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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 055 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 4 mai 2017

[Enregistrement électronique]

  (1105)  

[Français]

[Traduction]

    Conformément à l'article 108 du Règlement, nous menons l'étude sur les dettes dans le secteur agricole et leurs effets, et je veux souhaiter la bienvenue à tous nos témoins.
    Tout d'abord, nous accueillons M. Alan Ker, professeur et directeur de l'Institute for the Advanced Study of Food and Agricultural Policy de l'Université de Guelph et président de la Société canadienne d'agroéconomie.
    Nous accueillons M. Alfons Weersink, professeur au département d'alimentation, d'agriculture et d'économie des ressources de l'Université de Guelph.
    Nous accueillons également — notre dernier témoin, mais non le moindre — M. Ron Bonnett, président de la Fédération canadienne de l'agriculture, qui revient tout juste d'un voyage au sud de la frontière.
    Bienvenue à vous tous.
    Je souhaite la bienvenue à tous nos membres qui sont également des nôtres. Je pense que nous sommes tous les membres initiaux ou authentiques du Comité sont présents.
    Nous allons commencer par la déclaration préliminaire de M. Ker. Vous disposez d'une période allant jusqu'à 10 minutes.
    Laissez-moi remercier le Comité de l'invitation à témoigner au sujet des dettes dans le secteur agricole et de leurs effets.
    Je suis l'actuel président de la Société canadienne d'agroéconomie, et je suis professeur et directeur de l'Institute for the Advanced Study of Food and Agriculture Policy, à l'Université de Guelph. La société a pour mandat d'approfondir notre compréhension des paramètres économiques qui régissent les secteurs de l'alimentation, de l'agriculture et des ressources. Même si l'institut a de multiples mandats, son principal, c'est d'attirer des étudiants dans le secteur agroalimentaire. Avant de me joindre au personnel de l'Université de Guelph, j'ai été professeur au département d'agronomie et d'économie des ressources économiques de l'Université de l'Arizona. Même si je n'ai publié aucun document portant précisément sur l'endettement des agriculteurs, au cours des deux dernières années, j'ai publié des articles évalués par des pairs sur des sujets étroitement liés, y compris l'assurance-récolte, l'instabilité des prix, les conséquences économiques des éclosions de maladies ainsi que la résilience du rendement et le climat.
    La capacité de contracter une dette bien gérée est essentielle à la réussite économique d'un secteur. C'est vraiment le cas dans le secteur agricole. De fait, en raison des préoccupations croissantes au sujet des augmentations au chapitre de l'endettement des agriculteurs et de la valeur des terres, en mai 2015, l'institut a tenu une conférence intitulée « Are we headed for another farm financial crisis? » — Nous dirigeons-nous vers une autre crise financière agricole? L'idée qui a fait l'objet d'un consensus, et les conférenciers, MM. Gervais, Weersink et Deaton — qui ont comparu ou comparaîtront devant le Comité —, étaient de cet avis, c'est que nous ne nous dirigeons pas vers une autre crise financière agricole.
    Actuellement, le ratio dettes-actifs est relativement faible, et les recettes monétaires agricoles sont solides. Ainsi, de nombreuses personnes ont déclaré que les dettes ne constituaient pas un problème important pour le secteur, en ce moment, et je souscris à cette opinion. Cela dit, la complexité de la gestion des dettes augmente avec le risque, et je m'attends à ce que le risque augmente dans l'avenir. Aujourd'hui, je concentrerai mes commentaires sur le risque et sur l'efficacité des programmes gouvernementaux qui sont conçus pour aider les producteurs à le gérer. Je vais répartir les risques dans trois catégories: ceux qui sont liés à la production, ceux qui sont liés au marché, et ceux qui sont liés aux politiques.
    Un risque lié à la production peut découler d'éléments comme la mortalité, la maladie, la génétique, la météo, etc. Une partie de mon programme de recherche porte sur la modélisation du rendement des cultures. Cette recherche a révélé un certain nombre d'éléments intéressants concernant le risque lié au rendement. Je vais me concentrer sur le rendement des cultures de maïs. Premièrement, l'instabilité du rendement d'année en année a doublé au cours des 50 dernières années. Deuxièmement, l'instabilité accrue n'a pas été symétrique. C'est-à-dire que les faibles rendements deviennent relativement plus instables que les rendements élevés. Troisièmement, cette instabilité accrue est surtout attribuable à l'innovation, et non au changement climatique.
    Songez à l'exemple suivant: au cours des 50 dernières années, les innovations liées aux semences ont permis de doubler la densité de plantation par acre, ce qui a fait augmenter le rendement moyen par acre. Toutefois, la répartition des précipitations est demeurée constante durant cette période. Même si les précipitations limitaient rarement les rendements de culture dans les années 1960, compte tenu de la densité accrue de plantation, c'est le cas aujourd'hui. Notre recherche montre que les précipitations insuffisantes sont maintenant beaucoup plus susceptibles de causer de faibles rendements en raison de l'innovation. À mesure que de nouvelles technologies sont adoptées, la relation entre le climat et le rendement change. Du moins, dans le passé, ce changement a fait augmenter le risque lié au rendement, ce qui a rendu la gestion des dettes plus compliquée.
    Un risque lié au marché peut découler du prix des intrants et des extrants, des taux d'intérêt et du taux de change. Les taux d'intérêt semblent être relativement stables et peu élevés, et ce, pour l'avenir prévisible, mais cette situation peut changer rapidement à la suite de modifications des politiques monétaires. L'augmentation des usages non liés à l'alimentation, à laquelle s'ajoutent la croissance de la population mondiale et l'augmentation des revenus, fera augmenter la demande à long terme en produits agricoles. L'offre à long terme dépendra des retombées attendues au chapitre de la croissance de la productivité, qui est stimulée par les dépenses dans la recherche et le développement. De façon générale, je m'attends à ce que les prix à long terme des extrants soient constants ou qu'ils augmentent légèrement, car il est probable que l'augmentation de la demande soit plus rapide que l'augmentation de l'offre. Les prix à court terme vont fluctuer, compte tenu de l'offre, des revenus et des stocks. Le risque lié au taux de change ne changera pas, ce qui aura une incidence sur le prix des extrants et des intrants. Notre taux de change présente — et continuera de le faire pour l'avenir prévisible — une corrélation importante avec le prix mondial des matières premières.
    Actuellement, le risque lié aux politiques est à l'avant-plan, étant donné tout le discours concernant une renégociation de l'ALENA, la tarification plurifactorielle et la gestion de l'offre.
    Parfois, le discours se transforme en réalité, comme dans le cas des droits compensateurs pour le bois d'œuvre de résineux. Puisque le secteur agricole dépend fortement du commerce ou des protections commerciales, les politiques présentent peut-être le plus grand risque auquel font face les producteurs canadiens actuellement.
    Les conséquences des politiques changeantes se manifestent le plus souvent sous la forme de prix changeants, comme on l'a observé dans le cas de l'étiquetage obligatoire du pays d'origine. Les changements stratégiques peuvent avoir des effets marqués sur le revenu des producteurs et, par conséquent, sur leur capacité de s'acquitter de leurs obligations liées à leurs dettes. De plus, ces changements peuvent modifier rapidement la valeur d'actifs comme la superficie des terres et la machinerie. Compte tenu du sentiment mondial croissant en faveur de frontières plus fortes et du comportement incertain des États-Unis, je m'attends à ce que le risque lié aux politiques demeure élevé à court et à moyen termes.
    Les programmes de gestion des risques commerciaux, comme Agri-investissement, Agri-relance, Agri-stabilité et Agri-protection, aident les agriculteurs à assumer les conséquences financières de mauvais résultats au chapitre de la production. De fait, la série de programmes offre aux producteurs une importante protection à cet égard. De surcroît, le secteur public possède des attributs naturels qui lui permettent d'offrir une protection plus efficiente que le secteur privé.
    Même si ces programmes protègent les producteurs contre le risque lié à la production, ils les protègent très peu contre les risques liés aux prix causés par des perturbations touchant le marché ou les politiques. À cet égard, la capacité des producteurs d'effectuer des versements pour rembourser leur dette est vulnérable. Il vaut la peine de souligner que l'Ontario et le Québec offrent aux agriculteurs un programme d'assurance propre à des denrées et fondé sur la marge brute qui les aide à gérer le risque lié aux prix. Il est également à souligner que le programme d'assurance-récolte des États-Unis offre une protection des recettes propres à des denrées, qui protège les producteurs contre les risques liés aux prix et à la production.
    En résumé, je crois que le taux d'endettement actuel n'est pas extrêmement préoccupant, compte tenu des taux d'actifs actuels et des recettes monétaires agricoles. À court terme, les plus grands risques touchant la capacité des producteurs de s'acquitter de leurs obligations de rembourser leurs dettes, sont liés aux politiques relatives à des frontières plus fortes ou plus faibles, au taux de change, et comme toujours, aux taux d'intérêt. À long terme, il faudra prêter une plus grande attention à l'élaboration d'une politique de gestion des risques commerciaux, qui aidera les producteurs à gérer les risques, tout en n'encourageant pas les pratiques risquées.
    La conception de cette politique, qui prévoit un risque adéquat, sans inciter les producteurs à adopter des pratiques plus risquées, présente un défi. Ce défi sera exacerbé par l'incertitude à l'égard des changements climatiques, de la demande des consommateurs et des politiques.
    Merci de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. J'ai hâte de répondre à vos questions.

  (1110)  

    Merci beaucoup, monsieur Ker.
    Nous cédons maintenant la parole à M. Weersink, pour une période allant jusqu'à 10 minutes.
    Je suis très reconnaissant d'avoir la possibilité de témoigner devant le Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes. C'est un honneur, et j'espère que je pourrai justifier l'invitation grâce à des renseignements qui seront utiles à vos délibérations.
    Aujourd'hui, j'aborderai les effets de l'endettement sur la capacité d'étendre toute exploitation agricole et de transférer une exploitation d'une génération à une autre. Pour commencer cette discussion, je voudrais vous présenter un bref contexte personnel qui est lié aux enjeux touchant les dettes et les jeunes agriculteurs.
    Mes parents ont immigré au Canada des Pays-Bas à la fin des années 1950. Comme de nombreuses personnes qui sont venues des pays du Benelux après la Deuxième Guerre mondiale, ils souhaitaient avoir la possibilité de cultiver la terre, possibilité qui ne leur était pas offerte en raison des règles conventionnelles relatives au transfert intergénérationnel, à l'époque, selon lesquelles l'exploitation agricole était donnée au fils aîné, et en raison des perspectives économiques éventuelles à l'extérieur de l'Europe de l'Ouest.
    Ils sont venus au Canada avec très peu de choses, mais, grâce à la bonne fortune et à un travail acharné, ils ont réalisé leurs rêves et établi une exploitation agricole fructueuse. Comme je le ferai valoir plus tard, ils ont peut-être fait partie de l'une des dernières générations à pouvoir entrer dans le domaine de l'agriculture pour la production de denrées sans être appuyées par des capitaux importants.
    Un de mes frères cadets et moi-même avions pleinement l'intention de prendre la relève de cette exploitation familiale. Nous sommes tous deux revenus à la ferme en 1984, après avoir obtenu notre diplôme universitaire. Il avait obtenu un baccalauréat en mécanisation agricole, et moi, une maîtrise en agroéconomie. Il a pris la relève du volet laitier de l'exploitation de mes parents, qui se sont alors concentrés sur les cultures commerciales. Je travaillais à temps partiel à la ferme, et j'occupais un emploi à temps plein à titre de directeur du crédit pour une grande banque.
    Le moment où j'ai occupé cet emploi coïncidait avec une crise financière agricole. Comme mon portefeuille était en grande partie fondé sur l'agriculture, j'ai pu constater personnellement les effets de dettes dépassant la capacité de remboursement des agriculteurs. Cette expérience a été en partie responsable de ma décision d'obtenir un doctorat, qui était probablement dans notre intérêt, à mon frère et à moi-même. Comme je l'expliquerai plus tard, les circonstances de cette crise financière agricole des années 1980 sont peu susceptibles de se reproduire aujourd'hui, mais il y a des leçons à en tirer en ce qui concerne les politiques.
    J'ai eu la chance d'obtenir un poste de professeur à l'Université de Guelph au moment où j'ai obtenu mon diplôme de Cornell, en 1989. Une constante de ma période d'enseignement à Guelph a été un cours que je donnais à des étudiants de quatrième année qui faisaient une majeure en commerce agroalimentaire, dans le programme de baccalauréat en commerce. Au fil du temps, deux tendances se sont dégagées de cette majeure, lesquelles reflétaient les perceptions changeantes au sujet de l'agriculture en général, et de l'exploitation agricole en particulier.
    La première, c'est le nombre croissant d'étudiants qui ne viennent pas de régions rurales, qui sont attirés par les perspectives d'emploi dans le secteur agroalimentaire.
    La deuxième, c'est la part de plus en plus grande d'étudiants provenant d'exploitations agricoles qui veulent retourner prendre la relève de la ferme familiale. Le nombre d'étudiants ayant grandi sur une exploitation agricole qui s'inscrivent n'a pas changé en partie parce que le nombre d'agriculteurs diminue, mais une plus grande part de ce nombre veut retourner à la ferme. Je pense que cela reflète l'enthousiasme au sujet des perspectives à long terme que présente l'agriculture et l'ensemble de compétences complexes qu'il faut avoir pour connaître du succès en tant qu'exploitant.
    Cependant, des difficultés importantes sont associées à la transition d'une entreprise qui est devenue très exigeante en investissements. Des membres de ma famille, y compris mon frère et deux de mes beaux-frères, font maintenant face à ces difficultés.
    On a demandé au Comité de délibérer sur trois éléments concernant l'endettement: les jeunes agriculteurs et le transfert intergénérationnel; les fermes en démarrage exploitées depuis 10 ans ou moins; et la capacité d'expansion des exploitations agricoles. Je vais commencer par le dernier élément: l'endettement et la capacité d'expansion.
    On contracte des dettes pour pouvoir effectuer directement les investissements jugés rentables pour l'exploitation, sans avoir à utiliser de fonds personnels. La probabilité d'emprunter augmente avec le rendement annuel de l'entreprise agricole découlant de l'achat de cet actif, alors que les taux de demandes de crédit diminuent avec l'augmentation des coûts d'emprunt. Ainsi, l'augmentation du niveau d'endettement peut, à elle seule, être un signe de force dans l'économie agricole. Elle signifie que le secteur réinvestit dans la technologie afin d'accroître sa productivité et sa compétitivité. Des institutions financières, comme Financement agricole Canada, offrent des prêts en fonction d'une évaluation semblable de la valeur des achats effectués au moyen du crédit.
    À eux seuls, les taux d'endettement ne constituent pas une mesure de la tension financière. Comme plusieurs autres témoins l'ont fait remarquer au Comité, la valeur des actifs a augmenté à un rythme plus rapide que le passif, ce qui a entraîné une augmentation des capitaux propres dans le secteur. De plus, les arriérés sur les prêts, du moins à FAC, sont à de faibles taux, ce qui ne laisse entrevoir aucune préoccupation majeure, pour l'instant, au sujet de la capacité de remboursement de la majorité des exploitations.
    Cette situation pourrait changer en raison des risques liés à la production, au marché et aux politiques, comme l'a souligné M. Ker. À court terme, la pression sur le rendement agricole va continuer à s'accroître — je crois —, mais les perspectives à long terme sont encourageantes.

