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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des finances


NUMÉRO 062 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 8 mars 2011

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Français]

[Traduction]

    Je souhaite la bienvenue aux témoins.

[Français]

    Nous sommes ici, conformément à l'article 108(2) du Règlement, pour l'étude de l'évasion fiscale et des comptes bancaires à l'étranger.
    Nous avons deux groupes de témoins: les gens du Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, et les gens de la Gendarmerie royale du Canada.
    Je crois savoir que vous disposez, monsieur Meunier, de 10 minutes ou un peu plus. Allez-y.

[Traduction]

    J'aimerais tout d'abord dire quelques mots au sujet du mandat de CANAFE et de ses activités.
     L'avocat-conseil principal Yvon Carrière m'accompagne aujourd'hui.
    La loi adoptée par le Parlement en 2000, c'est-à-dire la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, a entraîné la création de CANAFE, un organisme indépendant qui relève du ministre des Finances. Son mandat est de détecter et de prévenir le blanchiment d'argent. En 2001, après le 11 septembre, la Loi antiterroriste a élargi le mandat de CANAFE pour qu'il prévoie la lutte contre le financement des activités terroristes.
    CANAFE est l'unité du renseignement financier du Canada. Nous comptons un peu plus de 300 employés, et nous avons trois bureaux régionaux, en plus de notre administration centrale.
    CANAFE est un organisme unique en son genre au Canada, car son mandat consiste, d'une part, à analyser les renseignements sur les opérations financières et à communiquer certains renseignements aux enquêteurs dans les limites prescrites par notre loi, et, d'autre part, à fournir des renseignements financiers de niveau stratégique.

[Français]

    Le ministre des Finances est responsable devant le Parlement de notre loi et de la formulation de propositions de modification à celle-ci ainsi qu'à ses règlements d'application.
    Je crois qu'il est important de mettre au clair ce qu'est exactement le blanchiment d'argent. Le Groupe d'action financière, ou GAFI, définit le blanchiment d'argent comme étant le retraitement de produits provenant d'activités criminelles pour en masquer l'origine illégale. Par essence, le blanchiment d'argent fait en sorte qu'il soit plus compliqué de retracer l'origine criminelle de l'argent, qui est maintenant propre. C'est là que nous intervenons.
    En vertu des lois canadiennes, une infraction de blanchiment d'argent comporte la perpétration de divers actes dans l'intention de cacher ou de convertir des biens ou le produit de biens, comme de l'argent, alors qu'on sait ou croit qu'ils proviennent de la perpétration d'une infraction désignée.

[Traduction]

    Dans ce contexte, une infraction désignée englobe la plupart des infractions graves au sens du Code criminel ou de toute autre loi fédérale. Elle concerne, entre autres, le trafic illégal de stupéfiants, la corruption, la fraude, la falsification, le meurtre, le vol qualifié, la contrefaçon d'argent, la manipulation d'opérations boursières et, depuis peu, l'évasion fiscale.
    Pour vous donner un meilleur aperçu de CANAFE, j'aimerais souligner ce que nous ne sommes pas: le centre n'est pas un organisme d'enquête et il n'a pas les pouvoirs pour réunir des éléments de preuve, porter des accusations, saisir et geler des biens ou dresser des listes de surveillance de présumés bailleurs de fonds d'activités terroristes. CANAFE n'enquête pas sur les infractions présumées et n'intente pas de poursuite en ce sens.
    Le centre est plutôt un organisme d'analyse qui produit des renseignements financiers pouvant être communiqués, le cas échéant, afin de faciliter les enquêtes menées par les organismes d'application de la loi et de sécurité et de fournir des analyses de niveau stratégique aux ministères chargés de l'établissement de politiques et aux organismes d'évaluation.
    Étant donné que nous détenons des millions de déclarations d'opérations financières de Canadiens, le Parlement voulait faire en sorte que la loi soit minutieusement et délibérément rédigée afin de donner de l'information très précise et claire sur le genre de renseignements que nous pouvons recevoir et que nous pouvons communiquer. La loi stipule que nous ne pouvons communiquer des renseignements que lorsque nous avons des motifs raisonnables de soupçonner que les renseignements seraient utiles aux fins d'enquête ou de poursuite relativement à une infraction de blanchiment d'argent ou de financement des activités terroristes.
(0850)

[Français]

    De plus, la loi oblige CANAFE à communiquer ces renseignements lorsqu'il a atteint un minimum de motifs raisonnables de soupçonner. Pareillement, la loi stipule que lorsque CANAFE a des motifs raisonnables de soupçonner que certains renseignements se rapporteraient à des menaces à la sécurité du Canada, le centre doit communiquer ces renseignements au Service canadien du renseignement de sécurité.
    En bref, notre travail consiste à fournir aux organismes d'application de la loi, de la sécurité nationale et du renseignement des indices de nature financière. Nous sommes une source de renseignements pour tous les services de police du Canada, et nous possédons une capacité unique de suivre la piste de l'argent issu d'activités criminelles partout au pays et dans le monde.
    Nous communiquons également des renseignements à l'Agence du revenu du Canada, à l'Agence des services frontaliers du Canada et au Centre de la sécurité des télécommunications lorsque certains critères législatifs touchant la communication à ces organismes sont remplis. Enfin, nous pouvons aussi communiquer des renseignements aux unités du renseignement financier étrangères.

[Traduction]

    Notre travail commence par une quantité quotidienne de plus de 65 000 déclarations de plusieurs types d'opérations financières transmises par diverses entreprises que nous appelons entités déclarantes. Les entités qui nous font parvenir le plus grand nombre de déclarations sont les banques, mais nous recevons également des déclarations des casinos, des caisses populaires, des compagnies d'assurance-vie et des entreprises de services monétaires, pour n'en nommer que quelques-unes. En vertu de la loi, toutes ces entités ont l'obligation de nous transmettre des déclarations.
    Nous recevons plusieurs types de déclarations. Aux termes de la loi, nous sommes autorisés à recevoir des déclarations de biens appartenant à un groupe terroriste, des déclarations d'opérations douteuses et de tentatives d'opérations douteuses, des déclarations d'opérations importantes en espèces de 10 000 $ ou plus, des déclarations relatives aux déboursements de casinos et des déclarations de télévirements internationaux de 10 000 $ ou plus. Lorsque je dis « internationaux », je parle de télévirements en provenance et à destination du Canada. Nous ne sommes pas autorisés à recevoir des déclarations de télévirements nationaux.
    Au fil des années, nous avons monté une très vaste base de données de différents types de déclarations d'opérations. Grâce à nos programmes informatiques de pointe et aux compétences de nos analystes hautement qualifiés, nous pouvons analyser ces données d'un point de vue tactique et stratégique, et les comprendre, en les associant à des renseignements provenant d'autres sources, comme les bases de données des organismes d'application de la loi, les bases de données commerciales ou accessibles au public et, même parfois, des renseignements provenant d'unités du renseignement financier étrangères.
    Nous recherchons plus particulièrement les opérations financières et les modes opératoires qui éveillent nos soupçons quant au fait qu'il pourrait s'agir de blanchiment d'argent ou de financement d'activités terroristes. Comme vous pouvez l'imaginer, les déplacements de fonds illicites sont habituellement très discrets et complexes et concernent des centaines, et parfois même des milliers, d'opérations ainsi que des douzaines de personnes et d'entreprises.
    Il convient de mentionner que notre loi a été rédigée minutieusement afin de protéger de la meilleure façon possible les renseignements personnels, tout en permettant la communication de certains renseignements aux organismes d'application de la loi.
    Nous sommes le seul organisme fédéral dont le mandat comprend expressément l'obligation d'assurer la protection des renseignements personnels qu'il détient. Aucun organisme de l'extérieur ne peut avoir accès à nos banques de données. La loi prévoit de lourdes sanctions pénales en cas de communication non autorisée de renseignements.

[Français]

    Laissez-moi maintenant vous parler d'un sujet d'intérêt particulier pour ce comité, soit l'évasion fiscale par des Canadiens qui ont recours à des comptes bancaires à l'étranger.
    Au cours des deux dernières années, nous avons augmenté le nombre de communications à l'Agence du revenu du Canada pour parvenir à un total de 287 communications. Ces communications ont servi à des enquêtes criminelles sur la fiscalité et au Programme spécial d'exécution, qui vise des particuliers soupçonnés de tirer des revenus imposables d'activités criminelles, comme la fraude commerciale et le trafic de stupéfiants. Selon les commentaires reçus de l'Agence du revenu du Canada, les renseignements que nous lui avons communiqués ont facilité ses enquêtes et ses vérifications, et ont permis de recouvrer des millions de dollars en impôt fédéral sur le revenu.

[Traduction]

    Jusqu'à tout récemment, CANAFE pouvait seulement communiquer des cas à l'Agence du revenu du Canada lorsqu'il avait atteint deux seuils. CANAFE devait en premier lieu avoir des motifs raisonnables de croire que les renseignements qu'il communiquait pouvaient être utiles à une enquête liée au blanchiment d'argent et, en deuxième lieu, il devait déterminer que les renseignements se rapportaient à l'évasion fiscale.
    Dans les cas qui ont été communiqués à l'Agence du revenu dans le passé, l'infraction sous-jacente était très souvent liée au trafic de stupéfiants ou à la fraude. Je peux même ajouter que dans ces cas, les services de police sont les principaux enquêteurs, et les coupables font habituellement l'objet d'une enquête pour l'infraction sous-jacente et le blanchiment d'argent. En d'autres mots, la loi n'autorisait pas CANAFE à utiliser l'évasion fiscale à titre d'infraction sous-jacente, soit l'activité criminelle qui permet d'obtenir les produits et à partir de laquelle nous pouvions constituer un cas.
    Grâce à l'adoption récente du projet de loi C-9, nous pouvons maintenant utiliser l'évasion fiscale à titre d'infraction sous-jacente à partir de laquelle nous pouvons constituer un cas à communiquer. Les règlements appliqués en vertu du Code criminel ont été modifiés afin de faire de l'évasion fiscale une infraction sous-jacente au blanchiment d'argent lorsqu'il s'agit de déterminer s'il faut communiquer un cas à l'Agence du revenu du Canada.
    Mais, tout aussi important, il y a seulement quelques semaines, plus précisément le 14 février, dans le cadre de l'entrée en vigueur des modifications aux règlements du projet de loi, les exigences s'appliquant à la communication de renseignements à l'Agence du revenu ont été assouplies. Il ne s'agit plus de « déterminer » si les renseignements à communiquer se rapportent à l'évasion fiscale, mais seulement « d'avoir des motifs raisonnables de soupçonner » qu'ils peuvent s'y rapporter.
    Comme vous le savez peut-être déjà, nous avons reçu des fonds additionnels dans le cadre du budget de 2010 pour nous aider à lutter contre l'évasion fiscale. Les analystes de CANAFE ont récemment reçu une formation approfondie sur les incidences de ces modifications législatives et réglementaires. De plus, les spécialistes de l'Agence du revenu du Canada nous ont donné une formation sur l'évasion fiscale par rapport à leurs activités.
    Pour les cas de blanchiment d'argent, nous avons défini des indicateurs de blanchiment d'argent, dont se servent plus ou moins les organismes du renseignement financier à travers le monde pour déterminer s'il s'agit de blanchiment d'argent. Nous avons maintenant fait de même pour l'évasion fiscale avec l'aide de l'Agence du revenu du Canada. Au cours des trois dernières années, nous avons travaillé avec elle afin de définir des indicateurs d'évasion fiscale qui pourraient aider nos analystes à déterminer si des cas peuvent être communiqués à l'agence.
    Grâce aux modifications apportées à la loi, au financement additionnel et à la formation reçue, nous sommes convaincus que nous sommes prêts à fournir plus de renseignements pour aider les enquêteurs de l'impôt à résoudre leurs cas liés à l'évasion fiscale.
    Je vous remercie.
(0855)
    Je vous remercie, monsieur Meunier.
    Au nom de la Gendarmerie royale du Canada... Je ne sais pas trop qui fera l'exposé.
    Monsieur White, allez-y.
    Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de nous avoir invités à participer à l'audience d'aujourd'hui.
    Je suis accompagné de Stephen Foster, directeur de notre Sous-direction des délits commerciaux, à la Direction générale de la GRC à Ottawa, et de l'inspecteur Dave Rudderham, qui supervise la section des délits commerciaux à Winnipeg. Je suis directeur général des programmes de criminalité financière de la GRC.
    Je suis heureux de pouvoir dire quelques mots sur la criminalité financière, le rôle de la GRC dans les enquêtes liées à l'impôt sur le revenu et sa relation de longue date avec l'Agence du revenu du Canada.
    Dans l'environnement complexe et de plus en plus mondialisé d'aujourd'hui, la criminalité s'étend souvent sur plusieurs territoires. Les criminels utilisent des moyens de plus en plus perfectionnés pour dissimuler leurs profits illicites sans se compromettre. La mondialisation des activités économiques leur permet d'effectuer rapidement des virements de fonds internationaux. Grâce à l'évolution fulgurante des systèmes financiers, de la technologie et des communications, ils peuvent déplacer des fonds rapidement et facilement partout dans le monde, ce qui complique énormément les activités de surveillance des autorités d'application de la loi tout en offrant de nouvelles possibilités financières aux organisations criminelles. Les corps policiers doivent donc travailler en étroite collaboration avec leurs partenaires au Canada et à l'étranger pour composer avec la complexité sans cesse croissante de la criminalité financière transnationale.
    En général, la fraude fiscale s'entend des efforts déployés par un particulier ou une entreprise pour cacher des gains au fisc. La mondialisation croissante dont je viens de parler ouvre toute grande la porte aux activités de ce genre aussi. En août 2010, le projet de loi C-9 est venu modifier la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, faisant de la fraude fiscale une infraction désignée — c'est-à-dire sous-jacente — en matière de blanchiment d'argent. Autrement dit, la fraude fiscale est désormais reconnue comme une infraction criminelle dont la perpétration peut donner lieu à des produits de la criminalité, qui prennent la forme d'impôts impayés, et le blanchiment d'argent de ce genre de fraude constitue maintenant une infraction de blanchiment d'argent.
    Contrairement à l'Agence du revenu du Canada, la GRC ne figure pas parmi les principaux destinataires de l'information sur la fraude fiscale. L'ARC a ses propres ressources d'enquête et est bien placée pour élucider les affaires de fraude fiscale. Par conséquent, la GRC n'enquête généralement pas sur les cas de ce genre qui concernent des fonds de provenance légitime produisant des revenus à l'étranger.

