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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 109 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 4 octobre 2018

[Énregistrement électronique]

(0845)

[Français]

[Traduction]

    Bienvenue à tous. Aujourd'hui, le Comité poursuivra son étude sur les défis en santé mentale dans la communauté agricole.
    Nous accueillons ce matin la directrice générale du Conseil canadien de l'horticulture, Rebecca Lee. Ravi de vous revoir, Rebecca, et merci d'être ici ce matin. Elle est accompagnée de la présidente du Comité de la main-d'oeuvre du Conseil canadien de l'horticulture, Beth Connery. Soyez la bienvenue, Beth.
    Nous recevons en outre la directrice générale des Ontario Sheep Farmers, Jennifer MacTavish. Bienvenue parmi nous, madame MacTavish.
    Nous allons débuter par les déclarations liminaires, d'une durée de six minutes chacune.
    Voulez-vous commencer, madame MacTavish? Vous disposez de six minutes. Je vous remercie.
    Je représente ce matin les Ontario Sheep Farmers et je vous remercie de me donner l'occasion de parler de la santé mentale des agriculteurs.
    La contribution à l'économie ontarienne des 3 000 éleveurs que représentent les Ontario Sheep Farmers dépasse 465 millions de dollars. C'est en Ontario que se trouve le plus gros cheptel ovin du Canada. Nous transformons plus de la moitié de tous les moutons et agneaux nés au Canada. Avec nos partenaires de l'Alberta et du Québec, nous avons formé le Réseau ovin national afin de mettre en commun les ressources de nos provinces et d'unir nos forces dans divers dossiers d'intérêt mutuel.
    Cela dit, si je suis ici aujourd'hui, c'est d'abord et avant tout parce que je travaille avec des agriculteurs depuis près de 17 ans, et je dois dire que leur santé mentale m'inquiète de plus en plus. Même si j'ai passé une bonne partie de ma carrière à promouvoir l'agriculture et la gestion des risques opérationnels — ce qui, dans le domaine agricole, est souvent synonyme de santé animale —, la santé mentale des agriculteurs eux-mêmes a toujours été l'une de mes priorités.
    Il y a quelques années, j'ai suivi le cours de premiers soins en santé mentale qu'offre la Commission de la santé mentale du Canada. J'étais entourée de premiers intervenants et de travailleurs sociaux, mais c'est aux éleveurs du comté de Wellington que je pensais, car à l'époque, ils luttaient contre une éclosion de grippe aviaire. Avant de suivre le cours, j'avais lu le témoignage d'agriculteurs qui parlaient de l'isolement social qu'ils subissaient parce que leurs bêtes étaient infectées. Je me souviens tout particulièrement de l'un d'eux, qui racontait que personne ne voulait s'asseoir près de sa famille à l'église.
    Par après, je me suis rappelé les nombreux agriculteurs qui m'appelaient de temps à autre pour se plaindre du faible prix des terres ou de tel ou tel nouveau règlement. Il y en a un qui est venu me voir, une fois, pour me raconter, les larmes aux yeux, qu'un coyote avait attaqué l'agneau 4-H de sa fille. Je n'ai pas pu m'empêcher de me demander si j'en avais fait assez pour ces gens. Les avais-je bien soutenus ou avais-je plutôt soupiré de frustration parce que je n'y pouvais rien, moi, au prix des terres? Avais-je été tentée de raccrocher au plus vite pour me remettre sans tarder à mon « vrai » travail?
    J'ai alors commencé à partager mes inquiétudes concernant la santé mentale des agriculteurs à qui voulait bien m'entendre. Pour tout vous dire, au départ, ils étaient bien peu. C'est toutefois encourageant de constater que, depuis, mon auditoire s'est accru et que le milieu agricole a fini par se mobiliser. Heureusement, la Dre Andria Jones-Bitton, de l'Université de Guelph, m'a non seulement écoutée, elle a pris les choses en mains et elle s'est dès lors intéressée de près à la santé mentale des agriculteurs. Ses recherches ont directement contribué à l'établissement d'un dialogue sur le sujet, en plus d'aider les gens à bien comprendre ce phénomène.
    Nous savons que l'agriculture est un métier risqué qui nécessite une incroyable faculté d'adaptation à l'incertitude et au changement. Seulement dans la dernière année, les agriculteurs du pays ont subi les affres de la sécheresse et de la diarrhée épidémique porcine, sans parler des répercussions financières qu'a eues la renégociation de l'ALENA et de celles qu'aura sa nouvelle mouture, l'Accord États-Unis-Mexique-Canada, l'AEUMC. Même si tout le monde sait que ces problèmes peuvent avoir un effet sur les affaires des agriculteurs, on ne dit pas assez souvent qu'ils sont complètement indépendants de leur volonté et qu'ils peuvent aussi avoir une incidence sur leur santé mentale, ce qui se répercute alors sur leur productivité et, de là, sur la viabilité de leur ferme.
    Ajoutons à tout cela le fait que, plus une ferme grossit, plus le fermier qui l'exploite est en proie à l'isolement, physiquement, d'abord, mais aussi socialement. Le public est de moins en moins familier avec le fonctionnement d'une ferme, quand il n'a pas une conception réductrice de l'agriculture en général, et des agriculteurs en particulier.
    Les agriculteurs ont toujours assumé ce fardeau seuls, sans broncher. Il faut que ça change. C'est la pérennité et la viabilité de tout le milieu agricole canadien qui est en jeu si on ne se soucie pas davantage de la santé mentale des agriculteurs. Les recherches de la Dre Jones-Bitton le confirment: le stress aigu, l'anxiété et la dépression font tous partie de la vie agricole, tout comme le manque de résilience et les risques de surmenage. De nombreux reportages ont d'ailleurs souligné que l'agriculture figure parmi les métiers les plus stressants du monde. Aux États-Unis, la principale cause de décès parmi les agriculteurs est le suicide.
    On comprend encore mal les répercussions que les problèmes de santé mentale et le manque de résilience peuvent avoir sur l'exploitation d'une ferme. On peut toutefois déduire, à partir des recherches sur le sujet portant sur d'autres occupations, qu'il s'agit d'un obstacle à la productivité, à la croissance et à l'innovation. On croit même que ce phénomène pourrait contribuer à l'attrition que connaît actuellement le milieu agricole. Je représente les éleveurs de bétail, alors je ne peux pas faire comme si leur santé mentale n'avait aucune incidence sur leur capacité à bien prendre soin de leurs bêtes. Même si je suis tout à fait consciente qu'on ne pourra jamais éliminer complètement le stress des exploitations agricoles, nous devons soutenir les agriculteurs afin qu'ils cessent de survivre et se mettent à bien vivre de leur métier.
(0850)
    Nous devons aussi concevoir des programmes et des mécanismes de soutien spécialement pour eux. On ne peut pas se contenter d'adapter les programmes destinés au reste de la population, car ils n'ont aucun succès dans le milieu agricole. Rien ne sert par exemple de recommander aux agriculteurs de prendre des vacances ou de passer plus de temps dans la nature, d'abord parce que c'est impossible, ensuite parce qu'ils risquent de le prendre plutôt mal.
    On me fait signe que mon temps de parole achève, alors je passe tout de suite au dernier paragraphe de mon allocution.
    Je vois très mal comment le Canada pourrait espérer compter sur un bon système d'approvisionnement alimentaire si la santé de ses agriculteurs est défaillante. Les fermiers et éleveurs canadiens nous disent que leur santé mentale les préoccupe grandement, et tous les signes montrent qu'ils ont besoin d'aide. Il faut faire quelque chose.
    L'heure est venue de passer à l'action et de mieux prendre soin de ceux et celles qui nous nourrissent.
    Passons maintenant au Conseil canadien de l'horticulture. Qui veut commencer?
    D'accord.
    Merci beaucoup de nous avoir invitées.
    Bonjour à tous. C'est un plaisir pour nous de participer à l'étude du comité sur les défis en santé mentale dans la communauté agricole.
    Situé à Ottawa, le Conseil canadien de l'horticulture est un regroupement national bénévole à but non lucratif. Les fruiticulteurs et les maraîchers qu'ils représentent sont situés un peu partout au Canada et produisent plus de 120 différents types de fruits et légumes, pour des recettes de 5,4 milliards de dollars en 2017. La chaîne de valeur dont ils sont le point de départ est estimée à près de 14 milliards de dollars du PIB réel et fournit de l'emploi à 181 600 Canadiens.
    Depuis près d'un siècle, le Conseil défend les intérêts du secteur horticole du Canada. Nous préconisons la production d'aliments sains, sûrs et durables, tout en favorisant le succès et la croissance de notre industrie.
    Pour ce faire, le milieu a toutefois besoin de soutien assidu, et les conditions d'affaires doivent inciter les agriculteurs à poursuivre leur métier.
    Je m'appelle Beth Connery et je suis la présidente du Comité de la main-d'oeuvre du Conseil canadien de l'horticulture. J'aimerais aujourd'hui vous faire part de mon expérience.
    Pour ces gens, les sources de stress sont partout: pression financière, pénurie de main-d'oeuvre, affaiblissement de la concurrence, météo défavorable et j'en passe. La pénurie de main-d'oeuvre constitue un problème particulièrement important pour les producteurs horticoles. Nous comptons énormément sur le programme de travailleurs saisonniers pour trouver les employés dont nous avons besoin pour planter, cueillir et emballer nos produits. Cette année, de nombreux employeurs ont eu du mal à trouver tous les effectifs requis en temps voulu. Résultat: certaines cultures n'ont pas été semées ou transplantées, tandis que d'autres sont restées dans les champs, faute de personnel pour en faire la récolte. Notre marge de profit est très mince, alors quand nous débutons la saison avec une perte, c'est très difficile de faire des heures supplémentaires toute l'année dans l'espoir de rattraper le temps perdu et de faire ne serait-ce qu'un profit minime.