  (1115)  

    Je souscris à l'opinion de M. Ker, selon laquelle le plus grand risque pour la capacité de remboursement est associé à un changement imprévu et marqué au chapitre des politiques. La crise financière agricole avait probablement été provoquée par une telle modification des politiques. Les taux d'intérêt réels négatifs étaient devenus la norme dans les années 1970. L'inflation était plus importante que le taux d'intérêt minimal. La tentative de la Réserve fédérale américaine de réduire l'inflation au moyen d'une réduction importante de la masse monétaire s'est soldée par des taux élevés records dans l'espace d'une courte période. Par exemple, le taux préférentiel de la Banque du Canada a presque doublé en 1982 pour s'établir à près de 22 % en moins d'un an. Nous exigions un taux de 2,5 à 3,5 % supérieur à celui-là pour les marges des clients dont le crédit était passable.
    L'augmentation des dépenses en intérêt, combinée aux prix réduits des denrées, a poussé de nombreux exploitants agricoles à faire faillite. Par exemple, en 1984, ils étaient 550, alors que la moyenne annuelle a été d'environ le dixième de ce nombre au cours des dernières années. L'une des leçons tirées de la crise financière agricole que j'ai observées en tant que prêteur, c'est l'importance de faire la distinction entre les politiques sociales et les politiques agricoles. Dans les années 1980, les deux étaient interreliées. Par exemple, les politiques relatives à la réduction des taux d'intérêt pour tous ont été peu utiles aux agriculteurs qui éprouvaient de réelles difficultés financières et ont probablement ralenti le rajustement dans le secteur. Les politiques agricoles devraient permettre de s'assurer que le secteur est concurrentiel, efficient et capable de résister aux tempêtes inévitables. Par contre, les politiques sociales devraient aider les défavorisés. De nombreuses familles d'agriculteurs étaient en détresse durant cette crise, et des efforts très importants et efficaces ont été déployés afin d'offrir des services de counseling visant à aider les agriculteurs dans cette transition difficile vers l'abandon de l'agriculture. Espérons ne pas avoir besoin de telles politiques dans l'avenir, mais, si c'est le cas, il importera de faire la distinction entre les politiques agricoles et sociales.
    La nécessité pour le secteur agricole de faire la distinction entre le propriétaire et l'exploitant a été une autre leçon tirée de la crise financière agricole. Autrefois, l'agriculteur estimait qu'il était nécessaire de posséder tous les actifs qu'il fallait pour exploiter la ferme. Si l'exploitation est achetée, plutôt que louée, elle présente un plus grand risque financier. L'un des grands sujets de discussion des années 1980, c'était comment le secteur pouvait attirer une participation financière extérieure. Le marché croissant de la location de terres agricoles par des non-agriculteurs est un exemple d'apport financier extérieur qui réduit le risque financier pour l'exploitation agricole. Ce type de marché peut également aider les nouveaux agriculteurs à entrer dans le secteur.
    Concernant les dettes et les jeunes agriculteurs, même si les taux d'endettement n'ont pas pour effet de limiter les exploitations agricoles existantes, je soutiendrais que l'accès à un crédit suffisant peut être un obstacle pour certains nouveaux venus, mais cela dépend du type de nouvel agriculteur. Christie Young, du programme FarmStart, qui comparaîtra devant le Comité la semaine prochaine, a recensé quatre types de nouveaux venus: premièrement, les jeunes qui emménagent dans une exploitation familiale existante; deuxièmement, les jeunes qui souhaitent entrer sur un marché à créneaux; troisièmement, les personnes d'âge moyen à la recherche d'une deuxième carrière supplémentaire; et quatrièmement, les nouveaux Canadiens. Je pense que la distinction est importante. Chacun de ces groupes a des intérêts et des besoins différents. Par exemple, le premier groupe tend à connaître des problèmes liés au transfert intergénérationnel; les groupes du milieu, de la difficulté à obtenir un apport financier; et le dernier groupe — les nouveaux Canadiens —, de la difficulté à comprendre les institutions qui devraient leur permettre de produire des denrées et de servir un marché ethnoculturel croissant. Ce n'est pas l'apport financier qui leur pose problème. Je présume que Christie abordera les trois derniers groupes, et je vais me concentrer sur les nouveaux agriculteurs traditionnels.
    Dans le cas de ceux qui souhaitent faire la transition vers une exploitation agricole familiale, le problème tient aux niveaux d'actifs, plutôt qu'à l'endettement en tant que tel. La valeur des actifs de la plupart des exploitations agricoles commerciales se situe dans les millions de dollars. La valeur financière complique le transfert de l'exploitation, en tant qu'unité seule, vers la prochaine génération. Il faut établir un équilibre entre les désirs et les besoins financiers des parents qui prennent leur retraite, des nouveaux agriculteurs et des autres membres de la famille. Aux extrémités, les dettes agricoles pourraient être transmises gratuitement au nouvel agriculteur, sans que les parents ou les frères et sœurs contractent des dettes et obtiennent un dédommagement, ou bien le nouveau venu pourrait avoir à payer la pleine valeur marchande de l'exploitation agricole et contracter une dette importante. La viabilité financière de l'exploitation dépend de la façon dont elle est donnée à la prochaine génération et des taux d'endettement subséquents. Ainsi, c'est la valeur marchande des actifs agricoles et la façon dont ils sont transférés qui influent sur le succès financier de l'exploitation, plutôt que les taux d'endettement directement.
    Même si la valeur nette croissante des agriculteurs a amélioré leur bien-être financier, elle a également compliqué le transfert intergénérationnel de leurs exploitations.

  (1120)  

    C'était simple pour mon grand-père. La ferme allait au fils aîné, qui n'était pas mon père, et mes parents n'ont eu d'autre choix que de déménager au Canada s'ils voulaient cultiver la terre. Ils ont été en mesure de le faire parce que...
    Désolé. Les 10 minutes sont écoulées. Veuillez conclure rapidement.
    Désolé, ce ne sont que les quelques dernières phrases.
    Ils ont été en mesure de cultiver la terre parce que la valeur des actifs était bien moins importante et que le rendement était généré par leur travail, plutôt que par des capitaux. C'est bien plus compliqué pour mon frère et pour mes beaux-frères. Afin d'effectuer un transfert avec succès dans un secteur exigeant en investissements, il faut que la communication soit claire entre toutes les parties. Des politiques qui facilitent la conversation seraient plus profitables à la majorité des exploitations qu'une aide financière directe.
    Merci de m'avoir donné la possibilité de prendre la parole, et je serais heureux d'approfondir les questions avec vous.
    Merci, monsieur Weersink.
    Monsieur Bonnett, vous disposez d'une période allant jusqu'à 10 minutes.
    Je remercie le président et les membres du Comité de m'avoir invité à présenter un exposé.
    Avant que j'en arrive aux commentaires, dans les années 1980, Alfons était assis du côté du banquier du bureau. J'étais de l'autre côté de ce bureau, et je pense que cette situation m'a vraiment permis de comprendre comment les changements au chapitre des politiques pouvaient avoir des conséquences sur l'exploitation agricole. Les chiffres sont ancrés dans mon esprit: nous avions un prêt de 85 000 $; nous avons étendu l'exploitation agricole à partir de 1985. Le terme était censé être de cinq ans; et à un certain moment, je versais les 1 600 $ par mois, et le principal augmentait de 400 $ par mois. Des choses comme cela vous font réfléchir aux conséquences de l'endettement, aux intérêts et aux capacités de remboursement. Dans les années 1980, la situation était différente d'aujourd'hui, mais je pense qu'il y a des leçons à tirer du point de vue des politiques des années 1980, qui ont une certaine importance aujourd'hui.
    Comme on l'a dit plus tôt, l'endettement agricole croissant, en soi, ne pose pas nécessairement problème. Les demandes de crédit des producteurs tendent à augmenter avec la valeur des actifs, et ces augmentations peuvent fournir une importante source d'investissement proactif dans la productivité, l'atténuation des risques et la saisie de nouvelles occasions. Entretemps, l'accessibilité du crédit dans le secteur témoigne de sa santé financière accrue et des faibles taux d'intérêt. Comme les récentes cibles de croissance ambitieuses fixées par le rapport Barton et le dernier budget fédéral ont permis de le constater, il y a de l'optimisme à l'égard de l'agriculture canadienne et de son potentiel pour l'avenir.
    De fait, un aspect qui, nous le croyons, doit être examiné de plus près, c'est l'afflux de capitaux en vue d'acheter des actifs comme des terres agricoles qu'a généré cet optimisme. Même si le phénomène est relativement modeste à ce jour, nous devons prendre des mesures pour nous assurer que les agriculteurs gardent le contrôle d'actifs stratégiques comme les terres agricoles et que, lorsqu'ils investissent dans leur exploitation, ils se constituent un actif à long terme. Néanmoins, nous devons regarder au-delà des ratios dettes-actifs relativement élevés au moment d'examiner la santé financière des exploitations agricoles. Ces ratios donnent une idée de l'état actuel de solvabilité des exploitations, mais les années d'augmentation par coup de deux chiffres de la valeur des terres agricoles — plus particulièrement dans des endroits où ces augmentations ont été plus rapides que celle du revenu agricole — illustrent pourquoi ils peuvent être un peu trompeurs au moment d'étudier la santé financière générale.
    Les producteurs qui gèrent des dettes doivent d'abord surveiller leur flux de trésorerie et sa sensibilité aux taux d'intérêt. Comme le coût des intrants a augmenté, il peut être très difficile de générer suffisamment de fonds d'exploitation. C'est particulièrement le cas des jeunes agriculteurs ou de ceux qui souhaitent prendre de l'expansion. Le Programme de paiements anticipés fournit une aide cruciale à cet égard, mais la taille croissante des exploitations agricoles et les coûts de plus en plus élevés exigent que les limites de paiement anticipé soient augmentées et indexées à l'inflation afin de suivre la cadence. De plus, les agriculteurs débutants devraient avoir accès à de plus grandes limites de paiement anticipé sans intérêt afin de mieux pouvoir composer avec les contraintes uniques liées aux fonds d'exploitation associées au démarrage d'une entreprise. Les producteurs doivent également comprendre comment l'endettement touche la rentabilité. Il est essentiel de comprendre le rendement de ses actifs pour prendre des décisions éclairées au sujet de l'endettement ou d'investissements à venir. En fin de compte, le revenu agricole est une mesure clé de la capacité de remboursement d'une dette.
    Les sommets historiques que nous avons observés sur les marchés de denrées sont en train de redescendre, ce qui entraîne une réduction marquée du revenu agricole aux États-Unis. Jusqu'ici, les exploitations agricoles canadiennes ont évité une grande partie de ces diminutions de revenu, grâce aux taux de change favorables. Compte tenu de la diminution des prix et de la croissance de la valeur des actifs qui commence à se modérer, ainsi que de l'omniprésence de l'instabilité de la météo et des marchés, les investissements dans la productivité et l'innovation sont essentiels à une croissance à long terme.
    Comme on estime que la population mondiale dépassera les 9 milliards en 2050, l'agriculture canadienne fait face à une occasion unique de se définir en tant que chef de file mondial de la production durable. Pour tirer profit de cette occasion, il faudra un investissement considérable de la part des agriculteurs canadiens, et, dans la plupart des cas, pour ce faire, ils devront inévitablement s'endetter davantage. Il sera essentiel de posséder des compétences efficaces en gestion commerciale pour s'assurer que ce sera le cas. La FCA continue de travailler avec Gestion agricole du Canada afin de promouvoir l'adoption d'une approche stratégique complète en matière de gestion des risques, mais elle croit que l'industrie et les gouvernements devront en faire plus pour promouvoir les compétences en gestion commerciale dans le secteur.
    Malgré la mine de possibilités que nous observons pour l'industrie, l'agriculture continue de faire face à un éventail unique de risques, lesquels, dans bien des cas, augmentent du point de vue de leur fréquence et de leur caractère extrême, alors que les changements climatiques et la dynamique changeante dans l'industrie continuent de poser de nouveaux risques. Certains de ces risques peuvent être gérés, et il est possible de s'y adapter, grâce à des stratégies ou à de nouvelles technologies, mais d'autres s'étendent sans doute au-delà de la capacité de gestion à la ferme.

