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ACVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des anciens combattants


NUMÉRO 047 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 22 octobre 2012

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bonjour à tous.
    J'aimerais d'abord demander aux membres du comité de noter que nous examinerons les travaux du comité à la fin de la séance mercredi.
    Oui.
    J'aimerais remercier tous nos témoins de leur présence. Nous avons deux sessions bien chargées.
    Nous poursuivons l'examen du Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Nos premiers témoins aujourd'hui sont Anthony Saez, directeur exécutif et chef avocat-conseil des pensions, Bureau de services juridiques des pensions; ainsi que Charles Keliher, directeur, Appels et questions juridiques, Bureau de services juridiques des pensions.
    Messieurs, je pense que vous comprenez que nous commençons par une déclaration d'environ 10 minutes. Sentez-vous libres de présenter les personnes qui vous accompagnent. Nous passerons ensuite aux questions des membres du comité.
    Merci de votre présence. Si vous êtes prêts, nous allons commencer.

[Français]

    Je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui.

[Traduction]

    Je le répète, je m'appelle Anthony Saez. Je suis le directeur exécutif et le chef avocat-conseil des pensions du Bureau de services juridiques des pensions. Je suis accompagné de Charles Keliher, le directeur des appels et des questions juridiques. En fait, c'est notre avocat en chef.
    Je crois que nous vous avons distribué de la documentation. Je vais m'en servir comme guide général, et nous vous la laisserons.
    Le Bureau de services juridiques des pensions est un organisme unique. Il fournit des avis juridiques et du soutien aux anciens combattants, aux membres de la Gendarmerie royale du Canada, aux marins marchands et aux membres de la famille admissibles qui souhaitent ou pensent faire appel d'une décision du ministère liée à l'invalidité ou à la pension.
    Le bureau compte 32 avocats qui travaillent dans 14 bureaux situés partout au pays; il y en a donc dans la plupart des provinces. La majorité de nos bureaux sont situés près de grandes bases et dans des régions où vivent un grand nombre d'anciens combattants à la retraite. Voilà pour notre emplacement géographique.
    Maintenant, voici ce que nous faisons: l'ancien combattant s'adressera à nous après avoir reçu une décision du ministère.
    En passant, je souligne que le Bureau de services juridiques des pensions représente environ 95 à 98 p. 100 des gens qui se présentent devant le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). La raison pour laquelle ils s'adressent à nous, c'est que lorsque le ministère refuse leur demande ou prend une décision qu'ils n'approuvent pas, la lettre qu'ils reçoivent les informe que s'ils pensent faire appel de la décision, les avocats du Bureau de services juridiques des pensions sont à leur disposition. Habituellement, le bureau est leur premier arrêt.
    Ils viennent au bureau et il disent à l'un de nos avocats qu'ils ne sont pas satisfaits de la décision du ministère. À ce point-là, nous étudions tout le dossier pour en comprendre les raisons. Puis, nous nous assoyons avec l'ancien combattant ou le membre de la GRC et nous examinons la décision avec lui.
    Normalement, à ce point-là, nous offrons des conseils. Nous dirons peut-être au demandeur que nous pensons que son dossier est très fort et qu'il y a de bonnes chances que le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) annule la décision. Ou nous lui dirons que selon nous, il n'y a pas grand-chose à faire. Une autre chose que nous faisons souvent, c'est dire au demandeur que nous avons remarqué que la raison pour laquelle leur demande a été refusée est qu'il leur manquait un certain élément de preuve ou que quelque chose avait été omis; dans ce cas, nous pouvons normalement les aider. Nous leur offririons de les aider à obtenir l'élément de preuve et à l'envoyer au ministère, plutôt que de se présenter devant le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). La plupart du temps, cela suffit; dans ces cas-là, la personne n'a pas à passer par le processus du TACRA.
    À la page 5 de la documentation se trouve le tableau des demandes traitées par année. En moyenne, nous examinons environ 12 000 dossiers par année. Le plus grand pourcentage va au nombre de demandes traitées, qui est d'environ 7 000 à 7 500.
    Nous avons aussi environ 5 000 demandes que nous appelons « déconseillées ». Ces demandes sont celles dans le cas desquelles l'ancien combattant nous demande d'étudier la décision du ministère, et nous nous fondons sur notre examen et sur notre expérience pour lui dire qu'il n'y a pas grand-chose à faire.
    Au final, en vertu de la loi, c'est l'ancien combattant qui décide soit de faire appel au Tribunal des anciens combattants (révision et appel), soit de ne pas aller de l'avant parce que ses chances de succès sont faibles.
    Au total, nous traitons de 12 000 à 13 000 demandes par année.
    Ce que le bureau a à offrir aux anciens combattants, au-delà de ses services, c'est une analyse approfondie de leur dossier.

  (1535)  

    Quand le ministère même prend une décision sur une demande étrangère, il peut parfois la refuser parce qu'elle est fondée strictement sur le dossier fourni par l'ancien combattant. Très souvent, la demande nécessite une analyse beaucoup plus fine que ce qui peut être fait en première instance. Ainsi, si le ministère rejette la demande et le demandeur s'adresse à nous, le bureau a l'expertise nécessaire pour examiner le dossier de très près, en tenant compte non seulement des éléments de preuve, mais aussi de la loi.
    C'est un point important. Le bureau offre une analyse beaucoup plus détaillée à l'ancien combattant. Nous l'aidons également à coordonner le rassemblement des éléments de preuve, ce qu'il n'a peut-être pas fait la première fois.
    Pour l'analyse finale, ce que le bureau offre, c'est 32 avocats qui connaissent probablement mieux la Loi sur les pensions que la plupart des employés du ministère ou même du gouvernement parce que leur travail est centré sur cette mesure législative. Ils en ont donc une connaissance approfondie.
    Je crois que c'est tout ce que je voulais dire pour la déclaration préliminaire, à moins que mon collègue ait quelque chose à ajouter.
    Merci, monsieur Saez. Je vais maintenant donner la parole à notre prochain témoin.
    Il s'agit de M. James Ogilvy, directeur général du Conseil des tribunaux administratifs canadiens.
    Bienvenue, monsieur Ogilvy. Nous sommes prêts à entendre votre déclaration.
    Je pense que j'ai été convoqué pour des raisons un peu différentes que la plupart de vos autres témoins parce que je ne connais pas particulièrement bien le TACRA. J'aimerais présenter des observations générales sur les tribunaux, sur ce que l'on peut s'attendre d'eux, après quoi les questions pourront servir pour approfondir des aspects particuliers.
    Je vous ai fourni un court article. Je vais sauter la première page parce qu'elle décrit simplement mon parcours et le CTAC, l'organisation que je représente. J'aimerais toutefois présenter le reste du document et souligner quelques points, quatre en particulier. Mais avant, je tiens à m'excuser pour la première page des principes et de l'annexe, la page 5. Pour une raison quelconque, dans la version anglaise, le point 6 a été séparé en deux. Lorsque je parle du point 7, c'est celui qui porte le numéro 8 dans le document anglais, je crois.
    Le premier point que j'aimerais aborder est celui de l'expertise. Les tribunaux ne jouent pas le même rôle que les cours dans l'administration de la justice. Il est attendu que les membres d'un tribunal soient spécialisés dans le domaine visé par le mandat du tribunal. Leurs compétences en droit sont secondaires. Même si, bien sûr, le cadre dans lequel ils travaillent est juridique et législatif, leurs compétences principales doivent concerner les domaines liés aux sujets traités.
    Souvent, les membres des tribunaux ne sont pas avocats. Je pense qu'il en est ainsi dans le cas du TACRA, comme de bien d'autres tribunaux. On le comprend dans la façon dont les cours supérieures voient les tribunaux. On estime normalement qu'il y a deux normes de révision. La première concerne la recherche des faits, et ce dans les domaines dont relèvent les éléments de preuve, et l'autre a trait aux questions de droit.
    Pour la recherche des faits, les cours s'en remettent habituellement aux tribunaux, qu'elles considèrent comme les spécialistes du domaine; elles n'interviennent pas dans leurs décisions sur ce plan. Là où la cour supérieure exprimera son désaccord, normalement, c'est par rapport à la manière dont l'audience a été menée, ce qu'elle considère comme l'équité, et à la façon dont le tribunal a interprété la loi. La norme de révision pour les affaires juridiques repose sur le bien-fondé.
    Les tribunaux sont formés pour jouer un rôle spécial. Une fois le tribunal établi, l'une des questions principales — c'est le deuxième point que j'aimerais aborder — touche l'équité et l'éthique. L'équité peut être liée à l'impartialité. L'éthique concerne la manière dont les membres du tribunal traitent les témoins et les avocats, ainsi que leurs collègues de travail. Il ne faut pas oublier que la règle de justice naturelle est primordiale et qu'elle régit tous les tribunaux. Simplement, la règle de justice naturelle est le droit d'être entendu par un décideur impartial. Elle comprend deux éléments: le droit d'être entendu et le droit que ce soit par un décideur impartial.
    Les questions d'éthique occupent une plus grande place dans les tribunaux qu'on pourrait le penser. Ce n'est pas juste un ajout ou un accessoire; c'est quelque chose qui doit être présent d'un bout à l'autre du processus. Les demandeurs et les membres des tribunaux doivent se traiter les uns les autres avec respect.

  (1540)  

    Le respect est mutuel, bien sûr, ou réciproque, comme il se doit de l'être. Avant l'audience, il est utile que le tribunal fournisse des renseignements sur la façon dont il fonctionne. Durant l'audience, le processus doit être perçu comme étant juste et équilibré.
    La descente dans l'aréna pose parfois problème. Les membres du tribunal ne doivent pas prendre parti et commencer à se disputer avec les témoins ou les avocats. Tous les tribunaux doivent maintenir une certaine distance. Je parle ici des principes généraux qui régissent la conduite des tribunaux.
    Le troisième point est la transparence. Il y a de nombreuses façons d'assurer la transparence. À la fin du processus, la meilleure façon de le faire, c'est en publiant les résultats de toutes les audiences. Bien sûr, lorsque les affaires traitées par le tribunal concernent des personnes, comme dans le cas du TACRA, les résultats doivent être dépersonnalisés. Malgré tout, pour les chercheurs et pour les personnes qui auront des dossiers similaires dans l'avenir, il vaut certainement la peine d'afficher les décisions sur le site Web ou ailleurs. De nos jours, normalement, c'est fait au moyen du site Web.
    Par rapport à cela, j'aimerais parler de la relation entre le tribunal et sa clientèle. La clientèle d'un tribunal n'est pas une seule personne; ce n'est pas la personne qui se présente devant lui. Le tribunal a bel et bien une relation avec elle puisqu'il prend une décision qui la touche, mais il a aussi une relation avec l'ensemble de la collectivité que la personne ou l'organisation représente ou dont elle fait partie.
    Cette notion est liée à la transparence. Lorsqu'une personne se présente devant un tribunal et qu'elle est la seule à connaître la décision arrêtée, les besoins de la collectivité ne sont pas satisfaits; seuls ses besoins à elle le sont. Afin d'obtenir les meilleurs résultats possible, il faut absolument maintenir la transparence. Cela se rapporte aussi à la consultation. Lorsque nous donnons de la formation, nous soulignons toujours le fait que les décisions doivent être prises en fonction des preuves présentées.
    Par exemple, quand l'affaire concerne les relations de travail, il ne convient pas qu'un membre du tribunal sorte pour appeler son cousin parce qu'il connaît certaines choses sur le secteur du déneigement. Le cousin n'a pas son mot à dire. Il en va de même pour tous les spécialistes, comme les experts en médecine et les juristes. Toute consultation devrait être faite ouvertement, et si des renseignements sont tirés d'autres sources que les témoins ou les demandeurs, ces sources devraient être incluses dans le processus de manière transparente.

  (1545)  

    Enfin, je vais parler de l'indépendance. C'est mon quatrième point. Les membres des tribunaux sont nommés par les gouvernements fédéral, provinciaux et même municipaux dans de nombreux cas. La durée des mandats varie considérablement. Quand ils sont courts, les membres ont tendance à être constamment à l'affût de ce qui leur donnera les meilleures chances de faire reconduire leur mandat. C'est le dire crûment, mais il y a une part de vérité dans cette affirmation.
    L'indépendance des tribunaux et des membres des tribunaux dépend fortement de la sécurité de l'emploi. Les membres des tribunaux et les tribunaux mêmes devraient se faire un devoir d'opérer de manière indépendante, sans se soucier de ce que d'autres penseront de leurs décisions. Tant que les décisions sont prises de façon adéquate et sont fondées sur les preuves, il devrait être fort probable qu'elles soient maintenues.
    Pour revenir brièvement à la question des décisions, j'ai dit que les décisions devaient être prises en fonction des preuves présentées. Bien sûr, ces preuves peuvent être des faits connus de tous; elles ne se limitent pas aux témoignages présentés durant l'audience. Les cours supérieures, jusqu'à la Cour suprême, ont rendu très clair le fait que les décisions doivent être expliquées. Une décision doit être appuyée sur des motifs convaincants. Franchement, les motifs sont le dada des cours supérieures, et elles annulent souvent des décisions qui ne sont pas fondées sur des motifs justes.
    Pour intégrer le tout, quand je parlais de la clientèle, j'ai dit qu'elle n'était pas formée uniquement de la personne qui se présente devant le tribunal, mais aussi de l'ensemble de la collectivité. Les intérêts de la clientèle sont le mieux servis non seulement quand les décisions sont rendues publiques ou accessibles d'une façon quelconque, mais aussi quand les motifs sont donnés, sont justes et mènent incontestablement à une décision précise.
    Voilà quelques points. Puisque je ne connais pas particulièrement bien le TACRA, j'ai fait, je l'admets, des remarques superficielles fondées sur ma lecture du site Web, mais je pense que c'est tout ce que j'ai à dire pour ma déclaration préliminaire. Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous.