[Français]

    Quand la GRC prend connaissance d'activités illicites touchant l'impôt sur le revenu, c'est presque toujours par la bande, dans le cadre d'une enquête sur autre chose. Nous transmettons ces affaires à l'Agence du revenu du Canada aux fins de suivi, dans la mesure du possible.
(0900)

[Traduction]

    Le Programme des délits commerciaux et le Programme intégré des produits de la criminalité de la GRC entretiennent depuis longtemps une étroite relation de travail avec l'ARC. Dans le cas du Programme des délits commerciaux, cette relation remonte au début des années 1970, et dans celui du Programme intégré des produits de la criminalité, elle existe depuis la création des unités mixtes des produits de la criminalité, au milieu des années 1990. La GRC peut communiquer de l'information à l'ARC, mais elle le fait seulement lorsque la loi le permet et que cela ne risque pas de compromettre une enquête criminelle en cours.
    Lorsqu'il y a circulation de renseignements entre l'ARC et la GRC relativement à l'impôt sur le revenu, c'est habituellement la GRC qui les transmet à l'ARC. En règle générale, l'ARC ne renvoie pas de dossiers à la GRC. Cette dernière offre toutefois son aide aux enquêteurs de l'ARC lorsqu'ils en font la demande. Dans certains cas, l'ARC peut transmettre des renseignements de nature fiscale à la GRC aux termes d'une ordonnance judiciaire délivrée en vertu du Code criminel ou après le dépôt d'accusations faisant suite à une enquête criminelle.
    La GRC communique régulièrement avec l'ARC au sujet d'affaires fiscales par l'intermédiaire de son Programme intégré des produits de la criminalité. De mars 1999 à mars 2009, les affaires que le programme a renvoyées à l'ARC ont donné lieu à des avis de cotisation d'impôt fédéral totalisant environ 145 millions de dollars.

[Français]

    En préparation à cette audience, nous avons fait une recherche dans les dossiers d'incidents de la GRC et avons découvert que, pendant cette même période de 10 ans, c'est-à-dire de 1999 à 2009, la GRC a ouvert 542 dossiers relatifs à la Loi de l'impôt sur le revenu. Ces dossiers visaient principalement des services d'aide fournis à l'Agence du revenu du Canada.

[Traduction]

    À l'heure actuelle, le Programme de la criminalité financière de la GRC ne dispose d'aucune équipe d'enquête consacrée exclusivement à la fraude fiscale. Par contre, à la lumière des récentes modifications législatives que je viens de citer, la GRC pourrait à l'avenir jouer un rôle accru dans les enquêtes sur les cas de fraude fiscale qui présentent un lien avec les produits de la criminalité et le blanchiment d'argent.
    Comme je l'ai mentionné tantôt, l'un des plus grands défis de la lutte contre la criminalité financière sous toutes ses formes tient à l'évolution de l'environnement dans lequel elle se pratique: les techniques et les technologies mêmes qui créent des occasions d'affaires légitimes favorisent par ailleurs le perfectionnement continu de la criminalité.
    En tant que service de police national du Canada, la GRC reconnaît avoir un rôle important à jouer dans la répression de la criminalité financière et la protection de l'intégrité économique du Canada.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je conclus sur ce mon allocution. Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions.
    Merci.
    Je vous remercie, monsieur White. Je donne la parole aux membres du comité, qui pourront poser des questions.
    J'invoque le Règlement.
    Je vous écoute.
    Mon rappel au Règlement a trait aux conversations que nous avons eues, avant d'accueillir les témoins, sur l'opportunité de siéger à huis clos étant donné la nature de certaines questions éventuelles et la nécessité de protéger le caractère confidentiel des enquêtes.
    J'aimerais demander à mes collègues tout autour de la table s'il serait possible de poursuivre à huis clos afin d'être en mesure de poser certaines questions, notamment à propos des indicateurs. Je sais que nous avons eu cette conversation. Je suis un peu surprise qu'il s'agisse d'une séance publique; nous avions pourtant décidé d'inviter la police à participer à une séance à huis clos.
    Je m'en remets à vous, monsieur le président.
    Je vous remercie.
    Ce n'est pas nécessairement un rappel au Règlement, mais il s'agit d'une question dont le comité directeur a discuté.
    Puis-je demander en premier lieu à M. White et à M. Meunier s'ils pensent qu'il serait mieux de poursuivre à huis clos? Je poserai ensuite la question aux membres du comité.
    Nous pouvons adapter nos réponses en conséquence.
    Si nous siégions à huis clos, parleriez-vous de cas particuliers?
    J'éviterais probablement de fournir des renseignements précis au sujet d'une enquête.
    Et vous, monsieur Meunier?
    La loi nous empêche de divulguer des renseignements personnels. Nous pouvons vous parler de quelques indicateurs qui sont du domaine public. Toutefois, nous nous réserverions le droit de ne pas entrer dans les détails, pour des raisons opérationnelles. Certains renseignements sont de notoriété publique et le comité pourrait vouloir les entendre à nouveau.
    Chers collègues, la séance n'est pas télévisée. C'est aux membres du comité de décider. Je vais entendre une ou deux interventions à ce sujet, puis nous prendrons une décision.
    Monsieur Szabo, vous désiriez prendre la parole.
    Pour les besoins de notre étude, je ne prévoyais pas aborder de cas particuliers.
    J'ai l'impression que le gros de ce que les témoins vont dire découlera de ce qu'ils ont déjà dit sur leurs activités et l'objet de leur surveillance.
    J'aimerais plutôt savoir si les témoins peuvent à tout le moins me fournir un peu d'information sur ce que les autres...
(0905)
    Je vous remercie, monsieur Szabo. Je voulais seulement prendre le pouls... Vous ne pouvez pas encore poser de questions aux témoins. Vous vous adressez à la présidence.
    Monsieur Paillé, qu'en pensez-vous?

[Français]

    Monsieur le président, je vais respecter votre volonté.
    Je serais favorable à ce que la séance reste publique. D'une manière ou d'une autre, on va l'entendre à Enquête ou à une autre émission.
    Je vous informe que la réunion du 22 mars sera à huis clos.
    Dans la mesure où je tiens pour acquise la réponse de M. White selon laquelle il aurait peut-être pu « tailler » ses réponses, comme il vient de le dire, je considère, personnellement, que même les séances à huis clos se déroulent en présence du personnel et de plein de gens. Je préfère, si ça ne tient qu'à cela, que la séance reste publique. Advenant le cas où il y aurait vraiment des choses qu'il pense qu'il pourrait nous dire à huis clos, on pourrait prendre une décision à cet égard ultérieurement. Mais pour l'instant, la présentation était assez factuelle et je ne pense pas qu'il y ait lieu de changer la règle générale du Parlement, qui est l'ouverture.
    Madame Glover, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je demanderais donc à mes collègues d'envisager la possibilité d'inviter M. Rudderham à comparaître de nouveau, car, vu mon expérience dans la police, j'ai l'intention de poser des questions précises sur la façon d'améliorer le système actuel. Si je ne peux pas poser de questions sur les particularités des méthodes employées — car les réponses données lors d'une séance publique pourraient en fait aider ceux qui veulent commettre des crimes —, il sera très difficile de réaliser une étude approfondie.
    Je suis d'accord pour que la séance d'aujourd'hui demeure publique, mais si nous voulons évaluer le problème de manière exhaustive et obtenir des suggestions des gens qui travaillent sur le terrain, je propose que nous réinvitions M. Rudderham.
    D'accord. Merci.
    Si vous le permettez, monsieur le président, je voudrais conclure.
    Aujourd'hui, nous éviterons d'entrer dans les détails, mais j'aimerais savoir si mes collègues sont d'accord pour qu'on réinvite la GRC.
    Madame McLeod, vous avez la parole.
    Je pense que personne n'avait l'intention d'aborder des cas précis, mais quand nos témoins ont affirmé qu'ils adapteraient leurs réponses selon que la séance se déroule à huis clos ou non, je me suis demandé si nous n'allions pas passer à côté de renseignements cruciaux pour notre étude. Ainsi, nous devrions poursuivre à huis clos ou, comme ma collègue l'a suggéré, revenir là-dessus une autre fois.
    Je vais laisser la séance se poursuivre de manière publique et nous verrons si le besoin d'aller à huis clos se fait sentir. Je réserverai cinq minutes à la fin pour que nous décidions s'il faut réinviter M. Rudderham.
    Monsieur Szabo, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Meunier, vous avez mentionné que dans le cadre du processus que vous appliquez, on n'a plus besoin de déterminer que des renseignements se rapportent à l'évasion fiscale, mais il suffit d'avoir des motifs raisonnables de soupçonner que c'est le cas. En quoi cela modifie-t-il vos façons de faire?
    Le changement est entré en vigueur le 14 février dernier.
    En droit, la notion de « détermination » a un sens beaucoup plus strict que la notion de « motifs raisonnables de soupçonner ». Il y a eu une modification législative en juillet établissant l'évasion fiscale comme infraction sous-jacente et une modification, mise en oeuvre le 14 février, qui abaisse le critère de divulgation des renseignements. Ces changements vont nous permettre de signaler les cas de blanchiment d'argent exclusivement liés à l'évasion fiscale. Nous serons en mesure de saisir l'ARC de ces cas. C'est la modification de juillet dernier, où on a fait de l'évasion fiscale une infraction sous-jacente dans la réglementation, qui rend cela possible.
    Avant le 14 février, nous ne pouvions pas soumettre à l'ARC des cas exclusivement liés à l'évasion fiscale. Les cas que nous lui renvoyions étaient liés à la drogue ou à la fraude, et ainsi de suite. Nous devions lui signaler des cas de blanchiment d'argent, par exemple, liés à la drogue, à la fraude ou à une autre infraction sous-jacente.
    Je ne sais pas si je me fais bien comprendre.
(0910)
    J'ai l'impression qu'en raison du nouveau critère moins exigeant, l'intensité de votre travail et le niveau de détail nécessaire doivent diminuer. Vous transmettez probablement les renseignements un peu plus rapidement qu'avant, ce qui signifie que vos ressources sont moins sollicitées.
    Pensez-vous que ces changements vont influer sur les ressources dont vous disposez pour accomplir votre travail?
    Nous avons reçu des fonds supplémentaires prévus dans le budget de 2010. Nous venons d'embaucher des analystes, qui ont commencé à recevoir de la formation. Ces derniers mois, nous avons collaboré avec l'ARC.
    Les ressources supplémentaires serviront à détecter davantage de cas de blanchiment d'argent où l'évasion fiscale est une infraction sous-jacente. Nous nous attendons à ce que le nombre de cas renvoyés augmente considérablement au cours des six prochains mois, dès que nos analystes seront formés — et ils sont en train de suivre une formation — pour pouvoir déceler les cas.
    Je n'aurais pas imaginé cela. Il suffit désormais d'avoir des motifs raisonnables de soupçonner une infraction d'évasion fiscale, et non plus de déterminer qu'il y a un problème. Auparavant, il me semble que les efforts devaient être plus intenses et le processus d'enquête exigeait que vous établissiez le lien avec l'infraction avant de communiquer les renseignements. Par contre, s'il suffit d'avoir des soupçons ou si le processus veut que des indicateurs vous disent que quelqu'un doit se pencher sur un cas, il me semble que cela exige moins d'expertise, moins de personnel, des qualifications moins grandes et des dépenses moindres.
    Notre base de données contient environ 150 millions de transactions. Cela prend autant de temps qu'avant de dégager les transactions et les modes opératoires qui nous amènent à monter un dossier. C'est aussi long.
    Il était plus difficile auparavant de répondre au critère définissant quand communiquer des renseignements; maintenant, ce sera plus facile. Toutefois, même si, désormais, il suffit d'avoir des motifs raisonnables de soupçonner une infraction d'évasion fiscale, il n'en demeure pas moins qu'il faut un effort de jugement.
    Tout le travail, ou du moins 99 p. 100 du travail, consiste à analyser une série de transactions complexes. Comme je l'ai dit, la base de données recense 150 millions de transactions. Il faut tout de même bâtir un dossier. Nous utilisons les déclarations d'opérations douteuses, les déclarations d'opérations importantes en espèces, les déclarations de télévirements, des renseignements de sources ouvertes et de l'information fournie spontanément par un organisme d'application de la loi, la police, l'ARC, etc. C'est de cette façon que nous rassemblons des éléments.
    On ne pourrait donc pas tellement économiser les ressources parce que tout le travail s'effectue avant d'établir s'il y a lieu de transmettre des renseignements à l'ARC.
    D'accord.
    Monsieur White, votre travail ne concerne pas uniquement l'évasion fiscale. Pouvez-vous décrire au comité les signaux, les signes, qui vous aident, dans le cadre de votre travail, à détecter le problème et à lutter contre?
    Voulez-vous parler de la détection de cas d'évasion fiscale?
    Oui.
(0915)
    La plupart des renseignements que nous voyons et que nous communiquons à l'Agence du revenu du Canada proviennent de nos enquêtes relatives aux produits de la criminalité et au blanchiment d'argent. Nous enquêtons en fait sur les revenus tirés d'activités criminelles, par exemple le trafic de stupéfiants. Nous menons une enquête. Nous identifions une personne que nous soupçonnons d'être mêlée au trafic de stupéfiants et nous dressons la liste des actifs importants associés à cette personne. Il peut s'agir de propriétés, de comptes en banque, de fonds détenus dans des comptes bancaires à l'étranger. Dans le contexte de l'enquête, si nous en arrivons à avoir des motifs de croire qu'il s'agit d'argent tiré d'activités criminelles et que l'Agence du revenu du Canada n'est pas au courant que la personne détient ces fonds au pays ou à l'étranger, nous saisissons l'agence de ce dossier. Les fonctionnaires de l'ARC, faisant preuve de diligence raisonnable, effectueront une évaluation.
    Votre travail concerne l'évasion fiscale, au Canada et à l'étranger. Les cas varient d'un à l'autre.
    Vous avez mentionné la récupération de 145 millions de dollars. Ce montant se rapporte à combien de cas exactement?
    Je ne peux pas parler d'un montant récupéré de 145 millions de dollars. Nous avons renvoyé à l'Agence du revenu du Canada bon nombre de dossiers pendant cette période de 10 ans. L'ARC a délivré des avis de cotisation d'impôt s'élevant à 145 millions de dollars. J'ignore quel montant d'argent a été récupéré par suite de ces avis de cotisation.
    Je vous remercie, monsieur Szabo.
    Merci, monsieur White.

