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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 013 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 avril 2010

[Enregistrement électronique]

(0755)

[Traduction]

    Bon, disons que la séance est ouverte. Comme toujours, notre temps est trop limité.
    Il est merveilleux de se trouver en Alberta en ce deuxième jour de notre étude sur l'avenir de l'agriculture, et en particulier sur ce que nous pouvons faire pour attirer et garder les jeunes dans le domaine.
    Je tiens à remercier d'avance tous nos témoins d'être là aujourd'hui. Étant agriculteur moi-même, je sais à quel point il est difficile de prendre une journée ou une matinée de congé. Nous apprécions vraiment ce que vous faites aujourd'hui.
    Si vous pouviez vous en tenir à un exposé de cinq à sept minutes au maximum, nous vous en saurions gré. Je lèverai la main pour vous le signaler lorsqu'il restera deux minutes. Si vous n'arrivez pas à présenter tout votre exposé, vous pourriez en remettre la copie papier à la greffière. Au moment des questions, vous pourrez toujours étoffer les points que vous souhaitez étoffer.
    Notre premier témoin est Doug Scott.
    Bonjour à tous. J'ai un peu de difficulté à rester calme; je n'ai jamais témoigné devant un comité permanent avant aujourd'hui. En plus, être le premier à présenter son exposé est intéressant.
    Je suis venu représenter les jeunes du Syndicat national des cultivateurs, mais je ne suis certainement pas un jeune cultivateur moi-même. J'oeuvre dans le domaine depuis un certain nombre d'années déjà. Notre ferme est centenaire; mon grand-père et mon arrière-grand-père ont défriché la terre en 1908. Le rapport que je m'apprête à vous relayer est l'oeuvre de l'aile des jeunes cultivateurs de notre organisation. Fait passablement intéressant, l'âge auquel le SNC considère un agriculteur comme jeune a été changé cette année; maintenant, quiconque a moins de 35 ans est considéré comme jeune.
    Ce n'est pas un secret, le Canada perd des agriculteurs à un rythme alarmant, surtout les jeunes de moins de 35 ans. Selon Statistique Canada, il y a eu une chute de 62 p. 100 du nombre de jeunes agriculteurs au cours des 15 dernières année et, de ce fait, une augmentation de l'âge moyen des agriculteurs. Nous pouvons voir clairement que les agriculteurs au Canada vieillissent et que très peu de jeunes choisissent l'agriculture comme carrière. Les statistiques nous disent, je crois, que huit ou neuf p. 100 des agriculteurs au Canada ont moins de 35 ans. Ce sont probablement 40 p. 100 des agriculteurs qui ont plus de 55 ans, et l'âge du reste se situe entre 35 et 54 ans; c'est donc une grande évolution de la situation qui se prépare.
    Les effets négatifs possibles d'une telle évolution ont été prévus il y a des décennies de cela, et ce n'est que récemment que de nombreux éléments de l'industrie ont déployé des efforts importants pour trouver des solutions. L'évolution démographique décrite peut s'expliquer par de nombreux facteurs, par exemple les fluctuations du marché, l'adoption de méthodes de production plus efficaces, l'amélioration des techniques et l'élargissement des choix de carrière offerts aux jeunes.
    Les statistiques d'aujourd'hui sur les jeunes agriculteurs montrent un phénomène plus remarquable à l'origine de ce déclin. Les nouveaux arrivants dans le domaine agricole ne peuvent plus compter sur les mécanismes de soutien qui pouvaient rassurer leurs précurseurs du fait qu'ils allaient pouvoir tirer leur subsistance de l'agriculture. La plupart des agriculteurs ont au départ une entreprise modeste qui finit par prendre de l'expansion pour diverses raisons. Les mécanismes auxquels les petits agriculteurs recourent pour se lancer sont essentiellement les mêmes que les nouveaux agriculteurs emploient pour se lancer dans ce domaine-là. Cependant, ce sont des mécanismes qui se sont appauvris au fil des ans; au fur et à mesure que les petits agriculteurs n'arrivent plus à tirer une subsistance du domaine et que les nouveaux ne jouissent plus de la sécurité nécessaire pour se lancer dans le domaine, le nombre de fermes diminue, celles qui restent deviennent plus grosses, et les nouveaux venus dans le domaine sont de plus en plus rares.
    Au nombre des mécanismes de soutien offerts aux petits agriculteurs, il y a les systèmes de production soumis à la gestion de l'offre, qui leur permettent d'entrevoir un bénéfice; les stratégies de commercialisation collective; la possibilité de conserver les semences et de les réutiliser; le recours au lieu de chargement des wagons de producteurs; et l'existence d'une infrastructure locale qui soit accessible pour les premiers stades de la préparation et de la commercialisation de nos produits agricoles. Ces systèmes là profitent clairement aux petits producteurs, mais, aujourd'hui, ils sont menacés, parfois même par ceux qui cherchent des façons de réveiller chez nos jeunes un intérêt pour l'agriculture. Ce que nous vivons dans l'ouest du pays est intéressant, car la situation n'est pas forcément la même dans les fermes de tout le pays. Les petites fermes qui ont du succès sont nombreuses dans l'est du Canada. Beaucoup d'entre elles commercialisent directement leurs fruits et légumes, il y a les jardins potagers et ainsi de suite, et l'agriculture rapporte à ces gens-là en fait.
    En réalité, il y a trois dimensions de la politique agricole qui ont un effet sur les débutants, et j'aimerais attirer votre attention sur celles qui nous paraissent très importantes. La première, c'est le financement et l'assurance. L'endettement agricole a monté en flèche, pour atteindre 62 milliards de dollars. Il augmente à raison de 2,5 milliards de dollars par année. Si rien n'est fait, il doublera encore d'ici la fin des années 2020, d'ici 2030, c'est donc une croissance rapide, un phénomène implacable. Essentiellement, cela a commencé autour de 1994; c'est à ce moment-là que nous avons commencé à constater la croissance de la taille des fermes.
(0800)
    Il ne me reste que deux minutes? D'accord, je vais passer ceci en revue très rapidement.
    Essentiellement, ce qui est arrivé, c'est que les fermes sont devenues de plus en plus grosses et que l'endettement s'est accru en conséquence. Autre chose alarmante: l'ampleur de la dette assumée pour chaque dollar de revenu agricole net réalisé.
    Nous comprenons tous qu'il faut un certain endettement pour exploiter une entreprise, mais l'accroissement de l'endettement de la population agricole canadienne est alarmant. Les jeunes agriculteurs vont devoir être en mesure d'accéder aux terres et de bénéficier d'un transfert intergénérationnel. Les nouveaux sont nombreux à ne pouvoir fournir aux banques la garantie nécessaire pour emprunter en vue de faire l'acquisition des terres. Si jamais, ils arrivent à trouver les fonds nécessaires pour acheter une terre, l'endettement qu'ils doivent supporter est énorme.
    Les jeunes du SNC formulent les recommandations suivantes: la constitution de réserves foncières garantissant un juste prix au vendeur tout en offrant des conditions d'achat accessibles aux nouveaux agriculteurs; des programmes de transfert intergénérationnel qui facilitent le transfert de terres et de capitaux et qui réduisent au minimum le fardeau fiscal pesant sur les deux générations; et une limitation de la spéculation foncière, de la propriété étrangère des terres, sans oublier la recherche, le soutien et la promotion en ce qui concerne les solutions de rechange à la propriété des terres, par exemple les coopératives, comme solutions s'offrant aux nouveaux agriculteurs.
    De même, à propos des programmes fédéraux, la gestion du risque d'entreprise joue un rôle extrêmement important dans le domaine agricole au Canada et, vu l'instabilité accrue des marchés et du climat, les producteurs comptent sur les programmes fédéraux de soutien pour atténuer les risques. La transition récente vécue dans les bureaux de stabilisation du revenu agricole et d'assurance-récolte de quelques provinces est un exemple d'idée concrète à adopter pour instaurer une forme d'aide plus accessible qui soit axée sur le producteur.
    Le SNC formule également les recommandations suivantes: ramener à 500 000 $ le maximum associé aux programmes d'aide fédéraux pour que les agriculteurs les plus vulnérables soient mieux soutenus; entretenir et renforcer les procédés d'organisation méthodique du marché et la gestion de l'offre sous l'initiative des agriculteurs, pour que les nouveaux agriculteurs puissent profiter d'une certaine stabilité; simplifier les programmes d'aide fédéraux pour jeunes et nouveaux agriculteurs, pour qu'on puisse en profiter sans avoir à engager un comptable professionnel; et implanter des programmes administrés à l'échelon régional pour soutenir les nouveaux arrivants avec des annonces efficaces dans les localités rurales.
    Pour conclure, je voudrais dire que, au cours des dernières décennies, les politiques agricoles au Canada et, de même, ailleurs dans le monde ont eu pour effet d'éliminer délibérément et systématiquement les mécanismes de protection des agriculteurs. Cela a donné une concurrence acharnée sur le marché mondial. Les gouvernements n'ont pas vraiment essayé de freiner la tendance aux regroupements dans les industries qui non seulement fournissent leurs intrants aux agriculteurs, mais aussi achètent leurs produits; de ce fait, devant de très grandes entreprises qui échappent au principe de la concurrence, les agriculteurs n'arrivent pas à vivre décemment de l'agriculture au Canada.
    Que cela soit le fait ou non de l'économie, de la technologie ou de la science agroalimentaire ou encore d'un accroissement de la production et de l'efficience, ce sont clairement certains des éléments les plus importants pour la viabilité à long terme du secteur qui ont été laissés pour compte. Renforcer les systèmes qui procurent une certaine stabilité aux agriculteurs individuels du Canada et qui leur donnent une meilleure prise sur le marché débouchera sur un intérêt renouvelé pour le domaine. Pour les jeunes agriculteurs du Canada aujourd'hui — il y en a moins de 30 000 et c'est le déclin le plus rapide de l'histoire —, nous ne pouvons simplement pas nous permettre de poursuivre sur cette voie. Une orientation qui valorise les petits producteurs représente la seule option possible pour un renouvellement de l'agriculture à long terme.
(0805)
    Merci. Un des avantages qu'il y a au mémoire présenté par écrit, c'est que tous les membres du comité peuvent donner suite aux idées présentées pendant l'exposé et lire le mémoire; cela est bien. Merci.
    Monsieur Stokes et monsieur Larsen, je crois comprendre que vous allez présenter votre exposé ensemble; vous disposez donc de cinq à sept minutes.
    Je m'appelle Darrell Stokes. Je suis agriculteur dans le district de Drumheller, à une centaine de kilomètres à l'est d'ici. Je suis accompagné de mon ami Ken Larsen, de Benalto, à l'ouest de Red Deer.
    Nous sommes heureux de témoigner devant votre comité en notre nom à nous et en tant que membres de la Canadian Wheat Board Alliance. Il s'agit d'une nouvelle organisation qui appuie le monopole, le comptoir unique de la Commission canadienne du blé et qui proposera des candidats au conseil d'administration.
    Les travaux de votre comité portent sur les jeunes cultivateurs et l'avenir de l'agriculture. J'aimerais pouvoir vous dire qu'il y a un avenir resplendissant pour les jeunes dans le domaine de l'agriculture, mais, en vérité, ce n'est pas le cas, du moins pas dans la région des Prairies de l'ouest du Canada.
    Qu'un jeune ait aujourd'hui l'idée de se lancer en agriculture à partir de rien est simplement hors de question. Les jeunes reconnaissent que le contexte économique et politique est hostile. Pour construire sa ferme, il faut emprunter pour acheter une terre et du matériel. L'endettement qui en résulte est incroyable, sans compter même les dépenses de fonctionnement qu'il faut assumer pour planter, engraisser, épandre, récolter. Ce n'est pas un problème que des prêts, même des prêts sans intérêt, viendront résoudre. Ça ne fonctionne tout simplement pas sur le plan économique.
    Ce qu'il faut faire désormais, pour que les jeunes agriculteurs aient un avenir, c'est de les aider à demeurer à la ferme familiale ou à y revenir. Pour faire cela, nous devons faire en sorte que l'agriculture représente un projet économique raisonnable, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
    Le revenu brut des agriculteurs a connu une augmentation importante au cours des 20 à 30 dernières années, mais notre revenu net est demeuré à peu près le même. Nous cultivons un plus grand nombre de boisseaux, nous transportons un plus grand nombre de boisseaux, nous vendons un plus grand nombre de boisseaux que jamais, mais nous touchons essentiellement le même bénéfice à l'acre qu'il y a 30, 40, 50 ans. Si on tient compte de l'inflation, de fait, nous touchons moins que les générations précédentes.
    Les agriculteurs font leur travail. Ils nourrissent une planète qui a faim, investissent dans de nouvelles technologies, en bon gardiens de la terre. Néanmoins, pour la majeure partie, les avantages vont non pas à l'agriculteur, mais plutôt à l'industrie agroalimentaire, qui a connu une croissance exponentielle récente. La disparité énorme — chiffrée dans les milliards de dollars — entre la valeur de ce que l'agriculteur produit et ce qu'il obtient en échange correspond à la somme qu'absorbent les fournisseurs d'intrants, titulaires de droits, transformateurs, transporteurs et détaillants.
    Nous voulions ce qu'il y a de mieux pour nos enfants, les jeunes agriculteurs. Nous voulons qu'ils mènent une vie heureuse et productive. Nous voulons qu'ils s'instruisent. Il faut se poser la question: pourquoi diable reviendraient-ils à la ferme? Pourquoi voudraient-ils des maux de tête et du stress qui viennent avec le fait d'exploiter une ferme, de peiner pour faire un bénéfice de un ou deux p. 100 sur l'investissement énorme qu'ils font? Pourquoi ne profiteraient-ils pas des études qu'ils ont faites pour se donner une vie confortable, sans cette peine?
    Eh bien, il y a une raison pour laquelle ils feraient peut-être ce choix. L'agriculteur mène une belle vie. Nous savons tous qu'il y a l'air frais et le soleil qui comptent, mais c'est bien plus que cela. L'agriculteur peut être fier de sa journée de travail, malgré les difficultés qu'il a pu connaître. Il a la satisfaction de savoir que son travail a un sens, que sa contribution à la collectivité permet à cette dernière de demeurer forte et énergique. L'agriculteur doit tenir à l'idée que la ruralité au Canada est une proposition viable. Quoi qu'il en soit, toutes les raisons qui existent pour être optimiste finiront par disparaître si le modèle économique en place ne permet pas aux jeunes d'envisager leur avenir dans le domaine.
    Faut-il s'attendre à ce que les fournisseurs d'intrants du domaine agroalimentaire choisissent de réduire leurs prix pour que les coûts à la ferme demeurent raisonnables? Non. Ils vont demander le prix que le marché est prêt à supporter. C'est comme cela qu'ils fonctionnent.
    Faut-il supposer que les entreprises de transformation des oléagineux ou de conditionnement du bœuf vont décider de payer un meilleur prix au profit de l'agriculteur? Non. Ils vont payer ce qu'il leur faut le moins cher possible. C'est là leur modèle d'affaires.
    Faut-il croire que l'industrie du transport des produits agricoles baissera ses prix un peu pour que l'agriculteur n'ait pas à payer si cher? Non. Son modèle d'affaires dit: « Allez en chercher le plus possible pour vos actionnaires. »
    Faut-il s'attendre à ce que l'industrie alimentaire de gros et de détail accorde à l'agriculteur la parité à partir de sa marge bénéficiaire? Non. Son modèle d'affaires dit: « Payez le moins cher possible et vendez le plus cher possible. »
    Où y aurait-il donc dans tout cela un motif d'optimisme à propos de l'avenir de l'agriculture, où le seul modèle d'affaires qui soit consiste à acheter au prix du détaillant et à vendre notre production au prix de gros?
    Les pressions exercées en faveur de la déréglementation sur des années, prétendument pour favoriser la concurrence et garder les prix à la consommation bas, ont mené à la présente situation. Aujourd'hui, à l'ère des regroupements et des prises de contrôle, il y a moins de concurrence qu'avant. La part du revenu des ménages qui est consacrée à l'achat d'aliments est moindre au Canada qu'elle l'est partout ailleurs dans le monde, mais le consommateur canadien tire-t-il les bienfaits des bas prix à la ferme?
    La responsabilité de garder bas les prix à la consommation semble reposer entièrement sur les épaules du producteur, de l'agriculteur, lui et personne d'autre. Ça ne devrait pas être le cas, mais ce l'est.
    Le seul facteur économique sur lequel les agriculteurs peuvent compter, c'est l'effort coopératif. Si les agriculteurs doivent se tenir seuls, individuellement, face à ceux qui fixent les règles et les prix, ils vont continuer à perdre. C'est inévitable.
(0810)
    L'histoire de l'ouest du Canada nous montre que, lorsqu'ils se défendent seuls, les agriculteurs perdent. Nos grands-parents ont créé la Commission canadienne du blé pour que les agriculteurs n'aient pas à se défendre tout seuls.
    Si nous voulons défendre l'idée d'un avenir viable pour les jeunes et d'un avenir pour les fermes familiales, il faut des institutions qui travaillent dans l'intérêt des agriculteurs, de la même façon qu'une société doit travailler dans l'intérêt de ses actionnaires. La Commission canadienne du blé est un établissement dont le mandat consiste à travailler dans l'intérêt des agriculteurs. L'Institut international du Canada pour le grain et la Commission canadienne des grains jouent aussi un rôle capital quand il s'agit de promouvoir les produits agricoles canadiens partout dans le monde, au profit des agriculteurs.
    Or, ces mesures de protection institutionnelles font sans cesse l'objet de pressions politiques. Souhaitant maximiser son rendement pour ses actionnaires, le secteur privé souhaite les écarter du chemin et fait continuellement pression sur notre gouvernement fédéral pour qu'il les affaiblisse. Pour que les jeunes agriculteurs aient un avenir, nous devons clamer haut et fort que nous appuyons ces institutions. Si nous ne disons rien, nos représentants politiques seront influencés indûment par ceux qui profiteraient du déclin de ces institutions.
    Si nos ancêtres n'avaient pas créé la Commission canadienne du blé et si un conseil d'administration contrôlé par les agriculteurs n'avait pas renforcé l'institution, les entreprises agroalimentaires du secteur privé contrôleraient la commercialisation du blé, du blé dur, et de l'orge canadien destinés à la consommation humaine tant à l'étranger qu'au Canada même. À ce moment-là, si ce n'était du conseil d'administration, faudrait-il s'attendre à ce que ces entreprises accordent à l'agriculteur le prix actuel en ajoutant de modestes frais d'administration? Non, je crois que vous serez d'accord pour le dire, elles verseraient à l'agriculteur le plus petit prix possible et vendraient la marchandise au prix le plus élevé possible.
    Pour la plupart, vous savez probablement comment la Commission du blé fonctionne, mais je vais prendre un moment pour l'expliquer, au cas où il y aurait quelques malentendus là-dessus.
    Au moment où le produit est livré, la commission verse à l'agriculteur une part du prix de vente projeté; elle vend alors le grain de l'agriculteur sur le marché au meilleur prix qu'elle peut obtenir à ce moment-là. Au terme de l'exercice, une fois toutes les ventes faites, la commission verse à l'agriculteur le solde du prix de vente dû à la commercialisation commune pour l'ensemble de l'année, compte tenu du produit et notamment de sa catégorie.
    En 2009, la somme demandée pour tout cela plus le précieux travail de développement des marchés et de promotion des produits de la commission s'est élevée à 9 ¢ le boisseau. Pouvez-vous imaginer l'une quelconque des entreprises agroalimentaires dont il a été question qui ferait cela? Moi non plus.
    Pour conclure, je veux dire que, pour assurer l'avenir de la ferme familiale et permettre aux jeunes agriculteurs d'élever la prochaine génération d'agriculteurs, il faut que les agriculteurs se tiennent, ensemble, et exercent une emprise sur le marché. Si nous perdons la Commission du blé et nous retrouvons seuls sur le marché, l'agriculture telle que nous la connaissons commencera à périr avec ma génération.
    Selon une vision particulière de l'avenir, la ferme familiale cède le pas à d'énormes sociétés d'exploitation agricole monolithiques dirigées par des administrateurs et des comptables n'ayant aucun lien avec la terre. La main-d'œuvre gagnera le salaire minimum, personne ne se préoccupera de l'environnement, et les collectivités rurales disparaîtront peu à peu. Il n'est pas nécessaire de chercher très longtemps pour constater les premiers signes de ce phénomène.
    Je voudrais que le comité se charge de ramener un message particulier à Ottawa: le monde politique doit cesser de se prosterner à l'autel du libre-échange et des libres marchés, il doit voir la réalité en face. Si on regarde honnêtement ce que cette stratégie a donné, on constate que les agriculteurs n'en ont pas profité. On pourrait se demander aussi si les consommateurs en ont vraiment profité. Notre impression, c'est que les seuls qui ont pu en profiter, ce sont ceux qui se trouvent au milieu, entre l'agriculteur et le consommateur, et, bien entendu, ceux qui vivent si bien du fait de vendre des intrants agricoles.
    J'espère que vous allez prendre le temps de lire le dossier que nous vous avons remis, qui renferme des renseignements supplémentaires que nous n'avons pas pu aborder, faute de temps ici. Le Syndicat national des cultivateurs a monté un dossier très intéressant sur la situation des agriculteurs et des consommateurs à la suite de 19 années de libre-échange et de libres marchés. Nous allons publier une version à jour de cette brochure à l'été.
    Pour conclure, disons que les jeunes agriculteurs de l'avenir doivent avoir des chances de survivre. Ils ont besoin de toute l'aide que peuvent offrir les parents, les voisins, les amis et les institutions créées pour les servir. Gardons les jeunes agriculteurs que nous avons et donnons-leur des raisons d'être optimistes.
(0815)
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant écouter Mme Staniforth; pendant sept minutes, s'il vous plaît.
    Bonjour. Je m'appelle Margo Staniforth. Je suis propriétaire-exploitante d'une ferme et je suis fermière. Nous avons un fils de 27 ans qui envisage de revenir à la ferme.
    J'ai réuni toutes sortes de notes que je vais lire pour vous donner mon point de vue; j'essaierai d'être brève.
    À mon avis, on ne peut pratiquement pas cerner cette question si on n'a pas d'abord une idée claire de l'environnement global qui caractérise cette industrie. À l'heure actuelle, le pourcentage d'agriculteurs qui n'encouragent pas les jeunes à revenir à la ferme se situe entre 70 et 75 p. 100. Le taux moyen de retour à la ferme chez les jeunes s'élève à 8 p. 100 environ. Autrement dit, pour chaque centaine de fermes familiales qui travaillent la terre et produisent du grain ou élèvent du bétail, il n'y aura bientôt que huit fermes. Vu le concept qui l'emporte actuellement au gouvernement, les fermes ne feront que grossir.
    En gardant ces chiffres à l'esprit, je dirai que c'est là non seulement une théorie qui n'a pas fait ses preuves, mais aussi un projet pratiquement impossible sur le plan humain dans la plupart des pays. Cette mentalité va déboucher sur beaucoup de terres abandonnées. Pour qu'il y ait un développement et une certaine stabilité économiques, la terre doit servir à la fin pour laquelle elle a été conçue. On dit que, à cause du printemps sec et du manque d'aliments pour le bétail, il y a des gens qui abandonnent leur ferme dans le nord de l'Alberta en ce moment même. Ils ont renoncé à leur ferme, à leur gagne-pain, à leur investissement dans l'exploitation agricole; ils sont simplement partis.
    La dette agricole moyenne est sept fois supérieure à chaque dollar net gagné à la ferme. Environ 2,4 p. 100 de la population canadienne présentent le même fardeau d'endettement que les 97,6 p. 100 qui restent. Le fait que les propriétaires soient prêts à quitter la ferme et à laisser la terre à la banque, en faillite, devrait suffire à motiver le gouvernement à trimer plus dur pour améliorer le bien-être financier des producteurs agricoles du Canada. Si les agriculteurs quittaient tous simplement leur terre dès aujourd'hui au Canada, les cinq grandes banques mourraient en moins de deux semaines, et le Canada serait ruiné sur le plan financier.
    Il y a un problème qui comporte deux dimensions ici. Il faut concilier les besoins des jeunes agriculteurs qui veulent acquérir des terrains pour se lancer dans le domaine et ceux des agriculteurs qui souhaitent quitter le domaine. Les agriculteurs qui arrivent à l'âge de la retraite considèrent leur investissement dans la terre comme leur régime d'épargne-retraite. Cependant, la plupart de ceux à qui j'ai parlé me disent que personne localement n'a les moyens d'acheter leur terre. Il serait logique de proposer des programmes de prêt sans intérêt aux jeunes agriculteurs ou aux agriculteurs qui souhaitent prendre de l'expansion. Ce serait une façon de les inciter à acquérir les terrains des retraités.
    Comme les terres disponibles seront plus nombreuses avec le vieillissement de la population agricole, il faut prévoir aussi des programmes à l'intention des petits agriculteurs à la recherche d'une occasion d'expansion. À titre d'exemple, si un type qui possède 500 acres de terre voulait passer à 1 000 ou à 1 500, les banques n'accepteraient vraisemblablement pas d'appuyer une acquisition de matériel ou la prise en charge de coûts d'intrants plus élevés chez lui, étant donné que son bilan financier comporte des revenus limités. Si un agriculteur mieux établi, dont l'exploitation est plus grande — disons 5 000 acres — décidait d'ajouter 1 000 ou 1 500 acres à ses actifs, les probabilités sont plus grandes que les banques acceptent de traiter avec lui, étant donné ses revenus et ses actifs plus importants.
    Quand les enfants reviennent à la ferme, il faut disposer de revenus accrus pour soutenir un autre ménage jusqu'au moment où le transfert financier est achevé, d'où la nécessité d'avoir plus de terre ou plus de bétail ou plus d'infrastructures pour déboucher sur plus de revenus. Il n'y a pas que les céréales qui poussent chez nous; il y a des enfants qui poussent aussi. Se lancer en agriculture relève d'un engagement qui s'échelonne sur de nombreuses années, si ce n'est quelques décennies.
    En l'absence d'un programme financier qui permet aux producteurs en voie de prendre leur retraite de retirer leurs investissement, essentiellement, vous créez toute une nouvelle catégorie de pauvres. Les revenus fonciers reflètent le prix du grain. Encore une fois, le prix des grains n'a jamais été aussi bas. Les possibilités de s'en aller en ville sont alors minces: ça coûterait trop cher. Ajoutez à cela le fait que de nombreux producteurs agricoles n'ont pas versé la cotisation maximale dans leur régime de retraite et, voilà, ce sont de nombreuses personnes âgées qui doivent demeurer à la ferme. Du point de vue de la santé, ce n'est peut-être pas ce qui leur convient. Les très faibles revenus enregistrés dans les fermes sur des années en raison d'un piètre soutien de l'agriculture au Canada déboucheront sur un cauchemar pour les contribuables. En ce moment, il y a un nombre important de membres de la génération de l'après-guerre qui quittent la population active, qui ne paieront plus d'impôt, qui ne contribueront pas à l'assiette fiscale pour compenser.
    Environ 15 p. 100 de la population rurale est à l'origine de 80 p. 100 de la richesse en Alberta. Cela vient d'une combinaison de l'énergie — le pétrole et le gaz naturel — et de l'agriculture, mais, comme je l'ai déjà dit, le pétrole, ça ne se mange pas. Il faut créer davantage d'occasions pour attirer les jeunes agriculteurs. Il faut s'attacher au développement de l'industrie — la technologie des biocombustibles à l'éthanol, peut-être. C'est un autre oxymore au gouvernement. Selon la loi qui a été adoptée, il y a 5 p. 100 d'éthanol dans l'essence; cependant, les usines de production tardent à se mettre en place. Le résultat finira par profiter aux producteurs agricoles américains avec un éthanol importé satisfaisant aux exigences canadiennes en la matière. Comment pourrait-on dire que cela stimule notre économie? Comment peut-on dire que cela profite aux agriculteurs canadiens?
(0820)
    En plus, il faut une loi pour exiger que le pourcentage d'éthanol qu'il doit y avoir dans notre essence soit uniquement de source canadienne. On a beaucoup discuté de la question des aliments et des carburants. Chaque fois que j'assiste à une réunion où la question est soulevée, je fais un tour rapidement pour compter le nombre de personnes qui n'utilisent pas leur voiture; je n'ai pas encore trouvé un cycliste à une telle réunion.
    En réalité, les gens ne vont pas délaisser leur véhicule, ils ne peuvent cesser de manger, et nous devons concilier les deux. Nous avons besoin des usines qui donneront aux producteurs agricoles une option de commercialisation locale. Il faut des revenus communautaires pour rebâtir les collectivités. Il nous faut cette industrie pour attirer les jeunes dans le secteur.
    Il nous faut une industrie de la transformation pour le bœuf et d'autres protéines aussi. Les grandes entreprises de transformation rongent la marge des producteurs de bœuf, puis font faillite elles-mêmes. Nous devons insister sur la transformation locale pour répondre à la demande toujours croissante de porc, de poulet, de bœuf local. Selon un rapport que j'ai lu à propos du bétail élevé et abattu localement, il y a une différence de prix importante entre l'option locale et la bourse des marchandises. Le bétail vendu et transformé localement a donné 400 $ l'unité, alors que la bourse versait 50 $ l'unité — ajoutez à cela le manque d'eau et d'aliments pour les bêtes et c'est vite fait: vous revenez des enchères avec une facture plutôt qu'un chèque.
    Globalement, nous en sommes arrivés à une production alimentaire de la plus grande qualité, mais ça ne donne pas des prix plus élevés au profit des producteurs. Nous perdons encore des producteurs agricoles à un rythme alarmant, car l'idée primée est non pas de développer l'industrie agricole, mais plutôt de sacrifier les agriculteurs au profit de la grande entreprise.
