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CIIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent du commerce international


NUMÉRO 043 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 12 juin 2012

[Enregistrement électronique]

  (1210)  

[Traduction]

    Nous aimerions remercier les députés et les témoins d'être ici. Dans quelques instants, un autre témoin va se joindre à nous par vidéoconférence.
    Nous voulons expliquer au comité, qu'à cause de circonstances particulières, je crois que nous nous sommes mis d'accord pour siéger jusqu'à 13 h 30. En fait, ce sera 13 h 28, car je crois que la sonnerie sera déclenchée à 13 h 28. Néanmoins, c'est ce que nous avons convenu de faire. Nous reprendrons nos délibérations à la prochaine réunion. Je crois que M. Easter va présenter une motion à ce moment-là.
    Alors tout le monde semble bien s'entendre ici. C'est à la Chambre que nous avons des problèmes.
    Cela dit, nous souhaitons la bienvenue à nos témoins dans le cadre de notre étude... Nous sommes en train d'étudier un rapport sur la Loi de mise en oeuvre de l'accord de libre-échange Canada-Colombie.
    Nous accueillons, de la Colombie, Juan Diego Gonzalez Rua.
    Est-ce que le son est bon, monsieur, est-ce que vous pouvez nous entendre?
    Vous avez la parole. Nous avons hâte d'entendre votre exposé.
    Allez-y.
M. Juan Diego Gonzalez Rúa (Interprétation):
    Parfait.
    Après un long débat au cours des négociations d'un accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie, qui comprenait en particulier beaucoup de questions sur les violations des droits de la personne, sur des dispositions portant sur les violations des droits de la personne des syndicalistes et sur des tentatives de meurtre contre des syndicalistes, nous pensons que ce qui est en train de se passer dans notre pays est une volonté d'éliminer le mouvement syndical.
    Lorsque l'entente de libre-échange a pris force de loi entre les deux pays, c'était le 15 août, et il s'agissait du premier accord de libre-échange signé par la Colombie avec ce qu'on appelle un pays développé. Il s'agissait également d'une tentative de conclure un accord final sur les droits des travailleurs et sur les droits environnementaux qui enchâsserait des principes pour protéger les droits des travailleurs et également l'obligation de protéger l'environnement.
    Un engagement a été pris au cours des négociations pour conclure des ententes parallèles faisant état de plusieurs obligations, ainsi que de mécanismes de coopération. Le but en était de renforcer les institutions et les programmes dans les secteurs pertinents, c'est-à-dire la main-d'oeuvre et l'environnement.
    Pour ce qui est de la protection des syndicalistes, des travailleurs et des droits environnementaux, la décision avait été prise de produire un rapport annuel afin d'évaluer les effets sur les droits de la personne de la mise en oeuvre de l'accord de libre-échange. Le rapport qui fut récemment présenté par le gouvernement canadien était très superficiel, et le gouvernement de la Colombie n'a pas présenté de rapport du tout.
    De plus, le gouvernement de la Colombie n'a tenu aucune consultation avec les communautés ou groupes au sein de la population qui auraient pu être touchés par l'entente. Le gouvernement n'a pas rendu publique son intention de développer une quelconque politique sur la mise en oeuvre de l'entente de libre-échange en Colombie. Donc, l'idée de protéger des droits dans des ententes parallèles représentait un certain progrès et signalait une intention et un engagement, mais rien n'a été fait par la suite. Nous devons maintenant faire la lumière sur les problèmes éthiques entourant les négociations.
    Un groupe rassemblant des organisations sociales, des leaders syndicaux, des femmes, des groupes ethniques et des ONG de la Colombie et du Canada a décidé de lancer une initiative technique et politique dans le but de mettre au point une stratégie selon laquelle on pourrait surveiller et évaluer l'impact de l'entente de libre-échange sur les droits de la personne en général. L'objectif serait d'établir une ligne de référence qui pourrait nous indiquer l'état actuel des droits dans les communautés pour ensuite en mesurer l'impact sur les droits de la personne.
    Il est trop tôt pour tirer des conclusions finales sur l'impact qu'aura eu l'entente sur les droits de la personne, mais nous savons ce qui s'est passé depuis la mise en oeuvre de l'accord. Donc, nous créons cette ligne de référence afin que nous puissions évaluer les changements importants qui se sont produits dans les secteurs où l'investissement canadien se fait sentir le plus. À partir de cette ligne de référence, nous développerons une stratégie pour surveiller les effets futurs, et nous estimons que la surveillance devrait se faire annuellement.

  (1215)  

    Le rapport donne une idée des relations commerciales entre le Canada et la Colombie, et plus précisément de la présence des entreprises canadiennes en Colombie. Nous nous sommes concentrés sur les principaux effets qu'avait la présence de certaines sociétés canadiennes en Colombie sur la société, les relations de travail et l'environnement.
    Dans l'étude, nous avons pris en compte deux cas précis. Le premier est celui de la société pétrolière Pacific Rubiales Energy à Puerto Gaitan. L'étude portait sur la violation des droits des travailleurs au cours des dernières années. Près de 10 000 personnes ont été touchées. Le deuxième cas était celui de la Gran Colombia Gold. Cette entreprise voulait exploiter une mine à ciel ouvert à Marmato, dans la région de Caldas. Il aurait fallu pour cela déplacer la ville.
    Dans le sommaire que nous vous avons remis se trouvent des statistiques sur les échanges commerciaux entre le Canada et la Colombie. Cela vous donne une idée du volume des échanges. Bon nombre de sociétés canadiennes multinationales sont installées en Colombie et leur nombre a augmenté de manière exponentielle au cours des dix dernières années. Elles sont surtout concentrées dans le secteur de l'extraction minière et dans les ressources naturelles, surtout dans l'exploitation du charbon, du pétrole et de l'or. Ces entreprises créent des succursales en Colombie qui font l'exploration et l'extraction minière pour toutes ces ressources.
    Depuis 1994, les investissements canadiens dans les secteurs des télécommunications, du pétrole, de l'énergie et du gaz et des transports ont augmenté de manière constante. Plus particulièrement, ces dernières années, de nouveaux investissements ont été faits dans les secteurs des mines, du papier, de la chaussure, des didacticiels et de la construction, entre autres.
    Cette présence commerciale a commencé par des investissements étrangers directs et par la création de filiales de grandes multinationales en Colombie. Mais le Canada a aussi joué un rôle important dans l'établissement de cadres législatifs propices à la venue de sociétés canadiennes en Colombie.
    L'ACDI est la principale agence de coopération canadienne pour l'Amérique latine. Elle a joué un rôle dans la réforme des règles relatives à l'exploitation minière en Colombie. En 2006, l'ACDI a participé à l'élaboration d'un code de libéralisation des mines aurifères colombiennes. Il s'agissait de donner un meilleur accès aux sociétés minières étrangères. Auparavant, en prétextant de protéger des emplois et l'environnement, l'ACDI et le CERI ont dès 1997 préparé un projet d'investissement de près de 11 millions de dollars visant à libéraliser l'exploitation minière et à créer un cadre législatif qui faciliterait l'accès des sociétés multinationales aux mines colombiennes.

  (1220)  

