancouver, Edmonton, Winnipeg, Ottawa et Regina. Leur budget annuel est de 3,6 millions de dollars.
    Les tribunaux de traitement de la toxicomanie opèrent dans le cadre du système de justice pénale. Ils déploient des efforts concertés alliant une surveillance judiciaire à un traitement de désintoxication pour aider les récidivistes dont les actes criminels sont motivés par leur toxicomanie à sortir du cycle de la toxicomanie et de la récidive.
    Les personnes accusées d'une infraction reliée à la drogue ne sont pas automatiquement renvoyées vers un tribunal de traitement de la toxicomanie. Ces tribunaux n'acceptent pas, par exemple, les accusés violents ou impliqués dans le trafic de la drogue. Si l'accusé s'est servi d'un jeune âgé de moins de 18 ans pour commettre l'infraction ou s'il s'est introduit par effraction dans une résidence, il n'est pas admissible à un tribunal de traitement de la toxicomanie.
    Pour participer au Programme de tribunaux de traitement de la toxicomanie, il faut se rendre au tribunal jusqu'à deux fois par semaine, se soumettre à de fréquents tests de dépistage de la drogue pratiqués à l'improviste et participer à un programme de traitement. Le participant doit se rendre au tribunal régulièrement afin que le tribunal soit informé de ses progrès, puisse récompenser ses bons résultats ou sanctionner ses mauvais résultats ou imposer des nouvelles conditions ou des interventions pour l'aider à se sortir de la criminalité et de la toxicomanie.
    Les clients des tribunaux de traitement de la toxicomanie continuent de participer au programme, en général pendant plus d'un an, jusqu'à ce qu'ils remplissent les critères de réussite. Pour réussir le programme, ils doivent s'abstenir de toute consommation de drogues pendant la période prescrite, respecter toutes les conditions qui leur ont été imposées et s'établir de façon stable dans la collectivité.
    Les participants au programme ne parviennent pas tous à la réussite. Certains sont renvoyés du programme parce qu'ils ont fait l'objet de nouvelles accusations, parce qu'ils ont été malhonnêtes avec le tribunal, parce qu'ils ont enfreint de façon répétée les conditions imposées ou parce qu'ils n'ont pas suivi le traitement. Les tribunaux de traitement de la toxicomanie ont pour but de réduire les torts que les gens causent à eux-mêmes et à autrui en consommant de la drogue et de réduire le risque que ces personnes continueront de consommer de la drogue et continueront donc d'avoir des démêlés avec la justice.
    Les projets pilotes que soutient le Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie exigent une excellente collaboration entre les professionnels de la justice et de la santé au niveau local. Le Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie ne prescrit pas le modèle à suivre. Chacun de ces tribunaux a donc ses caractéristiques particulières qui tiennent compte des besoins de la population de délinquants de la ville où il est situé.

  (1115)  

    Comme je l'ai mentionné, un autre objectif du Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie est de mieux faire connaître les tribunaux de traitement de la toxicomanie aux intervenants et au grand public. Les efforts déployés à cet égard comprennent notamment l'appui accordé à la Canadian Association of Drug Treatment Court Professionals pour des conférences nationales qui ont eu lieu en 2006 et 2008 ainsi que pour des tables rondes, en 2007 et 2009. Nous subventionnons également un babillard électronique qui facilite l'échange de pratiques exemplaires et des leçons apprises entre les tribunaux de traitement de la toxicomanie des différentes régions du pays.
    Enfin, nous centrons nos efforts sur la collecte de données nationales pendant que nous appliquons les recommandations de l'évaluation sommative. Dans le cadre de la gestion permanente du programme, Justice Canada est déterminé à réexaminer et réévaluer ce programme afin de déterminer si cette approche novatrice est efficace dans le cas des délinquants toxicomanes qui se retrouvent dans le système de justice pénale.
    Comme la majorité des tribunaux pilotes fonctionnent depuis moins de quatre ans, les données disponibles ne permettent pas encore de déterminer si les tribunaux du traitement de la toxicomanie constituent l'intervention pénale la plus appropriée pour les délinquants toxicomanes ou s'il s'agit de la solution la plus efficace ou la plus rentable pour faire face au problème de la toxicomanie dans le système de justice pénale.
    Le ministre de la Justice a récemment annoncé que le Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie continuera de financer jusqu'au 31 mars 2012 les six tribunaux pilotes qui existent actuellement pour permettre de continuer à étudier l'efficacité de ces tribunaux au Canada.
    Voilà qui conclut ma déclaration préliminaire au sujet du Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer par entendre tous les exposés avant de passer aux questions.
    Je crois que le prochain à prendre la parole sera M. Doug Brady. Commencez dès que vous serez prêt, monsieur.
    Je m'appelle Doug Brady et je suis le directeur du Edmonton Drug Treatment and Community Restoration Court, ainsi que le directeur national intérimaire de la Canadian Association of Drug Treatment Court Professionals
    La Canadian Association of Drug Treatment Court Professionals est un organisme récemment constitué qui s'intéresse au développement et à la viabilité des tribunaux de traitement de la toxicomanie au Canada et qui démontre leur efficacité en procédant à une évaluation nationale approfondie de ces tribunaux. Je vais vous parler un peu de l'organisation ou de l'origine des tribunaux de traitement de la toxicomanie.
    C'est à Miami, en 1989, que l'on a créé le premier tribunal de traitement de la toxicomanie parce que les toxicomanes revenaient constamment devant les tribunaux et représentaient un trop lourd fardeau pour le système carcéral. Les autorités avaient constaté que dans le système judiciaire traditionnel, les toxicomanes continuaient à commettre des actes criminels et n'arrivaient jamais à se sortir de leur dépendance. Les traitements, les tribunaux ou les méthodes correctionnelles traditionnels ne donnaient pas de résultats. Les autorités ont trouvé une solution en associant un traitement de désintoxication et la supervision d'un juge. En travaillant en équipe, elles ont pu apporter des changements durables dans le mode de vie et le comportement des participants.
    Depuis 1989, le nombre de tribunaux de traitement de la toxicomanie a augmenté aux États-Unis, passant à plus de 2 369 — en octobre 2009 — dont plus de 1 250 tribunaux pour adultes. En 2009, le président Obama a augmenté de 250 p. 100 le financement de ces tribunaux et il leur a accordé 103 millions de dollars pour l'année à venir. C'était précédé d'une augmentation de 50 p. 100 accordée l'année d'avant par l'administration Bush.
    Le premier tribunal de traitement de la toxicomanie qui a vu le jour en dehors des États-Unis est entré en fonction en décembre 1998, à Toronto, et depuis, plus de 27 programmes de ce genre ont été mis en oeuvre dans 10 pays du monde. À part les six tribunaux de traitement de la toxicomanie financés par le gouvernement fédéral, il y a trois autres tribunaux de traitement de la toxicomanie qui sont indépendants et qui ont diverses sources de financement. Il s'agit des tribunaux de Durham, Calgary et Moose Jaw qui compte actuellement un participant.
    Les tribunaux de traitement de la toxicomanie fonctionnent selon le principe de la justice dite thérapeutique. C'est un programme qui fournit un traitement intensif et des services aux participants qui doivent devenir et rester désintoxiqués et sobres. Nous faisons souvent des tests de dépistage de la drogue à l'improviste, une fois par semaine ou plus souvent selon les besoins de l'intéressé. Chaque participant doit démontrer au juge du tribunal de traitement de la toxicomanie qu'il s'acquitte de ses obligations envers le tribunal, la société, lui-même et sa famille. Cela oblige le participants à comparaître souvent devant le tribunal afin que le juge puisse examiner ses progrès et le récompenser s'il progresse bien ou le sanctionner s'il ne respecte pas ses obligations.
    Quelle est l'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie? Seulement 11,6 p. 100 de ceux qui suivent le programme ont de nouveau maille à partir avec la justice. Ce sont les statistiques pour le Canada de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. Les analyses de rentabilité montrent que pour apporter un avantage économique net à l'ensemble de la société, il suffit que 8 p. 100 des délinquants vus par les tribunaux cessent de consommer de la drogue pendant cinq ans ou plus après avoir purgé leur peine et que seulement 14 p. 100 d'entre eux le fassent pour apporter un avantage économique net au système de justice pénale. Un bon nombre de nos statistiques proviennent des États-Unis parce que ce programme y fonctionne maintenant depuis plus de 20 ans. Par conséquent, certains des chiffres que je vais citer à partir de maintenant proviennent des États-Unis. Les Américains ont appris comment fonctionnent les tribunaux de traitement de la toxicomanie et ils relancent constamment ces programmes en veillant à diffuser les meilleures données.
    En février 2005, le Government Accountability Office a émis son troisième rapport sur les effets des tribunaux de traitement de la drogue pour délinquants adultes. Même si, au départ, ils coûtent généralement plus cher que la probation, les tribunaux de traitement de la toxicomanie ont été jugés plus rentables à long terme parce qu'ils réduisent les efforts de la police, la charge de travail des tribunaux et la victimisation résultant de la récidive. Au Canada, ceux qui participent aux tribunaux de traitement de la toxicomanie ne sont pas admissibles à la probation. Le même genre d'examen approfondi des tribunaux de traitement de la toxicomanie a permis de conclure que ces tribunaux pour adultes réduisent largement la criminalité en diminuant le nombre de nouvelles arrestations et le taux de condamnation chez ceux qui ont suivi le programme avec succès, longtemps après la fin du programme.

  (1120)  

    Ces dernières années, les chercheurs ont continué de trouver des preuves de l'efficacité et de la rentabilité des tribunaux de traitement de la toxicomanie. L'estimation la plus rigoureuse et la plus conservatrice des effets de tout programme est obtenue grâce à une méta-analyse dans laquelle les chercheurs établissent la moyenne statistique des effets du programme d'après de nombreuses études. Quatre méta-analyses indépendantes ont conclu que les tribunaux de traitement de la toxicomanie réduisent nettement le taux de criminalité, soit d'environ 7 à 14 p. 100 en moyenne. Selon certaines évaluations, les effets sur la criminalité atteindraient 35 p. 100.
    Il est important de souligner que c'est sur les délinquants à haut risque dont les antécédents criminels et les problèmes de toxicomanie sont les plus graves que ce programme a eu le plus d'effets. Cela laisse entendre que les tribunaux de traitement de la toxicomanie conviennent peut-être surtout aux délinquants les plus incorrigibles et les plus toxicomanes qu'il n'est pas possible de gérer efficacement dans la collectivité ou selon le système de probation habituel. Selon certaines statistiques canadiennes, 50 p. 100 à 60 p. 100 des actes criminels sont commis par 15 p. 100 des délinquants.
    Selon une des données émanant de la National Association of Drug Court Professionals, à moins que les délinquants toxicomanes ne soient supervisés régulièrement par un juge et n'aient des comptes à rendre, 70 p. 100 d'entre eux abandonnent leur traitement prématurément. Les tribunaux de traitement de la toxicomanie ont six fois plus de chance d'inciter les délinquants à suivre le traitement suffisamment de temps pour améliorer leur condition. Pour chaque dollar investi dans ces tribunaux, les contribuables économisent jusqu'à 3,36 $ rien qu'en frais de justice pénale. Si l'on tient compte des autres économies qui résultent notamment de la réduction de la victimisation et de l'utilisation des services de soins de santé, les études montrent que chaque dollar investi peut rapporter jusqu'à 12 $. Les tribunaux de traitement de la toxicomanie engendrent des économies allant de 4 000 $ à 12 000 $ par client. Ces économies correspondent à la réduction du coût d'emprisonnement, à la diminution du nombre d'arrestations et de procès et à la réduction de la victimisation.
    Pour les toxicomanes qui consomment de la méthamphétamine, les tribunaux de traitement de la toxicomanie augmentent de près de 80 p. 100 le taux de réussite des programmes de désintoxication. Si on les compare à huit autres programmes, ces tribunaux ont quadruplé les résultats en ce qui concerne l'abstinence de méthamphétamine. Les tribunaux de traitement de la toxicomanie réduisent la consommation de méthamphétamine de plus de 50 p. 100 par comparaison au traitement de désintoxication utilisé seul.
    Voilà qui termine mon exposé. Je suis prêt à répondre aux questions.