  (1550)  

    Merci beaucoup, monsieur Ogilvy.
    Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité.
    Monsieur Stoffer, nous allons commencer par vous, s'il vous plaît. Vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous de votre présence, messieurs.
    Charles, je vais commencer par vous. Vous dites qu'en moyenne, le total de demandes traitées et déconseillées est de 12 673. Est-ce exact?
    Le TACRA lui-même affirme qu'en 2011-2012, il s'est prononcé sur 3 636 révisions et quelque 1 072 appels, pour un total d'environ 5 000 demandes. De votre côté, vous avez traité plus de 12 000 demandes.
    C'est exact.
    Pouvez-vous nous expliquer d'où vient la différence?
    Certainement. Si vous regardez la colonne des demandes traitées et vous arrondissez, vous verrez que les données que le TACRA vous a fournies totalisent environ 5 000. Les nôtres totalisent environ 7 000. Nous faisons également environ 2 000 examens ministériels par année — M. Saez en a parlé —; ce sont les cas dans lesquels nous ne nous adressons pas au TACRA et nous renvoyons le dossier au ministère. Cela explique la différence dans les données. Nous présentons environ 5 000 demandes au TACRA et nous en renvoyons 2 000 au ministère, d'où notre total de 7 000.
    Les demandes déconseillées — 5 000 — ne se rendent pas au TACRA; elles ne seraient donc pas incluses dans ses statistiques. Nous les comptons parce qu'elles font partie de notre travail et, naturellement, quand nous avons besoin de fonds et de ressources humaines, nous devons montrer ce que nous faisons.
    Comme vous le savez, notre service est gratuit. Les clients nous consultent après qu'ils ont reçu une décision du ministère, pas nécessairement parce qu'ils pensent que la décision est mauvaise ou injuste, mais parce que nous sommes là. Nous offrons un service. Nous examinerons leur décision et nous leur donnerons des conseils et notre avis.
    Comme quiconque qui engage un avocat, ces personnes nous demandent des conseils pour savoir si elles devraient s'adresser au tribunal ou passer à la prochaine instance ou quoi que ce soit. Dans 5 000 cas — le nombre de demandes déconseillées —, les gens se sont adressés à nous et nous leur avons conseillé de ne pas poursuivre leurs démarches. Je pense que cela explique la différence dans les données.
    Merci.
    J'aimerais apporter une petite correction. Vous avez raison quand vous dites que le service ne coûte rien à l'ancien combattant qui dépose la demande, mais il coûte quelque chose au contribuable. Votre service n'est pas gratuit. Je n'ai jamais entendu parler d'un avocat qui travaillait gratuitement pour bien plus longtemps que cela. Ce n'est qu'un petit jeu de mots.
    Oui, en effet.
    Il y a aussi deux autres préoccupations. La première concerne le bénéfice du doute. Nous en entendons beaucoup parler. Certains de vos collègues de partout au pays nous ont dit que le bénéfice du doute, dans tous les sens et à toutes fins, ne vaut rien. Cela contrarie de nombreux anciens combattants qui croient avoir les éléments de preuve nécessaires. Un exemple est Ken Whitehead de la Nouvelle-Écosse, qui m'a autorisé à le nommer. Il a accumulé 3 660 heures de vol en tant que navigateur du Sea King et 4 000 heures de vibration en vol. Il a été diagnostiqué par l'ancienne capitaine de corvette Heather MacKinnon, que vous connaissez sûrement. Elle était médecin de l'air et elle a servi dans l'armée pendant plus de 20 ans.
    La première réponse était qu'il était navigateur dans un navire. C'est faux: il était navigateur dans un hélicoptère. Ensuite, pour reprendre l'expression du TACRA, les preuves médicales de Dre MacKinnon n'étaient « pas suffisamment crédibles ». Quand vous recevez ce genre de renseignements, que faites-vous? Je sais que vous ne pouvez pas vous prononcer sur une demande en particulier, mais c'est un exemple parmi tant d'autres de dossiers que j'ai reçus au fil des ans. Les anciens combattants sont très mécontents parce que tout le monde sait que si vous êtes penché dans un hélicoptère pendant 3 600 heures, vous allez avoir des maux de dos. Tout le monde le sait. Ce n'est pas sorcier. Pas besoin d'un médecin de l'air pour vous le dire. Pourtant, le TACRA a rejeté la demande en disant que ses preuves médicales n'étaient pas suffisamment crédibles. Je sais que les situations de ce genre contrarient beaucoup les avocats du BSJP parce qu'elles se produisent tout le temps.
    Ma dernière question, avant que notre merveilleux président m'interrompe, porte sur les situations dans lesquelles le bénéfice du doute n'est pas appliqué.
    Je pense que vous avez dit vous-même, Anthony, que les gens peuvent s'adresser à vous, et s'il leur manque des renseignements, vous les conseillerez sur la marche à suivre. En réalité, les travailleurs de première ligne ne devraient-ils pas faire cela? Ils devraient dire aux gens ce qu'il leur faut au moment de déposer leur demande. À la place, les demandeurs doivent vous demander des conseils juridiques — sans frais, remarquez, mais pas pour les contribuables — pour savoir qu'ils ont besoin de ces renseignements. Il faut beaucoup de temps avant que le dossier vous parvienne. Ne serait-il pas mieux que les travailleurs de première ligne disent à M. George ou à quiconque demande des prestations ce qu'il leur faut, plutôt que d'avoir à passer par vous? Ne serait-il pas préférable et plus rapide pour l'ancien combattant de procéder ainsi? Je vais m'arrêter là.

  (1555)  

    Comme il ne vous a pas donné le temps de répondre durant son temps de parole...
    D'accord, la prochaine fois.
    ... je vais vous permettre de répondre si vous pouvez dire brièvement oui ou non. Sinon, nous devons passer à la prochaine intervenante.
    Cela fait déjà cinq minutes?
    Oui, vous avez pris plus de cinq minutes.
    Voulez-vous répondre brièvement aux questions avec un oui ou un non?
    Sur le bénéfice du doute, oui, nous sommes d'accord, c'est parfois contrariant, mais je peux dire que d'autres fois, nous sommes aussi agréablement surpris. Cela dépend de la conclusion: des fois on gagne, des fois on perd. Parfois, nous sommes surpris que le principe n'ait pas été appliqué comme nous pensons qu'il aurait dû l'être. Parfois, nous sommes agréablement surpris que les démarches aient fonctionné.
    Sur la preuve et les premières lignes, j'ai abordé la question très brièvement dans ma déclaration. Je vais essayer de vous l'expliquer très rapidement. La première étape du processus du ministère n'est pas conçue pour attraper tous les détails pour tous les dossiers. Si la première étape était extrêmement rigoureuse, il faudrait un niveau de compétence si élevé, ainsi qu'un processus de révision si long et si coûteux que le système ne fonctionnerait probablement pas. Dans la plupart des cas, la majorité des renseignements requis sont inclus dans la demande initiale. En fait, je pense que le ministère approuve environ 70 p. 100 des demandes à la première étape du processus.
    Quand nous intervenons à l'étape suivante, c'est pour les dossiers plus compliqués, les cas dans lesquels le travailleur de première ligne, un arbitre, ne peut pas entrer dans les détails juridiques. C'est là que nous intervenons pour offrir notre expertise: un avocat étudie le dossier d'un point de vue juridique et essaie de le faire avancer. Pour fournir un examen aussi minutieux dès la première étape, il faudrait beaucoup plus de ressources.
    Merci beaucoup. Vous avez très bien réussi, compte tenu du peu de temps que vous aviez. Merci.
    Madame Adams, s'il vous plaît. Vous avez cinq minutes.
    Monsieur Keliher, monsieur Saez, beaucoup de gens nous ont parlé en bien du Bureau de services juridiques des pensions. Au nom des députés du gouvernement et probablement de ceux de l'opposition, je tiens à vous féliciter. Merci pour tout le travail que vous faites pour les anciens combattants.
    Merci.
    Le Canada est-il le seul pays qui fournit un service comme le vôtre, c'est-à-dire qui offre des conseils juridiques sans frais aux anciens combattants pour leur permettre d'obtenir une seconde opinion sur les prestations qui leur sont offertes?
    À notre connaissance, oui. Peut-être qu'il existe des services dont nous ne sommes pas au courant, mais autant que nous sachions, nous sommes les seuls. En fait, il y a quelques années, des collègues du ministère des Anciens Combattants de l'Australie sont venus visiter le bureau pour en savoir plus sur ce que nous faisons. Ils songeaient à offrir un service semblable. Nous savons qu'ils se sont adressés à nous parce que les Américains, les Britanniques et les Néo-Zélandais n'ont rien de semblable.

  (1600)  

    Je présume que les Australiens n'offrent toujours pas ce service?
    C'est exact.
    C'est plutôt remarquable. Si je pense à nos alliés, les Français ne le font pas?
    Pas à notre connaissance, non. La plupart de nos alliés occidentaux n'offrent rien du genre.
    Dans votre documentation, vous donnez le nombre de demandes traitées. De 2009 à l'année dernière, le nombre de demandes que vous avez reçues a considérablement chuté: il est passé de 8 700 à environ 6 900. Comment expliquez-vous cette tendance?
    Je vais tenter une réponse, puis Charles pourra vous donner plus de détails, s'il le veut.
    En 2009, une décision majeure a été prise par rapport à la perte auditive, et un grand nombre de dossiers concernés ont dû être réexaminés. En collaboration avec le TACRA, nous avons mis en place un processus pour nous permettre de traiter rapidement les dossiers très semblables. Je crois que nous avons reçu 800 demandes supplémentaires...
    Ou plus.
    ... ou plus. C'est pour cette raison que pour 2009-2010, le nombre est plus élevé. Si l'on enlevait les 800 ou les 1 000 demandes supplémentaires, il serait plus près des données des années suivantes.
    Nous avons introduit récemment une initiative visant l'utilisation d'un langage simple. Les prestations et la demande d'un ancien combattant feront l'objet d'un examen, et que la demande soit acceptée ou rejetée, les renseignements seront fournis à l'ancien combattant dans un langage très simple et très clair. L'ancien combattant saura exactement quel type de renseignements médicaux il devra fournir pour poursuivre les démarches.
    Le changement semble-t-il avoir une incidence sur votre travail?
    Je pense que Charles voit plus ce genre de chose au quotidien.
    L'initiative est très récente...
    Oui.
    ... et il y a peut-être un délai de deux ans entre le moment où une demande est présentée à Anciens Combattants et celui où elle aboutit sur notre bureau.
    Nous vous demanderons peut-être de revenir dans deux ans pour répondre à la question. Merci, je comprends.
    Monsieur Ogilvy, pour ajouter à votre déclaration, pouvez-nous expliquer pourquoi nous avons des tribunaux comme le TACRA? Pourquoi ne pas tout simplement augmenter le nombre de cours plutôt que d'établir des tribunaux?
    La question touche tous les tribunaux. Le but est de rendre justice d'une manière plus accessible que dans les cours. Les délais sont moins longs. Les décisions sont prises par des gens qui connaissent le domaine de la plainte.
    Normalement, les tribunaux sont chargés de s'occuper d'une seule mesure ou d'un nombre très limité de mesures législatives. Ils sont spécialisés; c'est pourquoi, de fait, les cours les appellent souvent les « tribunaux spécialisés ».
    Voulez-vous que j'en dise plus?
    Cela va.
    Je pourrais poursuivre pendant une heure.
    Merci.
    Vous êtes ici en tant qu'expert. Pouvez-vous nous éclairer sur les défis administratifs qu'un tribunal comme le TACRA peut avoir à relever?
    Un des défis, c'est que quand il y a des experts dans le domaine, la situation doit être gérée avec tact parce que la compétence et les opinions précises doivent être mises de côté. Un spécialiste d'un domaine donné peut avoir naturellement tendance à rejeter certains éléments de preuve parce qu'il en sait plus sur le sujet.
    Le but de l'expertise, c'est d'établir un langage commun, de rendre possible la communication avec les témoins ou les demandeurs et de prendre des décisions fondées sur les faits qui reconnaissent les exigences du domaine d'activité. Cela peut poser problème sur le plan administratif.
    J'ai aussi mentionné la formation dans mon court exposé. De nombreuses personnes — y compris les avocats, en fait — qui deviennent décideurs au sein d'un tribunal ne sont pas habituées à jouer ce genre de rôle. Il peut être très important de les former sur la manière de gérer le processus. C'est un autre défi administratif.