    C'est tout à fait le contraire de ce qu'il faut faire pour motiver les jeunes à revenir à la ferme, car ils doivent commencer de façon plus modeste et assumer la responsabilité énorme qui est liée à une exploitation existante, mais seulement pour s'apercevoir que les probabilités et les mesures dans le domaine, déjà, ne les favorisent pas. Les petites exploitations se prêtent davantage au tourisme agricole saisonnier, ce qui veut dire que les jeunes en question doivent occuper un emploi à temps plein en même temps que de s'occuper de la ferme. Les exploitations classiques et relativement plus grandes doivent quand même compter sur le revenu d'une personne qui travaille à temps plein ailleurs, au moins, pour ne pas sombrer. D'une façon ou d'une autre, ce n'est pas une carrière à temps plein qui puisse s'envisager.
    Il faut trouver un meilleur équilibre du côté des produits de base à l'Organisation mondiale du commerce. L'Union européenne et les États-Unis profitent tous deux de subventions qui sont interdites aux producteurs agricoles canadiens. Nous n'avons jamais connu d'égalité des chances.
    En même temps, ces entités exigent que la Commission canadienne du blé disparaisse de la face du Canada. L'absence évidente de soutien du gouvernement à cet égard est un élément destructeur; ce n'est rien pour inspirer la confiance. Quand on nous dit qu'il n'est pas prouvé au Canada que la Commission canadienne du blé profite aux agriculteurs, mais qu'on regarde ensuite les résultats de la déréglementation qu'il y a eus du côté de l'Australian Wheat Board, ce qui a donné des prix nettement inférieurs pour les agriculteurs, cela crée une méfiance: nous nous demandons si le gouvernement agit jamais dans notre intérêt.
    La Russie crée actuellement sa propre commission du blé à partir du modèle canadien, pour reconstruire une industrie agricole perdue en grande partie du fait de l'immixtion du gouvernement dans la production alimentaire. Résultat: les Russes étaient devenus des importateurs nets d'aliments. Cela va à l'encontre de ce que le public exige en ce qui concerne la souveraineté alimentaire.
    L'ESB s'est répercutée de façon extrêmement défavorable sur les producteurs du Canada. Le gouvernement a refusé de prendre la responsabilité des dommages causés aux producteurs. Les producteurs ont dû lancer un recours collectif et ont signé récemment une pétition exigeant une médiation, pour que ces questions-là se règlent.
    Le projet de loi C-474, le fait de devoir se battre pour défendre les droits des agriculteurs, pour que les marchés soient analysés avant que la grande entreprise et le gouvernement ne viennent nous dicter ce que nous pouvons cultiver et l'endroit où nous pouvons vendre nos produits et d'autres lois qui nous retirent des droits sur nos propres terres, tout cela n'est pas très bon pour attirer les jeunes dans le domaine.
    Nous avons perdu nos droits pour ce qui touche l'utilisation de nos semences. Maintenant, il n'y a que des recherches contrôlées par les grandes sociétés. La Commission canadienne des grains est démantelée morceau par morceau. La Commission canadienne du blé est attaquée. Nous sommes en train de perdre les droits que nous avons sur nos cours d'eau en Alberta. Nous avons perdu nos droits de propriété à cause d'une loi relative à un conflit avec AltaLink. Selon un document qui a fait l'objet d'une fuite, nous savons maintenant que nous sommes sur le point de perdre d'autres droits encore au profit de grandes multinationales et que si nous ne nous plions pas à leurs droits de propriété intellectuelle, elles auront le droit d'exercer des mesures de représailles et de geler nos comptes bancaires, et de nous empêcher de faire des affaires sur nos propres terres.
    La Commission de la santé et de la sécurité au travail veut maintenant contrôler tout ce que nous faisons en fait de dotation, pour prendre un peu de nos fermes elle aussi.
    Les marges au magasin connaissent une croissance exponentielle. Les marges à la ferme connaissent une diminution exponentielle.
    Je poserai donc la question suivante au comité: est-ce un domaine que vous recommanderiez à votre enfant?
    De nombreux facteurs y sont pour quelque chose dans le déclin de l'agriculture au Canada, mais, en grande partie, c'est dû à une politique gouvernementale globalement inefficace. Les résultats sont éloquents.
(0825)
    Que ce soit à l'échelon provincial ou fédéral, tous les ministres devraient être tenus d'avoir un bilan fructueux dans le portefeuille qui leur est confié. Dans le secteur privé, ça ne se ferait pas autrement. Il a fallu des lois pour que l'agriculture se retrouve dans ce pétrin, il faudra des lois pour sortir l'agriculture de ce pétrin. Les jeunes ne seront pas attirés dans le domaine tant que cela ne se fera pas. Le succès que procure le travail agricole est substantiel, concret et durable, et si les succès de l'agriculture peuvent rivaliser avec ceux d'autres industries, il y aura peut-être davantage de jeunes qui reviendront à la ferme.
    Le gouvernement doit changer du tout au tout sa mentalité à l'égard de l'agriculture. Plutôt que de chercher à débarrasser le Canada de toutes ses fermes familiales, il faut s'appliquer à renforcer les fermes en question. Il faut reconnaître sans ambages la contribution de l'agriculture à l'économie dans son ensemble, au rétablissement des collectivités rurales souffrantes, à la satisfaction des exigences des jeunes électeurs urbains en fait d'alimentation locale, de l'énorme contribution financière de l'agriculture pour les marchés d'exportation et des importantes retombées de l'industrie alimentaire. Nos fermes familiales nourrissent le monde, nos fermes familiales appuient bel et bien l'économie canadienne, et il faudra beaucoup de changements pour que nos enfants aient la volonté de revenir à la ferme.
    Merci beaucoup.
    Écoutons maintenant Wyatt Hanson.
    Wyatt, vous êtes un cas atypique, j'imagine, parmi les jeunes que nous essayons d'encourager à revenir à l'agriculture; merci donc d'être là. Je crois comprendre que vous n'avez que 17 ans; je vous donne vraiment crédit: vous êtes là et vous êtes venu témoigner. Merci.
    Bonjour. Je m'appelle Wyatt Hanson. Je vais vous parler un peu de moi-même. J'ai vécu sur un ranch toute ma vie. Nous avons remporté des prix pour les pur-sang que nous élevons et nous avons vendu notre génétique sur quatre continents. En 2001, nous avons décidé de vendre notre élevage de pur-sang. Nous sommes revenus au secteur commercial dans l'espoir d'en tirer une marge bénéficiaire plus grande en employant moins de main-d'œuvre. Moins d'un an plus tard, l'ESB a frappé, et nous sommes revenus à la case de départ, pour changer notre mentalité.
    À ce moment-là, nous avons commencé à gérer un élevage pour un homme d'affaires du Texas. Nous travaillions 24 heures sur 24, sept jours par semaine, simplement pour arriver. En 2008, nous avons vendu 500 têtes de bétail du troupeau commercial. À ce moment-là, mes parents nous ont posé la question, à mon frère, à ma sœur et à moi: voulez-vous continuer à élever du bétail? À l'époque, nous avions des problèmes de main-d'œuvre. Mes parents travaillaient 18 heures par jour, et nous travaillions 30 heures par semaine avec l'école. Cela nous a amenés à conclure que nous adorons le bétail et que nous adorons ce mode de vie, mais que nous ne pouvions en tirer une subsistance. Mes parents ont opté pour le pâturage à forfait, et c'est là que nous en sommes aujourd'hui.
    Je voudrais aller à l'université pour étudier le commerce international à la fin de l'année prochaine. Je suis membre du club 4-H depuis sept ans, et j'ai pris en charge tous les projets reliés au bœuf. J'ai déjà participé à des concours de bétail dans la catégorie jeunesse; en ce moment, je siège au conseil d'administration de l'Alberta Junior Hereford Club et je suis membre de l'Airdrie and District Agricultural Society. J'aime la ferme, mais je n'aime pas le stress et les abus physiques que nous devons subir pour pouvoir en profiter. Je suis d'avis que nous devrions diriger nos fermes à la manière d'entrepreneurs, purement et simplement.
    Je ne connais pas d'autre secteur qui dépend des largesses du gouvernement pour vivre, à part la pêche. Si vous achetiez une entreprise de transport par camion ou une boutique, il faudrait que votre investissement commence à rapporter dans 6 à 12 mois et que la somme investie soit remboursée dans trois à cinq ans. Si vous deviez acheter un ranch pour y élever de 300 à 500 têtes de bétail, il vous faudrait de 3 000 à 5 000 acres, ce qui vous coûterait de 3 à 8 millions de dollars, selon l'endroit choisi et la qualité de la terre. Il vous faudrait aussi 1 million de dollars en matériel et 500 000 $ pour constituer le cheptel. Les dépenses annuelles varieraient entre 300 000 et 500 000 $, et il vous faudrait 100 000 $ pour le salaire de la famille du propriétaire.
    Je vous demanderais de vous reporter à la documentation que je vous ai remise pour voir les points que je viens de soulever. Ça se trouve à la dernière page. Si vous avez des questions, je pourrai y répondre à la fin.
    Aujourd'hui, nous vendons nos veaux 660 $ pièce, soit 79 p. 100 de moins que ce qu'il faut à une entreprise. Certains vous parleront d'appât du gain, mais si nous voulons rivaliser pour les intrants comme le carburant, la machinerie, les engrais et les produits pharmaceutiques, nous devons être soumis aux mêmes règles que toute autre entreprise.
    Comment faisons-nous donc pour tenir le coup? Premièrement, il y a une bonne partie de la terre qui était payée avant 1970. Deuxièmement, certaines localités agricoles sont relativement plus vieilles. Troisièmement, les agriculteurs ne se versent pas de salaire, ni à eux ni à leur famille. Quatrièmement, les jeunes agriculteurs utilisent les terres achetées comme garantie pour contracter des emprunts et se servent de l'argent emprunté pour assumer les dépenses de fonctionnement. Cinquièmement, 80 p. 100 du revenu d'une ferme familiale provient d'emplois occupés en dehors de la ferme. Sixièmement, notre machinerie vieillit, ce qui veut dire que l'endettement contracté pour la remplacer ou la réparer un jour sera plus lourd. Septièmement, la qualité de nos intrants baisse, ce qui veut dire que la qualité de nos extrants va en souffrir.
    Notre ranch a vendu son bétail commercial à un homme d'affaires qui possédait une petite société pétrolière et une entreprise de construction de hangars d'avion. Il a acheté un bon ranch, de la machinerie et du bétail, puis il a fait faillite avant 18 mois. Je dirais que la plupart des entreprises s'y essayant dans le monde de l'agriculture arriveraient au même résultat, le secteur agricole étant apte à aspirer l'argent 80 p. 100 plus vite qu'on peut l'investir en partant de rien.
    L'analyse précédente étant ce qu'elle est, je me pose certaines questions sur mon avenir. Premièrement, pourquoi est-ce que je me lancerais dans un secteur où il n'y a pas, ou pratiquement pas, de place pour faire progresser mon entreprise? Deuxièmement, si je devais me lancer en agriculture, pour être juste envers mes parents, il faudrait que je leur achète la ferme pour qu'ils puissent prendre leur retraite, et aussi pour que mon frère et ma sœur puissent réaliser leurs rêves avec leur part.
    Même si on me donnait ma part en cadeau, je n'aurais pas les moyens de réunir suffisamment de capital pour soutenir une exploitation suffisamment grande pour en tirer ma subsistance. Si je dois trouver un emploi pour me permettre d'avoir une ferme, autant trouver simplement un emploi et oublier la ferme.
(0830)
    Ne vous y méprenez pas, j'adore notre ferme et j'aime notre histoire. J'adore arriver au meilleur résultat possible en reproduction des bovins, j'aime l'engraissement, le vêlage, le sevrage et la commercialisation. Mais je n'aime pas la frustration éprouvée à en arriver à un produit supérieur qui vaut moins que ce qu'il a coûté.
    Je suis frustré aussi du fait que notre société accorde la priorité aux besoins matériels davantage qu'à la valeur de nos aliments. Je comprends le fait que la consommation renforce notre économie et notre situation commerçante dans le monde. Cela nous mène peut-être à une situation critique. L'agriculture a compté pour environ 80 milliards de dollars dans le produit intérieur brut du Canada en 2002. En l'absence de la ferme familiale, les villages ruraux du Canada vont devenir des villages fantômes.
    Je ne crois pas que le problème de l'agriculture soit de nature nationale; je crois que c'est un problème de nature mondiale. Nous ne sommes pas seuls à vivre cela. Partout dans le monde, des fermes font faillite. Mon plus grand souci, c'est que la ferme familiale est menacée de disparaître. D'ici 20 ans, les Cargill et Tyson de ce monde posséderont l'industrie agricole. Cette correction massive causera une véritable explosion du prix des produits agricoles, au-delà même de ce que ça devrait être aujourd'hui, étant donné que ces entreprises ne fonctionnent qu'à profit.
    Tant que le domaine agricole n'aura pas de prise sur ses dépenses ou sur ses prix, sinon les deux, je n'y vois pas d'avenir pour moi.
    Y a-t-il des questions à propos des feuilles vertes?
(0835)
    En fait, à ce sujet, c'est la règle au comité de faire traduire le document dans les deux langues. Cela va se faire, et nous aurons le document en main. Je suis sûr qu'il y aura beaucoup de questions de posées.
    Soit dit en passant, vous avez présenté un excellent exposé. Certaines de vos observations m'ont certainement rappelé mes trois fils, dont aucun n'a choisi ou ne va choisir l'agriculture. Je suis sûr qu'on va vous poser de bonnes questions. Bravo.
    Monsieur Butler, à vous.
    J'aimerais vous remercier de l'occasion de m'adresser à vous. Je n'ai pas de texte écrit, ayant appris seulement jeudi de la semaine dernière de la part de Kevin Sorenson qu'il y aurait l'audience d'aujourd'hui. C'est donc un assez court préavis.
    Je vais vous parler de l'histoire de mon ranch et des raisons pour lesquelles mes enfants n'y reviennent pas.
    Nous avons fait nos débuts dans le sud-est de l'Alberta, dans ce qui s'appelait le dust bowl des années 1930. Mes parents se sont établis en 1951. Aujourd'hui, nous élevons du bétail sur 41 lots.
    Si l'élevage a survécu au fil des décennies, c'est seulement parce qu'il se pratiquait sur de vastes pans de terre marginale. Soit que c'était trop vallonneux ou trop humide ou trop sec, soit qu'il y avait trop d'arbres ou trop de roches pour qu'une autre forme d'agriculture puisse s'y pratiquer. Nous avons donc de grandes étendues de terre. Il y a certains ranchs dans mon secteur qui comptent plus de 100 sections. Il faut 100 acres pour élever une seule tête de bétail. Là où il y a mon élevage à moi, la végétation est assez touffue. Nous nous en tirons à 40 acres la tête de bétail.
    Au fil des ans, compte tenu d'un cycle d'élevage de dix ans, à condition de freiner les coûts de fonctionnement, on pouvait gagner sa vie décemment. On ne devenait pas riche, mais on pouvait avoir une bonne vie, moyennant une réglementation qui avait du sens. Il y a dix ans de cela environ, on a ouvert les portes toutes grandes à la réglementation, dont le flot n'a pas ralenti depuis. Ce n'est pas l'ESB qui est en cause. Ce n'est pas pour cela qu'il y a eu la réglementation; c'est l'excuse qui a été utilisée. Si vous remontez aux années 1960, vous verrez que mon père a combattu M. Whelan, ministre de l'Agriculture de l'époque; on essayait de mettre en place un office de commercialisation du bétail. Puis, il y a eu les règles de salubrité des aliments à la ferme et il y a toujours quelque chose depuis — des règles, des règles, encore des règles. Chacune de ces règles nous coûte de l'argent.
    En ce moment, c'est une centaine de dollars par veau que nous perdons environ au chapitre des coûts de fonctionnement, par rapport au prix de vente. C'est une moyenne. À certains endroits, c'est plus que cela, à d'autres, c'est moins, selon ce que peuvent être vos coûts de fonctionnement. Selon l'industrie, la réglementation excessive représente maintenant plus de 80 $ par tête de bétail, au-delà de ce qu'assument nos concurrents. Alors, même si c'était ramené à ce que ça représente chez nos concurrents — les États-Unis —, nous serions seulement près de faire nos frais. Nous ne toucherions pas de bénéfices; nous ferions nos frais.
    La réglementation a quasiment mis l'industrie à genoux, et elle l'achèvera. Il y a toujours de nouveaux règlements qui sortent. L'Agence canadienne d'inspection des aliments, à mon avis, s'emballe carrément avec ses règlements. Elle est arrivée maintenant avec ce qu'elle qualifie de plan de biosécurité. Le premier élément est le contrôle de l'accès des visiteurs à vos animaux. Dites-moi donc, sur un ranch qui fait 100 sections, comment est-ce que je suis censé contrôler l'accès aux animaux si le gouvernement provincial me force à y permettre la chasse? Ensuite, il faut prévenir le contact entre les animaux de production et les animaux sauvages. Encore une fois, dites-moi comment je suis censé empêcher les animaux sauvages d'entrer en contact avec mes animaux à moi?
    L'Agence canadienne d'inspection des aliments est comme un cheval fou. Je vais vous remettre la responsabilité sur les épaules. C'est vous que nous avons élus pour garder une emprise là-dessus. C'est vous qui laissez aller la bête.
    Le deuxième élément, c'est le manque de droits de propriété. Dans notre pays, ce n'est pas un droit de propriété que nous avons, c'est un droit de jouissance. C'est tout ce que nous avons. On jette un oeil à la Constitution et on voit que c'est bien cela. J'ai siégé à trois commissions des droits de propriété au Canada depuis 13 ans, à l'échelle fédérale comme à l'échelle provinciale. La Loi sur les espèces en péril est entrée en vigueur en 2006, je crois, en juin. Comme il y a ces vastes étendues où il n'y a pas eu d'agriculture ou qui sont revenues à l'état naturel, alors imaginez ce qui les attire. Nous nous retrouvons avec toutes sortes d'espèces en péril. Il y en a 14 sur la liste dans mon secteur et, parfois, j'en ai au moins 12 chez moi. J'imagine que je suis assez chanceux. Il y en a deux que je n'ai peut-être pas à un moment donné. À y songer, on voit que cette loi-là empiète beaucoup sur les droits de propriété. Les gens peuvent arriver et, selon M. Pearce, qui est responsable de l'indemnisation prévue dans cette loi-là — et je l'ai rencontré personnellement à Calgary —, comme nous occupons les terres, il nous revient à nous de protéger ces espèces contre le reste des Canadiens, sans être indemnisés. Si ça finissait par représenter au moins 50 p. 100 de la valeur de notre production, nous pourrions alors recevoir une indemnité quelconque.
(0840)
    Pour parler de la Loi sur la protection des eaux navigables, en Alberta, nous avons beaucoup d'eaux navigables. Je vois tout le temps des bateaux ici. Tout de même, cela a une incidence sur toutes les terres en Alberta et sur chaque cours d'eau où vous pouvez vous retrouver dans un bateau à un moment donné — autrement dit, en cas de crues. Voilà qu'un navire est ramené à un simple pneumatique.
    Il y a chez moi un ruisseau qui mène de nulle part à nulle part. De temps à temps, quelques poissons s'y trouvent. Là où il y a un étang artificiel, les canes et les oies vont aller cueillir un peu de boue et déposer des oeufs. Les canetons ne vivent pas longtemps. Le ministère des Pêches et Océans contrôle ce ruisseau; si je veux y aménager un pont ou un ouvrage quelconque, je dois donc obtenir sa permission. Ce n'est pas plaisant.
    Entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial dans ce pays, on a réussi à réduire les occupants de la terre au rang de serfs dans un régime féodal. Si vous allez voir la définition du serf — je prends la mienne dans le World Book —, vous verrez que, sous le régime féodal, c'est un paysan qui se trouve à mi-chemin entre l'homme libre et l'esclave — les serfs sont généralement liés à la terre qu'ils cultivent et sont tenus de verser certains paiements au seigneur et de lui fournir certains services. À mes yeux, nous sommes des serfs.
    Les droits de propriété sont fondamentaux à nos yeux. Je fais des plans dix ans d'avance pour mes terres et mes eaux. C'est ce que je dois faire en pays de sécheresse, sinon je me retrouve en difficulté. Pour moi et pour le milieu des éleveurs, dont la subsistance provient de l'exploitation d'une terre marginale, les droits de propriété sont fondamentaux, et je crois qu'ils devraient être fondamentaux pour tout Canadien. Le droit de propriété et le droit de jouir de ses biens font partie d'une société libre et démocratique. Nous n'avons pas cela au Canada. Vous pouvez déréglementer et prévoir des droits de propriété. Je ne suis pas à la recherche de subventions; je ne recherche rien. Je souhaite qu'il y ait moins d'interventions gouvernementales pour aider notre industrie.
    Ma fille m'est revenue il y a un an et demi, après l'effondrement de son mariage. Elle a une fille qui a un trouble d'apprentissage. Elle a dit: « Papa, je veux revenir au ranch. » Très bien, lui ai-je dit. Si j'ai élevé une éleveuse, c'est bien elle. Il y a deux semaines de cela, elle est venue me voir et m'a dit qu'elle n'en voulait pas. C'est uniquement à cause de la réglementation et de l'absence de sécurité. Ce n'est pas une question d'argent. Je suis très chanceux dans le sens où je ne dois pas un sou à quiconque. Nous essayons de trouver une façon de lui transférer la propriété sans que cela ne lui occasionne des frais, et nous pourrions alors prendre notre retraite. Par contre, comme il y a la réglementation et qu'il n'y a pas de droits de propriété, elle a dit: « Non merci. J'irai faire quelque chose d'autre. »
    Merci.
    Je me contenterai de dire: amen, que nous ayons donc un État qui prend moins de place.
    M. Gordon Butler: C'est vous qui pouvez le créer.
    Le président: Je vous entends.
    Passons aux questions. Je rappelle aux membres du comité: essayez de poser des questions directes.
    Premièrement, il y a Mark Eyking, du Parti libéral, pendant sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous les invités d'être venus aujourd'hui.
    Monsieur Hanson, c'est un excellent exposé que vous avez présenté. J'ai été membre des 4-H; entre autres, c'est utile non seulement pour l'agriculture, mais aussi pour l'art de parler en public. Je vois que vous avez bien écouté vos leaders du club. Bravo.
    Madame Staniforth, vous avez mentionné les transferts générationnels. Il en a beaucoup été question au cours des quelques dernières réunions. En Europe, certains pays ont une hypothèque perpétuelle, comme ils l'appellent, et le gouvernement finance quelque peu la ferme. Je vais parler d'une situation hypothétique. Disons que votre ferme vaut 800 000 $. Vous avez entre 60 et 65 ans déjà. Vous êtes prêt à prendre votre retraite. Vous êtes prêt à passer à autre chose, mais vous devez encore quelques centaines de milliers de dollars. Vous effectuez encore des paiements. Un jeune agriculteur, et particulièrement un de vos enfants, entrerait en scène. Vous auriez tant d'argent et il en resterait tant à verser au gouvernement. À ce moment-là, le jeune n'aurait pas subitement à supporter un si grand endettement. Il serait plus facile pour lui de rembourser, et vous auriez votre bas de laine.
    Faudrait-il organiser les choses différemment? Il ne s'agirait peut-être pas simplement de dispenser les jeunes agriculteurs de l'obligation de verser des intérêts pendant quelques années. Peut-être y aurait-il un mécanisme où un plus grand nombre de personnes ont un intérêt dans la ferme, et pas seulement cette personne-là ou ce jeune couple qui essaie de s'établir. Voilà ma première question: faudrait-il envisager différentes structures?
    Ma deuxième question s'adresse à M. Stokes. Les cultivateurs d'arbres fruitiers nous ont dit hier — et je crois que nous allons entendre cela souvent pendant nos audiences — que les fournisseurs et les détaillants s'approprient une grande part de l'affaire, surtout du fait qu'ils deviennent de plus en plus gros. Croyez-vous que le gouvernement devrait essayer d'exercer un contrôle là-dessus? Est-ce qu'il devrait y avoir plus de réglementation? Le Bureau de la concurrence — notre comité vient d'étudier la question des producteurs d'engrais — devrait-il exercer davantage de surveillance et empêcher qu'on profite des agriculteurs?
    Ma troisième question s'adresse à vous, M. Butler. Vous avez dit très clairement que, si la réglementation disparaissait ou était sensiblement réduite, vous croyez que vous seriez en mesure de rivaliser avec les Américains dans le domaine du bœuf. Je crois savoir que, aux États-Unis, il y a aussi une loi sur la faune et une loi sur les eaux navigables. Il y a là-bas bon nombre des lois et règlements que nous avons ici. En discutant avec beaucoup de producteurs de bœuf au Canada, nous avons constaté que le tout premier problème à leurs yeux du côté des États-Unis est le Farm Bill, qui permet de verser une subvention de presque 1 $ le boisseau. Je vous pose la question suivante: si cette réglementation n'existait pas, votre fille choisirait-elle l'élevage? Sinon, croyez-vous qu'il vaudrait mieux que ce soit le food bill, par exemple, qui n'existe pas aux États-Unis?
    Je sais que ce sont là trois questions délicates. Si vous y allez en premier et que nous ne dévions pas de notre route, je crois que nous pouvons prendre cela comme point de départ.
(0845)
    Je ne sais pas très bien quelle réponse il faut donner à cette question. Je ne suis pas sûre de ce qui se passe en Europe. Tout de même, il y a plusieurs années de cela, il y a eu la question de la réserve foncière que j'ai signalée à Alex Atamanenko, à Ottawa.
    Brièvement, pour qu'on sache, la solution ne me paraît pas résider dans le fait pour le gouvernement d'avoir une plus grande emprise ou une emprise plus durable sur nos biens personnels. Je ne crois pas que nous souhaitions un plus grand contrôle de la part du gouvernement. Nous souhaitons qu'il y ait des prix équitables sur le marché, ce qui n'est plus le cas depuis bien des années. Voilà le problème. Si nous pouvions mener nos entreprises en touchant un bénéfice comme une entreprise normale le fait...
    J'ai dirigé cinq entreprises. J'en ai possédé deux. Lorsque je me suis mariée et que je suis arrivée en agriculture, j'ai eu comme premier réflexe de vouloir m'enfuir: mon Dieu, je n'avais pas idée de l'ampleur des contrôles gouvernementaux qui s'y exercent. À mon avis, la solution n'est pas là. Ce n'est pas le chemin que nous devrions prendre selon moi. De fait, nous devons déterminer pourquoi les produits de première qualité que nous offrons dans les fermes familiales ne sont pas payés à leur juste prix. On a insisté sans cesse auprès de nous sur le fait que grâce à un produit de première qualité et à l'efficience... Nous avons adopté toutes les mesures d'efficience que l'humanité et le bon Dieu connaissent. Nos produits sont de la première qualité. Ce fait est reconnu mondialement. Nous n'arrivons toujours pas à en tirer un revenu décent.
    Il faut approfondir l'analyse pour voir où va l'argent. Nous avons entamé un examen dans l'industrie du bœuf il y a plusieurs années de cela. Je ne sais pas ce qu'il en est advenu. Cela a été un pétard mouillé.
    Je crois que le gouvernement est davantage redevable à la grande entreprise — les Cargill et Monsanto de ce monde — qu'aux producteurs agricoles. C'est cet élément-là de l'équation qui doit changer, et il faudra pour cela que la mentalité change mondialement.
    Nous entendons dire que la politique des aliments à bas prix au Mexique a forcé un demi-million d'agriculteurs à abandonner leur terre. Les agriculteurs du Costa Rica souffrent. Les fermes américaines souffrent. Les fermes canadiennes souffrent. C'est nous qui vous nourrissons. Nous n'arrivons pas à nous maintenir à flot. Nous sommes réglementés à mort. C'est comme si le gouvernement nous avait mis en boîte et qu'il restait assis sur le couvercle. Quoi que nous fassions, nous n'arrivons pas à nous en sortir.
    Je ne crois pas que les producteurs agricoles disent: oui, faites intervenir le gouvernement, qui prendra une part dans ma ferme sur 40 ans. Personnellement, ce n'est pas une solution qui me convient.
(0850)
    Merci.
    Monsieur Stokes, il reste environ une minute.
    Vous avez demandé ce que le gouvernement devrait faire à propos de ce que nous considérons comme des prix abusifs.
    Je ne vois pas vraiment les choses de cette façon-là. Je crois que les agriculteurs ont besoin de pouvoir exercer une certaine emprise sur le marché, ce qui est le cas en ce moment avec les institutions en place. L'emprise que nous voudrions exercer sur le marché, bien entendu, ce serait la possibilité de dire: vous devez vendre ce pain 2 $ et puis nous donner 50 ¢ du produit de la vente. Évidemment, cela ne va pas arriver, avec le genre de marché que nous avons. Il faut prendre soin de laisser intactes les institutions qui nous protègent et qui nous donnent les meilleures chances de réussir sur ce marché.
    Je ne vois pas la réglementation comme étant un problème ici, du moins pas dans la partie de l'industrie dont je parle. Je parle ici de la fois où, il y a quelques années de cela, le prix du blé a atteint 8, 9 ou 10 $, et le prix d'un pain au magasin a augmenté de quelque chose comme 20 ¢. Les protecteurs du consommateur ont essentiellement jeté la pierre aux agriculteurs en disant: comme les agriculteurs obtiennent plus d'argent pour leur blé, maintenant, vous devez payer davantage pour votre pain. C'était de la foutaise, mais personne que je connaisse ne s'est opposé aux gens qui affirmaient que les agriculteurs, qui obtenaient un juste prix, s'appropriaient abusivement 20 ¢ supplémentaires sur le pain qui est vendu. Étant donné que la valeur du blé dans un pain est si faible...
    Dans le contexte où les agriculteurs sont vus dans les supermarchés du pays, nous jouons à cet égard un rôle très modeste. Il serait merveilleux de pouvoir sensibiliser nos consommateurs à la question: s'ils payaient un peu plus cher le pain qu'ils achètent et que l'augmentation en question allait directement à l'agriculteur, alors ce serait vraiment quelque chose. Mais ça ne se produirait pas. C'est que si le prix du pain augmentait, c'est chacun des éléments de la chaîne qui prendrait sa part, et c'est à peine si l'agriculteur en obtiendrait un peu plus que ce qu'il obtient en ce moment.
    Je ne crois pas qu'il s'agisse de réglementation. Ce que nous voulons, c'est de garder les institutions qui défendent nos intérêts et nous donnent tout au moins une petite emprise sur le marché.
    Merci.
    Monsieur Bellavance, vous disposez de sept minutes.
    Pour le témoin, disons qu'il pourra peut-être ajouter cela plus tard. Je sais qu'il n'y a pas assez de temps, mais il va pouvoir en parler plus tard, n'est-ce pas, si le temps le permet?
    D'accord.
    Monsieur Bellavance, vous disposez de sept minutes.