[Français]

    Monsieur Paillé, vous disposez de sept minutes.
    Merci.
    Monsieur White, je crois savoir que vous avez soumis 542 dossiers à l'ARC en 10 ans. Est-ce exact?
    On parle de 542 dossiers que nous avons ouverts. Dans la plupart des cas, il s'agissait d'assistance à l'agence.
    Vous avez dit aussi qu'à la Gendarmerie royale du Canada, vous n'aviez pas d'équipe de fiscalistes spécialistes de l'évasion fiscale.
    Je fais un parallèle avec CANAFE. Vous dites qu'il y a 150 millions de transactions dans l'algorithme de votre base de données. Vous recevez 65 000 déclarations, et je présume que c'est par année.
    C'est par jour.
    Pour ce qui est des 287 communications à l'ARC, est-ce le nombre par année?
    Non, c'est pour une période d'environ deux ans.
    Il me semble que sur une période de 10 ans, la Gendarmerie royale du Canada a communiqué une cinquantaine de cas par année. En ce qui vous concerne, on parle de 65 000 déclarations par jour, mais vous divulguez environ 140 cas par année. Vous ne trouvez pas que ce chiffre est ridiculement peu élevé?
    Au cours des dernières années, on a augmenté le nombre de divulgations de cas de presque 200 p. 100. En fait, il y a trois ans, le nombre de divulgations aux corps policiers et à l'ARC totalisait 210. L'année suivante, il y en a eu 559 et l'année passée, 576. Cette année, il va probablement y en avoir plus.
    J'aimerais préciser qu'une divulgation à l'ARC peut contenir des milliers d'opérations financières, parfois même des dizaines de milliers. On ne parle pas ici d'une opération par divulgation.
    À la Gendarmerie royale du Canada, il n'y a pas de spécialistes en fiscalité. Pour ce qui est de CANAFE, on a parlé de personnes en formation. Combien de gens travaillent à votre centre? Combien y a-t-il de fiscalistes capables de détecter ce genre de chose? Étant moi-même fiscaliste, je sais que ça ne s'invente pas. Il faut avoir une base, une certaine formation. Combien y en a-t-il à votre centre?
    Il y a au total environ 300 employés à l'agence. Il ne s'agit cependant pas de 300 analystes. Nous avons un contingent élevé d'employés affectés au soutien informatique. Il y a environ 60 ou 70 analystes. Il y a déjà eu des comptables, donc des professionnels, et il y a des avocats, notamment. Par contre, il n'est pas nécessaire d'être fiscaliste. Ce qui nous intéresse, c'est le blanchiment d'argent. Nous mettons donc l'accent sur le comportement des transactions. C'est le centre de notre attention.
    Notre rôle n'est pas de mener des enquêtes sur le trafic de drogue, la fraude ou même l'évasion fiscale. Notre responsabilité consiste à détecter le blanchiment d'argent. Nous travaillons en collaboration avec l'ARC, qui nous a donné de la formation ainsi que des indicateurs d'évasion fiscale. Nos analystes se servent de ces indicateurs pour déterminer si le comportement correspond à du blanchiment d'argent ou à de l'évasion fiscale.
(0920)
    Pour ce qui est de la formation de votre personnel, échangez-vous avec d'autres organismes à l'échelle internationale?
    Il y a un réseau de protocoles d'ententes qui compte 73 pays...
    Oui, mais je parle ici de la formation de votre personnel.
    En ce qui nous concerne, nous formons d'autres agences.
    Ma prochaine question s'adresse davantage aux représentants de la GRC.
     On impose peu de pénalités, au Canada. À ce sujet, je vous donne deux exemples. Tout d'abord, le Programme des divulgations volontaires permet à une personne qui se sent un peu coupable de divulguer des choses à l'ARC sans pour autant faire l'objet d'une pénalité ou d'une poursuite. De plus, la disposition générale anti-évitement n'entraîne pas de peine. On peut simplement vous refuser l'avantage fiscal que vous aviez réclamé.
    En tant que corps policier, la GRC considère-t-elle que cette absence de pénalités est pour les gens une incitation à se lancer à fond dans ces activités? S'ils se font prendre, ils n'ont qu'à demander pardon. Il est plus facile d'obtenir le pardon que de demander la permission.

[Traduction]

    Du point de vue de l'application de la loi, ce qu'on veut, c'est un élément dissuasif, peu importe le type d'activité criminelle, qu'il s'agisse d'évasion fiscale ou de fraude. Le meilleur élément dissuasif est la probabilité de se faire prendre. Après cela, bien sûr, il s'agit de déterminer si on impose une peine d'emprisonnement ou une amende à celui ou celle qui se fait prendre.

[Français]

    Si on se fait prendre, mais qu'il n'y a ni amende ni poursuite, c'est comme se faire taper sur les doigts par sa mère.

[Traduction]

    Moins les conséquences sont sévères, moins l'élément dissuasif est efficace.

[Français]

    Selon ce que vous avez dit, vous envoyez beaucoup d'information à l'ARC, mais c'est plus ou moins réciproque. Jugez-vous que c'est normal?

[Traduction]

    La capacité de l'Agence du revenu du Canada de nous communiquer les renseignements fiscaux de Canadiens est très limitée en vertu de la loi. C'est pourquoi le Code criminel contient une disposition qui permet aux organismes d'application de la loi, au moyen d'une ordonnance, d'obtenir des renseignements fiscaux aux fins d'une enquête.

[Français]

    Est-ce que je résume bien la situation en disant qu'il y a peu ou pas de prévention, que vous arrivez toujours après les faits et que vous courez après les malfaiteurs?

[Traduction]

    Pas toujours. Si nous menons une enquête criminelle sur une affaire de trafic de stupéfiants, par exemple, et que nous devons évaluer de manière plus approfondie le revenu d'une personne, son revenu légitime, nous utilisons l'ordonnance prévue par le Code criminel, signée par un juge, pour demander l'information nécessaire à Revenu Canada.

[Français]

    Merci, monsieur Paillé.
    Madame Glover, vous disposez de sept minutes.
    Merci bien, monsieur le président.

[Traduction]

    Je dois dire que la réputation de l'inspecteur Rudderham m'impressionne au plus haut point. Le service de police de Winnipeg est très au courant du travail qu'il a fait en Saskatchewan et au Manitoba.
    Je vais devoir adapter certaines de mes questions. Je pourrai vous poser d'autres questions quand vous reviendrez comparaître et que nous siégerons à huis clos. Monsieur, j'aimerais toutefois vous demander — car nous n'avons que sept minutes — si, compte tenu de votre expérience relativement aux produits de la criminalité et au blanchiment d'argent, vous avez des recommandations à formuler afin d'améliorer le système. J'aimerais que vous nous en fassiez part.
    Nous avons écouté ce qu'avaient à dire les services de police de l'ensemble du pays et nous avons ensuite proposé des mesures dans le projet de loi C-9. Je crois que c'est un outil que vous êtes en mesure d'utiliser maintenant. À votre avis, que pourrions-nous faire, comme législateurs, pour améliorer la capacité de cibler les paradis fiscaux et les fraudeurs du fisc?
    C'est une question très complexe et difficile. Dans le cadre de nos enquêtes, nous tâchons d'obtenir les renseignements qui nous sont accessibles conformément à la loi. D'après mon expérience, les paradis fiscaux posent problème, car il existe des obstacles qui nous empêchent d'obtenir l'information. Notre processus d'enquête s'arrête.
    L'information que nous pouvons obtenir auprès de Revenu Canada est limitée. Le Code criminel nous autorise à demander des renseignements relativement à trois domaines d'enquête: les stupéfiants, le terrorisme et le crime organisé. J'aimerais que nous puissions exiger de Revenu Canada, par voie d'affidavit, des renseignements fiscaux dans le cadre d'enquêtes sur n'importe quel acte criminel visé par le Code criminel, et notamment sur les fraudes, ce sur quoi je travaille actuellement. C'est ce que je suggère comme amélioration.
(0925)
    D'accord. Les produits de la criminalité représentent un domaine important. Vous l'avez mentionné. J'imagine que vous avez des suggestions quant à la manière de traiter les cas de personnes qui s'adonnent à l'évasion fiscale et tirent des revenus de cette activité criminelle. Avez-vous des suggestions à formuler pour que nous améliorions le suivi des cas liés aux produits de la criminalité?
    Pas précisément.
    La province du Manitoba compte une section des produits de la criminalité. Le critère que cette section doit respecter pour saisir des biens est très différent. Elle peut notamment saisir des biens avant la déclaration de culpabilité. J'estime que c'est un excellent outil pour attraper les gens dont nous parlons. Connaissez-vous ce programme du Manitoba?
    Qu'en pensez-vous? Pouvons-nous l'adapter à la situation? Si oui, comment?
    D'une certaine façon, je pense que nous n'aurons pas le choix. Étant donné qu'une modification législative a établi que l'évasion fiscale peut être une infraction sous-jacente à la possession de produits de la criminalité et au blanchiment d'argent, il nous faudra aider l'ARC de toutes les façons possibles pour trouver les fonds et nous serons habilités à les bloquer où qu'ils soient.
    Très bien. J'allais vous demander de me donner un exemple de cas — pas d'un cas précis —, mais ce sera pour une autre fois.
    Monsieur Meunier, j'aimerais que vous me décriviez les indicateurs. Une fois que vous avez relevé des indicateurs, combien de temps le processus prend-il? En quoi consiste le processus et combien de temps se déroule avant que vous puissiez prendre des mesures à l'encontre des fraudeurs du fisc —  je veux dire avant que vous puissiez renvoyer un dossier à l'ARC, laquelle pourra ensuite agir?
    En général, dans les cas urgents, nous pouvons intervenir en 24 heures, c'est-à-dire divulguer des renseignements à la police si une enquête est en cours. Mais en moyenne...
    Pouvez-vous me donner un exemple d'indicateur et m'expliquer les étapes du processus?
    D'accord. Prenons un exemple d'évasion fiscale comme infraction sous-jacente.
    Admettons que quelqu'un démarre une entreprise et ouvre un compte bancaire. La personne a deux ou trois employés et elle dit que l'entreprise fabrique des meubles.
    Au bout d'un moment, la banque nous envoie une déclaration d'opérations douteuses dans laquelle elle affirme avoir constaté des transactions inhabituelles dans le compte: importants dépôts en espèces, dépôts structurés ne dépassant pas le seuil de 10 000 $, télévirements dans un compte bancaire aux États-Unis sans raison, étant donné qu'il s'agit d'une petite entreprise. Par ailleurs, il n'y a pas de retenue salariale ni paiement de la TPS et aucun montant versé à des fournisseurs.
    On se dit alors qu'il y a anguille sous roche. La personne a peut-être même mentionné qu'elle payait ses employés au noir, en espèces.
    La police nous envoie une déclaration de renseignements transmis volontairement dans laquelle elle indique que la personne en question est mêlée à... En l'occurrence, la police enquêtait sur une affaire de drogue.
    Les indicateurs et le genre de comportement transactionnel qui attireraient notre attention, ce sont les opérations inhabituelles, l'absence de paiement à des fournisseurs et les dépôts importants en espèces. Ces dépôts n'apparaîtraient pas normaux pour une entreprise censée plutôt avoir des dépenses par carte de crédit ou de débit.
    Donc, l'information vient de la banque. Nous avons aussi d'autres renseignements, provenant notamment d'une source ouverte. L'entreprise n'existe pas... elle n'a pas d'emplacement réel.
    Tout cela nous donne des motifs raisonnables de soupçonner du blanchiment d'argent, le trafic de drogue étant une infraction sous-jacente, comme la police nous l'a indiqué. Nous en arrivons à déterminer qu'il semble s'agir également d'évasion fiscale. Nous transmettrions donc le dossier à la GRC.
    Ce sont des indicateurs qui permettent de réagir. N'avez-vous pas des indicateurs proactifs?
    Oui, nous en avons.
    Mme Shelly Glover: Quels sont-ils?
    M. Denis Meunier: Revenons au cas d'évasion fiscale d'avant juillet dernier. À l'époque, l'évasion fiscale n'était pas considérée comme une infraction sous-jacente.
    Nous analysons les modes opératoires. Nous avons des programmes informatiques qui nous aident à dépister proactivement certains cas à partir de l'information que nous obtenons chaque jour. Nous recevons environ 64 000 déclarations d'opérations douteuses par année; ce genre de déclaration peut nous permettre de détecter des cas. Nous agissons proactivement en nous adressant ensuite à la police ou à l'ARC. Nous leur disons que nous avons détecté un mode opératoire qui s'apparente à du trafic de drogue ou à de l'évasion fiscale.
    Nous agissons sans être sollicités par la police et l'ARC. C'est de l'analyse active. 
(0930)
    Merci, madame Glover.