    Dans le sommaire que nous vous avons présenté, vous trouverez les principales conclusions des études menées à Puerto Gaitan et à Marmato, deux municipalités. Faute de temps, je ne les lirai pas, car elles sont dans le rapport.
    En terminant ce court exposé, j'aimerais parler un peu de l'avenir. Moins d'un après l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie, il faut considérer les incidences pour les droits de la personne, les droits des travailleurs et les droits environnementaux en tenant compte des conditions techniques existantes pour mesurer ces incidences, et aussi de la volonté politique des parties officielles de faire un suivi rigoureux des effets du libre-échange dans les deux pays.
    Considérant cela, il importe de dire que les parties officielles à l'accord, surtout du côté colombien, ne peuvent être tenues responsables de la création d'un système de mesures des effets réels de l'accord de libre-échange sur les droits de la personne.
    Il n'y a pas de données publiques qui sont disponibles. Les collectivités les plus touchées n'ont pu jouer aucun rôle et ont été écartées.
    Je suis désolé, je dois vous interrompre, car votre temps est écoulé. Cette séance est très courte, et c'est pourquoi je dois limiter votre temps, eu égard aux autres témoins.
    Perfecto
    On vous posera peut-être des questions, j'en suis convaincu.
    Nous passons maintenant à Jennifer Moore, de MiningWatch Canada.
    Je demande aux témoins de bien vouloir être aussi brefs que possible, afin que nous ayons un peu plus de temps pour les questions.
    Allez-y, madame Moore, vous avez la parole
    Bon après-midi, monsieur le président et membres du comité. Je vous remercie de cette occasion de vous parler cet après-midi.
    Je ferai de mon mieux pour ne pas m'éterniser. J'espère que Juan Diego aura l'occasion en répondant à vos questions de présenter ses recommandations au comité.
    La mise en oeuvre de l'accord de libre-échange entre le Canada et la Colombie se fait alors que les droits de la personne en Colombie traversent une crise d'ampleur mondiale, et alors que les Colombiens luttent pour que soit améliorée la protection de leurs droits collectifs malgré l'essor considérable du secteur minier, un des principaux secteurs d'investissement du Canada en Colombie et ce sur quoi porteront mes propos aujourd'hui.
    L'accord commercial Canada-Colombie est véritablement un accord sur l'investissement. Comme le Canada n'avait pas auparavant d'accord sur l'investissement avec la Colombie, il peut maintenant profiter de nouvelles dispositions avantageuses pour les investisseurs canadiens. Il manque toutefois à cet accord des mesures exécutoires pour la protection des droits de la personne, des droits des travailleurs et de l'environnement.
    L'accord connexe visant la production par le Canada et la Colombie d'un rapport annuel sur les droits de la personne ne va pas à la cheville de la recommandation que nous avions appuyée pour une évaluation indépendante de l'effet sur les droits de la personne avant la ratification de l'accord. Le dépôt par le gouvernement conservateur d'un semblant de rapport, il y a quelques semaines, ravive les soupçons qu'on avait: il ne s'agissait que de dorer la pilule pour que l'accord soit adopté.
    Chez MiningWatch Canada, nous sommes toujours préoccupés par le risque que les investissements dans le secteur minier perpétuent ou aggravent des violations des droits de la personne graves en Colombie, ou qu'ils en profitent, et aussi que des sociétés se servent de mécanismes de règlement des différends pour les États et investisseurs prévus à l'accord pour ralentir l'élaboration de politiques démocratiques et de protection supérieure des droits de la personne dans ce pays.
    D'autres témoins vous l'ont sans doute déjà dit: la Colombie est le pays le plus dangereux pour les syndicalistes, avec le taux le plus élevé de déplacements intérieurs et un nombre incroyable d'atteintes aux droits de la personne, particulièrement dans les secteurs du pays qui sont riches en ressources minières. On a vu en 2011 une hausse des menaces contre des défenseurs des droits de la personne, particulièrement contre les leaders des collectivités déplacées et contre ceux qui voulaient que soient rendues les terres usurpées, principalement par des groupes paramilitaires.
    Au sujet d'un des cas de l'étude faite en Colombie, quelques semaines après l'entrée en vigueur de l'accord de libre-échange Canada-Colombie, en août dernier, un prêtre d'une paroisse de la municipalité de Marmato, dans l'État occidental de Caldas, le père José Reinel Restrepo a été assassiné. Il s'opposait ouvertement à la proposition de la société minière canadienne Gran Colombia Gold de creuser une mine d'or à ciel ouvert qui nécessiterait le déplacement de toute la ville. Il était allé peu de temps avant à Bogota pour parler de cette situation à la télévision nationale.
    Ce n'est pas un incident isolé. On nous rapporte qu'il arrive de plus en plus souvent que des sociétés minières ciblent des communautés qui s'expriment au sujet des incidences des activités minières, ce qui revient à une peine de mort en Colombie. Il y a eu de très nombreux cas de détention massive de gens qui manifestaient contre les mégaprojets.
    Les manifestations sont fréquentes puisque des milliers de concessions minières, pétrolières et gazières ont été accordées ou demandées, pour l'équivalent de 40 p. 100 du territoire colombien. Cela a créé beaucoup d'insécurité, étant donné le chevauchement avec des zones protégées, d'importantes sources d'eau, des territoires des Autochtones ou des Afro-Colombiens ainsi que des terres cultivées ou exploitées à petite échelle ou de manière artisanale pour les ressources minières. Comme on le voit ailleurs dans la région, l'augmentation des conflits locaux donne aussi lieu à des controverses nationales.
    En Colombie, le bureau responsable de l'octroi de concessions minières a été vertement critiqué et a à maintes reprises suspendu la réception de nouvelles demandes de concessions au cours de l'année écoulée. Avec un arriéré de 20 000 pétitions, le pays n'a pas les ressources nécessaires pour faire un bon suivi de l'exploitation minière en cours. Les réformes au code d'exploitation minière, adoptées en 2010, ont récemment été renversées faute de consultation des organisations autochtones. On nous laisse entendre que le code fera bientôt l'objet d'une autre réforme.
    Autrement dit, il est grand temps que les politiques soient remaniées. De chaudes luttes sont menées pour mieux protéger l'alimentation en eau, les droits des Autochtones et Afro-Colombiens, la subsistance des mineurs artisanaux ou des petites exploitations minières. On veut aussi remédier aux torts graves causés aux communautés qui sont déplacées ou le seront, et on veut éliminer les conflits dans les zones riches en minerai.
    L'accord de libre-échange Canada-Colombie étant maintenant en vigueur, que ferait une société canadienne si ses concessions ou son projet est suspendu, révoqué, rejeté ou autrement touché par une décision administrative ou par un grand changement dans les orientations du pays? Pourrait-elle poursuivre ou menacer de poursuivre l'État de la Colombie? L'expérience récente nous laisse croire que c'est fort possible. Le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements, à Washington, est actuellement saisi de 137 dossiers, alors qu'il n'en avait que trois en 2000. Le tiers de ces dossiers se rapportent aux ressources naturelles et la moitié sont des poursuites contre des États latino-américains.

  (1225)  

    Prenons un exemple dont nous faisons le suivi, à savoir une poursuite menée par Pacific Rim Mining, de Vancouver, contre l'État du Salvador, en 2009, pour plus de 77 millions de dollars, faute d'avoir obtenu les permis nécessaires à l'exploitation d'une mine d'or. Pacific Rim a fait de l'exploration dans le nord du pays. Peu après le début des activités d'exploration, de l'opposition s'est manifestée au sein des collectivités locales en raison des effets constatés sur l'alimentation en eau: on craignait que l'exploitation minière ne fasse qu'aggraver cette situation.
    Les témoignages de Pacific Rim devant le tribunal à Washington montrent qu'au lieu de satisfaire aux exigences du Salvador pour obtenir les permis nécessaires, elle a eu recours à des contacts de haut niveau pour obtenir les approbations nécessaires. Entre-temps, le conflit local est devenu un conflit national et le public s'est mobilisé contre l'exploitation minière des métaux, étant donné l'existence de quelques dizaines de projets dans le haut pays salvadorien et compte tenu du fait que ce petit pays densément peuplé s'approvisionne à un seul bassin hydrographique déjà très sollicité. Cela a mené à un moratoire national contre les mines de métaux, et à une étude stratégique des effets environnementaux.
    Comme nous n'avons pas d'accord de libre-échange avec le Salvador, la société a déménagé une de ses filiales des îles Caïmans au Nevada afin de pouvoir lancer sa poursuite en avril 2009 au Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements de Washington, en vertu de l'accord de libre-échange entre les États-Unis et l'Amérique centrale et en vertu d'une petite loi salvadorienne sur l'investissement. Simultanément, il y a eu des flambées de violence dans le nord du Salvador, là où la mine avait été exploitée. Des menaces ont été portées, des meurtres ont été perpétrés pour lesquels il n'y a pas eu d'enquête approfondie encore. Le Salvador a déjà dépensé 5 millions de dollars pour se défendre contre cette poursuite et le processus de réforme du code minier s'éternise.
    Dans ce genre de circonstances, un groupe de citoyens colombiens, par exemple, pourrait-il recourir aux dispositions de l'accord de libre-échange Canada-Colombie pour défendre ses droits? C'est peu probable. Les accords parallèles sur le travail et l'environnement ne prévoient pas de sanction punitive et les litiges ne peuvent être tranchés que par consensus. La mention de responsabilité des sociétés dans le cadre de l'accord n'est que le fruit de voeux pieux et n'est absolument pas exécutoire.
    Étant donné la gravité des violations de droits de la personne que des investisseurs canadiens pourraient accentuer ou dont ils pourraient profiter dans des régions en conflit de la Colombie, nous avons été très troublés par le semblant de rapport déposé par le gouvernement conservateur. Aucun véritable effort n'a été fait pour documenter les violations des droits de la personne dans des situations où des sociétés canadiennes font des investissements; en plus, rien ne laisse croire qu'un véritable rapport sera produit. Ce serait encore une mesure valable que de produire un rapport véritablement indépendant, transparent et exigeant la participation des Colombiens pour évaluer les incidences de l'accord de libre-échange Canada-Colombie. Cette mesure devrait aussi être envisagée dans d'autres cas, comme celui du Honduras, avec qui nous sommes en train de négocier un accord.
    D'après nos observations, nous sommes portés à croire que les protections accordées aux investisseurs par un accord doivent être étudiées dans le cadre de toute évaluation des incidences sur les droits de la personne des accords de libre-échange du Canada.
    D'après nos observations aussi, ces dispositions qui permettent aux entreprises de poursuivre des États devant des tribunaux internationaux doivent être éliminées, puisqu'elles permettent aux sociétés de passer outre aux lois nationales et de saper les protections existantes et futures des droits de la personne. Ce serait une mesure positive si nous voulons vraiment promouvoir dans la région la démocratie et les droits de la personne. C'est certainement nécessaire pour atteindre un équilibre entre les pouvoirs si disproportionnés des investisseurs, d'une part, et des droits de la personne, d'autre part, dans le secteur de l'extraction.
    Merci beaucoup.