  (1605)  

    Merci.
    Merci beaucoup. Nous avons dépassé le temps qui nous était imparti.
    Monsieur Casey, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, je vous remercie de votre présence. Je suis étonné de vous voir ici; cela représente probablement une surprise pour vous aussi.
    Nous sommes ici pour étudier cette question parce qu’à la fin du mois de mars dernier, l’ombudsman des vétérans a publié un rapport plutôt détaillé et accablant, après avoir constaté le pourcentage très élevé de décisions prises par le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) qui sont annulées lorsqu’elles font l’objet d’un contrôle judiciaire. Il a déclaré ce qui suit: « je dois conclure que des améliorations s’imposent au processus décisionnel du Tribunal pour regagner la confiance des personnes qui choisissent de s’en remettre au Tribunal. »
    Ma première question s’adresse à vous deux. La semaine dernière et cette semaine, votre travail quotidien consistait, entre autres, à représenter des clients devant le tribunal, n’est-ce pas?
    Oui, c’est exact.
    Cela ne vous place-t-il pas dans une situation plutôt difficile pour ce qui est de nous prodiguer des conseils sur ce qui cloche au tribunal et sur la façon dont nous pourrions répondre aux préoccupations qui ont été soulevées dans le rapport de l’ombudsman?
    Ce que je peux vous dire, c’est qu’au bureau, nous sommes placés dans une position unique, en raison de la mesure législative qui nous a créés. Si vous jetez un coup d’oeil à la dernière diapositive, vous constaterez qu’elle indique clairement envers qui nous avons des obligations. Contrairement à la plupart des fonctionnaires dont les maîtres, si je peux m’exprimer ainsi, sont leur superviseur, le sous-ministre et le ministre, les membres du bureau sont dans une situation tout à fait particulière. Comme je l’ai mentionné plus tôt le bureau est sans équivalent dans les pays alliés du Canada. Nous avons un statut tout à fait particulier au sein du ministère des Anciens Combattants, parce que la loi indique que notre relation avec les anciens combattants est celle qui lie un avocat à son client. Nous sommes assujettis au secret professionnel dans notre relation avec les anciens combattants. À elle seule, cette situation signifie que les anciens combattants sont nos patrons, si je peux m’exprimer ainsi. Si un ancien combattant déclare ce qui suit: « Vous m’avez indiqué qu’il était peu probable que nous obtenions gain de cause, mais cela m’est égal; je veux que vous alliez de l’avant », nous allons de l’avant.
    La deuxième raison pour laquelle nous sommes différents est qu’en plus de nous préoccuper de bien servir nos patrons, les anciens combattants, nous sommes tenus de respecter une certaine norme qui dépasse celles que le ministère pourrait tenter de nous imposer, et cette norme est celle établie par les associations du barreau respectives de chacun de nos membres. Si ces derniers n’adhèrent pas aux valeurs et au code d’éthique que leur impose leur association du barreau respective, ils seront radiés. La réponse longue à votre question est que le secret professionnel qui nous lie à nos clients nous force à respecter une certaine norme et que nos associations du barreau respectives nous obligent à assumer certaines responsabilités. C’est la raison pour laquelle, j’affirme que nous connaissons nos responsabilités et que nous sommes très à l’aise dans notre rôle.
    D’accord, si vous êtes à l’aise dans votre rôle, qu’est-ce qui cloche au tribunal? Comment se fait-il que ses membres soient aussi souvent dans l’erreur? Est-ce une question de personnel, de structure? Ne comprennent-ils pas le fardeau de la preuve qu’il convient d’adopter? Pourquoi l’ombudsman des vétérans soutient-il que 60 p. 100 de leurs décisions sont annulées lorsque la Cour fédérale examine ces dossiers?
    Allez-y. J’ai le sentiment qu’il est impossible que vos observations soient candides, parce que vous et vos employés comparaîtrez de nouveau devant le tribunal la semaine prochaine et que ses membres diront: « voilà la personne qui nous a mis en pièces devant le comité ». Mais allez-y, mettez-les en pièces.
    Premièrement, je dirais que, comme vous le savez probablement, nous ne représentons pas les clients devant la Cour fédérale. Par conséquent, nous ne participons pas à ce processus. Les clients vont…
    Selon le tribunal et le client, la cour ne cesse de se tromper.
    Les clients peuvent présenter eux-mêmes leurs arguments ou faire appel à un cabinet d’avocats qui offre ses services bénévolement. Il y a de nombreux cabinets d’avocats partout au pays qui offrent gratuitement leurs services. Les clients peuvent également embaucher leur propre avocat. C’est un processus auquel nous ne participons pas. Le bureau intervient à la Cour fédérale seulement si le dossier porte sur un problème général, un problème qui touche simultanément de nombreux clients, plutôt qu’un seul.
    C’est la raison pour laquelle je dis que nous n’intervenons pas vraiment à cette échelle.

  (1610)  

    Entendrions-nous des observations plus détaillées et plus critiques si nous invitions, disons, quelqu’un qui a passé sa carrière à représenter les anciens combattants devant le tribunal, mais qui a maintenant pris sa retraite, quelqu’un qui était à votre place, il y a un an ou deux, et qui n’est pas limité par le fait qu’il doit, la semaine prochaine, retourner travailler et comparaître devant le tribunal qu’il a critiqué cette semaine?
    Je comprends vos préoccupations concernant la façon dont notre témoignage pourrait nuire à notre relation avec le tribunal. Je ne peux pas vraiment vous dire ce que quelqu’un d’autre pourrait vous révéler. Cette personne pourrait ou non vous apporter un témoignage différent.
    Merci beaucoup. C’est tout le temps que nous avions.
    Monsieur Lizon, vous disposez de cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie également les témoins de leur présence.
    Ma première question s’adresse à M. Ogilvy. Vous avez mentionné au cours de votre déclaration préliminaire qu’une décision rendue par les tribunaux devrait être fondée sur les éléments de preuve présentés. J’aimerais que vous nous fournissiez des renseignements supplémentaires sur la question du bénéfice du doute qui est pertinente à la discussion dans certains ou bon nombre de dossiers présentés au TACRA.
    Vous comprenez que je répondrai à votre question de manière générale et que je parlerai des tribunaux en général.
    Oui.
    Dans le cadre de mes observations, j’ai fait valoir qu’il était inapproprié d’avoir recours à des renseignements extrinsèques, des renseignements obtenus par d’autres moyens que ceux employés pour trouver des éléments de preuve liés à un cas précis.
    Pour en venir à la question du bénéfice du doute, je pense qu’on ne s’attend pas à ce qu’un tribunal administratif soit aussi exact qu’un tribunal civil ou pénal. En d’autres termes, nous entendons souvent parler de causes qui ont été gagnées ou perdues en raison de subtilités de la loi. Les tribunaux administratifs peuvent examiner la preuve d’une manière un peu plus décontractée que leurs équivalents civils ou pénaux, et cette règle s’applique aux tribunaux administratifs en général. Cela ne veut pas dire que les membres de ces tribunaux jugent véridique tout ce qu’un témoin déclare, mais ils ont l’occasion de peser les déclarations qu’ils ont entendues et de déterminer si elles sont raisonnables et susceptibles d’être vraies, d’appliquer le principe du bénéfice du doute à la preuve et d’accorder à l’appelant le bénéfice du doute quant aux éléments de preuve présentés.
    Leur mandat n’est pas vague, mais il est moins rigide que celui des tribunaux civils et pénaux.
    Merci.
    Comment un tribunal comme le TACRA s’assure-t-il que les décisions rendues sont uniformes à l’échelle nationale? Y a-t-il des lignes directrices ou des règles que les tribunaux, comme le TACRA, doivent suivre dans le cadre de l’exécution de leur mandat?
    Il y a des principes à suivre, comme ceux qui se rattachent à votre mandat. Il existe de nombreuses sources de principes généraux. Ils appuient l’uniformité des décisions, mais ne la garantissent pas. Je dirais que cet enjeu comporte deux éléments. Il y a deux façons de l’aborder. L’une d’elles consiste à former continuellement les membres des tribunaux qui ont une portée nationale. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié et la Commission nationale des libérations conditionnelles sont d’autres tribunaux qui ont eu le même problème. Ils exercent tous deux leurs activités à l’échelle nationale. Ils tiennent des audiences dans diverses villes et tentent de s’assurer que leurs membres suivent constamment des cours de formation.
    J’ai remarqué que le TACRA avait une unité interne de formation, ce qui est très positif. Je soutiens également que la publication de ces décisions est une étape importante. Une fois publiées, celles-ci deviennent des modèles. Il n’est pas nécessaire d’établir des précédents. Les décisions rendues par les tribunaux administratifs n’ont pas le caractère de précédent mais, habituellement, ces tribunaux constatent la façon dont ils ont jugé un cas semblable, il y a deux mois ou deux ans, et ils utilisent ces décisions comme modèle. Il s’agit donc d’un précédent de fait, et non d’un précédent qu’on leur impose.
    Il est beaucoup plus facile pour les membres d’un tribunal, les membres du public ou les appelants de déterminer les précédents qui existent si les documents pertinents sont déjà accessibles.

  (1615)  

    Merci beaucoup. C’est tout le temps dont vous disposiez.
    Nous allons maintenant passer à Mme Morin.

[Français]

    J'aimerais d'abord vous remercier de vous être déplacés aujourd'hui. Nous sommes heureux de vous recevoir.
     Mes questions vont s'adresser au représentant du Conseil des tribunaux administratifs canadiens.
    On entend souvent parler des nominations politiques et de l'ingérence du ministère au sein du tribunal. Considérez-vous que ce tribunal est complètement indépendant du ministère?
    Madame, je vais répondre en anglais, si vous me le permettez.
    Très bien.

[Traduction]

    Cela ne me pose pas de problème.

[Français]

    Merci. Je suis beaucoup plus à l'aise en anglais.
    Et moi, je suis beaucoup plus à l'aise en français, alors je vous comprends.

[Traduction]

    Marché conclu.
    Cette question est souvent soulevée relativement aux tribunaux. Rien ne garantit qu’un processus de sélection sera parfait. Mais selon l’expérience que j’ai acquise en traitant avec les tribunaux fédéraux, je dirais que l’ingérence politique est vouée à l’échec. C’était certainement le cas lorsque j’étais membre du TCCE, et je pense que c’est plus souvent le cas qu’autrement. Les tribunaux comprennent que cet élément d’indépendance doit être garanti.
    Je crois comprendre que le Cabinet procède toujours à la sélection des candidats. Il est clair que des noms peuvent être avancés. Toutefois, les processus de sélection diffèrent d’un tribunal à l’autre. Mes connaissances ne me permettent pas de parler de cette question avec compétence, parce qu’elles sont vraiment anecdotiques plutôt que générales.

[Français]

    En tant qu'organisme indépendant, avez-vous déjà proposé des changements au tribunal ou au ministère?

[Traduction]

    Je suis désolé. J’ai manqué la première partie de votre question.

[Français]

    À titre d'organisme indépendant, avez-vous proposé des changements au tribunal ou au ministère?

[Traduction]

    Nous n’avons pas recommandé des changements au TACRA ou au ministère. C’est la première fois qu’on communique avec nous au sujet de ce problème.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Lobb.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Saez, selon les chiffres que le ministère affiche sur son site Web, ses employés traitent approximativement 20 000 demandes par année. Environ 70 p. 100 d’entre elles sont approuvées du premier coup. Toutefois, chaque année, le TACRA prend en charge, à un niveau ou à un autre, à peu près 5 000 demandes. Vous avez mentionné que les membres de votre groupe s’occupaient de 2 000 demandes par année et qu’ils les renvoyaient ensuite au ministère afin qu’elles soient approuvées. Ces demandes font-elles partie des 70 p. 100 que le ministère cite?