[Français]

    Merci, monsieur Meunier.
    Monsieur Mulcair, vous disposez de sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Meunier et monsieur White, je vous adresse d'abord mes félicitations, chose qu'on fait rarement ici. Vos présentations étaient des plus claires et je vous en remercie sincèrement.
    Je veux vous poser quelques questions en vue de savoir, un peu à l'instar de Mme Glover, ce qu'on peut faire pour aider.
    J'ai assisté à une conférence à Londres, il y a quelques mois, où on nous a donné une statistique qui m'a étonné. On nous a dit que tous les quatre jours, l'équivalent du PIB du monde entier est transféré sur la planète. C'est étonnant. Cela veut dire que les filtres qu'on doit mettre en place pour essayer de savoir ce qui est fait correctement et ce qui est fait de manière toute croche doivent être aussi élaborés que ce qui est en place.
     Il ne faut pas tomber dans ce que M. Rudderham décrit: cela ne doit pas faire le tour en une nanoseconde et finir dans une boîte noire aux îles Caïmans. Nous devons être aussi futés que les gens qui sont en train de faire ça. Donc, c'est un peu le sens de ce que je veux examiner avec vous aujourd'hui.
    Une chose nous étonne parfois quand on examine les causes offertes en exemples. Je fais toujours très attention, par ailleurs, de ne pas vous traîner dans notre domaine purement partisan. Je vais essayer de respecter ça aujourd'hui.
    Je vais vous parler d'une cause concrète, qui a déjà été jugée et qui est terminée: la cause d'Earl Jones. J'ai tout le dossier, tous les documents de la cour et tous les documents internes de la succursale Beaconsfield de la Banque Royale du Canada, où Earl Jones faisait affaire et où il a volé 50 millions de dollars de ses clients dans une combine à la Ponzi absolument classique.
    Dans les documents de la banque, il est écrit à chaque étape:

[Traduction]

    On lui a dit qu'il utilisait un compte d'intérêt pour des raisons qui n'avaient rien à voir avec l'utilisation normale d'un tel compte. On lui a dit que c'était clairement illégal et qu'il pourrait avoir des problèmes.

[Français]

    Ça s'est passé comme ça pendant des années et des années, dans le cas d'Earl Jones.
    Il y a une chicane entre les conservateurs et nous. Eux disent que la meilleure chose à faire est de créer un organisme national de réglementation des valeurs mobilières, et moi, je ne cesse de répéter que le Bureau du surintendant des institutions financières Canada n'a rien fait dans le cas d'Earl Jones.
    Une affaire comme celle d'Earl Jones vous touche-t-elle de près ou de loin, les gens de CANAFE, ou relève-t-elle strictement de la responsabilité du Bureau du surintendant des institutions financières Canada?
    Je ne peux pas commenter le cas d'Earl Jones. Toutefois, si un tel cas se présentait, on se fierait évidemment aux rapports que nous recevrions des institutions financières.
    Une banque qui détecte un tel comportement chez un client est obligée de nous envoyer des rapports d'opérations douteuses lorsqu'elle détermine qu'elle a un motif raisonnable de penser que ces transactions sont liées au blanchiment d'argent. Lorsque nous recevons ces renseignements, nous les regroupons, et si nous atteignons le seuil de divulgation prescrit par la loi, nous devons les partager avec la police — je vous décris ce qui arrive en général. Si ces conditions sont remplies, nous devons divulguer les renseignements.
    Merci, monsieur Meunier, de cette réponse tout aussi claire que votre présentation.
    Maintenant, monsieur White, en essayant de respecter les limites de la non-partisanerie, je vais vous poser une question à propos de quelque chose qui est d'actualité et qui est en lien avec ce que j'ai mentionné.
    Si on est effectivement capable de faire ce type de transfert d'un clic de souris — cela ne date pas d'hier, cela fait au moins 30 ans qu'on est capable de le faire —, on doit alors faire certaines choses chaque fois qu'une nouvelle structure facilitant le transfert d'argent risque d'être mise en place.
    La prise de contrôle de la Bourse de Toronto par la Bourse de Londres, qui est contrôlée au Moyen-Orient, est une des choses qui sont sur la table en ce moment. Est-ce qu'on va vous interpeller à ce sujet et vous demander votre opinion? Le ministère de l'Industrie va faire une détermination, en vertu de la loi, pour savoir si la transaction représenterait un avantage net pour le Canada, comme on l'a vu dans le dossier de la potasse.
    En tant qu'experts, si c'est vous qui devez faire le tracking de cette affaire, si vous me permettez l'expression anglaise, serez-vous interpellés et pourrez-vous demander de considérer certaines choses? Effectivement, c'est une bourse située dans un autre pays, contrôlée au Moyen-Orient par des pétrodollars, qui va être chargée de nos bourses d'ici. On aura encore plus de difficulté. Serez-vous au moins interpellés à ce sujet? Est-ce qu'on va solliciter votre opinion?
(0935)

[Traduction]

    Je ne peux pas affirmer avec certitude qu'on va nous demander notre avis là-dessus. Manifestement, c'est une décision qui relève de la politique générale du gouvernement du Canada. Si on nous demandait notre opinion, il faudrait que nous prenions connaissance des tenants et des aboutissants du processus. Il faudrait obtenir toute l'information nécessaire pour évaluer adéquatement les incidences éventuelles sur l'application de la loi, les activités criminelles, les mouvements de fonds et notre capacité de faire notre travail. Je ne me suis pas penché sur cette question et je ne pense pas que mes collègues l'aient fait.
    J'ai une question générale à laquelle M. Rudderham, M. White ou M. Foster peut peut-être répondre. Nous collaborons avec d'autres parlements, avec nos homologues parlementaires. Nous nous efforçons d'adopter les meilleures mesures législatives possibles dans l'intérêt public de notre pays. Nous nous retrouvons à collaborer avec des responsables de l'application de la loi d'autres pays. M. Rudderham parle de la boîte noire aux îles Caïmans. J'ai assisté à plusieurs conférences en France; le président Sarkozy mène la charge contre les paradis fiscaux. Le président Obama s'y attaque vigoureusement lui aussi. Pourquoi n'arrivons-nous pas à pénétrer cette boîte noire? Comment se fait-il que les pays les plus puissants et les mieux structurés n'obtiennent pas de résultats dans ce dossier qu'ils qualifient de prioritaire? Qu'est-ce qui nous fait défaut?
    Dans certains cas, nous obtenons des résultats. Le Canada a conclu des traités d'entraide judiciaire avec un certain nombre de pays, y compris des paradis fiscaux comme les îles Caïmans.
    Il y a des pays qui sont plus réticents à divulguer de l'information pour une vérification fiscale que pour une enquête sur des activités criminelles comme le trafic de stupéfiants. D'après notre expérience, ils collaborent avec nous en grande partie. Si nous menons une enquête sur une affaire de trafic de stupéfiants et que nous savons que des comptes ont été ouverts dans un pays comme les îles Caïmans, nous envoyons une demande officielle en vertu du traité d'entraide judiciaire. Le niveau de collaboration dans ce genre d'enquêtes s'est révélé assez bon. Nous n'avons pas pris part à beaucoup d'enquêtes relatives à l'évasion fiscale; aussi n'avons-nous pas eu tellement à traiter avec d'autres pays à cet égard.
    Mais, en théorie, on obtiendrait les mêmes résultats?
    En matière d'évasion fiscale?
    Vous avez décrit des infractions sous-jacentes. Étant donné que, au Canada, l'évasion fiscale peut maintenant être considérée comme une infraction sous-jacente au même titre que le trafic de drogue, vous pourriez utiliser le même traité pour demander aux îles Caïmans de vous fournir de l'information dans les cas d'évasion fiscale...
    Je vous remercie, monsieur Mulcair.
    Pourriez-vous répondre rapidement?
    Il s'agit de produits de la criminalité. J'ignore encore comment les autres pays réagiraient à pareille demande, mais désormais nous pouvons demander ce genre de renseignements.
    Merci, monsieur Mulcair.
    Merci, monsieur White.
    Avant de passer à la deuxième série de questions, puis-je vous demander, monsieur Foster et monsieur White, pourquoi vous portez l'uniforme et vous, non, monsieur Rudderham? Simple curiosité.
    Je ne savais pas qu'ils allaient mettre le leur.
    C'est confortable, monsieur Foster et monsieur White? Votre uniforme est boutonné jusqu'au cou. Il fait très chaud ici. Est-ce que ça va?
    Des voix: Oh, oh!
    Comm. adj. Stephen White: Ça va.
    Le vice-président (M. Massimo Pacetti): Monsieur Brison, vous avez cinq minutes.
    Je n'ai pas de questions sur le tissu sergé ou quoi que ce soit du genre ce matin.
    Pour faire suite aux questions de M. Mulcair sur la collaboration avec d'autres pays, j'aimerais vous demander ceci. Vu la complexité des instruments financiers et des technologies de nos jours et la nature intégrée des marchés financiers mondiaux, comment décririez-vous la mise en commun des technologies, des méthodes, des protocoles et des renseignements avec d'autres pays comparativement à il y a 10 ans?
(0940)
    Selon notre expérience, la situation a considérablement évolué en 10 ans. Dans les domaines du blanchiment d'argent, des activités frauduleuses, des marchés financiers et des enquêtes criminelles, nous pouvons compter sur des partenaires solides dans un grand nombre de pays, en particulier les grandes puissances.
    Nous faisons partie d'une multitude de groupes de travail, qui comprennent d'autres pays, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Nous nous rencontrons régulièrement pour examiner ce qui se fait ailleurs et voir si nous voulons adopter des méthodes que d'autres utilisent. Sur le plan technologique, par exemple, nous venons de recevoir la visite d'experts du Royaume-Uni qui nous ont montré un logiciel très impressionnant d'analyse des renseignements criminels liés à la fraude. Nous sommes en train de l'examiner.
    Je dirais que ce genre d'échange se passe très bien.
    Après le 11 septembre, les divers organismes et les pays ont resserré leur collaboration dans le cadre de la guerre au terrorisme. Les mêmes méfaits financiers ou activités de fraude ou de blanchiment d'argent qui servent à financer le commerce de la drogue peuvent aussi servir à financer le terrorisme. Est-ce que cela a une incidence? Dans la foulée des événements du 11 septembre, l'accroissement des efforts multilatéraux de lutte contre le terrorisme a-t-il entraîné une augmentation de vos ressources consacrées aux activités financières?
    Après le 11 septembre, au titre du programme de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes du gouvernement fédéral, la GRC s'est vu offrir des ressources axées sur le financement des activités terroristes.
    Et d'autres pays ont adopté des initiatives semblables, ce qui n'a pas nui. Ces mesures ont-elles contribué à renforcer votre capacité de lutter contre les méfaits financiers dans d'autres domaines, comme le commerce de la drogue et ainsi de suite?
    Dans une certaine mesure.
    Dans quelle mesure les groupes multilatéraux comme le G20 participent-ils à ces efforts? Nous voyons de plus en plus les pays adopter une approche multilatérale et concertée en ce qui concerne les enjeux financiers internationaux. Les organismes d'application de la loi participent-ils à des efforts multilatéraux dans le domaine des crimes financiers? Constatons-nous une approche intégrée semblable? Y a-t-il un organisme multilatéral qui est en train de s'imposer comme leader, de la même manière que le G20 s'est imposé après la crise financière?
    Il existe probablement deux organismes.
    Il y a un groupe de travail sur l'application de la loi au sein du G8 qui se penche régulièrement sur des questions liées aux crimes financiers, en particulier le blanchiment d'argent. Sous l'égide de ce groupe de travail, nous avons réalisé un certain nombre d'activités de répression du trafic international d'argent en partenariat avec d'autres pays. Par exemple, pendant quelque temps, des pays membres du groupe de travail déploient des efforts accrus pour surveiller la circulation transfrontalière d'espèces.
    L'autre organisme important est le Groupe d'action financière. Il s'emploie à élaborer des méthodes de lutte contre le blanchiment d'argent et il publie régulièrement des rapports à ce sujet.
    Ce sont les deux organismes internationaux auxquels je pense.
    Je vous remercie, monsieur Brison.
    Merci, monsieur White.