  (1125)  

    Merci beaucoup.
    Qui sera le suivant? Allez-y, monsieur Budd.
    Mesdames et messieurs, honorables députés, c'est avec un grand plaisir que je prends la parole au nom du Tribunal de traitement de la toxicomanie d'Ottawa. Je m'appelle James Budd et je suis directeur principal de Rideauwood Addiction and Family Services qui fournit des traitements au Tribunal de traitement de la toxicomanie d'Ottawa.
    Nous offrons un programme très inhabituel dans les tribunaux de traitement de la toxicomanie. Ce programme a des caractéristiques très particulières, non seulement dans le monde du traitement, mais dans le monde correctionnel. Le traitement est très intensif et très régulier. Les participants au Tribunal de traitement de la toxicomanie d'Ottawa fréquentent quotidiennement le centre de traitement. Ils comparaissent devant le tribunal au moins une fois par semaine et au début, ils comparaissent deux fois par semaine devant le juge.
    Les participants sont tenus responsables de tout problème au niveau de leur participation ou de leurs actes au sein de la collectivité, mais ils sont aussi récompensés et encouragés pour leurs succès. L'interaction avec le juge est un élément fondamental des tribunaux de traitement de la toxicomanie. Les participants rencontrent le juge chaque semaine pour lui parler de leurs progrès. Cela les amène à forger une toute nouvelle relation avec le système de justice pénale. Ils commencent à voir les tribunaux comme des moyens de les aider au lieu de les punir.
    Je serai très bref, car je suppose que vous aurez beaucoup de questions à nous poser. Je vais donc peut-être en rester là.
    Merci.
    Qui veut être le suivant, madame Ward ou monsieur Moffat?
    Très bien, ce sera M. Moffat et ensuite Mme Ward.
    Allez-y, monsieur.
    Je tiens à préciser que je suis procureur adjoint de la Couronne et non pas procureur de la Couronne. Ma nièce m'a demandé ce que je faisais pour vivre et je lui ai dit que je mets les gens en prison. J'ai six ans d'expérience. J'ai commencé aux États-Unis, au Colorado, un État connu pour ses peines minimums obligatoires et ses peines sévères et je suis là pour vous répondre si vous avez des questions au sujet des tribunaux de traitement de la toxicomanie.
    Je suis le procureur de la Couronne provincial du Programme de traitement de la toxicomanie d'Ottawa et je suis là pour vous dire que ce programme fonctionne bien.
    Merci.
    Merci, monsieur Moffatt.
    Madame Ward.
    Je suis la Dre Helen Ward. Je suis psychiatre. Je dirige le programme de psychiatrie judiciaire du Centre de santé mentale Royal Ottawa, qui est l'établissement psychiatrique local. Je suis également membre du comité organisateur du Tribunal de la santé mentale d'Ottawa et je suis ici pour vous parler des tribunaux de la santé mentale. Je pense être la seule à parler de cette question aujourd'hui.
    Les tribunaux de la santé mentale ont vu le jour après les tribunaux de traitement de la toxicomanie lorsqu'on s'est rendu compte qu'il fallait des tribunaux pour résoudre les problèmes et que la santé mentale pouvait également être abordée de cette façon. Nous sommes un peu en arrière sur le plan des résultats et de l'organisation.
    Ces tribunaux ont commencé aux États-Unis. Le premier tribunal de la santé mentale du Canada a été établi à Toronto. Au cours des trois ou quatre dernières années, toute une série de tribunaux de la santé mentale ont été créés un peu partout dans le pays, pratiquement dans chaque ville et dans un certain sens, même les petits centres urbains ont commencé à s'intéresser à la santé mentale.
    Ce phénomène est dû à la prise de conscience de la criminalisation des malades mentaux et à l'effet Penrose. Vous savez sans doute qu'il y a eu, effectivement, une transinstitutionalisation. Dans les années 50, nous avions un grand nombre de places dans les hôpitaux psychiatriques et maintenant nous avons un grand nombre de places dans les établissements carcéraux. La diminution du nombre de lits psychiatriques a fait augmenter le nombre de places dans les prisons et le même nombre de malades mentaux se retrouvent dans un établissement, sauf que c'est au mauvais endroit.
    Les tribunaux de la santé mentale sont là pour essayer de résoudre certains de ces problèmes. Plus particulièrement, ces tribunaux reconnaissent que si elles ne souffraient pas de troubles mentaux, certaines personnes ne se retrouveraient pas dans le système de justice pénale. Voilà le genre de personnes que nous essayons de traiter dans un tribunal de la santé mentale. Nous n'essayons pas de nous adresser à tous les criminels qui prétendent souffrir d'une maladie mentale, mais à ceux dont la maladie mentale a fortement contribué à leurs démêlés avec la justice.
    Une des façons dont on le fait est en recourant à la déjudiciarisation et c'est l'un des objectifs des tribunaux de la santé mentale. À notre arrivée, nous nous sommes d'ailleurs rendu compte que les bureaux des procureurs et les tribunaux étaient déjà bien orientés vers la déjudiciarisation. Ils appliquaient la déjudiciarisation depuis longtemps.
    Ceux qui volent à l'étalage et qui souffrent peut-être de dépression n'ont pas besoin des tribunaux de santé mentale, pour la plupart, mais il y a des cas et des infractions plus graves reliés à des troubles mentaux auxquels l'article 16 du Code criminel ou la notion de non-responsabilité criminelle ou d'aptitude à subir le procès ne s'applique pas, mais pour lesquels se pose quand même le problème de la maladie mentale grave. Ces personnes ne sont parfois pas admissibles à la déjudiciarisation parce qu'elles ont commis une infraction de niveau deux. On ne va pas nécessairement surseoir aux accusations; elles auront à subir certaines sanctions, mais les résultats peuvent être améliorés si elles sont mises en rapport avec des services de santé mentale.
    Un des principaux objectifs est de mettre les gens en rapport avec les services de santé mentale. Il y a toute une série de services différents. Il y a eu quelques améliorations, mais il est très difficile pour les malades mentaux et leur famille d'avoir accès aux services dont ils ont besoin dans le système psychiatrique civil. Ces personnes se retrouvent donc souvent devant ce qu'on appelle un tribunal de la santé mentale.
    Une autre chose importante à considérer, surtout dans le cas des personnes souffrant d'une maladie mentale grave, est qu'elles ne savent pas toujours très bien pourquoi elles sont devant le tribunal. Elles ne savent pas toujours très bien comment fonctionne le système judiciaire et peuvent souvent le trouver très intimidant. Dans bien des cas, elles se retrouvent devant des avocats de la défense qui ne savent pas exactement comment communiquer avec elles ou qui ne comprennent pas leurs problèmes ou les questions à leur poser au sujet de leurs problèmes. Tout cela joue un rôle dans la façon dont elles sont traitées par le tribunal.
    Comme vous le savez sans doute, les malades mentaux qui sont condamnés pour une infraction purgent souvent une peine plus longue que les autres, pour une même infraction. C'est sans doute dû à plusieurs raisons. L'une d'elles est que la personne qui souffre d'une maladie mentale grave n'a pas toujours quelqu'un pour la soutenir. Une autre est que lorsqu'elle se retrouve en prison, son comportement risque de lui valoir la peine maximale ou une nouvelle condamnation.
    Comme les tribunaux de la santé mentale ne sont pas encore très développés et que ce n'est pas encore une responsabilité fédérale évidente, les tribunaux de la santé mentale qui ont vu le jour dans les différentes régions du pays sont très diversifiés. Ils ont tendance à suivre un modèle assez informel.

  (1130)  

    Par exemple, à Ottawa, nous avons lancé notre tribunal de la santé mentale sans aucun financement supplémentaire. Nous avons compté sur nos propres ressources. Nous avons pris une partie des ressources que l'hôpital avait obtenues pour des cliniques locales, et nous avons commencé à gérer une clinique locale au tribunal. L'Association canadienne pour la santé mentale avait été payée par la province pour engager des travailleurs des services d'approche et nous avons plus ou moins élargi le rôle de ces travailleurs. Le procureur de la Couronne a nommé un procureur adjoint de la Couronne auprès du tribunal de la santé mentale. Nous avons donc regroupé nos ressources dans un tribunal, mais sans financement supplémentaire. C'est assez courant un peu partout au Canada. Les gens ont simplement constaté que ces tribunaux étaient nécessaires et ont commencé à en créer.
    À Toronto, le modèle utilisé recourt à un grand nombre de comparutions, comme ce qu'on vous a dit à propos des tribunaux de traitement de la toxicomanie. L'accusé comparaîtrait souvent devant le juge et un travailleur social est au tribunal pour l'aider. Un financement supplémentaire a été obtenu pour aider ces personnes à avoir accès aux ressources existant dans la collectivité. C'est le modèle utilisé à Toronto.
    Au Nouveau-Brunswick, on établit un programme que l'intéressé s'engage à suivre. À la fin du programme, il obtient un certain résultat. Cela se compare à un autre tribunal très intéressant, même s'il est à l'extérieur du Canada, le Brooklyn Mental Health Court, qui est un tribunal de la santé mentale. Il offre aux malades mentaux qui ont commis une infraction très grave un placement et un traitement pour leur maladie mentale plutôt que la prison. C'est le genre de choses que nous voulons essayer d'offrir ici dans la mesure du possible.
    À Ottawa, nous avons un tribunal que nous tenons à garder très souple. Il n'est pas nécessaire de remplir de nombreuses exigences pour y participer. Il faut souffrir d'une maladie mentale et cette maladie doit avoir largement contribué à l'infraction. Il faut aussi être prêt à suivre un traitement. C'est à peu près tout. Nous essayons d'amener les gens à suivre un traitement. Ensuite, nous avons des rencontres préalables au procès au cours desquelles des représentants de différent services de santé mentale décident avec les procureurs de la suite juridique à donner. Cela peut être un engagement de ne pas troubler l'ordre public en vertu de l'article 810, mais cela peut être aussi une peine conditionnelle à purger à domicile et une nouvelle période de probation, mais c'est moins que la peine qui aurait été infligée autrement.
    Si nous examinons en quoi consiste un tribunal de la santé mentale — comme il y a des bons documents sur le sujet, j'essaierai de ne pas trop entrer dans les détails — je dirais qu'il faut vraiment un personnel spécialisé. Il faut des équipes qui connaissent bien la question et qui ont reçu une certaine formation et il faut donc que les procureurs de la Couronne et idéalement, le service d'aide juridique, l'avocat de service aient reçu une formation spéciale. Il faut que tout le monde puisse recevoir cette formation. Il faut vraiment que ceux qui s'occupent du traitement collaborent avec le tribunal. Comme je l'ai dit, nous gérons une clinique au tribunal même. Les gens peuvent nous voir, mon équipe et moi, et commencer à recevoir un traitement organisé par le tribunal. Bien entendu, il faut aussi que les juges soient prêts à examiner ces questions et soient bien informés.
    Le financement est très important. Il n'est toutefois pas nécessaire d'avoir beaucoup d'argent. Comme je l'ai indiqué, vous pouvez faire beaucoup avec presque pas de fonds supplémentaires, mais il serait très important, pour tous ces tribunaux, de disposer d'un petit montant d'argent pour payer des coordonnateurs.
    En ce qui concerne les résultats, nous sommes moins bien informés au sujet des résultats des tribunaux de la santé mentale que pour ceux des tribunaux de traitement de la toxicomanie, et ce que nous savons vient surtout des États-Unis. Le juge Schneider, qui gère le tribunal de la santé mentale de Toronto, a écrit un livre sur le sujet qui a été publié l'année dernière. Dans cet ouvrage, il dit qu'il n'y a pas encore eu de bons résultats, surtout au Canada, et je serais d'accord avec lui. Toutefois, les renseignements préliminaires en provenance des États-Unis montrent que si vous comparez l'interaction des gens avec le système de justice pénale au cours de l'année qui a précédé leur comparution devant le tribunal de la santé mentale et l'année d'après, leur taux d'arrestation a été quatre fois moins important, ce qui représente une nette amélioration. Cela montre également que ceux qui ont suivi le programme risquent beaucoup moins de récidiver que ceux qui ne l'ont pas fait.
    Bien entendu, il y a aussi des résultats que vous pouvez mesurer. Il est très clair, d'après les données de notre tribunal, que les résultats s'améliorent sur le plan de la santé mentale. Les gens vont mieux. Ils continuent d'aller mieux. Ils suivent un traitement. Ils trouvent un logement, ce qui est souvent un facteur très important. Et ces personnes risquent beaucoup moins de se retrouver dans les établissements psychiatriques, ce qui coûte encore plus cher. Si elles séjournent dans un hôpital psychiatrique, c'est encore plus coûteux que si elles se retrouvent en prison.
    Nous ne savons pas encore vraiment si c'est avantageux sur le plan financier. Il ne faut pas oublier que si vous sortez des gens du système carcéral pour les placer dans le système psychiatrique, les deux sont financés par l'État. En fait, il s'agit de veiller à ce que les gens obtiennent le bon traitement et si c'est le cas, ils resteront en bonne santé et n'auront pas besoin d'être hospitalisés. Bien entendu, nous sommes un système de traitement géré par la province, et c'est donc difficile, mais selon moi, il faudrait mettre en place des meilleures dispositions juridiques pour traiter ceux qui souffrent d'une maladie mentale grave. Cela contribuerait au succès des tribunaux de la santé mentale.