  (1125)  

    Pour investir dans une productivité accrue, la durabilité et la croissance des exploitations agricoles, il faut avoir accès à des outils de gestion des risques de l'entreprise qui permettent de composer avec les risques même si on ne peut pas les contrôler. Les programmes de gestion du risque actuels du Canada existent depuis 10 ans maintenant, et la structure de base de certains programmes date de plusieurs décennies avant l'apparition de ces risques et des investissements nécessaires pour composer avec eux. Actuellement, nous croyons qu'il faut absolument que le gouvernement et l'industrie prennent du recul et réalisent un examen plus fondamental afin de déterminer si ces programmes contribuent de façon efficace à la gestion des risques auxquels les producteurs sont confrontés actuellement.
    Les investissements des entreprises actuelles sont essentiels à la croissance et à l'expansion continue du secteur. Cependant, les jeunes agriculteurs et les nouveaux venus sont essentiels à la réussite à long terme de l'agriculture au Canada. Les jeunes agriculteurs fournissent de nouvelles idées, de nouvelles compétences et une nouvelle énergie au secteur, contributions qui seront déterminantes pour permettre au Canada d'assumer un leadership mondial dans le domaine de l'agriculture durable. Les jeunes agriculteurs que je rencontre continuent de me surprendre en raison de leur niveau de scolarité et du sens des affaires qu'ils apportent dans le secteur. Non seulement ils mettent en place des approches novatrices, mais ils sont aussi plus susceptibles d'investir pour assurer la croissance et l'expansion de leurs opérations. Cependant, ils doivent maintenant composer avec la valeur sans précédent des terres agricoles et les niveaux d'endettement accrus associés aux exploitations agricoles d'aujourd'hui, qui sont plus grandes et exigent plus d'investissements, ce qui rend la transition vers le secteur agricole plus difficile que jamais. Les coûts élevés associés au fait de prendre le contrôle d'une ferme sont parmi les principaux défis qui se posent aux jeunes agriculteurs et aux nouveaux venus qui tentent de faire leur place dans le domaine.
    Selon des estimations, jusqu'à 50 milliards de dollars en biens agricoles seront transférés au cours des 10 prochaines années. Simplement en utilisant une estimation grossière du ratio d'endettement de 16 % et une dette agricole canadienne totale d'environ 100 milliards de dollars, dans le cadre de ces transferts, il faudra gérer une dette de 8 milliards de dollars. Selon nous, une planification efficace de la relève est essentielle. L'élaboration d'un plan qui garantira la viabilité financière pour les deux parties doit commencer des années d'avance. Il faut aussi maintenir la communication et demander à des experts d'aider. Cependant, la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada n'a pas suivi le rythme des changements dans le secteur, comme une constitution accrue en société, une augmentation des exploitations agricoles multifamiliales et la réduction du nombre de legs de fermes d'une génération à l'autre, qui découlent du moins en partie des augmentations de l'endettement agricole. Pour assurer la durabilité des fermes familiales, il faut examiner et modifier les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu conçues initialement pour faciliter la cession des exploitations agricoles familiales afin de s'assurer que le secteur reste accessible aux agriculteurs d'aujourd'hui.
    Enfin, l'augmentation du capital lié aux exploitations agricoles signifie que l'accès au capital constitue un obstacle majeur pour beaucoup de nouveaux venus qui n'ont pas les antécédents de crédit ni l'argent nécessaires pour acheter une ferme ou en créer une. On s'attend à ce que les jeunes agriculteurs qui reprennent les rênes d'une exploitation agricole paient plus que jamais pour les opérations et les dettes agricoles connexes qui se sont parfois accumulées au fil des générations. Financement agricole Canada offre un soutien aux jeunes producteurs, comme certains prêteurs privés, mais les programmes actuels ne répondent pas complètement aux besoins. Nous soutenons fortement les services offerts par FAC dans ce domaine et nous encourageons l'organisation à continuer à voir de quelle façon elle peut en faire plus à cet égard. Le prochain cadre stratégique s'en vient, et la FCA encourage aussi tous les ordres de gouvernement à élaborer et adopter de multiples programmes souples afin de s'assurer d'offrir un soutien qui est pertinent dans un large éventail de situations auxquelles sont confrontés les nouveaux venus. En plus de nouveaux fonds, les nouveaux venus ont aussi besoin d'aide pour avoir accès aux terres et aux connaissances afin de lancer leurs nouveaux projets.
    En conclusion, l'augmentation au Canada de la dette agricole reflète la situation d'une industrie qui a composé avec des prix et des revenus records accompagnés de taux d'intérêt à des niveaux planchers historiques. Le secteur est prêt à poursuivre sa croissance, mais nous ne pouvons pas présumer que les mêmes conditions favorables persisteront. Pour positionner le secteur afin d'en assurer la réussite continue, nous formulons les recommandations qui suivent.
    Premièrement, nous recommandons une meilleure collecte de données sur les propriétaires étrangers des terres agricoles pour étayer d'éventuelles réactions stratégiques.
    Deuxièmement, nous recommandons d'accroître le plafond des avances pour aider à composer avec les contraintes liées aux fonds d'exploitation, particulièrement pour les jeunes agriculteurs.
    Troisièmement, nous recommandons à l'industrie et au gouvernement de promouvoir davantage l'acquisition de compétences en gestion des affaires.
    Quatrièmement, nous recommandons de réfléchir à la question de savoir si les programmes de GRE répondent aux besoins modernes en matière de gestion des risques requis pour faciliter les investissements et assurer la croissance future.
    Cinquièmement, nous recommandons de mettre à jour les dispositions de la Loi sur l'impôt sur le revenu visant à faciliter les cessions de fermes familiales pour que l'on puisse s'assurer qu'elles continuent de favoriser les cessions de fermes familiales.
    Sixièmement, nous recommandons d'assurer l'accès à un large éventail de programmes qui fournissent aux nouveaux venus et aux jeunes agriculteurs un accès à des capitaux, des terres et des connaissances.
    Encore merci. Je serai heureux de répondre à vos questions.

  (1130)  

    Merci, monsieur Bonnett. Vous avez pris 10 minutes pile.
    Nous allons commencer notre série de questions, en commençant par M. Shipley, pour six minutes.
    Pour commencer, Alan, y a-t-il une différence en ce qui a trait aux préoccupations associées aux niveaux d'endettement entre les groupes visés par une gestion de l'offre et ceux qui ne le sont pas?
    Me demandez-vous si je serais préoccupé par les niveaux d'endettement des deux groupes?
    Non. En ce qui concerne les niveaux d'endettement, ils sont peut-être parfois plus élevés lorsqu'il y a une gestion de l'offre, mais ce n'est pas nécessairement toujours le cas. Avez-vous constaté que les préoccupations ont changé au sujet du niveau d'endettement des intervenants dont la production est assujettie à une gestion de l'offre, comparativement à ceux dont la production n'est pas assujettie à une telle gestion et en ce qui concerne la capacité de rembourser?
    Oui, assurément, la gestion de l'offre... Il y a environ un an, j'ai rencontré un homme de la Banque TD qui s'occupait des prêts agricoles pour cette institution, et il était assurément plus enclin à prêter de l'argent aux producteurs assujettis à un système de gestion de l'offre, c'est sûr. C'est évident, parce qu'il y a beaucoup plus de garanties dans ce cas-là. Beaucoup de certitude. Je ne peux pas vous fournir de chiffres précis, mais je m'attendrais à ce que le niveau d'endettement des exploitations agricoles assujetties à un système de gestion de l'offre soit plus élevé. Cependant, je ne verrais pas là un problème, parce que les revenus sont plus assurés, raison pour laquelle je m'attendrais à ce que ce soit le cas.
    En ce qui concerne les liquidités...
    Oui. Par conséquent, c'est ce que je m'attendrais à constater, et je ne considérerais pas cette situation comme étant préoccupante du tout. C'est simplement le marché qui dit que ces liquidités sont moins risquées et qu'il est prêt à prêter plus d'argent dans ce secteur.

  (1135)  

    Ron a mentionné dans ses commentaires... et j'ai aussi participé à ce qu'on pourrait appeler une crise. C'était toute une expérience d'apprentissage et de gestion dans les années 1980 et je vais donc y revenir. On parle actuellement de taux d'intérêt de 2 et de 3 %. À l'époque, on parlait d'environ 17 % pour une hypothèque, et peut-être 20, 21 ou 22 % pour des prêts d'exploitation... c'était variable. Les chiffres sont totalement différents. Pour ce qui est des taux d'intérêt, quel serait vraiment le tournant pour les organisations de produits et les agriculteurs, le taux qui provoquerait pour un certain nombre d'entre eux une crise financière?
    Je peux essayer de répondre en premier. Je crois que tout dépend du produit et du niveau de sensibilité. Certains des produits soumis à la gestion de l'offre qui sont assortis de flux de trésorerie fixes, selon moi, pourraient réagir un peu mieux. Les autres produits s'exposent aux chocs du marché. C'est quelque chose que vous avez mentionné dans votre exposé. J'étais aux États-Unis la semaine dernière lorsque l'annonce sur le « retrait de l'ALENA » a été faite, et les prix du maïs ont chuté de 2 % presque immédiatement. Ces chocs du marché influeraient sur la capacité et le niveau que pourraient atteindre les taux d'intérêt... Cependant, mon pressentiment, c'est qu'on ne se retrouverait pas avec le genre d'augmentation des taux d'intérêt des années 1980. Même le fait de doubler les taux d'intérêt actuels aurait un impact assez critique sur un certain nombre d'exploitations, mais tout dépend du produit.
    Si les taux montaient de deux ou trois points...?
    Oui.
    Ce serait comme dans tous les secteurs. Le secteur agricole n'est pas vraiment différent.
    L'une des choses que nous avons constatées, c'est que la planification de la relève ne se limite vraiment pas à seulement faire un testament. L'une des choses dont nous avons parlé précédemment avec certains témoins, c'est la propriété. Il y a quelque chose dans le domaine agricole — et je crois que c'est le cas dans tous les secteurs — qui fait en sorte qu'on veut que ça nous appartienne. Mais, en réalité, lorsqu'on regarde les agriculteurs que je connais, dans notre région, en particulier, on constate qu'il y a une excellente combinaison de terres qui leur ont peut-être appartenu. Cependant, en ce qui a trait à la location ou au fait de conclure des accords distincts sur la façon dont quelqu'un d'autre exploite les terres, dans quelle mesure est-ce qu'on se penche sur ces possibilités en ce qui a trait à la capacité...? Ce n'est pas vraiment ce que nous voulons faire. Nous voulons que la terre nous appartienne. Je crois que nous connaissons tous des gens qui ont commencé sans être propriétaires des terres, mais qui avaient un accord avec un agriculteur. J'ai remarqué que c'est une situation qui se produit. Il y a des agriculteurs qui veulent prendre leur retraite. Il y a parfois des membres de leur famille qui veulent participer, d'autre fois non. Ces agriculteurs ont beaucoup de biens. Ils ont parfois des dettes. Cependant, ils sont passionnés par cette incroyable industrie qu'est la nôtre, et ils veulent trouver quelqu'un qui pourrait les accompagner et dont ils pourraient être mentors, dans le but que, plus tard, grâce à un genre d'entente, ceux-ci prennent la relève et exploitent la ferme.
    Selon vous, quel genre de politique serait le plus apprécié pour aider à encourager ce genre de choses? Selon moi, c'est une situation beaucoup plus fréquente qu'on le croit. Dans mon cas, nous avions trois enfants. Aucun d'entre eux ne voulait devenir agriculteur. Je suis encore considéré comme un agriculteur. Je crois que c'est la raison pour laquelle l'âge limite est 55 ans et plus. Quel genre de politique pourrions-nous mettre en place? Je crois qu'il serait très avantageux d'y réfléchir.
    Ron.
    Il y a deux ou trois choses.
    Premièrement, j'ai demandé aux responsables du budget et des finances de se pencher sur la question de l'imposition au moment de la transition afin de s'assurer que les structures corporatives sont traitées de façon à ce qu'elles prévoient certaines des dispositions sur les cessions qui étaient là avant.
    Deuxièmement, l'autre chose dont on a un peu parlé — et on en revient à ce que vous avez dit au sujet de l'agriculteur qui prend sa retraite — c'est de se pencher sur les politiques fiscales pour voir s'il y aurait une façon... Si une personne a une importante hypothèque, possiblement, une partie des revenus de cette hypothèque bénéficierait d'un statut fiscal spécial. Plutôt qu'avoir à facturer un taux d'intérêt élevé, parce qu'il sait qu'il sera beaucoup imposé sur ces revenus, il pourrait en fait offrir ces biens à un taux d'intérêt moindre.
    C'est dans cette optique que nous réfléchissons à toute la question de la planification de la relève. Il n'y a pas un outil unique qui réglera tous les problèmes. Je crois qu'il faudra un certain nombre d'outils pour arranger les choses. On revient aussi ici à la question de la planification opérationnelle en ce qui a trait à la façon dont on gérera ces biens.
    L'autre élément qui entre en ligne de compte, c'est les investissements hors ferme.