  (1620)  

    Je crois que oui.
    En ce qui concerne ces 2 000 demandes, parlons-nous d’une IRM qui manque peut-être au dossier? Qu’est-ce qui cloche dans ces 2 000 demandes par année?
    Je vais tenter de répondre à votre question en premier, puis je céderai la parole à Charles, qui s’occupe davantage des activités.
    Les problèmes sont généralement liés à des éléments de preuves qui sont plus difficiles à trouver, soit en raison du passage du temps, soit en raison du nombre important de bases ou d’endroits où le membre a été posté, soit parce que, pour une raison quelconque, ces éléments n’ont pas été jugés importants au moment de la présentation de la première demande.
    Je vais demander à Charles d’ajouter d’autres détails.
    Êtes-vous en train de dire qu’il y a des membres qui sont venus vous consulter auparavant, avant de présenter une demande, et que leur dossier médical s’est avéré incomplet? Êtes-vous en train de dire qu’il y avait des documents manquants?
    Cela peut s’être produit dans certains cas. La conservation des dossiers médicaux s’est beaucoup améliorée au cours des dernières années, parce que les Forces canadiennes se sont appliquées davantage à préserver les documents. On peut dire sans crainte de se tromper que ses employés ont fini par reconnaître l’importance d’un dossier médical complet. Les problèmes surviennent lorsque, par exemple, un soldat s’est foulé une cheville, il y a 25 ans, en traversant un champ à la course durant un entraînement et qu’il s’est, par la suite, absenté pendant quelques jours. Comme la blessure n’était pas grave, les personnes concernées n’ont pas rempli le formulaire médical requis par les FC. Ce n’est que beaucoup plus tard que l’état de la cheville du soldat s’aggrave et qu’il réalise que le problème remonte à la blessure qu’il s’est infligée en traversant le champ à la course. Nous devons alors découvrir une façon de remonter le temps et de fournir le genre de preuves requises, étant donné que nous ne disposons pas d’un rapport médical officiel des FC. Voilà l’un des exemples que je peux vous donner. Charles pourrait probablement vous fournir plus de détails que je ne l’ai fait.
    Je vais m’efforcer de le faire assez rapidement.
    Pour qu’une demande soit approuvée, il faut essentiellement que l’invalidité soit liée au service. Ensuite, il y a le problème du passage du temps et de la compilation des dossiers qui, comme Anthony l’a mentionné, s’améliorent énormément. Je vais utiliser le service et l’aspect médical pour vous donner deux exemples du genre de demandes qui donnent lieu à ce que nous appelons des révisions ministérielles.
    Un soldat soutient qu’un certain accident a causé son invalidité. Les employés du ministère reconnaissent que l’invalidité découle bel et bien de l’accident en question, mais ne sont pas convaincus que celui-ci est lié au service du soldat. Nous aiderons donc le client à obtenir gain de cause. Si nous parvenons à trouver un rapport qui décrit les blessures, une déclaration d’un collègue qui corrobore les dires du soldat ou quoi que ce soit qui permet de répondre à la question, nous enverrons cet élément de preuve au ministère, au lieu de faire appel au TACRA. Nous leur dirons qu’en l’absence de ce document, ils ont rejeté la demande, mais que nous aimerions qu’ils réexaminent le dossier maintenant que le document est en leur possession.
    Nous faisons la même chose sur le plan médical. Supposons que les employés du ministère sont convaincus que l’accident, que la personne prétend être à l’origine de son problème de santé, a eu lieu pendant les années de service — il s’agit d’un accident lié au service. Cependant, les renseignements médicaux ne permettent pas d’établir un lien entre l’invalidité et l’incident survenu pendant ces années de service. Nous obtenons alors une opinion médicale qui appuie la théorie selon laquelle le problème de santé pourrait coïncider avec les événements qui se sont déroulés soit il y a 25 ans, soit au cours des 25 dernières années, et nous leur faisons parvenir cette opinion.
    Merci beaucoup.
    Il est impossible que cinq minutes se soient déjà écoulées.
    Non, mais nous allons nous efforcer de donner à M. Zimmer la chance de poser quelques questions afin de nous assurer que nous répartissons un peu le temps qui reste.
    Monsieur Zimmer.
    Je verrai quelles questions je peux poser cet après-midi. Toutefois, j’aimerais, pour commencer, remercier les militaires qui sont présents dans la salle. Je ne sais pas si quelqu’un vous a rendu hommage aujourd’hui, mais nous vous sommes certainement reconnaissants de ce que vous avez fait.
    J’ai été agréablement surpris d’apprendre que, premièrement, le bureau existait et qu’il représentait un moyen d’aider les anciens combattants. Il est bon de savoir que vous existez afin de permettre, d’une manière ou d’une autre, aux anciens combattants de recevoir ce qui leur est dû.
    Je vais vous poser une question sur laquelle M. Lizon s’est quelque peu étendu auparavant. Avez-vous le sentiment qu’il y a des lacunes à combler dans les services? Il y a le BSJP, mais aussi la Légion royale du Canada, qui s’occupe de problèmes semblables, bien que différents. À votre avis, y a-t-il des lacunes à combler entre les deux niveaux de service?

  (1625)  

    Vous voulez dire entre ce que le Bureau fait et ce que fait la Légion royale canadienne?
    Oui.
    La Légion s'occupe de beaucoup moins de dossiers, comme vous le savez; mais dans bon nombre de ces dossiers, nous représentons en fait les anciens combattants en même temps qu'elle. Les deux organismes appuient les anciens combattants.
    De façon générale, les représentations qu'elle fait auprès du tribunal sont très semblables aux nôtres. Ce qu'elle fait et que nous ne faisons pas, c'est qu'elle milite de façon plus stratégique sur des enjeux plus vastes. C'est presque — même si je ne veux pas dire le mot — du lobbying. Elle fait beaucoup de lobbying au nom des anciens combattants, alors que nous nous limitons à les représenter devant le tribunal de révision et des appels. Les deux organisations ont donc des responsabilités différentes.
    Pouvez-vous, Charles, élaborer à ce sujet? La réponse était assez éclairante.
    Elle représente aussi pour les anciens combattants une solution de rechange. Disons qu'ils nous consultent en premier et qu'ils ne sont pas satisfaits de nos avis ou qu'ils veuillent tout simplement avoir une deuxième opinion. Ils pourraient s'adresser alors au bureau de service de la Légion. Les deux organisations forment un duo de choc ou offrent des services complémentaires.
    J'allais en parler. J'imagine que certains dossiers intéressent beaucoup plus l'une que l'autre.
    Dans les domaines qui se recoupent, y a-t-il des points sur lesquels vos mandats respectifs sont en conflit? Et si oui, y a-t-il une méthode pour aplanir les difficultés?
    S'agissant de conflits, je n'en vois pas. Nous collaborons avec la Légion. Nous nous consultons les uns les autres dans les dossiers que nous avons en commun. Le bureau de service de la Légion ne représente bien sûr qu'un seul aspect du mandat de l'organisation et n'est qu'un des nombreux services que la Légion offre au nom des anciens combattants.
    Et pour les services que nous offrons en commun, d'après mon expérience, nos organisations sont complémentaires.
    C'est justement le mot qui me vient à l'esprit. Il s'agit davantage d'une relation de complémentarité que d'opposition.
    J'ajouterais même que nous aidons beaucoup la Légion à former le personnel qui représente les clients devant le TACRA. Nous avons donc des rapports étroits dans ce domaine.
    Parfait, c'est rassurant de l'apprendre.
    Très brièvement, monsieur Zimmer, s'il vous plaît.
    C'est tout ce que j'avais à dire, merci.
    Vous êtes très bref, en effet.
    Oui, je le suis.
    Vous devriez donner des leçons à M. Lobb; cela lui serait utile.
    Nous devons maintenant changer de sujet. Je remercie beaucoup les témoins pour leur contribution à notre étude.
    Nous allons nous arrêter en attendant les autres témoins, merci.

    


    

  (1630)  

    Nous allons, chers collègues, reprendre nos travaux. Nous avons environ une heure à consacrer à ce groupe et le temps passe vite.
    Je tiens tout d'abord à souhaiter la bienvenue à M. Harold Leduc, qui connaît le tribunal, ainsi que MM. Cal Small et Abraham Townsend, qui représentent la GRC.
    En fait, M. Small représente l'Association des anciens de la GRC. Monsieur Townsend, vous faites partie, si je ne m'abuse, de l'exécutif national des relations fonctionnelles et vous vous occupez de la programmation. Vous allez tous les deux partager votre temps de parole de 10 minutes et M. Leduc a lui aussi 10 minutes, si j'ai bien compris.
    Sans plus attendre, je donne la parole à M. Leduc.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs membres du comité, je vous suis reconnaissant de me donner l'occasion de témoigner devant vous.
    Je tiens à vous parler aujourd'hui d'un sujet très important pour nos anciens combattants, mais également important pour la nation. Lorsque les anciens combattants s'engagent et qu'ils deviennent invalides en servant leur pays, on leur fait une certaine promesse.
    Je suis ici aujourd'hui parce que je suis très inquiet des dérapages que l'on constate ces dernières années au TACRA, qui n'a pas tenu les audiences justes et équitables qu'avait décrétées le Parlement pour nos anciens combattants. Son action a en effet considérablement changé.
    J'aimerais aussi aborder un problème dont personne ne veut parler. Je suis sûr que vous avez tous lu les journaux qui ont fait état de l'affaire en cours qui me concerne, et qui porte sur une soixantaine de violations de ma vie privée commises depuis mon arrivée au tribunal. C'est l'utilisation de cette information et la façon dont on s'en est servi qui font l'objet d'une enquête non seulement par la Commission des droits de la personne, mais aussi auprès du ministre.
    Je voulais régler cette question avant de commencer mon exposé, qui n'a aucun rapport avec cela et qui ne me concerne pas. Je tiens pour finir à parler de mes médailles et de mes décorations, que je ne porte pas. En effet, à cause de la façon dont j'ai été traité, j'ai perdu toute fierté par rapport au service que j'ai accompli et aux sacrifices que j'ai consentis pour ce pays. Voilà, c'est dit.
    J'aimerais maintenant passer à mon exposé. À titre d'ancien combattant, je souffre d'état de stress post-traumatique et mon rythme cardiaque s'accélère. Voilà pourquoi je pourrais vous paraître nerveux ou angoissé.
    Prenez votre temps.
    Intérieurement, je suis calme.
    Je vais vous exprimer des pensées que je ne suis pas seul à avoir. J'ai des collègues qui les ont aussi et qui pensent qu'elles sont justes, mais qui sont totalement intimidés et n'osent pas parler.
    Comme vous le voyez dans mon exposé — que je ne vais pas vous lire en entier; mais je vais quand même m'y reporter — j'ai fait mention de trois citations. L'une provient de l'article 3 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), article que cite constamment la Cour fédérale et auquel nous devrions nous conformer. Comme nous savons tous ce qu'il contient, je ne le lirai pas.
    La suivante est extraite de l'Introduction pour les nouveaux membres du Tribunal des anciens combattants. La dernière phrase et ce qui la précède sont d'un intérêt particulier et se lisent comme suit: « … de toute décision rendue afin que ce dernier soit convaincu que sa demande a été examinée de façon juste et équitable. Dans un système non accusatoire, il est essentiel de se rappeler que toutes les parties liées au processus travaillent pour l'ancien combattant. » Ces avis ne sont presque plus jamais appliqués.
    La troisième, que l'on peut consulter sur Internet, fait partie du code de déontologie des membres du tribunal. Elle fait aussi partie du serment professionnel qu'ils doivent signer. La toute dernière partie du texte se lit comme suit: « … et ils ne doivent jamais déléguer cette responsabilité à une autre personne. »
    Il arrive malheureusement que c'est notre personnel qui nous forme. Il a été nommé pour prendre des décisions justes conformément à la loi et à un système non accusatoire. Il n'a pas à se laisser convaincre du bien-fondé de ces principes et il ne le fait pas. Certains de ceux qui viennent du ministère ont déjà un parti pris en faveur des politiques ministérielles. Cela a des conséquences sur les décisions que nous prenons et ces conséquences sont énormes, mais j'y reviendrai dans un instant.
    J'ai dit que le tribunal était géré par un groupe parce que nous ne savons pas réellement qui prend les décisions. Le président a délégué le fonctionnement quotidien du tribunal au vice-président et déclaré en gros que tous les membres doivent adresser toutes les décisions prises au service juridique. À la direction, nous avons le président, le vice-président, le directeur général et les conseillers juridiques principaux, mais nous ne savons pas qui nous envoie la décision, parce que nous ne participons à aucune des décisions qui ont des conséquences pour nous.
    Le problème est que le personnel est habilité à agir et qu'il agit comme s'il était un autre membre du groupe, ce qu'il n'est absolument pas. C'est nous qui prenons la décision; nous allons à l'audience et nous entendons les témoignages. Et nous le faisons pour recueillir les témoignages et préciser l'information que l'on nous soumet.
    À mes débuts au tribunal, nos décisions prenaient une ou deux pages. Nous n'avions pas besoin de tonnes de renseignements médicaux. L'admissibilité n'était fondée que sur l'avis du médecin qui avait diagnostiqué l'invalidité et il ne nous restait qu'à lier cette invalidité aux états de service, à partir des preuves qui nous avaient été fournies. Nous ne partions jamais à la recherche d'information, comme cela se fait aujourd'hui. Si nos services juridiques nous transmettaient une nouvelle information, nous les remerciions en leur disant qu'elle ne faisait pas partie des preuves dont nous disposions.
    Aujourd'hui, je vois des gens ajouter des pièces au dossier sans même penser à les communiquer à l'ancien combattant et à son avocat.
    J'ai vu des anciens combattants et leurs avocats auxquels on manquait de respect durant l'audience. Pour cette raison, j'ai arrêté de m'y rendre.
    C'est l'une des raisons pour lesquelles il est très difficile de ne pas accorder à tout le monde le statut d'invalidité. Nous avons en effet changé le système non accusatoire qui consiste à offrir aux anciens combattants ce que le gouvernement et le peuple du Canada avaient décrété qu'ils méritent. Le fait est que les gens doivent toujours fournir des preuves et que nous avons toujours besoin de ces preuves. Toutefois, nous avons changé un processus non accusatoire en un processus extrêmement accusatoire.
    On fait cela à l'audience en contestant l'avocat et les anciens combattants, plutôt qu'en faisant préciser la preuve. Il y a une ou deux semaines, un ancien combattant atteint de stress post-traumatique sentait qu'il était contre-interrogé. J'ai entendu cette histoire un an avant que vous en preniez connaissance. Je l'ai entendue aux funérailles d'un ancien combattant. J'en ai fait part au tribunal et au président, qui en est responsable. Mais je ne sais pas si l'on a donné suite à cette information.