  (1135)  

    Enfin, quels sont les défis? Il faut faire accepter ce modèle. Il faut le faire accepter par la Couronne. Il faut le faire accepter par les avocats de la défense. Les avocats de la défense se méfient souvent du tribunal de la santé mentale parce qu'ils peuvent conclure des ententes assez avantageuses avec un procureur de la Couronne dans un autre tribunal. Ils ne font donc pas toujours comparaître les gens devant un tribunal de la santé mentale s'ils pensent que ce ne sera pas utile.
    Mes collègues ne sont pas toujours contents de mon rôle auprès du tribunal de la santé mentale. Ils trouvent que je leur apporte trop de clients. C'est peut-être vrai, mais ce sont des clients dont ils devraient s'occuper de toute façon. Quand mes patients, que j'ai trouvés au tribunal de la santé mentale, se présentent dans leurs salles d'urgence, mais sont maintenant en contact avec des gens qui défendent leurs intérêts, cela les soumet à certaines pressions. Cela les oblige à les soigner.
    Voilà ce que j'avais à dire. Je peux répondre à vos questions plus tard.
    Merci, docteure Ward.
    Cela termine les exposés et nous allons passer aux questions en commençant par le Parti libéral.
    Monsieur Holland.
    Merci, monsieur le président, et je remercie les témoins. C'était très intéressant.
    Monsieur Brady, vous avez parlé de l'efficacité des tribunaux de traitement de la toxicomanie, mais il y a une ou deux choses que j'aimerais savoir.
    Premièrement, vous avez mentionné les cas dans lesquels ces tribunaux sont les plus efficaces, les cas dans lesquels il y a un problème récurrent et où rien d'autre ne semble marcher. Nous n'avons qu'un nombre limité de tribunaux de traitement de la toxicomanie. Combien de tribunaux supplémentaires faudrait-il pour répondre aux besoins actuels? Combien de plus en faudrait-il, selon vous?

  (1140)  

    Je peux parler du tribunal d'Edmonton, mais c'est un peu différent. Nous sommes le seul tribunal du Canada qui obtient des services de traitement à l'extérieur. Nous comptons sur les fournisseurs de soins de la collectivité pour nous fournir des traitements. Nous avons beaucoup de difficulté à trouver des places. Pour le moment, 24 personnes participent à notre programme. Nous en avons 22 autres sur la liste d'attente. Elles sont en prison en attendant une place dans un établissement de soins ou parfois un logement. Je pense que le logement pose un sérieux problème dans l'ensemble du pays. Ce sont là certaines de nos difficultés.
    Je voudrais que vous nous parliez de certaines de vos autres difficultés. Nous savons que 80 p. 100 des détenus ont un problème de toxicomanie et qu'une des difficultés est d'assurer la continuité des soins. Les gens qui suivent la mauvaise voie et commettent un acte criminel n'ont généralement pas accès aux ressources communautaires. Ensuite, à leur sortie de prison, ils ont de la difficulté à rétablir le contact avec une communauté qui peut les aider à rester sur la bonne voie.
    Pouvez-vous nous parler de vos difficultés à assurer la continuité des soins? Quel est le soutien qu'offre la collectivité après les tribunaux et la prison?
    Nous avons appris que tout programme de traitement de moins de 90 jours offert aux délinquants toxicomanes est inefficace. En Alberta, la plupart de nos programmes durent 42 jours. Environ 70 à 80 p. 100 de nos clients sont d'abord traités dans un établissement. Quand ils en sortent, ils sont très optimistes. Ils pensent qu'ils peuvent réussir. Néanmoins, ils sont confrontés presque immédiatement à des difficultés qu'ils n'ont jamais imaginées. À ce moment-là, nous restons en contact très étroit avec eux. Notre équipe de traitement les voit une fois par semaine. Ils vont au tribunal au moins une fois par semaine. Nous veillons sur leur honnêteté en leur faisant subir des analyses d'urine fréquentes et à l'improviste pour nous assurer qu'ils ne s'écartent pas du droit chemin. Nous les récompensons quand ils se comportent bien. Nous les aidons avec les programmes en 12 étapes, qui sont importants. Nous les mettons en contact avec des programmes de prévention de la rechute et d'autres programmes pour patients externes. Nous essayons de les remettre sur la bonne voie. Nous essayons de leur redonner certaines des choses qu'ils ont perdues, comme leur identité. Nous essayons de les intéresser à l'éducation. Certaines de ces personnes ont un grand potentiel, mais pas beaucoup d'instruction et nous essayons donc de les réintégrer dans le système d'éducation afin qu'elles puissent retourner sur le marché du travail.
    Peut-on dire que le genre de traitement que vous venez de décrire est l'exception plutôt que la règle, autrement dit, que la plupart des gens, actuellement, n'obtiennent pas cette continuité de soins, cet appui pour recevoir les compétences dont ils ont besoin pour ne pas récidiver, pour ne pas commettre un autre acte criminel et se retrouver constamment devant la justice?
    Je dirais que c'est vrai. Bien entendu, la plupart des gens qui sortent du système carcéral se retrouvent sans rien à leur sortie. Dans notre système, c'est là que nous les plaçons. Nous les faisons participer aussitôt à différents programmes et ils ont donc de quoi s'occuper à la fin de leur traitement. En général, ils passent de la prison au traitement, puis à nos services.
    Et nous restons en contact avec eux pendant qu'ils suivent leur traitement. Nous essayons de répondre également à leurs besoins pendant leur traitement. Par conséquent, nous essayons vraiment de rester en contact avec eux afin qu'ils sachent qu'ils auront de l'aide, qu'ils auront quelqu'un sur qui s'appuyer et ils savent qu'ils peuvent nous faire confiance. Cela prend parfois un peu plus longtemps, mais ce sont des choses que nous faisons pour les remettre sur la bonne voie et les soutenir afin que, lorsqu'ils terminent notre programme, ils aient les compétences nécessaires pour se concentrer sur leur guérison et sur les autres domaines.
    Monsieur Budd, avez-vous quelque chose à ajouter? Vous avez fait signe que oui.
    Si vous le permettez, je dirais que votre question se rapporte directement à l'objectif même des tribunaux de traitement de la toxicomanie.
    Premièrement, je dois bien préciser que le tribunal de traitement de la toxicomanie est, en fait, une solution de rechange pour remplacer l'incarcération. Même s'ils sortent de prison et s'ils peuvent y avoir fait de longs séjours, la majorité des participants sont admis dans notre programme après une brève période d'incarcération.
    L'intérêt particulier des tribunaux de traitement de la toxicomanie est que les participants suivent un traitement dans la collectivité où ils résident. Ils apprennent à s'abstenir de consommer de la drogue et à éviter de commettre des actes criminels dans leur collectivité. Ils ne sont pas envoyés dans un environnement artificiel ou un établissement. Ils apprennent à s'éloigner de ceux avec qui ils ont consommé de la drogue; ils apprennent à les éviter. Ils apprennent comment éviter ce genre de situations dans leur milieu.

  (1145)  

    Si vous le permettez, je voudrais poser une question à Mme Ward.
    Cela m'intéresse, car nous entendons diverses statistiques au sujet de l'incidence des maladies mentales graves dans nos prisons. Certains parlent de 20 p. 100 pour les détenus du sexe masculin et de 60 p. 100 pour les détenues du sexe féminin. Vous avez mentionné le modèle américain et ses tribunaux de traitement des maladies mentales qui ont fait la preuve de leur efficacité.
    Je me demande si vous pourriez comparer les modèles qui sont utilisés aux États-Unis avec les modèles différents utilisés au Canada que vous avez mentionnés. Y a-t-il un modèle qui fonctionne particulièrement bien selon vous? Comment nos modèles se comparent-ils à ceux qui sont appliqués aux États-Unis?
    Je ne pense pas qu'on puisse établir clairement un parallèle avec les États-Unis, car les peines y sont beaucoup plus longues pour les infractions que nous jugeons souvent relativement mineures au Canada. Bien entendu, l'incitatif est beaucoup plus grand lorsque le tribunal dit aux gens que s'ils acceptent de faire certaines choses, ils n'iront pas en prison. C'est un incitatif beaucoup plus grand que celui qu'il peut y avoir dans un tribunal de la santé mentale.
    Je dirais que je ne préconise pas vraiment un modèle particulier. Je crois important que le modèle soit adapté à la collectivité. Les communautés différentes répondent à des traitements différents et on ne pourrait jamais rendre les options de traitement universelles. Je crois important de permettre à chaque collectivité d'adopter le modèle qui lui convient, mais il faut lui donner des principes directeurs. Ces principes sont qu'il faut avoir du personnel spécialisé, des traitements et des logements disponibles quand c'est nécessaire et il faut aussi s'assurer que la participation est volontaire et qu'elle donnera des meilleurs résultats pour le participant que ceux qu'il obtiendrait autrement.
    On a notamment reproché aux tribunaux de la santé mentale le fait que les gens sont parfois obligés de faire plus d'efforts que s'ils n'étaient pas malades mentaux. Il faut donc veiller à éviter cela au Canada et c'est pourquoi je dis que ce genre d'initiative devrait être centrée sur les infractions de niveau deux plutôt que seulement sur les infractions non violentes de niveau un. Je pense qu'il faudrait se concentrer sur les infractions de niveau deux parce que c'est là que votre intervention est la plus rentable.
    Merci.
    Très bien. Votre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant au Bloc québécois.
    Monsieur Ménard, allez-vous commencer?

[Français]

    Y a-t-il des Tribunaux de traitement de la toxicomanie au Québec?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Connaissez-vous le Centre le Portage?

[Traduction]

    Désolé, je ne le connais pas.
    Oui.

[Français]

     Pourriez-vous comparer les Tribunaux de traitement de la toxicomanie au Centre le Portage?

[Traduction]

    D'après ce que je sais du Centre le Portage — et nous avons eu des clients qui y sont allés — ce n'est pas un tribunal de traitement de la toxicomanie au sens strict du terme; c'est un centre de traitement qui accepte des gens qui ont maille à partir avec la justice, ce qui est difficile.
    Je ne peux malheureusement pas parlé pour le Québec. En Ontario, il est très difficile pour les gens qui sont aux prises avec la justice d'obtenir un traitement de désintoxication jusqu'à ce que leur problème soit résolu. Je crois que le Centre le Portage accepte les personnes qui ont des démêlés avec la justice.

[Français]

    Le Centre le Portage n'a pas été créé en fonction de personnes aux prises avec des problèmes reliés aux tribunaux, mais pour des gens aux prises avec de très sérieux problèmes de toxicomanie, généralement des héroïnomanes. Quand je les présente, je dis aux gens de s'imaginer les Alcooliques Anonymes, mais à un degré très élevé. Évidemment, parmi les gens qui allaient au Centre le Portage, certains avaient des problèmes juridiques ou des problèmes reliés aux tribunaux, mais d'autres n'en avaient pas encore.
    Je sais que c'est une approche totalement différente et, en ce qui a trait aux tribunaux de traitement de la toxicomanie, qu'il doit d'abord y avoir une accusation devant les tribunaux au criminel.

  (1150)  

    Si vous le permettez, monsieur, j'aimerais préciser que j'ai été substitut du procureur général à Gatineau pendant presque trois ans. Au Québec, on a l'avantage, en tant que procureur, de traiter de crimes de juridiction provinciale, comme dans la majeure partie du Canada, mais aussi de crimes liés aux stupéfiants et de poursuites reliées à des contraventions à la loi qui réglemente certaines drogues et substances.
    Ayant travaillé au Québec, j'ai une certaine expérience en la matière. On n'a pas de Tribunaux de traitement de la toxicomanie. On est donc obligé de trouver d'autre moyens et de créer un genre de diversion, comme ça se fait dans les cas des problèmes de santé mentale. On a recours à des ordonnances de sursis. On trouve des partenaires qui sont prêts à employer des accusés aux prises avec des problèmes de stupéfiants et on essaie de modifier la sentence de façon à ce que ces accusés puissent suivre un traitement. On contrevient à la loi qui exige l'application de la sentence tout de suite après le plaidoyer...
    Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Moffat, mais je n'ai que sept minutes. Je comprends, d'après vos propos, que vous connaissez le Centre le Portage.
    Oui.
    Vous savez sans doute qu'au Québec, plusieurs organisations ont été créées dans la foulée du Centre le Portage. Elles ne sont pas aussi dures que le Centre le Portage, mais elles cherchent à réhabiliter ces gens.
    Oui.
    Vous constatez que beaucoup d'avocats cherchent à référer leurs clients à ces endroits, de façon à ce que ceux-ci obtiennent de meilleures sentences.
    En effet.
    Je ne connaissais pas l'approche des Tribunaux de traitement de la toxicomanie.
    Dois-je comprendre que l'une de leurs caractéristiques est le fait qu'il doit toujours y avoir au départ une accusation au criminel?
    Ça commence non seulement par une accusation, mais aussi par une demande que nous soumet un avocat de la défense.
    Il y a aussi l'intervention d'un juge, n'est-ce pas?
    Absolument.
    Dans les documents que vous nous avez fait parvenir, on parle entre autres du trouble bipolaire. Je ne peux pas m'empêcher de vous poser une question.
    Je croyais que le trouble bipolaire se soignait facilement, grâce au lithium, mais que la plus grande difficulté était de convaincre les gens atteints de cette maladie de continuer leur traitement. En effet, une fois revenus à la normale, ils pensent ne plus en avoir besoin et font une rechute. Par contre, si la personne suit son traitement, elle peut mener une vie exemplaire. Vous savez probablement que Pierre Péladeau était bipolaire et que de grands artistes l'étaient aussi.
    Il me semble que dans le cas de gens atteints de cette maladie, la solution est simple: on peut simplement leur dire de suivre leur traitement.