  (1140)  

    Merci, monsieur Bonnett, je dois vous arrêter ici. Je suis désolé.
    Nous allons maintenant passer à M. Longfield, pour six minutes.
    Monsieur Bonnett, je veux vous laisser terminer votre phrase.
    C'est une bonne discussion. Si vous voulez aller au bout de votre pensée, c'est parfait.
    Simplement pour terminer sur ce sujet, il y a les cessions individuelles.
    Une autre situation qu'on voit de plus en plus, c'est des agriculteurs d'investissement qui utilisent des capitaux pour acheter des terres et les louer. Ce pourrait être un outil pour aider les jeunes agriculteurs qui n'ont pas l'argent nécessaire pour entrer dans le secteur. C'est un enjeu qui a été soulevé aux États-Unis lorsque nous avons rencontré des représentants la semaine dernière. Il faut s'assurer que, à un moment donné, le jeune agriculteur aura la capacité d'acheter la terre qu'il partage. Ce pourrait être une bonne chose de compter sur les capitaux d'investissement, mais s'il ne peut pas y toucher durant toute la durée de vie de la ferme, il n'y a plus d'incitatif pour essayer de les récupérer.
    Je vais céder la parole à certains des autres témoins.
    Je vais revenir un peu en arrière si vous me le permettez tous.
    Je suis très heureux que vous soyez tous ici. Je reviens tout juste des États-Unis; je suis arrivé hier soir avec les membres du comité de l'industrie, et l'agriculture est l'une de nos principales industries. Nous envisageons d'accroître nos exportations à 75 milliards de dollars d'ici 2025. Il faudra beaucoup de gestion financière pour y arriver ainsi qu'une très bonne gestion des technologies.
    Il faut trouver un juste équilibre, par exemple, entre, disons, l'achat d'un tracteur de 300 chevaux-vapeur sans technologie et celui de deux ou trois tracteurs de 100 chevaux munis d'un dispositif GPS et de tout le reste. Les biens seront beaucoup plus onéreux. Il s'agit peut-être de biens de plus petite taille, mais ils coûtent beaucoup plus cher.
    Lorsque nous parlons d'investissement et de dette agricole, la valeur des terres est une chose, et les investissements dans les technologies en sont une autre, et ces dépenses commencent peut-être à s'approcher des niveaux de la valeur des terres.
    Je suis très heureux qu'il y ait des représentants de l'Université de Guelph dans la salle. Merci.
    L'Université de Guelph s'est-elle penchée sur l'augmentation des investissements en technologie ou sur le ratio entre les biens physiques et les biens fonciers et à son augmentation au cours des quelques prochaines années?
    Je ne crois pas, mais je crois que c'est une bonne distinction.
    Une des raisons qui expliquent l'augmentation de la valeur des terres, c'est la croissance future et ce que les terres vont valoir dans 5, 10 ou 25 ans. Ce n'est pas le cas du côté des technologies. On pourrait même faire valoir que ces biens peuvent se déprécier très rapidement. Tout dépend. Ils peuvent devenir dépassés en très peu de temps, surtout vu le rythme de l'innovation technologique. Les innovations que nous constatons actuellement dans le milieu agricole, grâce aux mégadonnées et à la numérisation de l'agriculture, pourraient mener à de très rapides innovations technologiques, et cela pourrait faire en sorte que certaines technologies deviendront périmées en très peu de temps.
    Éventuellement, les fournisseurs de grains et d'autres fournisseurs d'intrants pourraient assumer certains de ces coûts, pour aider à créer des partenariats.
    Définitivement.
    C'est l'une des choses que nous constatons souvent dans le secteur agricole, en ce qui a trait à la machinerie ou aux services qui sont fournis par d'autres intervenants, particulièrement les fournisseurs d'intrants du côté des cultures.
    On pourrait donc créer certaines politiques liées aux partenariats entre les agriculteurs et les fournisseurs d'intrants, et on pourrait peut-être aussi prévoir certaines déductions accélérées pour amortissement qui pourraient favoriser les investissements dans la technologie.
    Bien sûr.
    La technologie a eu un effet important sur l'augmentation de la valeur des terres. La technologie permet d'accroître de beaucoup la productivité des terres. Et c'est ce qui se passe. Les terres deviennent beaucoup plus productives. Elles s'alimentent réciproquement. Elles bougent côte à côte. À long terme, on ne verra pas la valeur des technologies et la valeur des terres s'éloigner l'une de l'autre.
    La pression exercée sur l'agriculteur pour qu'il soit un expert des finances et des technologies en plus d'un expert de l'agriculture — là où tout a commencé — commence à être problématique.
    Lorsque nous envisageons de créer des mégaregroupements pour essayer d'aider à soutenir les agriculteurs — et nous espérons que l'Université de Guelph pourra jouer un rôle central dans ce dossier afin d'essayer de partager ou de réunir les connaissances —, avez-vous constaté que des jeunes agriculteurs partagent de l'information d'une province à l'autre ou entre le Canada et d'autres pays? Est-ce un domaine où nous pouvons aider?
    Je sais que la Table pancanadienne de la relève agricole joue un rôle assez actif en ce qui a trait au partage de renseignements. De plus, vous devez comprendre que la jeune génération d'agriculteurs vit avec les technologies. Ils ont grandi entourés des technologies. Ils échangent des renseignements de part et d'autre grâce aux ordinateurs.
    La discussion sur les investissements élevés dans les technologies doit être équilibrée: il faut nous assurer d'avoir de très bonnes compétences d'affaires pour comprendre, si on veut investir dans les technologies, ce que ces investissements permettront de compenser. Ce pourrait être la main-d'oeuvre, l'efficience avec laquelle on peut appliquer les intrants agricoles ou même répondre à certaines exigences sociales en matière de durabilité environnementale. Il est question de nos compétences de gestion agricole. Il s'agit de regarder les nouvelles technologies et de se rendre compte que, dans certains cas, en faisant ce type d'investissement, on sera en fait plus rentable à long terme si on peut faire des économies dans certains de ces autres domaines.

  (1145)  

    L'autre côté de la médaille, c'est que l'argent est roi, et vous avez mentionné les liquidités. J'ai lancé une entreprise dans les années 1980 et j'ai acheté une maison durant cette même décennie. Il y a eu des hauts et des bas. Nous ne savions pas où s'en allaient les taux d'intérêt. Nous ne voulions pas trop investir en matériel.
    Il me reste seulement 20 secondes, alors je vais tout simplement vous remercier de votre contribution. J'espère, tandis que nous réfléchissons à toute la question du regroupement à l'avenir, que nous pourrons continuer à bénéficier de l'expertise que vous apportez tous, ici, autour de la table.
    Merci, monsieur Longfield.

[Français]

    Madame Brosseau, vous disposez de six minutes.

[Traduction]

    Je tiens à remercier les témoins de leurs exposés et des échanges ce matin. Je veux me concentrer sur la question des jeunes agriculteurs.
    Il y a quelques mois, mon collègue de Rimouski a présenté devant la Chambre un très bon projet de loi d'initiative parlementaire. Le projet de loi s'appuyait sur des projets de loi antérieurs de la Chambre des communes visant à faciliter la cession des fermes familiales. On a obtenu du soutien de partout au pays. Il y a énormément de groupes qui ont dit soutenir ce projet de loi, y compris des municipalités, des agriculteurs et des propriétaires d'entreprise. Il aurait permis de faciliter la cession d'une entreprise de pêche ou agricole à un membre de la famille. Actuellement, si on veut vendre, c'est parfois plus rentable de vendre son entreprise à quelqu'un de l'extérieur, à un étranger, que de vendre à ses enfants. Malheureusement, le projet de loi ne s'est même pas rendu devant un comité aux fins d'examen approfondi, ce qui a été très décevant.
    Pouvez-vous formuler des commentaires sur l'importance d'apporter des changements à la Loi de l'impôt sur le revenu pour faciliter la cession des fermes? Dans l'une de nos dernières réunions, l'importance d'améliorer le projet de loi, de s'appuyer sur le projet de loi, et d'inclure non seulement la vente à une fille ou un fils, mais aussi aux autres membres de la famille, a été soulevée.
    Pouvez-vous me parler de l'importance des changements législatifs qu'on pourrait apporter, ici, à l'échelon fédéral, pour faciliter les cessions?
    Vous ne serez pas surpris d'apprendre que nous soutenions le projet de loi. Nous avons été surpris lorsqu'il n'a pas été adopté. Les membres de tous les partis, d'une façon ou d'une autre, à certains moments, ont tenté d'aborder cet enjeu et ont reconnu que la version actuelle de la Loi de l'impôt sur le revenu avait été rédigée il y a un certain nombre d'années et ne tenait pas compte de quelques changements structuraux qui surviennent dans les entreprises au fil du temps.
    Nous serions favorables à ce que le Comité essaie d'adopter un point de vue encore plus général, comme vous le suggérez. Quels sont les enjeux liés à la planification de la relève? Quels sont les types de politiques fiscales dont on a besoin pour faciliter le tout? Je ne crois pas que nous pouvons avoir une discussion détaillée à ce sujet, ici, parce que lorsqu'on commence à parler de politiques financières et fiscales, on tombe très rapidement dans le détail.
    Je crois qu'il y a un certain nombre de principes fondamentaux, dont le fait de faciliter la cession d'une génération à l'autre, que ce soit la cession d'une génération familiale à une autre ou à quelqu'un de la nouvelle génération qui n'est pas membre de la famille, en tenant compte du fait que, parfois, il faut mettre en place des structures organisationnelles pour que ça fonctionne, mais en n'oubliant pas non plus, comme je l'ai dit tantôt, qu'il y a des agriculteurs qui prennent leur retraite et qui demandent s'il y a une façon pour les politiques fiscales de les encourager à procéder à la cession de leur exploitation. Je crois que cela inclut certains éléments qui figuraient dans le projet de loi dont vous avez parlé.
    Cependant, toute la question de la planification de la relève et du transfert à la nouvelle génération vaut la peine d'être analysée. Il serait opportun de regarder le genre de recommandations qu'on peut formuler au gouvernement sur la façon de gérer ce dossier. Encore une fois, pour revenir aux cibles en matière d'exportation prévues dans le budget, nous devrons nous assurer qu'un grand nombre de jeunes agriculteurs ont la capacité d'atteindre ces cibles.
    La seule chose que j'ajouterais, c'est que la politique fiscale changera les montants absolus. Si vous pouvez aider à trouver les moyens que nous utiliserons pour séparer ce montant, c'est ça qui est difficile. Comme Ron l'a mentionné, les lois fiscales concernent les dollars. Ce qui est difficile, c'est en fait de savoir de quelle façon on séparera le montant absolu.