  (1635)  

    C'est vrai, c'est ce qui se passe. Je ne veux pas dire par là que tout va mal au tribunal, que tous les membres sont mauvais, que tout le personnel est mauvais. Je veux dire que si nous ne parlons que de ce qui va bien, nous ne saurons jamais pourquoi certains anciens combattants se suicident en apprenant la décision qui est rendue à leur endroit.
    Ce sont de vrais exemples. C'est la réalité que vivent les anciens combattants. Nous parlons ici de gens en chair et en os, et non pas de politiques.
    Je me rends compte qu'il va me manquer du temps.
    Autre facteur qui influe sur notre impartialité, c'est la proportion des décisions favorables. Il influe sur notre impartialité en ce sens qu'on nous rappelle que, compte tenu de ce facteur, nous ne sommes pas tenus d'accéder à une demande. C'est ce que nous a dit le vice-président avant le début des délibérations.
    C'est devenu un litige et une source de frustration, car les membres ne veulent pas connaître la proportion de décisions favorables. On ne nous les avait jamais communiquées auparavant. Nous les connaissions seulement par région, jamais par cas. Si nous sommes deux à siéger et que l'un est d'accord pour accéder à la demande et l'autre pas, c'est celui qui n'est pas d'accord qui est bien noté, ce qui ne fonctionne vraiment pas au plan statistique.
    Cette approche est motivée par le fait que le tribunal a des ennuis. Comme je l'ai dit, auparavant, nous n'avions pas besoin d'une kyrielle d'informations médicales. Aujourd'hui, le personnel et certains des membres en redemandent sans cesse. Je ne sais pas pourquoi. Notre tâche était si simple autrefois. Nous prenions connaissance des pièces mises à notre disposition, nous entendions les témoignages, déterminions s'il était crédible ou pas, et rendions une décision. Mais aujourd'hui, on nous en demande toujours plus.
    L'article 38 de la loi sur le TACRA stipule que nous pouvons demander des avis médicaux indépendants. Or, on nous a demandé de ne pas en prendre l'initiative, et de nous adresser aux services juridiques. Lorsque ces derniers examinent un des avis médicaux dont nous disposons, ils ont l'habitude de donner un avis juridique sur une opinion médicale.
    Cela ne marche tout simplement pas. Je ne pense pas que nous ayons besoin de médecins pour arbitrer. Nous devons simplement être raisonnables et comprendre les raisons pour lesquelles nous intervenons.
    Nous avons eu l'avis de M. James Sprague, expert en tribunaux administratifs. Il nous a parlé de l'importance d'être indépendant, etc. Il nous a dit qu'en fait, dans les fonctions que nous assumons au tribunal lui-même, nous sommes nommés par le gouverneur en conseil, par le gouverneur général. Dans les décisions que nous prenons, nous sommes indépendants du gouvernement; et nous relevons du ministre aux fins administratives. On nous a dit de ne pas nous adresser au ministère pour avoir des conseils médicaux, mais nous le faisons.
    En ce qui concerne mes évaluations du rendement, elles étaient dithyrambiques et excellentes pendant les trois premières années de mon mandat et, tout d'un coup, elles ont changé pour le pire. Dans mon évaluation du rendement de 2011, on a tenu compte de renseignements qui avaient été utilisés lors d'une médiation concernant les droits de la personne. On n'est pas au courant de ce que le personnel dit de nous; on l'apprend par surprise.
    À mon avis et de l'avis d'un certain nombre de membres, c'est un facteur de contrôle.
    S'agissant de la politique sur les pertes auditives, dont nous avons déjà entendu parler, je ne pense pas qu'un seul ancien combattant de ce pays ne fasse l'objet d'une audience équitable sur les pertes auditives, pour la simple raison que la politique a été changée et qu'on n'a pas eu l'occasion d'en débattre. On nous a dit essentiellement qu'on y aurait recours. Mais cette politique traite les pertes auditives différemment de toutes les autres affections qui donnent droit à des prestations aux termes de la Loi sur les pensions et de la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes.
    Autre souci que nous avons, c'est lorsque nous tenons compte des avis de la Cour fédérale. Lorsque nous prenons connaissance de ses décisions, notre conseiller juridique principal, ou quiconque chargé d'assumer ces fonctions, a toutes sortes de raisons pour ne pas être d'accord avec elles et dire qu'elles devraient être renvoyées à un nouveau groupe. Pour tout jugement de la cour qui va à l'encontre de nos décisions, on nous donne toutes sortes de raisons de ne pas le croire, mais lorsque ce jugement va dans le même sens que le tribunal, il est rare qu'il soit assorti de commentaires.
    C'est exactement la même chose lorsque nous rendons une décision qui n'est pas favorable au requérant. Il est alors rare que notre personnel nous renvoie un avis disant que nous avons fait une erreur et que nous devrions accéder à la demande. Je peux presque le garantir. Je ne me rappelle pas, au cours des sept années que j'ai siégé au tribunal, avoir reçu un avis juridique selon lequel nous n'aurions pas rendu une décision conforme aux articles 3 et 39 de la loi sur le TACRA.

  (1640)  

    Il y a un véritable fossé. C'est notre personnel qui nous forme.
    Les nominations au tribunal n'ont pas d'importance. Personnellement, je ne crois pas aux quotas, au fait d'avoir un certain nombre de gens provenant de l'armée, ou d'ailleurs. Je n'y crois pas. À mon avis, il s'agit d'avoir les bonnes personnes. Mais tant qu'on ne réglera pas le problème que connaît le tribunal, qui pousse les membres à rendre tel ou tel verdict s'ils ne veulent pas subir des pressions… D'ailleurs, des membres se sont faits dire: « Si vous voulez que votre tâche au tribunal soit facile, écoutez simplement ce que nous avons à dire. »
    Je pourrais vous parler de bien d'autres choses, dont certaines sont traitées dans mon exposé, mais je m'arrêterai là.
    Je suis maintenant prêt à répondre à toutes les questions difficiles que vous pourriez me poser.

  (1645)  

    Merci beaucoup, monsieur Leduc.
    M. Harold Leduc: Croyez-moi, je n'ai aucun intérêt dans ce dossier.
    Le président: Nous passons maintenant à M. Townsend ou à M. Small.
    Puisque vous partagez votre temps de parole, l'un de vous peut commencer.
    Monsieur Small.
    Bonjour mesdames et messieurs.
    Je m'appelle Cal Small et je préside l'Association des anciens de la GRC. C'est pour moi un plaisir d'être avec vous cet après-midi. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, je vais vous lire ce que j'ai préparé pour ne pas dépasser mon temps de parole.
    Au moment d'accepter votre invitation, je devais être accompagné de M. Bill Gidley, qui, jusqu'à la fin du mois de juillet dernier, était directeur exécutif de l'association et, il y a deux semaines encore, son porte-parole national. J'ajouterai que M. Gidley a témoigné devant ce comité le 3 avril dernier. Il y a quelques semaines, il a dû démissionner pour des raisons de santé. Je regrette qu'il ne m'accompagne pas aujourd'hui, car c'est lui qui recevait tous les appels téléphoniques et tous les courriels concernant les affaires des anciens combattants et le Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Dans notre association, c'était lui qui connaissait le mieux les questions qui intéressent le comité.
    Ces dernières années, l'Association des anciens de la GRC s'est donnée comme priorité de faire en sorte que nos retraités soient au courant des services offerts par ACC et des moyens de s'en prévaloir. À cette fin, nous avons eu des rencontres avec le ministre des Anciens Combattants, l'ombudsman des anciens combattants, la Légion canadienne et des hauts fonctionnaires du ministère. Les agents d'entraide de la Légion canadienne sont non seulement en mesure d'aider nos membres retraités à préparer et à soumettre leurs demandes à ACC, mais ils ont aussi formé trois de nos anciens combattants afin que l'association puisse offrir elle-même ces services à ses membres. On a en effet pensé que les membres retraités seraient plus à l'aise de communiquer l'information pertinente à leur demande à quelqu'un ayant le même genre d'antécédents qu'eux.
    Le 7 octobre 2009, l'ancien président de l'association, M. Dale Lively, M. Bill Gidley et moi-même, de même que le regretté Peter Martin, ancien commissaire adjoint responsable des ressources humaines de la GRC, avons rencontré l'ancien ministre des affaires étrangères, M. Greg Thompson. Nous avons discuté de nombreux sujets et notamment de la nécessité de voir des anciens de la GRC siéger aux comités d'ACC, mais surtout un retraité siéger au TACRA. M. Lively était convaincu que ce serait un atout d'avoir comme arbitre un membre retraité, qui aurait davantage d'empathie envers les clients membres de la GRC, serait probablement plus familier du contexte des invalidités et apporterait donc plus de crédibilité au tribunal.
    Le 4 novembre 2009, le même groupe a rencontré à Charlottetown, à l'Île-du-Prince-Édouard, M. Brian Ferguson, sous-ministre adjoint principal à Anciens Combattants ainsi que des hauts fonctionnaires. Une fois encore, on a discuté de nombreux sujets, et notamment du manque de représentation de la GRC aux comités d'ACC et du TACRA. On a fait valoir qu'il serait difficile pour les membres du tribunal, qui consacrent 97 p. 100 de leur temps à s'occuper d'enjeux et de clients militaires, de comprendre nombre des problèmes relatifs aux services policiers.
    Je suis donc heureux de constater qu'il y a aujourd'hui, parmi les arbitres du TACRA, un membre retraité de la GRC. Cette année, M. John Larlee, président du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), a donné à l'ancien président Tim Hoban, à Bill Gidley, et à moi-même la possibilité d'assister aux audiences du TACRA. Personnellement, j'ai été frappé par le caractère informel du processus, par les efforts déployés par les arbitres pour bien comprendre les questions en jeu et, finalement, par la complexité des cas. Je n'ai pas eu connaissance des décisions prises à la suite des délibérations auxquelles nous avons assisté.
    Finalement, je suis au courant des divers enjeux et critiques entourant la composition du TACRA, le processus d'arbitrage, de même que l'indépendance du tribunal par rapport à ACC. Et je ne crois pas être en mesure d'offrir des critiques constructives autres que celles que le comité a déjà entendues.
    Le principal souci de l'Association des anciens de la GRC est que ses membres connaissent les enjeux médicaux et psychologiques qui pourraient leur permettre de se prévaloir de prestations offertes par ACC, qu'ils connaissent aussi suffisamment bien le processus à suivre pour pouvoir s'en prévaloir et, enfin, qu'ils soient entendus de façon juste et transparente aux divers paliers d'arbitrage.