[Français]

    Merci. C'est bien, je suis le seul à ne pas porter d'écouteurs. C'est le contraire habituellement.
    Monsieur Hanson, je vous félicite de votre témoignage. Cela fait cinq ans que je suis membre du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire et j'ai l'impression que vous êtes le plus jeune témoin qu'on ait rencontré. Pour ma part, c'est le cas. Peut-être que quelqu'un comme M. Eyking, qui était là avant moi, pourrait se souvenir d'autres témoignages, mais le vôtre m'a paru très intéressant et, en même temps, il rejoint un peu ce qu'on a déjà entendu. On n'a pas commencé hier à rencontrer des jeunes. Le comité a commencé son étude hier dans l'Ouest, mais cela fait déjà des années qu'on rencontre des gens de la relève agricole, des jeunes. Et ce que vous nous dites correspond énormément à ce qu'on entend depuis plusieurs années, c'est-à-dire qu'il est pratiquement impossible de prendre la relève de la production agricole. Ce problème est moindre dans le cas des producteurs qui pratiquent la gestion de l'offre, mais à part cela, c'est toujours le même problème qui se présente. La terre a une grande valeur. Si les parents veulent obtenir un prix équivalent à sa valeur et qu'ils aimeraient la céder à leur enfant, évidemment, ce dernier est dans l'incapacité de l'acheter. S'ils la vendent moins cher, c'est leur fonds de retraite qui vient de « prendre le bord ». Donc, il y a ce problème auquel les jeunes agriculteurs doivent faire face.
    Vous nous dites qu'actuellement, prendre la relève de vos parents n'est pas nécessairement la voie à suivre. Il y a quelques années, au Bloc québécois, on a tenu un colloque avec la relève agricole au Québec et on avait émis certaines avenues de solution, des propositions. Évidemment, on est encore ici aujourd'hui à en discuter, donc on n'a pas trouvé la solution. Il n'y a pas une seule solution; il y en a plusieurs. On est contents d'entendre les suggestions que vous pourriez apporter.
    J'aimerais vous soumettre quelques-unes des propositions qui ont émané du colloque, afin de voir si on ne pourrait pas continuer à presser le gouvernement pour essayer de les mettre en avant. Par exemple, actuellement, on peut utiliser nos REER, nos régimes d'épargne-retraite, avec un Régime d'accession à la propriété qu'on appelle le RAP, pour acheter une maison. Ce que les jeunes de la relève nous ont suggéré, c'est de permettre d'utiliser ce RAP pour acheter une propriété agricole, pas seulement une maison. Ils suggéraient aussi de pouvoir s'en servir pour devenir co-propriétaires de la ferme. Ce qui veut dire qu'un jeune — évidemment à 17 ans c'est difficile, mais après certaines années d'investissement dans des REER — pourrait devenir co-propriétaire avec ses parents en utilisant ses placements sous forme de RAP pour acheter la propriété agricole. Aussi, pour les parents, cela constituerait une forme de régime d'épargne-retraite, mais spécifiquement pour le milieu agricole, donc un fonds de retraite à l'abri de l'impôt, qu'on accumule au fil des années. Le gouvernement, comme dans le cas d'un fonds de pension, pourrait également contribuer à ce régime d'épargne, comme il le fait pour le régime d'épargne-études. À ce moment, si le fonds sert à la relève agricole, il est possible de conserver un certain fonds de retraite. Cela fait partie de certaines mesures fiscales qu'il ne serait pas si compliqué d'adopter, qui ne coûteraient pas si cher que cela au gouvernement et qui pourraient peut-être donner le petit coup de pouce nécessaire à certains pour poursuivre dans la voie que les parents ont tracée.
(0855)

[Traduction]

    L'idée d'avoir le REER me plaît; toutefois, si mes parents optaient pour la copropriété, comme vous le proposez, je crois qu'il ne resterait pas suffisamment d'argent pour que je vive de l'agriculture, comme je l'ai dit pendant ma déclaration. Ce serait donc utile pour que je puisse acquérir les terres et pour que mes parents prennent leur retraite, mais je ne pourrais alors rien faire de la terre. La terre resterait inexploitée, puis j'aurais tous ces terrains à vendre plus tard dans la vie. Cela aiderait mes parents à prendre leur retraite et cela m'aiderait à acquérir les terres, mais je ne pourrais tirer de subsistance de l'agriculture, puis il faudrait que je trouve un emploi en dehors de la ferme pour vivre.
    Ai-je bien répondu à votre question?

[Français]

    Cela répond à ma question en partie, cependant j'aimerais que vous nous expliquiez, non seulement dans votre cas — je suis convaincu que vous assistez à des réunions de clubs 4-H avec d'autres jeunes agriculteurs —, quel est le message. Vous nous avez dit que vous auriez de la difficulté à prendre la relève, que vous ne pensiez pas pouvoir le faire. Quel est le message que vous lanceriez au gouvernement pour — c'est difficile de dire « régler la situation » — au moins donner le coup de pouce nécessaire? Que diriez-vous au gouvernement pour qu'il vous aide à prendre la relève, à vous et à d'autres jeunes?

[Traduction]