  (1150)  

    C'est la difficulté. Ce n'est pas rien. Je suis d'accord avec ce commentaire.
    Environ combien d'agriculteurs ont un plan de relève? Dans ma circonscription, beaucoup d'agriculteurs sont âgés, et ils envisagent de prendre leur retraite et de transférer leur ferme et de la vendre. J'imagine que la majeure partie d'entre eux ont un plan de relève, non?
    Nous avons fait beaucoup de progrès au cours des derniers... En fait, Alfons et moi avons visité un Institut de gestion des exploitations agricoles de l'Ontario ensemble, et c'est l'une des choses dont il était question: de quelle façon peut-on accroître le nombre d'exploitations agricoles où l'on assure la planification de la relève. Je ne suis probablement pas un bon exemple, parce que j'ai eu ce problème lorsque j'ai repris les rênes de la ferme de mon père. Le processus a été très difficile. Il n'avait pas l'impression de vieillir, mais il est décédé, et il n'y avait aucun plan de relève en place.
    C'est l'une de ces choses où l'on comprend mieux maintenant l'importance de le faire. C'est en partie en raison de la taille des immobilisations en place. L'une des choses qu'il faut faire, c'est de mieux communiquer l'importance de le faire. Il y a un certain nombre d'intervenants qui pourraient jouer un rôle dans ce processus. Les universités et certains des programmes qui encouragent... Il faut habituellement s'asseoir avec la vieille génération afin de discuter. Certaines institutions de prêt, comme les banques et Financement agricole Canada, ont un rôle à jouer dans ce dossier, dans la mesure où ils doivent s'assurer que ce type de travail est fait, surtout auprès des gens qui arrivent à l'âge où ils vont envisager de transférer leurs biens. Ce n'est pas toujours à la prochaine génération, aux enfants, ce peut aussi être à quelqu'un d'autre.
    Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux offrent beaucoup de ressources à ce sujet. La question est davantage liée à l'utilisation, comme on l'a mentionné.
    Merci, monsieur Ker et madame Brosseau.
    Madame Lockhart, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président, et merci à chacun d'entre vous d'être là aujourd'hui. La réunion est très enrichissante.
    Durant la deuxième heure, nous accueillerons des représentants de coopératives de crédit. Je voulais parler de FAC — des représentants de cette organisation ont déjà comparu comme témoins aussi —, du rôle des coopératives de crédit et de FAC comparativement à celui des banques commerciales.
    Quel est l'avantage, selon vous, à la lumière de certains des défis que nous avons?
    J'étais dans une banque commerciale, et cette dernière entre dans le secteur agricole et en sort. Je crois que c'est une différence majeure. Il y a certaines marges de fonctionnement et des prêts à long terme, mais la grande différence, c'est que le domaine de FAC, c'est l'agriculture, tandis que, dans le cas des banques commerciales, tout dépend du moment. Il y a trois ou quatre ans, elles en étaient aussi friandes que tout le monde, mais ce n'est plus autant le cas maintenant.
    Je suis d'accord avec ce commentaire. Le crédit agricole a évolué. Je me souviens de l'époque où j'ai commencé et où j'ai emprunté de l'argent à Financement agricole. On disait à l'époque que Financement agricole nous donnait une chaloupe et une seule rame, alors on tournait toujours en rond.
    L'organisation a évolué. Je suis extrêmement impressionné par les types de programmes qu'elle a mis en place. Plus particulièrement, elle s'intéresse à la question des jeunes agriculteurs, mais c'est une combinaison de banques, des coopératives de crédit et de Financement agricole. Les banques, en particulier, comme Alfons l'a dit, ont tendance à s'en tenir à la saveur du jour. Cela peut créer des problèmes pour les agriculteurs. Je sais que j'ai bien dû changer de banque cinq fois depuis que j'ai commencé dans le milieu agricole pour cette raison. Les choses vont bien pendant un certain temps, puis, tout d'un coup, les ordres arrivent d'en haut, et la banque ne voit plus le domaine agricole comme un bon investissement.
    L'autre aspect de Financement agricole, c'est la profondeur de l'organisation. Ce n'est pas seulement une personne qui regarde des chiffres. L'organisation compte des personnes du domaine agricole maintenant, ce qui fait en sorte qu'elle est capable d'analyser les investissements qui seront faits et de prodiguer des conseils aux agriculteurs sur la marche à suivre.
    Très bien.
    J'ai trouvé vos commentaires très intéressants. Pour les nouveaux venus dans le secteur agricole, le problème tient non pas tellement à l'endettement, mais plutôt aux niveaux d'actifs et aux exigences connexes. Entre autres choses, les jeunes agriculteurs disent que l'actif le plus important dans lequel ils doivent investir est probablement la terre, et c’est pourquoi ils disent vouloir trouver d'autres moyens de travailler.
    Cela nous ramène à la question de savoir s'il est préférable de louer la terre ou d'en être propriétaire et de l'impact des investisseurs étrangers. Avez-vous des commentaires à faire, des conseils pour l'avenir, des mises en garde ou des opinions à ce sujet?

  (1155)  

    Selon moi, une chose est sûre: s'il n'y avait pas de terres à louer, alors ces nouveaux agriculteurs ne pourraient même pas se lancer dans cette industrie. C'est donc une bonne chose. J'en conviens, tout le monde préférerait être propriétaire, mais la location offre une certaine marge de manoeuvre pour ce qui est de travailler dans l'industrie ou d'en sortir, ce qui permet d'atténuer l'effet des cycles économiques. Les jeunes agriculteurs ont besoin de plus de stabilité qu'un agriculteur bien établi pour pouvoir composer avec les risques, avec ce genre de choses.
    Le marché des terres de location offre aux jeunes agriculteurs un bon accès à l'industrie agricole. Ça n'existait pas il y a 40 ans, et je crois que c'est une bonne chose.
    La seule chose que j'ai à ajouter est que nous louons environ 30 % de nos propres terres agricoles, et c'est bien. C'est moins cher de louer les terres que de les acheter, même si, inévitablement, votre exploitation agricole va finir par atteindre un stade où vous allez devoir posséder vous-mêmes quelques actifs de ce genre, simplement à cause de la pression exercée par vos voisins qui veulent peut-être aussi les terres que vous louez. Ça, c'est un autre problème.
    Lorsque vous louez un appartement quelque part au Canada, les responsabilités de chaque partie sont habituellement établies dans un tas de règles et de lois. Actuellement, les responsabilités du propriétaire de la terre et de la personne qui la loue sont définies par contrat privé, et chacun peut être différent. Les jeunes agriculteurs qui concluent un contrat de location doivent vraiment veiller, entre autres choses, à ce qu'un contrat en bonne et due forme protège leurs droits et que tout le monde sache où ils se trouvent. Mais il est souvent difficile de convaincre un propriétaire de signer un contrat. Nous avions loué une propriété pendant dix ans, et — eh bien, à dire vrai, nous avions un droit de propriété de l'autre côté de la rue, sur un pâturage qu'on exploitait depuis 25 ans — tout à coup, de nouveaux propriétaires sont arrivés l'année dernière et ils ont dit qu'ils ne voulaient pas de bétail sur leur terre agricole; ils voulaient des arbres à la place. Nous avons perdu cette terre, même si nous avions eu une entente à l'amiable avec l'ancien propriétaire pendant des années. Cela prouve qu'il est important de conclure un contrat.
    Les ententes où les locations ne sont régies par aucun règlement ou quelque chose du genre?
    Non.
    À l'échelon provincial ou fédéral?
    Je crois que ce serait surtout à l'échelon provincial.
    Si vous me le permettez, nous avons fait un peu de travail de ce côté. Il y a environ un mois, vous avez invité Brady Deaton, qui s'était aussi intéressé un peu à la question des loyers fonciers et de la valeur des terres. La très grande majorité des contrats de location des terres ne sont que des ententes à l'amiable, et je crois que cela reflète la confiance qui règne au sein de la communauté agricole. Si vous êtes un agriculteur qui loue une terre et que vous ne payez pas ou que vous faites quelque chose qui nuit à la terre, alors vous allez avoir une mauvaise réputation et vous aurez de la difficulté à trouver une nouvelle terre agricole. Selon moi, cela ressemble aux organisations informelles dans les régions rurales.
    De notre côté, je crois qu'ils se sont contentés cette année de pulvériser le désherbant de l'autre côté de la rue.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Lockhart. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avions. Je dois avouer que mes collègues disent vrai: je suis aussi responsable de cette moyenne élevée et j'ai aussi survécu aux taux d'intérêt de 16 à 18 %. Cela forge le caractère, cela vous rend meilleur, et nous y avons survécu.
    Je remercie chaleureusement les témoins d'être venus. Vous nous avez fourni beaucoup de renseignements qui, j'en suis sûr, nous seront utiles pour rédiger notre rapport.
    Nous allons prendre une pause de quelques minutes, le temps que les nouveaux témoins s'installent.

  (1155)  


  (1205)  

    Nous reprenons les travaux pour la deuxième moitié de la séance de ce matin avec notre nouveau groupe de témoins. Je vous souhaite à tous la bienvenue ici aujourd'hui. Notre étude porte sur les dettes dans le secteur agricole.
    Nous accueillons M. Robert Martin de l'Association canadienne des coopératives financières. Bienvenue, monsieur Martin.
    Nous accueillons également le vice-président, Agriculture et commercial, du Libro Credit Union, M. Frank Kennes. Bienvenue, monsieur Kennes.
    Nous accueillons M. Hans Kristensen, membre du conseil d'administration du Conseil canadien du porc, et M. Gary Stordy, qui est déjà venu témoigner devant le Comité. Bienvenue à vous deux.
    D'abord, nous avons un exposé d'une dizaine de minutes.
    Monsieur Martin, voulez-vous commencer?
    Merci. Je souhaite le bonjour à tout le monde. L'Association canadienne des coopératives financières se réjouit de pouvoir discuter des dettes dans le secteur agricole et de leurs effets sur l'agriculture canadienne avec le Comité. Je suis le directeur adjoint, Politiques, de l'ACCF. Notre association commerciale représente environ 281 caisses populaires partout au pays, sauf au Québec.
    Je suis accompagné aujourd'hui de Frank Kennes, le vice-président, Agriculture et commercial, du Libro Credit Union, qui est établi dans le Sud-Ouest de l'Ontario, près de London. Frank vous présentera son point de vue professionnel sur les dettes dans le secteur agricole et leurs effets.
    Comme certains d'entre vous le savent peut-être déjà, les caisses populaires sont des coopératives financières qui offrent des services bancaires au détail à leurs membres-propriétaires. Les caisses populaires sont des propriétés canadiennes à 100 % et concurrencent les grandes banques. Nous offrons des services à plus de 5,6 millions de Canadiens, à l'extérieur du Québec.
    Ensemble, les caisses populaires emploient plus de 27 000 personnes et gèrent les actifs de leurs membres, ce qui représente plus de 202 milliards de dollars. Dans le secteur financier, la part du marché des caisses populaires s'élève à environ 6,3 % de l'actif national détenu par des institutions de dépôt, et nous occupons plus de 11 % du marché des petites et moyennes entreprises.
    Comme certains d'entre vous le savent peut-être déjà, les caisses populaires sont un pilier d'un grand nombre de collectivités rurales à l'extérieur du Québec. Dans de nombreux cas, les caisses populaires qui aujourd'hui fournissent des services à des collectivités rurales ont été établies au départ grâce à l'investissement des familles d'agriculteurs qui trouvaient que les institutions financières établies à Toronto ne répondaient pas convenablement à leurs besoins.
    Après des débuts modestes, les caisses populaires ont pris de l'ampleur et occupent maintenant environ 11 % du marché agricole à l'extérieur du Québec. Au Manitoba, c'est beaucoup plus. Nous occupons 26 % du marché. En Saskatchewan, c'est 18 %, et en Ontario, la province natale de Frank, c'est 9 %, et le taux monte en flèche.
    Puisque ce sont des coopératives, les caisses populaires existent dans le but de servir leurs membres-propriétaires. Dans un contexte agricole, cela veut dire que nous sommes des partenaires dévoués dans le secteur de l'agriculture canadienne. Nous affrontons les hauts et les bas avec les producteurs agricoles. Lorsque l'économie ralentit, nous n'avons pas tendance à quitter le secteur et à chercher une autre source de revenus. À dire vrai, le sort économique des caisses populaires est lié à celui des collectivités qu'elles servent. Aujourd'hui, il y a même au Canada 380 collectivités rurales et éloignées où la seule institution financière classique est une caisse populaire.
    Même si le secteur agricole suit un cycle économique avec ses relances et ses ralentissements, nous voyons avec optimisme l'avenir du secteur agricole au Canada. L'économie agricole du Canada est diversifiée et jouit d'une excellente réputation à l'étranger grâce à ses produits agricoles durables, sains et de haute qualité. Nous croyons que les marchés étrangers pour nos produits agricoles vont augmenter, à mesure que de nombreuses autres régions du globe prennent de l'importance et que leur pouvoir d'achat augmente; ces régions vont s'intéresser aux produits du Canada.
    Cela dit, nous sommes conscients du fait que les dettes dans le secteur agricole continuent d'augmenter de façon régulière. Aujourd'hui, les dettes du secteur agricole sont deux fois plus élevées qu'en l'an 2000. À la fin de 2015, l'encours de la dette du secteur agricole s'élevait à 92 milliards de dollars. Le rythme d'augmentation et ce chiffre global élevé ont attiré l'attention de certains observateurs et ont nourri leurs préoccupations.
    Nous ne voulons pas faire fi de ces préoccupations, mais nous croyons toutefois que les prêteurs et les responsables des politiques devraient approfondir la question au lieu de s'arrêter à ce genre de gros titre — le montant de la dette — et s'intéresser à d'autres ratios financiers du secteur agricole pour évaluer la santé d'une exploitation ou du secteur agricole dans son ensemble. La santé financière du secteur est moins préoccupante quand on tient compte des autres ratios.
    Rien que du point de vue de la liquidité, les exploitations agricoles au Canada sont très bien placées pour pouvoir rembourser leurs créances à court terme. Par exemple, à la fin de 2015, le ratio de liquidité des exploitations agricoles du Canada était de 2,38 %. C'est à peu près égal à la moyenne de ce ratio pendant les 15 dernières années, alors c'est tout à fait acceptable. Ce ratio nous est utile parce qu'il permet de comparer la valeur des actifs à court terme, soit l'argent liquide, les débiteurs et l'inventaire, aux éléments de passif, soit les dettes et les créditeurs. Un ratio inférieur à 1 veut dire que l'exploitation agricole n'a pas les actifs à court terme pour rembourser ses dettes à court terme, ce qui, bien sûr, est problématique.
    Un autre ratio que nous devons examiner est le ratio d'endettement. Les choses sont similaires avec ce ratio; il s'élevait à 15,5 % à la fin de 2015, ce qui est bien en dessous de la moyenne des 15 dernières années, qui est de 16,7 %. Grâce à ce ratio d'endettement, on peut dire si une exploitation agricole a les actifs nécessaires pour rembourser toutes ses créances si elle liquidait ses actifs. Un ratio faible veut dire que l'exploitation est en mesure de rembourser ses dettes. Évidemment, c'est grâce à des évaluations foncières régulières que le ratio est demeuré en deçà de la moyenne pour les 15 dernières années.
    Les exploitations agricoles ont également tiré parti d'un rendement sain de l'actif. À la fin de 2015, le ratio du rendement de l'actif pour les exploitations agricoles était de 2,3 %, chiffre légèrement inférieur à la moyenne pour les 15 dernières années, qui est de 2,6 %.