[Traduction]

    Ce n'est pas compliqué de dire à quelqu'un qu'il souffre de troubles bipolaires de prendre ses médicaments, mais il est difficile de convaincre cette personne de le faire si elle ne se rend pas compte de son état. Dans un tribunal de la santé mentale, elle a des travailleurs sociaux pour la soutenir, un service de logement, de l'aide pour résoudre certaines autres difficultés. Vous l'aidez à conclure une alliance et à comprendre qu'elle peut améliorer sa vie et elle commencera alors à prendre des médicaments. Souvent, je prescris aux gens des médicaments qui les aident sur un autre plan, par exemple pour dormir, etc. Ensuite, graduellement, lorsqu'ils vont mieux, ils prennent davantage conscience de leur condition.
    Vous avez raison de dire que bien des gens souffrant de troubles bipolaires se débrouillent très bien, mais il y a aussi un petit groupe de ces personnes qui sont difficiles à traiter. Vous ne pouvez pas les convaincre de continuer à prendre leurs médicaments et elles consomment souvent d'autres substances, ce qui crée un cercle vicieux.

[Français]

    D'après ce que j'ai compris, vous n'acceptez pas les gens accusés de trafic de drogue. Or il me semble qu'un bon nombre de grands consommateurs, qui ont une très forte dépendance à la drogue, finissent pas en faire le trafic pour avoir les moyens d'en consommer. Il me semble que cette forme de dépendance est un problème que vous devriez traiter.

  (1155)  

    Il vous reste 25 secondes.
    On accepte des gens qui font du trafic de drogue. C'est laissé à la discrétion de la Couronne, qui étudie ces dossiers cas par cas. Elle détermine s'il s'agit de trafic à des fins de consommation personnelle ou à des fins commerciales. Les gens qui s'adonnent à du trafic à des fins commerciales sont exclus du programme.
    Nous allons maintenant passer à M. Davies.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, je tiens à remercier chacun d'entre vous de comparaître devant nous aujourd'hui, et surtout de venir insuffler un peu d'air frais dans ce qui peut être une situation très difficile. Vous semblez nous dire qu'il y a des solutions progressistes et novatrices, autres que la prison, qui sont non seulement préférables pour les intéressés, mais qui réussissent assez bien à traiter les causes sous-jacentes. Je tiens à vous remercier pour le travail que vous faites.
    Ma première question est sans doute le résultat de ma mauvaise prise de notes, mais je voudrais clarifier quelque chose.
    Madame Trottier, si j'ai bien compris, vous avez dit que le financement des six tribunaux de traitement de la toxicomanie existants a été prolongé jusqu'en mars 2012. Toutefois, j'ai cru vous entendre dire que nous n'avons pas vraiment de moyen d'évaluer l'efficacité de ce programme. Ai-je bien compris?
    Nous avons récemment terminé l'évaluation sommative des quatre premières années du programme, de 2005 à 2009. La conclusion de cette évaluation est que nous avons besoin de plus de temps pour déterminer s'il s'agit ou non d'une approche efficace ou rentable.
    Si vous me permettez d'approfondir un peu plus, cherchez-vous à voir si c'est rentable ou c'est efficace?
    Nous allons examiner les deux. Il est possible de déterminer si c'est rentable ou non, mais quand vous avez une clientèle ayant de gros besoins, en plus de la rentabilité, il s'agit de voir si le programme est efficace. Nous explorons certains éléments relatifs aux coûts, mais aussi d'autres concernant l'efficacité.
    Le reste des témoignages — du moins une bonne partie — m'a laissé entendre que ces programmes, à la fois les tribunaux de la santé mentale et les programmes de déjudiciarisation pour le traitement de la toxicomanie, sont très efficaces. Quelqu'un voudrait-il en parler et nous dire si nous devrions ou non élargir ce programme de façon à ce qu'il y ait un plus grand nombre de ces tribunaux dans l'ensemble du pays?
    Je peux attester que les tribunaux de traitement de la toxicomanie des différentes régions du pays donnent des résultats variables et c'est à cela, je pense, que Margaret faisait allusion. Nous voyons des résultats très prometteurs et très encourageants. Cela permet de réaliser d'importantes économies. Je peux surtout parler d'Edmonton, car c'est de là que je viens. Nous avons évalué le rendement sur l'investissement dans notre programme et chaque dollar que nous avons dépensé a rapporté 5,90 $.
    Nous savons aussi que nous avons enregistré, au Canada, des taux de succès allant jusqu'à 32 p. 100. Je devrais peut-être parler plutôt de « taux d'achèvement » car le succès est difficile à mesurer quand vous avez des gens qui n'obtiennent pas l'attestation de réussite, mais qui ont bénéficié du programme, même s'ils ont décidé de l'abandonner un peu avant la fin. Cela arrive un peu partout. Pour une raison ou pour une autre, ces personnes ont décidé de ne pas aller plus loin. Un grand nombre d'entre elles évitent quand même de retomber dans la toxicomanie. Nous aimerions qu'elles suivent le programme plus longtemps, mais elles ont décidé de l'abandonner, car ce n'est pas un programme facile.
    Monsieur Budd, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Les personnes qui se présentent devant les tribunaux de traitement de la toxicomanie comptent généralement parmi les plus défavorisés de la société. Très souvent, elles sont sans abri. Elles ont de très grands besoins et, en raison de leurs antécédents, elles risquent fort de récidiver.
    Il est difficile de faire une évaluation nationale et d'en tirer des données concluantes, notamment en raison de la nature différente de chaque tribunal. Comme l'a dit la Dre Ward, les tribunaux sont conçus de façon à répondre aux besoins particuliers et à la structure propre à chaque collectivité. Je peux dire qu'à Ottawa, les participants à notre programme — nous les évaluons très attentivement au préalable et nous avons de longs entretiens avec eux — consomment en moyenne chaque jour pour 500 $ de drogue avant d'arriver chez nous. Évidemment, toute cette consommation doit être financée au moyen d'activités criminelles. Bien sûr, vous ne commettez pas pour 500 $ d'activités criminelles pour acheter 500 $ de drogue. Le coût de ces activités est beaucoup plus élevé.
    Nous avons analysé l'impact de notre programme et constaté que sur une période d'un an, la valeur de la drogue qui n'a pas été consommée dans notre collectivité s'élève à 3 millions de dollars. Cela ne tient même pas compte des activités criminelles requises pour financer cette consommation. Je pense donc que ces tribunaux sont très efficaces.
    Pour ce qui est de réduire les activités criminelles, au cours de notre première année d'existence, nous fonctionnions différemment. N'oubliez pas que les tribunaux de traitement de la toxicomanie existent au Canada depuis environ trois ans, depuis le dernier accord de financement, et que nous apprenons au fur et à mesure. Au cours de notre première année, environ 40 p. 100 de nos clients ont récidivé pendant qu'ils participaient au programme. Nous avons augmenté l'intensité du programme. Nous avons tenu compte du raisonnement des criminels. Cela nous a permis de réduire cette proportion à environ 14 p. 100. Elle a encore diminué depuis.
    N'oubliez pas qu'il y a deux types de récidives: celles pour lesquelles le délinquant est attrapé et celles pour lesquelles il n'est pas attrapé. Celui qui consomme pour 500 $ par jour de drogue commet un acte criminel chaque jour — de nombreux actes criminels. J'ai récemment parlé à un client qui m'a dit qu'il volait toute la journée dans les magasins, jusqu'à leur fermeture et qu'ensuite il volait dans les automobiles. Je dirais que chaque journée pendant laquelle un client est au tribunal de traitement de la toxicomanie, ne consomme pas de drogue et ne commet pas d'actes criminels est une bonne journée pour notre collectivité.

  (1200)  

    Merci.
    En ce qui concerne les tribunaux de la santé mentale, qui me semblent être également une excellente idée, je voudrais savoir quels sont, au contraire, les effets de l'incarcération des délinquants souffrant de troubles mentaux. Nous parlons de les sortir de prison. Combien coûte-t-il de les incarcérer sans les soigner ou en les soignant, selon le cas?
    Cela entraîne certains coûts. L'un d'eux est qu'ils sont impliqués dans un plus grand nombre de conflits au sein de l'établissement. Cela entraîne une augmentation de l'isolement, des altercations avec les gardiens, ce qui se traduit par des congés de maladie, des congés pour blessure, etc. Cela risque également d'entraîner des suicides. Vous vous retrouvez avec des gens qui ont besoin de médicaments psychiatriques assez coûteux pendant qu'ils sont dans un établissement correctionnel, et sans doute encore plus que s'ils étaient à l'extérieur. Vous vous retrouvez avec des gens qui sortent de prison sans qu'on ait prévu pour eux un programme de traitement si bien qu'ils retournent rapidement derrière les barreaux. J'ai quelques personnes sur qui je ne peux même pas mettre la main avant qu'elles ne retournent en prison. Voilà le genre de choses que nous devons vraiment changer, car cela finit pas augmenter les périodes d'incarcération.
    C'est au tour de M. Rathgeber, pour sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le vice-président.
    Merci beaucoup à vous tous pour vos excellents exposés d'aujourd'hui.
    Je vais commencer par Mme Trottier.
    Vous avez dit que les participants ne suivent pas tous le programme jusqu'au bout, mais sans nous préciser quel pourcentage réussissent à le faire. Je voudrais savoir si vous avez ce chiffre.
    Comme on l'a mentionné, il est difficile de faire une évaluation au niveau national parce que nous réunissons les résultats des différents programmes du pays. Les statistiques actuelles montrent que les taux de réussite aux divers programmes vont de 6 p. 100 à 36 p. 100. Il est certain que nous devons recueillir des meilleures données pour mieux comprendre quels sont ces taux.
    Monsieur Brady, avez-vous des statistiques au sujet des participants qui réussissent le programme d'Edmonton?
    Oui, j'en ai.
    Quel est votre taux?
    Quand nous avons fait notre évaluation initiale, il était de 27,5 p. 100 et il est maintenant passé à 32 p. 100. Tous ceux qui ont réussi le programme revienne nous voir. Certains de ceux qui n'ont pas obtenu leur attestation de réussite reviennent également nous voir. Même après avoir été renvoyés du programme, ils reviennent nous voir pour nous dire qu'ils sont fiers de leurs résultats.
    Certainement. Les 68 p. 100 environ des participants qui ne réussissent pas le programme doivent donc purger leur peine, je suppose. Au départ, leur sentence est suspendue, mais s'ils ne réussissent pas le programme, ils sont assujettis à une amende, une période de probation ou peut-être une peine de prison, n'est-ce pas?
    C'est exact, et je pense que la plupart des gens qui se présentent devant les tribunaux de traitement de la toxicomanie, au Canada, sont condamnés à une peine de prison. La sentence qui a été prononcée au départ est donc généralement exécutée. C'est un règlement rapide de l'affaire. Dans les provinces, ces personnes reçoivent une peine d'emprisonnement de 18 mois à trois ans, mais elle peut être de deux ans moins un jour, je crois, à Ottawa. C'est donc variable d'une province à l'autre, mais c'est la sentence initiale qui s'applique.