    Cela intéresserait peut-être le gouvernement fédéral d'adopter un plan où le producteur se fait payer directement à partir de la vente du produit dans le magasin au détail. Il y aurait peut-être donc une taxe semblable aux frais de recyclage que nous assumons, pour que toutes les bouteilles soient récupérées, ce qui fait que les gens les retournent au magasin. Nous pourrions recourir au système d'identification, l'ACIB, pour nous assurer que les fonds retournent aux agriculteurs. Ce serait peut-être une façon de réduire rapidement une partie des pressions qui s'exercent.
    Par contre, je crois que nous sommes assez loin d'une solution à long terme. Nous devons être en mesure d'obtenir environ 8 $ la livre pour faire nos frais et toucher 10 p. 100 sur l'investissement. En ce moment, nous obtenons à peu près 1,10 $ la livre.
    La fiscalité permettrait peut-être de régler le problème immédiat, mais je crois que tout est à refaire. Et je ne sais pas très bien comment il faudrait procéder, mais vous êtes nos élus; il est donc à espérer que vous allez trouver une solution à ce problème.
(0900)
    Monsieur Atamanenko, pendant sept minutes.
    Merci à tous d'être venus. Je sais que certains d'entre vous ont franchi une longue distance et fait un véritable effort pour venir ici, ce que j'apprécie vraiment.
    Je voudrais simplement obtenir une précision, Margo. Je ne suis pas sûr de ce que vous avez affirmé en parlant du projet de loi C-474; je ne peux savoir si vous appuyez le projet de loi ou non d'après les observations que vous avez faites.
    J'appuie sans réserve le projet de loi en question.
    Mon problème, c'est que, chaque fois où nous essayons de faire quelque progrès en agriculture, il faut se démener comme des diables pour y arriver. Comme c'est le cas pour le projet de loi C-474, nous devons nous battre avec un grand acharnement pour réaliser un truc très simple, comme ce que j'ai fait avec mes framboises pour tirer un deuxième revenu de la ferme. Avant même de décider de planter, j'ai fait une étude de marché pour savoir ce qui existait. C'est simplement logique en affaires de procéder ainsi. Puis, arrive le projet de loi C-474 auquel les gens s'opposent avec grande force. C'est logique en affaires de procéder ainsi. Nos fermes sont censées être des entreprises; c'est une décision courante dans le monde des entreprises. Où le gouvernement trouve-t-il l'idée de s'opposer à cela? Cela n'a aucun sens à mes yeux.
    Nous savons que les gens ont beaucoup de difficultés mondialement à accepter les produits génétiquement modifiés; ils les rejettent. Ne serait-il pas logique de procéder à une analyse commerciale au préalable, plutôt que de se mettre automatiquement à cultiver cela?
    Je sais qu'il est très difficile, dans le cas du canola, de trouver des semences qui ne sont pas génétiquement modifiées: à mesure que la variété de Monsanto est lancée sur le marché, les autorités déréglementent un truc pour lequel ils ne vont pas être payés. Et le monde affirme que nous ne voulons pas des aliments génétiquement modifiés; nous ne savons pas quelles en sont les conséquences à long terme. Votre projet de loi est donc parfaitement logique. Pourquoi s'y est-on opposé avec tant de vigueur? C'est agaçant.
    Je n'étais pas sûr de savoir si vous...
    Non. Et comme j'étais nerveuse en lisant cela, je vais donc...
    Et dans l'affaire de l'ESB, nous devons encore combattre avec acharnement. Il y a un recours collectif qui a été intenté dans cette affaire. Un recours collectif qui a été intenté il y a sept ans de cela. Il n'y a rien qui se passe de ce côté-là et, maintenant, nous lançons partout au pays une pétition qui vise à réveiller le gouvernement en disant que maintenant, nous devons vous forcer à opter pour la médiation, puisque tout le monde fait comme si nous n'étions pas là.
    Merci, Margo.
    Je vais me tourner vers Doug, Darrell et Ken.
    Pendant notre tournée, nous allons rencontrer des gens qui voudraient que la Commission du blé reste en place. Nous allons rencontrer ceux qui voudraient que nous la modifiions. Plutôt que de nous lancer dans un grand débat politique, ce que nous avons souvent fait par le passé, nous allons vous demander à vous, les agriculteurs, qui êtes sur le terrain, la différence qu'il y aurait entre le statu quo avec la Commission du blé en tant que comptoir unique et l'absence de comptoir unique. Concrètement, quel effet cela aurait-il sur vous, sur vos activités? C'est ce que nous aimerions savoir.
    Je vais répondre à l'autre question.
    À l'égard de la Commission canadienne du blé, en tant qu'agriculteurs canadiens, nous avons créé un marché à identité préservée pour le blé de mouture de qualité et l'orge brassicole, partout dans le monde. Nous avons une clientèle acquise. L'Inde, la Chine, le Japon et l'Angleterre dépendent tous de notre marché à identité préservée pour le blé. La commercialisation collective de notre blé et de notre orge, principalement de notre blé et de notre orge de brasserie, nous a donné un marché à identité préservée qui nous permet de verser des primes aux agriculteurs. Si nous éliminions la Commission canadienne du blé, ce marché serait perdu.
    À l'heure actuelle, grâce à la Commission canadienne du blé, quand je me rends à l'élévateur et que j'ouvre la trémie dans la remorque et que j'y décharge 35 tonnes de céréales, ces céréales m'appartiennent jusqu'à ce qu'elles atteignent le navire et jusqu'à ce qu'elles soient payées. Sans la Commission du blé, dans le système américain, par exemple, quand vous ouvrez la goulotte dans votre remorque et que vous déversez votre récolte, vous en perdez immédiatement le contrôle. Elle n'est plus la vôtre; elle appartient à la multinationale ou à la compagnie à structure hiérarchique qui vous l'a achetée. C'est tout comme si vous n'aviez plus le contrôle. Les États-Unis ne sont pas comme nous. Plus d'un millier de variétés de blé y sont récoltées. Il leur est tout à fait impossible de préserver l'identité des céréales.
    Essentiellement, si vous vous débarrassiez de la Commission du blé aujourd'hui, nous ne saurions plus dans quel sens votre système de transport fonctionne. Est-ce que nous continuerions d'exporter nos récoltes en passant par le golfe, par Vancouver ou par Churchill? Peut-être seraient-elles chargées sur une barge pour descendre le Mississippi et quitter le continent par la Nouvelle Orléans.
(0905)
    Mais il y en a qui disent que, sans cette contrainte, nous obtiendrions un meilleur prix. Comparez le prix qu'ils obtiennent et ceux que nous obtenons ici. Comment vous...
    Eh bien, il faut comprendre que les Bourses aux États-Unis fixent les prix demandés pour le blé américain. En général, les Américains ne veulent pas de notre blé. Ils aimeraient notre marché à identité préservée et ce type de blé. Les prix établis aux Bourses de Minneapolis, de Chicago ou de Kansas City sont des prix pour le blé américain aux États-Unis.
    Il faut comprendre que, au Canada, entre les Prairies et le port de Vancouver, il y a une chaîne de montagnes qui s'élève à 10 000 pieds. Toutes les céréales que nous exportons doivent traverser cette chaîne de montagnes vers l'ouest. Vers l'est, c'est un peu plus facile. Si la Commission du blé n'existe plus et que les multinationales achètent toutes les céréales offertes, pourquoi voudraient-elles les transporter par- dessus la montagne et les envoyer par bateau si elles peuvent les envoyer jusqu'à Chicago et les mettre sur une barge pour beaucoup moins cher?
    Alors, en vérité, le prix du blé aux États-Unis s'applique au blé américain. Ce n'est pas le prix du blé canadien, et ça ne reflète pas vraiment le prix du blé.
    Y a-t-il d'autres commentaires?
    En fait, je suis très préoccupé par l'orientation adoptée actuellement par notre ministre fédéral à l'égard de la Commission canadienne du blé.
    Ken voulait dire quelque chose lui aussi.
    Si vous le permettez, monsieur le président, merci.
    Le point que Doug a très bien souligné, je pense, c'est que nous commercialisons nos céréales sur le marché international, pas sur le marché nord-américain. Dans l'ensemble, 70 p. 100 de nos céréales sont envoyées outre-mer, et sans la Commission du blé, nous ne pouvons tout simplement pas accéder à ces marchés en tant qu'agriculteurs individuels. Les gens qui commercialisent les céréales américaines sont bien sûr des acheteurs sur marge. Ils n'y ajoutent donc pas vraiment de valeur. Nous ajoutons de la valeur aux nôtres.
    Doug a mentionné « l'identité préservée ». Il s'agit d'une réputation que nous avons depuis 60 ans grâce à la Commission canadienne des grains et à la Commission canadienne du blé. Ce n'est pas une question dont veulent se préoccuper les entreprises privées aux États-Unis. Notre créneau sur le marché céréalier mondial est donc le blé de mouture et l'orge à identité préservée et de grande qualité. Sans la Commission, nous n'avons plus ce créneau.
    L'autre rôle essentiel de la Commission concerne le transport. Doug a mentionné que nous devons transporter les céréales par-dessus plusieurs chaînes de montagnes. Environ 350 wagons par année sont chargés de céréales de la Commission du blé, et cette dernière négocie en notre nom les tarifs de fret, les frais de manutention et les questions logistiques avec les compagnies de chemin de fer. Sans la Commission du blé, personne n'agira au nom des agriculteurs et dans leur intérêt.
    Je voudrais également ajouter qu'il ne faut pas trop pleurer sur le sort des compagnies de chemin de fer. Ce matin, j'ai appris que les profits de CN Rail ont augmenté de 21 p. 100 cette année, et je soupçonne que la moitié de cela est dû aux céréales. Il est donc facile d'imaginer ce que seraient leurs niveaux de profit si la Commission du blé n'était pas là pour négocier en notre nom.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Larsen. Nous avons, nous aussi, lu cela ce matin, ou, du moins, je l'ai lu, moi.
    Monsieur Richards, vous avez sept minutes.
    Je vous remercie tous d'être ici aujourd'hui.
    Nous connaissons assez bien les positions de principe du Syndicat national des cultivateurs, mais vous avez tout de même soulevé certains points intéressants.
    Monsieur Stokes, je crois que c'est vous qui avez parlé de la sensibilisation des consommateurs, et, évidemment, le fait que les gens en ville... Nous sommes en territoire agricole actuellement, mais la ville de Calgary n'est pas très loin. Si vous arrêtiez les gens dans la rue là-bas pour leur demander où ils prennent leur nourriture, eh bien, ils répondraient, à l'épicerie. Ils ne savent pas du tout ce que vivent les agriculteurs. Il y a une différence énorme entre ce que gagnent les agriculteurs et les prix qu'ils paient à l'épicerie. Alors, c'était vraiment un très bon point.
    Madame Staniforth, j'ai souvent entendu dire que la surréglementation est l'un de nos plus gros problèmes.
    J'ai été un peu déçu du faible nombre de personnes qui sont venues témoigner à titre personnel aujourd'hui. J'ai été probablement encore plus déçu du fait que le groupe qui s'est présenté ici a choisi d'utiliser cette séance comme plate-forme pour promouvoir le monopole de la Commission du blé. Je sais qu'un grand nombre d'agriculteurs en Alberta veulent avoir ce choix. Il n'y a évidemment pas de mal à ce que vous déclariez votre position et à ce que vous disiez que vous voulez pouvoir utiliser la Commission du blé; c'est tout à fait légitime. Mais il est malheureux qu'on veuille enlever à ses voisins le même droit de choisir.
    Je voudrais également remercier M. Butler d'être ici. Il a soulevé certaines des questions dont j'entends souvent parler quand je discute avec les agriculteurs de ma circonscription, comme les droits de propriété, par exemple. Bien sûr, cela s'applique également au registre des armes à feu et aux conséquences de cette restriction sur les agriculteurs respectueux de la loi qui ont besoin d'une arme à feu pour leur travail.
    J'entends également souvent parler des eaux navigables. Les agriculteurs, ici, en Alberta, me parlent souvent de certains des problèmes que vous avez abordés. Comme vous l'avez dit, le fait que ce problème nous touche, ici, en Alberta, semble insensé. Évidemment, vous avez reparlé des règlements et du fait que cette question en particulier a dissuadé votre fille de participer à l'exploitation agricole familiale. La surréglementation est, à coup sûr, le problème dont j'entends le plus souvent parler, et l'ACIA est l'organisme le plus souvent mentionné à cet égard.
    J'aimerais adresser mes questions à Wyatt Hanson, en tant que jeune qui voudrait devenir agriculteur et qui se demande si cela est possible. Selon moi, c'est vraiment sur cela que nous devrions nous pencher aujourd'hui, puisque nous examinons l'avenir de l'agriculture, alors j'aimerais lui adresser mes questions.
    Si les exploitations agricoles familiales ont un avenir, ce sera, à coup sûr, grâce à des personnes comme vous, des jeunes qui se lancent en agriculture et qui persistent dans ce domaine. Les jeunes comme vous comprennent que les exploitations agricoles doivent être dirigées comme des entreprises. Nous devons faire en sorte que les jeunes comme vous voyiez les exploitations agricoles comme des entreprises rentables. Je sais que nous n'en sommes pas encore là; nous avons beaucoup de chemin à faire, et nous devons trouver un moyen de nous rendre à ce point-là. Je connais votre famille et je vous connais, et je sais que vous faites partie de la troisième génération d'agriculteurs.
    Je pensais que vous pourriez nous parler un peu de la manière dont l'agriculture a changé en comparant les époques: celle où votre grand-père a fait ses débuts en agriculture, celle de votre père et celle qui sera la vôtre, si vous décidez de continuer. Comment l'industrie a-t-elle changé? Avez-vous des suggestions pour que vous puissiez, en tant que jeune agriculteur qui a le sens des affaires, trouver un moyen de rendre cette activité rentable? Comment pouvons-nous rendre l'agriculture plus attrayante pour vous?
(0910)
    Je n'ai pas vraiment pu voir mon grand-père autant que je l'aurais voulu, mais je sais que son pouvoir d'achat était bien plus important que celui que nous avons aujourd'hui. Ce que j'ai proposé dans mon exposé, un pouvoir d'achat de huit dollars la livre, nous redonnerait le même pouvoir d'achat que mes grands-parents avaient quand mon père était plus jeune, en 1970.
    Je sais que leur pouvoir d'achat était meilleur, et quand ils vendaient leur bétail, ils faisaient assez d'argent pour acheter environ 20 véhicules. Maintenant, si nous faisions la même chose, nous gagnerions peut-être l'équivalent d'un versement initial pour l'achat d'un seul véhicule. J'ai donc remarqué que nous ne faisons pas d'argent. C'est le plus gros problème.
    J'ai également remarqué que les gens commencent à fatiguer. Quand mon père parle de ses débuts, il dit qu'il y avait de l'enthousiasme et que les gens étaient excités. Maintenant, parmi tous les membres des 4-H, il y en a probablement un seul qui s'intéresse à l'agriculture. Je crois qu'il s'agit du plus gros problème: le problème le plus important, c'est que nous ne sommes pas motivés à devenir des agriculteurs.
    Vous êtes un membre des 4-H et il y a évidemment beaucoup d'autres jeunes avec qui vous avez grandi qui font également partie de l'association. Ils ont également grandi sur des fermes et, comme vous, ils pensent à leur avenir et à ce qu'ils vont faire après leurs études. Quel est le pourcentage de ces jeunes que vous fréquentez aux 4-H qui veulent rester sur la ferme, quand ils ont l'occasion de le faire? Parmi vos amis, y en a-t-il qui s'intéressent à l'agriculture? Quels genres de conversations avez-vous eu avec d'autres membres des 4-H?
(0915)
    Il n'y en a vraiment pas beaucoup. Aux 4-H, il y a peut-être 5 p. 100 des gens qui veulent retourner à la ferme. Ce qui est le plus choquant, c'est que, même dans les expositions de bovins pour les jeunes auxquelles participent seulement des enfants d'agriculteurs, ce pourcentage est probablement d'environ 10 p. 100. Il s'agit des meilleurs agriculteurs qui se rassemblent pour montrer leurs bovins, les meilleurs du point de vue génétique, et seulement 10 p. 100 ou moins de ces jeunes veulent retourner à la ferme familiale. C'est assez choquant.
    Merci, Wyatt.
    Wyatt, le commentaire que vous avez fait sur le pouvoir d'achat de votre père et de votre grand-père et sur le fait qu'ils pouvaient acheter beaucoup de véhicules m'a rappelé quelque chose. J'ai acheté mes premiers bovins à l'automne de 1972, quand j'avais 16 ans, et je les ai revendus en 1973. J'ai fait assez de profits pour acheter la meilleure camionnette Ford sur le marché, toute neuve. J'ai pensé: « Wow! L'agriculture, c'est pour moi. » Je n'ai jamais fait autant d'argent en vendant du bétail, depuis. Alors c'est un bon exemple.
    Avant de continuer, monsieur Butler, vous avez mentionné les eaux navigables et d'autres choses. Avant, je pensais que ce problème ne touchait que l'Ontario, mais des groupes de la Saskatchewan et de l'Alberta m'ont appris que ce problème concernait tout le pays. Des amendements ont été apportés à la Loi sur le protection des eaux navigables. La bureaucratie et les groupes environnementaux les ont contestés. Mais il s'agissait essentiellement de ruisseaux intermittents qui ne coulaient qu'au printemps, dans des fossés créés pour le drainage agricole ou municipal. Ils coulaient seulement au printemps et à l'automne, mais, parce que des ménés ou des bestioles s'y retrouvaient ou parce que quelqu'un pouvait y mettre son canoë pendant une semaine, au printemps, ces ruisseaux sont devenus des eaux navigables. Cela a changé. Je ne dis pas que la situation est parfaite, mais au moins, il y a eu des changements.
    Nous aimerions entendre plus de commentaires à ce sujet parce qu'il s'agissait évidemment de problèmes créés pour l'essentiel par des employés trop zélés du ministère de Pêches et Océans. S'il y en a parmi vous qui avez ce genre de problèmes, je vous encourage à en parler à vos députés. Les changements prennent du temps, mais c'est le seul moyen que peut employer le gouvernement pour régler ces problèmes.
    Je vais continuer. Nous n'avons presque plus de temps.
    Frank, je vais vous demander de poser seulement une question, et nous entendrons la réponse. Nous n'avons que quelques minutes. Une question. Je suis désolé, mais il y a un autre groupe de témoins qui arrive à 9 h 30.
    Je vais faire un commentaire. Il faudrait être sans coeur pour entendre tout ça et ne pas ressentir la tristesse qui a été exprimée ici, pour ne pas se sentir obligé de faire quelque chose d'important pour vous aider ou pour ne faire rien du tout.
    Il est clair, pour moi, que les programmes qui sont actuellement en place ne fonctionnent pas. Que ce soit à l'égard des lieux de chargement de wagons des producteurs et des 511 millions de dollars de profits que CN a faits durant le premier trimestre de l'année, que ce soit à l'égard de la gestion des risques commerciaux ou de la surréglementation dont vous avez parlé, monsieur Butler... les MRS sont une préoccupation énorme pour moi.
    Ce qui me perturbe le plus, c'est que l'on puisse tenter de détourner l'attention portée à ces questions en mentionnant simplement le registre des armes à feu. Ça me dérange, franchement. Je crois qu'il est injuste et inutile d'entamer ce genre de discussions.
    Je veux me concentrer sur vous et vos besoins. J'ai dix questions pour vous et je peux seulement en poser une. Je regrette de ne pas pouvoir poser les autres.
    Monsieur Butler, vous avez mentionné le montant de 80 $ par tête en raison des règlements. Quelle est la proportion de ce montant qui est due aux MRS? Est-ce que 30,70 $...?
    C'est à peu près ça. Je ne suis pas dans l'industrie de l'abattage, mais je pense que ce montant s'applique aux grands abattoirs. Dans les petits abattoirs provinciaux, ce montant peut atteindre 70 $ par tête parce qu'ils abattent moins de bêtes — et c'est seulement pour l'élimination des MRS, parce qu'ils n'ont pas un volume suffisant.
(0920)
    Qu'est-ce que votre père voulait faire avec Eugene Whelan? Vous avez parlé d'un office de commercialisation du boeuf.
    Eugene Whelan a essayé de le mettre en place, et ils se sont opposés.
    Je vais essayer de répondre à votre question et à d'autres questions en même temps.
    L'industrie de l'élevage de bétail était fondée sur le marché libre, et c'est grâce au marché libre qu'elle survit. Je n'ai pas peur du projet de loi américain sur l'alimentation. Si nous gérons bien la chose, nous pouvons compétitionner avec eux sans problème.
    Notre bacon de dos canadien domine le marché américain, et c'est la même chose pour le fromage et le whisky Canadian Club. Je n'ai pas peur de faire concurrence aux Américains dans un marché libre. Il est toutefois évident que les choses doivent se faire différemment.
    Je vais revenir en arrière pour parler de l'origine de l'ESB. Je vais faire un peu d'histoire. En 1999, j'ai été invité en Chine par un groupe qui voulait améliorer le pâturage dans les hautes terres du Tibet. Je n'ai pas pu aider ces personnes, mais j'ai rencontré beaucoup de gens là-bas. J'ai été invité à souper au conseil chinois plusieurs fois. Depuis cette époque, il y a eu l'ESB, et, en tant qu'homme d'affaires, j'y ai vu l'occasion qui se présentait: ils ont beaucoup de gens à nourrir, et nous avons de la nourriture à bon prix. Nous nous sommes donc rencontrés pour négocier la vente provisoire de 2 000 têtes de bétail des boeufs qui seraient exportées vers la Chine.
    Je n'ai même pas pu me rendre à la case de départ parce que l'Agence canadienne d'inspection des aliments ne m'a pas permis d'étudier l'accès au marché. Je ne lui ai pas demandé d'argent. Je ne lui ai pas demandé de faire les tests à ma place. Tout ce que je voulais, c'était sa permission: si je trouve un acheteur pour du bétail testé, est-ce que je peux lui vendre? J'ai même pas pu me rendre à la case de départ.
    C'est ça notre problème. C'est l'accès au marché et le manque de liberté des entrepreneurs de notre pays.
    Merci. Rien de tel qu'un avocat pour glisser deux questions plutôt qu'une.
    Monsieur Lemieux, il nous reste deux minutes pour la question et la réponse.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être venus aujourd'hui. Je vais peut-être me limiter à une question pour M. Butler et M. Hanson. Je vais commencer par M. Butler.
    Vous faites partie de l'industrie depuis longtemps. Vous aviez une fille qui s'intéressait à l'agriculture, puis elle a changé d'idée. L'un des facteurs clés est évidemment le fait que l'agriculture n'est pas payante. C'est beaucoup de travail acharné et il est difficile de joindre les deux bouts à la fin de l'année, compte tenu du revenu net généré. M. Hanson l'a dit lui aussi; vous travaillez dur et vous aimez le travail, mais, à la fin de l'année, il ne reste pas beaucoup d'argent qui reste; alors vous vous dites: « Si je dois trouver un emploi, pourquoi ne pas trouver un emploi et oublier le reste. »
    En ce qui vous concerne tous les deux, c'est difficile pour le gouvernement parce que vous ne voulez pas plus de règlements. Il serait très difficile pour le gouvernement de fixer les prix à la livre ou les prix au boisseau ou quoi que ce soit. Alors, quel serait un bon argument?
    Monsieur Butler, quel argument utiliseriez-vous pour convaincre votre fille? Quel changement aimeriez-vous voir mis en place pour convaincre votre fille et lui faire dire: « D'accord. Je vais essayer. » Monsieur Hanson, qu'est-ce qui pourrait vous faire dire: « D'accord. Je me lance. »?
    C'est une question très simple. Quand j'ai pris connaissance de sa décision, je suis allé la voir et je lui ai demandé pourquoi elle ne voulait pas revenir. Elle a dit que c'était les règlements et le manque de droits de propriété.
    Il est vrai que nous ne faisons pas d'argent dans l'industrie bovine à l'heure actuelle, mais je crois que, s'il y avait moins de règlements et que nous pouvions revenir à un marché libre, l'avenir serait prometteur parce que les gens n'arrêteront pas de manger. Que ça leur plaise ou non, ils vont continuer de manger. Beaucoup de gens mangent probablement trop, mais je pense qu'il y a un tel avenir pour l'agriculture si nous éliminons certains règlements et certaines mesures de contrôle, et si nos biens sont protégés.
    Merci.
    Monsieur Hanson.
    J'aimerais faire progresser la ferme et j'aimerais pouvoir permettre à mes parents d'avoir assez d'argent pour prendre leur retraite. Avant de me lancer, il faudrait que j'y voie un avenir. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle.
    J'ai laissé entendre plus tôt qu'il doit y avoir un moyen de redonner au producteur un pourcentage du prix payé par le consommateur. Je pense que des règlements gouvernementaux à cet égard seraient avantageux, car ils protégeraient la base de l'industrie agricole.
    Je sais que toutes les autres parties concernées font de 8 à 12 p. 100 de profit, et l'agriculteur, quant à lui, subit des pertes. Il ou elle ne touche donc pas vraiment d'argent. Avant de me lancer, je dois savoir que je vais au moins pouvoir faire mes frais.
    Est-ce que ça répond à votre question?
(0925)
    Oui. Merci.
    Merci beaucoup.
    Comme toujours, il n 'y a pas assez de temps. Nous semblons toujours manquer de temps. J'aimerais de nouveau vous remercier d'être venus aujourd'hui et d'avoir participé. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je sais comment c'est difficile pour les producteurs de se libérer. Nous l'apprécions beaucoup.
    J'ai oublié de le faire au début, mais j'aimerais maintenant remercier les personnes qui nous ont aidé avec l'installation. Un certain nombre d'étudiants de la 11e année de l'école secondaire W.G. Murdock, ici, à Crossfield, ont aidé à la préparation des lieux et aideront à tout remettre en place. Nous aimerions donc les remercier.
    Nous allons contribuer à leur danse de fin d'année pour leur montrer notre appréciation. Nous sommes très heureux de le faire. Je pensais que nous leur devions ça.
    Nous allons prendre une pause de cinq minutes. J'aimerais demander à nos témoins de quitter les lieux pour que nos prochains témoins puissent s'installer. Nous l'apprécions.
    Merci.
(0925)