  (1210)  

    L'appréciation de la valeur des terres agricoles a aussi contribué à réduire la pression associée à la rentabilité, vu l'augmentation de la valeur des terres.
    En résumé, même s'il est important pour les agriculteurs, les prêteurs et les responsables des politiques de surveiller les chiffres globaux pour les dettes dans le secteur agricole, il est aussi important de s'intéresser aux autres ratios qui permettent de situer la dette dans son contexte. Ainsi, on atténue les préoccupations soulevées par la dette du secteur agricole.
    Sur ce, je vais céder la parole à Frank, du Libro Credit Union, qui va vous donner son avis de prêteur expérimenté dans le secteur agricole.
    Comme cela a été mentionné, je suis le vice-président, Agriculture et commercial, du Libro Credit Union. Notre entreprise est établie dans le Sud-Ouest de l'Ontario. Nous fournissons des services à nos propriétaires à l'ouest du Grand Toronto jusqu'au comté d'Essex et du lac Huron jusqu'au lac Érié.
    Libro est la caisse populaire possédant le plus grand portefeuille agricole au Canada. Un grand nombre de nos membres-propriétaires fondateurs dans les années 1940 et 1950 étaient des agriculteurs, et l'agriculture continue d'être une part extrêmement importante des activités de notre entreprise aujourd'hui, 70 ans plus tard.
    Nous fournissons des services financiers de pointe aux principaux producteurs et entreprises agricoles, et ce, pour tous les groupements de production spécialisée principaux. Tout au long de notre histoire, nous n'avons jamais failli à notre engagement envers le secteur agricole. Nous allons affronter avec les agriculteurs les bons temps, comme les quelques dernières années, et les mauvais temps, comme les années 1980 avec ses taux d'intérêt élevés.
    Même si l'avenir du secteur agricole nous préoccupe dans une certaine mesure, nous sommes tout de même enthousiasmés par les perspectives offertes dans le Sud-Ouest de l'Ontario et dans tout le Canada pour l'agriculture et la transformation alimentaire. Comme Rob l'a mentionné, la population mondiale continue de croître, et l'augmentation du revenu disponible dans des pays comme l'Inde ou la Chine fait qu'il y a une plus grande demande pour des produits alimentaires canadiens de qualité. Le Canada, avec ses terres, ses cours d'eau, ses recherches, sa technologie, et fait plus important encore, ses agriculteurs qui sont les plus talentueux au monde, devra saisir l'occasion de devenir un chef de file pour répondre à la demande grandissante pour des produits alimentaires canadiens de qualité. En résumé, l'avenir semble favorable en ce qui concerne la demande dans le secteur agricole.
    Toutefois, il existe des préoccupations qu'aucun intervenant du secteur agricole ne doit ignorer. Au cours des 10 dernières années, le prix des terres agricoles a monté en flèche dans l'ensemble du pays, en particulier dans le Sud-Ouest de l'Ontario. Dans certaines régions, une acre a une valeur de plus de 20 000 $, ce qui veut dire qu'une exploitation agricole de 50 acres vaut plus d'un million de dollars. Même si cela a augmenté la valeur des activités d'exploitation agricole, et c'est une bonne chose, cela a aussi contribué à l'augmentation considérable des dettes dans le secteur agricole dans bon nombre de cas.
    L'augmentation de la production, les bons prix des marchandises et de faibles taux d'intérêt ont entraîné une prospérité pratiquement sans précédent au cours des dernières années pour les agriculteurs canadiens, mais nous savons que les taux d'intérêt vont finir par augmenter un jour ou l'autre, et vu l'importance des dettes dans le secteur agricole, les agriculteurs vont devoir être prêts pour pouvoir rembourser ces dettes à un taux d'intérêt plus élevé. Une augmentation de 2 % des taux d'intérêt représente une somme de 20 000 $ de plus par année pour une dette de un million de dollars. Cela a un impact considérable sur le flux de liquidités.
    L'impact des taux à la hausse va dépendre du sommet qu'ils vont atteindre, et à quelle vitesse ils vont augmenter. Une augmentation lente et régulière des taux d'intérêt vers leur moyenne historique laisserait aux agriculteurs le temps de s'adapter et d'atténuer les impacts de l'augmentation. Bien sûr, si l'augmentation est rapide, il sera plus difficile de gérer la situation. Même si nous ne croyons pas que les taux vont augmenter rapidement à court terme, Libro encourage et guide les propriétaires d'exploitations agricoles dans la gestion saine de leur dette. Nous leur recommandons de rembourser leur dette aussi rapidement que possible lorsqu'ils font beaucoup de profits et de prendre un taux d'intérêt fixe pendant le plus longtemps possible lorsque ceux-ci sont bas. Bien entendu, c'est une chose que font les autres caisses populaires aussi.
    Il est impossible de prédire l'avenir, mais nous savons que les bons temps seront toujours suivis de temps plus difficiles, et je peux dire avec certitude que Libro va toujours appuyer les agriculteurs, autant les années de vaches maigres que les années de vaches grasses.
    Il y a un dernier sujet que je tiens à aborder: la relève agricole. Même s'il y a de plus en plus de jeunes gens qui veulent reprendre l'entreprise agricole familiale, ce n'est pas chose facile pour eux à cause du prix élevé des terres agricoles, de l'équipement agricole et des autres actifs nécessaires à l'exploitation agricole. Ils ont de la difficulté à économiser suffisamment afin de faire un versement initial pour acheter une exploitation agricole ou les actifs nécessaires au prix actuel du marché.
    Nous sommes reconnaissants des efforts déployés par Financement agricole Canada, avec son prêt Jeune agriculteur, pour aider les jeunes agriculteurs. Grâce à ces prêts, les jeunes agriculteurs peuvent entrer sur le marché, développer leur entreprise et combler les trous dans le marché. Toutefois, les prix élevés des actifs, le départ à la retraite des agriculteurs plus âgés et la difficulté qu'ont les jeunes agriculteurs talentueux à s'implanter dans l'industrie continuent d'être des problèmes colossaux pour le secteur.
    Je n'ai pas la solution à ce problème aujourd'hui, mais nous tous, le gouvernement et le secteur privé, devons travailler ensemble afin de mettre au point des solutions réalistes qui permettront à nos remarquables jeunes agriculteurs de réaliser leur rêve dans le secteur de l'agriculture.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de discuter avec vous aujourd'hui. L'avenir s'annonce radieux pour le secteur agricole. En travaillant ensemble, nous pourrons, en tant qu'intervenants, le rendre encore meilleur.
    Si vous avez des questions, nous nous ferons un plaisir d'y répondre. Merci

  (1215)  

    Je ne sais si les représentants du Conseil canadien du porc veulent partager leur temps. Vous avez 10 minutes. Merci.
    Bonjour, monsieur le président. Je m'appelle Hans Kristensen. Je suis un producteur de porcs du Nouveau-Brunswick, et le représentant des Maritimes au conseil d'administration du Conseil canadien du porc.
    J'aimerais d'abord remercier les membres du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes de m'avoir invité à nouveau ici ce matin pour discuter de l'endettement du secteur de l'agriculture et de ses effets. Je me réjouis toujours d'avoir l'occasion de parler de notre industrie; c'est m'obliger à m'arrêter de parler qui est difficile.
    L'industrie canadienne du porc produit plus de 25 millions d'animaux chaque année. Elle crée 31 000 emplois agricoles, qui contribuent à leur tour à 103 000 emplois directs et indirects au pays. Ces emplois génèrent 23,8 milliards de dollars, si l'on tient compte des exploitations agricoles, des intrants, de la transformation alimentaire et des exportations de porc. En 2016, l'industrie a exporté dans 90 pays plus de un million de tonnes de porcs et de produits du porc d'une valeur de 3,2 milliards de dollars, un nouveau record pour notre pays. Le secteur porcin dépend des exportations. De fait, plus des deux tiers des porcs produits au Canada sont exportés, soit sur pied, soit sous forme de produits du porc.
    Au cours de la dernière décennie, grâce au travail acharné de l'ensemble de l'industrie, nous sommes devenus le troisième exportateur de produits du porc au monde. Cette croissance favorise les éleveurs de porcs, crée des milliers d'emplois dans les collectivités rurales et urbaines et soutient des entreprises d'un bout à l'autre du pays.
    En tant que producteur, je sais bien que le secteur n'a pas encore atteint son plein potentiel et qu'il existe des occasions réelles et tangibles de poursuivre sa contribution à notre économie, et ce, de manière durable. L'accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne récemment conclu et l'intervention du premier ministre Trudeau en vue de rouvrir le marché argentin ne sont que deux exemples de nouvelles possibilités. Ces possibilités, jumelées à la croissance mondiale soutenue de la consommation de protéines, indiquent que le secteur porcin est bien placé pour jouer son rôle dans la croissance de l'économie canadienne.
    Toutefois, toute interruption dans l'accès aux marchés nuit aux producteurs. Le prix du porc baisse lorsqu'un important marché d'exportation est menacé. Les producteurs doivent alors hausser leur marge de crédit jusqu'à ce que leur situation du marché s'améliore.
    L'opération de couverture est un outil et peut servir à compenser un recul inattendu du cours du marché. Bien que les producteurs aient actuellement accès à la couverture pour les marchés à terme, ils se heurtent à certains obstacles. Les initiatives visant à éliminer ces obstacles sont essentielles pour faire de la couverture un outil de gestion des risques utiles et utilisés dans notre secteur.
    L'industrie du porc met tout en oeuvre pour échapper aux effets de distorsion dans le marché en ouvrant de nouveaux marchés. Selon le produit, si un marché ferme, nous voulons nous assurer que l'industrie a toute la latitude pour déplacer le produit vers un marché de remplacement assez rapidement. Cette latitude s'est avérée utile lorsque la Russie a décidé d'imposer des restrictions sur l'importation du porc. Du jour au lendemain, nous avons perdu un marché de 500 millions de dollars. Malgré cette situation difficile, l'industrie a géré la situation. Une telle latitude est impossible si le porc canadien devient moins concurrentiel dans un marché de grande valeur comme le Japon, étant donné qu'il n'existe actuellement aucun accord commercial entre le Canada et le Japon.
    Le Conseil canadien du porc appuie le gouvernement dans ses efforts visant à s'assurer que l'industrie porcine se bat à armes égales pour soutenir la concurrence sur le marché mondial. Il n'est jamais facile d'ouvrir un marché ou d'en conserver l'accès, et ce n'est que la moitié du combat. Le secteur de la viande est le secteur le plus fortement réglementé en agroalimentaire; chaque cargaison exportée doit être approuvée par l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

  (1220)  