    Comme la plupart des gens, les agriculteurs ont leurs façons bien à eux de composer avec le stress, l'anxiété et la dépression. Certains vont se tenir occupés à tout prix, d'autres vont vivre dans le déni et d'autres encore vont se tourner vers la procrastination. Sur une ferme, une bonne partie des tâches se font seules, ce qui accroît alors le sentiment d'isolement. Même ceux qui ont déjà connu la dépression peuvent être pris au dépourvu par cette maladie insidieuse.
    Au Manitoba, les conditions printanières et estivales étaient assimilables à une sécheresse. Un ami à moi croyait résister plutôt bien au stress: il discutait de la situation avec ses amis, faisait de l'exercice, prenait soin de lui — bref, tout ce qu'on recommande généralement aux gens qui ont déjà été dépressifs — jusqu'à ce que tombe la première véritable averse de la saison. Il a alors eu l'impression qu'il avait un poids de moins sur les épaules. Il souriait plus facilement et se sentait mieux en général.
    Les regroupements d'agriculteurs s'inquiètent de plus en plus pour la santé mentale de leurs membres, et la majorité, pour ne pas dire la totalité d'entre eux incluent des liens vers des ressources dans leurs communications. Les campagnes menées sur les médias sociaux font activement la promotion d'information et de ressources. La fondation Do More a été mise sur pied, et l'Université de Guelph élabore actuellement des ressources à partir des résultats d'un sondage sur la santé mentale auquel nous avons été nombreux à répondre.
    Je viens d'une famille d'agriculteurs, alors nous sommes tout à fait conscients de la pression qui nous est imposée et des conséquences que l'anxiété et la dépression peuvent avoir. En juin 2012, mon mari dépressif s'est enlevé la vie. Son frère, qui était aussi son partenaire d'affaires, était mort d'une crise cardiaque six mois plus tôt, et il s'efforçait, avec de plus en plus de difficulté, à faire son travail en plus du sien. Nous avions déjà surmonté la dépression auparavant, mais cette source supplémentaire de pression a finalement eu raison de mon mari.
    Selon moi, les personnes qui se suicident ne choisissent pas d'abandonner leur famille, ni de se débarrasser de leurs problèmes. Ils choisissent de mettre fin à leurs souffrances. Ce n'est pas un sentiment que je comprends, parce que je n'ai jamais vécu ce qu'ils ont vécu, mais c'est quand même à nous de ramasser les pots cassés par après et de continuer à avancer du mieux que nous le pouvons.
    Nous avons beaucoup discuté de santé mentale, tous ensemble, en famille, mais aussi en privé. Nous avons consulté à plusieurs reprises, ensemble et séparément. Une personne de mon entourage a même appelé une ligne d'aide parce que le besoin de parler était trop grand. Somme toute, l'expérience fut positive, parce qu'elle a eu l'impression d'avancer lorsqu'on lui a attribué un rendez-vous avec un spécialiste.
    Le hic, c'est que, la plupart du temps, les spécialistes connaissent peu la réalité agricole. Pour la plupart d'entre nous, être agriculteur n'est pas un métier, c'est une façon d'être. Or, la distinction peut s'avérer capitale quand on est submergé par les émotions et qu'on doit s'aventurer dans l'inconnu.
    De nos jours, la pression que subissent les familles d'agriculteurs est énorme. Nous voulons être à la hauteur, mais nous avons besoin de l'aide des autorités pour régler les problèmes qui sont de leur ressort. Nous ne pouvons rien contre la météo. Prenons mon cas à moi: il pleut — enfin — au Manitoba depuis environ un mois, mais cela veut aussi dire que j'ai pour 1 million de dollars de carottes qui dorment dans mes champs et aucun moyen de les cueillir. Il y a de quoi chambouler n'importe quel plan d'affaires.
    Le gouvernement doit nous aider au lieu de nous nuire. Nous sommes fiers de produire des aliments sûrs et nutritifs pour les familles et les consommateurs et nous estimons prendre bien soin de la terre. Nous aimerions bien léguer nos fermes aux prochaines générations, de la même manière qu'elles nous ont été léguées par nos ancêtres, mais avec la pression que nous subissons actuellement, il y a de quoi nous demander si nous voulons faire vivre la même chose à nos enfants.
    Merci encore une fois de nous avoir invitées, et je répondrai avec plaisir à vos questions.
(0855)
    Merci infiniment, madame Connery.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Je salue MM. Lloyd et Motz, qui se joignent à nous aujourd'hui. Du côté des substituts, je crois que nous avons M. Tabbara et mon collègue de Pêches et Océans, Colin Fraser.
    Soyez tous les bienvenus, et bienvenue aussi aux membres habituels du Comité.
    Commençons par M. Dreeshen, qui dispose de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous nos témoins de leur présence.
    Madame Connery, nous sommes assurément de tout coeur avec vous. Nous comprenons à quel point ce type de situation est difficile. Puis, bien entendu, il revient à des gens comme vous de continuer malgré les difficultés.
    Vous avez dit entre autres que le gouvernement doit vous aider au lieu de vous nuire. Je crois que c'est un aspect essentiel, car je ne pense pas que nous examinons les choses du point de vue des trois types d'administrations... et ce qui se passe.
    Nous parlons ici de questions relevant du fédéral, car nous pouvons aider à cet égard. Il y a aussi notamment des règlements provinciaux et des normes du travail qui s'appliquent. Même à l'échelle municipale, des propriétaires de terres se demandent de temps à autre pourquoi une odeur se dégage — parce qu'on a épandu du fumier — et pourquoi c'est poussiéreux. À l'occasion, ils disent que l'on doit cesser les activités pour qu'ils puissent dormir. Nous n'avons jamais eu à nous préoccuper de ce genre de choses.
    Madame Connery, je me demande si vous pouvez parler de la main-d'oeuvre et nous dire s'il y a des problèmes à cet égard. En Alberta, nous en sommes au point où l'on dit que s'il y a un certain nombre de personnes, elles ont le droit de se syndiquer. On ne tient tout simplement pas compte de ce qui est investi dans l'exploitation par rapport aux gens qui vont et viennent quotidiennement.
     Nous comprenons les questions liées à la sécurité des personnes, par exemple, et pourquoi il faut assurer leur sécurité, mais est-ce que ces questions se glissent dans votre industrie également?
(0900)
     Dans la culture des fruits et des légumes, et dans de nombreux autres secteurs de l'horticulture, la main-d'oeuvre est extrêmement importante. Nous ne pouvons pas mener nos activités si nous manquons de main-d'oeuvre. Il n'y en a pas suffisamment sur le marché canadien et c'est pourquoi bon nombre d'entre nous ont recours au Programme des travailleurs agricoles saisonniers ou au volet agricole du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Sans ces gens, nous ne pouvons pas travailler. Voilà à quoi se résume la situation.
    De plus, il semble que le système se complique de plus en plus. Il y a 25 ans, il n'y avait pas autant de formalités administratives qu'aujourd'hui. Nous n'avons aucune objection à respecter les règles et à ce qu'il y ait des règles claires et bien définies, mais nous devons avoir accès à ces gens.
    Environ 56 étrangers viennent travailler sur notre exploitation au cours de l'année. Ils commencent à travailler en mai, au moment de l'ensemencement. Nous commençons par les asperges. La période des récoltes dure six mois. Pour ceux d'entre vous qui savent à quel point les récoltes nous tiennent occupés, les nôtres durent six mois. Les hommes — car il s'agit surtout d'hommes — restent tout au long de la période, jusqu'à la fin de septembre ou jusqu'en octobre. Tout dépend du moment où se termine la récolte des brocolis et des carottes — à un moment donné, je l'espère.
    Sans ces gens, nous ne pouvons pas travailler, et cela vaut pour presque toutes les exploitations horticoles. C'est nécessaire.
     Je sais que des gens croient que nous devrions pouvoir trouver des travailleurs au Canada, ou que les gens qui viennent au pays devraient pouvoir devenir des résidents permanents. Nous serions ravis que les choses se passent ainsi pour nos employés. Cependant, puisque nous n'avons pas de travail à leur offrir durant les quatre ou six autres mois de l'année, comment la population canadienne les appuiera-t-elle au cours de cette période?
    À ce sujet... Je connais des gens qui travaillent dans votre secteur. En plus des autres facteurs de stress, il faut acheter une pièce d'équipement de 250 000 $ pour retirer cinq ou six personnes qui travailleraient dans la chaîne de production, parce qu'on n'en a tout simplement pas les moyens.
    Bien sûr, l'autre chose, malheureusement — qui ne concerne pas tant les travailleurs étrangers que les autres travailleurs —, c'est que s'ils sont censés être présents un jour donné, peut-être qu'ils appelleront pour dire qu'ils ne viendront pas — ou peut-être pas. Ce sont les autres problèmes. Comment gérer une entreprise de cette façon?
    Madame MacTavish, vous avez parlé entre autres du dénigrement de l'industrie et des attaques de la part de groupes d'intérêts, j'imagine. Peu importe leurs intentions, cela finit par faire du tort aux exploitations agricoles.
    Pourriez-vous en parler dans le peu de temps qu'il me reste?
    Oui.
    Il y a deux ou trois différents exemples.
    Tout d'abord, lorsqu'il s'agit de l'élevage de ruminants, les gens croient que faire paître des vaches et des moutons cause un tort irréparable à l'environnement. On dit qu'il ne faut plus faire paître les animaux. En réalité, lorsque nous le faisons, nous améliorons la santé du sol et nous fournissons des habitats aux pollinisateurs et aux oiseaux.
    Il y a toujours... Je ne devrais pas le dire de façon aussi catégorique. Souvent, les gens ont des points de vue sans nuances: « Nous ne devrions pas manger de viande, faire l'élevage d'animaux, faire paître des animaux. »
     Pour les éleveurs de bétail, il est parfois difficile d'entendre de telles choses.
(0905)
    Merci.
    Merci, monsieur Dreeshen.