  (1650)  

    Une fois encore, je vous remercie beaucoup d'avoir invité l'Association des anciens de la GRC à témoigner.
    Merci beaucoup, monsieur Small.
    Nous passons maintenant au sergent d'état-major Townsend. Vous avez la parole, sergent.
    Bonjour, mesdames et messieurs.
    Comme on m'a présenté, je m'appelle Abe Townsend. Je suis membre de la GRC; je ne représente pas aujourd'hui l'organisation, mais plutôt ses 24 000 membres réguliers et civils.
    Je suis représentant élu depuis 2004. Le programme des représentants des relations fonctionnelles s'occupe des relations de travail.
    Nos membres assument leurs fonctions de la manière la plus sécuritaire possible mais il arrive, malheureusement, qu'ils subissent des blessures, tant physiques que morales, ce qui leur donne droit à des pensions d'invalidité et, en cas de décès, à des prestations de survivant.
    À l'heure actuelle, il y environ 9 500 clients, dont 3 100 sont des membres toujours actifs et les autres, des membres à la retraite ou des survivants.
    Si je mentionne ces chiffres, c'est à regret, car je sais qu'ils représentent des personnes qui ont été blessées ou qui sont mortes, des familles qui ont perdu un être cher.
    Selon les statistiques d'Anciens Combattants, 75 p. 100 des demandes sont approuvés sur présentation. Soixante pour cent de celles qui vont en appel sont approuvées. Au troisième palier, le taux d'approbation est de 25 p. 100. Ainsi, au fur et à mesure que l'on franchit ces obstacles, le taux d'approbation diminue.
    Des membres expriment une frustration à l'égard d'un processus qui devient de plus en plus litigieux et déshumanisé au fur et à mesure qu'on avance d'un palier à l'autre et qu'ils qualifient de « décourageant », « distant » et « démoralisant ».
    J'ose croire — et je crois en fait — que ceux qui ont conçu ce processus souhaitaient à tout prix équilibrer les besoins des particuliers par rapport à ceux de la société. Mais quand je songe à la bureaucratie que ce processus a entraîné, je me demande s'il n'y a pas lieu de réévaluer cet équilibre et de le rajuster de façon à ce qu'il serve un peu mieux ceux qui sont atteints d'invalidité, qu'il s'agisse d'anciens combattants ou de membres en service des Forces canadiennes ou de la GRC.
    C'était là mon allocution liminaire.
    Merci beaucoup, monsieur Townsend.
    C'est maintenant au tour des membres du comité de poser leurs questions.
    Nous commençons par M. Stoffer, qui aura vraiment cinq minutes, cette fois.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Leduc, monsieur Small et monsieur Townsend, merci du service que vous avez rendu à la nation et merci beaucoup d'être venus témoigner.
    Monsieur Leduc, je dois dire que je suis tout à fait désolé de voir qu'un ancien combattant aussi honoré que vous l'êtes se sente incapable de porter ses médailles à cause de la façon dont il a été traité. Personnellement, je vous en offre mes excuses.
    Vous affirmez qu'avant une audience, le vice-président vous a dit: « N'oubliez pas que vous n'êtes pas tenu de répondre favorablement à la demande. »
    Quel était son nom?
    Eh bien, je suppose qu'on ne peut pas me faire plus de mal que je n'en ai déjà reçu. Il s'agit du vice-président James McPhee.
    Est-ce que ce M. James McPhee est toujours vice-président?
    Oui.
    Merci.
    Vous avez également affirmé que si vous, je veux dire les membres, vouliez avoir la tâche facile au tribunal — je vous paraphrase — il fallait plus ou moins vous en tenir à ce que l'on vous disait de faire.
    Est-ce exact?
    Oui.
    Pouvez-vous nous citer le nom de gens qui auraient affirmé cela?
    De but en blanc, non.
    D'accord, très bien.
    Mais je pourrais y réfléchir.
    Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, ce serait très bien.
    Vous avez dit aussi que cela venait de membres du ministère. S'agit-il de membres du TACRA ou d'ACC?

  (1655)  

    Voulez-vous parler de gens qui participaient à la prise de décision?
    Oui.
    Il s'agit de gens qui venaient du ministère et qui étaient mutés au TACRA. À un moment donné, notre conseiller en politique et notre formateur venaient du service des politiques d'Anciens Combattants. C'était donc pour eux difficile de faire la transition.
    Je vois. Le ministre ne cesse de dire qu'il ne peut intervenir parce que le TACRA est un organisme quasi-judiciaire, indépendant et qui ne relève pas de lui. Pourtant, ce n'est pas ce qui est arrivé dans l'affaire Steve Dornan.
    Beaucoup de membres m'ont posé ouvertement la question suivante: « Pensez-vous qu'il s'agit d'un tribunal quasi-judiciaire, neutre et indépendant qui ne subit absolument aucune influence du ministère, que l'on ne cherche pas à convaincre de quoi que ce soit et auquel on n'envoie aucun signe subtil d'approbation ou de désapprobation, etc.? » Vous y avez travaillé pendant sept ans et je regrette que l'on ne vous y ait pas nommé à nouveau.
    L'influence ne s'exerce pas de façon ouverte. Si nous avons besoin d'une précision sur une table des invalidités par exemple, le tribunal la demande au ministère. Cela ne devrait jamais arriver. Nous disposons de notre propre expertise. Nous sommes les experts du Canada en la matière. On devrait donc pouvoir trouver nous-mêmes la solution. C'est de cette façon-là que s'exerce l'influence.
    Ma dernière question s'adresse à MM. Small et Townsend.
     Vous demandez depuis des années au gouvernement que les membres de la GRC à la retraite ou invalides puissent se prévaloir du programme pour l'autonomie des anciens combattants. Pouvez-vous nous dire où en est votre demande?
    Vous voulez dire en ce moment?
    Oui.
    Je crois qu'elle ne va nulle part.
    Est-ce que vous persistez, cependant?
    Nous aimerions toujours que nos membres et nos anciens combattants à la retraite qui sont couverts par le système de pensions des anciens combattants puissent se prévaloir de ce programme, mais je pense que pour l'instant, on ne veut pas que cela arrive.
    Très bien, merci, c'est tout pour moi.
    La parole est maintenant à Mme Adams, qui a cinq minutes.
    C'est moins de cinq minutes, n'est-ce pas?
    La première question s'adresse à M. Small. Je vous remercie beaucoup de venir témoigner.
    Nous avons entendu ces dernières semaines pas mal de témoignages sur la composition idéale du tribunal. Qu'il s'agisse de la Légion royale canadienne ou d'autres associations d'anciens combattants, on ne cesse de faire valoir qu'il devrait y avoir au tribunal davantage de membres aux antécédents militaires.
    Comme vous avez eu la gentillesse de le faire remarquer, notre gouvernement conservateur a été en fait le premier à nommer quelqu'un ayant de l'expérience dans la GRC. Je ne sais pas si vous avez appris la nouvelle, mais le ministre vient tout juste d'annoncer la nomination de quatre autres personnes, qui ont ensemble 107 ans d'expérience militaire. On souhaitait en effet l'apport d'une expérience et du bon sens militaires dans la prise de décision.
    Pensez-vous que ce soit la bonne approche?
    J'aurais tendance à convenir que l'apport de l'armée, et éventuellement de la GRC, puisque vous en avez parlé, est une bonne chose. Il ne faut pas oublier non plus qu'il y a beaucoup de femmes dans la GRC. Si le tribunal est par exemple saisi d'une affaire touchant un membre de la GRC et que l'un de ses membres provient de la GRC, ce membre ferait valoir à l'audience des valeurs autres que celles d'un membre qui ne connaît pas la GRC.
    Comme je l'ai dit précédemment, j'ai assisté à une audience et franchement, j'ai été impressionné. J'ai trouvé que l'atmosphère était très informelle et que les arbitres déployaient beaucoup d'efforts pour bien comprendre les enjeux. Le processus m'a beaucoup impressionné. C'est la seule fois que j'ai assisté à une audience et je ne sais pas quels en ont été les résultats.
    Oui, je pense en effet qu'il serait utile que la composition du tribunal soit un peu différente.
    Merci, monsieur Small.
    Voilà ce que nous examinons ici en tant que parlementaires. Nous examinons le TACRA et nous nous demandons ce qui fonctionne et ce qui pourrait être amélioré chez lui. À l'issue de cet examen, nous préparerons un rapport qui contiendra des recommandations.
    Monsieur Leduc, si vous me permettez de m'adresser à vous, je commencerai par vous dire qu'au nom du gouvernement et au nom des Canadiens, je tiens à vous remercier pour le service que vous avez rendu à la nation.
    Ce sont des mots creux, madame.
    Pourriez-vous nous dire tout de même, à la lumière de la vaste expérience que vous y avez acquise, ce qui fonctionne au TACRA?

  (1700)  

    Ce qui fonctionne? Ce qui fonctionne au TACRA, c'est qu'il comprend de bons arbitres qui ont été convenablement choisis, ainsi que de bons employés. Mais je dirais qu'en ce moment, ces gens doivent lutter pour faire en sorte de prendre des décisions bonnes et conformes aux règles. C'est une lutte pour eux.
    Je dirais que ce qui fonctionne n'est pas aussi important que ce qui ne fonctionne pas, pour la simple raison qu'on ne devrait pas avoir à se battre avec le personnel pour qu'il appuie nos décisions. Je pense qu'il est important d'examiner…
    Il y a un processus de refonte en cours au tribunal. Les membres n'y participent pas. Ils n'en connaissent même pas tous les détails ou ce qui s'y passe. On dit que les organisations d'anciens combattants ont été consultées. Or, le processus de refonte va empirer les choses si l'on ne règle pas le problème de l'ingérence.
    Le processus de refonte va faire en sorte que tous les exposés de cas destinés à l'audience soient remis à nos conseillers juridiques et analystes d'assurance de la qualité, qui détermineront d'avance la décision à prendre et communiqueront leur avis aux membres avant l'audience, en biaisant ainsi l'approche adoptée.
    Monsieur Leduc, pourrais-je vous ramener à ce que vous estimez être un aspect positif du TACRA?
    Un aspect positif du tribunal, madame, est de se contenter de respecter l'article 39 de la Loi sur le TACRA et de faire preuve d'empathie envers les gens qui comparaissent devant vous, que vous soyez un agent de la GRC, un militaire ou quelqu'un d'autre. D'après mon expérience militaire — et en tant que parachutiste, j'ai suivi un entraînement pas mal rigoureux — je préfère encore être parachutiste qu'agent de la GRC. Les agents de la GRC sont en effet bien malmenés.
    Des voix: Oh, oh!
    Lorsqu'on a demandé à des anciens combattants s'ils souhaitaient le maintien du TACRA, ils ont tous répondu oui, car ils le considèrent comme un mécanisme d'appel indépendant qui leur permet d'avoir des conseils juridiques gratuits avant de comparaître. Ils y voient une autre possibilité de faire valoir leur cas et demandent instamment son maintien.
    Vous avez un point de vue unique sur le tribunal puisque vous y avez travaillé pendant sept ans. Pouvez-vous de ce fait signaler certains de ses éléments qui fonctionnent bien?
    Eh bien, comme je l'ai mentionné, tant que ses membres sont indépendants… Le tribunal comprend des membres très intelligents; en fait ils le sont tous; mais les gens qui le composent ont des perspectives différentes. N'oubliez pas que lorsqu'il a été mis sur pied, ce tribunal n'était composé que de militaires, parce qu'on voulait des gens qui puissent se mettre à la place des autres. C'est essentiellement de cela qu'il s'agissait.
    Quoique je ne sois pas très partisan des quotas, je pense qu'au moins 51 p. 100 des membres du tribunal devraient avoir une certaine expérience du service, que ce soit dans la GRC, dans l'armée ou ailleurs. Je crois qu'au moins un membre de chaque jury devrait avoir vécu l'expérience de celui qui témoigne de façon à ce que le jury puisse faire preuve d'empathie. Il faut par ailleurs bien comprendre qu'empathie n'est pas synonyme de parti pris, n'est-ce pas? Ce sont deux choses différentes.
    Lorsque j'y suis arrivé en 2005, le tribunal fonctionnait extrêmement bien. La proportion de nos décisions favorables était plus élevée que celle du ministère. Le Bureau des services juridiques des pensions prenait part aux travaux du tribunal plutôt que de renvoyer les cas au ministère. Aujourd'hui, c'est tout à fait l'inverse qui se produit.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Casey.
    Merci, monsieur le président.
    Messieurs, merci d'être venus.
    Monsieur Small, monsieur Townsend, pendant plusieurs mois nous avons tenté d'obtenir l'autorisation de parler à M. Leduc. Toutes mes questions s'adresseront donc à lui. Un moment donné, j'aimerais vous parler de ce que le gouvernement entend faire de vos pensions, mais ce n'est pas l'objet de cette séance.
    Monsieur Leduc, j'aimerais revenir sur certains points soulevés par le secrétaire parlementaire. Une de vos réponses, c'est qu'il y a de bonnes personnes au conseil. J'en déduis que l'emploi de ce qualificatif signifie qu'il y a là des gens qui ne devraient pas y être.
    Ces gens ont un point de vue différent. Certains d'entre eux ont le sentiment que les anciens combattants ne cherchent qu'à avoir de l'argent lorsqu'ils se présentent devant le conseil. Ils n'ont pas souscrit à la générosité de la mesure législative et à l'objectif du processus. Ce ne sont pas de mauvaises personnes.
    Pouvez-vous nous en dire plus sur ce qu'on pourrait faire — dans le cadre du processus de nomination, de sélection ou de formation — pour que les gens qui ont un tel préjugé ou une telle attitude ne puissent franchir cette étape?
    Le processus de sélection doit être bon au départ. Les questions doivent être formulées de façon à déceler l'empathie ou la compréhension du candidat à l'égard de la nature du programme. Pour ce qui est de la formation offerte lorsqu'ils arrivent au conseil, les candidats passent trois mois avec le personnel; pendant ce temps, ils n'ont aucun contact avec les autres membres. Je pense qu'il faudrait, dès le départ, un mentorat offert par les membres qui sont sur le terrain et qui prennent les décisions.