    Notre industrie a abondamment recours aux services de l'ACIA, et le CCP souscrit pleinement à la position du Conseil des viandes du Canada énoncée dans la première phase des consultations sur l'initiative de recouvrement des coûts menées par l'ACIA. Le CCP appuie une mise à jour de la politique de recouvrement des coûts de l'ACIA et admet que certains frais augmenteront au fil du temps. Toutefois, notre industrie est de plus en plus préoccupée par la capacité de l'ACIA et d'autres ministères d'offrir un niveau de services adéquat pour conserver les marchés existants ou pour développer de nouveaux marchés d'exportation et en tirer pleinement parti. Le gouvernement fédéral pourrait améliorer le contexte commercial et la compétitivité du porc canadien en renforçant son soutien technique aux exportateurs et en réglant rapidement le problème qui entrave le flux normal des échanges commerciaux.
    Notre industrie doit offrir un produit final à un prix concurrentiel. De plus, elle doit être extrêmement efficace dans la gestion de ce produit tout au long de la chaîne de valeurs entre le producteur et le consommateur final, peu importe où il se trouve dans le monde. Le coût des aliments pour animaux, la valeur du dollar canadien, les prix du porc et le contexte économique mondial influent tous sur la compétitivité du secteur porcin. Les producteurs de porc canadien sont habitués à gérer la fluctuation normale des prix du porc. Les sommets, où les prix sont supérieurs à la moyenne de l'industrie, ne sont pas aussi élevés et ne durent pas toujours aussi longtemps que le souhaiteraient bon nombre de nos producteurs. Les creux, malheureusement, peuvent durer plus longtemps que souhaité.
    Les producteurs se sont également adaptés en empruntant toutes les pistes qui se présentaient afin de demeurer concurrentiels. C'est pourquoi les producteurs s'inquiètent d'une taxe sur le carbone et de l'augmentation prévue du coût de revient. À titre de preneurs de prix, nous ne pourrons passer les frais d'exploitation supplémentaires aux consommateurs. Notre réussite en tant qu'industrie tient en partie à l'accès au marché et à notre compétitivité sur les marchés intérieur et international. Elle peut être entravée lorsque nous sommes en compétition directe avec des pays qui n'appliquent aucune taxe sur le carbone.
    Bien que nous exportions 70 % de nos produits, il ne faut pas oublier que nous devons être concurrentiels sur le marché intérieur.
    L'industrie du porc au Canada en est arrivée au point où, si elle continue de croître, elle doit attirer des investissements importants, tant dans l'infrastructure que dans les gens. Pour ce faire, les gouvernements devront continuer à collaborer avec les producteurs pour s'attaquer aux risques qui entravent la croissance.
    La période entre 2005 et 2010 s'est avérée très difficile sur le plan économique pour le producteur. On en ressent encore les effets, en particulier au sein de la communauté financière. C'est, à tout le moins, un défi d'attirer des capitaux. Les récents foyers de maladie au Canada et dans d'autres pays ont rappelé aux investisseurs le risque associé à la santé animale.
    Récemment, les producteurs ont bénéficié d'un prix relativement stable au cours des dernières années en raison de la demande croissante pour la viande et du virus de la diarrhée épidémique porcine qui a interrompu la production aux États-Unis. Mais d'après ce qu'en disent nos membres, l'augmentation du revenu a principalement servi à rembourser les dettes, à payer l'augmentation des coûts des protocoles de biosécurité et à s'adapter à la fluctuation des autres coûts.
    Nous savons que nous devons travailler dans le système le plus efficace possible et que cela passera par le cadre réglementaire dans lequel nous exerçons nos activités. Nous ne pouvons plus nous contenter de rattraper nos concurrents. Nous devons les dépasser au moyen d'un cadre réglementaire le plus efficace, le plus simple et le plus rentable qui soit. Cela suppose un accès rapide aux meilleurs produits vétérinaires, des céréales cultivées et développées à des fins d'alimentation animale et des politiques gouvernementales qui ne nuisent pas à la production de bétail. Les gouvernements doivent s'engager à créer l'environnement le plus concurrentiel possible pour assurer la réussite de la production.
    Le meilleur outil de gestion des risques reste la vigueur du marché. Les producteurs souhaiteraient pouvoir compter sur ce marché pour s'assurer un rendement du capital investi. Toutefois, il arrive que ce marché ne fonctionne pas. L'ensemble actuel de programmes de gestion des risques de l'entreprise est essentiellement constitué des programmes Agri-stabilité, Agri-protection et Agri-investissement. Ces trois programmes s'harmonisent afin de soutenir des actions individuelles des producteurs visant à gérer les risques du marché. Malheureusement, deux de ces trois programmes sont de peu d'utilité pour les producteurs de porc. L'un d'eux, le programme Agri-investissement, ne s'est pas encore révélé utile pour notre secteur. Le deuxième, Agri-protection, qui n'est pas un nouveau programme puisqu'il compte des décennies de réussite dans le domaine de la culture, n'est pas offert au secteur de l'élevage. Les pertes d'actifs productifs dans le secteur porcin ne sont pas suffisamment couvertes, ce qui met en péril le secteur et aggrave sa situation lorsque les pertes de production sont combinées à des pertes de marché.
    La succession d'années difficiles dans le secteur porcin a eu pour conséquence de diminuer l'accès au crédit. Certains programmes fédéraux comme le Programme de paiements anticipés aideront les producteurs, mais pas en ce qui concerne la construction ou la rénovation des bâtiments. Le gouvernement peut aider les producteurs à devenir plus efficaces en établissant avec eux des partenariats afin d'investir dans la construction de nouvelles porcheries efficaces et dans des améliorations. Des installations plus performantes peuvent améliorer la productivité animale, atténuer l'impact environnemental et réduire l'incidence de la variabilité saisonnière en mettant en lien la conception, la construction, le contrôle et la surveillance.

  (1225)  

    II serait pour cela extrêmement utile de modifier le Programme de la Loi canadienne sur les prêts agricoles, la LCPA. Le programme est conçu de manière à augmenter la disponibilité des prêts consentis aux agriculteurs, et ce mécanisme peut renforcer encore davantage l'industrie porcine. Cependant, le programme est d’une utilité limitée et, par conséquent, il n'a pas profité beaucoup aux producteurs. Les limites actuelles des prêts se resserrent et ne reflètent pas la taille et les pratiques opérationnelles des exploitations agricoles actuelles. Un programme à jour devrait tenir compte de la taille des fermes commerciales et de la plus grande complexité des structures agricoles.
    Je vous remercie encore une fois de cette occasion de comparaître devant vous aujourd'hui et de traiter de ce sujet important. Je serai ravi de répondre à vos questions au nom de tous nos producteurs.
    Merci, monsieur Kristensen, et merci à tous les témoins.
    Nous allons maintenant commencer les questions. C'est au tour de M. Anderson, pour six minutes.
    Merci aux témoins qui se sont présentés ici aujourd'hui.
    Monsieur Kristensen, j'aimerais que vous poursuiviez sur un certain sujet. Vous avez parlé des opérations de couverture, et nous reconnaissons que cet outil peut servir de protection contre les dettes et l'instabilité financière. Vous affirmez que les initiatives visant à éliminer ces obstacles sont essentiels. Que faudrait-il éliminer, à votre avis? Pourriez-vous également nous suggérer certaines des recommandations que nous pourrions présenter à ce chapitre?
    Les opérations de couverture sont un outil très utile pour les producteurs; malheureusement, tant qu'il n'existera aucun programme nous permettant de compenser les coûts, cette couverture risque de faire augmenter les prix, lorsque des appels de liquidités seront par la suite lancés sur le marché. Nous pourrions donc nous retrouver dans une situation où, même après avoir assuré la couverture de 75 % de notre production, les prix continueraient à monter. Alors, le courtier nous demandera un remboursement et, encore une fois, nous nous retrouvons en difficulté sur le plan des liquidités; tout programme qui nous aiderait à absorber les coûts de ces marges nous seraient utiles.
    Est-ce que vous parlez d'un programme de prêt quelconque ou êtes-vous en train de dire que les contribuables devraient essuyer les dettes des producteurs? Que suggérez-vous?
    Nous parlons d'un programme de couverture quelconque, qui nous aiderait à éviter d'avoir à utiliser cette protection contre l'augmentation des prix sur le marché.
    Je viens de la Saskatchewan et, à ce titre, je peux dire que les coopératives de crédit sont évidemment très importantes. C'est une institution des plus fréquentes dans nos collectivités rurales.
    J'ai pris connaissance ce matin de quelques chiffres. Seulement 11 % des agriculteurs génèrent des revenus agricoles bruts de 500 000 $ et plus. Cette proportion croît légèrement, mais ces quelque 11 ou 12 % de producteurs génèrent 68 % des revenus agricoles bruts. Cela fait longtemps que je siège à ce Comité, et je ne crois pas avoir vu changer ces pourcentages. Nous avions l'habitude de dire que, parmi les agriculteurs, 30 % s'occupaient à temps plein d'une exploitation commerciale viable, 30 % avaient un emploi à temps partiel en attendant d'en arriver à la viabilité et 30 % étaient des agriculteurs amateurs qui avaient par ailleurs un emploi à temps plein. Je crois que ces moyennes sont probablement toujours les mêmes.
    Cela m'amène à me demander si nous ne devrions pas adopter des approches différentes, en matière d'endettement agricole, en tenant compte des différents niveaux économiques? Nous allons présenter des recommandations. Auriez-vous quelque chose à dire à ce sujet ou pensez-vous que nous devrions traiter tous les gens qui désirent se lancer dans l'agriculture comme s'ils méritaient de le faire et devaient tous être traités de la même manière? Est-ce que c'est réaliste?
    Non. Je sais que c'est un grand défi, dans notre région. J'ai essayé de trouver un exemple. M. Shipley, mon député, connaît la région d'où je viens, Parkhill et Ailsa Craig. J'ai grandi sur une ferme, et ces deux agglomérations sont distantes d'environ 15 kilomètres. Quand j'étais petit, dans les années 1960, il y avait tous les 100 acres une exploitation agricole familiale, et chacune de ces exploitations s'étendait sur 100 à 200 acres, peut-être. Ce matin, je comptais combien il restait d'exploitations familiales le long de ces 15 kilomètres, et il n'y en avait même pas cinq; les choses ont donc bien changé. Les exploitations agricoles commerciales sont devenues très importantes, en Ontario. Bien sûr, cela n'est rien comparé à la Saskatchewan, quand on calcule les acres, mais en Ontario, une exploitation agricole compte en moyenne de 500 à 600 acres de terres; il y a 30 ans, elle en comptait peut-être 100. Les choses ont donc bien changé. Puisqu'une acre coûte 20 000 $ — c'est le prix maximal, mais cela vaut aussi quand une acre coûte 15 000 $, une terre agricole vaut aujourd'hui des millions de dollars.
    Il est impossible de créer une petite exploitation agricole. Je n'ai aucune idée de la façon dont les gens s'y prennent. Cela représente pour nous tous un véritable défi, mais, au bout du compte, il n'existe que deux types d'agriculteurs. Il y a les agriculteurs commerciaux, et il y a les petits agriculteurs amateurs, des couples dans lesquels un des partenaires, voire les deux, doit occuper un emploi à l'extérieur pour arriver à joindre les deux bouts.

  (1230)  

    Que faites-vous des petits agriculteurs qui arrivent à répondre aux besoins d'un marché à créneau? Comment mesurez-vous le risque lorsque vous prêtez à ce type de producteurs?
    Nous essayons de tenir compte de tous les aspects, c'est-à-dire le revenu tiré de la production pour un marché à créneau et le revenu tiré d'un emploi à l'extérieur; une fois le tout bien pesé, nous prenons notre décision. Nous examinons toutes les avenues possibles, car nous voulons aider les gens à se lancer dans l'agriculture, mais c'est vraiment difficile pour eux. C'est en particulier difficile pour ceux qui ne peuvent pas bénéficier de l'appui d'une famille, car c'est pour eux presque impossible de se lancer.
    Me permettez-vous de changer de sujet?
    Les taux de change ont varié. Il y a six mois, nous n'aurions jamais imaginé voir ce que nous voyons aujourd'hui. Nous nous laissons même dire que cela pourrait se poursuivre ainsi jusqu'à un point extrême. Je me demandais si vous aviez une boule de cristal et vous pourriez nous dire jusqu'où cela ira, à votre avis. À quel moment devrons-nous nous inquiéter des taux de change? Ou est-ce que, tout simplement, ça va bien quand nous exportons et ça va un peu moins bien quand nous importons, mais cela n'a pas vraiment d'importance? Et j'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.
    Chaque médaille a son revers. Lorsque notre dollar est très fort et que le prix de vente de nos produits est élevé, cela devient très difficile pour un certain nombre d'exploitations agricoles et aussi pour les producteurs primaires ordinaires. Quand notre dollar faiblit, c'est de toute évidence profitable pour de nombreux agriculteurs. Nous devons tous savoir que les taux de change varient constamment. Nous ne devrions pas dépendre de la faiblesse du dollar canadien pour viser la rentabilité.
    Est-ce que nous nous dirigeons vers un taux à 65?
    Je n'en ai aucune idée. C'est comme si l'on essayait de prédire les taux d'intérêt. Nous disons depuis cinq ans que les taux d'intérêt vont augmenter, et cela n'est pas encore arrivé; je ne vais donc pas faire de prédiction à ce sujet.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Breton, vous disposez de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les invités d'être présents aujourd'hui.
    Je m'adresserai d'abord à MM. Martin et Kennes.
    De quelle façon les prêts agricoles ont-ils évolué dans les caisses et dans l'organisation au cours des 10 dernières années? Avez-vous plus de prêts? La proportion des prêts agricoles est-elle égale à celle des prêts commerciaux ou des autres prêts? Quelle est l'évolution des prêts agricoles?