  (1230)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à un témoin qui est à Bogota, en Colombie. De l'Association colombienne des exportateurs de fleurs, nous écouterons Augusto Solano, son président.
    Monsieur Solano, nous recevez-vous?
    Tout d'abord, bon après-midi. Je remercie le comité de nous donner cette occasion de participer à ces délibérations.
    Mon exposé est en quatre parties. D'abord, j'aimerais vous donner un aperçu du secteur horticole colombien. Ensuite, je vais décrire le profil de la main-d'oeuvre pour notre secteur. Je parlerai ensuite des incidences de l'accord de libre-échange Colombie-Canada et je présenterai mes conclusions.
    En Colombie, le secteur de la production de fleurs a été créé il y a 45 ans. La Colombie est maintenant le principal fournisseur de fleurs coupées aux États-Unis. La Colombie est le principal producteur et exportateur d'oeillets dans le monde et le deuxième exportateur de fleurs dans le monde, après les Pays-Bas. Les Pays-Bas sont loin devant nous. La Colombie exporte des fleurs dans 88 pays, et le Canada est l'un de nos principaux importateurs, peut-être au quatrième rang. L'an dernier, la Colombie a exporté pour 1,25 milliard de dollars américains de fleurs. En outre, cela représente un volume d'affaires de 350 millions de dollars en frais aériens, puisque le gros de notre production est envoyé par avion.
    Notre secteur compte environ 7 000 hectares de production en serre et représente 150 000 emplois directs et indirects légitimes. C'est très important puisque dans notre pays, environ 60 p. 100 des emplois sont ce que nous appelons des emplois informels: il n'y a pas de contrats, ni rien d'officiel. Dans le secteur de la production florale, depuis le début, tous les employés ont un contrat, la sécurité sociale et bien d'autres types d'avantages. Cela représente environ 35 p. 100 de l'industrie dans les environs de Bogota, 20 p. 100 autour de Medellin, le reste étant situé dans des zones de production de café, surtout pour les fleurs et le feuillage tropicaux.
    Dans des villes comme Bogota et Medellin, la sécurité est étroitement liée à la production florale, puisque nous offrons dans ces villes et municipalités de bons emplois. Nous appuyons le respect des droits de propriété intellectuelle puisque nous dépendons de sociétés qui mettent au point de nouvelles variétés florales. On produit en Colombie environ 100 espèces de fleurs, des roses, des oeillets, etc., et chaque espèce a diverses variétés. Au total, on produit en Colombie à peu près 1 600 variétés de fleurs, plus que tout autre pays producteur de fleurs.
    Pour ce qui est de la main-d'oeuvre et des aspects sociaux de notre secteur, précisons que 50 p. 100 ou plus des emplois créés sont des emplois directs. Ce sont des emplois à la ferme. Du nombre, environ 65 p. 100 sont occupés par des femmes, la plupart étant des chefs de famille qui ne trouvaient pas d'autres emplois en agriculture puisque la coupe de la canne à sucre et la transformation de l'huile de palme est un travail très pénible pour elles.
    L'appréciation du peso a fait perdre environ 30 000 emplois à notre secteur ces cinq dernières années. Je sais que c'est un problème que vous connaissez vous-mêmes très bien. C'est la principale cause, mais n'oublions pas non plus les problèmes de nos principaux marchés, les pays industrialisés.
    Notre association, Asocolflores, aura 40 ans l'an prochain. Nos principaux programmes sont des programmes sociaux et environnementaux. Notre programme Florverde, qui a 15 ans, est un code d'éthique social et environnemental. Pour ces programmes, nous avons des partenaires étrangers, principalement USAID et GTC, d'Allemagne. Nous avons des programmes de logement et des programmes de garderies pour les enfants de nos travailleurs.

  (1235)  

    Nous avons aussi des programmes de santé dentaire, nous avons un programme de promotion de la paix familiale, que nous avons mis sur pied pour aider les gens à résoudre des conflits autrement que par la violence.
    Nous publions un rapport sur la durabilité, le GRI — pour Global Reporting Initiative, l'Initiative mondiale sur les rapports de performance. Nous sommes la première association sectorielle du monde à employer cette méthodologie utilisée par les Nations Unies. Habituellement, ce sont les entreprises qui s'en servent. En outre, depuis plus de 10 ans, nous faisons partie du programme de l'OIT pour l'éradication du travail des enfants. D'ailleurs, les efforts visant l'éradication du travail des enfants sont célébrés partout dans le monde.
    Nous sommes aussi membres du Conseil mondial des affaires pour le développement durable, en Suisse. Nous en sommes ici le chapitre fondateur.
    Environ 40 p. 100 de nos travailleurs sont syndiqués. En Colombie, la moyenne est de 5 p. 100, compte tenu des fonctionnaires. Sans les fonctionnaires, la proportion est d'environ 2 p. 100 pour le pays. À 40 p. 100, notre pourcentage est donc élevé, par comparaison.
    Parlons maintenant brièvement des effets de l'accord de libre-échange. Ils ont été très importants pour le secteur des fleurs. Avec la disparition des droits, il y a eu une nette augmentation. Il y a quelques semaines à peine, nous étions à une foire commerciale à Mississauga. Nous avions 14 producteurs et nous avons pu faire venir 40 acheteurs de partout au Canada, y compris Loblaws, l'un de nos principaux acheteurs. Je pense que cela va augmenter. Actuellement, nos ventes au Canada sont d'environ 67 millions de dollars, alors que les importations de fleurs fraîches coupées sont pour l'ensemble du Canada de 130 millions de dollars. Je pense que nous pouvons gagner des parts de marché.
    Ce que je tiens à dire, au sujet de l'effet positif de l'accord de libre-échange, c'est que d'une part, nous sommes confrontés à une appréciation du peso et aux crises économiques de nos principaux marchés. Avoir des débouchés au Canada permet de contrer les effets de l'appréciation de notre devise et des problèmes des autres marchés.
    L'un des principaux effets d'un accord de libre-échange comme celui-ci, non seulement pour le secteur floral mais pour toute la Colombie et qu'on ne mentionne pas dans le rapport, c'est que c'est un outil efficace pour lutter contre le problème de drogue en Colombie.
    Comme nous l'avons déjà dit, les débouchés commerciaux permettent de créer des emplois. Ce qu'il faut aux Colombiens, ce sont des emplois décents et licites. Le marché colombien n'est pas suffisant. Pour beaucoup de gens qui sont dans le secteur des drogues, particulièrement ceux qui cultivent la coca, c'est un moyen de survie. C'est donc très important.
    Je vous remercie tous pour l'accord de libre-échange et je vous remercie de l'avoir approuvé. Le secteur floral est très important. Nous pensons pouvoir l'améliorer encore. Je tiens aussi à dire que la façon dont a été conclu l'accord entre la Colombie et le Canada peut servir de modèle pour tous les autres accords de libre-échange. Cela s'est fait de manière efficiente, équilibrée et libre, et cela fonctionne.
    Merci beaucoup.