[Français]

     Monsieur Drouin, vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

    Je remercie les témoins de leur présence.
    Ma question s'adresse à Mme MacTavish et peut-être aux représentantes du Conseil canadien de l'horticulture également. Concernant les moyens que vous prenez pour amener vos membres à discuter de santé mentale, est-ce que ces discussions ont lieu?
     Par exemple, je sais que la Fédération de l'agriculture de l'Ontario a commencé à tenir des discussions. Or, comme vous le savez, à moins qu'il y ait un problème majeur, il est parfois difficile d'attirer beaucoup de monde. S'il y a un grave problème, les gens se présentent. Sinon, moins de gens se présentent habituellement.
     Comment communiquez-vous ce message, et que faites-vous pour faire comprendre aux agriculteurs que c'est correct de demander de l'aide?
    Dans notre contexte de l'industrie ovine, c'est un peu différent. Depuis janvier, quatre membres du conseil ont été confrontés à des cas de suicide, qu'il s'agisse d'un agriculteur qu'ils connaissaient ou d'un membre de leur petite collectivité. Au conseil d'administration, les discussions diffèrent peut-être un peu de celles qui ont lieu dans les autres conseils. Je suis aussi très têtue et je parle simplement de ce qui, à mon avis, doit faire l'objet de discussions, soit la santé mentale. Je me soucie vraiment d'eux.
    J'ai beaucoup de chance pour ce qui est des éleveurs d'ovins de l'Ontario en particulier. Ils s'ouvrent et créent un milieu où ils n'ont pas de mal à me téléphoner et à m'informer de ce qui se passe. Certains des cours que je suis m'apprennent à me mettre au défi lorsque j'ai peur de leur demander comment ils vont. Je m'efforce de leur poser simplement la question et je suis prête à les écouter et à créer un climat dans lequel ils sont à l'aise.
    C'est très bien.
     Voulez-vous intervenir, madame Connery?
     Oui. Le Conseil canadien de l'horticulture a une publication intitulée Idées fraîches, et c'est l'un des sujets abordés dans le numéro de cet automne, en fait. Je constate également que c'est dans la liste de communications pour presque chaque groupe de producteurs cette année. La plupart d'entre nous sont très branchés sur Twitter, Facebook, etc. On en parle partout.
    De plus, je crois que l'augmentation du nombre de femmes au sein des conseils d'administration favorise la tenue et la poursuite de ces discussions. Très souvent, le sujet de la réunion importe peu; si une réunion de groupe a lieu, les gens ajoutent ce point de sorte que cela se répète.
    Un des témoins qui a comparu mardi est une travailleuse social qui était agricultrice auparavant. Elle se rend directement sur les exploitations agricoles pour faire un examen médical en quelque sorte. Elle demande aux gens comment ils vont et s'ils ont besoin d'aide.
     Cherchez-vous à faire la même chose? Ou recommanderiez-vous la création d'un programme comme celui-là dans vos provinces?
     Je dirais qu'un programme comme celui-là serait utile. Nous n'avons pas encore commencé à demander quoi que ce soit du genre, bien que nous ayons de bonnes relations avec le ministère de l'Agriculture et d'autres ministères auxquels nous pourrions faire une telle demande.
     Comme toujours, c'est une question de ressources. Nous cherchons l'équilibre entre nos besoins et ce dont ils s'occuperont.
    L'un des problèmes au sujet duquel nous essayons de faire une recommandation, ce sont les préjugés associés à la santé mentale. C'est un problème qui est omniprésent pour les agriculteurs et dans le milieu agricole, mais il se pose également au sein de la population générale.
    Madame Connery, vous avez mentionné un aspect important. Souvent, un médecin prescrira à un agriculteur la même chose qu'il prescrit à l'ensemble de la population, plutôt que de proposer quelque chose qui est adapté aux besoins des agriculteurs. Si vous deviez faire des recommandations au Comité, étant entendu que la prestation des soins de santé relève des provinces, l'Association canadienne pour la santé mentale pourrait-elle faire quelque chose, par exemple, pour mieux cibler les agriculteurs?
    Je crois qu'il s'agit peut-être de s'assurer que ceux qui sont en contact avec les agriculteurs connaissent l'agriculture et les problèmes liés aux contraintes de temps, aux difficultés et à l'isolement. De plus, il s'agit de faire en sorte que les gens en parlent. Lors des funérailles de mon mari, il y a six ans, nous avons dit ce qui s'était passé, ce qui a amené notre collectivité à discuter du sujet — plutôt que de cacher la vérité et de dire qu'il était décédé de causes mystérieuses. Non. Cela a lancé des discussions, surtout chez les gens de notre groupe d'âge, mais cela a amené aussi les jeunes générations à parler du fait que la santé mentale est importante. Les gens doivent prendre soin d'eux et parler à d'autres personnes.
    Il est très difficile de faire passer le message. Il va sans dire qu'avoir de l'expérience en agriculture améliorerait l'efficacité de la démarche, car quand une personne finit par consulter, elle reçoit des idées qui ne sont tout simplement pas utiles sur une exploitation et qu'elle ne peut pas concrétiser. Partir en vacances...? Eh bien, il y a huit mois dans l'année où je ne peux pas le faire. Je peux planifier des vacances dans 10 mois, mais cela ne m'est pas utile présentement.
    Si l'on comprend cela, trouver différentes solutions et créer des mécanismes qui amènent les gens à parler constitueraient un bon point de départ.
(0910)
     Je veux ajouter que c'est à cet égard que les travaux de la Dre Jones-Bitton sont très utiles, à mon avis. Elle mène de nombreuses recherches participatives avec des agriculteurs et elle recommande l'établissement d'un centre de recherche, d'un carrefour, à Guelph, où nous pouvons parler aux agriculteurs et veiller à ce que les programmes qui sont conçus pour eux répondent à leurs besoins.
    Je recommande également que quiconque travaille quotidiennement avec des agriculteurs — que ce soit un membre d'une association de l'industrie, un représentant d'une entreprise d'aliments pour animaux, un fabricant ou un banquier — suive un cours de premiers soins en santé mentale pour pouvoir reconnaître les signes de détresse, rendre l'agriculteur à l'aise en lui demandant comment vont les choses et savoir où trouver les ressources.
    Merci beaucoup.
    Monsieur MacGregor, vous disposez de six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je vais d'abord interroger Mme MacTavish. Avant la réunion, nous avons discuté de notre amour pour les moutons. Ce sont des animaux remarquables. J'ai un très petit troupeau. J'ai fait tricoter un chandail Cowichan avec la laine de mes moutons. Je viens de l'île de Vancouver, et j'ai demandé à des membres des tribus des Cowichan de me tricoter un chandail.
    Beaucoup de fausses idées circulent au sujet de l'élevage et du rôle essentiel qu'il joue, non seulement à la ferme mais pour notre économie. Je sais que dans certains cas, les inquiétudes sont justifiées. Toutefois, comme vous l'avez dit, je ne crois pas que les gens comprennent bien comment fonctionne l'élevage des animaux. Il est dans l'intérêt supérieur des agriculteurs que les animaux soient en bonne santé. C'est leur source de revenus.
    Je voudrais savoir quelles sont les mesures à prendre. Plutôt que d'amener les deux camps à se parler, par quels moyens pouvons-nous discuter, avoir un dialogue respectueux dans lequel nous commençons à mettre en valeur l'importance qu'ont les agriculteurs? Avez-vous des recommandations à cet égard?
    Nous pourrions prendre deux ou trois mesures novatrices. Par exemple, l'un des projets de recherche que nous examinons à l'heure actuelle consiste à collaborer avec des groupes voués à la conservation qui s'intéressent à l'habitat des prairies de sorte qu'ils comprennent, d'un point de vue urbain, l'importance de faire paître le bétail et ce que cela apporte.
    Dans l'industrie ovine, nous faisons affaire également avec des tricoteurs et des tisseurs, car les moutons fournissent une source vestimentaire biodégradable et renouvelable. La laine peut aussi servir à isoler des maisons et à absorber un déversement de pétrole. Notre histoire est tout autre lorsqu'il s'agit de moutons.
    Je pense que nous devons d'abord permettre à nos agriculteurs de se sentir plus à l'aise de raconter leur expérience. Ce sont nos environnementalistes de première ligne. Ce sont eux qui m'ont dit en premier que la population de papillons diminue. Nous devons faire en sorte qu'ils soient plus à l'aise de prendre la parole. Nous devons trouver des groupes avec lesquels nous pouvons commencer à collaborer de façon individuelle pour établir ces liens. Voilà ce que je recommanderais.
    Merci.
    Madame Connery, nous avons déjà parlé des problèmes de main-d'oeuvre. Je sais que c'est un problème qui perdure. Je parle au nom des agriculteurs de ma région. S'ils pouvaient embaucher des gens de la région, ils le feraient, mais puisque personne ne répond à l'appel, ils doivent souvent avoir recours à des travailleurs étrangers temporaires, saisonniers.
    Dans le cadre de l'étude, il y a de nombreuses variables qui échappent au contrôle des agriculteurs. Vous avez parlé de la météo. Toutefois, nous pouvons agir sur d'autres variables, dont la question de la main-d'oeuvre, à mon avis. Je me demande si vous pouvez en dire un peu plus à ce sujet. Y a-t-il des recommandations que vous voulez que notre comité fasse au sujet du programme des travailleurs saisonniers de sorte que nous puissions alléger le fardeau que subissent bon nombre de gens de votre secteur sur le plan de la santé mentale?
(0915)
    Nous avons tenu cette année une table ronde sur la main-d'oeuvre agricole qui a permis d'abattre un boulot considérable dans ce dossier. À notre point de vue, la situation est notamment problématique du fait que notre programme semble relever de plusieurs instances au sein du gouvernement. C'est un travail en vase clos auquel on s'efforce de mettre fin. Nous devons nous adresser à différents ministères, comme Emploi et Développement social Canada (EDSC) et Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC), et les dossiers passent d'une main à l'autre. Il arrive que les communications ne soient pas suffisantes pour que chacun puisse vraiment savoir à quoi s'en tenir.
    Il y a de nouveaux éléments qui se manifestent. Cette année, c'est la biométrie qui sera notre nouvel enjeu. Comme EDSC ne l'a appris qu'au printemps, le ministère n'a pas pu mettre IRCC au courant des répercussions de ce changement. Nous allons devoir régler cette question cette année. Une meilleure communication entre les ministères serait certes utile.
    Par ailleurs, les agriculteurs apprécieraient être mieux renseignés au sujet du déroulement du processus. Nous envoyons notre demande et nous ne pouvons rien faire d'autre qu'attendre. Nous ignorons dans quelle mesure les choses ont pu progresser, dans un sens ou dans l'autre. Il faudrait un genre de système de suivi pour que nous sachions à quel moment notre étude d'impact sur le marché du travail a été approuvée, si l'information a été transmise au pays d'origine, si elle a été communiquée à IRCC, et si ce ministère l'a effectivement reçue. Si nous savions que les choses progressent normalement ou qu'il y a un blocage quelque part, nous pourrions poser des questions ou fournir les réponses nécessaires pour faire avancer notre dossier. Des mesures semblables pourraient assurément nous aider en nous donnant une meilleure idée des échéanciers, si bien que nous serions dans un meilleur état d'esprit. Nous étions nombreux à nous demander le printemps dernier à quel moment ces travailleurs allaient pouvoir se pointer. Nous étions assis à attendre pendant que nos récoltes risquaient de pourrir dans les champs. C'était très pénible.
    Je me souviens d'un de mes emplois d'été quand j'étais adolescent. Je travaillais dans une ferme bleuetière. Nous avions cette fenêtre d'à peine quelques semaines au mois de juillet. Si nous attendions trop longtemps, la récolte était perdue. J'ose à peine imaginer tout le stress que l'on peut ressentir lorsqu'on voit le travail de toute une vie rester dans les champs sans que l'on puisse le récolter. C'est sûrement très éprouvant.
    Je vais renoncer aux quelques secondes qui me restent. Merci, monsieur le président.
    Vous avez 15 secondes.
    C'est très bien.
    Merci, monsieur MacGregor.
    Nous passons à M. Peschisolido pour les six prochaines minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux remercier nos témoins de leur présence aujourd'hui.
    J'aimerais revenir aux propos de M. Dreeshen. Il a fait deux excellentes observations à mes yeux. Il a parlé de la nécessité de donner des moyens aux agriculteurs, plutôt que de dresser des obstacles devant eux. Il a aussi souligné la présence de plusieurs paliers d'intervention. Aussi bien le gouvernement fédéral que celui de la province et les organisations locales doivent en effet se pencher sur les difficultés que doivent vivre les agriculteurs.
    Pourriez-vous nous en dire plus sur les mesures à prendre pour aplanir ces difficultés? Qu'est-ce qui produit de bons résultats? Selon vous, qu'est-ce que notre société — car je ne parle pas uniquement du gouvernement fédéral — devrait chercher à faire en priorité pour améliorer les choses?
    Le Conseil canadien de l'horticulture a notamment cherché à établir, par l'entremise du ministère de l'Emploi et du Développement social, une norme nationale en matière d'hébergement pour les employés que nous accueillons dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers et de certains autres programmes. Ce n'est pas chose facile, car chaque province et chaque municipalité a ses propres normes. Comment en arriver à une solution pouvant convenir à tout le monde au Canada en vue d'établir une norme nationale?
    Je crois que ces normes sont établies en Ontario par le ministère de la Santé. Au Manitoba, c'est le Bureau du commissaire aux incendies qui s'en charge, si bien que l'on doit accorder une grande importance aux extincteurs et aux dispositifs semblables. Les normes peuvent varier beaucoup d'un endroit à l'autre. Il est très difficile d'en arriver à une norme nationale.
    Il est essentiel pour nous que tous les paliers de gouvernement communiquent entre eux, mais il serait particulièrement ardu de demander à toutes les municipalités du pays d'adopter de concert une norme unique. Nous jugeons toutefois primordial de poursuivre les échanges.
    Nous avons abordé au cours de la séance d'aujourd'hui deux aspects dont nous ne traitons malheureusement pas assez souvent en comité. Je parle de la question du traitement des animaux qui a été soulevé par M. MacGregor et du fait que les agriculteurs sont les gardiens de la terre. Je vous félicite d'ailleurs pour le travail que vous accomplissez. Sans les agriculteurs, nous n'aurions rien à nous mettre sous la dent. Nous n'aurions pas la même qualité de vie. Il faut vraiment regretter l'absence d'une connexion bien sentie entre la vaste majorité des citoyens des villes et des banlieues et le secteur agricole.
    Lorsqu'il est question de traitement des animaux et du rôle de gardien de la terre, y a-t-il des changements plus importants que nous pourrions apporter dans le secteur agricole afin de mieux composer avec les risques de problèmes de santé mentale?
(0920)
    La communication est d'après nous une piste de solution. Il pourrait sans doute être bénéfique d'avoir une plateforme commune pour les communications. L'un de nos facteurs de stress découle certes de la disparité entre la perception des gens quant au travail agricole et la réalité quotidienne d'une ferme, y compris la façon dont nous traitons nos animaux, nos terres, nos sources d'eau et toutes les ressources que nous utilisons, en n'oubliant pas les gens qui travaillent pour nous, car ils revêtent également une importance capitale. Nous estimons avoir l'obligation de bien traiter et de préserver toutes ces ressources. Il ne s'agit pas simplement de biens que l'on va user jusqu'à la corde, car nous voulons aussi avoir un plan de relève et préparer l'avenir aussi bien pour nos familles que pour ceux qui voudraient intégrer le secteur. Il y a beaucoup trop de gens qui quittent l'agriculture parce qu'ils ne sont tout simplement plus capables de composer avec le stress.
    Quelqu'un veut ajouter quelque chose?
    Allez-y, Rebecca.
    Je vous dirais brièvement que le groupe représentant les horticulteurs de tout le pays apprécierait que le gouvernement s'efforce de faire comprendre aux Canadiens toute l'importance de l'agriculture. Il n'y a qu'environ 3 % de la population qui travaille dans le secteur agricole, même en comptant toutes les industries connexes. Il va donc de soi que l'agriculture prend très peu de place dans la perception des gens, dans les médias et dans les plans d'action des gouvernements, mais son rôle n'en demeure pas moins fondamental. Comme on dit, si vous avez mangé aujourd'hui, vous devez remercier un agriculteur. Il serait merveilleux pour nous de simplement savoir que le gouvernement nous appuie dans notre démarche. Ce serait un énorme pas en avant. Encore là, tout est question de communication.
    Je n'ai rien à ajouter.
    Rebecca vous a exprimé notre point de vue avec beaucoup d'éloquence.
    C'était excellent.
    Madame Connery, vous avez indiqué que les professionnels en santé mentale ne savent pas vraiment comment les choses se passent en agriculture. Comment pourrions-nous rectifier le tir à ce chapitre?
    C'est une très bonne question. Il faudrait peut-être plus de gens qui viennent du milieu agricole ou encore que les conseillers approfondissent leur formation pour maîtriser un nouvel ensemble de paramètres, mais il faut surtout que ces gens-là se rendent rencontrer des agriculteurs. Il faut qu'ils aillent visiter une ferme. Les agriculteurs sont trop heureux d'accueillir quelqu'un qui leur rend visite pour voir comment les choses se déroulent. Ils peuvent montrer tout cela à ceux qui les visitent en leur indiquant combien d'heures ils consacrent à leurs différentes tâches et pendant combien de temps ils se retrouvent seuls.
    En horticulture, nous passons beaucoup de temps avec d'autres intervenants de notre industrie et avec les travailleurs dans nos fermes, mais il y a aussi bien des emplois où l'on se retrouve seul à conduire pendant des heures un tracteur qui sillonne les champs de long en large, ou encore à accomplir une autre tâche sur le terrain. Vous êtes seul et vous avez beaucoup de temps pour réfléchir en conduisant ce tracteur. Si vous êtes dans un bon état d'esprit, c'est une excellente chose. Si toutefois vous n'êtes pas dans votre assiette, vous vous trouvez en quelque sorte pris au piège à ressasser sans fin vos idées noires.
    Merci, madame Connery.
    Merci, monsieur Peschisolido.