(0930)
    Tous les membres pourraient-ils revenir à la table, s'il vous plaît?
    Encore une fois, nous allons commencer tout de suite pour ne pas pénaliser nos témoins. J'aimerais vous souhaiter la bienvenue à tous et vous remercier d'avoir pris le temps de venir nous voir.
    Sans plus tarder, je donne la parole à M. Latimer.
    Je demanderais à chacun de vous d'essayer de limiter votre exposé à cinq ou sept minutes pour que nous ayons plus de temps pour vous poser des questions. Je sais que vos exposés sont aussi très importants.
    Alors, monsieur Latimer, vous êtes le premier.
    J'ai déjà rencontré Larry et Blake. Pour ceux qui ne me connaissent pas, je vais vous parler un peu de moi. J'ai 35 ans et j'ai fait des études universitaires. J'ai un baccalauréat ès arts en loisirs et en administration. Vous vous demandez donc peut-être pourquoi je suis ici pour vous parler de l'agriculture. En tout cas, je suis actuellement le directeur général adjoint de la Canadian Angus Association, qui représente les éleveurs de la race de boucherie la plus importante au Canada. Je suis également associé dans notre exploitation familiale d'élevage d'Angus et de boeufs Hereford pur sang.
    Pour vous donner un aperçu et un court historique de notre entreprise, à son apogée, nous avions environ 1 000 Angus noirs pur sang et 1 000 boeufs Hereford pur sang sans cornes sur des terres d'environ 6 450 acres: 2 450 acres de terres cultivées, 1 000 acres de terres à foin et 3 000 acres de pâturage. Nous avons dispersé notre gros troupeau en 2008 et réduit l'étendue des terres en 2009. Nous utilisons actuellement 1 750 acres de terres pour nos activités agricoles et nous avons environ 250 Angus noirs.
    Après la dispersion du troupeau, mon père et l'un de mes frères ont continué à exploiter la ferme quotidiennement. Mon frère cadet travaille maintenant dans l'industrie des hydrocarbures, et, bien sûr, comme je viens de le mentionner, je travaille pour la Canadian Angus Association.
    À l'égard de la question sur laquelle nous nous penchons aujourd'hui, je crois être un bon exemple de ce qui se passe en général. Je sais pourquoi nous avons tous les trois choisi des parcours différents.
    Je vais parler des défis de l'agriculture. Les temps sont très difficiles pour le domaine agricole. Un grand nombre des décisions qui seront prises dans les cinq prochaines années auront des répercussions sur l'industrie pendant des décennies. De nombreux problèmes doivent être réglés. Il n'y a pas de solutions faciles ni de solutions miracles.
    L'un des problèmes qui touchent l'industrie est le nombre relativement restreint de personnes qui choisissent l'agriculture primaire, et plus particulièrement la production bovine, comme profession ou activité. Dans le cadre de mon travail à la Canadian Angus Association, nous compilons des statistiques sur ce genre de choses, et l'âge moyen d'un producteur d'Angus approche maintenant les 60 ans. Ils veulent donc prendre leur retraite.
    Même si la solution est complexe, la raison pour laquelle les jeunes Canadiens ne choisissent pas l'agriculture primaire est simple. Ce phénomène s'explique par des notions économiques simples. L'établissement d'une ferme est extrêmement coûteux, et il y a de nombreuses options plus attrayantes. Une exploitation agricole viable est une affaire de plusieurs millions de dollars, et si vous gérez cette exploitation avec des normes au-dessus de la moyenne, vous pouvez vous attendre à un rendement d'environ 4 p. 100. Cela ne tient pas compte de l'investissement de capitaux. Ce n'est pas un plan d'affaires convaincant pour une banque ou un investisseur.
    Ceux qui choisissent tout de même de faire de l'agriculture doivent surmonter de nombreux défis pour mettre sur pied ou pour maintenir une exploitation existante. La situation financière actuelle fait en sorte qu'il est difficile, voire impossible, d'obtenir du financement pour les immobilisations ou l'exploitation. Il est reconnu que l'agriculture est une entreprise exigeant beaucoup d'immobilisations. Le coût des terres, du bétail et de la machinerie nécessaires à une exploitation viable est très élevé. Dans la plupart des cas, les taux d'intérêt sont plus élevés que les taux de rendement escomptés. Cela s'applique même aux exploitations bien gérées.
    Le modèle de financement pour l'agriculture primaire doit être modifié afin de permettre aux agriculteurs d'accéder à du financement ou d'attirer des investisseurs. La génération actuelle d'agriculteurs veut prendre sa retraite. Nous devons donc trouver des moyens d'encourager la prochaine génération à prendre la relève, et la planification de la relève est essentielle. Sur une ferme type, les générations s'accumulent. Dans de nombreux cas, il y a plusieurs générations qui exploitent la ferme. Il y a parfois des octogénaires qui sont toujours propriétaires fonciers, des sexagénaires qui souhaitent prendre leur retraite, mais qui veulent toujours hériter des terres, des quadragénaires qui participent pleinement à l'exploitation et qui souhaitent que leurs parents héritent de la ferme, et l'on s'attend à ce que les jeunes dans la vingtaine, qui finissent leurs études collégiales ou universitaires prennent la relève, qu'ils consacrent leur vie à la ferme contre une promesse d'héritage qu'ils toucheront qu'au moment où ils voudront prendre leur retraite. Ce n'est pas une option attrayante pour les jeunes.
    À une certaine époque, le prix des immobilisations était plus compatible avec les revenus et moins probitif qu'aujourd'hui. Dans le centre de l'Alberta, il n'y a pas si longtemps, puisque j'en ai été témoin, il était possible d'acheter des terres et de les payer en deux bonnes années de récolte. À cette époque, il était possible d'acheter des terres de la génération précédente et de continuer de les exploiter. Aujourd'hui, cela n'est plus possible.
    Je crois que nous devons changer d'approche en ce qui concerne la succession agricole. Le tsunami que représente une transition soudaine où une génération achète les terres de la génération précédente et continue de les exploiter pourrait faire place à un modèle qui ressemblerait davantage à des vagues lentes qui déferlent. À mesure que nous permettons à une génération de prendre sa retraite, nous pouvons favoriser l'intégration de la génération suivante. Ainsi, nous éviterions qu'une génération soit en attente d'assumer tout le fardeau elle-même.
(0935)
    Nous devons changer la culture et la mentalité liées à la succession au Canada. Ce changement pourrait rendre l'agriculture primaire plus intéressante pour les investissements étrangers. Le gouvernement pourrait offrir une aide aux exploitations agricoles afin qu'elles consultent des planificateurs financiers en vue de l'élaboration de programmes intergénérationnels à long terme pour la cession de la propriété, de manière semblable à l'établissement des plans environnementaux en agriculture. À ces mesures doivent s'ajouter la formation pour les comptables, les avocats et les planificateurs financiers, de même que des incitatifs fiscaux structurés pour les gens qui intègrent le domaine de l'agriculture et pas seulement pour ceux qui en sortent, comme c'est le cas du programme concernant les gains en capital. Cette transition structurée permettrait à chaque génération future de s'assurer qu'elle n'aura pas à faire don de sa ferme ou à travailler pour rien.
    Un programme de mentorat est une autre option. Cela permettrait aux exploitations agricoles d'obtenir une aide financière ou de bénéficier d'incitatifs fiscaux pour le recrutement d'une nouvelle personne, qu'il s'agisse d'un membre de la famille ou non, et pour la formation professionnelle de cette personne. Les exploitations agricoles possèdent généralement beaucoup d'actifs et très peu d'argent. Elles ne peuvent pas rivaliser avec les autres industries sur le plan salarial. Il y a des jeunes qui adoreraient travailler sur une ferme, mais qui ne peuvent pas le faire parce que, avec le salaire qu'ils toucheraient, ils seraient près du seuil de la pauvreté.
    Il serait avantageux de faire administrer ce programme de mentorat par la municipalité, à l'échelle des comtés, par l'entremise de sociétés agricoles ou même par le truchement d'associations fondées sur l'agriculture. Cela permettrait une visée plus étroite. Ainsi, le programme ciblerait les personnes de la région qui oeuvrent dans les domaines agricoles qui les intéressent et dans lesquels elles ont de l'expérience, et qui souhaitent continuer de travailler dans cette industrie. L'aide financière offerte par le gouvernement pourrait être considérée comme une subvention pour la formation dans un établissement postsecondaire. Les agriculteurs agiraient à titre de professeurs. Comme ils gagnent leur vie grâce à cette activité, ils seraient les meilleurs professeurs.
    En raison de la nature diversifiée de l'agriculture, un grand nombre des programmes gouvernementaux actuels et antérieurs sont compliqués. Ils ciblent un large éventail d'exploitations agricoles, et, pour cette raison, ils finissent par n'en aider que très peu. Souvent, ils ne sont pas compris par les fermiers, et même, par certains professionnels du domaine financier. Si on veut adopter l'approche des programmes, il faut que leur conception soit flexible et simple afin de leur permettre d'être compris par les fermiers et les professionnels du domaine financier.
    Si on élabore un modèle financier qui rend l'agriculture rentable, les gens choisiront d'oeuvrer dans ce domaine. Une ferme, c'est un excellent endroit pour travailler et pour élever sa famille, et l'industrie agricole a un long et brillant passé. Cependant, jusqu'à ce qu'il y ait un modèle financier plus viable, les gens, y compris les travailleurs et les investisseurs, tourneront le dos à l'agriculture et choisiront des voies plus lucratives.
    Merci.
(0940)
    Merci beaucoup.
    Passons maintenant à M. Buckman et M. Brecka, qui sont ensemble. Vous aurez cinq à sept minutes.
    Je vais commencer.
    Je n'ai pas l'habitude de faire des discours, et je n'ai rien couché sur papier. Nous sommes une famille. Mon épouse et moi exploitons une ferme de céréales mélangées dans la région de Nobleford. J'ai reçu l'invitation il y a environ deux semaines, au milieu du printemps, et je n'ai donc pas eu le temps de me préparer. Il y a deux jours, nous ensemencions la terre.
    Quand j'ai quitté l'école secondaire, j'ai obtenu un certificat de compétences techniques et j'ai travaillé pour un concessionnaire John Deere pendant 10 ans. Pendant quatre de ces années, je pratiquais l'agriculture en même temps que je travaillais à temps plein. En 1997, j'ai démissionné pour me consacrer entièrement à l'agriculture.
    Nous avons connu beaucoup de hauts et de bas dans notre région. J'ai acheté ma première propriété en 1994 pour 400 $ l'acre. À l'heure actuelle, les terres fermes dans notre région se vendent au prix de 1 400 à 1 500 $ l'acre. Si vous suivez le marché, vous savez qu'il est impossible de jamais rentabiliser des terres qu'on a payées 1 400 ou 1 500 $ l'acre.
    Dans notre région, notre plus gros problème est notre incapacité de concurrencer avec le marché subventionné. Notre assurance-récolte et la gestion des risques sont très coûteuses par rapport à la protection qu'elles nous offrent. Les États-Unis protègent leurs producteurs. Le blé dur en est un exemple; ce n'est pas notre culture principale, mais nous en avons dans notre rotation culturale. Pour l'année de récolte 2010, les États-Unis offrent 6 $ par boisseau de blé dur à leurs producteurs . Ici, il y a surproduction; je ne réussis pas à vendre les produits qui sont dans mes silos depuis deux ans et je ne peux pas payer mes factures qui datent de cette même époque.
    Nous cultivons également du lin, mais nous avons un problème d'OGM. Notre marché a affiché une baisse. Nous avons davantage de factures à payer.
    En 2003, il y a eu l'ESB, et les frontières ont été fermées. Dans notre région, il y a beaucoup d'engraisseurs de bovins. Des millions de dollars ont été versés à des sociétés désignées, et il est très difficile de compétitionner avec elles en tant que céréaliers. Les engraisseurs importent des produits des États-Unis quand ils pourraient utiliser nos produits, cultivés localement.
    Compte tenu de l'aide que le gouvernement offre à des groupes désignés, je constate qu'il est très difficile de compétitionner dans ce marché. J'ai 40 ans, et l'avenir dans ce domaine n'est pas prometteur pour moi ni pour la génération suivante. Je pense qu'on devrait apporter des changements aux programmes et à la manière dont le gouvernement a versé et continue de verser une partie de ces sommes.
    Est-ce que vous pourriez me donner des exemples de ces groupes dont vous parliez, Brian, si vous n'y voyez pas d'inconvénients?
    Dans notre région, ce sont surtout les producteurs d'aliments pour bovins qui ont reçu les subventions découlant de la crise de l'ESB. Plusieurs millions de dollars ont été versés dans ce marché. Nous ne pouvons pas compétitionner dans ces conditions. Nous ne pouvons vendre notre produit nulle part, même pas à l'échelle locale. Ils reçoivent plusieurs millions de dollars, et nous, nous devons attendre deux ou trois ans avant de même pouvoir commercialiser notre produit. La CCB n'achète que 60 p. 100 de ma production de blé dur. Pour payer mes factures, je dois utiliser chaque dollar provenant de cette récolte. Si je ne peux en vendre que 60 p. 100, je ne peux pas payer mes factures. Si je ne paie pas mes factures, savez-vous ce qui va arriver? Je ne pourrai pas continuer.
    Je pense que je vais laisser Alan lire son discours afin qu'il ait quelques minutes pour parler, lui aussi.
(0945)
    Ma situation est très semblable, en fait. Moi aussi, j'ai pratiqué un métier.
    Premièrement, j'aimerais remercier le comité d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. Je remercie également le mauvais temps. Je me sens moins coupable d'avoir pris un jour de congé de mon tracteur.
    En guise d'introduction, je m'appelle Alan Brecka. J'exploite une ferme de céréales, de légumineuses et d'oléagineux de 1 800 acres près de Picture Butte, en Alberta. Je suis ce qu'on appelle un jeune agriculteur, même si j'ai 30 ans. J'entame actuellement ma 10e année en tant qu'agriculteur actif. J'ai également travaillé à l'extérieur de la ferme pendant 10 ans en tant que mécanicien de machinerie lourde pour pouvoir joindre les deux bouts. J'ai arrêté cela il y a deux ans pour me consacrer à l'agriculture à temps plein. Dans ma famille, je représente la troisième génération d'agriculteurs, et j'espère que mon fils, qui est né récemment, représentera la quatrième génération. J'aimerais souligner que mon père et moi avons chacun notre exploitation. J'ai essentiellement fait mes débuts par moi-même. Je n'ai pas pris ma place dans une exploitation avec de l'argent en banque et de nouvelles machines.
    Selon moi, les céréaliers, de nos jours, doivent être des agriculteurs hors pair en raison de toutes les circonstances externes qui ont des répercussions sur notre vie quotidienne. En toute franchise, je crois que, s'il n'y a pas de changement dans un avenir rapproché, les jeunes agriculteurs autonomes, comme moi-même, n'existeront plus.
    Le premier problème que je veux aborder, c'est le manque de soutien de la part du gouvernement pour l'industrie des céréales. Cette année, il y a eu une réduction des importations chinoises de canola; une récolte mondiale record de blé dur; une récolte américaine de maïs très abondante qui a eu des incidences sur les prix du blé et de l'orge fourragère; la montée du dollar; la présence de lin génétiquement modifié dans les expéditions ainsi qu'une récession. Ce sont quelques-uns des problèmes les plus graves que nous affrontons. Pourtant, le gouvernement n'a fait qu'user de diplomatie à l'égard de l'ALENA et de l'Organisation mondiale du commerce. Le gouvernement américain garantit essentiellement un prix de base à ses agriculteurs. Les agriculteurs ici ne réussissent pas à toucher ce même prix.
    Un jeune céréalier qui doit rembourser son hypothèque et les prêts qu'il a contractés pour acheter sa machinerie, en plus de payer son loyer foncier, ne peut pas joindre les deux bouts en vendant ses céréales 4 $. Il est grand temps que nos représentants à l'échelle nationale défendent l'agriculture canadienne au lieu de se faire tout petits sur la scène mondiale pour tenter de plaire aux autres pays.
    Cela m'amène à parler de nos programmes actuels en matière de protection du revenu. L'ancien PCSRA a été remplacé par Agri-stabilité. Il s'agit essentiellement de la même idée, mais le programme ne fonctionne toujours pas pour mon exploitation. Tout agriculteur qui cultive des récoltes moyennes ou supérieures à la moyenne et qui pratique une culture de diversification ne recevra presque jamais de paiement. Habituellement, les pertes découlant d'une récolte en particulier seront compensées par la montée des prix d'une autre culture. La marge ne change donc jamais, même si on a budgétisé pour une augmentation en fonction des prix en vigueur.
    Quand j'ai parlé de cela avec les représentants de mon bureau local de l'Agriculture Financial Services Corporation, ils m'ont essentiellement dit que je couvrais moi-même mes risques de toute manière et que le programme Agri-stabilité n'était pas pour moi. J'ai entendu de nombreuses histoires d'horreur selon lesquelles des représentants du PCSRA et d'Agri-stabilité demandaient un remboursement de l'argent versé en plus des intérêts et des frais d'administration. C'est pour cette raison que je ne participe pas à ces programmes.
    Nous avons besoin d'un prix plancher pour nos céréales ou d'un paiement comptant pour les céréales achetées par l'entremise des carnets de livraison ou par les entreprises qui en font l'utilisation finale — c'est-à-dire les compagnies céréalières, les usines d'aliments, les malteries ou les parcs d'engraissement. Ce produit ne peut être vendu qu'une seule fois, contrairement aux pratiques adoptées dans certains autres secteurs, où des produits sont vendus une deuxième fois sur papier pour créer des pertes. Je crois qu'il devrait y avoir un plafond applicable à ces programmes et que ce plafond devrait être fondé sur le revenu brut d'une ferme et d'une société d'exploitation agricole. Je suis d'avis que les producteurs primaires, qu'il s'agisse de sociétés ou d'exploitations agricoles familiales, qui ont un revenu brut supérieur à un million de dollars ne devraient pas être admissibles à certains programmes. Les économies d'échelle s'appliquent aux entreprises de cette taille, ce qui les rend plus efficientes.
    Ma deuxième préoccupation concerne la Commission canadienne du blé. Mon père en est un ardent défenseur, et je l'appuie, moi aussi, dans une certaine mesure. Mais ces derniers jours, je ne sais plus de quel côté me placer. La Commission est-elle dirigée par le gouvernement ou non? Combien de millions de dollars de notre argent ont été dépensés inutilement pour l'embauche d'avocats et pour la publicité? Par le passé, je disais que le blé dur que j'ensemençais valait 7,50 $ au moment de l'ensemencement et 4,50 $ le boisseau au moment de la récolte. Maintenant, il ne vaut que 4 $. Nous ne pouvons en vendre que 60 p. 100 cette année. Alors, il ne vaut actuellement que 2,40 $ le boisseau. Bien sûr, les coûts des engrais et des produits chimiques n'ont pas baissé depuis l' époque où mon blé dur valait 7,50 $ à l'ensemencement. Où est la Commission canadienne du blé quand on a besoin d'elle? Elle se défend d'être un lobby, mais qui fait du lobbying à l'Organisation mondiale du commerce?
    Comme vous le voyez, les céréaliers bénéficient moins souvent que les autres agriculteurs de quelque forme d'aide que ce soit. Un grand nombre d'entre nous regardons, impuissants, d'autres secteurs agricoles faire face à des difficultés mais recevoir de l'aide provinciale et fédérale. Il y a le programme conjoint du Canada et de l'Alberta pour le redressement de l'industrie des bovins dans la foulée de l'ESB, le coût élevé des aliments pour animaux et du carburant, les programmes de l'Alberta pour le redressement des exploitations agricoles, les rachats et les prêts actuels pour l'industrie porcine, pour n'en nommer que quelques uns. Le secteur de la viande rouge de l'industrie agricole a reçu des milliards de dollars sous forme de subventions ponctuelles dans le cadre de ces programmes. Cela a créé, du moins dans le sud de l'Alberta, une abondance de multimillionnaires parmi les propriétaires de parcs d'engraissement, aux frais des contribuables. Cette situation a également donné lieu à beaucoup de ressentiment entre des voisins, car certains ont reçu de l'argent, et d'autres, non.
    Je ne suis pas venu ici pour vous demander de mettre en oeuvre des programmes et de me verser de l'argent afin que je devienne millionnaire. Je voudrais seulement en avoir assez pour payer mes factures et joindre les deux bouts. J'adore ce que je fais, mais je ne peux pas payer mes factures avec les prix actuels.
    Merci.
    Merci, Alan.
    Nous entendrons maintenant Darcy Davis. C'est un plaisir de vous revoir, Darcy.
(0950)
    Merci, monsieur le président.
    Je m'appelle Darcy Davis. J'ai une ferme à environ 30 milles directement à l'est d'ici. J'ai une petite exploitation céréalière — elle n'est plus très grande — et une exploitation vache-veau.
    Je vais vous parler un peu de moi. Je suis président sortant des Alberta Beef Producers. Je siège au conseil d'administration de l'Association canadienne des éleveurs de bovins. Je suis également président sortant de l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire. De plus, je travaille toujours à d'autres projets.
    J'ai également deux filles. L'une des deux étudie actuellement l'horticulture au collège. L'autre travaille sur la ferme et à l'extérieur de celle-ci. J'ai trois neveux qui travaillent sur la ferme de mon frère et qui essaient de trouver un moyen de s'en tirer. Ils viennent d'acheter un troupeau de bovins pur sang d'un agriculteur qui prenait sa retraite. Ils naviguent donc à contre-courant. Je pensais vous le dire puisqu'on a vu aujourd'hui que les choses semblent aller dans l'autre sens. Il reste à voir comment leur situation évoluera.
    Je suis très heureux d'avoir l'occasion de vous parler de ce sujet important. La pénurie de jeunes agriculteurs est un problème depuis que j'en étais un moi-même.
    Les faits montrent assez clairement que la consolidation dans l'agriculture a fait en sorte que moins de jeunes restent sur la ferme. La consolidation découle de la technologie, du matériel agricole plus imposant et plus efficace, et des marges de profit minces, qui sont les résultats du coût variable des intrants et des prix sur le marché.
    Les frais d'établissement sont un autre défi pour les jeunes qui veulent intégrer l'industrie agricole. Le prix des terres et du matériel est une barrière qui semble insurmontable pour un grand nombre d'entre eux. Même les agriculteurs de deuxième ou de troisième générations ont de la difficulté à effectuer la transition en achetant les terres de leurs parents ou de leurs grands-parents.
    Toutefois, ces problèmes existent depuis longtemps. Depuis des décennies, nous voyons les jeunes choisir des carrières à l'extérieur de l'agriculture même s'ils auraient voulu rester sur la ferme. Comme ce problème existe depuis des décennies, on doit se demander s'il existe une solution ou s'il s'agit tout simplement d'un fait de la vie.
    Les gouvernements fédéral et provinciaux ont fait beaucoup de choses pour tenter d'aider et d'encourager les jeunes agriculteurs. Il est difficile de déterminer dans quelle mesure leurs efforts ont porté des fruits, ce qui doit causer de la frustration. Le gouvernement a un rôle à jouer, mais on doit faire très attention de ne pas s'ingérer dans les affaires des agriculteurs de manière à créer plus de problèmes que de solutions.
    L'agriculture est un domaine très compétitif qui est fondé en grande partie sur un système de libre entreprise. Il y a toujours des gens qui intègrent l'industrie et qui en sortent. Le gouvernement pourrait faire sa part en créant des marchés où il y a le moins de distorsions possible et dans lesquelles les producteurs d'aujourd'hui et de demain verraient des possibilités. Il est possible de créer un contexte commercial où nous pourrons utiliser nos avantages canadiens dans un marché mondial.
    Les négociations du cycle de Doha s'étirent en longueur, et le Canada doit prendre des mesures pour s'assurer qu'il fait partie de la solution et que les négociations ont une issue satisfaisante. Selon une étude réalisée par le George Morris Centre, l'agriculture d'exportation canadienne pourrait remporter 30 milliards de dollars de plus par année grâce au cycle de Doha. Les négociations doivent donc se poursuivre.
    Même si la conclusion du cycle de Doha pourrait prendre un certain temps, j'encourage le gouvernement actuel dans ses efforts pour négocier un accord de libre-échange avec l'Union européenne. Il s'agit d'un marché immense qui pourrait relancer beaucoup d'exploitations agricoles canadiennes.
    L'entente de partenariat transpacifique à laquelle travaillent un certain nombre de nos partenaires commerciaux existants serait une autre option commerciale. Cet accord multilatéral pourrait nous donner l'accès dont nous avons besoin aux marchés asiatiques en pleine croissance. La négociation et la conclusion de ces accords de libre-échange et la création de nouvelles relations commerciales sont un excellent moyen d'assurer l'avenir lucratif de la prochaine génération d'agriculteurs.
    Pour convaincre les jeunes de demeurer dans l'industrie agricole, il faudrait également apporter certains changements au contexte réglementaire dans lequel les agriculteurs de l'Ouest canadien exploitent leurs terres. Quand l'industrie de l'orge de brasserie déclare qu'elle n'investira plus au Canada jusqu'à ce que nous ayons un marché libre pour l'orge, cela indique que nous sommes arrivés à un cul-de-sac. Nos produits doivent être transformés ici.
    J'ai participé à un référendum dans lequel les deux tiers des producteurs d'orge des Prairies ont appuyé un marché libre pour l'orge. Toute personne souhaitant intégrer une industrie voudra savoir si le gouvernement écoute les producteurs de cette industrie et donne suite à leurs demandes.
    En conclusion, nous reconnaissons que le monde dans lequel nous travaillons est très compétitif. Les jeunes agriculteurs canadiens doivent donc être parmi les meilleurs concurrents. Je dis souvent aux jeunes que, s'ils aiment conduire un tracteur, ils devraient trouver un poste de conducteur de tracteur. S'ils veulent être agriculteurs, il faut qu'ils aiment être directeurs d'entreprises.
    Les collèges et les universités qui offrent des programmes d'agriculture doivent recevoir un appui afin qu'ils puissent donner à nos futurs agriculteurs la chance de compétitionner. Ces agriculteurs de demain doivent avoir les connaissances techniques liées à la culture et à l'élevage, mais ils doivent également connaître les marchés, le financement et la gestion. En outre, il faudrait que nous valorisions ces jeunes qui font des études et qui entament des carrières dans le domaine agricole autant que nous valorisons les jeunes dans le domaine de la production.
(0955)
    Pour que le Canada puisse compétitionner, nous avons besoin de chercheurs et d'agronomes qui comprennent nos avantages et les défis qui se posent, mais nous avons également besoin de nouvelles manières de penser. Nos universités et nos collèges doivent pouvoir produire des jeunes diplômés en politique agricole. Quand j'étais président des Alberta Beef Producers, nous pouvions trouver des jeunes avec des diplômes de marketing, de communication et d'administration, mais personne n'avait de diplôme en politique agricole générale.
    Un grand nombre des universités qui ont été construites sur les terres du gouvernement américain ont des facultés entières de politique agricole. Les diplômés de ces écoles travaillent d'abord pour des associations industrielles, puis prennent des postes, élus et bureaucratiques, au gouvernement. Nous avons besoin d'un bassin de jeunes talentueux qui peuvent analyser les règlements et les lois afin de déterminer quelles seront les conséquences voulues et non voulues de mesures particulières. De nos jours, on entend parler de nombreux problèmes, qu'il s'agisse de sommes versées à certains secteurs et pas à d'autres, de règlements concernant l'environnement ou d'autres choses.
    En somme, pour que le gouvernement vienne en aide aux jeunes agriculteurs, il doit être du même bord qu'eux. Il doit les appuyer, les instruire et leur fournir des possibilités, mais, au bout du compte, il doit savoir quand il convient de ne pas leur mettre des bâtons dans les roues.
    Merci beaucoup.
    Nous entendrons maintenant M. Townsend, qui représente les Wild Rose Agricultural Producers.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour. J'aimerais remercier les honorables membres du comité permanent de m'avoir permis de venir leur parler des questions qui touchent les jeunes dans l'industrie agricole canadienne.
    Permettez-moi de me présenter. Je suis apiculteur de deuxième génération de la région de Stony Plain. Avec mon père, j'entretiens 2 500 colonies, strictement pour la production de miel. Je siège au conseil d'administration des Wild Rose Agricultural Producers. Je suis vice-président de l'Alberta Beekeepers Commission et je siège au conseil d'administration du Conseil canadien du miel.
    Au cours des quatre dernières années, j'ai eu l'occasion d'interagir avec deux groupes de jeunes agriculteurs en Alberta, les Alberta Young Farmers et les Future Agricultural Business Builders, en plus de participer à La Table pancanadienne de la relève agricole.
    Il y a un certain nombre de problèmes auxquels les jeunes agriculteurs potentiels du Canada font face actuellement. Récemment, A.N. Scholz & Associates Incorporated a rédigé un rapport avec l'APAS, en Saskatchewan. Ce rapport contenait des stratégies et des recommandations pour répondre aux besoins en matière de programmes de transfert intergénérationnel et pour les nouveaux agriculteurs. Les sept domaines principaux mentionnés dans le rapport sont la planification de la relève, la formation commerciale, les programmes de mentorat et d'apprentissage, l'amélioration de l'image de l'agriculture et des messages la concernant, les outils financiers, l'immigration et la coordination. En ce qui concerne les jeunes dans le secteur agricole, j'aimerais mettre l'accent sur les programmes de mentorat et d'apprentissage, ainsi que sur les messages et l'image.
    En Alberta, on parle beaucoup du manque de connaissances des jeunes en ce qui concerne l'origine de leurs aliments et les conséquences directes ou indirectes de l'agriculture sur leur vie. Les gens trouvent parfois drôle qu'un enfant dise que le lait, la viande, les oeufs et le pain viennent de Sobey's et pas des vaches, des poules et des céréales. Cela me dérange. Même s'il peut être amusant d'entendre l'innocence dans leur voix, ce genre de déclaration montre que cette génération est véritablement déconnectée de l'agriculture.
    Tout au long de leur parcours scolaire, on déploie beaucoup d'efforts pour informer les enfants des nombreux choix de carrière qui s'offrent à eux. L'agriculture primaire est très rarement recommandée ou même mentionnée en tant qu'option. Le plus souvent, les enseignants ne prennent pas au sérieux l'intérêt des élèves pour l'agriculture. Selon de nombreux élèves à qui j'ai parlé, les enseignants leur demandent d'un ton négatif pourquoi ils voudraient être agriculteurs. Si vous assistez à un salon des carrières, le nombre de kiosques consacrés à l'agriculture primaire est limité par rapport aux autres professions.
    L'Alberta a la chance d'avoir le programme d'initiation à l'agriculture, qui est un programme d'études complémentaires approuvé offert dans toutes les écoles secondaires. Pour devenir un technicien en production agricole compétent et pour terminer le premier niveau du certificat d'initiation à l'agriculture, il faut prendre trois cours d'une valeur de 16 crédits, au total. Je suis un évaluateur pour le programme de techniques d'apiculture et je crois que ce programme est un excellent outil qui est offert à tous les élèves des écoles secondaires de l'Alberta. Le problème inhérent au programme, c'est qu'il est généralement suivi seulement par les élèves qui sont déjà actifs dans un secteur quelconque de l'agriculture. Ils participent donc au programme pour accumuler facilement des crédits.
    Cela ne veut pas dire que le cours est mal conçu. Son contenu est très détaillé et peut représenter un défi pour tous les élèves, qu'ils aient de l'expérience dans le domaine ou non. Malheureusement, les élèves qui n'ont pas d'expérience dans le domaine sont très peu nombreux à participer au programme.
    Que peut-on faire pour changer cela?
    Les gens qui participent à la création, à l'administration et à la mise à l'essai de ce programme forment un groupe extrêmement dévoué qui travaille dur en vue d'améliorer la compréhension des élèves à l'égard de l'agriculture et en vue de leur développement continu après les études secondaires, quand ils commencent des études postsecondaires ou entament directement leur carrière dans l'industrie agricole. À l'extérieur de ce programme, il y a très peu de mentors ou de modèles pour les élèves. Il faudrait donc des programmes de mentorat et d'apprentissage pour les élèves qui participent au programme et qui n'ont pas d'expérience dans l'industrie agricole.