  (1240)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Solano, nous avons l'interprétation de l'espagnol. Vous pouvez parler en anglais ou en espagnol et ce sera traduit. M. Rúa pourra alors vraiment participer.
M. Augusto Solano: (par l'interprète)
    Parfait. Je peux parler l'espagnol. Pas de problème.
    Nous passons maintenant à Carlo Dade, de l'Université d'Ottawa. Il est un attaché supérieur de recherche de l'École de développement internationale et mondialisation.
    Vous avez la parole, monsieur.
    Bienvenue à nos invités de la Colombie. Je suis ravi d'être ici.

[Français]

    Avant tout, je dois remercier le président et les membres du comité de l'invitation à comparaître ce matin. C'est notre deuxième, troisième ou quatrième fois ensemble, pour discuter de la Colombie.

[Traduction]

    Il s'agit cette fois de célébrer la mise en oeuvre réussie de l'accord de libre-échange et de songer à d'autres accords qui viendront.
    Je suis ravi de voir des visages familiers, et quelques nouveaux membres.
    Avant de commencer, sachez qu'à ma dernière comparution devant le comité, j'ai appris ce qui compte le plus, et qui devrait être ajouté aux instructions que vous envoyez aux témoins: il faut apporter son propre café!
    Des voix: Oh, oh!
    Une voix: Ce n'est pas du colombien.
    M. Carlo Dade: Celui-ci est un café colombien et certainement équitable aussi.
    Pour parler de l'évaluation des droits de la personne en Colombie, il est important de prendre du recul et de penser au contexte plus large des accords sur les droits de la personne, des études d'impact et des accords de libre-échange, surtout que votre comité se penchera sur d'autres accords commerciaux à l'avenir. Le Canada a des politiques rigoureuses, appliquées vigoureusement pour la négociation d'accords commerciaux. Cette question reviendra à l'avenir, et nous avons cette fois une excellente occasion d'en parler.
    Je peux aussi vous parler de progrès. Il y a un autre aspect à la situation en Colombie: le formidable progrès réalisé dans ce pays dans le domaine des droits de la personne. On y fait là des progrès dans ce qui est probablement le plus grand domaine des droits de la personne et qui touche le plus un grand nombre de Colombiens. Mais comme j'ai peu de temps, alors je garde cela pour la fin, ou peut-être pour répondre à vos questions.
    Au sujet des études d'impact sur les droits de la personne et des accords commerciaux, beaucoup de déclarations ont été faites, entre autres par des universitaires. Je suis convaincu que votre comité en a beaucoup entendu. On parle souvent d'un lien automatique, incontournable, entre les accords commerciaux et les droits de la personne. Ce n'est pas fondé. Les universitaires et les gens de terrain en discutent. C'est le sous-commissaire de la Commission européenne qui, dans son témoignage devant l'OMC, a le mieux décrit ces liens. Il affirme que la Commission européenne ne croit pas qu'il y a des liens automatiques entre les droits de la personne et les accords commerciaux; tout dépend en fait des accords, des pays signataires et de la façon dont la négociation se fait.
    Prenons un exemple avec deux pays, disons la Suède et la Norvège. Imaginons que ces deux pays n'aient pas eu d'accords commerciaux jusqu'à récemment. Ce sont des pays qui ont des échanges depuis des siècles, dont les marchés sont étroitement liés; des pays dont les dossiers en matière de droits de la personne sont parmi les meilleurs au monde, et qui servent d'exemples pour tous les pays du globe. Une étude d'impact sur les droits de la personne pour cet accord commercial semblerait pour le moins superflue et serait peut-être vue comme étant un gaspillage de temps. On peut en revanche songer à d'autres cas où les droits de la personne sont directement affectés par le commerce. Pensons au cas historique de la décision prise par l'Empire britannique d'interdire le commerce des esclaves. Je ne peux pas penser à un exemple plus évident de liens entre le commerce et les droits de la personne.
    De nos jours, avec l'avènement de conventions des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l'homme, des conventions de l'OIT et d'autres conventions signées par un très grand nombre de pays, il est de plus en plus difficile de trouver des liens dignes de considération avec les accords commerciaux. D'ailleurs, il est de plus en plus controversé d'établir un lien entre les deux.
    Pour bien le comprendre, il faut examiner ce que sont exactement les accords commerciaux. Il y a une confusion qui règne à leur sujet, qui suscite aussi une confusion au sujet du rôle d'autres facteurs, comme les droits de la personne. Essentiellement, les accords commerciaux sont une tentative, et j'insiste sur le mot tentative, d'accorder une préférence commerciale, entre deux pays. On le fait en réduisant le coût des échanges, et c'est évident avec les tarifs douaniers, mais peut-être moins dans le cas de la confiance des investisseurs. L'objectif est d'encourager le commerce, mais l'accord commercial ne va pas nécessairement à lui seul suffire à faire augmenter le commerce entre les partenaires.

  (1245)  

    La décision à savoir si on fait des échanges commerciaux ou non est prise au sein de forums individuels pour une panoplie de raisons, dont la question des ententes commerciales. Les ententes commerciales visent essentiellement à promouvoir les échanges pour créer des avantages ou pour en neutraliser.
    Prenons l'exemple du Canada, de la Colombie et des États-Unis. C'est un excellent exemple. Le Canada et les États-Unis font tous les deux des échanges avec la Colombie. Une fois que le Canada signe une entente de libre-échange avec la Colombie, les agriculteurs profitent sur-le-champ d'un avantage sur les prix de 16 p. 100 pour les produits exportés vers la Colombie. Le Canada détient un avantage. En un clin d'oeil, les États-Unis décident de réagir et de signer un accord avec la Colombie, pas pour s'assurer un avantage, mais plutôt pour neutraliser l'avantage dont profite le Canada ou pour conserver ses parts de marché.
    Il s'agit d'un aspect important par rapport aux accords commerciaux. J'y reviendrai dans un instant; je voulais simplement le souligner pour orienter la discussion.
    Pour ce qui est du Canada, de la Colombie et de l'étude d'impact sur les droits de la personne, l'approche adoptée est une approche « par étape » par laquelle on tente de traiter des questions de droits de la personne. L'accord lui-même énonce qu'« un rapport sur l'application de la présente loi pendant l'année civile précédente comportant le résumé des mesures prises sous le régime de la présente loi ainsi que l'analyse des répercussions qu'ont eues ces mesures sur les droits de la personne au Canada et en République de Colombie » doit être déposé à une date déterminée.
    L'idée importante est le processus par étape. On étudie d'abord les mesures spécifiques de l'entente pour déterminer si certaines des exigences juridiques iront à l'encontre des devoirs ou obligations d'un des pays signataires en vertu d'accords sur les droits de la personne comme la Déclaration universelle de l'ONU, ou pour déterminer si ces ententes vont miner la capacité du pays à respecter ces accords.
    Ce n'est pas controversé. Il s'agit d'un processus assez standard — c'est un examen juridique comparable à ce que les pays font dans les tribunaux constitutionnels ou dans les tribunaux d'examen juridique pour les accords.
    C'est la deuxième étape qui pose problème: on tente à ce moment-là d'étudier les répercussions plus larges qu'entraînera le commerce entre les deux pays. Le problème est aussi énorme qu'il semble l'être: à cette étape-là, on s'appuie sur des données qui ne sont pas probantes. On suppose qu'une diminution des coûts des risques associés au commerce pourrait — pourrait — inciter les compagnies à faire du commerce. Mais si on étudie les répercussions de l'accord lui-même, on doit prouver que les décisions relative aux investissements et au commerce s'appuient sur l'accord.
    La colinéarité ou la corrélation ne sont pas synonymes de causalité. Même une corrélation statistique ne prouve pas qu'il y a causalité. Dans l'accord, le volet sur l'évaluation des droits de la personne présuppose un lien de causalité là où il n'y en a pas. Si on se servait de ce genre d'argument en cours, on serait très vite déboutés pour avoir plaidé ce type d'argument.
    Un problème réside donc dans la question des évaluations des droits de la personne et dans le fait qu'on tente d'établir des liens entre les droits commerciaux et les droits de la personne. L'autre problème est celui qui a trait à la diversification commerciale: il s'agit d'une question des plus importantes pour ceux qui se penchent sur la théorie et les relations commerciales.
    Comme je l'ai dit, le cas de la Colombie s'inscrit dans le contexte du commerce entre les États-Unis, le Canada et la Colombie. Vous vous rappellerez que la plupart des arguments et des discussions, surtout celles qui ont eu lieu à Washington, quant à l'accord ne portaient pas sur une augmentation du commerce avec la Colombie — bien que, comme M. Solano l'a mentionné, le commerce a été accru dans certains cas —, mais portaient plutôt sur les répercussions de cet accord. À Washington, les discussions portaient sur le fait que les États-Unis perdaient des parts de marché au profit du Canada.
    Les producteurs de blé américains ont publié un rapport énonçant que les États-Unis allaient enregistrer des pertes de 100 millions de dollars par année en ventes de blé à destination de la Colombie — pas en termes de nouvelles ventes mais bien en termes de ventes actuelles. Vous voyez un peu la nature du problème. On ne tient pas non plus compte de ce genre d'argument dans l'évaluation des répercussions sur les droits de la personne.
    Il faut donc tenir compte de la causalité lorsqu'on décide de faire du commerce ou non, mais aussi pour la question de la diversification du commerce. Cet aspect joue un rôle énorme quand on essaie de trouver des solutions aux problèmes cernés, d'établir des liens de causalité, de montrer du doigt certains intervenants, de déterminer qui sont les parties responsables et d'envisager des mécanismes appropriés pour traiter des problèmes au fur et à mesure où ils sont découverts et pour les régler.
    En fin de compte, l'accord entre le Canada et la Colombie donne essentiellement lieu, en ce qui a trait à l'étude d'impact sur les droits de la personne, à un débat qui semble de plus en plus déconnecté de la réalité — on ne tient pas compte de la situation réelle en Colombie, ni du fait que les Colombiens... Et les Colombiens ont avoué qu'il reste beaucoup à faire pour améliorer la situation des droits de la personne révélée par certaines des études: le droit à un travail décent, le droit au repos et à la détente, le droit à l'éducation puisque celle-ci devrait être gratuite, le droit à la santé et autres. C'est la causalité qui pose problème, puisqu'il faut être en mesure d'établir un lien avec le commerce, exercice qui n'a pas encore été réalisé.