[Français]

     Madame Nassif, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de leurs présentations.
    Vous avez tous parlé des défis et des problèmes liés à la santé mentale.
    Pourriez-vous être plus spécifique quant aux défis liés à la santé mentale dans le secteur de l'élevage de bétail? Pourriez-vous également nous dire et si d'autres défis sont liés à l'horticulture, s'il vous plaît?
    Commençons par Mme MacTavish.

[Traduction]

    Je veux juste m'assurer de bien comprendre la question. Voulez-vous que je vous donne des exemples précis de ce que font nos agriculteurs?

[Français]

    Oui, c'est cela.
    Y a-t-il des différences quant aux défis liés à la santé mentale entre le secteur de l'élevage de bétail et celui de l'horticulture?
(0925)

[Traduction]

    Je crois que la plupart des problèmes de santé mentale sont les mêmes pour les deux groupes. Ils doivent tous composer avec les caprices de la météo. De nombreux éléments échappent à leur contrôle. Si l'on pense par exemple à l'industrie ovine, les prix sont fixés en fonction de la conjoncture sur le marché des produits de base. Vous n'avez aucun contrôle sur le prix que vous allez obtenir, pas plus que sur le coût de vos intrants. Vous devez également négocier avec mère Nature qui n'est pas toujours très coopérative.
    Je pense que les facteurs de stress sont en bonne partie les mêmes pour tous les secteurs de l'agriculture.

[Français]

    Vous avez la parole, madame Connery.

[Traduction]

    Je dirais effectivement que bon nombre des facteurs de stress sont communs. On les retrouve également dans notre secteur. Lorsqu'on fait ses courses à l'épicerie, on ne croirait jamais qu'il n'y a pas de culture du brocoli au Canada en février. Il y en a toujours dans les étalages. Le grand public n'a pas vraiment idée du caractère saisonnier de nos cultures et de toute l'ingéniosité dont nous devons faire montre pendant que la saison bat son plein. Il y a aussi certains produits que nous emmagasinons pour l'hiver et que nous emballons pendant cette période de l'année. Il serait donc bon que l'on fasse comprendre aux gens qu'il est important d'acheter des produits canadiens.
    Pour ce qui est des différents facteurs de stress et de la manière dont les gens y réagissent... Je peux vous dire par exemple que je ne dors pas très bien ces jours-ci avec toute cette récolte qui attend dans les champs. Lorsque vous manquez de sommeil, vous risquez d'être moins aimable que vous le souhaiteriez dans vos relations avec les autres. Vous vous efforcez de faire du mieux que vous pouvez dans les circonstances, mais il est possible que vous ne preniez pas les meilleures décisions qui soient en raison de la fatigue et de la surcharge de travail.
    C'est une situation courante pour bien des agriculteurs. C'est très difficile lorsque les prix de vos intrants sont dictés par quelqu'un d'autre et que vous n'avez d'autre choix que de les acheter. Nous écoulons bon nombre de nos produits sur le marché mondial. Encore là, ce n'est pas nous qui décidons du prix. Nous acceptons le meilleur prix que nous sommes capables de négocier sur le marché. Nous essayons de dégager la faible marge bénéficiaire qui nous permettra de poursuivre nos activités.
    Compte tenu de toutes les décisions que nous devons prendre au jour le jour et qui peuvent influer sur la vie et les moyens de subsistance de nombreuses familles, 80 dans mon cas, il va de soi que nous ressentons de la pression. Nous vivons ainsi constamment sous pression.

[Français]

     J'ai une autre question à poser.
    Pour ce qui est de vos associations, d'où vient généralement le financement lié aux initiatives en santé mentale?

[Traduction]

    Nous avons pris de l'argent dans nos fonds destinés à la recherche pour appuyer les travaux de la Dre Jones-Bitton. Nous avons également donné de notre temps pour l'aider à mettre en place sa plateforme centrale de recherche à l'Université de Guelph.
    Je vais être bien franche avec vous. Au départ, il était difficile de trouver du financement, car les agriculteurs préfèrent consacrer les fonds destinés à la recherche aux travaux visant à trouver des façons rentables d'accroître leur productivité.
    Bref, il est difficile pour nous de trouver du financement.

[Français]

    Madame Connery, nous vous écoutons.

[Traduction]

    Il en va de même pour nous.
    Nous n'avons pas de poste budgétaire qui s'intitule « Santé mentale ». Nous nous penchons sur ces questions par l'entremise de notre comité de la main-d'oeuvre, et ce, sur une base volontaire. Nous essayons de nous assurer que nos membres sont conscients de ces enjeux et qu'ils les gardent à l'esprit en essayant de prendre soin d'eux-mêmes et de demeurer aux aguets.

[Français]

    Comment fonctionnez-vous si vous n'avez pas de financement?

[Traduction]

    Avec beaucoup de difficulté...

[Français]

    J'ai une question à vous poser au sujet des femmes.
    Pouvez-vous nous dire si, compte tenu de la participation des femmes au secteur agricole, la façon de composer avec le stress a changé, que ce soit dans les fermes ou aux CA, de vos associations? Est-ce que la quantité de stress a changé?