    Nous devons examiner les programmes de ce genre qui se sont révélés efficaces aux États-Unis, en Australie, et même, dans notre propre pays, au Québec, et trouver des moyens d'incorporer cette base dans notre système d'enseignement canadien.
    Une autre préoccupation qui concerne l'agriculture et les générations futures est l'image de cette industrie au sein du grand public, des médias, et même, du gouvernement lui-même. Dans son rapport, M. Scholz déclare que l'image de l'industrie agricole et les messages la concernant constituent l'un des obstacles les plus importants que l'industrie doit surmonter pour attirer les nouveaux entrants, et, en particulier, les jeunes.
    Le fait de célébrer les réussites des exploitations agricoles et des agriculteurs pourrait constituer le moyen le plus facile de changer les choses. La reconnaissance des efforts de ces personnes ajoute à ces messages un élément tangible que le public peut comprendre. L'aide financière que le gouvernement fédéral a fournie à Bombardier, à GM et à Chrysler a été rationalisée et considérée comme un stimulant essentiel à l'économie nationale, mais, dans l'agriculture, l'aide financière est souvent considérée comme de la charité. Pourquoi? Le secteur agricole et alimentaire est l'employeur le plus important dans toutes les provinces du Canada et constitue le véritable moteur de l'économie nationale. Le gouvernement fédéral joue un rôle essentiel, et il lui incombe de créer une image positive et moderne des agriculteurs dans l'industrie agricole dans son ensemble.
    Je suis certain que nous avons tous entendu cela à plus d'une reprise. Maintenant, nous devons tous travailler en vue de changer cette image et de rendre l'agriculture plus socialement acceptable et attrayante pour les jeunes. Les agriculteurs ont généralement des ensembles de compétences liés à un certain nombre de domaines larges en raison de la nature unique de la profession agricole, et nous devons impérativement utiliser ce fait à notre avantage pour attirer les gens vers l'agriculture.
    Il est également important de faire connaître la contribution des agriculteurs à la société dans son ensemble. Il y a des organisations professionnelles et nationales de jeunes agriculteurs qui pourraient se charger de cette mission, et, selon moi, le gouvernement doit saisir l'occasion de se joindre à ces groupes pour travailler de concert et concrétiser ces idées.
(1000)
    Pour tous ceux qui travaillent actuellement dans l'industrie agricole, il est évident que notre gouvernement prend ce problème au sérieux. L'annonce d'un financement du gouvernement canadien pour La Table pancanadienne de la relève agricole et le fait que ces discussions sont tenues dans tout le pays en sont la preuve. Pourtant, on doit en faire davantage pour faire passer le message et pour instruire nos jeunes sur les producteurs agricoles et leur avenir dans ce domaine.
    En 2006, le recensement de Statistique Canada a montré que seulement 9,1 p. 100 des agriculteurs au Canada ont moins de 35 ans. L'âge moyen de l'agriculteur canadien est de 52 ans. Le même recensement a également montré que 80 p. 100 des Canadiens habitent dans des centres urbains, et 20 p. 100, dans des régions rurales. Enfin, ce qui est très dérangeant, c'est que moins de 3 p. 100 de notre population pratique l'agriculture. Même si notre système d'enseignement postsecondaire réussit très bien à donner aux nouveaux entrants dans l'industrie agricole les connaissances dont ils ont besoin pour leur intégration, il faut en faire davantage à un âge plus jeune pour empêcher que les résultats du recensement de Statistique Canada se dégradent.
    J'aimerais tous vous remercier de votre grand intérêt pour les générations futures de producteurs agricoles. J'espère que, à la suite de ces séances qui sont tenues dans tout le Canada, tout le monde travaillera ensemble pour régler ces problèmes ainsi que les nombreux autres qui n'ont pas été mentionnés.
    Je vous remercie de votre temps.
    Merci, Lee.
    Nous entendrons maintenant M. Scarlett de la Table pancanadienne de la relève agricole.
    Quelques mots à mon sujet: je ne suis évidemment pas un jeune agriculteur; je suis directeur général de la Table pancanadienne de la relève agricole.
    J'aimerais bien sûr remercier le comité permanent d'être venu à Crossfield. Je suis né à quelques minutes de voiture d'ici. J'ai également été élevé dans cette circonscription, à Didsbury, à Cremona et à Carstairs. Je connais donc très bien cette région.
    J'espère que vous connaissez tous la Table pancanadienne de la relève agricole. Il s'agit véritablement de l'organisation canadienne principale pour les jeunes agriculteurs de 18 à 40 ans. La mission de la Table est de favoriser l'échange d'idées et la collaboration entre les jeunes et les futurs agriculteurs du Canada. Nous visons à fournir aux agriculteurs jeunes et débutants de tout le Canada des possibilités de formation et de perfectionnement sous diverses formes. Sommairement, en tant qu'organisation, nous tentons de cerner les problèmes qui touchent les jeunes agriculteurs, de favoriser la mise en commun d'idées, de préparer les jeunes agriculteurs à jouer des rôles actifs dans d'autres organisations, de consolider l'opinion et de faciliter la création d'organisations représentant les jeunes agriculteurs dans tout le pays. Chaque province compte déjà au moins une organisation de ce genre. Nous devons avoir les adresses courriel et les coordonnées de plus de 10 000 jeunes agriculteurs.
    La Table n'est pas un lobby, mais nous sommes bien sûrs prêts à partager nos idées et à fournir de l'information. À ce titre, le conseil s'est réuni il y a quelques semaines à Montréal et a discuté d'un certain nombre de questions qui devraient, selon nous, être soulevées dans le cadre de ces discussions. Pour commencer, il est très clair que toute discussion détaillée sur les jeunes agriculteurs exige plus d'information. Nous devons obtenir des données précises et à jour sur le nombre de jeunes agriculteurs au Canada, sur leur lieu de résidence, et sur la taille, la portée et le type d'exploitations qu'ils gèrent. Nous devons savoir comment ces exploitations sont structurées, où ces agriculteurs en sont dans leur plan d'affaires et ce qu'ils prévoient pour l'avenir. Évidemment, ce ne sont pas des questions auxquelles on peut répondre facilement. Les agriculteurs sont souvent visés par des sondages, et certains ne sont pas prêts à fournir plus d'information.
    Nous croyons pourtant que, en tant qu'organisation, nous pouvons aider les décisionnaires à dénicher cette information. Nous savons que, par l'entremise de certains de nos programmes, les jeunes agriculteurs saisissent l'occasion d'échanger des renseignements avec leurs homologues. Nous croyons que, avec des ressources appropriées, nous pouvons sonder les jeunes agriculteurs de tout le Canada et obtenir l'information dont vous avez grandement besoin. Nous sommes bien placés pour le faire puisque chaque province compte une organisation de jeunes agriculteurs. L'obtention de cette information utile vous permettra, en tant que décisionnaires, de garantir que les programmes et l'aide qui sont offerts ciblent les personnes appropriées.
    Nous savons, par exemple, qu'un montant d'argent substantiel devra être transféré au cours de la prochaine décennie, et que la planification de la relève est un outil important pour ce transfert. Nous ne savons pourtant pas de manière précise combien de jeunes agriculteurs sont engagés dans ce processus ni où ils en sont. Nous ne connaissons pas, non plus, l'importance du montant qui sera transféré ni les répercussions de ce transfert.
    Évidemment, des renseignements exacts sont très importants, mais il y a tout de même des problèmes qui doivent être réglés dans l'immédiat. Un certain nombre des témoins ont abordé ces problèmes. Les agriculteurs, les éleveurs, les organisations et les politiciens doivent tous être sur la même longueur d'ondes pour améliorer l'image de l'agriculture. Le fait de fournir aux Canadiens des aliments salubres et sains à des prix abordables et d'une manière qui est respectueuse de l'environnement ne peut faire autrement que de mettre en valeur l'industrie. Il est important que nous donnions une image positive de nos produits aux consommateurs. Ainsi, les membres de l'industrie ne pourront pas douter de l'appui et de l'intérêt qu'on leur réserve, et du fait qu'il y a un avenir. Une image positive et dynamique de l'industrie attirera, à coup sûr, de nouveaux arrivants.
    La promotion de l'industrie suppose également la promotion de l'agriculture en tant que choix de carrière. Cela devrait commencer à l'école, sans se limiter aux établissements d'enseignement. L'industrie elle-même doit jouer un rôle plus important et proactif. L'une des différences que j'ai remarquées entre les agriculteurs établis et les agriculteurs débutants est sans aucun doute l'optimisme. Il semble y avoir une opinion assez répandue parmi certains agriculteurs selon laquelle les jeunes ne devraient pas être encouragés à intégrer le domaine. Leurs raisons sont peut-être légitimes, mais ils doivent se défaire de cette idée pour que l'industrie elle-même puisse avoir un plan de relève.
(1005)
    En tant que politiciens vous pouvez venir en aide à l'industrie en offrant un appui aux établissements afin qu'ils offrent des cours et des formations en agriculture et des cours de base, et en redorant l'image de l'industrie. Ce sera tout à son avantage. Vous pouvez commencer par utiliser un autre langage pour parler de l'industrie. L'utilisation des termes «soutien» ou «subsides» serait déjà un bon début.
    L'industrie elle-même a joué un rôle proactif avec les organisations sectorielles en ce qui concerne le mentorat. J'ai mentionné l'Association canadienne des éleveurs de bovins comme exemple, mais nous avons bien sûr également travaillé avec certaines associations agricoles générales. Certains membres de l'industrie qui sont situés en aval, dont beaucoup d'industries privées, ont adopté des programmes de mentorat fructueux. Le mentorat entre les générations n'est toutefois pas le seul élément important, comme nous l'avons appris dans le cadre des cours sur les pratiques de gestion optimales que nous avons offerts dans tout le Canada.
    Les jeunes producteurs aiment bien échanger des idées et des renseignements avec leurs pairs. Ils sont ouverts aux nouvelles idées et aux techniques de gestion novatrices que d'autres jeunes producteurs ont élaborées. Nous devons continuer de favoriser cette mise en commun d'idées entre les jeunes producteurs de tout le pays, parce qu'il s'agit peut-être bien pour eux de la mesure qui leur offrira le plus de possibilités.
    Le dernier point que je voulais souligner, c'est que nous devons mettre en place des programmes qui, à tout le moins, ne découragent pas les jeunes agriculteurs et les nouveaux arrivants dans le secteur.
    Nous semblons avoir choisi la voie de la facilité en ce qui concerne la conception de programmes. Les nouveaux arrivants et les jeunes agriculteurs sont souvent forcés d'utiliser les moyennes régionales ou les niveaux de production moyens en tant que base dès leur entrée dans un programme. Même si ces moyennes sont faciles à calculer et quelque peu justifiables, elles désavantagent souvent les jeunes producteurs puisque les marges n'ont pas été particulièrement élevées au cours des dernières années. Nous devons adopter des programmes dont les paramètres permettent aux jeunes agriculteurs d'atteindre rapidement un état de stabilité et de croissance, ce qui favorisera leur présence permanente dans l'industrie.
    J'ai parlé de thèmes très généraux. Je sais que les autres participants possèdent probablement des renseignements plus détaillés, mais j'ai soulevé certaines notions que nos membres, les jeunes agriculteurs de tout le Canada, ont mentionnées dans des rencontres et des discussions. Je suis certain que vous entendrez des messages semblables de certains de nos membres, quand ils présenteront des exposés à votre comité dans d'autres provinces.
    Enfin, j'aimerais vous remercier encore une fois d'avoir pris le temps d'engager des discussions sur la situation des jeunes agriculteurs dans l'avenir.
(1010)
    Merci, Rod. Votre organisation est formidable. Nous vous remercions.
    Monsieur Lucas, vous êtes le dernier mais non le moindre. Vous avez de cinq à sept minutes; je vous en prie.
    Bonjour, et merci beaucoup de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
    Je m'appelle Paul Lucas et je suis le directeur de l'agriculture et des aliments pour Northlands, à Edmonton, en Alberta. Je ne vais pas vous parler aujourd'hui directement d'enjeux liés à l'agriculture; je vais plutôt vous parler des jeunes et du développement des jeunes dans le secteur de l'agriculture et je vais vous faire part de mes observations sur les sources de préoccupations.
    À titre de société agricole la plus grande et la plus vieille du Canada, Northlands mobilise environ 2 200 bénévoles pour ses événements et programmes qui ont lieu tout au long de l'année. Notre rôle, à titre de société agricole, est d'offrir une plate-forme pour les entreprises du secteur de l'agriculture et de l'alimentation. L'un des principaux piliers du secteur, c'est le développement des jeunes en agriculture. À titre d'association sans but lucratif, nous serions incapables d'organiser des programmes et des événements sans les bénévoles. L'un des plus grands défis auxquels nous sommes tous confrontés à titre de sociétés agricoles, c'est le vieillissement des bénévoles et la recherche d'une meilleure façon de mobiliser les jeunes afin qu'ils s'engagent dans nos programmes et nos événements.
    J'ai été récemment élu à la Royal Agricultural Society of the Commonwealth et l'un de mes rôles, en tant que membre, consiste à établir des liens pour le Canada. La Royal Agricultural Society of the Commonwealth est dirigée par le Prince Phillip et a pour mission de favoriser les échanges et la création, par l'entremise du Commonwealth, d'activités durables en matière d'agriculture, de foresterie, de pêche et de développement rural, en collaboration avec les sociétés nationales chefs de file dans l'organisation d'expositions agricoles à l'échelle du Commonwealth.
    Aux yeux de la RASC, le Canada n'est pas considéré comme un acteur important, et j'espère changer les choses grâce à la collaboration et à la diffusion d'un point de vue uni à l'appui de buts et d'objectifs communs concernant les jeunes et l'agriculture au Canada. Je sais que nous avons les capacités et les ressources requises pour changer les choses. L'audience d'aujourd'hui permettra, je l'espère, de favoriser les discussions et incitera à la mobilisation de personnes qui viendront promouvoir et favoriser la présence des jeunes dans le secteur de l'agriculture, comme le veut un programme de la RASC intitulé « The Next Generation ».
    La prochaine génération en question est celle constituée des successeurs des membres de la RASC à mesure que les membres plus âgés prennent leur retraite. Avec un milliard de membres de moins de 25 ans, le Commonwealth ne jouit pas d'une considération très large au Canada, ce qui nuit à la mobilisation. L'association compte très peu de membres canadiens, et nous devons assumer un rôle au sein du Commonwealth parce que nous avons beaucoup à offrir.
    La RASC souhaite attirer l'attention sur les possibilités, pour les jeunes, de s'engager davantage, d'élargir leurs horizons et de partager des expériences, des compétences et des conseils, et ce, dans le but d'encourager l'esprit d'initiative. C'était dans le message de la Reine en 2009. De nombreuses sociétés agricoles du Canada manquent de ressources, de motivation et de dynamisme pour diriger la prochaine génération, même si elles pourraient jouer un rôle clé dans la promotion de tout cela dans leur région agricole. Les sociétés agricoles doivent agir de façon plus stratégique, proactive, créative et inspirante pour inciter les jeunes d'aujourd'hui à se lever et à être présents dans tous les aspects de l'agriculture, et pas seulement dans le travail de la terre.
    À titre d'organisateurs d'expositions agricoles et d'expositions de bétail, nous avons tenté d'inciter les universités et les collèges à participer au salon de l'emploi qui visait les jeunes des régions rurales et urbaines afin de les informer des types de carrière en agriculture. Ce que m'ont souvent dit les représentants de plusieurs établissements, c'est que les parents tentent de dissuader leurs enfants de se lancer dans une carrière dans l'agriculture et leur conseillent plutôt de trouver un emploi payant. Habituellement, les parents n'encouragent pas leurs enfants à adopter l'agriculture comme carrière. C'est là, à mon avis, un enjeu essentiel qui mérite qu'on s'y attarde parce qu'il a des répercussions sur l'avenir de l'agriculture. Je généralise, bien sûr, mais c'est ce que je crois.
    Un recruteur m'a récemment dit qu'il était de plus en plus difficile d'inciter les jeunes à suivre un programme universitaire en agriculture parce que leurs parents ne les encouragent pas assez. Si c'est vrai, de quoi aura l'air l'agriculture en 2050, quand la demande alimentaire sera trois fois plus élevée qu'actuellement? L'agriculture est un volet essentiel de notre quotidien. Les agriculteurs sentent que leur travail n'est pas reconnu par les gens des régions urbaines et ont l'impression de ne pas recevoir le respect qu'ils méritent à titre de fournisseurs de ressources essentielles pour toute la planète. En outre, le vieillissement de la population d'agriculteurs fait en sorte qu'ils ont de la difficulté à réaliser un gain raisonnable sur leurs investissements de temps et d'argent.
    Combien de jeunes sont prêts à prendre la relève de cette génération, et combien n'ont pas vraiment envie de suivre les traces de leurs parents? L'agriculture évolue. Elle est de plus en plus spécialisée et exige des investissements importants pour suivre l'évolution des technologies et pour suivre les tendances qui permettent de réduire le coût des intrants. Les conglomérats sont de plus en plus présents et ils s'approprient les terres.
(1015)
    Depuis l'ESB, notre organisme a constaté une diminution de 50 p. 100 de la participation aux expositions au sein de l'industrie du boeuf de race. Nous avons constaté aussi une diminution de 60 p. 100 des éleveurs de bovins de pure race qui se sont inscrits à une exposition que nous avons organisée, l'exposition Farmfair International.
    Avec la demande alimentaire qui risque de poser problème puisqu'elle triplera d'ici 2015 — une simple augmentation de 1 p. 100 par année de la demande alimentaire — et la nécessité d'avoir un plus grand nombre de terres arables, il faut encourager l'agriculture au pays, en faire la promotion, souligner son importance et la mettre en valeur.
    Dans les cercles du Commonwealth, le Canada n'est pas perçu comme un pays qui fait la promotion de la prochaine génération d'agriculteurs ni comme un pays qui soutient la RASC. J'ai essayé d'établir des liens avec toutes les grandes sociétés agricoles provinciales du pays pour les sensibiliser à l'importance de la jeunesse. Aucune association n'a manifesté d'intérêt pour la participation à un tel projet, essentiellement pour des raisons financières.
    Les sociétés agricoles, qui n'ont pas évolué dans leur façon de penser, doivent appuyer le perfectionnement des jeunes dans le secteur de l'agriculture et jouer un rôle de chef de file dans la promotion et le soutien du perfectionnement des jeunes. La plupart de ces sociétés organisent des salons et des expositions agricoles, de même que des expositions de bétail. Combien d'entre elles appuient le perfectionnement des jeunes? Cela devrait faire partie de leur mandat et de leur énoncé de mission à titre de société agricole au Canada. Le monde évolue, et j'ai bien l'impression que les sociétés agricoles du pays doivent se lever et relever le défi de faire la promotion du perfectionnement des jeunes pour les mobiliser dans le secteur de l'agriculture
    À titre de membre du G-7, nous avons atteint un niveau de richesse qui dépasse même nos rêves. Nous faisons peu pour appuyer les pays en développement. Même si je sais que c'est loin d'être vrai en ce qui concerne le Canada, nous devrions mettre nos idées en commun. Les associations de partout au pays devraient mieux faire connaître ce que fait le Canada pour appuyer la RASC et les pays du Commonwealth en ce qui concerne la mobilisation de la jeune génération.
    À titre de pays membre du Commonwealth, nous pouvons mettre à profit bien des choses. Et j'espère que certaines parties de mon exposé permettront d'attirer l'attention sur cette incroyable occasion.
    Pour donner un élan à la prochaine génération, j'aimerais que chaque société agricole provinciale examine la proposition qui consiste à créer un programme de chefs de file ruraux. Chaque société agricole pourrait appuyer les chefs de file ruraux au sein de sa région. Ceux-ci pourraient faire l'objet d'un concours pendant le congrès annuel de chaque association provinciale. Les gagnants pourraient remporter, par exemple, une expérience de travail dans les salons, les expositions, les rodéos et les événements agricoles un peu partout au pays. Par exemple, le gagnant du prix remis au chef de file rural en Australie remporte un voyage au Stampede de Calgary.
    L'une des propositions finales dont nous nous occupons en collaboration avec la RASC, c'est la création d'une ferme dans un pays en développement — au Ghana, en Afrique — qui deviendra un centre d'excellence en agriculture durable pour un pays en développement. Il recevrait l'appui de la prochaine génération d'agriculteurs, de même que de la RASC et d'universités et de collèges de partout dans le Commonwealth.
    Dans le cadre des discussions que j'ai eues récemment avec des représentants de l'Université de l'Alberta et du Lakeland College, j'ai appris que le fait d'appuyer l'éducation dans des pays en développement est une initiative importante qui favorise l'inscription d'étudiants et la formation pour l'avenir.
    J'aimerais vous remercier de m'avoir permis de m'adresser à vous aujourd'hui.
    Merci beaucoup, monsieur Lucas.
    Nous passons maintenant aux questions; chaque intervenant a cinq minutes.
    Nous commencerons par M. Valeriote.
    Messieurs, merci d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui, malgré votre horaire chargé.
    Ma première question s'adresse à Michael ou à Darcy. Celui des deux qui se sent le plus à l'aise peut répondre; vous pouvez aussi répondre tous les deux. Elle concerne la planification de la relève.
    Il y a deux semaines — ou peut-être la semaine dernière — l'Association des banquiers canadiens est venue témoigner devant le comité à Ottawa. Nous avons parlé des enjeux liés à la planification de la relève. Hier, à Kelowna, nous avons entendu parler du même problème de relève d'une génération à une autre, dans une certaine mesure, mais surtout, d'un membre d'une fratrie à un autre quand ils n'ont pas les mêmes incitatifs fiscaux ou les mêmes possibilités.
    Je me demandais seulement si vous aviez des idées de façons d'encourager la transition d'une génération à une autre, même quand il n'y a pas de lien de parenté. Si quelqu'un souhaite acheter votre ferme et que vous n'avez pas d'enfants ou d'autres parents qui souhaitent le faire, on pourrait lui faciliter la tâche, grâce à des exonérations des gains en capital ou à un report quelconque des gains en capital, à condition qu'elle fasse une promesse et s'engage à poursuivre les activités agricoles pendant 10 ou 15 ans, ou quelque chose du genre.
    Avez-vous des idées à ce sujet, et envisagez-vous d'exercer des pressions auprès du gouvernement ou de lui faire des propositions?
(1020)
    La raison pour laquelle c'est devenu important, c'est parce que, quand un jeune arrive dans le secteur, il n'a pas de capitaux à investir. Comme je l'ai dit plus tôt, pour entreprendre des activités agricoles viables, il vous faut plus de cinq millions de dollars. Les intérêts sur une telle somme suffisent à vous écraser avant même de commencer, et vous aurez fait faillite avant même d'avoir mis au monde le premier veau.
    Comme je pense que je l'ai dit précédemment, vous ne pouvez pas vous permettre d'emprunter une telle somme tout d'un coup. Les gens des générations antérieures, ceux qui pensent à prendre leur retraite, possèdent la terre mais n'ont pas d'argent. C'est un peu comme une hypothèque inversée, même si c'est probablement un sujet un peu dangereux pour l'instant. Les générations plus vieilles pourraient presque payer les jeunes, grâce à la valeur de leur terre, et laisser la nouvelle génération se construire son propre capital par son travail — permettre à une génération de faire sa place tout en permettant à l'autre de se retirer.
    Ce sont là de simples calculs économiques. Si vous ne pouvez pas vous permettre d'entrer sur le marché, le rendement n'a même pas d'importance puisque vous ne pouvez même pas commencer à travailler. Je ne pense pas que ce que vous souhaitez, au gouvernement, c'est de voir les grandes multinationales s'emparer du secteur de l'agriculture, mais je pense que ce n'est pas un sacrilège s'il y a de grandes exploitations agricoles appartenant à des intérêts privés. Ce que je veux dire — et je l'ai déjà entendu ici à quelques occasions —, c'est que tout le monde veut pouvoir prendre de l'expansion, mais, par ailleurs, on dit que l'on veut conserver des petites exploitations familiales agricoles.
    Pensez-vous qu'il faudrait élargir les mesures incitatives prévues par la Loi de l'impôt sur le revenu pour les offrir aux personnes qui ne sont pas parentes afin de favoriser la transmission d'une génération à une autre, même entre personnes qui ne sont pas de la même famille?
    Oui.
    Darcy?
    Je crois que oui. Je crois qu'il faudrait prévoir des conditions d'admissibilité, par exemple au sujet de l'âge de la personne et, peut-être, d'un engagement à demeurer dans le secteur agricole pendant un certain temps. Je crois que c'est possible de le faire.
    Je pense aussi que nous pourrions créer des lots organisationnels — je ne sais pas si j'ai choisi le bon mot — ou des structures coopératives au sein des collectivités, structures où les agriculteurs pourraient effectuer de l'exploitation agricole en groupes et profiter de certains allégements fiscaux dans le cadre de ces entreprises communes. Il y a certaines personnes qui le font actuellement parce que l'équipement coûte si cher. Nous pourrions aider ces entreprises communes à fonctionner afin, par exemple, que plusieurs agriculteurs se partagent la propriété d'une pièce d'équipement. Pour l'instant, il y a très peu de programmes agricoles et de mesures fiscales qui reconnaissent véritablement ces entités. Il faudrait donc une plus grande souplesse pour que cela soit possible.
    Depuis un an déjà que nous entendons parler des problèmes de non-harmonisation entre les règlements d'autres pays et ceux du Canada. Je suis sûr que vous êtes au courant de ce problème — le fait que certains produits pharmaceutiques qui sont interdits ici peuvent être utilisés aux États-Unis, ce qui crée un avantage concurrentiel pour eux. Vivez-vous le même problème, et auriez-vous des changements à recommander? Le cas échéant, quels seraient les changements à apporter, à votre avis?
    Les producteurs de céréales doivent pouvoir obtenir des certifications pour ces médicaments et ces produits chimiques aussi rapidement que leurs concurrents. On ne peut pas se retrouver dans une situation où des médicaments génériques et des produits génériques à pulvériser — des herbicides — sont disponibles dans d'autres pays pendant que notre processus de certification dure quatre ans. C'est ridicule. C'est là l'un des désavantages concurrentiels que nous subissons à titre de Canadiens.
    Votre temps est écoulé.
    Michael, avant de passer à autre chose, j'aimerais revenir aux commentaires que vous avez faits au sujet des exploitations agricoles familiales et de celles qui ne sont pas encore, essentiellement, de grandes exploitations agricoles. Seriez-vous d'accord pour dire que la ferme familiale existe encore aujourd'hui, mais qu'elle est beaucoup plus grande qu'il y a 20, 30 ou 40 ans?
    Oui, elles n'ont pas le choix d'être plus grandes pour survivre. Un semoir pneumatique de 50 ou de 60 pieds coûte à peu près la même chose qu'un semoir pneumatique de 30 pieds. Aussi bien avoir une grande entreprise et faire des affaires. Nous l'avons constaté au sein de notre exploitation agricole, qui est de taille moyenne. Nous l'avons constaté quand notre entreprise était plus grande et que nous revenons maintenant à une entreprise de petite taille. Toutes les tailles présentent leurs propres séries de problèmes, mais je préfère faire face aux problèmes d'une grande entreprise puisqu'il s'agit surtout de problèmes de gestion. Vous pouvez aussi profiter d'économies d'échelle. Cela ne signifie pas que ces exploitations agricoles sont de grandes sociétés multinationales. Ce sont simplement des exploitations agricoles.
    Quand je travaillais là-bas, il y avait moi, mes deux frères, mon père et mon oncle — ses enfants étaient trop jeunes pour vraiment faire partie de l'entreprise. Nous étions donc très nombreux. L'idée du vieux couple qui s'occupe simplement de son poulailler, c'est une idée qui avait sa place dans les années 50. Rien ne nous oblige à ne pas évoluer.
    L'agriculture est une activité commerciale, et il doit y avoir une certaine formation. Il faut changer la mentalité de toute une génération. Je crois que la génération des plus jeunes — plus jeunes que moi — qui arrive dans le secteur comprend cela peut-être même mieux que les types de 80 ans qui se préparent à cesser leurs activités. Cette génération a vécu l'époque des chevaux, qui ont été remplacés par un tracteur qui se conduit tout seul dans le champ. Cela a beaucoup à voir avec la mentalité.
    Il y a aussi la mentalité qui veut que l'on encourage les jeunes à pratiquer l'agriculture. J'ai même dû essuyer quelques critiques, des gens qui m'ont dit: « Tu as fini dans ce secteur? » Pourquoi n'es-tu pas parti faire autre chose? » Vous devez justifier votre choix, et vous ne devriez pas avoir à faire ça.
(1025)
    D'accord, merci beaucoup.
    Monsieur Bellavance, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup de vos témoignages.
     Vous avez raison, monsieur Latimer, ça a bien changé. En effet, j'ai été témoin d'une certaine évolution: mon grand-père, qui portait mon nom, était un producteur laitier et, jusqu'à l'âge de 94, il trayait une vache à la main. Aujourd'hui, je ne crois pas que cela se fasse encore beaucoup. Il allait nourrir ses veaux avec des seaux tous les matins, mais ça, c'était à la fin de sa vie. Il aidait encore mon oncle qui a pris la relève. Dans ce temps-là, la relève se faisait naturellement par un des enfants. Il y avait moyen de vivre du travail d'agriculteur.
    Aujourd'hui, on a entendu des témoignages — mais pas juste aujourd'hui —, à savoir que les jeunes se posent beaucoup de questions juste sur la possibilité d'arriver à joindre les deux bouts en essayant d'embrasser le travail d'agriculteur. C'est loin d'être évident. Ça ne veut pas dire que tout le monde dans le temps faisait une fortune, mais il était possible de bien vivre en faisant de l'agriculture.
    J'aimerais m'adresser aux deux producteurs, M. Brecka et M. Buckman. L'un de vous deux — je ne me rappelle pas qui — a fait allusion au PCSRA, le Programme canadien de stabilisation du revenu agricole, par opposition au programme Agri-stabilité. On a commencé la tournée hier et, déjà, on a entendu le même genre de témoignage, à savoir que l'ancien Programme canadien de stabilisation du revenu agricole et l'actuel programme Agri-stabilité sont du pareil au même.
    Il y a cependant quelque chose que je n'ai pas entendu de votre part. Vous avez dit que ça ne fonctionne pas bien: il y a les intrants qui augmentent toujours, la valeur de vos produits qui baisse, fluctue ou demeure égale.
    Pensez-vous qu'on devrait maintenant tenir compte, dans le calcul du programme Agri-stabilité, du coût de production? C'est-à-dire que l'agriculture a énormément changé, mais ce qui n'a pas changé, c'est la responsabilité du gouvernement de s'assurer qu'on occupe notre territoire, qu'il y a un milieu agricole viable, que de la nourriture est produite chez nous et que notre population peut manger. Pour ce faire, on a la responsabilité de s'assurer que les producteurs agricoles pourront vivre de l'agriculture. Le programme Agri-stabilité a été mis en place pour cela. Il avait succédé au précédent Programme canadien de stabilisation du revenu agricole qui avait des lacunes, qui ne fonctionnait pas bien. On a dit qu'on allait le changer. Comme bien des programmes, on ne l'a pas mis en place pour qu'il fonctionne mal. Encore aujourd'hui, on se rend compte, et c'est normal, qu'il y a encore des lacunes.
    À mon avis, un changement, entre autres, — et c'est ce qu'on entend de plus en plus — devrait être apporté. Il s'agit de tenir compte des coûts de production dans ce type de programme de stabilisation. Avez-vous une opinion sur cela?