  (1250)  

    Pourquoi faire des évaluations de la viabilité et conclure des accords relatifs aux droits de la personne? Ils sont importants puisque les pourparlers commerciaux sont un excellent prétexte pour discuter des questions relatives aux droits de la personne dans une perspective de main-d'oeuvre, de travail et peut-être même de droits de la propriété intellectuelle, mais ils ne constituent pas le mécanisme approprié pour traiter de ces questions. Des accords, discussions et mécanismes séparés, ainsi que de l'aide technique pour travailler avec les gouvernements, s'avèrent des stratégies plus efficaces. Je crois que c'est un problème auquel le Canada sera bientôt confronté, surtout dans le cadre des négociations commerciales imminentes.
    Pour ce qui est du Partenariat transpacifique, comment traiterons-nous des droits de la personne et des évaluations s'y rattachant quand nous travaillerons avec des joueurs plus importants et plus forts qui seront davantage exigeants et moins prêts à se plier aux quatre volontés du Canada? Juste une note à ce sujet: je soulève simplement une question dont on devra tenir compte à la lumière des délibérations parce que celle-ci aura des répercussions sur les négociations et discussions d'accords à venir.
    Je m'arrête, mais il me ferait plaisir de parler de la Colombie et de la situation des droits de la personne dans ce pays, et de choses dont le comité n'a pas entendu parler lors de ses discussions sur la situation en Colombie; ces éléments sont en parallèle du cadre traditionnel des droits de la personne et des institutions des droits de la personne.
    Merci beaucoup.

  (1255)  

    Nous remercions nos quatre témoins de leurs déclarations. Elles nous sont très utiles. Nous devons écourter la période de questions, mais il nous reste 30 minutes ou un peu plus de temps.
    Nous allons commencer par Mme Papillon. Vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je remercie beaucoup tous nos invités. Je vous remercie de votre présence.
    À plusieurs reprises, les députés qui ne sont pas membres du gouvernement ont dénoncé le rapport qui a été soumis en mai dernier par le gouvernement conservateur. En effet, ce rapport est très superficiel. Il ne fait pas état de la situation des droits humains en Colombie. La méthodologie est vague, évitant les conseils des experts sur les droits de l'homme à l'ONU. La consultation a été inadéquate: on n'a consulté la société civile ni au Canada ni en Colombie. En effet, il n'y a aucun mécanisme de suivi pour aider à améliorer la situation à la suite de l'entrée en vigueur de cet accord.
    M. Juan Diego Gonzales Rúa, je tiens à vous remercier d'avoir déposé l'étude que vous avez réalisée avec les autres chercheurs. Cette étude nous donne quelques conclusions préliminaires et est beaucoup plus substantielle, d'ailleurs, que notre rapport.
     Vous dites que le gouvernement de la Colombie n'a produit aucun rapport sur les droits humains. Est-ce vrai? J'aimerais vous entendre, également, sur cette question.

[Traduction]

M. Juan Diego Gonzalez Rúa (Interprétation):
    Très juste, le gouvernement colombien n'a pas remis de documents ou fait de déclarations à ce sujet.

[Français]

    C'est très bien.
    Il serait intéressant de savoir quelles mesures ont été prises par le gouvernement colombien pour favoriser la responsabilité sociale des entreprises canadiennes en Colombie. On sait que le problème n'est peut-être pas lié aux mesures législatives, mais à l'application de ces mesures.
    Quels mécanismes de suivi pourrait-on mettre en place pour s'assurer que cet accord nous permettra d'avancer dans la bonne direction?

[Traduction]

M. Juan Diego Gonzalez Rúa (Interprétation):
    Pour ce qui est des mécanismes de suivi, dans le cadre de ce type d'accord, nous proposons qu'un organisme précis soit créé pour déposer un rapport annuel qui étudiera la situation concrète dans chaque collectivité où une entreprise étrangère, dans ce cas-ci le Canada, se trouve. Nous voulons aussi que la société civile participe au processus, soit les organismes, les ONG...
    Les organismes doivent scruter la situation de façon indépendante et ils doivent étudier la situation réelle dans notre pays. Par exemple, en Colombie, notre rapport n'a pas encore été publié à grande échelle. Notre rapport est relativement récent, mais nous espérons qu'au fil du temps, nous serons mieux connus au sein de la société civile canadienne aussi.

[Français]

    Acceptez-vous l'excuse du gouvernement pour le rapport très léger qui a été soumis, c'est-à-dire qu'il manquait de données disponibles sur le terrain et qu'il a manqué de temps pour produire ce rapport?

  (1300)  

[Traduction]

M. Juan Diego Gonzalez Rúa (Interprétation):
    Je crois qu'il faut d'abord souligner que, quand l'accord est entré en vigueur, les deux pays ont formulé un engagement, mais en dépit de celui-ci, on a décidé de créer un seuil qui nous servirait de paramètre pour mesurer les répercussions d'un éventuel accord. Comme le gouvernement colombien n'a pas présenté de rapport et que le gouvernement canadien en a rédigé un qui n'était pas vraiment un rapport, la société civile du Canada et de la Colombie est déçue, en particulier envers le gouvernement colombien.
    Madame Papillon.

[Français]

    J'ai une simple question en ce qui concerne la protection des investisseurs canadiens. Vous en avez justement parlé, madame Moore. C'est ce qui est important, la protection de nos investisseurs canadiens. Il faut s'assurer qu'ils ne contribueront pas à maintenir la situation, qu'ils ne l'encourageront pas ni n'en tireront profit. Pourriez-vous nous dire quelques mots là-dessus?