[Traduction]

    Je vais commencer.
    Nous avons un conseil d'administration composé de 11 personnes, dont quatre femmes de moins de 45 ans. Nous avons offert un cours de spécialisation pour des gens qui élevaient des moutons depuis une période de trois à neuf ans, et 60 % des participants étaient des femmes. Le mode de fonctionnement de notre conseil a ainsi été transformé du tout au tout.
    Désolée, je vois que l'on m'indique que j'ai dépassé le temps imparti.
(0930)
    Ce n'est rien.

[Français]

    Merci, madame Nassif.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    C'est malheureusement tout le temps que nous avions. Notre séance de ce matin a dû être écourtée.
    Madame MacTavish, j'aime vraiment votre suggestion d'offrir une formation en la matière à certains intervenants du milieu agricole. Il ne s'agit pas d'en faire des psychologues, mais plutôt de leur permettre tout au moins de pouvoir discuter de ces enjeux.
    Madame Connery, nous vous offrons nos plus sincères condoléances et nous vous remercions d'avoir tout de même pu être des nôtres aujourd'hui.
    Madame Lee, merci pour tout le travail accompli par votre organisation et vous-mêmes. Merci également de votre présence parmi nous.
    Nous allons faire une brève interruption, le temps que les prochains témoins s'installent.
(0930)

(0930)
    Merci. Nous allons maintenant débuter la deuxième heure de notre séance.

[Français]

    J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Marcel Hacault.

[Traduction]

    M. Hacault est le directeur général de l'Association canadienne de sécurité agricole.
    Nous accueillons également Mary Ann Doré, chef d'équipe, Service en ligne, pour le réseau Ag Women's Network.
    Bienvenue à tous les deux et merci de bien vouloir contribuer à notre étude sur la santé mentale des agriculteurs canadiens.
    Nous allons débuter avec une déclaration préliminaire de six minutes.
(0935)

[Français]

    Monsieur Hacault, vous avez la parole.

[Traduction]

    Je tiens à remercier le Comité de me permettre de prendre la parole aujourd'hui.
    Je vais d'abord faire un bref survol de mon parcours. J'ai été éleveur de porcs jusqu'en 2004, si bien que j'ai pu connaître tous les hauts et les bas de ce secteur. J'ai également travaillé pour l'organisation Keystone Ag Producers en 1996 alors qu'on m'a demandé d'intervenir auprès de certains des groupes touchés par les inondations. J'ai donc une connaissance directe des facteurs de stress qui touchent le milieu agricole et de leurs répercussions sur les gens, en commençant par ma famille et moi-même.
    Je suis actuellement directeur général de l'Association canadienne de sécurité agricole (ACSA). Nous envisageons un Canada où chacun pourrait pratiquer l'agriculture sans mettre sa santé en péril. Notre mission consiste à faire de l'agriculture un milieu de travail et de vie sain et sécuritaire en aidant les producteurs et leurs partenaires locaux à identifier et à gérer les risques. Il s'agit pour une bonne part de reconnaître que les agriculteurs travaillent et vivent au même endroit et que le milieu agricole ne se limite pas au seul producteur. Il y a toute une communauté qui gravite autour d'eux et bien des gens qui interagissent avec eux.
    Notre association existe depuis un bon moment déjà. Lors de mon arrivée en poste en 2004, nous avons commandé un sondage qui était l'un des premiers du genre. Nous voulions simplement à ce moment-là nous faire une meilleure idée des niveaux de stress, des causes principales de ce phénomène et des ressources vers lesquelles les agriculteurs se tournent en pareil cas. Vous trouverez un lien vers ce sondage dans mes notes d'allocution.
    Un agriculteur sur cinq s'est alors dit très stressé tandis que près de la moitié d'entre eux disaient se sentir plutôt stressés. Ces résultats sont à peu près les mêmes que ceux obtenus par la Dre Andria Jones-Bitton. Les principaux facteurs de stress cités en 2004 étaient une mauvaise récolte et une faible production, les politiques gouvernementales et la situation financière de la ferme. Je pense que ces trois éléments figurent encore au sommet de la liste 14 ans plus tard. Notons par ailleurs que les agriculteurs préfèrent rencontrer quelqu'un individuellement pour parler de ces questions, plutôt que de prendre part à des séances de groupe ou d'obtenir de l'aide au téléphone.
    En 2006, la Coop fédérée a mené un sondage auprès de ses membres. Cette enquête a révélé que 50 % des producteurs agricoles doivent composer avec un niveau élevé de stress. Il s'agissait donc de résultats très semblables. Le stress était particulièrement présent pour les éleveurs de porcs (66 %), les producteurs laitiers (48 %) et les aviculteurs (36 %). En sachant que le niveau de stress ressenti se situait à 20 % pour l'ensemble de la population québécoise, on constate que les agriculteurs étaient certes particulièrement touchés par ce phénomène en 2006.
    Pas plus tard que l'an dernier, nous avons commandé une étude sur les programmes d'assurance offerts. Comme les travailleurs ont souvent accès à des programmes d'aide aux employés pour pouvoir consulter un spécialiste ou obtenir un soutien quelconque, nous nous sommes dits qu'il serait bon que les agriculteurs puissent bénéficier d'un appui de la sorte par le truchement d'un régime d'assurance. Nous avons constaté que la plupart des agriculteurs qui le souhaitent peuvent bénéficier d'une protection couvrant les soins de santé. Ils sont toutefois vraiment désavantagés du fait qu'il leur est à peu près impossible d'avoir accès à une assurance pouvant les protéger en cas de problèmes de santé mentale.
    Tout cela étant dit, on peut se demander ce qui a changé entre 2004 et 2018. Je pense que nous avons toujours su que les agriculteurs... C'est un secteur bien différent des autres. La plupart des agriculteurs considèrent que c'est une vocation. Ils ont de longues heures de travail et doivent composer avec l'imprévisibilité de la météo et des récoltes, mais ils ont toujours pensé que le grand public reconnaissait leur contribution à sa juste valeur et respectait leur travail en conséquence. C'est ce qui a changé selon moi. Ils se sentent maintenant surveillés et pris à partie par la population. Ils ont essentiellement l'impression que leur profession est dévalorisée.
    Nous parlons toujours de pommes pourries. Il arrive qu'il soit question dans les actualités d'agriculteurs qui maltraitent leurs animaux. La Dre Andria Jones-Bitton pourrait sans doute établir un lien de cause à effet, car ces situations sont fréquemment attribuables au stress. Au sein de notre secteur, nous nous sommes trop souvent — et je pourrais m'inclure dans le lot — contentés d'affirmer qu'il s'agissait simplement d'une pomme pourrie, alors que nous aurions dû nous dire que l'agriculteur en question avait besoin d'aide. Que faisons-nous pour l'aider à traverser cette période difficile? Tout le monde peut voir les symptômes se manifester, mais quelles sont les causes profondes qui font en sorte que cet agriculteur a sans doute besoin d'aide?
    Qu'est-ce qui a changé? Les agriculteurs semblent désormais beaucoup plus disposés qu'il y a 15 ans à parler de leurs facteurs de stress et des répercussions de ceux-ci sur leur santé mentale. Dans ce contexte, je me réjouis d'autant plus d'être des vôtres aujourd'hui.
    En 2005, nous avons formulé des recommandations au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie concernant la santé mentale. C'est dans la foulée de ces recommandations que la Commission de la santé mentale du Canada a été créée. Son mandat initial visait à trouver les moyens d'offrir une aide optimale aux sans-abri vivant avec des problèmes de santé mentale. Je pense que l'on devrait songer à élargir ce mandat pour intervenir également en milieu rural, en régions éloignées et dans le secteur agricole.
(0940)
    Nous aimerions que l'on élabore une stratégie nationale mettant l'accent sur la santé mentale des agriculteurs et des éleveurs de manière à permettre la coordination et la mise en commun des ressources et des informations sur la situation qui prévaut dans l'ensemble du pays.
    On devrait appuyer la mise en place d'un service national pour la prévention du stress et du suicide. Nous misions auparavant sur une ligne téléphonique pour discuter des problèmes de stress, mais je pense qu'un tel service national s'impose désormais.
    Il faudrait en outre mieux appuyer la recherche en santé mentale en s'efforçant d'établir le lien entre bien-être mental et vie saine et sécuritaire, autant pour les êtres humains que pour les animaux. D'un point de vue plus technique, on pourrait rendre obligatoire l'utilisation des codes CIM-10 pour permettre un suivi plus facile.
    On devrait de plus s'appuyer sur les données probantes disponibles pour déployer des ressources en santé mentale adaptées aux besoins des agriculteurs, aussi bien de par leur contenu que via les méthodes utilisées.
    J'estime que le gouvernement du Canada a un rôle essentiel à jouer en transmettant les messages appropriés à l'appui des agriculteurs et des éleveurs. On parle souvent de la production des agriculteurs en mettant uniquement l'accent sur les marchés d'exportation. Il est très rare que l'on dise que l'on apprécie la contribution apportée jour après jour par les agriculteurs, leurs familles et les travailleurs agricoles.
    Monsieur Hacault, je vous remercie. Je suis désolé, mais notre temps est écoulé.

[Français]

    Madame Doré, vous disposez de six minutes.