[Français]

    Monsieur Carrier, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, messieurs.
    Monsieur White, une des parties de votre présentation que vous avez lues en français a davantage attiré mon attention; je ne sais pas si c'est une question linguistique. Vous avez dit: « Quand la GRC prend connaissance d'activités illicites touchant l'impôt sur le revenu, c'est presque toujours par la bande, dans le cadre d'une enquête sur autre chose. » Vous savez qu'on est ici pour étudier l'évasion fiscale. Autrement dit, ce n'est pas votre préoccupation première, mais quand, lors d'une enquête, vous apprenez l'existence de telles activités, vous référez le dossier à l'Agence du revenu du Canada. C'est bien cela? Ce n'est donc pas une priorité pour vous de travailler à contrer l'évasion fiscale.
(0945)

[Traduction]

    Quand je dis que ce n'est pas une priorité, je veux dire que l'Agence du revenu du Canada possède son propre programme d'application de la loi. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, quand nous détectons un cas d'évasion fiscale, c'est à l'occasion d'une enquête sur des revenus tirés du trafic de stupéfiants, sur le blanchiment d'argent ou une activité frauduleuse. Ces activités criminelles génèrent des revenus et il nous arrive de découvrir des comptes bancaires et des biens et d'avoir des motifs de croire qu'ils n'ont pas été déclarés à Revenu Canada. Nous renvoyons alors le dossier à Revenu Canada.

[Français]

    Merci.
    Je vais parler maintenant de CANAFE, où, finalement, on trouve des gens qui font l'analyse de dossiers. Vous mentionnez très bien, d'ailleurs, que depuis l'année dernière, avec le projet de loi C-9, la question de l'évasion fiscale est plus formellement ciblée et il est davantage de votre responsabilité d'en assurer le contrôle. Vous dites d'ailleurs que vous avez eu une formation particulière de la part de l'Agence du revenu du Canada pour analyser ces dossiers.
    Depuis que vous en faites une analyse précise, est-ce que cela vous a éveillés à un nouveau champ d'activité où il y a une récupération potentielle à faire de plusieurs dossiers qui devraient être étudiés en profondeur?
    Nous venons tout juste d'embaucher les analystes, à la suite des fonds que nous avons reçus dans le budget de 2010. Cela n'a pas commencé encore, nous sommes en train de finaliser la formation de nos analystes, mais nous nous attendons à commencer à voir des résultats au cours des six prochains mois, peut-être. Nous nous attendons donc, justement, à voir une augmentation du nombre de cas que nous divulguerions à l'Agence du revenu du Canada.
    C'était justement l'une de mes questions. Combien d'employés allez-vous affecter spécifiquement à l'étude de dossiers d'évasion fiscale?
    En fait, tous nos employés ont été formés et tous sont chargés de cibler ces cas. Il n'y a donc pas une unité spéciale; c'est dans le cadre de leur travail. Comme nous avons embauché environ huit employés supplémentaires, cela devrait améliorer grandement les choses.
    Cependant, vous ne formez pas des gens spécialement pour faire cette analyse, même si c'est quelque chose de particulier.
    Des gens nous parlent d'évasion fiscale, mais ça reste abstrait, on n'en connaît pas les détails. Il faut sûrement des spécialistes qui vont analyser des résultats financiers, etc.
    En fait, nous analysons les transactions financières. Nous n'entrons pas dans les livres et les registres des compagnies. Nous analysons les transactions qui nous parviennent de banques, les télévirements, etc. Nous avons estimé que c'était beaucoup plus avantageux d'éduquer environ une soixantaine d'analystes qui sont à l'affût de ce type de comportement financier que d'avoir une unité en particulier affectée à cette tâche.
    Évidemment, si nous voyons que les résultats sont moindres que ceux espérés, nous changerons peut-être notre pratique, mais pas pour l'instant.
    Ça m'inquiète un peu quand vous dites que tous les employés ont été formés. Ça reste une information généralement répandue.
    M. Denis Meunier: Non, pas du tout
    M. Robert Carrier: Vous savez que certains pays sont reconnus pour être des paradis fiscaux. Ces paradis fiscaux sont légaux, mais il existe une possibilité d'évasion fiscale dans certains pays au sujet desquels il y a un manque de renseignements. Ce sont des pays qui font partie de la zone grise définie par l'OCDE. Allez-vous cibler ces pays dans votre analyse? Sans nécessairement en faire des coupables au départ, les retiendrez-vous comme étant des endroits particuliers à surveiller?
(0950)
    Vous l'avez dit, ce n'est pas parce que ça provient d'un tel pays qu'il s'agit nécessairement de blanchiment d'argent ou encore qu'il y aurait possiblement de l'évasion fiscale. Cependant, c'est un indicateur parmi plusieurs autres.
    Merci, monsieur Carrier.

[Traduction]