[Traduction]

    Je vais permettre à Mme Moore de répondre très brièvement.
    Nous croyons que cet accord a renforcé le cadre législatif actuel pour les investisseurs canadiens en Colombie, en particulier dans le secteur minier, et que la société civile en Colombie, en partenariat avec des organismes ici au Canada, précise les risques graves pour les terres indigènes et afro-colombiennes et pour les sources vitales d'eau.
    L'octroi insouciant de concessions minières partout en Colombie a entraîné le chevauchement dangereux de sources essentielles en eau, de terres ancestrales de peuples afro-colombiens et autochtones et de collectivités entières qui dépendent actuellement d'activités telles que l'exploitation minière à petite échelle.
    Le rapport colombien, que vous avez peut-être déjà lu, porte entre autres sur un cas relatif au déplacement d'une communauté entière qui dépend depuis environ 400 ans des investissements dans l'exploitation minière à petite échelle afin de laisser la place à une compagnie canadienne qui, en 20 ans, épuisera toutes les réserves aurifères de la région pour ensuite probablement déguerpir. Des milliers de personnes perdront leur emploi et une communauté autochtone, qu'on n'aura pas bien consultée pour ce projet, aura été déplacée. Cette situation aura aussi peut-être des répercussions graves sur les sources d'eau qui se déversent dans la rivière Cauca, un des plus grands bassins d'approvisionnement en eau au pays. Il ne s'agit là que d'un seul exemple.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Holder, vous avez la parole. Vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier nos témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Madame Moore, si je puis, êtes-vous membre d'un parti politique?
    Non.
    La raison pour laquelle je vous pose la question, c'est parce que, d'ordinaire, quand des témoins viennent comparaître, leurs témoignages sont aussi objectifs que possible. Je n'essaie surtout pas de dicter la façon dont nos témoins devraient s'exprimer parce que je respecte le fait qu'ils ont leur propre point de vue, mais j'ai été très déçu de vous entendre dire que les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ne sont venus comparaître à notre dernière séance que pour dorer la pilule. Quand les députés de l'opposition tiennent de tels propos, je me dis que c'est une attaque partisane ordinaire, mais je m'attends à ce que nos témoins fassent preuve d'un peu plus de respect. Je le dis en toute prudence puisque vous êtes notre invitée. Je voulais simplement partager mon opinion avec vous, et c'est tout ce que je dirai à ce sujet.
    Monsieur Solano, j'aimerais vous poser une question. Vous travaillez dans un secteur très dynamique qui semble prospère, soit l'industrie des fleurs. Ma famille est propriétaire du plus vieux fleuriste au Canada, et je sais que nous achetons des fleurs de la Colombie, alors j'espère que mes questions ne constitueront pas un conflit d'intérêts. Je vous ai entendu dire — et vous pourrez peut-être préciser vos propos — qu'environ 30 000 emplois ont été perdus. Je n'ai pas saisi si ces emplois ont été perdus dans le secteur des fleurs, mais si c'était le cas, vous donniez l'impression que c'était une chose récente. Pouvez-vous expliquer pourquoi ces pertes d'emplois ont eu lieu?
M. Augusto Solano (Interprétation):
    Oui. Au cours des cinq dernières années, il y a eu réévaluation de la devise, et la valeur du peso s'est appréciée. Vous êtes bien au courant de la situation. La valeur du peso s'est accrue, et le dollar américain s'est dévalué.
    Les frais de main-d'oeuvre représentent 50 p. 100 de nos coûts. Le secteur s'est donc retrouvé dans une situation très complexe. Ce phénomène s'est ajouté à deux autres problèmes. Depuis les dernières années, nos marchés principaux traversent une crise économique, et il y a aussi bien entendu les problèmes aux États-Unis et en Europe.
    D'autre part, il y a eu le tsunami de l'an dernier, ce qui a perturbé notre secteur. Comme vous le savez, le climat colombien pose aussi problème. L'an dernier, les conditions météorologiques ont entraîné de grandes répercussions.
    Mais en réalité, c'est le peso qui pose problème, et deux de nos sénateurs prennent des mesures pour voir comment on peut rectifier la situation. Comme vous le savez, les Néerlandais nous livrent concurrence, ce qui a fait disparaître 30 000 emplois dans notre secteur...

  (1305)  

    Monsieur le président, je suis désolé, je ne voudrais pas interrompre notre ami, mais j'aimerais faire un bref rappel au Règlement.
    Un rappel au Règlement? Allez-y.
    En plus d'avoir demandé à notre invitée pour qui elle vote ou si elle est membre d'un parti...
    Le président: Non...
    M. Don Davies:Puis-je faire valoir mon point?
    Le président:Très rapidement.
    M. Don Davies: Il a posé une question à notre invitée sans lui permettre de répondre, et je pense que c'est inapproprié...
    Très bien. Ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Eh bien, monsieur le président, je n'ai pas terminé. Il a dit à notre invitée, à tort, que les témoins sont les invités du comité. Ils sont plutôt les témoins de notre comité, et à ce titre, ils ont le droit de livrer leurs témoignages...
    Le président: D'accord.
    M. Don Davies: ... et de répondre aux questions, monsieur le président.
    Très bien, ça suffit, vous avez fait passer votre message. Les témoins peuvent répondre de la façon dont ils le désirent...
    Mais il ne lui a pas permis de répondre. C'est la raison pour laquelle je fais un rappel au Règlement.
    ... et les députés peuvent poser leurs questions de la façon qu'ils le souhaitent. Le sujet est clos.
    Monsieur Holder, vous avez la parole.
    Combien de temps...? J'espère que...
    Je vais vous rajouter du temps. Vous avez la parole.
    Je vous en suis reconnaissant. Puis-je vous demander combien de temps il me reste pour que je puisse savoir à quoi m'en tenir?
    Il vous reste deux minutes.
    D'accord. Monsieur Solano, je vais donc vous donner congé parce que j'aimerais poser cette question à M. Dade.
    Vous avez piqué ma curiosité quand vous avez dit que la théorie du commerce suppose qu'« il y a lien de causalité là où il n'en existe pas ». Je crois que c'est ce que vous avez dit textuellement. Alors j'imagine que ma question est... Selon vos propos, j'ai déduit qu'il n'est peut-être pas logique d'étudier le volet des droits de la personne par rapport à un accord commercial. Mais ne pensez-vous pas qu'il est important d'inclure un volet sur les droits de la personne, peu importe ses liens de causalité? Parce que c'est sans contredit un des aspects fondamentaux dont nous avons tenu compte dans tous nos accords commerciaux.
    J'aimerais que vous nous répondiez sincèrement.
    Je pense qu'il s'agit de deux questions distinctes. Pour inclure ce volet dans l'accord, il faudra bonifier la méthodologie et dresser la liste des entreprises et des investisseurs pour déterminer quelles décisions doivent être examinées. Puis, à l'étape suivante, il faut retrouver les entreprises dont la décision a été motivée par l'accord de libre-échange ou par un de ces volets — il faut déterminer quels aspects et dispositions de l'accord les ont incités à se lancer et comment ils ont influencé leur comportement — pour ensuite obtenir réparation pour les dommages avec l'aide d'un volet de l'accord commercial.
    C'est ce qui importe par rapport à la causalité. Si vous voulez utiliser l'accord pour cerner les problèmes et les recours liés aux répercussions, il faut établir un lien de causalité.
    Pour ce qui est d'intégrer ces principes dans l'accord, je pense qu'il serait plus logique de conclure des accords séparés avec les pays. Si les droits de la personne constituent une préoccupation aussi dominante, ils ne devraient pas être relégués à un accord parallèle. Si les inquiétudes sont si importantes et urgentes, je crois qu'elles devraient être traitées de façon plus transparente et directe. Prenons l'exemple des accords que nous avons conclus avec des pays des Amériques. Plus d'accusations pèsent contre eux à la Cour interaméricaine des droits de l'homme que contre la Colombie. Et pourtant, ces pays n'ont pas d'accords parallèles sur les droits de la personne, et ceux-ci ne font pas l'objet de discussion.
    Ce problème comporte donc plusieurs volets. Un des problèmes est imputable à l'hypocrisie pure et simple: on conclut des accords avec de petits pays faibles plutôt qu'avec de grands partenaires où des problèmes relatifs aux droits de la personne sont répertoriés. La méthodologie visant à prouver la causalité est un autre problème.
    M. Ed Holder: Merci.
    Le président: Merci beaucoup.
    M. Ed Holder: Je remercie nos invités.
    Monsieur Easter, vous avez cinq minutes.
    Merci monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins de leurs exposés.
    Monsieur Solano, vous représentez l'Association colombienne des exportateurs de fleurs. En ce qui a trait à la culture de fleurs en Colombie, combien de compagnies représentez-vous? J'aimerais avoir les chiffres et j'aimerais savoir si ces compagnies appartiennent à des intérêts locaux qui les gèrent ou si elles sont détenues par des étrangers?