  (1705)  

    J'aimerais vous poser deux ou trois questions sur l'équité procédurale. Dans ce que vous avez indiqué, un certain nombre de choses me posent grandement problème.
    Dans un cas, vous avez indiqué qu'avant une audience, vous avez reçu un document ou un avis quelconque de membres des services juridiques ou des services d'assurance de la qualité. Est-ce bien cela?
    Cela se produit uniquement pour les cas très difficiles ou complexes. L'agent Orange était un de ceux-là. Nous avons reçu de tels documents.
    Toutefois, dans la refonte à venir du processus, il en sera ainsi pour tous les cas présentés au conseil.
    Lorsque vous recevez de tels documents ou avis, sont-ils aussi fournis à l'ancien combattant ou à son représentant?
    Absolument pas.
    Vous disposez, contrairement à l'ancien combattant et à son représentant, d'informations qui auront une incidence sur votre décision.
    C'est exact.
    C'est scandaleux.
    Comme le fait qu'après coup, lorsque nous recevons des avis juridiques — des avis de ce genre —, j'ai demandé de les envoyer à l'avocat et au demandeur, et on m'a répondu que je ne pouvais pas.
    On nous en a déjà parlé. M. Griffis est venu témoigner. Il a 22 ans d'expérience dans le milieu juridique. Il représentait une organisation d'anciens combattants. Il a dit qu'il avait reçu, en septembre dernier, une lettre de M. Larlee — vous y avez fait allusion — dans laquelle on indiquait que le conseil a le droit de demander des avis médicaux.
    Ma question est la même: lorsque le conseil exerce ce droit, fournit-on l'avis médical à l'ancien combattant et à son représentant? Ont-ils l'occasion d'en vérifier la validité, de l'utiliser aux fins de contre-interrogatoire et de plaidoirie?
    Dans cette situation, oui.
    Ils le font.
    Oui.
    L'occasion de demander un avis médical indépendant, est-ce quelque chose que vous pourriez faire après avoir communiqué avec l'ancien combattant et après avoir reçu les observations de son avocat?
    C'est une question de bénéfice du doute. Si vous avez deux avis médicaux équivalents, le libellé de la loi fait en sorte que le bénéfice du doute s'applique à l'avis qui est le plus favorable à l'ancien combattant. Souvent, ce n'est pas le cas; on insistera alors sur celui qui n'est pas favorable. S'il y a un doute concernant les renseignements médicaux, nous demandons alors un avis médical indépendant.
    Dans ce cas, l'ancien combattant a l'occasion de contester l'avis médical ou d'expliquer pourquoi vous devriez plutôt accepter le sien.
    Oui.
    Cela se fait-il en personne ou par écrit?
    Nous leur envoyons dès que nous le recevons. Parfois, cela prend huit mois. L'ancien combattant et son avocat ont alors l'occasion de le réfuter ou de l'accepter avant de nous le retourner. Ensuite, nous rendons une décision.
    Merci.
    Vous avez indiqué que l'on consigne les taux de décisions favorables.
    Oui.
    On garde des statistiques sur le nombre de décisions favorables et défavorables. Quel est l'avantage possible ou la raison d'être d'une telle mesure?
    Eh bien, une des raisons est l'intimidation. La deuxième, c'est que lorsque je suis arrivé au tribunal, notre taux de décisions favorables était plus élevé qu'au ministère. Maintenant, c'est l'inverse. Cela a donc fonctionné.
    D'après votre témoignage, j'ai eu l'impression que lorsqu'un dossier est renvoyé ou qu'une décision est infirmée par la Cour fédérale, le cas est traité avec mépris et manque de respect. Je ne veux pas vous prêter des propos, mais pourriez-vous me donner des explications sur les directives qui sont données au conseil lorsqu'une décision est annulée lors d'un contrôle judiciaire ou qu'un dossier est renvoyé par la Cour fédérale, ce qui est la raison pour laquelle l'ombudsman a utilisé tout ce papier?
    Habituellement, nous sommes informés par les Services juridiques. Nous recevons un sommaire, que nous étudions. À la fin, les services juridiques indiquent qu'ils ne sont pas d'accord, particulièrement lorsqu'un dossier est renvoyé et que notre décision est annulée. Cela porte certaines personnes à penser que nous devrions suivre l'avis des services juridiques parce que, pour une raison quelconque, ils ne sont pas d'accord.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Kramp, soyez le bienvenu.
    Merci, monsieur le président.
    Un de mes collègues est absent aujourd'hui. Habituellement, je ne siège pas au comité, mais je peux vous dire que je suis honoré d'en avoir l'occasion aujourd'hui, surtout étant donné mon très grand intérêt pour les questions relatives aux anciens combattants. Mon père est un vétéran de la Deuxième Guerre mondiale. Il a servi en Hollande et en Belgique; il a été blessé. Il est revenu. Nous sommes tous les deux membres à vie de la Légion. En effet, je suis aussi membre de la Légion. J'ai travaillé avec le Prince Edward Regiment. Le plus important, c'est que j'habite tout près de la base aérienne de Trenton.
    Mon bureau s'occupe d'un nombre important de problèmes et de recours touchant les anciens combattants. Permettez-moi de vous remercier au nom des anciens combattants et de leur organisation. Je peux vous affirmer que ce ne sont pas des paroles creuses.

  (1710)  

    Merci.
    Aux fins du compte rendu, cependant, je pense qu'il est important que les menus détails soient consignés pour que nous puissions aller de l'avant et pour que les membres réguliers du comité puissent étudier la question.
    Quand avez-vous été nommé, monsieur Leduc?
    À quel moment ai-je été nommé?
    Oui.
    J'ai été nommé le 7 novembre 2005 par le gouvernement libéral. J'ai été reconduit dans mes fonctions par le gouvernement conservateur, le 7 novembre 2007.
    Dans la vie, au moment où on pend une décision, on croit toujours que c'est la bonne. J'aimerais avoir un dollar pour chaque erreur que j'ai commise. Avez-vous le sentiment que les décisions que vous avez prises pendant votre mandat étaient conformes à la loi et qu'elles n'étaient pas seulement représentatives de votre opinion personnelle?
    J'avais travaillé au ministère, en tant qu'ancien combattant, depuis 1992. En fait, j'ai participé à la création de la Nouvelle Charte des anciens combattants et à la modification de la Loi sur les pensions. Je connais donc très bien les attentes du législateur. Il y a eu des cas où j'ai dû céder à la pression du personnel, et ils se comptent sur les doigts d'une seule main. Donc, pour la plupart, j'ai résolument respecté la loi.
    En grande partie, vous êtes à l'aise quant aux décisions que vous avez prises, avec un regrettable...
    Oui, même lorsque j'ai dit non.
    D'accord; merci. Je comprends.
    Pendant votre mandat, combien de cas avez-vous étudiés, à votre avis? Avez-vous une idée? Parlons-nous de 15, 20, 1 000 cas? Donnez-nous un chiffre approximatif, si vous pouvez.
    C'est plus que cela. On parle de milliers de cas.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Permettez-moi de passer à M. Small. En tant qu'ancien officier, je comprends à quel point il est important, au tribunal, de pouvoir compter sur l'expérience d'un ancien combattant, du moins à mon humble avis, encore une fois.
    Pour la gouverne du comité — et je sais qu'il en a été question —, j'aimerais que vous nous expliquiez davantage pourquoi vous êtes d'avis qu'il est important d'avoir cette expérience personnelle d'une personne qui ne l'a pas seulement vécu, mais qui l'a ressenti.
    Je demanderai aussi à M. Leduc de répondre, si nous en avons le temps. Monsieur Leduc, vous avez dit que vous ne croyez pas qu'il est important d'avoir une forte proportion d'anciens combattants. Vous avez parlé d'environ 51 p. 100, mais je vais revenir à vous dans quelques instants pour vous permettre de répondre.
    Monsieur Small, j'aimerais avoir votre opinion, et peut-être celle de M. Townsend aussi, quant à la proportion d'anciens combattants au tribunal. Devrait-elle être de 20, 70, 100 p. 100? Quelle est l'importance de l'expérience personnelle?
    Il m'est difficile de répondre à la question. Je pense que si un membre du tribunal avait une telle expérience, il lui serait plus facile de mettre les choses en contexte. Autrement, à mon avis, il y a peut-être une lacune si on ne fait que lire un dossier ou écouter quelqu'un sans pouvoir mettre la blessure, dans un contexte approprié.
    Dans des situations de cette nature, cela pourrait être un élément supplémentaire très utile pour le tribunal.
    Très bien. Merci
    Monsieur Leduc.
    Monsieur, voici un exemple tiré de mon expérience qui démontre dans quelles circonstances cela fonctionne très bien.
    J'ai entendu une cause où un jeune homme a dit: « J'ai transporté un havresac de près de 175 livres. » Je lui ai dit: « Monsieur, selon mon expérience, dans les forces aéroportées, le plus lourd que j'ai transporté pesait entre 100 et 125 livres. » Ensuite, je lui ai demandé s'il l'avait véritablement pesé. Il a répondu que non. Je lui ai dit: « Donc, c'est ce que vous croyez. » Il a répondu: « Oui. »
    J'ai accepté cette réponse. C'est ce qu'il croyait. Un collègue aurait pu dire que son témoignage n'était pas crédible, mais j'ai su faire preuve d'empathie envers lui.
    Très bien; merci beaucoup.
    Monsieur Townsend, avez-vous un commentaire?
    Brièvement, si vous le permettez; c'est très important pour nous. L'examen par les pairs... Qui connaît notre travail mieux que nous? Qu'on ait servi dans la GRC ou les Forces canadiennes, nous sommes des gens honorables qui peuvent respecter les principes de droit lorsque nous prenons des décisions sur des expériences que nous avons en commun avec d'autres. Nous avons toujours eu des difficultés parce que nous sommes les clients les moins nombreux du ministère des Anciens Combattants. Il devrait y avoir des représentants de la GRC dans ce groupe. Cependant, je pense qu'il est essentiel que le groupe soit principalement composé de gens qui ont le même vécu que ceux qui sont jugés, faute d'un meilleur terme.

  (1715)  

    Merci beaucoup.
    Le temps est écoulé. Excellent, monsieur Kramp.
    Madame Mathyssen.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins d'être venus et de nous aider dans le cadre de notre étude. Je tiens à dire, moi aussi, que je vous suis reconnaissante de la candeur et de l'intégrité dont vous faites preuve lors de cette séance.
    Je vais commencer par M. Leduc. J'aimerais que divers éléments figurent très clairement au compte rendu — et M. Casey y a fait allusion — concernant une situation où la Cour fédérale annule une décision du TACRA.
    Nous avons entendu des témoignages contradictoires. Dans un cas, on nous a dit que le TACRA pouvait refuser de se plier à une décision de la Cour fédérale. Un autre témoin a dit que si un juge vous demande de régler le problème et de rendre une décision juste, vous feriez mieux de le faire — « Je vous en ai donné l'ordre. »
    D'après ce que vous avez dit, il semble donc que l'on ait, au TACRA, une certaine réticence à respecter la décision de la cour et que l'on s'en remet plutôt aux avis juridiques que l'on reçoit.
    L'autre aspect dont je voulais vous parler, c'est ajout d'éléments de preuve. Le président du Tribunal des anciens combattants (révision et appel) a déclaré que les audiences ne sont pas axées sur la confrontation et que personne ne témoigne contre l'ancien combattant. Or, vous laissez entendre que ces avis juridiques, ou ceux qui aident les membres du tribunal dans leurs décisions, ajoutent en fait des éléments de preuve ou apportent des éléments de preuve supplémentaires.
    Ma question vise à obtenir des précisions à cet égard. Au tribunal, dit-on que la cour peut très bien avoir rendu une décision précise, mais qu'on refusera de s'y plier et qu'on se fiera plutôt à l'avis juridique qu'on a reçu? En ce qui a trait à l'ajout d'éléments de preuve qui sont manifestement défavorables à l'ancien combattant, contrairement à ce que le président a affirmé, est-ce quelque chose qui devrait soulever de graves préoccupations sur le mode de fonctionnement du tribunal?
    Je peux seulement vous parler de mon expérience, et c'est ce que j'ai fait.
    Je ne crois pas que quelqu'un déclarerait sans ambages qu'il refuse de se plier à une décision de la Cour fédérale. Je ne pense pas que cela se produise. Ce qui arrive à mon avis, c'est que les gens n'approuvent tout simplement pas la décision. Il arrive que des gens n'approuvent pas nos décisions non plus, et c'est de bonne guerre. C'est en fait la culture du Tribunal qui, je pense, consiste en grande partie à nier des droits à l'heure actuelle. Il est difficile de travailler au Tribunal si l'on compte rendre des décisions favorables. C'est très simple.
    Le processus non accusatoire n'est pas utilisé seulement avec le personnel. J'ai également entendu des collègues dire: « J'ai lu les témoignages, et voici comment je vois les choses; expliquez-moi maintenant pourquoi je devrais me laisser persuader. » Eh bien, c'est accusatoire.
    En vertu de la législation, nous sommes en mesure de faire enquête et de clarifier les éléments de preuve, mais nous ne pouvons pas mener de contre-interrogatoires. C'est un processus accusatoire. Les nuances sont ténues.
    Vous avez dit que vous aimeriez qu'une enquête quelconque soit menée concernant le Tribunal. Que souhaitez-vous?
    Pour ma part, j'aimerais que quelqu'un passe en revue nos décisions. Le Tribunal a tous les pouvoirs d'examiner les décisions que nous avons prises sur notre motion, parce que nous savons que certains ont confié la prise de leurs décisions au... Je pourrais fournir une liste de noms à huis clos. Je pourrais également présenter une liste des membres du Tribunal qui seraient compétents pour examiner ces décisions.
    J'aimerais que nous examinions tout d'abord notre documentation. J'en ai lu une partie. C'est bien rédigé. Elle nous guide de façon appropriée. J'aimerais ensuite voir comment on l'appliquerait. J'aimerais voir comment les décisions sont prises et passent par les différents filtres, comment on est nommé pour prendre des décisions et, pourtant, on a entendu l'homme assis dans ce fauteuil dire... Nous sommes des décideurs indépendants et nous ne devrions pas subir de l'ingérence, mais il y en a tous les jours.