    Madame McLeod, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je pense que je vais poursuivre dans la même veine que mon collègue, M. Mulcair. Il s'est concentré sur l'évasion fiscale et les fraudes en valeurs mobilières. Nous savons que ceux qui utilisent des combines à la Ponzi peuvent le faire parce que le système comporte des échappatoires. Les enquêtes à ce sujet peuvent se révéler très difficiles. Je me trompe peut-être, mais il me semble que le fait d'avoir 13 organismes de réglementation des valeurs mobilières au pays doit complexifier encore davantage les enquêtes.
    M. White ou quelqu'un d'autre pourrait-il formuler des commentaires à ce sujet?
    Devrait-on avoir plusieurs organismes de réglementation des valeurs mobilières ou un organisme national? Encore une fois, c'est une question qui touche davantage aux politiques générales du gouvernement du Canada. Ce qui nous intéresse là-dedans, c'est l'aspect de la communication, de l'échange de renseignements. Est-ce que c'est plus long d'aller chercher l'information à plusieurs endroits plutôt qu'un seul? Ce n'est pas impossible. Je vais m'en tenir à cela.
    Je ne pense pas être très bien placé pour dire si un organisme national accélérerait notre travail.
    Je suis bien consciente, évidemment, qu'il s'agit d'un enjeu plus vaste, mais c'est cet angle-là en particulier qui m'intéresse. Il va sans dire qu'il ne s'agit que d'une petite pièce dans un puzzle qui en compte beaucoup.
    Pour les criminels, le blanchiment d'argent est loin d'être sans importance. Dans quelle proportion cette activité a-t-elle lieu dans les paradis fiscaux?
    Je serais incapable de vous donner le pourcentage exact. Est-ce que ça arrive? Bien sûr. L'argent amassé grâce à des activités criminelles peut être déposé dans des comptes bancaires ou envoyé dans des paradis fiscaux. Il arrive également qu'il soit envoyé à l'étranger, mais pas nécessairement dans un paradis fiscal. On voit de tout.
    Selon ce que j'entendais précédemment, une partie de votre travail porte sur les paradis fiscaux. Dans quelle mesure déposez-vous des accusations liées aux activités criminelles dans les paradis fiscaux par rapport à...? Vous avez donné tellement d'exemples. Est-ce que tous ces cas ont donné lieu à des accusations criminelles ou certains ont-ils seulement été transférés à l'ARC? Pourriez-vous nous en dire un peu plus?
    Certainement. Il y a un peu des deux. Dans bien des cas, des accusations ont fini par être portées, mais pas toujours. Il arrive parfois que, sans avoir accumulé assez d'éléments de preuve pour porter l'affaire devant les tribunaux, nous en avons suffisamment pour soumettre le dossier à l'Agence du revenu du Canada, qui détermine alors s'il y a lieu de procéder à une vérification fiscale.
    Mais en ce qui concerne les produits étrangers de la criminalité, qu'il s'agisse de comptes bancaires ou d'immobilier, c'est au Canada que les accusations sont portées. S'il s'agit d'une propriété située à l'extérieur du Canada, nous pouvons demander à un tribunal canadien d'émettre une injonction. Il s'agit alors de la première étape avant les poursuites criminelles et l'ordonnance de confiscation. Aussitôt qu'un autre pays est concerné, nous pouvons demander aux autorités de ce pays d'honorer les traités d'entraide juridique que nous avons conclus avec elles et d'appliquer les ordonnances rendues par les tribunaux canadiens, qu'il s'agisse d'injonctions ou autres.
    Je vais maintenant passer à M. Meunier.
    Vous avez donné un exemple de renseignements qui attirent aussitôt votre attention. J'ai l'impression qu'il faudrait qu'un criminel soit particulièrement imbécile pour lancer une entreprise tout en connaissant l'arsenal d'outils à la disposition de CANAFE.
    Vous êtes-vous doté d'un mécanisme quelconque vous garantissant que vous ne vous attaquez pas aux citoyens qui font des opérations tout à fait honnêtes? Avez-vous confiance dans vos processus et vos systèmes?
    Car, j'imagine évidemment que les gens qui veulent frauder le fisc et utiliser des paradis fiscaux disposent eux aussi de processus et de systèmes assez sophistiqués.
(0955)
    Oui. L'exemple que je donnais était simplifié à l'extrême, parce que nous parlions d'indicateurs et que je ne voulais pas entrer inutilement dans les détails. Je n'ai pas préparé de tableaux, rien, mais disons que la plupart des cas sont assez complexes.
    En ce qui concerne les cas les plus complexes, où les fonds suspects peuvent provenir d'un grand nombre de sources ou certaines grandes sociétés ouvrent des succursales à l'étranger, comme les endroits choisis attirent aussitôt notre attention, pour ne donner qu'un exemple, oui, il y a des cas. Nous les transmettons alors à l'ARC, surtout lorsqu'il est question de drogue, de fraude ou de renseignements policiers concernant des enquêtes de fraude ou de trafic de drogue.
    Maintenant que la loi et la réglementation ont changé, nous pouvons nous occuper des cas plus complexes qui touchent exclusivement à l'évasion fiscale.
    Merci à vous, madame McLeod et monsieur Meunier.
    J'aimerais moi aussi poser quelques questions.
    Monsieur Meunier, votre organisme recueille de l'information. Mais comment s'y prend-il pour la retracer?
    Par exemple, si je dépose 10 $ dans un compte à la Banque de Nouvelle-Écosse et que j'en transfère 9,99 $ à la Toronto Dominion, comment pouvez-vous faire le lien entre les deux? Vous avez de l'information qui vous vient d'une banque, et d'autre information qui vous vient d'une autre banque. Vous ne pouvez pas nécessairement savoir qu'il s'agit du même argent.
    En fait, une somme comme celle-là ne serait fort probablement jamais signalée, à moins que la banque n'ait des raisons de croire qu'elle est suspecte.
    Je vous donne plutôt l'exemple d'un dépôt en argent dépassant les 10 000 $. Si une personne transfère un tel montant à l'extérieur du pays, j'obtiendrais aussitôt ce qu'on appelle un TEF, un transfert électronique de fonds. Je recevrais avis qu'une importante transaction en argent a été effectuée aussitôt que le dépôt serait fait.
    Disons dans ce cas-là qu'il s'agit de un million de dollars. Je dépose un million à la Banque de Nouvelle-Écosse, qui vous en informe aussitôt. De mon côté, je transfère ensuite 300 000 $ à la Toronto Dominion, puis 300 000 $ à la Banque royale, avant d'envoyer le tout à l'étranger. Vous auriez alors perdu la trace de mon argent, non? Vu que le million du départ aurait été fractionné?
    Premièrement, si votre dépôt paraît suspect à la banque, je vais en être informé. Si vous déposez un million de dollars en argent, je vais en être informé.
    D'accord, mais une fois que l'argent est dans mon compte, vous...
    Non, aussitôt que vous le transférez de nouveau, que ce soit au Canada ou à l'étranger, si c'est suspect, j'en suis informé.
    En fait, si je pose la question, c'est parce que vous avez dit que vous n'étiez pas autorisé à recevoir des TEF pour les transactions effectuées au Canada.
    Être un criminel, il me semble qu'il me suffirait de prendre cet argent et de le transférer dans différentes banques avant de l'envoyer à l'étranger, non?
    Oui, mais chaque fois que vous faites ces fameux transferts entre banques canadiennes, si c'est suspect, j'en suis aussi informé. Je ne recevrais peut-être pas un TEF, un transfert électronique de fonds, mais je recevrais un avis m'informant qu'une transaction suspecte a été effectuée.
    Qui vous dit que la Banque de Nouvelle-Écosse, où j'ai d'abord déposé mon argent, vous informerait que celui-ci a été transféré?
    Transféré où?
    Si c'était à l'intérieur du Canada, le sauriez-vous?
    Si c'était suspect, oui.
    Donc, aussitôt qu'une banque juge qu'une transaction est suspecte, elle vous en informe.
    Vous fournirait-elle aussi mon nom?
    Votre nom, le numéro de votre compte bancaire, et cetera.
    Mais vous n'avez rien à vous reprocher.
    Bien sûr que non. Je veux simplement savoir à quoi m'en tenir.
    Dans votre exposé, vous disiez que la rétroaction de l'ARC, les fameuses communications de cas, avait permis de faire avancer ses enquêtes. Comment le savez-vous? Ce sont les gens de l'agence qui vous l'ont dit?
    Oui.
    Vous disiez qu'au cours des trois dernières années, vous et l'Agence du revenu du Canada avez élaboré des indicateurs d'évasion fiscale. Auparavant, vous ne saviez pas toujours quand communiquer un cas à l'ARC, mais ce serait plus clair aujourd'hui? Quel est le facteur déterminant?
    Il n'y a pas de zones grises. C'est moi qui dois prendre une décision. Ou bien un cas est suspect, ou bien il ne l'est pas. Et à partir du moment où je détermine qu'il l'est, je dois en informer l'ARC.
(1000)
    Que faites-vous quand vous n'êtes pas certain? En informez-vous l'ARC? Est-ce que l'agence ne peut pas déterminer elle-même quand une transaction est suspecte ou est-ce parce que c'est ce que dit la loi?
    Je ne suis pas convaincu de bien comprendre ce que vous voulez dire quand vous dites « quand je ne suis pas certain ». Lorsque nous avons des motifs raisonnables de croire qu'il y a blanchiment d'argent et que ce blanchiment est lié à une infraction d'évasion fiscale, alors je communique le cas. Je n'ai pas le choix.
    Dans les deux cas?
    Oui. Deux critères s'appliquent: nous devons avoir des motifs raisonnables de croire que de l'argent a été blanchi et que c'est lié à une infraction d'évasion fiscale...
    Pourquoi ne rien dire à l'ARC si vous hésitez? Est-ce que l'agence ne pourrait pas faire sa propre enquête et prendre une décision?
    Parce que la loi précise que ces deux critères doivent être remplis.
    C'est ce que je voulais savoir.
    Monsieur White, dans le cadre de notre étude sur les comptes bancaires à l'étranger, nous avons reçu divers témoins, dont des universitaires, des spécialistes... En fait, nous cherchons encore à déterminer si les entreprises ont vraiment besoin d'avoir des comptes bancaires à l'étranger. Vous dites que: « les techniques et les technologies mêmes qui créent des occasions d'affaires légitimes favorisent par ailleurs le perfectionnement continu de la criminalité ». Où commence la zone grise dans tout ça? Qu'est-ce qui est considéré comme légitime par votre organisation? Qu'est-ce qui ne l'est pas?
    Je ne parlerais pas vraiment de zone grise. De nombreuses entreprises légitimes ont des comptes bancaires un peu partout sur la planète. Parce que ces systèmes et ces mécanismes financiers existent, les criminels peuvent en profiter et s'en servir à leur avantage, ce qui est encore plus vrai s'ils sont situés dans des paradis fiscaux. C'est relativement facile d'ouvrir un compte en banque à l'étranger. Tout le monde peut le faire, mais seuls les criminels les détournent à leur avantage.
    Il n'y a pas de zone grise...? Avez-vous déjà vu des entreprises légitimes ouvrir des comptes pour des gens qui dirigeraient des cartels, feraient des actes terroristes ou mèneraient d'autres activités criminelles?
    Je ne peux pas parler des entreprises légitimes. Les trafiquants de drogue ouvrent souvent leur propre entreprise pour blanchir plus facilement leur argent. Ils dirigent alors une entreprise quasi légitime, si ce n'est qu'ils prennent les fruits de leurs activités criminelles et les ajoutent aux recettes obtenues légitimement. C'est l'un des procédés les plus fréquemment utilisé pour blanchir de l'argent, et c'est d'autant plus difficile pour les organismes chargés de faire appliquer la loi lorsque les revenus d'une entreprise proviennent à la fois d'activités légitimes et d'activités criminelles.
    Je vous remercie, messieurs White et Meunier.
    Monsieur Wallace.
    Je vous remercie, monsieur le président, et je vous félicite pour votre accession au fauteuil. Vous faites de l'excellent travail, même si vous avez quelque peu dépassé le temps alloué.
    C'est intéressant, parce que je m'aperçois aujourd'hui que nous avons comme qui dirait changé de perspective. Si vous aviez assisté aux autres séances, où nous avons entendu le témoignage de plusieurs spécialistes, dont des universitaires, comme nous vous le disions à l'instant, vous auriez constaté que, lorsque nous parlions de comptes bancaires à l'étranger et d'évasion fiscale, il était surtout question de particuliers ou de sociétés bien nantis qui ne se contentaient pas de faire de la planification fiscale mais tombaient plutôt dans l'évasion fiscale, alors qu'aujourd'hui, j'ai l'impression que nous abordons surtout la question sous l'angle de la criminalité.
    Dans les deux cas, il s'agit d'activités criminelles, mais que ce soit à tort ou à raison, selon moi — et selon bon nombre de mes concitoyens —, il y a une grosse différence entre le trafiquant qui empoche les revenus illicites qu'il obtient en vendant ses narcotiques et les dépose dans un compte à l'étranger et la personne qui vient s'installer au Canada et qui possède des comptes bancaires un peu partout sur la planète. L'ARC offre un programme de divulgation volontaire qui s'adresse aux gens qui ont involontairement commis une erreur et leur permet de rembourser les sommes qu'ils doivent. Ils doivent alors payer des pénalités, mais comme le soulignait M. Paillé, il s'agit alors de pénalités strictement financières.
    Je suppose que la GRC s'intéresse surtout aux aspects criminels de la question, qu'il s'agisse de blanchiment d'argent par le crime organisé ou des produits du trafic de drogue, etc. Mais que fait CANAFE? Est-ce que votre organisme s'intéresse autant aux gens qui évitent — illégalement — de payer des impôts qu'à ceux qui trempent dans d'autres types d'activités illégales? Car on peut éviter de payer des impôts sans pour autant faire quoi que ce soit d'autre d'illégal, et c'est sous cet angle-là que nous abordions la question jusqu'à aujourd'hui. Or, voilà que les autres activités ressurgissent — avec raison — dans la discussion.
    Savez-vous où a lieu le gros de ces activités comptables à l'étranger? Est-ce que CANAFE en a une bonne idée?
(1005)
    Non, et pour une raison bien simple: la loi vient tout juste d'être modifiée. Par conséquent, tous les cas que nous transférions à l'ARC étaient d'abord des cas de blanchiment d'argent pouvant toucher au trafic de drogue, à la fraude, à l'évasion fiscale, etc. Mais comme l'évasion fiscale est désormais considérée comme une infraction sous-jacente dans la loi et que la réglementation a elle aussi été modifiée, le seuil a été réduit et nous pouvons maintenant nous concentrer exclusivement sur l'infraction sous-jacente qu'est l'évasion fiscale.
    Alors avant que nous ne modifiions la loi — et peut-être depuis aussi, ce sera à vous de nous le dire —, lorsque vous communiquiez un cas à l'ARC, était-ce afin que cette dernière puisse recouvrer les sommes dues sans qu'elle ne s'intéresse le moins du monde aux autres activités criminelles qui pouvaient avoir lieu, ou est-ce que vous le communiquiez aussi à la GRC, ou à un autre corps policier quelconque, afin qu'un suivi soit aussi fait à ce sujet?
    Dans la très grande majorité des cas, nous communiquions un cas à l'ARC après l'avoir aussi communiqué à la police, parce que nous avions déterminé que les dispositions législatives liées à l'évasion fiscale avaient été enfreintes. Alors oui, les cas étaient d'abord et avant tout communiqués à la police. Il est cependant arrivé quelques fois où l'ARC pouvait elle-même déposer des accusations de fraude; nous nous contentions alors de communiquer uniquement avec l'ARC. Mais c'était très rare.
    Je ne connais pas les définitions qui se trouvent dans la loi, mais honnêtement, il me semble que, quand quelqu'un évite de payer ses impôts, il fraude en quelque sorte le reste des contribuables canadiens, puisqu'il les prive de l'argent qu'ils auraient dû... Alors même si je sais que vous êtes encore en train de vous familiariser avec les modifications, quelles sont vos attentes maintenant que la loi a été modifiée? J'imagine que les ministères doivent se fixer des objectifs et qu'ils définissent ensuite leurs besoins en conséquence. C'est ce qu'on fait au début, mais dans un an, deux ans d'ici, à quoi le contribuable canadien peut-il s'attendre de CANAFE? Est-ce que votre organisation se concentrera surtout sur l'évasion fiscale? Notre étude porte principalement sur les comptes à l'étranger.
    J'aimerais également savoir si votre organisme...
    Je vous remercie, mais votre temps de parole est écoulé.
    Si vous pouvez répondre à la dernière question, nous pourrions ensuite passer à l'interlocuteur suivant, le Parti conservateur.
    Vous pourrez alors poser votre autre question.
    Je vous remercie, monsieur Wallace.
    Me l'auriez-vous accordé?
    Merci.
    Voulez-vous entendre la réponse à votre question ou préférez-vous qu'on passe au suivant?
    Monsieur Meunier.
    Les cas que nous communiquons à l'ARC sont des cas de blanchiment d'argent, ce qui correspond à l'essentiel des cas que nous communiquons. Évidemment, comme la loi précise que nous devons avoir des motifs raisonnables de croire qu'il y a eu évasion fiscale, ce n'est pas toujours évident.
    Comme vous le disiez, nous en sommes encore à nous familiariser avec tout ça. J'imagine que le rythme va s'accélérer considérablement, maintenant que nous pouvons compter sur sept ou huit analystes de plus. Il est encore trop tôt pour s'avancer, mais je crois que l'augmentation sera importante.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Wallace.
    Monsieur Szabo.
    Que faites-vous lorsqu'une personne vient vous voir pour en dénoncer une autre? Quand un cas est porté à votre attention par une personne en particulier?
    Le public peut nous fournir volontairement de l'information. Tant que celle-ci concerne une infraction de blanchiment d'argent, nous l'analyserons. Nous cherchons tout d'abord de l'information sur l'infraction dans notre base de données et, après analyse — si nous atteignons le seuil juridique —, nous décidons de la divulguer ou non à la police ou à l'Agence du revenu du Canada, selon la situation.
    Avez-vous une idée du nombre de dénonciations que vous avez reçues? A-t-on établi des statistiques?
(1010)
    J'ai peut-être associé le mot « dénonciation » à des informateurs venant de l'extérieur, des informateurs publics.
    Oui, il s'agit d'un dénonciateur.
    Votre question portait sur leur nombre.
    Quel est-il?
    Nous recevons probablement chaque année près de 60 dossiers contenant de l'information fournie volontairement par le public sur des cas de blanchiment d'argent.
    Les renvoyez-vous vers d'autres organismes ou vous en occupez-vous?
    Nous les analysons. La loi nous y oblige. Nous devons les examiner. Si des opérations ont déjà été effectuées à ce sujet et que nous atteignons vraiment un des seuils établis, nous devons les divulguer.
    Prendriez-vous des mesures si l'information laissait entendre qu'une personne pratique l'évasion fiscale — ce que vous constateriez en l'examinant —, sans être plus précise?
    Nos efforts portent principalement sur le blanchiment d'argent.
    Je comprends, mais si on vous dit que quelqu'un pratique l'évasion fiscale, remettez-vous l'information à quelqu'un d'autre?
    Non, il faudrait d'abord que nous l'analysions.
    Mais qu'en est-il si on ne vous donne aucune information, seulement un nom, une adresse, un numéro de téléphone?
    Si on ne me signale aucune opération, je ne peux rien faire. Non, je ne le ferais pas. Je ne peux pas divulguer l'information.
    Vous ne pouvez pas la divulguer.
    Si je n'atteins pas le seuil et que ma base de données ne contient aucune information qui me donnerait des motifs raisonnables d'avoir des soupçons de blanchiment d'argent, non.
    Si on pense que vous travaillez à l'ARC, sans comprendre vraiment qui vous êtes, aucun mécanisme ne vous permet de dire que vous avez reçu un appel téléphonique et qu'une personne en a dénoncé une autre sans donner plus de détails?
    C'est exact.
    D'accord. Qu'en est-il à la GRC?
    Voilà ce dont tout le monde parle. On parle davantage de l'évasion fiscale à l'étranger, mais les deux types d'évasions fiscales sont inextricablement liés. Ce genre de chose se fait au pays autant qu'à l'étranger. Beaucoup de personnes sont concernées. Les fraudeurs ne sont plus des bandits solitaires. Ce sont des conseillers et des gens qui exercent un travail très légitime, comme des avocats, des comptables, des consultants, etc.
    Un jour, quelqu'un se fait flouer, se fâche et décide de dénoncer la situation. Quelle démarche la GRC effectue-t-elle dans le cadre d'une telle dénonciation?
    Nous recevons une plainte. Si nous déterminons qu'elle porte sur l'évasion fiscale, nous la transmettons à l'Agence du revenu du Canada.
    D'accord. Vous ne pouvez pas faire grand-chose. Ce sont eux, à l'agence, qui doivent prendre les premières mesures dans un cas comme celui-là.
    Nous considérons que l'ARC est le principal organisme traitant les questions d'évasion fiscale. Elle a accès à beaucoup de renseignements auxquels nous, policiers, n'avons pas accès. Il s'agit en gros des antécédents liés aux recettes fiscales des particuliers.
    En ce qui concerne le blanchiment d'argent, je sais qu'on a déjà posé la question, mais M. Wallace a fait allusion à l'établissement du profil type du blanchisseur d'argent. Existe-t-il des données montrant qu'il y a un lien entre les blanchisseurs d'argent et certains types de personnes ou d'organismes? Qu'avons-nous appris au cours de toutes ces années sur l'archétype du blanchisseur d'argent?
    Dans le contexte d'aujourd'hui, je dirais que c'est loin d'être une science précise. Qu'il s'agisse de particuliers ou d'organismes, il y a différentes manières de blanchir de l'argent. Ils peuvent tenter de le déposer dans le système bancaire canadien, ils peuvent transporter de grosses sommes aux États-Unis et tenter de les déposer dans des comptes bancaires américains ou, comme je l'ai mentionné plus tôt, ils peuvent intégrer les revenus tirés d'activités criminelles aux fonds d'une entreprise qui génère des revenus légitimes.
    Des personnes de tous les horizons sont impliquées dans diverses activités criminelles: cela va des groupes criminalisés qui font du trafic de stupéfiants aux personnes et aux groupes criminalisés qui utilisent le marketing de masse pour commettre des fraudes, en passant par les vols d'identité, la fraude à l'identité et la fraude hypothécaire.
    Il existe une telle diversité d'activités criminelles liées aux crimes financiers et une telle diversité de personnes et d'organismes qui les pratiquent qu'on ne peut établir un profil précis.
    Je vous remercie, messieurs Szabo et White.
    M. Hiebert a la parole; il sera suivi de M. Mulcair.
    Monsieur Hiebert, vous disposez de cinq minutes.
    Monsieur Meunier, vous avez fait état de deux gros chiffres, tant dans votre rapport que dans votre exposé. Dans votre rapport, vous dites que vous recevez 65 000 éléments d'information par jour. Lors de votre témoignage, vous avez mentionné que 64 000 opérations douteuses étaient effectuées chaque année. Est-ce exact?
(1015)
    Oui.
    Cela fait beaucoup d'opérations. Elles ne représentent toutefois que le trois cent soixante-cinquième de la quantité totale de données que vous recevez. Un logiciel les détecte-t-il toutes et vous les signale-t-il toutes?
    Nous recevons toute cette information. Nous examinons bel et bien l'ensemble des opérations douteuses qu'on nous signale chaque jour. Il s'agit d'un élément déclencheur très important pour nous. Nous avons aussi mis sur pied des programmes qui nous permettent, grâce à certaines règles bien précises, de nous concentrer sur certains comportements en particulier. La plupart des déclarations que nous recevons portent sur des télévirements. Les institutions nous envoient 99 p. 100 de l'information par voie électronique. La grande majorité de celle-ci porte sur des télévirements de plus de 10 000 $ en provenance ou à destination du Canada.
    Quel pourcentage de ces déclarations sont effectuées par des particuliers et quel pourcentage sont effectuées par des sociétés?
    Je dirais que la grande majorité des déclarations sont faites par des entreprises, qu'il s'agisse de banques, de caisses populaires, de casinos, d'agences immobilières ou de négociants de pierres et de métaux précieux. Bien sûr, il se peut que nous en recevions de personnes qui possèdent leur propre entreprise, mais qui la gèrent à titre de particulier et non de société, mais la vaste majorité des déclarations proviennent des institutions financières.
    Mais elles visent des opérations effectuées par des sociétés, des opérations légitimes réalisées par des Canadiens qui mènent simplement des activités commerciales ailleurs dans le monde?
    Elles déclarent les opérations douteuses et les opérations en espèces de 10 000 $ et plus, entre autres, conformément aux dispositions de la loi.
    Combien de dossiers produisez-vous à partir de ces 64 000 opérations douteuses? Ce que j'essaie de connaître, c'est le nombre de dossiers actifs que vous avez. J'aimerais que vous avanciez des hypothèses sur le nombre de particuliers ou de sociétés qui sont selon vous mêlés à des activités de blanchiment d'argent au Canada.
    Je n'ai pas ces chiffres à ma disposition. Il se peut qu'on me signale de nombreuses opérations douteuses sur une même personne ou une même entreprise, alors c'est très difficile pour moi d'avancer des hypothèses. Je peux dire que nous produisons à peu près 600 dossiers par année, qui peuvent contenir des milliers et des milliers d'opérations chacun, principalement des télévirements et des opérations douteuses. Nous incluons également dans les dossiers des renseignements provenant de sources ouvertes pour fournir le contexte.
    J'ai peur de ne pas pouvoir...
    Bon, vous savez que vous traitez près de 600 dossiers. Si vous aviez à émettre une hypothèse, quel pourcentage de l'industrie pensez-vous que cela représente? Combien de particuliers, de sociétés ou d'entreprises illégales blanchissent activement de l'argent au Canada, selon vous? Dans quelle mesure réussissez-vous à contenir ce problème?
    Si on parle de repérage, il est certes très difficile de savoir ce qu'on ne sait pas. Je peux vous dire avec certitude que nous avons certainement accru le nombre de cas que nous avons réussi à repérer. Nous sommes passés de 165 cas en moyenne au cours des cinq dernières années à plus de 600 aujourd'hui. Nous repérons un grand nombre de cas et nous découvrons beaucoup plus d'entreprises impliquées.
    Mais il est difficile de savoir combien il y en a.
    Je ne peux pas vous dire, je suis désolé.
    C'est de bonne guerre.
    Dans vos observations préliminaires, vous avez mentionné que vous divulguiez de l'information à l'Agence du revenu du Canada, à l'Agence des services frontaliers du Canada et au Centre de la sécurité des télécommunications du Canada, ainsi qu'à des organismes de renseignements financiers étrangers, lorsque les critères prévus dans la loi et la réglementation sont satisfaits.
    C'est exact.
    Le faites-vous volontairement ou seulement quand on vous le demande?
    Nous devons divulguer l'information aux services de police quand nous...
    Je parle des organismes étrangers.
    Aux organismes étrangers... non. La loi dit qu'on « peut » divulguer l'information à une partie étrangère.
    Vous pouvez donc la divulguer volontairement.
    Même s'ils nous la demandent, nous ne sommes pas obligés de la leur fournir. C'est nous qui décidons.
(1020)
    Vous le demande-t-on souvent?
    Assez souvent. Si mes chiffres sont exacts, nous avons reçu plus de 200 demandes de renseignements d'unités étrangères du renseignement financier. Notre réseau compte près de 73 pays avec lesquels nous avons signé des ententes. Il est donc extrêmement important pour nous d'échanger des renseignements avec nos partenaires.
    Je vous remercie, monsieur Hiebert.
    J'aimerais seulement préciser ce que M. Hiebert a dit, soit que les 65 000 opérations quotidiennes ne sont pas toutes douteuses. Certaines sont seulement...
    Oui, on me signale peut-être chaque jour un peu plus de 200 opérations douteuses. Les autres sont des opérations en espèces et sont...
    Donc, quand une transaction de 10 000 $ et plus semble douteuse, la banque ou l'institution vous le signale?
    Il pourrait s'agir de déclarations distinctes. En fait, la banque ou l'institution doit nous envoyer des déclarations distinctes: une déclaration d'opérations douteuses et une déclaration s'il s'agit d'une transaction de 10 000 $ et plus en espèces — il faut que ce soit en espèces. Ces déclarations sont distinctes. La banque ou l'institution peut nous dire si le doute porte sur les 10 000 $ ou seulement sur un dollar et nous faire part de ses raisons.