  (1310)  

M. Augusto Solano (Interprétation):
    Nous formons l'Association colombienne des exportateurs de fleurs. J'en suis le président. Je ne cultive pas de fleurs; je suis gestionnaire. Nous avons environ 250 exploitations qui représentent 70 p. 100 des exportations du pays. Mon organisme est privé. C'est un organisme à but non lucratif.
    Pour ce qui est des exploitants de ces compagnies — et ma question porte sur l'exploitation des terres et des paysans, pour ainsi dire —, est-ce que ces 250 exploitations agricoles sont détenues et gérées par des intérêts locaux ou par des entreprises multinationales ou autres?
M. Augusto Solano (Interprétation) :
    Non. Pratiquement toutes ces compagnies sont la propriété d'intérêts colombiens. Dans quelques cas, il y a peut-être une faible participation d'étrangers. Il y a quelques années, l'entreprise multinationale Dole détenait 18 p. 100 de tout le secteur, mais elle a décidé de se retirer de ce marché il y a deux ou trois ans parce que le secteur des fleurs ne lui réussissait pas bien. Toutes les autres compagnies sont 100 p. 100 colombiennes.
    Merci.
    Madame Moore et monsieur Gonzales Rúa, j'aimerais revenir à vous. Vous avez tous les deux mentionné le rapport qui n'en est pas un du gouvernement du Canada, et en réponse à la remarque de M. Holder — et je n'essaie pas d'être partisan, je n'énonce que les faits —, je précise que les ministres sont responsables. Nous avons un gouvernement conservateur qui, en fin de compte, est responsable. Il ne sert à rien d'accuser les fonctionnaires pour avoir décidé de publier un tel rapport qui n'en est pas un, puisqu'il n'a pas été rédigé. Nous ne savons pas qui a décidé qu'il ne serait pas publié, mais il ne fait aucun doute qu'il n'a pas été rédigé.
    Voici l'excuse qu'on nous a donnée, et je cite le procès-verbal:
Les données sur le commerce et les investissements qui ont été recueillies au cours d'une période de quatre mois et demi ne nous permettaient pas d'effectuer une analyse rigoureuse et approfondie de la corrélation entre ces activités économiques et les droits de la personne
    C'est ce que Mme Kerry Buck, la sous-ministre adjointe, nous a dit.
    Madame Moore et monsieur Gonzalez Rúa, comment réagissez-vous à cette excuse et qu'est-ce qui devrait être fait à l'avenir?
    Madame Moore, veuillez commencer.
    Selon moi, il s'agit d'une excuse inacceptable. Il a fallu énormément de temps pour négocier et ratifier l'Accord de libre-échange avec la Colombie, à cause de l'immense controverse sur la grave crise des droits de la personne en Colombie.
    Des pourparlers rigoureux ont donné lieu à un accord juridique dans la cadre d'une loi, et notre gouvernement a signé le tout il y a deux ans, s'engageant à produire ce rapport chaque année. Le gouvernement a eu amplement de temps d'étudier la méthodologie à adopter et la façon de procéder pour se préparer à mettre l'accord en oeuvre puisqu'il savait qu'il devait déposer son premier rapport le 15 mai de cette année.
    En toute franchise, la qualité du rapport que le gouvernement a déposé ne justifie même pas les quatre mois et demi qu'il a lui fallu pour le rédiger et le déposer le 15 mai. Le rapport du gouvernement aurait très bien pu être rédigé à la va-vite en très peu de temps.
    Je trouve que cette attitude fait complètement fi des efforts considérables que beaucoup déploient pour que le Canada intervienne efficacement dans la crise des droits de la personne en Colombie. Je ne pense pas que l'excuse de quatre mois et demi soit un brin raisonnable.

  (1315)  

    Monsieur Rúa, il ne reste plus de temps, mais je veux vous permettre de répondre très brièvement si vous le souhaitez.
M. Juan Diego Gonzalez Rúa (Interprétation):
    Je suis tout à fait d'accord avec Mme Moore quant au fait qu'aucun des deux gouvernements n'a rédigé de vrais rapports. Les deux pays s'étaient entendus pour déposer des rapports, et ils avaient assez de temps pour le faire. On ne sait pas vraiment pourquoi ces rapports n'ont pas été rédigés. C'est peut-être dû à une indifférence quant au problème de droits de la personne au profit d'une volonté d'accroître le commerce.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Shipley, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci monsieur le président.
    Merci à nos témoins d'être parmi nous.
    Monsieur Solano, vos propos sont intéressants. J'ai eu l'occasion de me rendre en Colombie il y a un certain temps. J'ai appris quelques bribes de renseignements sur le secteur des fleurs de votre beau pays.
    Pouvez-vous nous glisser un mot sur les changements? Cet accord commercial est peut-être encore trop récent pour qu'on détermine son influence sur l'exportation de fleurs vers le Canada. Avez-vous constaté ou prévoyez-vous que l'accord comportera un avantage d'envergure pour votre secteur? Votre industrie représente 1,25 milliard de dollars par année, et vous créez donc de toute évidence beaucoup de retombées, du transport aérien de tous vos produits en passant par le nombre d'employés dans le secteur.
    Pouvez-vous nous parler des effets concrets?
M. Augusto Solano (Interprétation):
    Oui. Comme vous l'avez dit, l'accord est encore très récent. Dans le secteur des fleurs, il faut du temps. Il faut y aller graduellement, mais les choses progressent, et nous croyons que nos exportations vont augmenter. On récolte des fleurs et on offre des services. Comme je l'ai mentionné, nous avons pu le constater à l'exposition que nous avons organisée au Mississauga il y a quelques semaines.
    Cet accord et les dispositions relatives à la main d'oeuvre ratifient le programme mis de l'avant par notre organisme. Nous sommes signataires du Pacte mondial des Nations Unies et, je le répète, nous sommes membres du comité de l'OIT qui cherche à éliminer le travail des enfants. Ce n'est pas un problème dans l'industrie des fleurs, mais nous appuyons l'élimination du travail des enfants parce que nous avons, selon nous, l'occasion d'atténuer les effets de difficultés croissantes auxquelles nous sommes confrontés à cause de l'appréciation du peso colombien.
    Nous voulons donc nous assurer que la floriculture colombienne — et nous le savons — est à la base une industrie internationale. Nous exportons pratiquement tout ce que nous récoltons. Donc, les problèmes sociaux et environnementaux nous préoccupent depuis le début, et nous essayons de toujours en tenir compte davantage.
    Pour ce qui est des droits environnementaux, nous avons conclu une entente avec Bayer pour calculer notre empreinte carbone et essayer de la réduire. Nous y travaillons sur différents points.
    Nous avons aussi collaboré avec les députés du Parlement pendant les pourparlers. Nous vous invitons à venir nous rendre visite pour constater le travail sur le terrain, dans les champs, et pour voir les progrès, tant sociaux qu'environnementaux.
    Merci.
    Monsieur Dade, j'ai une question pour vous, car elle est demeurée en suspens, en fait. Vous avez affirmé manquer de temps, mais il y a certains éléments portant sur les droits de la personne que vous n'avez pas pu expliquer dans le cadre de votre déclaration d'ouverture. J'aimerais que vous reveniez sur ces points et que vous nous donniez des explications.
    Bien sûr. Je vous remercie chaleureusement de votre question.
    Je voulais parler des problèmes auxquels la Colombie s'est attaquée... D'abord, une mise en contexte relative aux droits de la personne. Cette question est présente dans tous les pays de l'hémisphère, du Canada à l'Argentine en passant par le Chili. Or, c'est en Colombie qu'on constate les efforts les plus dynamiques pour s'attaquer aux problèmes relatifs aux droits de la personne qui sont soulevés.
    Prenez par exemple la Cour internationale des droits de l'homme, qui relève de l'Organisation des États américains et que les États-Unis et le Canada ont cherché à défendre contre les attaques du Venezuela, de la Bolivie et d'autres pays. La Colombie est un pays qui a bien accueilli le tribunal et ses interventions, sans compter le fait qu'elle a pris des mesures en conséquence, soit une position différente par rapport aux autres pays.
    Plus précisément et très brièvement, passons en revue les mesures que la Colombie a prises. Sous la houlette du président Santos, trois nouveaux ministères ont été créés: celui du travail, celui de la Justice et le tout nouveau ministère de l'Environnement. Le gouvernement a constitué deux nouvelles unités d'application de la loi destinées aux victimes. Samedi dernier, le président Santos s'est rendu à Medellin pour remettre des chèques aux Autochtones en compensation de proches décédés durant les périodes d'exaction. Le gouvernement a également mis sur pied un comité qui restituera les terres confisquées. Ce ne sont là que quelques exemples.
    Le plus fascinant au sujet de la Colombie... Savez-vous quel est le tout premier droit recensé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies? Quelqu'un le sait-il? Il s'agit du droit à la sécurité personnelle, du droit à la vie. Ce droit est énoncé en premier dans la déclaration, avant le 24e, le droit au loisir et au repos, et avant le droit à la santé ou à l'éducation. Ce droit est prioritaire parce que, fondamentalement, tout le monde sur la planète comprend que ce droit est le plus important de tous.
    C'est en Colombie qu'on constate la réduction la plus impressionnante du taux d'homicides, de criminalité et d'enlèvements. Pour le Colombien moyen qui conduit un taxi, qui est comptable ou qui est caissière de soir dans une quincaillerie, la principale préoccupation, c'est la criminalité et la violence. Cela fait partie du principal droit fondamental de la personne. Les homicides ont connu une baisse de moitié depuis 2002. On a constaté une réduction de 90 p. 100 des enlèvements, alors que les actes terroristes ont chuté de 65 p. 100. C'est en Colombie qu'on connaît la plus grande amélioration de l'hémisphère en ce qui concerne le droit de la personne qui a une répercussion directe sur la vie quotidienne des habitants.