[Traduction]

    Je me nomme Mary Ann Doré, productrice laitière de septième génération, originaire de Brampton, à proximité de Toronto. En 2010, l'étalement urbain nous a obligés, mon mari et moi, à déménager nos vaches à New Dundee, où nous avons formé un partenariat avec mon frère et mes parents. J'ai rencontré celui qui allait devenir mon mari pendant mes études secondaires. Ce Montréalais n'avait encore jamais vu de vache avant le début de nos fréquentations.
    Avec lui, j'ai rédigé un article sur ce que nous avons vécu, sur son anxiété et sa dépression en 2017. C'était la première fois que nous en parlions publiquement. Après coup, nous pouvons dire que nous en savons plus sur la santé mentale et que nous pouvons déceler beaucoup de signes et de symptômes avant-coureurs, que nous ne pouvions pas remarquer ou dont nous ne pouvions pas discuter à l'époque, faute des compétences nécessaires.
    La santé des animaux, le travail avec les membres de la famille — qui peut être le meilleur et le pire de ma profession —, la recherche de temps pour ma fille, alors que nous travaillons de 5 heures à 18 h 30, et pour soi-même dans un moment attendu de répit, voilà ce qui me stresse. Il est très difficile de se réserver du temps à soi. Les contraintes financières, les fluctuations du marché, la hargne des médias sociaux contre notre industrie, la météo, tout cela échappe à ma volonté, mais m'affecte directement.
    Tout ça touche aussi mon mari, mais sa famille présente aussi des antécédents de problèmes de santé mentale, et ses parents ont divorcé lorsqu'il était jeune. Il a vécu de nombreux déménagements et beaucoup de stress financier quand il était jeune homme. Comme il ne faisait pas partie d'une famille d'agriculteurs, il a dû apprendre rapidement. Toutes ces pressions supplémentaires ont influé sur sa résilience d'une manière que nous n'avions pas comprise avant qu'il ne soit victime d'une crise.
    Après la publication de notre article sur le site Web du réseau Ag Women's Network, beaucoup de personnes nous ont révélé leurs propres luttes. Cela nous a conduits à une invitation à faire partie d'un groupe de discussion avec Andria Jones-Bitton sur la santé mentale. Nous avons ensuite commencé à faire partie de son groupe de travail, qui est un atelier constitué d'agriculteurs, d'industriels et de professionnels de la santé mentale, pour collaborer à son programme. J'ai été sidérée par le nombre de personnes désireuses de parler de ce sujet autrefois tabou et de la volonté bien nette, dans l'industrie, de finalement agir.
    Je représente aujourd'hui le réseau Ag Women's Network, programme animé par des bénévoles, qui existe depuis cinq ans et dont je fais partie depuis quatre ans. Le réseau travaille surtout en ligne, à des sujets qui englobent la santé mentale, la promotion du secteur, le développement personnel, les partis pris inconscients, la conciliation travail-famille, les garderies en milieu rural et les profils de producteurs. Nous entamons notre deuxième année d'un programme de mentorat.
    « Développer des chefs de file et les réseauter pour renforcer le secteur agricole », telle est notre devise. Nous avons un site Web et des blogues. Sur Facebook, notre groupe fermé compte plus de 2 200 membres, et notre groupe ouvert d'hommes et de femmes en compte plus de 2 400. Chaque fois que le sujet de la santé mentale est soulevé, nous sommes toujours sidérés par les manifestations positives d'appui. Cela a touché la vie de tous.
    Toutes nos conversations animant le réseau Ag Women's Network, les discussions avec le groupe de travail d'Andria Jones-Bitton, par le truchement de l'Université de Guelph et les conversations avec des amis du secteur et, également, des étrangers, nous révèlent le profond besoin d'un programme spécialement destiné aux agriculteurs pour s'attaquer aux problèmes de santé mentale. Les agriculteurs en ont besoin pour se sentir à l'aise d'appeler à l'aide, étant entendu qu'il est très important de bien se faire comprendre quand, en crise, on franchit le pas important de contacter quelqu'un.
    Le désir d'une ressource nationale, d'accès facile pour tous les agriculteurs et leur réseau d'écoute est profond. Cette ressource éviterait les répétitions inutiles et elle maximiserait les ressources. Sa simplicité d'emploi et son accessibilité sont essentielles si on espère la faire connaître et en rendre l'emploi non stressant. Un service national devrait être librement accessible à tous les joueurs du secteur agricole et, également, à leurs réseaux d'écoute.
    Tout de suite après le besoin d'aider la personne en crise, vient celui de soutenir son adjoint. Je parle d'expérience, et j'ai entendu beaucoup d'anecdotes personnelles de la part d'adjoints qui se sont sentis débordés et émotionnellement vidés pour avoir essayé de protéger la personne en crise contre tout ce qui aurait pu la contrarier. Dans un contexte agricole, cela signifie se charger de plus de travail et de plus de tâches, dans l'exploitation et dans la famille, pour soulager la personne en crise d'un surplus de stress. C'est exténuant, particulièrement quand on est soi-même stressé.
    Mon espoir est que le service national sera tellement banal et accessible — comme Télésanté — qu'on se sentira à l'aise d'y faire appel avant de se trouver en crise, et le réseau d'écoute pourra aussi utiliser la ressource.
    L'agriculteur travaille souvent en solitaire. Son premier point de contact pour discuter de sa santé mentale pourrait être un nutritionniste ou un vétérinaire. Ils ont besoin de savoir comment réagir. Des groupes comme 4-H Canada profiteraient de la sensibilisation des dirigeants aux signes et aux symptômes des crises de santé mentale, tandis que la formation des équipes de vente du secteur et des vétérinaires contribuerait beaucoup à la diffusion de l'information et à la sensibilisation des personnes qui ont besoin de savoir. Le secteur a besoin de connaître les signes et les symptômes d'une éventuelle crise et les mesures à prendre pour diriger la personne vers les ressources dont elle a besoin.
(0945)
    Le moment est venu pour nous de considérer la santé mentale comme une question de santé. Tout le monde connaît un cancéreux, et il ne viendrait à l'esprit de personne de le dénigrer pour avoir demandé de l'aide, un soutien psychologique et moral ou des médicaments. Il en va de même, nécessairement, pour la santé mentale.
    Je vous remercie infiniment de votre intérêt pour l'agriculture et la santé mentale. C'est un sujet qui me tient à coeur.
    Merci beaucoup, madame Doré.
    Monsieur Lloyd, vous avez six minutes.
    Merci beaucoup d'être ici. Je suis toujours désireux d'entendre des récits. Je représente une circonscription où on pratique une agriculture intensive à grande échelle. J'avais des cousins dans le secteur laitier. Malheureusement, il ne subsiste que quelques élevages de porcins à l'extérieur d'Edmonton.
    Vous avez dit que beaucoup de facteurs échappaient à votre volonté. Par exemple la météo ou les prix. Le secteur est exposé à beaucoup de volatilité. Cependant, notre comité et les députés fédéraux peuvent en contrôler certains.
    Je veux surtout vous questionner sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments et sur les problèmes qu'elle cause parfois et qui soumettent nos agriculteurs à un stress inutile. Il me vient à l'esprit des cas particuliers survenus dans ma circonscription, de négligences parfois commises par elle.
    Monsieur Hacault, l'ACIA devrait-elle pouvoir se prémunir contre tout recours contre sa négligence en invoquant le versement de l'assurance-récolte?
    Je dois refuser de répondre, parce que je suis sorti depuis si longtemps du secteur. Je suis sûr que si vous vous adressiez au Conseil canadien de l'horticulture, il pourrait répondre. J'en suis désolé.
    D'accord.
    Avez-vous, à partir de votre expérience personnelle ou d'anecdotes, concernant l'ACIA, des recommandations sur la façon, d'après vous, d'améliorer la santé mentale des agriculteurs?
    Je n'aurai pas de recommandations pour l'ACIA, mais quand j'élevais des porcins, aucun des programmes en vigueur qui étaient censés m'aider à surmonter les crises financières n'était acceptable pour les banques, et le coup a été dur à encaisser. Je ne crois pas que ça ait changé. La vie m'aurait été beaucoup plus facile si, à l'époque, ces programmes avaient été acceptables pour les banques. J'aurais alors été en mesure de dire à mes bailleurs de fonds que nous savions que la crise aurait une fin, en son temps, nous en étions convaincus. Je sais que ça m'aurait aidé. J'imagine que, aujourd'hui, c'est encore valable.
    En ce qui concerne l'ACIA, je suis désolé.
    Non, c'est très bien. Merci.
    Madame Doré, auriez-vous des idées à ce sujet, d'après votre point de vue.
    Je dirais qu'il est souvent effrayant d'être aux prises avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments ou la Société canadienne de protection des animaux. Quand ces organisations se manifestent, ça signifie que quelqu'un vous a pris en faute ou que vous êtes la victime de fausses accusations.
    Mais je pense que nous avons tous besoin de prendre du recul et de constater que nous sommes tous d'accord et que nous avons tous la même intention, comme tous les employés de l'ACIA. Nous visons tous la même chose. Simplement communiquer les uns avec les autres et non diffamer mutuellement... Nous désirons tous la même chose, et nous avons seulement besoin d'annoncer que nous sommes tous d'accord.
(0950)
    Récemment, un juge a décrété que l'Agence du revenu du Canada, l'ARC, avait un devoir de diligence envers les contribuables. Croyez-vous que la santé mentale des agriculteurs s'en porterait mieux si nous imposions par voie législative à l'Agence canadienne d'inspection des aliments l'obligation, aussi, de diligence à l'égard des agriculteurs?
    Certainement. Je pense qu'il est utile que chacun ait un mandat de diligence. C'est toujours bon.
    Excellent.
    Une chose, particulièrement, vous importe, madame Doré, la famille et les exploitations agricoles familiales. La fiscalité des planifications successorales et ce genre de chose bougent beaucoup. De plus, un témoin nous a dit que son mari dépressif était mort de sa dépression, en raison du décès d'un frère, six mois plus tôt. Ayant moi-même de la famille dans le secteur agricole, il me semble tout simplement que, dans certains cas, la participation des enfants, des petits-enfants, des frères et des soeurs à l'exploitation y favorise beaucoup la santé mentale.
    Pourriez-vous faire des observations sur les éléments du modèle d'exploitation agricole familiale qui, d'après vous, favorisent la santé mentale des agriculteurs, puis ceux qui, peut-être, lui sont nuisibles?
    Je dirais qu'il est très utile, pour autant que les membres de la famille apportent leur aide.
    L'un des principaux sujets à prendre en considération en même temps que la santé mentale est la planification successorale. Il existe tellement de modèles d'entreprises agricoles, coentreprises ou personnes morales. Leurs conséquences sur la fiscalité sont nombreuses.
    Oui, je pense qu'il est bon de s'entourer de sa famille, dont un membre, qui vous connait, pourrait remarquer un changement dans votre comportement. Je pense que c'est une de ses utilités, mais comme on ne peut pas quitter sa famille, on ne peut pas éviter, parfois, quand on...
    Absolument.
    Pourriez-vous formuler des observations sur certaines modifications récentes apportées à la planification successorale en raison de modifications du droit successoral et du droit fiscal? L'avez-vous personnellement constaté dans le stress vécu par les agriculteurs, leur santé mentale, au cours de l'année écoulée? Monsieur Hacault, n'hésitez pas à exprimer votre opinion aussi.
    C'est difficile à dire, parce que je n'ai pas encore terminé la planification successorale de notre propre exploitation. Je sais que ça inquiète certaines gens, mais je ne saurais dire si c'est en bien ou en mal.