[Traduction]

    Au sujet des programmes de stabilisation, je commencerai par dire que, pour l'instant, nous faisons les impôts de 2009. Nous avons fini cela. Il y a des types qui s'occupent encore actuellement des affaires de 2007. Les délais sont beaucoup trop longs. Vous avez emprunté de l'argent. Vous ne pouvez absolument pas donner votre argent aux gens qui en ont besoin quand vous avez des paiements à faire. Vous avez des paiements tous les trimestres, ou à une autre fréquence, pour payer votre propriété ou votre machinerie, et nous sommes rendus à 2007. Cela fait deux ans que vous payez de l'intérêt en plus. Ça ne peut simplement pas fonctionner. Le PCSRA n'a jamais rien rapporté dans le cadre de mes activités agricoles. Je cultive du blé, du blé dur, du lin, du canola, et des pois, à l'occasion. Nos cultures sont diversifiées, ce qui fait que nous nous retrouvons dans le haut de certains marchés et dans le bas d'autres. Ce programme n'a pas du tout fonctionné pour mes activités agricoles. Nous ne réussissons même pas à en tirer assez d'argent pour payer l'épicerie, alors encore moins pour les paiements. Cela ne fonctionne pas pour nos activités.
    C'est la même chose pour moi. Nos activités sont plutôt diversifiées. Le PCSRA ou le programme Agri-stabilité — l'un ou l'autre — ne devrait pas dépendre de la marge générale de votre exploitation agricole. Il devrait dépendre de chacun... Disons, par exemple, que le blé, cette année, est un échec. Tout le monde le sait. Donc, je perds de l'argent avec le blé, mais mes lentilles atteignent des sommets. Ils s'annulent donc l'un l'autre. La marge bénéficiaire demeure la même. J'ai prévu tant de dollars à mon budget de l'an prochain puis les syndicats arrivent, et les prix baissent, et je ne vois plus les choses de la même façon. Le gouvernement non plus, n'est-ce pas? J'ai toujours les mêmes dépenses. En fait, elles ont augmenté sensiblement, mais pas assez pour changer quoi que ce soit.
(1030)

[Français]

    J'ai été récemment en contact avec le président de la Fédération canadienne de l'agriculture. Il faisait référence à un article du Western Producer dans lequel on apprenait que les dépenses d'Agriculture et Agroalimentaire Canada prévues pour 2012-2013 seraient très inférieures à ce qui a été dépensé au 31 mars dernier. On parlait d'un peu moins de 2 milliards de dollars, donc c'est 45 p. 100 de moins que ce qu'on avait au 31 mars dernier, qui était 3,5 milliards de dollars environ. Une des raisons était Agri-stabilité.
     La comparaison qui m'est venue en tête — ensuite j'ai lu l'article, et La Terre de chez nous en a fait référence également — est un peu liée au programme d'assurance-emploi, c'est-à-dire que c'est un programme que tout le monde paie, mais en vertu duquel tout le monde n'a pas le droit de retirer des sommes d'argent.
    En ce qui concerne Agri-stabilité, je constate que beaucoup de personnes y contribuent, mais que beaucoup de personnes n'y auront finalement pas droit. Cela coûtera beaucoup moins cher au gouvernement, mais au bout du compte, c'est vous qui allez en pâtir.
    On verra bien le message qu'on aura tout au long de la tournée, mais apporter des changements à ce type de programme risque de faire partie des recommandations importantes qu'on pourra faire.

[Traduction]