  (1205)  

    Monsieur Brady, je dois contester une de vos statistiques. Vous avez dit que 11,6 p. 100 de ceux qui réussissent votre programme ne sont pas des récidivistes. Je voudrais savoir comment vous arrivez à ce chiffre, car à moins de les suivre jusqu'à la fin de leur vie, il n'est pas vraiment possible de le savoir. Est-ce au bout d'un an ou de deux ans? D'où vient ce chiffre de 11,6 p. 100?
    Il provient de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime. Sur ceux qui ont suivi avec succès les programmes du tribunal de traitement de la toxicomanie, 11,6 p. 100 ont eu de nouveaux démêlés avec la justice et, bien entendu, ce n'est pas possible à mesurer. Je suis d'accord que c'est sans doute au bout de deux ans. C'est ce que je suppose.
    Deux ans, très bien. Pourriez-vous me trouver ces renseignements?
    Je vais vérifier et je communiquerai avec vous.
    Je dois avouer que j'ai passé une demi-journée avec M. Brady et le juge Wong au tribunal de traitement de la toxicomanie d'Edmonton et c'était un après-midi vraiment fascinant. J'ai beaucoup appris et j'invite tous les membres du comité à le faire, d'autant plus que nous avons un de ces tribunaux à Ottawa.
    Madame Trottier, vous avez dit que le financement du programme est prolongé jusqu'en 2012. Le projet de loi C-15, qui est coincé au Sénat depuis environ six mois, contient des dispositions pour confier un rôle élargi aux tribunaux de traitement de la toxicomanie et nous n'en avons pas parlé. Je suppose que vous connaissez ces dispositions et ce qu'elles représentent pour le programme si le projet de loi C-15 finit par être adopté. Je me demande si vous ne pourriez pas informer le comité au sujet de ces dispositions.
    Le projet de loi C-15 prévoit une exemption qui permet aux délinquants d'éviter la peine minimum obligatoire s'ils sont acceptés dans un programme de traitement. Cet élément de la loi a une double application. Il fait spécifiquement mention des tribunaux de traitement de la toxicomanie, mais également du traitement de la toxicomanie en général. C'est aux procureurs généraux des provinces qu'il reviendra de décider des autres niveaux de traitement qui conviennent dans les circonstances.
    Je suppose que je n'ai plus beaucoup de temps.
    Il vous reste trois minutes.
    Pour revenir à M. Brady et à cette journée d'été que j'ai passée avec lui en juillet, je l'ai trouvée très intéressante. J'ai une formation juridique, mais j'ai l'habitude d'un contexte juridique plus antagoniste, comme les membres du comité s'en seront probablement rendu compte. Bien entendu, c'est très différent.
    L'expression « justice réparatrice » m'a vraiment surpris, car elle est presque oxymorique, surtout pour quelqu'un de la vieille école comme moi. Je me demande ce que vous-même ou votre homologue d'Ottawa faites pour commercialiser votre tribunal. Je reconnais qu'il compte de nombreux succès. Néanmoins, je ne connaissais pas votre programme, même si j'ai exercé le droit à Edmonton pendant 17 ans. Que faites-vous ou que pouvez-vous faire pour commercialiser votre programme, pour convaincre les sources de financement comme le Parlement et les membres des associations du barreau d'y souscrire, comme l'a suggéré la Dre Ward?
    Nous allons souvent en parler dans la collectivité. En fait, une année, je l'ai fait 52 fois en un an. Cela représente, en moyenne, une fois par semaine. Nous allons nous adresser à différents organismes. Nous allons parler dans les universités et les collèges. Nous avons pris la parole devant la Criminal Trial Lawyers Association. L'Alberta Criminal Justice Association a consacré une journée entière aux tribunaux de traitement de la toxicomanie, à l'intention des tribunaux de l'Alberta, à Red Deer, en octobre. Nous participons à des conférences pour les agents de probation.
    Nous allons en parler partout où nous pouvons aller. Nous emmenons des participants avec nous. Nous emmenons des gens qui ont suivi le programme avec succès parce qu'ils appuient très fort notre programme et continuent à travailler avec nous dans le cadre de notre groupe d'anciens participants. Nous organisons des barbecues. Nous faisons avec eux toutes sortes de choses dont je vous épargnerai la liste.
    Les participants à votre programme se présentent chaque semaine, n'est-ce pas?
    Une fois par semaine.
    Monsieur Budd, vous ai-je bien entendu dire qu'au départ, ils viennent tous les jours?
    Deux fois par semaine. Ils viennent à notre centre de traitement tous les jours et ils vont au tribunal deux fois par semaine.
    Puis-je ajouter une dernière chose en réponse à votre question?
    En 15 secondes, oui.

  (1210)  

    D'autre part, nous avons formé une association des tribunaux de l'ensemble du pays. Nous avons constitué une société et nous avons élu M. Doug Brady comme notre porte-parole. C'est une autre façon de nous faire connaître.
    M. Kania a la parole pour cinq minutes, pour le deuxième tour.
    Merci, monsieur le vice-président.
    Je vous remercie tous pour votre présence ici. Bien entendu, j'appuie les deux types de tribunaux. Nous sommes ici aujourd'hui pour voir ce que nous pouvons faire pour améliorer les choses.
    Je vais donc d'abord parler de la santé mentale.
    Docteure Ward, la chose la plus inquiétante que j'ai entendue aujourd'hui est une de vos déclarations initiales selon laquelle le nombre de personnes incarcérées a augmenté pendant que le nombre de places a diminué dans les hôpitaux. J'aimerais donc commencer par ce sujet et que vous me disiez, si vous le savez, ce qu'on pourrait faire pour renverser cette tendance et remettre le système sur la bonne voie. Cela pourrait être aussi simple que de dire qu'il nous faut un nombre x de lits supplémentaires, mais je suppose que c'est un peu plus compliqué.
    Je n'irais pas bien loin si je disais que nous avons besoin d'un certain nombre de lits supplémentaires. Je pense que le budget de la santé mentale est hors de proportion avec celui des autres domaines de la santé. La Commission de la santé mentale du Canada a été assez claire à ce sujet, je pense. C'est assez bien établi.
    La transinstitutionalisation est également un phénomène reconnu. C'est ce qui s'est passé. Ce dont nous avons besoin, je pense — et la Commission de la santé mentale du Canada a commencé à se pencher sur la question — c'est de plus de logements pour les personnes souffrant d'une maladie mentale. Nous avons besoin de plus de logements abordables pour les malades mentaux. Vous ne pouvez pas mettre en place un traitement en l'absence d'un logement adéquat. C'est ce qui nous manque. Si vous ne voulez pas que les gens occupent des lits d'hôpital, très bien. Mais je ne peux pas les garder en bonne santé s'ils vivent dans des maisons de chambres pleines de drogue ou des refuges dans lesquels ils ne peuvent pas rester pendant la journée. C'est probablement une des principales mesures que l'on pourrait prendre: des programmes de logement spécialement pour les malades mentaux.
    Il faudrait aussi envisager un financement ou des modèles qui inciteraient les praticiens de la santé mentale, y compris les médecins, à soigner les malades mentaux. Rien n'incite vraiment à vouloir aider cette population alors qu'à peu près tous les psychiatres du pays pourraient fermer leurs cabinets demain et continuer à vivre confortablement. Désolée si je suis un peu trop directe. Vous devez créer des incitatifs autres que nos propres valeurs pour nous amener à traiter cette population.
    Avez-vous des études ou des propositions écrites indiquant très précisément ce qu'il faudrait mettre en place, pour le logement abordable…?
    Je ne pense pas pouvoir vous donner plus de précisions. Des projets sont en cours. Il y a déjà des modèles. En tout cas au niveau provincial, il y a des logements pour les malades mentaux. Il y a en Ontario, par exemple, des lits de crise pour les personnes souffrant d'une maladie mentale qui ont des démêlés avec la justice. Ces dispositions existent. Il n'y en a pas suffisamment.
    Je ne sais pas dans quelle mesure il est nécessaire d'étudier la situation. En ce qui concerne les tribunaux de la santé mentale, toutefois, nous n'avons pas de données sur les résultats. C'est parce que nous n'avons pas d'argent pour cela. Nous pouvons essayer de le faire avec nos ressources cliniques, mais le budget de tous les organismes de santé mentale ou de santé a été réduit à sa plus simple expression. Nous n'avons donc pas une équipe d'analystes prêts à faire des études. Voilà le genre de choses qu'il faudrait sans doute financer.
    J'ai quatre questions différentes concernant les tribunaux de la santé mentale avant de passer aux tribunaux de traitement de la toxicomanie, si j'en ai le temps.
    Premièrement, la Couronne contrôle l'accès. C'est elle qui décide si quelqu'un doit être renvoyé au tribunal de la santé mentale.
    Oui, mais généralement c'est avec l'aide des professionnels de la santé mentale qui disent si l'intéressé doit ou non y aller. À Ottawa, nous examinons les personnes qui ont été arrêtées par la police et chez qui on a décelé un problème éventuel de santé mentale. Nous avons également une clinique externe qui peut aussi faire un dépistage. Cela peut donc aider la Couronne.
    On vient de me dire qu'il me reste une minute.
    Je vais passer à ma troisième question. Au cours de votre exposé, vous avez mentionné qu'il faudrait des meilleures dispositions juridiques concernant le traitement au sein de la collectivité. C'est ce que j'ai écrit. Pouvez-vous expliquer exactement ce que vous voulez dire?
    Il y a différentes dispositions, au niveau provincial, qui régissent le traitement dans la collectivité — des ordonnances qui permettent de traiter un malade mental qui a besoin d'un traitement, mais qui ne reconnaît pas qu'il en a besoin. Il s'agit généralement de personnes souffrant de schizophrénie ou de maladies similaires qui ont besoin de médicaments antipsychotiques. Ils peuvent souvent leur être administrés par injection toutes les deux semaines. Toutefois, même si elles existent, la plupart des dispositions permettant le traitement dans la collectivité penchent en faveur des droits de la personne malade plutôt qu'en faveur des droits de sa famille ou des personnes qui peuvent voir que la personne est malade, ou même en faveur de la communauté si la personne a commis des infractions contre la communauté.

  (1215)  

    Monsieur MacKenzie, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président, et je remercie les témoins pour leur présence ici aujourd'hui. J'ai tant de questions à poser que j'aimerais pouvoir discuter avec chacun de vous pendant deux heures.
    Il y a eu certains changements, je suppose, ces dernières années, surtout en ce qui concerne la drogue. La question de la méthadone est assez intéressante, car il semble que l'on prescrive légalement beaucoup plus d'opiacés. Par conséquent, non seulement leur utilisation légale, mais leur utilisation illégale, ou injustifiée, a donné naissance à toutes sortes de cliniques de méthadone dans nos collectivités. Je voudrais savoir si vous constatez une amélioration chez les personnes dépendante de l'opiacée qu'est la méthadone ou si nous remplaçons seulement les opiacés par de la méthadone, ce qui perpétue le problème?
    Merci.
    Non, nous constatons une amélioration importante chez les personnes qui participent aux programmes d'entretien à la méthadone. C'est sous surveillance médicale. La méthadone est prescrite dans un endroit où l'intéressé rencontre quotidiennement les fournisseurs de services. Elle n'a pas le même effet euphorisant que les opiacés en vente dans la rue.
    Vous avez raison de dire qu'un grand nombre de participants sont dépendants de médicaments délivrés sur ordonnance qu'ils ont obtenu illégalement. Le traitement d'entretien à la méthadone a été très efficace pour un grand nombre de nos participants.
    J'aurais une observation à faire à ce sujet.
    Ces cas ne sont pas nombreux dans notre programme. Je sais qu'il y en a quelques-uns à Vancouver et je ne sais pas combien James en voit à Ottawa. Nous en avons deux dans notre programme et ces personnes ont également eu des bons résultats, mais c'est un médicament qu'elles vont prendre toute leur vie. Il est plus difficile de s'en sevrer que pour toute autre drogue. C'est comme l'insuline pour un diabétique. Une fois qu'on commence, c'est pour la vie.
    Très bien.
    Monsieur Moffat, j'ai apprécié les questions de M. Kania concernant les procureurs de la Couronne, mais au cours des années, j'ai remarqué que les procureurs de la Couronne et la police travaillent ensemble pour trouver une solution sans que le tribunal n'ait à l'ordonner. Je voudrais savoir si en tant que procureur de la Couronne, vous constatez que les programmes sont beaucoup plus efficaces du fait que les gens y participent volontairement plutôt que sur l'ordre des tribunaux?
    Si votre question porte sur mon expérience personnelle, cela va faire sept ans que je suis procureur dans différentes provinces. Le suivi que vous avez au tribunal et la possibilité pour la Couronne de venir au tribunal deux fois par semaine… maintenant à Ottawa, cela pourrait être une fois par semaine. Mais le fait de rencontrer ces personnes une ou deux fois par semaine, d'avoir ce suivi et de leur faire suivre un traitement pendant que la sentence reste suspendue au-dessus de leur tête semble donner des résultats.
    Je suppose que si les gens participent volontairement, de leur propre chef — s'ils suivent le traitement de leur propre initiative — cela fonctionne également. Néanmoins, le problème est toujours que lorsqu'ils suivent un traitement dans un établissement, à leur retour dans la collectivité, ils ne savent pas comment éviter de replonger. L'avantage du tribunal de traitement de la toxicomanie d'Ottawa, par exemple, est qu'il enseigne aux gens comment s'abstenir de consommer de la drogue dans la collectivité où ils retourneront à la fin de leur sentence.
    Vous voulez dire, je suppose, que s'ils sont dans le système judiciaire, ils sont incités à participer aux programmes, n'est-ce pas?
    Absolument. Plus la sentence est sévère, plus l'incitation est forte.
    Merci.
    Docteure Ward, comme notre étude porte sur la santé mentale et la toxicomanie, pour la plupart d'entre nous, nous avons l'impression que le système carcéral joue un rôle qui ne devait pas être le sien. Les personnes atteintes de troubles mentaux que la société a laissé tomber se retrouvent en prison. Existe-t-il une solution miracle que nous devrions envisager pour remédier rapidement à cette situation?