[Français]

    Monsieur Mulcair, vous disposez de cinq minutes.
    Je veux revenir sur un thème qu'on a abordé plus tôt, c'est-à-dire les rainurages; je ne parlerais pas de failles. On a deux exemples du défi que présente la réunion du travail des uns et des autres. Vous nous avez très bien expliqué ce que vous faites et ce que vous ne faites pas.
    Je reviens à M. White. Lorsque nous avons rencontré les représentants de l'Agence du revenu du Canada, ils nous ont expliqué quelque chose qui était nouveau pour moi dans mon expérience comme législateur au Québec. Au Québec, la police ne porte pas plainte, elle fait un rapport. Systématiquement, c'est toujours le procureur de la Couronne qui porte plainte. Les gens de l'Agence du revenu du Canada nous disent qu'ils font leur analyse, qu'ils montent un dossier, puis qu'ils viennent vous voir, et c'est la GRC qui porte plainte directement. Cela ne passe pas nécessairement entre les mains d'un procureur de la Couronne.
    Ma compréhension est-elle valable?

[Traduction]

    Je ne suis pas certain que ce soit vraiment ainsi que l'on procède pour porter des accusations.
    C'est ce que je veux savoir. Vous avez bien compris ma question.
    Je ne pense pas que cela se produise de cette façon. Si vous pouviez...
    Je vais répéter lentement.
    Nous avons rencontré des représentants de l'Agence du revenu, qui nous ont expliqué qu'ils ne sont pas habiletés, à l'échelle fédérale, à saisir les tribunaux des affaires criminelles qui relèvent d'eux et qu'ils doivent faire appel à la police, en l'occurrence la GRC, qui en saisira les tribunaux pour eux. Au Québec, ce ne sont pas les policiers qui font ça. Il faut s'adresser à un procureur de la Couronne. Toute action en justice doit d'abord être envoyée à un procureur de la Couronne.
    J'essaie seulement de comprendre le processus à l'échelle fédérale. C'est clairement ce que les représentants de l'agence nous ont dit.
    D'après mon expérience, l'Agence du revenu du Canada saisit elle-même les procureurs de ses affaires.
    Excellent. Nous commençons à y voir clair. Votre réponse est très claire. Il y a donc certains détails qui se recoupent.
    Je veux parler d'un autre organisme qui n'est pas à la table. J'ai mentionné le Bureau du surintendant des institutions financières, mais j'aimerais en fait parler un peu plus d'un autre organisme fédéral, qu'on appelait auparavant la direction des coalitions, mais qui porte aujourd'hui le nom de Bureau de la concurrence. C'est une question très importante pour nous au Québec en ce moment. Encore une fois, je n'essaie pas de vous rendre responsables des travaux futurs du comité, parce qu'il a été question que nous nous penchions sur les événements très précis qui se sont récemment produits au bureau de Montréal. Je tiens cependant à vous parler du Bureau de la concurrence et, tant qu'à faire, à vous demander de décrire un peu plus en détail la façon dont votre travail s'harmonise avec celui d'autres organismes; j'aimerais enfin savoir si vous pensez que nous pourrions vous faciliter la vie en vous aidant à rendre votre travail plus efficace.
    Je prends l'exemple du Bureau de la concurrence, car le Québec a connu le plus gros scandale de corruption de son histoire récemment. Des stratagèmes élaborés permettaient de fixer les prix des marchés publics. La ville de Montréal estime qu'elle peut littéralement épargner des centaines de millions de dollars par année depuis qu'elle a éliminé une grande partie du problème. Quatorze entreprises avaient recours à un stratagème élaboré pour fixer les prix. L'affaire est maintenant devant les tribunaux.
    Comment l'Agence du revenu... et j'arrive à l'agence à la fin de mon observation parce qu'il s'agissait en fait d'une fraude fiscale. Vous pouviez obtenir de fausses factures d'une personne qui travaillait dans une entreprise fictive, ce qui vous permettait d'encaisser diverses sommes, sans doute en vue de verser des pots-de-vin. Ma question est donc celle-ci: comment l'Agence du revenu, la GRC et CANAFE, le cas échéant, collaborent-ils avec le Bureau de la concurrence? Ce dernier a ses propres enquêteurs. Il a même sa propre direction. Comment tout cela fonctionne-t-il? Comment ces gens collaborent-ils, si tant est qu'ils collaborent? Quand vous ne menez pas des enquêtes fiscales, au sens strict du mot, comment travaillez-vous avec les personnes qui constatent qu'une infraction fiscale est le résultat de toute la collusion faisant l'objet de leur enquête? Comment travaillez-vous ensemble?
(1025)
    À vrai dire, du point de vue de l'application de la loi, nous travaillons en étroite collaboration avec le Bureau de la concurrence, et cette collaboration peut prendre différentes formes. Dans une situation comme celle-ci toutefois, il faut de toute évidence mener une enquête sur la fraude commise, ce que nous faisons régulièrement avec les forces policières québécoises, que ce soit la Sûreté du Québec ou la police de Montréal qui, par ailleurs, mènent aussi beaucoup d'enquêtes de leur côté.
    L'information peut nous être acheminée de ces organismes si elle concerne une activité possiblement frauduleuse. Nous pouvons enquêter avec eux. Pour ce qui est de la fraude utilisant le marketing de masse, par exemple, des membres du Bureau de la concurrence travaillent dans certains de nos bureaux responsables des crimes commerciaux. Nous faisons ce genre d'échanges.
    L'un des principaux centres d'intérêt du Bureau de la concurrence est précisément les fraudeurs utilisant le marketing de masse pour commettre leurs méfaits. C'est également un des principaux centres d'intérêt de la GRC. Par exemple, nous avons récemment collaboré avec le Bureau de la concurrence à l'élaboration d'une stratégie nationale de lutte contre la fraude utilisant le marketing de masse fondée sur l'application de loi, l'éducation et la prévention.
    M. Thomas Mulcair: Un des...
    M. Thomas Mulcair: ... meilleurs exemples qui montrent toutes les forces...
    Le vice-président (M. Massimo Pacetti): Merci, monsieur Mulcair.
    M. Thomas Mulcair: ... à l'oeuvre a été quand...
    Le vice-président (M. Massimo Pacetti): Merci, merci. Vous avez largement dépassé le temps qui vous était accordé.
    Je ne dispose donc pas de mes cinq minutes à la Pacetti?
    Non, vous avez largement dépassé ces cinq minutes; vous avez parlé 5 minutes, 40 secondes. Merci.
    Merci, monsieur White.
    Monsieur Brison, vous avez la parole pour cinq minutes.
    M. Thomas Mulcair: Les cinq minutes à la Pacetti sont comme les 15 minutes de gloire d'Andy Warhol.
    Le vice-président (M. Massimo Pacetti): Peut-être que vous avez eu l'impression de n'avoir parlé que durant deux minutes, mais j'ai plutôt eu l'impression que votre intervention en a duré dix, si vous voulez mon avis.
    Des voix: Oh, Oh!
    Parce qu'elles mettent en évidence toute vos lacunes. D'accord.
    Le vice-président (M. Massimo Pacetti): C'est vrai. Oui. Mon Dieu!
    Des voix: Oh, Oh!
    Le vice-président (M. Massimo Pacetti): Allez-y Scott.
    Vous avez dit plus tôt que le G8 était une tribune multilatérale qui permettait de traiter certaines de ces questions. Le G20 a-t-il évolué?
    Je suppose que la question serait la suivante: pourquoi le G20 n'est-il pas devenu davantage essentiel, compte tenu du rôle qu'il a joué après la crise financière? De fait, si on remonte à l'époque où Paul Martin était ministre des Finances, à l'époque où le G20 est né et où son importance s'est accrue, peut-on dire que celui-ci représente la prochaine étape? Qu'est-ce qui se passe pour faciliter ce processus?
    Du point de vue de l'application de la loi, c'est possible. Je ne suis pas au fait de l'existence d'aucun groupe d'application de la loi relevant du G20. Je ne connais que ceux qui relèvent du G8.
    Pour le moment, je pense que la communauté du G20 est largement représentée au sein du G8 et de tout l'éventail des groupes de travail sur l'application de la loi qui relèvent du Groupe d'action financière, et qu'elle y est active. Il s'agit de savoir s'il est possible de faire évoluer la situation dans le cadre du G20, par exemple en y créant un groupe de travail sur l'application de la loi. On pourrait sans doute examiner la question et renforcer le groupe de travail du G8 sur l'application de la loi.
    Je ne vous demande pas nécessairement votre avis sur une proposition précise. En théorie, est-ce que l'idée d'établir une collaboration équivalente avec des organismes d'application de la loi dans le cadre du G20 serait sensée?
    Absolument. Je pense que tout ce qui permettrait d'améliorer ou d'accroître la coopération internationale en matière d'application de la loi pourrait donner des résultats très positifs.
    La raison pour laquelle j'axe mes questions sur l'aspect multilatéral, c'est que, si un pays réussit particulièrement bien à mettre un frein à ce genre d'activités, ceux qui les pratiquent peuvent tout simplement se relocaliser dans un autre pays. Selon moi, à long terme, il faudra absolument que, pour être efficaces, les mesures soient prises de manière concertée et multilatérale.
    Parmi les pays qui, selon vous, offrent aux gens comme vous les meilleurs modèles de pratiques sur le plan des ressources et des protocoles, lesquels ont mis en place des pratiques exemplaires particulièrement bonnes desquelles on devrait tirer parti?
(1030)
    Du point de vue de l'application de la loi relative aux crimes financiers, les pays avec lesquels nous travaillons régulièrement, soit les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ont ce que j'appelle des vues similaires. Nos façons de faire et nos méthodes d'enquête se ressemblent beaucoup. Nous procédons également à de très bons échanges de pratiques et de renseignements.
    Qu'en est-il des pays d'Amérique latine? Un pays latino-américain en particulier se démarque-t-il des autres?
    Je ne sais pas trop. Je n'ai pas eu les pays d'Amérique latine sous la loupe au cours des dernières années. Une bonne collaboration existe dans toute l'Amérique latine.
    La GRC a mis en oeuvre un programme d'agents de liaison avec l'étranger. Nous avons des bureaux de liaison dans quelques pays d'Amérique latine, soit au Brésil, en Colombie et au Venezuela, et ils s'occupent de tout le continent. Je sais que notre collaboration avec ces pays est assez bonne.
    L'hon. Scott Brison: Je vous remercie.
    Je vous remercie, monsieur Brison.