    Mon père vient de mourir. J'étais l'exécuteur testamentaire, et nous essayions de faire le bilan de sa succession. Il croyait l'avoir bien préparée en créant une société, etc. Je peux vous dire qu'il faut un comptable assez chérant pour naviguer dans tout ce fouilli et comprendre exactement les options qui s'offrent. Ce n'est pas facile.
    Est-ce que les modifications fiscales récentes ont eu un effet dans ce cas?
    Absolument. Notre famille a âprement discuté de ce qu'il fallait faire exactement pour conserver cette équité. Ce n'est pas l'égalité, mais il faut de l'équité.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie.
    La parole est maintenant à M. Peschisolido, pendant six minutes.
    Merci.
    Madame Doré, monsieur Hacault, je vous remercie de vos exposés. Je dois dire qu'ils étaient très complets. Vous avez soulevé de nombreuses questions et je voudrais que vous en éclairiez certaines.
    Monsieur Hacault, vous avez commencé par parler des différents degrés de problèmes de santé mentale dans les diverses industries: le porc, la volaille, le secteur laitier. Pouvez-vous en parler un peu et peut-être expliquer pourquoi vous croyez qu'il existe des différences et nous dire ce que nous pouvons faire d'utile, nous, du gouvernement fédéral et notre société?
    C'est une question intéressante. J'ai écouté l'enregistrement d'une séance antérieure, et je pense qu'on a posé la même question: si les produits soumis à la gestion de l'offre semblaient causer moins de stress que les produits qui n'y sont pas soumis. Quand j'étais agriculteur, j'avais des porcs, et mes voisins étaient tous sous le régime de la gestion de l'offre. J'ignore si nous étions moins stressés. Je sais que, parce que je produisais des porcins, mes prix risquaient d'être plus volatils, Mais j'ai aussi connu d'assez bonnes années, contrairement à mes voisins.
    En règle générale, la gestion de l'offre stabilise un peu plus que l'autre régime les revenus du producteur très performant. La volatilité des prix reste stressante. Je suppose donc que la gestion de l'offre serait moins stressante. Mais une difficulté découle du fait que la croissance de l'exploitation est beaucoup plus difficile sous le régime de la gestion de l'offre que sous un autre régime, qui permet de la réaliser avec des capitaux et un plan stratégique.
    Je voudrais vraiment mieux répondre à votre question.
(0955)
    Au contraire, vous avez très bien répondu.
    Dans le même ordre d'idée, madame Doré, vous avez dit que l'un des facteurs de stress pour les producteurs est la santé des animaux. Pouvez-vous en dire plus à ce sujet?
    Oui. Un sujet qui revient souvent est que, peu importe à quel point la journée s'annonce belle, rien n'a un effet aussi déprimant pour le groupe qu'une vache malade ou une vache qui s'est blessée du fait d'une chute.
    Lundi, par exemple, de retour du congé de fin de semaine, nous avons appris, à 5 heures du matin, que, pendant la nuit, une vache que mon frère croyait en bonne voie de guérison était morte. On se dit que c'est terrible mais que, bon, on continue. Ensuite, mon frère et mon mari sont allés préparer les vaches pour que je les traie et j'apprends la chute et l'immobilisation de l'une des vaches préférées de mon père. Nous avons dû la soulever et l'installer sur le carrousel. Ça faisait deux grosses tuiles à survenir dès les 10 premières minutes de la matinée. C'était vraiment difficile. Nous construisons une nouvelle étable et c'est très excitant, les travaux avancent bien, mais cette guigne nous déprime.
    Nous sommes très fiers de nos animaux, et notre réussite dépend en grande partie d'eux. Nous somme donc personnellement touchés quand nous abandonnons le bêtes blessées à leur sort. Voilà pourquoi, aussi, nous sommes tellement bouleversés par la hargne des médias sociaux. Récemment, j'ai cessé d'aller sur Twitter. J'y avais exprimé des opinions sur l'ALENA et d'autres sujets et j'avais simplement besoin de me distancier de la twittosphère, parce que les discussions sur ces sujets en ligne étaient stériles.
    Malgré la nécessité du dialogue avec les non-agriculteurs, cette activité m'impose beaucoup de responsabilités, en sus de toutes les autres, notamment prendre la défense de l'agriculture et me défendre moi-même. C'est exténuant.
    Vous avez aussi parlé de l'importance des cercles 4-H. Pouvez-vous nous en dire en peu plus?
    Oui, j'en ai été membre toute ma vie, et mon frère et mon père le sont encore. C'est une belle organisation pour enseigner aux enfants la confiance, l'art de parler en public et une foule de sujets. Je pense que c'est une belle façon d'intégrer la santé mentale dans tous les sujets, parce qu'ils peuvent l'intégrer dans le dialogue. Le suicide chez les jeunes est également un sujet très effrayant. Si on peut seulement enseigner aux enfants à mieux s'accepter et à comprendre leurs émotions sous un aspect très social, je pense que c'est une autre excellente façon d'atteindre les jeunes.
    Monsieur Hacault, au début, vous avez indiqué que les agriculteurs préféraient des rencontres en tête-à-tête plutôt que des séances de groupe. Pouvez-vous en dire plus à ce sujet?
    Nous avons demandé aux agriculteurs comment ils voyaient les choses s'ils devaient aller chercher de l'aide, et les rencontres en tête-à-tête étaient manifestement la méthode préférée. C'est ce qu'ils ont indiqué, du moins à l'époque, et je pense que c'est toujours ainsi. Que ces rencontres aient lieu à distance ou non, ils veulent un travailleur social qui comprend l'agriculture et qui sait ce qu'ils vivent.
    J'aimerais revenir brièvement sur certains commentaires, car il y a un élément manquant. Lorsque la SPCA ou l'ACIA sont appelés à intervenir pour les problèmes liés à l'élevage, il serait bien que les agriculteurs soient accompagnés, en particulier ceux qui ont des problèmes de santé mentale et de stress. Ce serait formidable d'avoir quelqu'un de notre côté pour nous aider à gérer ces gens parce qu'en général, les problèmes d'élevage ne sont pas intentionnels, selon moi, mais découlent plutôt de facteurs sous-jacents.
     Il vous reste quelques secondes.
    Très bien.
    Merci, monsieur Peschisolido.
    Nous passons maintenant à M. MacGregor, pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Hacault, ma première question s'adresse à vous. C'est un plaisir de vous accueillir ici à titre de témoin. Votre objectif est d'éliminer complètement les accidents sur les fermes. J'aimerais que vous nous expliquiez la corrélation entre la santé mentale et les accidents, aux fins du compte rendu. Les accidents en milieu agricole peuvent être très violents et peuvent causer un traumatisme psychologique. Qu'un agriculteur ne soit pas au sommet de sa forme sur le plan psychologique peut-il contribuer à une hausse du nombre d'accidents? Le lien entre la santé mentale et la productivité a été démontré. Auriez-vous des commentaires sur ce sujet précis?
    On laisse entendre qu'il y a un lien entre la santé mentale et les blessures, mais je ne pense pas qu'il y ait des recherches qui le prouvent. Il serait bien que des recherches soient menées pour définir le degré de corrélation et connaître les causes. On saurait alors à quel moment intervenir, si nécessaire. Les gens sont plus susceptibles de faire des erreurs lorsqu'ils sont fatigués. Il a été démontré que travailler de longues heures entraîne un état comparable aux facultés affaiblies. Nous savons que le manque de sommeil altère les facultés, ce qui augmente le risque de blessures.
    Il serait intéressant de mener des recherches pour démontrer certains liens et même obtenir des données sur les décès par suicide. Cela nous permettrait de mettre en place des mécanismes proactifs pour empêcher ce genre de choses.
(1000)
    Vous avez entendu le témoignage de Mme Jones-Bitton devant le Comité. Elle avait trois recommandations: appuyer la création d'un réseau national de services en santé mentale pour les agriculteurs; fournir un volet de financement fédéral pour la recherche sur la santé mentale des agriculteurs; appuyer la mise en place de programmes de formation en agriculture fondés sur des données probantes. Vous appuyez certainement ces recommandations.
    Dans le passé, nous avons eu la chance de recevoir une partie de notre financement d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Notre proposition est actuellement à l'étude. Après discussion avec la fondation Do More Agriculture et Mme Jones-Bitton, nous avons proposé la création de ressources destinées aux jeunes familles du secteur agricole. La fondation se chargera probablement des choses de nature générale, tandis qu'Andria s'occupera d'autres aspects.
    Nous avons pensé — ce qui nous ramène à votre propos — aux jeunes familles qui vivent parfois des conflits multigénérationnels à la maison. Parfois, ils ont de jeunes enfants, des dettes énormes, ils essaient d'y arriver même si les liens sont brisés, ils ont d'autres facteurs de stress ou ils ont un enfant qui a besoin d'aide supplémentaire. Or, ils n'ont pas vraiment de services et, lorsque des services sont offerts, ils doivent se rendre en ville, parfois à quatre heures de route. Donc, en fait, ils n'ont pas de services. Nous voulons mettre en place des ressources pour les jeunes familles du secteur agricole.
    Merci.
    Madame Doré, vous représentez une exploitation agricole soumise à la gestion de l'offre. Si j'ai bien compris, vous êtes la septième génération. J'ai visité des fermes laitières dans ma circonscription et cela a été une expérience fantastique.
    À mon avis, une des forces de notre système de gestion de l'offre, c'est que tous les agriculteurs estiment que cela leur donne des certitudes. En général, ils ont une idée de leurs revenus potentiels, ce qui les aide à planifier à long terme. Certains de leurs investissements dans les équipements pour leurs exploitations... C'est assez astucieux. C'est formidable. Ils ont ouvert leurs fermes au public pour que tous puissent voir comment cela fonctionne, ce qui est très instructif.
    Vous avez parlé des facteurs de stress chez les agriculteurs. Dans le contexte des récents accords commerciaux que nous avons signés, comme l'AECG, le PTPGP et l'AEUMC, le gouvernement ne cesse de dire aux agriculteurs soumis à la gestion de l'offre qu'il protégera le système de gestion de l'offre. Cependant, chaque fois que nous cédons un certain pourcentage, cela réduit la certitude.
    Mardi, des témoins ont abordé ce sujet, je me demande quel lien on peut faire avec la santé mentale. Quel est l'effet sur le degré de certitude au sein de l'industrie?
    Cela entraîne un stress considérable.
    Avec mon mari, j'avais décidé de quitter l'industrie si cet accord commercial entraînait la disparition du système de gestion de l'offre. Je n'ai aucun intérêt à travailler si fort pour des consommateurs qui ne sont pas prêts à nous appuyer. J'étais prête à abandonner.
    Pour moi, c'est la stabilité et la possibilité d'investir qui rendaient le système de gestion de l'offre si attrayant. On dit à la blague que les banquiers aiment beaucoup les producteurs laitiers et les producteurs de poulet parce qu'ils savent qu'ils rembourseront leurs prêts. Cela ne fait pas l'affaire d'un de mes amis, un éleveur de porcs, parce qu'il ne peut obtenir un prêt aussi élevé que moi pour un projet comparable. Les banques savent que mes revenus sont stables. Ils ne sont peut-être pas aussi élevés que ceux de mon ami, mais ils ne varient pas. J'aime avoir cet élément de stabilité, étant donné les variations considérables dans nos nombreux autres secteurs d'activité. Il est bien de pouvoir s'appuyer sur la gestion de l'offre.
    Je suis heureuse que le système ait été maintenu, mais j'ai l'impression que chaque fois que l'industrie progresse, nous cédons un pourcentage pour chaque nouvel accord commercial.
    Je ne blâme pas le gouvernement actuel d'avoir conclu cet accord commercial, car il a été placé dans une situation intenable. Je n'ai pas de reproches à faire, mais en même temps, il est très décourageant de céder des acquis.
    Les pourcentages semblent petits, mais cela représente des milliers de personnes.
    Merci.
(1005)
    Merci, monsieur MacGregor.