    Je crois que ce que nous voulons, c'est simplement être payés pour ce que nous cultivons. Personnellement, je ne veux pas être payé pour une chose que je ne peux pas cultiver. Si nous pouvons cultiver un produit, c'est un produit de première qualité. Payez-nous pour cela.
    Personne ne veut jamais dépendre d'un programme gouvernemental. Cela ne rapporte d'argent à personne. Tout ce que cela fait, c'est créer d'autres dépenses à cause des frais d'administration. Par exemple, depuis 1992, j'ai payé une prime de 115 000 $ pour l'assurance-récolte. J'ai récupéré 85 000 $ de mon programme d'assurance-récolte, de 1993 à 2008. Si nous pouvions être payés pour ce que nous produisons — c'est tout ce que souhaitent la plupart des agriculteurs. Ils souhaitent pouvoir être fiers de ce qu'ils cultivent et être payés pour ce qu'ils font.
    Nous avons essentiellement besoin d'un prix plancher. Les producteurs du Dakota du Nord ou d'ailleurs reçoivent essentiellement 6 $ pour leur blé dur. Je ne peux pas envisager un blé dur à 4 $, et pourtant, j'ai déjà semé. Je prends un risque pour le reste de l'année. Les Américains obtiennent les 6 $ qui leur sont essentiellement garantis, ce qui fait qu'ils vont cultiver encore plus de blé, simplement parce que le gouvernement le paie. Tout cela ne va-t-il pas à l'encontre de l'ALENA et de l'Organisation mondiale du commerce? Pouvons-nous nous lever et faire quelque chose du genre pour nos agriculteurs?
    Merci.
    Monsieur Atamanenko, vous avez cinq minutes.
    Merci à tous.
    Avant de commencer, j'aimerais simplement dire, monsieur Latimer, que vous avez mentionné que vous avez un diplôme en administration des loisirs et que vous vous demandiez un peu ce que vous faisiez ici. J'ai aussi un diplôme en administration des loisirs, et il m'arrive de me demander aussi ce que je fais ici.
    Hier, nous avons visité des producteurs de fruits de l'Okanagan. Nous avons entendu des histoires plutôt poignantes, des personnes qui nous ont dit: « C'est fini. Il y a des pommes, par exemple, qui font l'objet de dumping dans notre pays. Nous avons signé l'ALENA, et des pommes sont vendues en deçà du coût de production. Nous ne pouvons pas concurrencer. » Un certain nombre d'entre eux ont mentionné que la gestion de l'offre leur permettait à tout le moins de prévoir certaines choses; ils sont certains d'avoir un marché, et ils pensent même à essayer d'obtenir quelque chose comme un marché ordonné qui permettrait de sauver l'industrie des arbres fruitiers du Canada.
    Je viens tout juste de terminer une tournée d'essentiellement deux ans à l'échelle du pays. J'ai visité 28 collectivités dans le cadre du projet que nous appelons « Food For thought » — une alimentation réfléchie — et j'ai écouté ce que les gens avaient à dire à propos de la souveraineté et de la sécurité alimentaires. L'un des thèmes qui revenaient très souvent, c'est le fait que bon nombre de ces accords commerciaux ont des répercussions négatives sur nos agriculteurs, même s'ils ont aussi, évidemment, des répercussions positives.
    Monsieur Davis, vous avez mentionné que vous aimeriez que le Cycle de Doha se termine sur une note positive. D'après ce que je comprends, si cela devait se produire, puisque l'accord existe actuellement, il y aurait certaines concessions. Le producteur laitier moyen perdrait probablement 70 000 $, le quota actuel de 7,5 p. 100 augmenterait à 10 p. 100, le tarif en cas de dépassement des quotas diminuerait, et, bien vite, la Commission canadienne du blé serait certainement appelée à disparaître à cause des pressions exercées par la communauté internationale.
    Vous avez aussi parlé de l'accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, et vous aimeriez que nous nous joignions au mouvement. Les provinces de toute allégeance politique semblent être d'accord, de même que le gouvernement fédéral, mais je crois comprendre qu'un tel accord viendrait ouvrir les contrats aux sociétés européennes qui auraient maintenant accès aux contrats des sociétés d'État et des administrations municipales, fédérales et provinciales. À mon avis, une telle mesure serait dévastatrice pour les régions rurales du Canada puisqu'on se retrouverait avec une entreprise d'ici, de la collectivité, en concurrence avec des entrepreneurs locaux de la Suisse pour une soumission, et la municipalité locale serait forcée d'accepter la soumission de l'entreprise suisse si celle-ci était moins élevée.
    Je crois aussi comprendre que la gestion de l'offre et la Commission canadienne du blé sont sur la table. Les Européens seraient très heureux de mettre la main sur nos marchés de la volaille, des oeufs et des produits laitiers.
    Je me demandais donc seulement ce que vous en pensiez. Comment pouvons-nous vraiment favoriser un accord qui entraînerait de telles pressions sur notre capacité de survivre en tant que pays?
(1035)
    Je crois que nous pourrions survivre. Si nous ne pouvons pas les concurrencer, je pense que nous sommes véritablement mal pris.
    Je crois que vous avez soulevé des points importants. À mon avis, le problème, c'est que bon nombre de ces accords commerciaux ne vont pas assez loin.
    Vous avez parlé du Cycle de Doha, donc je vais commencer par aborder ce sujet. Le fait est que, si nous terminons le Cycle de Doha, nous n'aurons plus de subventions à l'exportation. Il n'y aura plus de pays qui subventionneront directement les exportations, comme nous avons vu certains pays recommencer à le faire au cours des deux ou trois dernières années. Je vais donner un exemple. Ces types parlent du programme de paiements compensatoires de prêt et de la loi agricole américaine. Selon le Cycle de Doha, plutôt que de pouvoir verser des subventions de 60 milliards de dollars à leurs industries, ils devraient se limiter à huit milliards de dollars. Vous vous retrouvez donc, progressivement, à commencer à vous attarder à certaines de ces inégalités.
    Je crois que, si nous devions ouvrir nos marchés à des fournisseurs européens, cela serait une bonne chose puisque nous pourrions peut-être réussir à leur fournir des produits. Nous avons vu ce qui est arrivé avec la loi Achetez américain. Nous fournissions beaucoup de produits aux Américains. Quand ils ont adopté la loi Achetez américain, cela s'est retourné contre nous. Je suppose que c'est à cela que ça revient. Le Canada peut-il être une petite île qui ne fournit de produits qu'à lui-même? Je suis désolé, mais c'est impossible. Nous cultivons beaucoup trop de choses; nous ne pouvons pas manger tout cela. À moins que vous vouliez transformer la Saskatchewan en un parc national et cultiver toute la nourriture dans le sud de la Colombie-Britannique, le sud de l'Alberta et le sud de l'Ontario — peut-être aussi un peu dans le sud du Manitoba —, c'est tout ce dont nous avons besoin. Nous devons exporter; nous devons trouver ces accords. Les choses sont de plus en plus difficiles, mais cela ne veut pas dire qu'il faut abandonner.
    D'autres pays ont des catégories de produits plus sensibles, et elles sont visées par certains accords qu'ils ont conclus avec nous. Pourrions-nous élargir ces catégories de façon à nous assurer que notre industrie des arbres fruitiers, par exemple, est protégée, comme l'est notre gestion de l'offre?
    Eh bien, le noeud du problème, depuis 20 ans, c'est que les produits sensibles de tous les autres sont les produits que nous exportons. Dans d'autres pays, le boeuf et les céréales sont des produits sensibles; pour nous, les produits sensibles sont le poulet et les produits laitiers. Je crois qu'ils pourraient encore profiter d'un tarif de 75 p. 100 à 125 p. 100 si le Cycle de Doha se conclut. Nous n'avons pas — les autres intervenants du secteur de l'agriculture — ces types de tarifs.
    Je ne parle pas au nom des industries à offre réglementée. Je m'attire beaucoup d'ennuis quand j'agis de cette façon. Mais je crois aussi que nous devons aller de l'avant et trouver de quelle façon nous voulons faire des affaires dans ce nouveau contexte mondial, où notre dollar est à parité avec le dollar américain et où notre devise a une grande valeur par rapport à bon nombre des devises d'autres pays. Nous devons continuer à gérer notre compétitivité.
    Merci.
    Je passe à M. Richards. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Merci à tous d'être ici aujourd'hui. Je sais que certains d'entre vous ont dû traverser une bonne partie de la province. Je crois que nous avons ici un bon échantillon représentatif qui exprime divers points de vue de partout en Alberta, et il ne fait pas de doute que nous sommes heureux de vous compter parmi nous.
    Une question que j'ai posée à tous les jeunes agriculteurs qui se sont présentés devant nous pour participer à l'étude visait à véritablement comprendre ce qui distingue une génération d'une autre, qu'il s'agisse de la génération de votre père ou de votre grand-père, non pas en tant que jeunes agriculteurs — mais plutôt, quelle est la différence entre votre génération et celle de vos enfants. C'est une question qui s'est révélée très intéressante à poser, et j'ai obtenu toute une gamme de réponses différentes.
    L'une des préoccupations les plus courantes semble certainement être le fait que, même si les coûts des intrants augmentent, le prix reçu à la ferme n'augmente pas; je l'ai certainement entendu aujourd'hui aussi. En fait, je vais toutefois poser ma question un peu différemment devant vous parce que j'ai entendu quelques exemples d'agriculteurs qui vont probablement un peu à contre-courant.
    Messieurs Buckman et Brecka, plus particulièrement. Vous avez tous les deux mentionné que, si vous avez précédemment occupé des emplois au sein d'une exploitation agricole, vous avez réussi, au cours des dernières années, à atteindre un stade auquel vous êtes maintenant en mesure d'exploiter à temps plein une ferme sans le revenu de la ferme. Ce n'est certainement pas une version que nous entendons très souvent. Ce que les agriculteurs nous disent — et je crois que cela ne surprendra personne — c'est qu'un emploi à temps plein à l'extérieur de la ferme paie essentiellement les autres loisirs à temps plein à la ferme. Malheureusement, c'est trop souvent ce qui arrive à un trop grand nombre de personnes. L'exploitation agricole ne permet pas véritablement d'avoir un revenu et de gagner sa vie. J'aimerais donc comprendre un peu comment vous avez réussi à aller à contre-courant.
    De fait, monsieur Davis, vous avez parlé de vos nièces et de vos neveux, qui viennent tout juste d'arriver dans le secteur et qui ont acheté un troupeau à un agriculteur qui prenait sa retraite. Ils semblent donc, eux aussi, d'une certaine façon, aller à contre-courant.
    Monsieur Brecka, je crois que vous avez même mentionné que vous n'avez pas succédé à votre père à la ferme, que vous avez plutôt lancé votre propre exploitation agricole. C'est très rare, de nos jours, malheureusement.
    J'aimerais donc savoir ce que vous avez à dire à ce sujet, tous les trois. Comment avez-vous réussi à aller à contre-courant?
(1040)
    Eh bien, c'est comme vous l'avez dit. Essentiellement, j'ai commencé avec son équipement, mais j'ai lancé ma propre entreprise et tout le reste. Vous savez, ça a été difficile. J'ai mis fin à mes activités il y a deux ans. Ma femme est infirmière, et elle est maintenant en congé, mais elle payait essentiellement toutes les autres factures. J'ai débuté par deux bonnes années, où les prix étaient bons. Le blé dur a atteint des sommets pendant deux ans, puis, tout à coup, s'est mis à diminuer et a connu, depuis, une diminution de 300 p. 100. Maintenant, nous parlons en réalité de retourner au travail. C'est assez triste, vous savez, qu'un type ne puisse pas rentabiliser une terre de 1 800 acres.
    Vous savez, mon père, quand il exploitait la terre dans les années 1970 et 1980... c'est vrai, les taux d'intérêt étaient élevés, mais les prix des terres étaient bas, et il n'avait pas ces problèmes. Maintenant, le prix des terres est élevé, et les taux d'intérêt sont bas, ce qui fait que ça ne change pas grand-chose. On se retrouve à peu près dans la même situation.
    Essentiellement, il me reste un an ou deux à exploiter la terre à ces taux et à ces prix, entre autres; sinon, je vais vendre. C'est à cause, comme je l'ai dit, de ces exploitations d'élevage intensives subventionnées dans ma région. Je n'aurai pas un bon prix pour ma terre. Ce que je veux dire, c'est que j'ai pris les capitaux quand j'avais une maison en ville et que je travaillais, j'ai payé le premier quart de section et tout le reste, puis j'en ai acheté d'autres, et j'ai payé les yeux de la tête, mais je n'avais pas le choix si je voulais exploiter une terre près de mes parents.
    On parle de la planification de la relève, mais nous n'en sommes pas du tout rendus là. Je ne sais pas ce qui va arriver d'ici un an ou deux. Je devrai peut-être simplement emballer mes choses et limiter mes pertes. C'est pour ça que je suis ici aujourd'hui.
    En ce qui me concerne, je suis aussi parti de rien. J'utilise de la vieille machinerie. Comme j'ai travaillé avec de la machinerie industrielle, tout est réparé dans mon propre atelier. Nous faisons tout nous-mêmes, ce qui fait que nous envoyons très peu de choses en ville, ce qui coûte vraiment très cher.
    Tout est une question de bons propriétaires et de bonnes relations de travail avec les gens, je suppose. Vous savez, j'apporte des ajustements en fonction des marchandises et de la valeur des choses, donc je suppose que c'est très important. Ce qui nous a permis d'y arriver, c'est la communication avec les personnes avec lesquelles nous travaillons.
    Je vous félicite tous deux, puisque vous êtes vraisemblablement des hommes d'affaires intelligents, pour faire ce que vous réussissez à faire. Je crois que c'est là l'avenir de l'agriculture: des personnes qui perçoivent l'agriculture comme une entreprise.
    Monsieur Davis, vous avez parlé de vos nièces et de vos neveux. J'aimerais simplement connaître vos réflexions à ce sujet.
    Eh bien, notre situation est différente. Nous avons une exploitation multigénérationnelle. Mon grand-père est arrivé des États-Unis en 1901 et a commencé à faire de l'agriculture dans notre région. Ça me semble un peu ironique puisque ses frères et lui se sont retrouvés à faire le courtage de terres pour tous les voisins. Ils étaient sept. Ils ont fait le courtage des terres pour les voisins afin d'avoir de l'argent pour pouvoir manger. Une partie des céréales qu'ils cultivaient servait à nourrir les chevaux, et l'autre était exportée, à l'époque.
    C'est ensuite mon père qui s'est lancé dans l'agriculture. Il était le seul fils de la famille, mais mon grand-père avait aussi quelques activités parallèles. il achetait des maisons dans la petite ville d'Acme et les louait et se déplaçait en train pour vendre de l'engrais. Mon père voulait faire seulement de l'agriculture. Il ne voulait pas d'activités parallèles, et c'était très clair.
    Quand j'ai commencé dans le secteur de l'agriculture en 1983... C'est assez ironique de parler du prix des terres. Mon grand-oncle, qui était célibataire, est décédé, et nous avons mis la terre aux enchères. La section de l'autre côté de la route, en face de ma terre actuelle, s'est vendue 1 450 $ l'acre en 1983. Quand j'ai acheté ma terre, je l'ai payée 1 000 $ l'acre en 1983. J'ai dû faire preuve de débrouillardise, et j'ai acheté et vendu des terres. Pour moi, si je suis actif en politique et dans ce type d'activité, c'est pour mes filles et mes neveux, pour essayer de trouver la voie à suivre pour être libre.
    Je suis d'accord avec Brian quand il dit que nous ne voulons pas que le gouvernement se mêle de tous les aspects de nos activités. Je pense que c'est frustrant de voir que des agriculteurs d'autres régions du Canada et de l'Amérique du Nord reçoivent des subventions que nous n'avons pas. Le fait que les voisins de ces types reçoivent des drêches de distilleries provenant d'usines d'éthanol subventionnées, et le fait qu'ils ne peuvent pas envoyer leur blé dur vers le sud à cause des règles imposées — je trouve que c'est frustrant. J'ai de la difficulté à être vraiment positif quand j'en discute avec mes neveux et mes filles. Néanmoins, ils aiment beaucoup l'industrie et souhaitent lui donner une chance. Seul le temps nous dira s'ils y sont arrivés. La réussite de leur exploitation dépendra probablement de leur sens des affaires.
    Je crois qu'il faut absolument faire face à la réalité de l'environnement concurrentiel et aux difficultés connexes. Une fois que vous faites face à la situation et que vous essayez de faire votre chemin, vous constatez que c'est plus facile que de souhaiter des choses qui sont peut-être impossibles.
(1045)
    Merci.
    Vous avez dépassé de beaucoup le temps qui vous était alloué, mais les réponses étaient intéressantes, et je voulais les entendre.
    Brian et Allan, j'aimerais simplement revenir sur une chose. J'ai fait de l'agriculture toute ma vie. J'ai acheté mes premiers boeufs tout seul quand j'avais 16 ans. Je sais à quoi ressemble la rentabilité dans le secteur de l'agriculture aujourd'hui. Mon frère le plus jeune exploite actuellement ma terre pendant que je suis coincé, au loin, par mes activités politiques ou quoi que ce soit.
    J'aimerais revenir à votre commentaire concernant le fait que la diversité de votre exploitation vous empêche de profiter des programmes. Je comprends ce que voulez dire, et je ne veux pas vous enlever... Je crois qu'il y a deux aspects distincts, dans tout cela. Il y a d'abord la rentabilité insuffisante de l'agriculture. Je crois que c'est l'une des choses que nous aimerions voir s'améliorer.
    Je vais donner l'exemple de ma propre ferme, et j'aimerais connaître votre point de vue. Pendant les années 1980, tout le monde, dans ma région du monde... Ma circonscription est la deuxième productrice de boeuf en importance au pays, tout de suite après Lethbridge, où se trouve la Feedlot Alley. Nous avons essentiellement une région de graminées et de légumineuses fourragères. Tout le monde, dans ma région, a essayé de faire pousser du maïs à des fins commerciales. Nous en faisons encore pousser pour l'ensilage de maïs destiné à l'alimentation des animaux, mais pour ce qui est d'en faire la culture commerciale, cela n'a pas fonctionné. Je me souviens que j'aurais pu continuer à en cultiver, comme l'ont fait certains agriculteurs, qui ont utilisé l'assurance-récolte et que sais-je encore pour couvrir leurs frais — et peut-être certains programmes gouvernementaux. Néanmoins, à l'époque, cela ne fonctionnait pas.
    Je suppose que si je vous raconte cela, c'est pour vous demander si nous n'avons pas aussi, à titre de producteurs, la responsabilité d'essayer — même si la diversité occupe la plus grande place dans tout cela — de faire place à la diversité pour demeurer rentable, d'une certaine façon. Je sais que ça ne fonctionne pas tout à fait de nos jours, mais se contenter de critiquer le fait que l'autre reçoit des subventions — j'ai cessé de cultiver du maïs à des fins commerciales tout simplement parce que ça ne fonctionnait absolument pas dans ma région. Je suppose que j'ai pensé que c'était ma responsabilité.. Je ne voulais pas que le gouvernement... Comme toutes les personnes ici présentes, je le sais, je ne voulais pas recevoir mon chèque par la poste.
    Êtes-vous d'accord pour dire que nous avons la responsabilité, à titre de producteurs, de diversifier nos activités pour cette raison, si on ne tient pas compte de la rentabilité?
    Tout à fait. C'est notre responsabilité. Cependant, le plus gros problème que nous avons dans notre région concerne une partie de cette diversification. Certains agriculteurs ne suivent pas.
    Je pense par exemple à la fusariose qui commence à arriver. Elle est arrivée, en grande partie, par le maïs des États-Unis. C'est énorme. La région a fait pousser de l'orge, de l'orge et encore de l'orge, et maintenant tout tourne autour de ça. Le maïs était importé, nous avons des céréales à proximité, et le gouvernement ne fait rien pour nous aider à faire face à une partie de ces problèmes. D'un côté, il nous frappe, et de l'autre côté, il ferme les yeux.
    Oui, je dois diversifier mes activités. Je ne peux pas m'inquiéter du fait de savoir si mon blé dur vaudra 2 $ ou 4 $; je dois diversifier mes cultures pour avoir quelque chose à mettre en marché. J'ai des factures à payer tous les trimestres; je dois avoir quelque chose à mettre en marché. Quand la CCB dit que je dois vendre quand elle me le demande, je ne peux pas dire à la banque que je vais la payer quand la CCB achètera mon blé. Ça ne fonctionne pas comme ça. Si j'ai des paiements à faire chaque trimestre, je dois m'assurer que j'ai l'argent pour les faire. C'est pourquoi j'ai décidé de cultiver diverses céréales, comme les céréales fourragères, le canola ou le lin.
(1050)
    Alan, vouliez-vous faire un commentaire?
    La situation est assez semblable, en fait. Je m'assois à l'ordinateur pendant une heure à une heure et demie chaque jour et je reçois trois ou quatre soumissions — le canola et tout le reste. C'est pour ça que je me suis lancé dans les légumineuses à grain au cours des trois dernières années — la culture commerciale, le canola et tout le reste.
    Ça ne sert à rien de consulter le site Web de la Commission canadienne du blé cette année parce que vous savez que le taux sera de seulement 60 p. 100 et que vous connaissez le prix. Vous n'avez pas de soumissions quotidiennes en argent de Pioneer pour le blé dur. C'est pourquoi j'ai diversifié mes activités agricoles au cours des dernières années.
    Mon père était un homme qui se limitait à la culture de l'orge et du blé dur parce que ça lui suffisait pour payer les factures. Maintenant, ce n'est plus suffisant. Je suis passé à autre chose, et je dois dire que j'aurai de la difficulté à payer certaines factures cette année.
    C'est amusant, j'ai cultivé une partie de la terre du père d'Alan quand ce dernier travaillait. C'était en quelle année, Alan? Un jour, nous nous sommes assis à la table et nous avons passé en revue nos revenus et nos dépenses. Le père d'Alan cultivait du blé et de l'orge. C'est ce que vous cultiviez: du blé et de l'orge. Nous avions du canola, et j'ai dit: « Je ne peux pas continuer comme ça, Stan. Tu dois payer certaines dépenses ou il va falloir faire des changements. » Le père d'Alan est très attaché à la Commission canadienne du blé. Il m'a répondu: « J'ai fait de l'argent et j'ai réussi, c'est ce que tu dois faire, aussi. » J'ai dit: « Alors, nous allons cesser de louer ». C'est à ce moment qu'Alan est revenu à la ferme. Je suppose que je lui ai donné une occasion de faire de l'argent.
    C'est un bon ami; nos familles sont amies depuis toujours. C'est bien de travailler avec vos voisins, mais il faut que cela rapporte de l'argent.
    Je crois qu'il nous reste un peu moins de dix minutes.
    Mark, pouvez-vous vous contenter d'une seule question, si possible?
    J'ai une question pour Lee. Vous faites de la production d'oeufs et vous avez des abeilles, c'est exact?
    Hier, quand nous avons visité les vergers, leurs responsables nous ont expliqué en quoi le travail des apiculteurs était essentiel à leurs activités. Je crois que le canola a aussi besoin de pollinisation.
    Je crois que la production de miel en Alberta est assez importante. Comment pensez-vous que le gouvernement fédéral pourrait améliorer les choses? Devrait-il y avoir un programme distinct pour les apiculteurs, ou quels sont les principaux problèmes, à votre avis? Le gouvernement devrait-il effectuer plus de recherche sur les maladies? Quelle place, peut-être plus importante, pourrait occuper l'industrie apicole en tant que telle dans le plan général?
    C'est une bonne question. Au cours des trois dernières années, nous avons fait face à des pertes très importantes, comme tout le monde le sait. Nous avons demandé un fonds de rétablissement agricole. Nous avons fait circuler des pétitions et exercé des pressions pour qu'il y ait un plus grand nombre d'établissements de recherche, de chercheurs et d'éducateurs, mais rien n'a été fait pour nous aider.
    Nous nous sommes donc regroupés avec le gouvernement de l'Alberta, l'Alberta Beekeepers Association et des entreprises de semences de canola hybride, et nous avons mis sur pied un programme de santé relatif aux ruches. Nous sommes partis en tournée avec les techniciens et nous avons formé et instruit les apiculteurs sur la façon de redonner la santé à leurs ruches et d'élargir leurs activités. Les gros producteurs prennent de l'expansion, mais les petits disparaissent parce qu'ils ne veulent pas investir autant de temps et d'effort. L'agriculture ne consiste plus à faire de l'agriculture; il faut maintenant faire des affaires, et c'est comme ça qu'il faut voir les choses.
    Nous avons pris l'initiative de nous aider nous-mêmes parce qu'il n'y avait personne pour nous aider. Si nous avions décidé d'attendre que le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral nous aide, nous serions morts — vraiment, nous serions morts — alors nous n'avions pas d'autre choix que de le faire nous-mêmes.
    Maintenant que le gouvernement a vu ça — et je crois que ça a une grande importance quand nous pouvons montrer au gouvernement que nous sommes capables d'avoir de l'initiative et de faire quelque chose pour améliorer notre industrie et la faire grandir — je crois que ce sera un grand pas pour inciter le gouvernement à monter à bord et à nous aider.
    En ce qui concerne votre question sur la façon dont le gouvernement peut nous aider à élargir notre industrie ou à la faire grandir, nous y sommes essentiellement arrivés en Alberta grâce au programme de santé relatif aux ruches, et d'autres provinces cherchent à faire la même chose. Si le gouvernement voulait monter à bord et vraiment nous aider à ce sujet, ce serait formidable.
    Un dernier commentaire: il y avait un cours qui se donnait au collège Fairview pour former des agriculteurs, des techniciens en élevage apicole. Ce cours a disparu. Il devrait reprendre en janvier 2011. Nous jouons donc aussi un rôle actif dans la formation au sein de l'industrie. Toutefois, encore une fois, l'initiative a dû venir de l'industrie elle-même.
    Merci.
    Est-ce qu'il me reste du temps? J'ai une brève question.
    Nous aurons peut-être le temps d'y revenir.
    Monsieur Lemieux.
    Merci d'être ici aujourd'hui.
    Il y a eu des discussions au sujet du programme Agri-stabilité — au sujet de certains des programmes — et le fait que les agriculteurs ne veulent pas subvenir à leurs besoins grâce à des chèques du gouvernement. Nous nous retrouvons, au gouvernement, dans une sorte d'impasse. Tel que nous l'avons mentionné précédemment, nous avons rencontré hier des cultivateurs de fruits. Certains se sont plaints du programme Agri-stabilité, qui ne semble pas toujours offrir de paiement ou d'aide.
    Je veux que vous sachiez que, presque chaque année, de 3,4 à 3,8 milliards de dollars sont versés aux agriculteurs dans le cadre d'Agri-stabilité. D'une certaine façon, on ne voit pas cet argent puisqu'il ne fait pas l'objet d'annonce ni de publicité. Il est simplement versé. Je ne suis pas certain, moi non plus, que ce soit la solution. Les programmes servent à aider les gens en période de crise, mais ils ne doivent pas servir à dissimuler les conditions du marché ou des problèmes plus graves. C'est toujours un risque. Si le gouvernement verse beaucoup d'argent pendant une longue période, des problèmes plus graves peuvent passer inaperçus tout simplement parce que tout le monde s'en sort.
    Mis à part le fait d'offrir des programmes, y a-t-il une autre chose que pourrait faire le gouvernement et qui jouerait un rôle clé et vous aiderait véritablement?
(1055)
    Il pourrait procéder à une vérification des versements.
    Parlez-vous des versements effectués dans le cadre du programme?
    Il pourrait procéder à une vérification des paiements qui sont effectués pour savoir si les personnes qui reçoivent l'argent en avaient besoin et le méritaient. Connaissez-vous l'histoire du Garçon qui criait au loup?
    D'accord. Je comprends.
    Est-ce que quelqu'un d'autre aimerait ajouter quelque chose?
    Je suis d'accord. Dans notre région, il y a ces fermes d'élevage intensif. Il a fallu, essentiellement, vendre les plus petites exploitations. C'est bien l'argent qui... Vous savez, ils ont crié au loup. Il y a toute la propagande concernant la nourriture destinée aux parcs d'engraissement, l'argent, le boeuf, etc.
    Ils reçoivent les milliards de dollars qui leur sont remis. En 2003 ou 2004, le gouvernement libéral a remis 995 millions de dollars, mais nous n'avons presque rien vu de cet argent. Maintenant, ces types achètent des terres à des prix ridicules. comment peuvent-ils encore perdre de l'argent? Ça me rend furieux. Je suis là, assis dans mon tracteur qui a 30 ans, à faire de l'agriculture de façon tout à fait honnête, et il est là, dans son nouveau tracteur. Il a un parc d'engraissement de 1 000 ou de 5 000 têtes avec lequel il perd de l'argent, mais il conduit un tracteur de 200 000 $ et un camion de 60 000 $. Je ne comprends tout simplement pas.
    Bien. Merci.
    Quelqu'un d'autre?
    Mis à part les programmes, si on pense à l'avenir, le plus grand défi concernera la formation en gestion. Je crois que c'est Darcy qui a parlé de l'avenir de l'agriculture et des changements que le secteur a connus. Dans les années 1970 et 1980, les agriculteurs faisaient de l'argent avec la production. Maintenant, ce n'est pas la production qui rapporte, c'est le fait de diriger une entreprise. Je crois que la formation, l'éducation et les méthodes agricoles joueront un rôle clé. Les gouvernements peuvent intervenir et faciliter cette formation.
    Merci.
    Je crois que nous avons le temps pour une brève question.
    Francis.
    Darcy, vous avez parlé des subventions. L'an dernier, j'ai cru comprendre, dans le cadre des travaux du comité, que certaines provinces offraient des subventions qui variaient d'un secteur de l'exploitation agricole à un autre. Pouvez-vous nous en dire plus sur les subventions offertes à votre industrie en Alberta, parce que je crois qu'il y a des différences entre les provinces.
    Bien sûr. Comme d'autres intervenants l'ont mentionné, nous avons, en Alberta, le FRP I et II. C'étaient des programmes uniques qui n'étaient pas offerts dans les autres provinces. Il y a le Québec, que nous avons vu offrir le programme ASRA à ses producteurs. On comprend donc que chaque province prend des mesures qui lui sont propres pour avoir une incidence sur les marchés. Je crois même que, l'an dernier, la Saskatchewan versait de l'argent pour l'industrie de la production vache-veau, ce qu'elle faisait pour la première fois. Je suppose que la province a estimé qu'elle pouvait le faire grâce à une partie des richesses générées par la potasse.
    Je crois que vous avez soulevé un point vraiment important. Il y a des rencontres nationales des ministres de l'Agriculture de partout au pays, qui viennent discuter de politiques agricoles. Je crois qu'il va falloir commencer à discuter franchement du commerce entre les provinces et de ce qui est offert d'une province à une autre, et que chacun devra être tenu responsable.
    D'après mon expérience, les producteurs de boeuf, surtout ceux des Maritimes, ont été grandement touchés par les subventions québécoises. Ces subventions leur ont vraiment fait du mal. Leur province n'avait pas un trésor suffisant pour concurrencer ces subventions. Ce sont donc des choses comme ça qui se produisent. Je ne sais pas si le gouvernement national pourrait réglementer ce type de mesures ou s'il est possible de les contourner, mais il s'agit d'un véritable problème.
    Y en a-t-il actuellement en Alberta?
(1100)
    Des programmes ponctuels, actuellement? Je suppose que les prix des céréales garantis au printemps en est un, mais c'était un programme autofinancé auquel vous cotisiez. Il y a aussi le programme d'assurance du prix des bovins, qui est autofinancé. Son administration est payée par le gouvernement provincial.
    Merci beaucoup, messieurs. Comme d'habitude, nous avons l'impression de manquer de temps, mais je veux vous dire que je suis très heureux que vous ayez pris le temps de venir ici aujourd'hui. Je sais à quel point c'est difficile.
    Brian, vous avez abordé un enjeu. Il y a le projet de loi déposé par un député qui traite des grandes sociétés cotées en bourse. Si le projet de loi est adopté, elles ne pourront pas avoir accès aux programmes ordinaires du gouvernement. On ne peut pas interdire aux empaqueteurs de posséder des porcs ou des bovins. Vous ne pouvez pas leur interdire de cultiver diverses céréales. Ils peuvent le faire, mais j'ai toujours pensé qu'ils ne devraient pas avoir le droit au même type d'argent que vous, les producteurs.
    Il y a eu des renseignements erronés qui ont été rendus publics au sujet du projet de loi de mon député: il ne touche pas les grandes fermes constituées en société, les fermes familiales constituée en société, de quelque façon que ce soit. Il ne touche que les sociétés cotées en bourse. Je vais remettre ma carte à chacun d'entre vous, et peut-être que d'autres membres du comité le feront aussi. Je vous invite à nous faire part de vos commentaires à ce sujet parce qu'il n'a pas encore été présenté devant la Chambre. Si vous avez des critiques à formuler, je veux les connaître, mais le but, au bout du compte, c'est de faire en sorte que cet argent soit versé aux véritables agriculteurs plutôt qu'aux grandes sociétés.
    Encore une fois, je vous remercie.
    André.

[Français]

    J'aimerais dire un petit mot à M. Davis. Lorsqu'il a parlé de subventions du Québec qui avaient fâché les autres provinces, je n'ai pas bien compris s'il faisait allusion à l'ASRA, le Programme d'assurance stabilisation des revenus agricoles.
    Je lui dirai simplement que les producteurs agricoles au Québec paient. Il s'agit d'une assurance. Ils prennent l'argent de leurs poches pour payer cette assurance. Ce n'est donc pas un cadeau qui vient du ciel. C'est ce que je voulais préciser.

[Traduction]

    Ça me semble juste. Certaines provinces appuient l'agriculture, et le Québec est l'une d'entre elles. J'aimerais que ma province, l'Ontario, en fasse un peu plus.
    Quoi qu'il en soit, je vous remercie, encore une fois, messieurs. Nous vous sommes très reconnaissants.
    La séance est levée.
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