[Français]

    Monsieur Carrier, vous disposez de cinq minutes, s'il vous plaît.
    Je vais partager mon temps de parole avec mon collègue, s'il en reste un peu après mon intervention.
    J'adresse ma question à M. Meunier. Une chose m'a intrigué. M. Rosen, un expert fiscaliste, est venu témoigner ici. Il nous a dit, entre autres choses, que les nouvelles normes comptables sont des normes internationales d'information financière qui sont en vigueur depuis l'année dernière. Elles ont remplacé les normes qu'on trouvait précédemment dans les rapports des entreprises qui doivent produire un rapport public. Il considère que c'est un retour en arrière de 50 ans, que cela permet aux entreprises de cacher beaucoup d'information. J'ai été surpris d'apprendre cela, car il blâmait les parlementaires d'avoir laissé passer tout cela.
    Étant donné que vous êtes directement dans ce domaine, avez-vous une opinion sur ce sujet? Cela m'intrigue.
    Nous sommes très indirectement liés à cette question. Ce n'est pas une question qui nous préoccupe, parce que ce sont les entités déclarantes, nommément les banques, les caisses populaires et d'autres institutions financières, qui sont nos sources d'information. Elles doivent nous rapporter des déclarations d'opérations douteuses et sont obligées de nous envoyer des déclarations lorsque le seuil est dépassé ou qu'il y a des télévirements. Nous n'avons jamais accès aux livres et aux registres de ces compagnies. Nous recevons donc les informations des banques et si elles, durant la revue de prêts, d'hypothèques ou autres, mettent la main sur ce type de renseignements et que cela soulève un doute, elles nous envoient des rapports là-dessus. Nous sommes dons très indirectement liés à cette question.
    D'accord. Je vais poser tout de suite une autre question, puisque notre temps est tellement compté qu'il faut faire vite.
    Sur la liste que la Banque HSBC a fournie des contribuables qui ont des comptes en Suisse, on trouvait les noms de 1 800 contribuables canadiens. C'était à la fin de l'année dernière, ce qui correspondait justement au début de votre responsabilité élargie relativement à l'évasion fiscale. Avez-vous eu le mandat d'étudier cette liste, étant donné que c'est une clientèle ciblée au départ et dont il faut faire l'analyse?
    Vous savez que, conformément à la loi, je ne peux pas commenter les cas spécifiques. Il faudrait donc que je généralise.
    Oui, vous pouvez parler de cela en général. Je veux seulement savoir si vous vous penchez sur cette liste. Dans le public, on s'inquiète de ça. On se demande ce que le gouvernement a fait par rapport à ces clients qui ont été connus tout à coup.
    Prenons le cas où l'Agence du revenu du Canada ou d'autres sources nous fourniraient des informations à cet égard et que notre analyse nous permettrait justement de détecter du blanchiment d'argent, ce qui est notre raison d'être. Si, par la suite, nous pouvons en conclure que nous avons un motif raisonnable de soupçonner qu'il y a évasion fiscale, nous faisons une analyse et divulguons tout cela à l'Agence du revenu du Canada.
(1035)
    C'est donc dire que vous n'en faites pas l'analyse particulière. C'est l'Agence du revenu du Canada qui s'en occupe.
    Il faudrait recevoir les informations. Ça nous prend des noms, des adresses, etc.
    En tout cas, je croyais que ça faisait partie de votre mandat.
    Je vais laisser à mon collègue le peu de temps qu'il me reste.
    Oui, je veux profiter de votre légendaire...
    Au cours des deux heures, on n'a jamais parlé des relations que vous pourriez avoir avec le ministère du Revenu du Québec ou la Sûreté du Québec. La perception fiscale au Québec est différente de celle ailleurs au Canada. Avez-vous des relations avec les agences du Québec? Faites-vous rapport au ministère du Revenu, qui va devenir l'Agence du revenu du Québec le 1er avril?
    Nous n'avons pas le droit de divulguer de l'information à l'Agence du revenu du Québec. Notre loi ne nous le permet pas. Nous faisons beaucoup de divulgations à la Sûreté du Québec, par contre.
    Pour ce qui est de la GRC, avez-vous des relations avec le ministère du Revenu ou la Sûreté du Québec?

[Traduction]

    Que je sache, nous n'entretenons aucun lien direct avec l'agence du revenu du Québec, et si c'était le cas, ce serait par l'intermédiaire de la Sûreté du Québec.
    J'aimerais souligner que nous entretenons d'excellentes relations avec la Sûreté du Québec dans le cadre de tous les programmes sur la criminalité financière, que ce soit les programmes intégrés des produits de la criminalité et du blanchiment d'argent, le programme de délits commerciaux ou le programme des équipes intégrées de la police des marchés financiers. Dans toutes ces unités, des membres de la Sûreté du Québec travaillent avec nous, dans nos bureaux. Nos liens sont très solides.

[Français]

    Merci, monsieur Paillé.
    Monsieur Allen, vous disposez de cinq minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur le président. Et merci à nos témoins d'être ici.
    Voilà un sujet fascinant. J'aurais bien aimé prendre part aux autres réunions du comité sur le sujet.
    Dans votre rapport, monsieur Meunier, vous parlez de programmes informatiques de pointe et d'analystes hautement qualifiés. M. Brison y a déjà fait allusion quand il racontait que des employés de bureau mettaient au point des instruments financiers complexes destinés aux transactions monétaires quotidiennes.
    Je poserai également la question à la GRC. Quel genre d'investissements réalisez-vous chaque année en vue d'assurer le fonctionnement de ces systèmes? Ayant travaillé un peu dans les TI dans le domaine financier, je sais qu'il n'est pas facile de se maintenir à jour. Pouvez-vous nous parler un peu des investissements que vous effectuez chaque année pour y arriver? Quelles sont les tendances? Quelle formation vos employés reçoivent-ils chaque année?
    Une grande partie du budget de CANAFE vise à maintenir les technologies de l'information au niveau voulu. Certains de nos analystes chargés des dossiers liés au blanchiment d'argent ont pour fonction unique de se tenir au courant des nouvelles technologies pouvant servir à blanchir de l'argent et des nouveaux modes de paiement. De quoi voulez-vous que je vous parle, de l'interne ou des nouveaux modes de paiement qui pourraient servir au blanchiment d'argent?
    Des deux, parce que l'un influe sur l'autre. Vous devez apporter des changements internes à vos systèmes pour qu'ils correspondent à la réalité sur les marchés externes.
    Nous avons adopté un plan permanent de remplacement de notre matériel et nous mettons constamment à jour les outils analytiques, entre autres. Nous utilisons des graphiques pour décrire les divers liens. Je pourrais vous apporter un graphique de tous les liens qui existent entre les gens placés sous enquête. Cela demande beaucoup d'imagination à nos analystes. Nous mettons régulièrement ces graphiques à jour.
    Nous mettons constamment à jour nos systèmes. Il y a un an et demi, dans la foulée du projet de loi C-25, nous avons ajouté de nouvelles déclarations relatives aux déboursements de casinos. Nous avons dû mettre à jour nos systèmes pour pouvoir recevoir ces nouvelles déclarations. Nous modernisons constamment nos systèmes, ce qui représente plus de 60 p. 100 de notre budget.
    Vous avez fait allusion à des graphiques, monsieur Meunier. Pourriez-vous les envoyer au comité?
    Oui, nous les avons présentés à différents comités et nous serions heureux de vous les faire parvenir.
    Monsieur Allen.
    Réalise-t-on des investissements semblables à la GRC?
    Je ne peux pas vous dire quel pourcentage de notre budget est consacré à l'informatique. Notre organisation compte plus de 30 000 employés. Nos systèmes informatiques sont donc bien développés. Nous avons mis en place le Système d'incidents et de rapports de police et nous gérons le Centre d'information de la police canadienne au nom de tous les corps policiers canadiens. Il s'agit de systèmes de grande envergure qui requièrent beaucoup de ressources pour être à jour. En ce qui concerne les crimes financiers, l'initiative Signalement en direct des délits économiques permet aux Canadiens d'un peu partout au pays de signaler en ligne des activités frauduleuses.
    Nous sommes constamment à l'affût de nouvelles technologies. De nouveaux logiciels peuvent nous aider à améliorer nos analyses. Dans le cas des activités frauduleuses, dont le volume est très élevé, plus nous pourrons en faire grâce à l'analyse automatique de renseignements, plus efficace nous deviendrons.
(1040)
    Monsieur Meunier, vous avez parlé des opérations des casinos et des changements apportés à votre système. Bien que vous ayez précisé qu'on ne parlait pas uniquement des banques et des casinos, quel pourcentage approximatif des opérations qu'on vous signale tous les jours concernent les banques, les casinos ou les caisses populaires? Pouvez-vous les répartir par catégorie?
    Je n'ai pas de chiffres exacts. Je peux probablement les fournir au comité. Pour vous donner un ordre de grandeur, je dirais que près de 5 p. 100 des opérations signalées concernent les casinos. Mais il ne s'agit là que d'une approximation. Je fournirai au comité des statistiques.
    J'essaie de comprendre ce qui se passe dans les banques et les institutions financières canadiennes. Disposent-elles d'une marge de manoeuvre pour décider si une opération est douteuse ou non?
    La décision leur appartient en entier. Nous leur avons donné des lignes directrices. Mais dès lors qu'elles jugent qu'une opération est douteuse, elles sont tenues par la loi de nous le faire savoir.
    Les sociétés émettrices de cartes de crédit sont-elles tenues elles aussi de signaler les opérations de 10 000 $ et plus?
    Non, les sociétés émettrices de cartes de crédit ne sont pas des entités déclarantes en soi. Mais un grand nombre d'institutions financières, comme les banques, émettent des cartes de crédit. Dans la mesure où elles relèvent d'une autre catégorie d'entités déclarantes, elles sont assujetties à la loi. Si elles ne font qu'émettre des cartes de crédit, elles ne sont pas des entités déclarantes.
    Avant que nous levions la séance, je reviens à M. Rudderham. Le 22 mars, nous recevrons des représentants de corps policiers, et si jamais vous souhaitez être présent, vous êtes le bienvenu. Je ne pense pas qu'il y ait des objections. La réunion se tiendra à huis clos, et vous y êtes invité. Je pense que nous recevrons des représentants des services policiers du Manitoba, de la Colombie-Britannique et de l'Ontario. Vous êtes le bienvenu. Est-ce que tout le monde est d'accord?
    Des voix: D'accord.
    Le vice-président (M. Massimo Pacetti): Je vous remercie tous. Vous avez été très sages et vous vous êtes bien comportés. À jeudi donc.
    La date de la prochaine réunion vous sera communiquée plus tard. La séance est levée.
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