  (1320)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Morin, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Ma question s'adresse à M. Solano. Au mois de février 2012, le CDHAL, le Comité pour les droits humains en Amérique latine, a mis en ligne une pétition destinée au ministre John Baird, à Rafael Pardo Rueda, ministre du Travail de la Colombie, et à vous-même, afin de faire part de ses préoccupations au sujet d'une tendance de l'intensification du travail qui affecte la santé des travailleurs et des travailleuses du secteur des fleurs. Selon le CDHAL, cette pétition est la troisième qui vous est destinée depuis 2006.
    Êtes-vous au courant de cette pétition? Êtes-vous d'accord sur son contenu? Avez-vous entrepris des actions en ce sens?

[Traduction]

    Monsieur Solano, je crois que cette question s'adressait à vous.
M. Augusto Solano (Interprétation):
    Pouvez-vous répéter la question s'il vous plaît?

[Français]

    Êtes-vous au courant de la pétition qui a été déposée par le CDHAL en février 2012, qui porte sur l'intensification du travail dans l'industrie des fleurs? Vous devriez en avoir reçu une copie, comme le ministre des Affaires étrangères, John Baird, et le ministre du Travail de la Colombie. Est-ce que vous êtes au courant de cette pétition?

[Traduction]

M. Augusto Solano (Interprétation):
    Non. C'est dans le respect des normes établies par le ministère du Travail. Le ministre du Travail a récemment participé à une réunion de notre conseil d'administration. En fait, nous voulons simplement que les normes établies par le gouvernement dans tous les domaines soient respectées.

  (1325)  

[Français]

    Merci, monsieur Solano.
    Madame Moore, j'ai l'impression qu'on nous demande beaucoup de faire confiance à toutes sortes de gens, mais qu'on n'est pas tellement préparés pour nous donner des preuves de ce qu'on avance. Sans entrer dans des propos partisans, je crois en ce que je vois. Je me dis qu'il faut le voir pour le croire, mais j'ai l'impression que mes collègues du gouvernement disent qu'il faut y croire pour le voir. Je trouve cela un peu osé.
    Je peux vous montrer la partie du rapport sur les droits de la personne, qui a été présenté la semaine dernière. C'est un peu osé de nous demander de croire que tout va bien. Selon la situation décrite par M. Solano, l'industrie des fleurs en Colombie est une espèce de Club Med où des ouvriers bien habillés travaillent dans des conditions merveilleuses, mais je me permets d'en douter. Quand je regarde les reportages sur cette industrie diffusés par les médias européens, cela ne me rassure pas.
    Si un rapport n'a pas été présenté, serait-ce parce qu'il était tellement troublant qu'il aurait pu remettre en question notre entente avec la Colombie?

[Traduction]

     À qui cette question s'adressait-elle?

[Français]

    Elle s'adresse à Mme Moore.

[Traduction]

    Je ne peux certainement pas me prononcer sur la floriculture en Colombie, et j'ai limité mes propos aux investissements canadiens dans le secteur minier. Il ne fait aucun doute que le rapport déposé en mai avait une approche qui consistait à ne rien voir, ne rien entendre et ne rien dire.
    Manifestement, mes propos font écho aux plaintes et aux preuves dont on nous a fait part ces dernières années. Nous avons publié un rapport sur quatre études de cas dans le secteur extractif canadien en Colombie en 2009. Avec nos partenaires colombiens, nous avons recueilli des preuves de déplacement forcés à maintes reprises et de préjudices graves à la subsistance et à la propriété foncière des habitants de différentes parties du pays. Nous croyons qu'il ne s'agit que de la pointe de l'iceberg, et que des préjudices encore plus graves pourraient être réparés. J'ai insisté sur ces préjudices pour souligner les mesures de protection qui pourraient être mises en place en vertu de scénarios possibles ou dans la foulée des obstacles que pourraient créer l'accord de libre-échange.
    Mes propos étaient fondés sur le type de preuves que nous avons recueillies. Nous avons été très déçus de voir que le gouvernement ne prend pas au sérieux ces signes pour aller plus en profondeur et jeter des bases solides pour l'avenir.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Hiebert, il vous reste environ une minute et demie.
    Monsieur Dade, j'aimerais vous poser une question, car je me sens perplexe. Vous avez affirmé qu'il n'y a pas vraiment de lien entre un accord commercial et les droits de la personne. N'est-ce pas ce que vous avez dit?
    On peut remettre en question cette corrélation. Ce lien a été étudié dans le contexte de la présente entente et des relations entres les pays, mais la seule façon d'établir avec certitude ce lien consiste à effectuer une enquête en fonction d'une méthodologie donnée. Il faudrait interroger les sociétés pour prouver qu'il y a un lien.
    J'ai affirmé qu'historiquement il existe des cas incontestables, par exemple la fin de l'esclavage. L'esclavage a manifestement été l'une des violations des droits de la personne les plus graves qui soient. Par conséquent, cela dépend de l'accord, des pays et de la mise en oeuvre.
    Alors, comment expliquez-vous les changements spectaculaires depuis 2002 en Colombie? Croyez-vous qu'il existe une raison autre que le commerce qui puisse expliquer la chute du taux d'homicides et les meilleures perspectives pour les Colombiens?
    Il y avait une relation causale plus étroite entre d'une part ces améliorations et d'autre part les interventions et réformes entreprises par le gouvernement, comme le fait de déployer davantage d'agents de police, la formation améliorée de ces agents et la création de nouvelles unités par le gouvernement. La chute spectaculaire du nombre de décès chez les habitants affiliés à un syndicat ou syndiqués pourrait s'expliquer par la protection offerte aux membres des syndicats.
    Il est donc possible de prendre des mesures précises prises par le gouvernement dans des circonstances données et d'établir une corrélation plus étroite.

  (1330)  

    Quel lien pouvez-vous faire entre votre affirmation selon laquelle le nombre de syndicalistes décédés est à la baisse et ce que Mme Moore et ses collègues ont dit au sujet du fait que la Colombie est le pays le plus dangereux au monde pour un syndicaliste?
    Le nombre d'homicides en Colombie était de 14 700 par année, ce qui correspond à environ 30 décès par tranche de 100 000 habitants. Le taux de décès chez les syndicalistes ou travailleurs associés d'une façon ou une autre à un syndicat était, si je ne m'abuse, de quatre ou cinq par 100 000 habitants. Par conséquent, le niveau de sécurité est plus élevé. Certains, dont je ne fais pas partie, affirment même qu'il est plus sûr d'être syndiqué en Colombie que de faire partie de la population générale, si l'on s'en tient tout simplement aux statistiques brutes du taux d'homicides par 100 000 habitants.
    En fait, le taux d'homicides chez les personnes associées à des syndicalistes a chuté de façon proportionnelle à la baisse générale du taux d'homicides dans le pays. Le gouvernement a investi davantage dans la sécurité. Au fur et à mesure que la situation s'améliorait, on a pu constater une baisse proportionnelle du taux d'homicides chez les syndicalistes. Par la suite, le gouvernement a adopté des mesures spéciales pour protéger les syndicalistes ou les personnes associées à un syndicat. Le taux d'homicides a chuté plus rapidement pour cette catégorie que pour la population générale. C'est le lien de causalité le plus étroit que l'on puisse tisser.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Gonzalez Rúa et madame Solano, je suis désolé, car vous n'êtes pas en mesure de m'entendre. Nous avons perdu la connexion vers la fin de l'intervention. Je vous remercie d'avoir participé à la séance à titre de témoins invités. Monsieur Dade et madame Moore, je vous remercie d'être venus aujourd'hui.
    Notre temps est écoulé.
    La séance est levée.
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