  (1720)  

    Ce serait différent si on avait un ensemble de règles ou de paramètres concrets pour assurer l'uniformité des décisions. Une personne qui présenterait un ensemble de preuves aurait l'assurance que peu importe qui entend l'affaire, la décision serait uniforme et juste.
    L'uniformité est extrêmement importante, mais pour l'atteindre, tout le monde doit être sur la même longueur d'onde et comprendre les lois et nos valeurs maîtresses.
    À l'heure actuelle, pour tenter d'assurer l'uniformité, on nous force, par l'entremise de taux de décisions favorables notamment, à prendre des décisions qui nous ramènent à un certain niveau.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Lobb, allez-y, je vous prie.
    Monsieur Leduc, dans l'introduction pour les nouveaux membres du TACRA — et vous l'avez si bien dit —, l'idée, c'est de vérifier s'il y a un doute raisonnable ou d'accorder le bénéfice du doute.
    Les gens viennent sans cesse à nos bureaux de circonscription. Je suis député depuis maintenant quatre ans et quelques personnes se sont présentées à mon bureau pour discuter du programme de prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada. Ce que je n'arrive pas à comprendre, c'est que nous semblons exiger davantage de nos anciens combattants que des bénéficiaires de prestations d'invalidité. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet? Pourquoi est-ce ainsi?
    Je pense que je l'ai mentionné tout à l'heure. Quand je suis devenu membre du tribunal, on n'avait besoin que d'une lettre d'un médecin qui précisait qu'on avait reçu un diagnostic donné et que le problème de santé durerait plus de six mois. C'est ce qui constitue une invalidité en vertu de la Loi sur les pensions. Nous avons tout simplement tenu une audience, examiné la documentation et déterminé si nous pouvions établir un lien avec le service. Lorsque nous n'y parvenions pas, nous soupesions parfois les preuves dont nous étions saisis et examinions si la cause était crédible ou non.
    Il faut être un avocat de Philadelphie pour s'y retrouver car les anciens combattants doivent assumer un fardeau plus lourd qu'auparavant, et j'en ignore la raison, car les règles n'ont pas changé. Elles n'ont pas du tout changé. Ce sont les gens et les étapes.
    Ce n'est qu'une opinion personnelle, mais je pense que l'ancien président surveillait de près son personnel parce qu'il avait siégé au tribunal pendant cinq ans. Il a ensuite été le vice-président, puis le président.
    Il est injuste envers le président actuel qu'il ait été parachuté à ce poste sans aucune expérience. Je ne pense même pas qu'il a de l'expérience dans la fonction publique. Il est difficile de traiter avec les membres du personnel, car ils demeurent à leur poste, alors que nous changeons souvent.
    Je veux également vous interroger sur le taux de décisions favorables. Nous avons convié des représentants du ministère et ils ont juré que les arbitres du gouvernement ne reçoivent pas de taux de décisions favorables ou n'en ont jamais vus. Nous allons les croire sur parole. Je suis presque certain que des représentants du TACRA étaient là à cette réunion et ont fait les mêmes déclarations, mais je ne me rappelle pas leurs témoignages.
    Ce taux de décisions favorables est-il uniquement à l'interne ou le TACRA en a-t-il parlé publiquement? Que pensez-vous du taux de décisions favorables?
    C'est très secret. Quand je me suis joint au tribunal en 2005, le taux de décisions favorables était comptabilisé par région, puis en 2007 ou en 2008, on s'est mis à le calculer par personne.
    On ne peut pas procéder de la sorte. Si vous et moi siégions à un comité du tribunal et que vous étiez d'accord mais pas moi, on considérerait que j'ai rendu une décision favorable. Cela ne fonctionne pas ainsi parce que la loi le dicte.
    Le seul cas où un taux de décisions favorables m'intéresserait, c'est si le taux d'une personne n'était que de 5 p. 100. Nous voudrions savoir pourquoi elle favorise si peu souvent les anciens combattants.
    Nous avons ces taux, mais les personnes qui sont interrogées sont celles qui ont les taux de décisions favorables les plus élevés.
    C'est très utile. J'espère que lorsque des représentants du TACRA reviendront, ils pourront nous éclairer un peu à ce sujet.
    J'aimerais certainement voir le résultat, si c'est possible, pour nous pencher davantage sur la façon dont on perçoit les prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada. De toute évidence, des gens sont blessés ou se sont blessés à un moment donné. Ils présentent une ou deux notes du médecin et peuvent recevoir des indemnités jusqu'à l'âge de 65 ans. J'espère que...
    Monsieur, nous n'avons qu'à suivre les règles. Elles sont claires.
    D'accord.
    Monsieur le président, me reste-t-il du temps?
    Nous sommes tellement impressionnés que nous allons vous accorder une minute de plus.
    Je vous en remercie.
    La prochaine question pour vous porte sur la publication des résultats. Je ne suis pas certain de la quantité de résultats qui ont été divulgués depuis 1995. Ce pourrait être près de 100 000. La publication de tous ces résultats sert-elle les intérêts des contribuables?

  (1725)  

    Par l'entremise du CanLII, absolument, pour la simple raison que l'on n'obtient que la version approuvée de ce qui devrait être rendu public. Je suis certain qu'aucune de mes décisions n'est publiée. J'en suis persuadé.
    Mes décisions devraient être du domaine public, car j'ai donné gain de cause à certains et à d'autres, non, et j'ai commis des erreurs.
    Admettons que c'est 100 000 résultats. Sous quelle forme voulez-vous les voir? De toute évidence, certains résultats devront être caviardés à des fins de protection des renseignements personnels, mais le nom des personnes qui faisaient partie du comité d'examen et toutes ces données devraient...
    Le nom des membres devrait être là car lorsqu'une personne voit son nom associé à une décision qui fait les manchettes, elle porte une attention particulière à ce qu'elle fait et change la façon dont elle travaille pendant un certain temps.
    D'accord. J'espère qu'un jour, si vous revenez au comité, vous vous sentirez assez à l'aise pour arborer de nouveau ces médailles. Ce serait bien.
    Merci beaucoup. Cela dépendra du ministre et du premier ministre.
    Merci beaucoup, monsieur Lobb.
    Monsieur Zimmer, concluez, je vous prie.
    Je vous remercie d'être venus aujourd'hui. Mes questions s'adresseront à Harold, et si j'en ai le temps, je vous poserai des questions à vous aussi.
    Je tiens à vous remercier sincèrement du service que vous avez rendu. J'ai des oncles et des cousins qui ont servi et ces médailles ont un prix. Vous avez tout notre respect.
    Je sais que vous avez sept ans d'expérience et j'imagine que nous voulons vraiment régler ce qui ne va pas au TACRA.
    Quelles seraient deux recommandations que vous feriez? Je suis certain que vous pourriez en fournir davantage, mais vous pourriez vous limiter à deux. Vous en avez déjà formulées quelques-unes aujourd'hui. Faites-nous part de deux bonnes recommandations avec lesquelles nous devrions aller de l'avant.
    Il y a l'impartialité. Il faudrait rétablir l'impartialité des membres et amener les membres et les employés à accepter la nature généreuse de la législation, la nature non accusatoire. Ce qui est indiqué ici est on ne peut plus clair.
    En avez-vous une autre?
    Je croyais que c'était deux. Il y a l'impartialité, c'est-à-dire de nous laisser la liberté de prendre nos propres décisions, et celle visant à amener tous les membres à adhérer à la nature généreuse...
    D'accord, la nature généreuse...
    Il faudrait que des personnes de l'extérieur offrent de la formation intensive.
    Tout à fait. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de jeter un oeil au plan d'action de M. Larlee.
    Je ne m'en soucie pas généralement. Écoutez, nous sommes sur la route cinq jours par semaine, toutes les semaines, pour nous rendre dans des villes différentes.
    Je voulais simplement savoir si vous aviez eu l'occasion de voir les changements qui s'annoncent et si vous croyez qu'ils tiendront la route. Qu'en pensez-vous?
    Aucun changement ne devrait être apporté au tribunal avant que les problèmes d'impartialité et de parti pris soient corrigés. Absolument aucun changement ne devrait être apporté. D'importants changements s'en viennent. Des audiences par vidéoconférence en sont un exemple. Tous les autres tribunaux au Canada utiliseront la vidéoconférence en dernier recours. Le TACRA l'utilisera en premier recours. Ce sont des personnes spéciales avec lesquelles nous sommes censés traiter. On demandera à l'ancien combattant si cela le dérange de comparaître par vidéoconférence. Comme il attend depuis trois à six mois pour obtenir une audience, il ne refusera pas.
    Je voulais également vous demander, étant donné que vous êtes au tribunal depuis si longtemps, quels ont été quelques-uns des points positifs pour vous? Je sais que ce n'est pas toujours facile, mais quels sont quelques-uns des aspects positifs? Vous avez dit que vous avez parfois rendu des décisions favorables et les chiffres montrent que le TACRA a approuvé un grand nombre d'appels. Pouvez-vous énumérer quelques points positifs auxquels vous allez renoncer?
    Il n'y a pas meilleur emploi au pays que celui d'être au service de ceux qui ont servi notre pays et qui ont subi une invalidité dans l'exercice de leurs fonctions. Ce fut pour moi tout un privilège, que j'ai partagé avec d'autres, d'avoir pu entendre ces causes. Ce sont des personnes très spéciales. Le gouvernement et la population du Canada ont décidé que ces gens doivent être traités avec respect et dignité, mais ils ne le sont pas en ce moment. Malgré cela, j'ai eu la chance quasi unique d'occuper ce travail. Peu de gens peuvent en dire autant.
    Merci.
    J'aimerais simplement dire que ma famille sert son pays depuis 1691, alors je comprends tout ce que cela signifie.
    Merci. Me reste-t-il du temps?
    Nous avons au moins assez de temps pour entendre Cal et Abraham. En passant, Abraham, c'est un beau nom. Cal l'est aussi, mais Abraham, c'est vraiment un nom super.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Bob Zimmer: J'aimerais simplement savoir ce que signifie le processus du TACRA pour vous. Vous en avez parlez un petit peu, mais que signifie-t-il pour la GRC?
    Pour la GRC, le processus du TACRA — l'audience, le comité d'appel — n'est que frustration à tous les niveaux. Si vous avez l'endurance d'aller jusqu'au bout du processus, c'est comme traiter avec une compagnie d'assurance. Au bout du compte, si vous pouvez tolérer tous les arias, vous avez une chance d'arriver à un résultat positif.
    À titre d'exemple, j'ai reçu un message d'un membre qui avait comparu à deux reprises devant la Cour fédérale qui, pas une seule fois, n'a dit au tribunal de faire son travail conformément à la loi. Le membre est retourné une deuxième fois devant la Cour fédérale pour dire au tribunal de faire son travail et la cour a attribué les dépens.
    C'est peut-être un cas rare, et il devrait absolument être le plus rare d'entre tous, car d'après les renseignements dont nous disposons, le processus pour qu'une invalidité soit reconnue ne devrait pas être accusatoire. Il devrait être revu par les pairs. Le bénéfice du doute va trop loin. À mesure qu'une cause devient plus litigieuse, le processus devient plus distant. Je ne pense pas que ce soit véritablement dans l'intérêt des anciens combattants.

  (1730)  

    Merci beaucoup. Nous avons terminé. M. Townsend a eu le dernier mot.
    Je remercie nos témoins infiniment. Leurs témoignages ont été très utiles à notre étude. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui.
    Je veux rappeler aux membres du comité que nous allons consacrer la dernière partie de la réunion de mercredi aux travaux du comité.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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