  (1220)  

    Je crois qu'il s'agit de nous donner des outils plus solides. Nous devons pouvoir obliger les gens à recevoir un traitement, surtout s'ils ont eu des démêlés avec la justice pénale. Cela peut être très compliqué du point de vue juridique, car lorsqu'on oblige quelqu'un à suivre un traitement, c'est quelque chose de très grave du point de vue juridique. Néanmoins, c'est ce que nous devons pouvoir faire.
    Merci.

[Français]

    Je vais maintenant céder la parole à Mme Mourani.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour à tous. Je vous remercie d'être présents parmi nous.
    J'aimerais savoir, concernant le Tribunal de santé mentale, s'il y en a plusieurs au Canada ou s'il n'y en a qu'à Ottawa.

[Traduction]

    Il y a de nombreux tribunaux de santé mentale au Canada. Il y en a sans doute huit ou dix en Ontario et on en trouve un peu partout dans le pays. Il y en a un à Montréal dont les représentants sont récemment venus nous visiter ici. Je suis sûre qu'il y en a d'autres au Québec, mais je ne les connais pas.

[Français]

    Dans le document qu'on nous a remis, on dit que ces tribunaux traitent essentiellement d'infractions qui doivent justifier le retrait de la personne du système de justice régulier. Ils semblent s'attaquer à un certain type de délits reliés à la santé mentale. De quels délits s'agit-il exactement?
     Si une personne chez qui on a diagnostiqué un problème de santé mentale commet un vol, vend de la drogue ou tue quelqu'un, quels critères feront en sorte qu'elle soit traitée dans un Tribunal de santé mentale plutôt que d'être référée à un tribunal ordinaire?

[Traduction]

    Encore une fois, c'est mon opinion personnelle, mais un tribunal de la santé mentale pourrait être utilisé pour les infractions qu'on ne jugeait pas admissibles à la déjudiciarisation jusqu'à présent, par exemple en cas de violence conjugale. Il nous arrive souvent, dans notre tribunal, de voir des couples dont les deux conjoints souffrent de troubles mentaux. Ils vivent ensemble. Il y a eu parfois des incidents antérieurs pour lesquels la police est venue. Même s'il est évident que la personne est malade, elle a été arrêtée au lieu d'être hospitalisée, peut-être parce que cela n'avait pas été efficace avant. Nous nous retrouvons avec quelqu'un qui a besoin de dispositions spéciales parce que les deux conjoints veulent que l'intéressé rentre à la maison. Toutefois, nous devons nous assurer que la santé mentale de cette personne sera traitée et surveillée.
    C'est donc un bon exemple du genre de chose que ferait un tribunal de la santé mentale alors qu'un autre tribunal ne serait pas toujours prêt à le faire.

[Français]

    Voulez-vous dire aussi qu'un tribunal de ce genre traite d'abord et avant tout les cas les moins sérieux pouvant être traités à l'intérieur de la communauté?

[Traduction]

    Demandez-vous quels types de troubles mentaux nous traitons?

[Français]

    Non, mais je me trompe peut-être. J'ai besoin d'éclaircissements. J'ai l'impression que ce genre de tribunal est en effet destiné à des personnes aux prises avec un problème de santé mentale, mais que les délits dont elles sont accusées doivent être mineurs.
    On ne parle pas ici de meurtres crapuleux ou de cas extrêmes de pédophilie, n'est-ce pas?

[Traduction]

    Nous ne nous occupons pas directement de ces crimes pour ce qui est d'obtenir un résultat judiciaire positif, mais nous pourrions nous trouver devant ce genre de crimes au tribunal. Il y a une disposition selon laquelle nous devons évaluer la responsabilité criminelle de l'accusé, quelle que soit la gravité de l'infraction. Mon programme évaluerait une personne qui a commis un meurtre, si le tribunal ordonnait son évaluation et nous proposerions des mesures. Toutefois, si la personne n'est pas reconnue non criminellement responsable, il n'y aura pas de déjudiciarisation, car elle sera passible de la peine minimum, etc. Il ne serait alors pas logique qu'elle reste devant le tribunal de la santé mentale.
    Dans les cas comme ceux de pédophilie, notre programme fait l'évaluation de l'accusé pour le tribunal. Toutefois, il n'est pas nécessaire d'avoir un tribunal de la santé mentale pour appliquer ces recommandations, décider d'une sentence ou évaluer les risques. Pour les cas les plus graves, il y a déjà d'assez bons mécanismes en place. C'est pour les infractions de niveau deux moins graves, les cas d'agression, d'agression à main armée, de harcèlement criminel ou de menaces qu'il y a une lacune que nous essayons de combler.

  (1225)  

[Français]

    D'après ce que je comprends, ces tribunaux, comme les Tribunaux de traitement de la toxicomanie, ne s'occupent que de délits mineurs.
    Ça varie. À Calgary, on accepte des gens dont la sentence se situe entre un et trois ans. À Ottawa, par contre, l'admissibilité à notre programme est réservée à des gens dont la sentence est de moins de deux ans. Il reste que généralement, il s'agit de délits plutôt mineurs.
    En revanche, on a découvert récemment, à Vancouver et à Winnipeg, que la réussite était plus élevée dans le cas de gens faisant face à des accusations plus sérieuses. C'est relié à la question de motivation, soulevée par M. MacKenzie. Selon ce principe, plus les gens font face à des peines graves, plus ils sont motivés.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Norlock, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je remercie le groupe de témoins.
    Nous apprenons beaucoup sur l'efficacité de vos divers programmes, mais j'ai été intrigué quand la Dre Ward a dit, je crois, que son travail ou sa collaboration avec la Commission de la santé mentale était très utile.
    Pourriez-vous expliquer comment vous travaillez avec la Commission de la santé mentale?
    En fait, je faisais allusion à son travail. Je ne travaille pas directement avec elle. Certains de mes collègues en font partie comme présidents. Je félicitais la Commission de la santé mentale pour son travail. Je pense qu'elle a raison de s'intéresser à la stigmatisation et à s'occuper d'abord du logement dans le cadre de ses travaux préliminaires.
    Les travaux préliminaires de la Commission ont-ils un rapport quelconque avec l'aspect judiciaire du traitement des maladies mentales?
    Oui, il y a un sous-comité de la loi et de la santé mentale qui fait partie de la Commission de la santé mentale et je sais qu'il a lancé un appel de propositions pour évaluer certains secteurs de la santé mentale et du système judiciaire. C'était un appel de propositions assez important et le sous-comité n'examine donc pas encore la question de façon très détaillée. Je n'ai encore rien vu et, bien entendu, la Commission n'a pas beaucoup d'argent pour mettre en oeuvre des programmes.
    Je crois que c'était dans le budget 2008. Il s'agissait de 110 millions de dollars sur cinq ans, je crois.
    C'est exact.
    C'est bien d'avoir un bon départ qui nous permettra d'aller plus loin.
    Absolument.
    Docteure Ward, vous pourrez peut-être partager ma question suivante avec certains autres témoins. Elle concerne les maladies mentales et mon expérience personnelle, principalement en Ontario.
    Au cours des voyages que nous avons faits récemment un peu partout au Canada, nous avons constaté que chaque province a sa propre loi sur la santé mentale. Je me demande si vous-même ou un des autres témoins avez entendu parler des problèmes que pose la loi sur la santé mentale en ce qui concerne les traitements, l'incarcération ou un ensemble des deux. Quelle serait votre suggestion? Nous cherchons des solutions pour que cela puisse fonctionner dans un système fédéral étant donné que c'est un système pancanadien alors que nous avons 10 provinces et trois territoires ayant chacun sa propre loi sur la santé mentale.
    Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    J'aimerais avoir une brillante suggestion à vous faire. Je ne pense pas pouvoir vraiment vous faire de recommandation pour le moment. Il est important d'avoir certains minimums et si c'est en fonction de la législation fédérale, les exigences des tribunaux permettront peut-être d'y arriver. Toutefois, je ne vois pas comment vous pourriez toucher aux lois sur la santé mentale des provinces. Je pense que cela fait partie du problème.
    Merci.
    Monsieur Moffat, avez-vous eu des difficultés en raison des différences, d'une province à l'autre, au niveau de la loi sur la santé mentale et du système judiciaire?
    Excusez-moi, mais à part le fait que j'ai dû conseiller la police au sujet de la détention, mais je n'ai pas suffisamment d'expérience pour pouvoir parler d'une différence.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Je pense que ma question suivante portera sur le même sujet, mais le Dre Ward pourra y répondre.
    Le comité doit formuler des recommandations, mais ma préférence personnelle vient du fait que dans certaines provinces, on constitue des partenariats avec le milieu universitaire. Je pense particulièrement à Saskatoon où la préférence est accordée au modèle psychiatrique ou hospitalier plutôt qu'au modèle carcéral, ce qui semble avoir eu des bons résultats. Il y a eu un partenariat avec la province, avec le milieu universitaire et avec les autres professionnels de la santé.
    Pourriez-vous me parler de votre expérience à cet égard afin que nous puissions formuler un bon rapport?

  (1230)  

    Je crois que ces liens sont vraiment importants. Vous parlez du Centre psychiatrique régional de Saskatoon. C'est un véritable modèle. Il faut que vous puissiez obtenir de l'argent de différentes sources pour faire ce travail. Il faut que vous puissiez favoriser cette collaboration.
    C'est ce que nous constatons ici. Nous gérons des petits projets pour loger les personnes déclarées non criminellement responsables. Le gouvernement provincial a fait faire une évaluation par l'Université d'Ottawa avec notre participation et celle des organismes communautaires. Je pense que c'est très important.
    À Saskatoon, nous avons remarqué…
    Je suis désolé, monsieur Norlock. Nous aurons bientôt un autre tour, mais pour le moment, je vais donner la parole à M. Oliphant, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je remercie tous les témoins.
    Contrairement à M. Rathgeber, je pense que les mots « justice réparatrice » vont très bien ensemble et c'est sans doute ce que vous constatez ces jours-ci également. Je dirais que la justice sans réparation n'est pas la justice. Je suis heureux que vous fassiez ce que vous faites.
    Un des témoins que nous avons rencontrés il y a quelques semaines nous a fait entendre le même son de cloche que la Dre Ward au sujet de la criminalisation de la santé mentale, mais il a dit également que la prison est devenue un facteur de risque pour la santé mentale et la toxicomanie. L'incarcération aggrave la situation. Je me demande si quelqu'un aurait quelque chose à dire à ce sujet.
    C'est certainement ce que je constate. Souvent, cela interrompt le traitement. Les gens se retrouvent dans un environnement qui aggrave leur maladie mentale et ils en sortent souvent sans avoir été soignés et avec une psychose ou une dépression pire qu'au départ. Cela risque de les criminaliser. C'est ce que je constate.
    Nous essayons de soigner leur santé mentale dans nos prisons, mais il vaut sans doute mieux ne pas les mettre en prison, si possible.
    Oui, et c'est pourquoi j'insiste sur le fait que nous devrions centrer nos efforts sur ceux qui ne seraient pas là s'ils ne souffraient pas de troubles mentaux. Ce n'est pas le cas de tous, mais c'est important.
    Je suis désolé de ne pas pouvoir vous citer des auteurs précis, mais il y a des études portant sur les services correctionnelles montrant que plus les gens entrent souvent en contact avec la justice pénale, plus ils deviennent criminalisés. Si les gens entrent en contact avec le système judiciaire à cause de leur toxicomanie ou de leur santé mentale, leur situation risque fort de continuer à s'aggraver.
    Mon expérience de la toxicomanie a, en fait, commencé à Rideauwood il y a environ 25 ans, dans un programme de formation à l'intention du clergé qui visait à nous aider à comprendre la toxicomanie. Depuis 25 ans, mes idées ont changé un peu par rapport à ce que j'avais appris à Rideauwood, car j'ai mieux compris le principe de la réduction des méfaits et de l'abstinence. Ce dont vous avez parlé aujourd'hui concerne surtout l'abstinence et je voudrais savoir ce que vous pensez de la réduction des méfaits.
    J'aimerais en parler du point de vue de la santé mentale. On ne l'a pas encore dit, mais la proportion des clients des tribunaux de la santé mentale qui sont toxicomanes se situe sans doute aux alentours de 80 p. 100. Nous ne nous attendons certainement pas à ce qu'ils participent à des programmes d'abstinence. En fait, selon les pratiques exemplaires s'appliquant aux troubles concomitants, c'est-à-dire les troubles mentaux et la toxicomanie, la réduction des méfaits est la voie à suivre.
    Par conséquent, nous comptons sur des organismes — dans notre cas, il s'agit de l'Association canadienne pour la santé mentale — qui offrent des programmes de réduction des méfaits et nous trouvons que c'est un assez bon modèle pour nos clients.
    Je dirais que l'abstinence est requise pour réussir complètement le programme des tribunaux de traitement de la toxicomanie. Néanmoins, nous travaillons avec nos clients, quel que soit le niveau où ils en sont.
    Il faut bien comprendre — et cela surprend les gens au départ — que les tribunaux de traitement de la toxicomanie ne punissent pas les participants parce qu'ils consomment de la drogue. Ils peuvent les punir de s'être montrés malhonnêtes envers eux, mais nous comprenons qu'ils sont aux prises avec ce problème depuis de très nombreuses années et que c'est un processus continu.
    Il vous reste une minute 30 secondes.
    En fait, je connais bien les tribunaux de traitement de la toxicomanie. C'est un sujet sur lequel je suis assez bien informé. Par contre, les tribunaux de la santé mentale sont nouveaux pour moi. J'ai seulement besoin de quelques renseignements supplémentaires.
    Le gouvernement finance un projet pilote avec les six tribunaux de traitement de la toxicomanie. Cette initiative a commencé en 1998 ou 1999 à Toronto et nous avons donc acquis une certaine expérience. Quelles sont les modalités de financement des tribunaux de la santé mentale? Comment cela fonctionne-t-il? Le gouvernement a dit qu'il continuera de financer les tribunaux de traitement de la toxicomanie jusqu'en 2012. Où en sommes-nous pour ce qui est du financement des tribunaux de la santé mentale?