[Français]

     Vous avez maintenant la parole, monsieur Drouin, et vous disposez de six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps avec M. Tabbara. Il ne vient pas ici souvent, mais il est ici pour entendre parler de ce sujet.
    Madame Doré, si vous avez mentionné dans votre exposé que nous devons donner aux 4-H de ce monde et aux autres groupes du secteur de l'agriculture de meilleurs outils pour rejoindre les agriculteurs. Est-ce exact? Comment procéderez-vous?
    Je vais vous donner un exemple. Un de nos vendeurs vend des clôtures et de l'équipement laitier. Mon mari Joe et moi participions à un groupe de discussion lors d'une foire agricole. Le vendeur arrive et nous dit que les agriculteurs lui ont souvent parlé de ces enjeux au cours de la dernière année. Il est intéressant de constater que les gens en parlent plus ouvertement. Huit agriculteurs l'ont approché pour parler de leurs difficultés. Il a dit qu'il ne savait pas s'ils en avaient parlé à d'autres personnes. Il ne savait pas où les diriger et il n'était pas certain d'avoir les informations nécessaires pour bien les diriger vers un conseiller ou un médecin. C'est une lourde responsabilité à faire porter aux gens.
    Nous avons souvent abordé le sujet avec notre vétérinaire. Les vétérinaires vivent aussi du stress psychologique, car ils sont souvent présents lorsque vous passez une mauvaise journée parce que vos animaux sont malades. À mon avis, l'important est de former tous les acteurs de l'industrie pour qu'ils remarquent les changements chez les gens.
    En rétrospective, je sais qu'à l'époque où mon mari était en crise, il ne voulait pas participer à des foires commerciales et à des réunions comme il le faisait auparavant. Il y avait une multitude de signaux très subtils. Je me disais simplement qu'il lui arrive d'être de mauvaise humeur et que cela va aller. À bien y penser, je me rends compte que c'était un signal.
    Il y a quelques mois, je ne voulais pas assister à une réunion. J'étais plutôt maussade et je ne voulais rien faire. J'ai pris conscience qu'il y avait un problème. J'ai commencé à faire attention pour corriger la situation.
    Cette formation et ces connaissances supplémentaires permettront aux gens de rester à l'affût et de remarquer si quelqu'un... Si vous entrez dans une grange et qu'elle n'est pas aussi propre que d'habitude, cela devient facilement un prétexte pour entreprendre cette discussion et chercher à savoir comment la personne se sent vraiment. Il faut aussi savoir comment réagir à la réponse qu'on vous aura donnée.
    J'ai parlé à une psychologue qui agit à titre de conseillère auprès de grandes entreprises. Elle a indiqué que les entreprises mettent sur pied des systèmes d'appui par les pairs et offre une formation au personnel pour qu'ils puissent déceler les problèmes de santé mentale et diriger les gens vers l'aide appropriée. À votre avis, une telle approche serait-elle applicable dans le secteur agricole?
    Oui, c'est certain. Les gens doivent se sentir à l'aise; on parle de confidences. Il est donc utile de pouvoir discuter avec quelqu'un que l'on connaît mieux, mais en même temps, il est bien d'avoir la possibilité de parler à quelqu'un d'autre lorsqu'on ne peut pas aller se plaindre auprès d'un voisin ou d'un proche. Avoir plusieurs personnes à qui parler, c'est bien.
    Plus tôt, nous avons dit qu'il est très utile de pouvoir parler au téléphone avec un conseiller qui connaît le secteur agricole. Mon mari a dû attendre longtemps avant de pouvoir parler à des conseillers et des psychiatres. Il a pu le faire par vidéoconférence. Il se rendait au cabinet du médecin pour parler à quelqu'un par téléconférence. Il était seul dans une pièce. Je n'étais pas dans la salle adjacente à écouter ce qu'il disait. Il avait toutes sortes de sujets à aborder et il pouvait parler très ouvertement. Parfois, l'horaire était très serré, ce qui permettait de tenir plus de consultations avec les patients en peu de temps. Je pense que c'est une approche intéressante, en particulier pour les gens des régions éloignées.
    Merci.
    Je cède la parole à mon collègue.
    Je vous remercie tous les deux d'être ici. Merci de vos témoignages.
    Comme mon collègue l'a mentionné, je ne suis pas membre du Comité, mais le sujet dont nous sommes saisis est fort intéressant.
    J'ai lu un article du Huffington Post. En voici un extrait:
Si vous avez idéalisé l'agriculture comme étant un métier facile, détrompez-vous. L'agriculture est caractérisée par un stress élevé. Le travail n'arrête jamais.
Pressions financières, maladies du bétail, faibles récoltes, changements climatiques [...] peuvent dévaster les agriculteurs.
    Nous avons entendu les nombreux témoignages des témoins précédents. Convenez-vous, comme on l'indique dans cet article, que même si nous sommes conscients du stress et des pressions que subissent les agriculteurs, nous n'attaquons pas le problème de front? Traitons-nous seulement les symptômes?
(1010)
    Je dirais qu'il y a un peu des deux. Outre l'adoption de normes de travail pour faciliter le recours aux travailleurs temporaires afin de réduire nos heures... Mon mari et moi avons l'habitude de dire qu'il faut trouver une façon d'y arriver. Nous sommes cinq sur la ferme; il doit bien y avoir moyen de ne pas travailler 16 heures par jour. Il n'est pas nécessaire que tout le monde soit présent tout le temps. Pourquoi ne pas faire un horaire pour que je travaille le matin, jusqu'à 14 heures? Ce serait une journée de travail normale. Je devrais avoir terminé ma journée à 13 heures, ce qui n'arrive jamais: je travaille jusqu'à 18 h 30. Nous devrions pouvoir travailler par quarts, mais il est difficile d'établir un horaire lorsqu'il faut s'occuper des cultures, par exemple. S'il y avait un bassin de travailleurs temporaires spécialisés...
    Dans notre communauté, il y a un jeune qui est l'homme à tout faire. Je ne sais pas vraiment où il travaille; il est partout. Il nous aide, et il en aide d'autres. On ne pourrait avoir mieux; c'est la personne idéale. Nous apprécions la possibilité de dire: « Je suis trop occupé cet après-midi, je vais appeler Carson. » Il est difficile de trouver des travailleurs qualifiés qui offrent une telle souplesse.
    Merci, madame Doré.
    Merci, monsieur Tabbara.
    Eva, il nous reste environ cinq minutes.
    Pour moi?
    Oui.

[Français]

     Quelles recommandations feriez-vous à notre gouvernement en ce qui a trait aux stratégies, au financement et à la sensibilisation concernant l'aide liée aux problèmes de santé mentale chez les agriculteurs?
    J'ai déjà fait des recommandations dans mon discours.
    Pourriez-vous énumérer les plus importantes?
    Le rôle du gouvernement est de fournir des programmes de soutien, des programmes de gestion des risques les plus solides et concrets, afin d'aider les fermiers à gérer toutes les gammes de revenus.
    Cela change chaque fois, et chaque fois, il faut renégocier avec son banquier.
    Il faut aussi valoriser la profession d'agriculteur. Il ne s'agit pas seulement d'un producteur de produits aux fins d'exportation qui va aider le Canada.
    Ces familles sont importantes pour le Canada, elles sont la base de la production de la nourriture. Elles travaillent et prennent soin de leurs animaux, de l'environnement, de la salubrité des aliments.
    Pensez-vous qu'il y a des défis liés spécifiquement à l'élevage du bétail, et d'autres, plus spécifiques ou plus difficiles, qui sont liés à l'horticulture?
    Pouvez-vous nous dire lequel est le plus difficile?
    Le plus difficile, c'est probablement lorsque des maladies nous obligent à abattre tous les troupeaux. Dans les grains, on n'a pas les mêmes maladies. En agriculture cependant, notamment avec le boeuf et le porc, une maladie peut nous obliger à abattre tout le troupeau. Cela représente, pour cette industrie, un stress différent de celui de l'industrie céréalière.
    Madame Doré, pensez-vous que la présence des femmes dans ce domaine aide à contrer les défis liés à la santé mentale?

[Traduction]

    Je crois qu'en général, nous avons plus de facilité que les hommes à exprimer nos émotions, mais ces questions deviennent plus faciles à aborder à mesure que la société évolue.
    La première fois que j'ai discuté de la hausse des problèmes de santé mentale avec mon père, il semblait dire que lorsqu'il était jeune, personne n'avait de problèmes de santé mentale, mais que beaucoup de gens étaient alcooliques. L'enjeu est de prendre conscience de la nature du problème et d'être capable de le nommer plutôt que de feindre l'ignorance et de dire des choses comme « Il ne s'est pas suicidé, c'était un accident de ferme. » Non, c'était un suicide.
    Je pense que les discussions évoluent. Que plus de voix se fassent entendre est toujours une bonne chose. Je dirais que les femmes ont toujours joué un rôle en agriculture, mais ce n'est que récemment qu'elles ont commencé à s'affirmer en tant qu'agricultrices plutôt que comme femmes d'agriculteurs. Je pense que ce changement de point de vue est un facteur très important.
(1015)

[Français]

    Avez-vous des données sur la participation des femmes dans ce domaine?

[Traduction]

    Je n'en ai pas, mais je sais que de plus en plus de jeunes s'y intéressent. On constate une augmentation du nombre de femmes dans les STIM, ce qui nous inclut. Je pense que cela devient de plus en plus accessible. Les gens sont de plus en plus à l'aise de participer à des conseils.

[Français]

    Vous pouvez ajouter quelque chose, monsieur Hacault.

[Traduction]

    Financement agricole Canada pourrait avoir certaines données. J'ai vu des données sur les tendances démographiques chez les agriculteurs. Elles démontrent une augmentation du nombre de femmes actives dans le milieu, mais je n'ai pas de chiffres précis à vous donner.
    Monsieur Hacault, madame Nassif, merci beaucoup.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.

[Traduction]

    C'est tout le temps que nous avons, malheureusement.
    Je vous remercie beaucoup d'être venus au Comité aujourd'hui pour témoigner. Nous avons bien entendu vos commentaires et nous en tiendrons compte dans notre rapport.
    Nous allons suspendre la séance. À notre retour, nous siégerons à huis clos pour discuter des travaux du Comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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