  (1235)  

    En fait, il n'y en a pas. La principale différence est que la Loi réglementant certaines drogues et autres substances est fédérale, ce qui facilite grandement les choses, alors qu'il n'y a rien pour la santé mentale. C'est ponctuel même si je commence à voir des signes au niveau provincial. Récemment, l'Ontario a nommé un sous-procureur adjoint pour la santé mentale et examine des propositions. J'espère donc commencer à voir de l'argent arriver — je n'y compte pas trop — mais au moins il y a des propositions ou une normalisation au niveau provincial.
    Nous pourrions peut-être commencer par la recommandation du comité selon laquelle les tribunaux de la santé mentale devraient faire partie d'un plan de financement pour améliorer la santé mentale dans les prisons.
    Oui, et cela concerne différents ministères au niveau provincial. Cela dépend de tellement de ministères qu'il est très difficile de s'engager.
    Merci beaucoup.
    C'est au tour de M. McColeman, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président et je vous remercie infiniment pour votre présence ici. C'est une séance très enrichissante pour tous les membres du comité, je pense.
    Je voudrais seulement explorer un peu plus la question des relations avec la collectivité et peut-être terminer sur ce sujet, car vous avez certainement confirmé ce que beaucoup de gens nous ont dit, à plusieurs niveaux. Je sais que mon collègue a parlé des établissements postsecondaires et que certains des partenariats les plus fructueux se situent à ce niveau. Docteure Ward, vous avez mentionné les défis à relever et nous avons entendu parler de la difficulté de garder les professionnels de la santé dans le système.
    Auriez-vous des recommandations à faire en ce sens, pour amener des nouveaux professionnels de la santé comme vous à travailler dans le système correctionnel? Quelles seraient vos recommandations?
    Je crois important d'aller au-delà des mesures contre la stigmatisation. J'examinerais également les divers programmes de formation des travailleurs sociaux, des criminologues, etc., et ce qu'ils ont à offrir. Il faudrait envisager de soutenir davantage de placements travail-études. Nous faisons des placements travail-études pour les étudiants en criminologie et cela donne d'excellents résultats. Bien entendu, cela élargit leur perspective.
    Je pense que pour les professions où l'on manque de gens — et avec le départ pour la retraite de la génération du baby-boom nous aurons une grave pénurie de personnel — les médecins sont souvent des agents libres et il faut donc des incitatifs pour le genre d'activités dont nous avons besoin et des mesures dissuasives pour celles dont nous n'avons pas autant besoin. Bien entendu, cela doit sans doute se faire au niveau provincial, mais il faudrait réfléchir à la façon d'orienter les gens vers ces domaines. Cela peut être par des moyens financiers ou grâce à la formation.
    Parlez-vous d'incitatifs financiers ou du perfectionnement professionnel? Un psychiatre nous a dit, au cours d'un de nos déplacements — je ne sais plus si c'était à Kingston — que c'était le meilleur laboratoire, et il était facile de voir quelles étaient les difficultés et aussi, du point de vue pratique, la stimulation que cela pouvait apporter. Vous dites donc qu'il faut agir sur les deux fronts?
    Oui, et je pense que vous pouvez encourager les gens. Je crois aussi qu'en ce qui concerne le travail clinique, nous devrions suivre l'exemple de ce qui se fait au Québec dans les CLSC en veillant à ce qu'il y ait davantage de ressources en santé mentale disponibles dans la collectivité et les centres de santé communautaires et centres de médecine familiale. Il faut inciter le personnel de ces centres à traiter les clientèles difficiles. Nous le faisons en partie, mais nous pourrions faire plus.
    Je pense qu'aucun de vous n'a parlé aujourd'hui d'un système de mentorat. Vous avez certainement des systèmes de ce genre. Quelqu'un voudrait-il nous parler de leur efficacité? D'après ce que nous avons entendu dire, si vous pouvez mettre en place un système de mentorat, j'ai l'impression que c'est un outil très efficace.
    Quand nous parlons de mentorat, la plupart du temps, il s'agit de faire travailler ceux qui ont réussi le programme avec les nouveaux participants. Nous organisons toutes les deux semaines, une réunion des nouveaux et des anciens, à la demande de ces derniers. Les anciens parlent avec les nouveaux de leurs problèmes et les aident. Un grand nombre de ceux qui ont réussi notre programme parrainent les nouveaux participants pour plusieurs activités au sein de la collectivité, car ils reviennent régulièrement au tribunal. Il n'est pas inhabituel de voir deux ou trois des personnes qui ont réussi notre programme se présenter au tribunal chaque semaine pour apporter leur soutien aux autres.

  (1240)  

    C'est donc une initiative que vous développez et en laquelle vous croyez. Est-ce bien ce que vous voulez dire?
    Certainement.
    Y a-t-il d'autres relations communautaires pour lesquelles vous avez des suggestions à nous faire? Je parle des relations au sein des collectivités. Vous dites qu'elles sont toutes différentes et je suis d'accord. Toutefois, y a-t-il d'autres domaines dans lesquels nous pourrions formuler des recommandations pour la réinsertion de ceux qui sont à la fois toxicomanes et malades mentaux? Auriez-vous des souhaits à exprimer?
    Le logement est très important. Comme l'a mentionné la Dre Ward, il y a des programmes de logement, mais le moins qu'on puisse dire est qu'il n'y en a pas assez. Ils sont loin d'être suffisants. Il est très difficile pour une personne qui vit dans un refuge de rester loin de la drogue ou de suivre son traitement psychiatrique. Si ce problème important était réglé, cela nous aiderait beaucoup.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Kania, vous disposez de cinq minutes pour le cinquième tour.
    Nous devrions avoir le temps de terminer le cinquième tour si personne ne dépasse le temps alloué.
    Merci.
    Docteure Ward, nous avons discuté brièvement du fait que la Couronne contrôle l'accès. Je voudrais savoir ce que vous en pensez, car j'ai l'impression que ce devrait être plutôt le juge ou quelqu'un d'autre.
    En fait, je pourrais demander à M. Moffat de répondre. Étant donné la façon dont la plupart de ces tribunaux sont constitués, c'et la Couronne qui va devoir donner son accord ou décider de la déjudiciarisation ou d'un résultat judiciaire favorable. Le tribunal de la santé mentale ne joue pas un rôle important, au départ, sur le plan judiciaire et je vois mal, du point de vue juridique, comment il pourrait en être autrement.
    C'est la seule chose que j'ai à dire.
    La Couronne est responsable de la sécurité publique. C'est ce que nous considérons comme notre rôle. Quand j'ai commencé au tribunal de la santé mentale, le procureur de la Couronne m'a dit: « Nous sommes au tribunal de traitement de la toxicomanie; voilà comment il fonctionne. N'oubliez jamais que votre première priorité est de protéger la sécurité publique. »
    La Couronne n'est donc pas prête à renoncer à son pouvoir discrétionnaire. Tel est notre rôle, telle est notre responsabilité dans le système judiciaire. Nous utilisons notre pouvoir discrétionnaire pour décider si quelqu'un est admissible ou non et ensuite nous nous en remettons au traitement, aux juges et au reste.
    Il est dit ici qu'une évaluation est faite pour voir si l'accusé est « apte à subir un procès ». Si je me trompe, dites-le moi — je ne connais pas grand-chose au système — mais cela n'a rien à voir avec le fait qu'il était apte au moment où il a commis son crime, n'est-ce pas?
    Une personne peut ne pas avoir été apte à subir un procès au moment où elle a commis son crime, mais être apte à le subir après coup et ne pas être admissible.
    En effet, et je m'en excuse; je ne sais pas quel document vous avez reçu. Je ne l'ai pas vu.
    Cela soulève deux questions différentes. Il y a l'état mental de l'intéressé au moment de l'infraction et c'est relié à la responsabilité criminelle. Ensuite, l'intéressé doit être apte à subir un procès, ce qui veut dire qu'il doit comprendre pourquoi il est là et ce qui se passe.
    Ce sont les critères fondamentaux, mais ils peuvent être sans aucun rapport l'un avec l'autre. Une personne peut avoir commis une infraction deux ans plus tôt alors qu'elle se portait parfaitement bien, mais ne plus être apte à subir un procès parce qu'elle souffre maintenant de démence ou de psychose. Il faut donc examiner les deux séparément.
    En ce qui concerne les tribunaux de traitement de la toxicomanie, pourquoi fait-on la distinction concernant la violence? Il y a plusieurs éléments. Il y a la violence et il y a le plaidoyer de culpabilité, car je crois qu'il faut plaider coupable pour pouvoir bénéficier de ce programme. Deuxièmement, si vous commettez une infraction vraiment grave, vous ne pouvez pas bénéficier de ce programme de réinsertion. À mon avis, si un toxicomane a commis une infraction, quelle qu'elle soit, à cause de la drogue et de sa toxicomanie, il a besoin d'aide, un point c'est tout.
    Alors pourriez-vous nous en parler, s'il vous plaît?
    Nous nous plaçons d'abord et avant tout du point de vue de la sécurité publique et la Couronne n'admettra pas une personne si cela pose un problème.
    Une personne est actuellement en prison. Nous l'autorisons à sortir de prison pour suivre un traitement, ce qui pose un risque. Si la violence est en cause et que cela pose un risque pour la sécurité publique, nous sommes moins portés à l'accepter.
    L'autre incidence de la violence — et cela nous a été signalé par les juges — est que le tribunal ordonne aux gens de suivre ce traitement. Nous ordonnons à quelqu'un de suivre ce programme pendant un certain temps, c'est-à-dire, à Ottawa, pendant au moins neuf mois, et souvent il s'agit de 12 mois. Si les accusés doivent s'y soumettre conformément à une ordonnance du tribunal, il faut que ce soit dans un environnement sûr et ce ne sera pas possible si nous laissons les gens dans la même atmosphère que celle où ils ont commis des crimes violents et où ils risquent de commettre d'autres crimes violents.

  (1245)  

    Il ne s'agit même pas de crimes violents puisqu'il y a d'autres crimes plus graves. Par exemple, si vous entrez par effraction dans une habitation, vous ne pouvez pas participer au programme, n'est-ce pas?
    Il n'y a, au Canada, aucun programme de traitement de la toxicomanie qui accepte quelqu'un qui est entré par effraction dans une habitation sauf, au cas par cas, s'il s'agit d'une maison en construction non habitée. Dans ce cas, la personne sera admissible.
    Alors prenons cette infraction non violente. Cette personne a un grave problème de toxicomanie. Elle n'est pas admissible à ce programme. Que faites-vous pour l'aider? La réinsertion ne vise-t-elle pas justement à faire en sorte que les gens ne récidivent pas?
    Par exemple, je viens d'avoir quelqu'un qui n'était pas admissible au tribunal de traitement de la toxicomanie. J'ai parlé avec l'avocat de la défense et je lui ai dit que si son client n'était pas admissible au tribunal de traitement de la toxicomanie à cause de son acte de violence, nous allions examiner d'autres options. Il était condamné à deux ans avec sursis et il a accepté de suivre deux ans de traitement en établissement, suivi de trois années de probation. C'était la sentence appropriée suite à une série d'entrées par effraction.
    Voilà donc l'autre possibilité.

[Français]

     Merci beaucoup.
     Monsieur Ménard.
    J'aimerais que vous me disiez clairement comment vous sélectionnez les personnes qui sont admises à votre programme.
    Pour ma part, je fais de la publicité. Je passe le mot à mes consœurs et à mon confrère. Je les incite à trouver des gens qui sont aux prises avec des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale, mais qui répondent à nos critères d'admission. Ce sont ces gens qui font la demande; ce n'est pas nous qui les sélectionnons. Par la suite, nous décidons si nous utilisons notre pouvoir discrétionnaire pour leur permettre d'intégrer le programme.
    Quels sont vos critères d'admission?
    À Ottawa, on parle de personnes susceptibles d'écoper d'une peine d'emprisonnement de moins de deux ans. On n'accepte pas les gens qui se sont rendus coupables de crimes violents, de violence familiale, de conduite avec  facultés affaiblies ou d'entrée par effraction dans des maisons d'habitation.
    Mais vous acceptez des gens qui sont entrés par effraction dans des commerces?
    Oui.
    Ça me semble limiter beaucoup le nombre de candidats qui peuvent être admis chez vous. Au début, j'ai eu l'impression que vous n'acceptiez pas les trafiquants de drogue. Je comprends la distinction entre ceux qui en font le trafic à des fins commerciales et les autres. Ce ne sont pas des usagers, en principe, mais en fait, une bonne partie de ceux qui font du trafic à des fins commerciales consomment de la cocaïne.
     Il me semble que ça ne laisse pas beaucoup de possibilités, en termes d'admissibilité, d'autant plus que des infractions passibles de deux ans de prison seulement, il n'y en a pas beaucoup.
    Au niveau provincial, à Ottawa, ça nous limite en effet.
    Y a-t-il des programmes dans le cadre desquels les gens sont pensionnaires, chez vous?
    Oui. Par contre, dans le cadre de notre programme, à Ottawa, notre système ne prévoit pas cela pour le moment. Par contre, si au fur et à mesure que le programme progresse, notre fournisseur de traitement décide que ça peut être profitable pour ces personnes, celles-ci pourront devenir pensionnaires, puis retourner au programme.
    On parle donc ici de ressources en matière de logement. Comment comptez-vous obtenir le financement nécessaire?

[Traduction]

    Nous travaillons avec les moyens disponibles dans la collectivité, mais nous avons également réussi à conclure certains partenariats, par exemple avec le Secrétariat des partenariats de lutte contre l'itinérance et nous avons conclu un partenariat avec la Société John Howard et la Société Elizabeth Fry pour gérer des logements de transition supervisés pour nos participants. Ce partenariat a été très utile pour notre programme et pour nos participants. Malheureusement, son financement se terminera le 31 mars 2010 et nous allons devoir chercher d'autres ressources.

  (1250)  

[Français]

    Excusez-moi, monsieur Ménard, mais je veux m'assurer qu'il va rester suffisamment de temps pour toutes les questions du cinquième tour.
    Êtes-vous en mesure de terminer votre question maintenant ou d'ici 10 secondes?
     Oui.
     Je sais que le Service correctionnel du Canada envoyait des gens au Centre le Portage et payait les frais. Est-ce encore le cas?

[Traduction]

    Non, le Service correctionnel n'intervient pas à ce stade, car nos clients plaident coupables et la sentence doit en tenir compte. Ils reçoivent donc leur sentence après coup et non pas immédiatement. Ils commencent par plaider coupable, mais ils ne reçoivent pas leur sentence avant d'avoir terminé le programme.
    Nous passons à M. Davies, pour quatre minutes.
    Merci.
    Tout d'abord, en ce qui concerne les patients qui font l'objet d'un double diagnostic, j'aimerais que vous me parliez, pendant 45 secondes, de l'efficacité de ce programme pour ces personnes.
    Vous voulez que je parle des retards cognitifs et de la santé mentale?
    Il s'agit généralement de la santé mentale et de la toxicomanie. C'est ainsi que je comprends les choses.
    Très, bien vous voulez parler de la santé mentale et de la toxicomanie. Je ne parlerai donc pas… En fait, je vais en parler.
    Nous voyons souvent des gens qui aimeraient faire partie d'un programme de traitement de la toxicomanie, mais que nous ne croyons pas capables de suivre ce programme en raison de leurs troubles mentaux. Nous nous retrouvons avec des gens qui semblent mieux servis par les tribunaux de la santé mentale.
    Je ne comprends pas toujours très bien en ce qui concerne la violence. J'ai ici trois notes différentes. L'une d'elle dit que les gens qui commettent des actes de violence ne peuvent pas participer au programme. Une autre dit que ceux qui ont commis des actes de violence peuvent y participer, à la condition qu'ils ne risquent pas de récidiver. Qu'en est-il de l'admissibilité des personnes qui ont commis un acte de violence?
    Les choses se passent de façon très différentes au tribunal de la santé mentale. Cela dépend du tribunal. Nous examinons la question sous tous les angles. Le traitement de la toxicomanie est différent parce qu'il est financé par le gouvernement fédéral.
    Les lignes directrices fédérales ne nous permettent pas d'accepter des délinquants violents. Voilà d'où viennent nos lignes directrices conformément à notre accord de financement. Voilà à quoi cela se résume.
    Nous examinons chaque cas individuellement. Nous n'allons pas nécessairement exclure ces personnes. Si c'est un acte isolé ou si l'intéressé n'a pas d'antécédents violents, nous pouvons examiner son cas. Dans notre tribunal, la Couronne fait comparaître ces personnes en nous demandant si nous pouvons travailler avec elles. C'est l'équipe du tribunal qui prend cette décision, en collaboration avec l'équipe de traitement.
    Je vais faire un peu de politique.
    Sans vouloir vous mettre mal à l'aise, en ce qui concerne les peines avec sursis, le gouvernement les a limitées. Ce programme semble être le meilleur exemple qui soit de peine avec sursis. Vous recevez une sentence, mais vous la purgez dans la collectivité, sous des conditions très strictes, par exemple en suivant un traitement de désintoxication, etc.
    Êtes-vous d'accord pour dire qu'au moins en ce qui concerne les délinquants qui sont malades mentaux ou qui sont toxicomanes, cette forme de peine avec sursis est sans doute nettement préférable à l'incarcération?
    Je précise simplement que le tribunal de traitement de la toxicomanie n'est pas une peine avec sursis. Les participants ne font pas l'objet d'une sentence lorsqu'ils commencent le programme.
    Je dois souligner que nous avons un bon nombre de participants qui sont également malades mentaux et qui n'ont pas seulement toxicomanes. Nous avons seulement les moyens de travailler avec ceux qui sont moyennement ou modérément…
    Désolé, pourriez-vous être plus précis?
    Je ne comprends pas pourquoi ce n'est pas une peine avec sursis. Une personne a été reconnue coupable. Elle se retrouve devant le tribunal qui décide de son incarcération ou de sa déjudiciarisation. Quel que soit le nom que vous lui donnez, en pratique, cela ressemble à une peine avec sursis.
    En pratique, cela ressemble beaucoup à une peine avec sursis. À bien des égards, je crois que c'est mieux qu'une peine avec sursis, car le participant au programme fait l'objet d'une surveillance constante. Il ne s'agit pas seulement de voir s'il retournera en prison ou non s'il manque à ses obligations. Nous avons la possibilité de modifier son comportement en cours de route afin qu'il ne recommence pas.

  (1255)  

    Monsieur Moffat, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Je dirais qu'il y a effectivement une dimension politique. Je suis très satisfait de tous les outils que nous donne le gouvernement et dont fait partie le traitement de la toxicomanie, qui est efficace. Mais c'est très différent, selon moi, d'une peine avec sursis.
    Nous passons à M. MacKenzie, pour quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Docteure Ward, je sais que vous êtes très jeune, mais d'après ce que nous avons entendu, je crois que vous avez une vaste expérience de la psychiatrie judiciaire.
    Une des questions auxquelles le comité s'est attaqué et dont nous a parlé l'Enquêteur correctionnel est celle de l'isolement. L'isolement à court terme a-t-il sa place, selon vous, pour les personnes qui souffrent de troubles mentaux graves, pour leur propre protection et celle des autres? Connaissez-vous des solutions entièrement différentes de ce que nous avons pu voir en Norvège, en Grande-Bretagne ou ici?
    Vous me demandez beaucoup, mais merci pour le compliment du début.
    Ce que je préconiserais, ce sont des établissements où… il y en a un en Ontario, l'Unité de traitement en milieu fermé. C'est un hôpital psychiatrique provincial à l'intérieur d'un établissement correctionnel.
    Un des projets initiaux était, je crois, d'avoir une section de détention provisoire. Il faudrait avoir une section de détention provisoire dans un établissement correctionnel ayant le statut d'hôpital de l'annexe I afin qu'il puisse y avoir des professionnels de la santé pour assurer le traitement. Ainsi, si l'on isole une personne, ce sera dans des conditions médicalement sûres, en soignant les causes sous-jacentes afin qu'elle puisse sortir de son isolement.
    Voilà comment je vois les choses.
    Si je me souviens bien — et j'ai visité un certain nombre d'établissements — les hôpitaux psychiatriques ont également des locaux d'isolement.
    Certains en ont, mais pas nous.
    Où cela?
    Ici, à Ottawa.
    Nous n'en voulons pas, car selon moi, quand vous vous trouvez devant un problème psychiatrique, vous pouvez employer des contraintes chimiques et physiques et une supervision individuelle au lieu d'enfermer l'intéressé seul dans une pièce. Nous avons réussi à gérer ce genre de situations face à la maladie mentale.
    Comment administrez-vous la contrainte chimique?
    Vous devez pouvoir recourir aux dispositions de la Loi sur la prise de décision au nom d'autrui ou aux dispositions d'urgence qui vous permettent, en tant que médecin traitant, d'agir dans l'intérêt supérieur du patient. Vous avez besoin des moyens à la disposition d'un établissement hospitalier pour le faire légalement.
    Vous avez mentionné qu'il y a un établissement correctionnel en Ontario…
    C'est un hôpital, en effet. Il s'agit de l'Unité de traitement en milieu fermé de la vallée du Saint-Laurent, à Brockville. C'est un établissement provincial, mais c'est notre organisation qui gère le service psychiatrique qui s'y trouve. En fait, c'est un établissement psychiatrique.
    Connaissez-vous l'établissement correctionnel de Saskatoon qui a également ce statut?
    Oui, et il fonctionne de la même façon, sauf que c'est un gros conglomérat de petits éléments qui accueille divers types de délinquants. Mais c'est effectivement un modèle très intéressant.
    Correspond-il à ce que vous voyez ou suggérez en ce qui concerne Brockville?
    Les deux sont à peu près équivalents. J'ai été dans les deux. Ils sont similaires.
    Cela dépend. À Saskatoon, on recherche des économies d'échelle en regroupant tout. Ici, nous n'avons pas vraiment besoin de le faire, car nous avons une population plus importante.
    Merci.
    J'ai deux choses à mentionner brièvement avant que nous ne levions la séance.
    Premièrement, monsieur Davies, je remarque que vous êtes accompagné, aujourd'hui, de votre femme et de votre fille. Nous sommes heureux de les accueillir au comité comme invitées spéciales.
    Je tiens à remercier les témoins pour leur comparution. Nous avons beaucoup apprécié votre témoignage qui nous sera certainement très précieux pour produire une étude à ce sujet. Merci pour votre présence ici aujourd'hui.
    Très rapidement, comme il ne nous reste qu'une réunion avant l'ajournement pour le congé de Noël et que nous avons un témoin qui comparaîtra jeudi, je suggère que nous prenions la dernière demi-heure de la réunion de jeudi pour régler les questions en suspens, pour discuter de nos travaux futurs, si le comité est d'accord.
    Une voix: C'est raisonnable.
    Le président: Le comité est-il d'accord? Très bien.
    Merci, encore une fois, à nos témoins et nous nous reverrons jeudi.
    La séance est levée.
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