[Traduction]

    Ces 10 dernières années, on observe une augmentation impressionnante du nombre de prêts à l'agriculture. C'est en partie en raison de l'augmentation de la valeur des actifs. Je dois dire que, il y a 10 ans, bon nombre de nos compétiteurs du secteur bancaire ne s'intéressaient pas à l'agriculture; mais, ces 10 dernières années, ils s'y intéressent de nouveau de plus en plus et sont tout à fait disposés à prêter aux agriculteurs.
    Je ne sais pas si on parle ainsi au Parlement, mais j'utilise ce terme assez régulièrement: l'agriculture est maintenant tout à fait « in ». L'alimentation — en particulier la saine alimentation, de bons aliments produits au Canada — est devenu très populaire, et on voit aujourd'hui que les milieux urbains s'intéressent à l'alimentation et à l'agriculture, ce qui n'était pas le cas il y a 10 ans.
    Il est certain que la demande pour nos produits est beaucoup plus forte. Le rendement des agriculteurs a lui aussi été très bon, et les prêts agricoles suscitent beaucoup d'intérêt; l'endettement agricole a de toute évidence connu une hausse.

  (1235)  

    J'aimerais ajouter quelque chose à ce sujet. Frank parle pour sa propre coopérative de crédit. Mais, pour l'ensemble du secteur, je dirais que la proportion des prêts agricoles est en baisse, et ce, pour diverses raisons.
    Notre force principale, à l'heure actuelle, ce qui explique concrètement l'augmentation de notre volume d'affaires, ce sont les prêts aux petites et moyennes entreprises. À ce chapitre, la hausse est d'environ 11 %, et elle se poursuit. Cela pourrait bien refléter la diminution proportionnelle des prêts; cela pourrait être lié au fait que les exploitations agricoles sont plus grandes et que les petites coopératives de crédit ont pour cette raison de la difficulté à rester engagées; cela peut aussi avoir trait à l'évolution du profil démographique. Cela dit, nous comptons toujours un noyau de coopératives de crédit s'occupant uniquement d'agriculture, et elles ne disparaîtront pas de sitôt.

[Français]

    C'est très bien.
    J'ai une question pour MM. Kristensen et Stordy.
    Dans notre programme, d'ici 2025, nous souhaitons accroître les exportations agricoles jusqu'à 75 milliards de dollars. Tout à l'heure, vous avez parlé d'exportations du porc qui sont assez impressionnantes. Je vous en félicite.
    Les producteurs de porc sont-ils prêts à faire face à cette ouverture du marché? Nous savons que nous devrons probablement être plus productifs et être prêts à répondre à cette demande à l'échelle mondiale. Nous savons qu'au Canada nous avons un produit de qualité en demande. Cela va donc également nécessiter de l'investissement et des prêts de la part des entrepreneurs et des producteurs.
    Pouvez-vous me parler de cette occasion qui existe actuellement et qui se poursuivra au cours des sept ou huit prochaines années?

[Traduction]

    Même s'il est vrai que de nouveaux marchés s'ouvrent et que le Japon et la Chine continuent à offrir de magnifiques possibilités, nous devons toujours investir dans notre secteur. Le problème qui nous occupe, pour le moment, c'est l'accès au capital. Étant donné les problèmes économiques que notre secteur a connus, entre 2005 et 2010, un bon nombre de nos producteurs ont dû emprunter davantage et à des taux très élevés; cette période a été très difficile pour notre secteur.
    Nous avons ensuite connu une période de relative stabilité. Nous nous en sommes assez bien tirés sur le plan financier. Nous avons élargi nos marchés. Cette augmentation des revenus nous a permis de rembourser nos dettes et, aujourd'hui, nos institutions de prêts peuvent de nouveau souffler, mais elles n'ont pas oublié comment ça s'est passé, entre 2005 et 2010. Quand je m'adresse à une institution de prêt en disant que je veux doubler ma production de manière à tirer avantage des nouveaux marchés, je vois bien qu'elle reste frileuse à l'égard de l'industrie porcine. Je comprends pourquoi, je sais ce qui s'est passé de 2005 à 2010, mais les choses sont différentes aujourd'hui. Le Canada est très bien positionné pour assurer l'approvisionnement en protéines du monde entier.
    En tant que producteur, l'un des principaux défis auxquels je fais face à l'heure actuelle a trait à la confiance des prêteurs à l'égard de mon secteur d'activités et aux moyens d'attirer les capitaux nécessaires. C'est un défi important pour nous tous. Tout ce que le gouvernement fédéral pourrait faire serait d'une utilité incontestable, qu'il mette sur pied des programmes de garantie de prêt pour nous aider à accéder à du capital ou qu'il hausse les limites du programme de la LCPA, par exemple, en tenant compte de la taille de notre industrie aujourd'hui. Il pourrait aussi, et ce serait encore une fois d'une utilité incontestable, faire en sorte que tous les programmes soient assez souples et permettent aux institutions financières, lorsqu'un agriculteur éprouve des problèmes de liquidités, de convertir le remboursement d'un prêt en un remboursement des intérêts uniquement, sans menacer les garanties offertes par le gouvernement fédéral.
    Si vous pouvez en plus conclure un accord de libre-échange avec le Japon, nous en serions très heureux.
    Merci, monsieur Kristensen.

[Français]

    Merci, monsieur Breton.
    Madame Brosseau, vous avez six minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais remercier les témoins de leurs exposés.
    Monsieur Kristensen, vous avez parlé dans votre exposé de l'ensemble des programmes de gestion des risques de l'entreprise. Ces outils sont supposément utiles pour les agriculteurs. Mais vous avez soulevé de nombreux problèmes à ce sujet en disant qu'ils n'étaient pas si utiles que cela pour votre secteur.
    Agri-investissement n'a aucune valeur. Agri-protection ne s'applique pas au cheptel vif. Vous dites ensuite qu'il est nécessaire de rénover les porcheries ou d'en construire de nouvelles. Pourriez-vous nous parler des autres changements qu'il faudrait à votre avis apporter au programme de la LCPA?

  (1240)  

    Un des gros désavantages du programme de la LCPA, c'est qu'il limite le montant des prêts que nous pouvons obtenir. Un producteur, aujourd'hui, ne peut donc avoir droit qu'à une somme d'environ 500 000 $, je crois, avec ce programme. Notre secteur requiert énormément de capitaux. Contrairement à bien d'autres activités du monde agricole, nos activités ne sont pas fondées sur la terre. La valeur de nos actifs est en majeure partie sans lien avec la terre. Nos actifs, ce sont des immeubles et des pièces d'équipement, ils se détériorent et il faut les remplacer tous les 20 à 25 ans environ.
    Notre secteur doit réinvestir massivement ses capitaux. Le coût d'une porcherie industrielle, aujourd'hui, est d'au moins sept chiffres. Donc, bien qu'une garantie de prêt de 500 000 $ soit utile, le prêt ne reflète pas l'ampleur de nos exploitations actuelles. Si les limites étaient relevées, cela aurait une incidence énorme sur notre secteur.
    Parlons des trois autres outils, Agri-investissement, Agri-stabilité et Agri-protection; je le répète, ce dernier outil ne couvre pas le cheptel vif. Nous utilisons Agri-investissement, mais, encore une fois, son utilité pour nous est limitée. Depuis que le seuil est passé de 85 à 70 %, Agri-stabilité nous est utile en cas de catastrophe, mais il ne nous aide pas à régler les problèmes à court terme que nous avons sur les marchés.
    Quand on parle de l'endettement agricole, je reviens souvent sur le sujet. Récemment, un projet de loi d'initiative parlementaire a été présenté à la Chambre; il visait à faciliter la cession des fermes familiales. En effet, à l'heure actuelle, il est plus avantageux de vendre son entreprise, sa ferme familiale, à quelqu'un de l'extérieur de la famille qu'à son fils ou à sa fille.
    Certains membres d'autres comités ont dit que nous devrions peut-être élargir la définition de membres de la famille. À votre avis, serait-il important de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu pour faciliter la cession des fermes familiales?
    Tout ce qui peut être fait de manière qu'il soit possible de transférer une ferme d'une génération à une autre, pour que la ferme reste dans la famille, c'est bon pour notre secteur. Étant donné que les fermes familiales sont de plus en plus petites, tout comme le sont les familles au Canada, en général, nous devons élargir la définition de la famille pour y inclure des parents qui ne sont pas des descendants directs. Nous devons aussi nous assurer que l'accès au capital est possible.
    Malheureusement, il arrive souvent, dans notre secteur, qu'une ferme soit vendue à l'extérieur de la famille pour la simple raison que la génération suivante n'a pas réussi à réunir le capital nécessaire pour l'acheter. Le seul actif que possèdent les parents qui doivent vendre, c'est la valeur nette de la ferme; ils ne peuvent donc pas la transmettre puisqu'ils doivent réaliser cet avoir.
    Dans ce contexte, tout ce que nous pourrions faire pour élargir la définition de la famille et y ajouter des membres à qui une ferme peut être cédée et à qui certains programmes permettent d'accéder à du capital, tout cela serait un secours inestimable.
    Monsieur Kennes ou monsieur Martin, auriez-vous quelque chose à dire au sujet de la planification de la relève?
    Je suis venu en avion de London, aujourd'hui et j'étais assis à côté d'un jeune homme qui dirige une entreprise informatique. Nous nous sommes mis à parler de notre travail. Je lui ai dit que je venais ici, aujourd'hui. Nous avons entre autres problèmes parlé de la planification de la relève. J'ai appris que ce jeune homme venait de Montréal et que son épouse avait grandi sur une ferme familiale, au sud de Montréal. Son père et sa mère exploitent une ferme laitière de 120 vaches. Ils ont eu six filles, et l'une d'entre elles voudrait bien reprendre la ferme.
    Il m'a dit que la famille avait toute la misère du monde à se décider. Nous avons convenu du fait que les fermiers qui doivent céder leur ferme sont prêts à parler de tout, sauf de planification de la relève. Ils préfèrent de loin parler de ce qu'ils s'apprêtent à cultiver cette année-là ou du rendement de leurs vaches laitières.
    Je crois que c'est là un des grands problèmes, amener les familles d'agriculteurs à réfléchir à la relève et à en parler assez tôt de façon que la planification se fasse elle aussi assez tôt, ce qui facilite le transfert. Mais cela restera très difficile. Je sais que les compagnies d'assurance-vie cherchent à faciliter cette transition. De notre côté, en tant que coopérative de crédit, nous encourageons les familles d'agriculteurs, dans le cadre de séminaires et de webinaires, à parler de cette question, à consulter leurs comptables et avocats, de manière à trouver le moyen de transférer la ferme à la génération suivante.
    Je crois que nous avons tous la responsabilité de faire comprendre aux familles d'agriculteurs que c'est une priorité, qu'il leur faut faire très tôt leurs plans et trouver une solution viable. Cela dit, cela reste un défi de taille, et nous devrions tous nous en occuper.

  (1245)  

[Français]

    Merci.
    J'ai terminé.
    Merci, madame Brosseau.

[Traduction]

    Madame Lockhart, vous avez six minutes.
    Bienvenue à vous tous.
    Monsieur Kristensen, comme je viens de Fundy-Royal, au Nouveau-Brunswick, j'ai donc quelques questions précises à vous poser. Vous avez dit pendant votre exposé que le gouvernement pouvait aider les producteurs à augmenter leur efficience en devenant les partenaires d'autres producteurs pour investir dans la construction de nouvelles porcheries plus efficientes et dans la modernisation des exploitations agricoles.
    Lorsque vous avez dit que j'estimais que la somme de 1,26 milliard de dollars réservée dans le dernier budget pour le Fonds stratégique pour l'innovation... Nous ne savons pas exactement comment ce programme se présente, mais je me réjouis de savoir qu'il se concentre précisément sur l'agriculture et l'agroalimentaire.
    Pourriez-vous en dire un peu plus à ce sujet et nous donner votre point de vue?
    Je suis ravi moi aussi que ce financement ait été prévu. Je sais que l'industrie porcine est très innovatrice. Nous nous adaptons très rapidement aux nouvelles technologies. Nous espérons pouvoir toucher une partie de ce financement.
    Notre principal défi, actuellement, c'est que notre secteur a très peu réinvesti son capital, depuis 2005. Dans notre secteur, par exemple, pour les activités de transformation et de vente au détail, le capital est réinvesti à raison d'environ 15 % par année, un taux normal. Dans l'industrie porcine, étant donné la crise financière que nous avons vécue, en 2008-2009 en particulier, comme nous étions privés de liquidités, nous avons à peine réinvesti notre capital, depuis 2005, et nous l'avons fait à raison d'environ 4 %; c'est presque rien.
    Pourtant, notre secteur doit se renouveler et exige des réinvestissements tous les 20 à 25 ans; nous devons investir des sommes énormes dans les infrastructures existantes, nous devons remplacer l'équipement, qui accuse de l'âge. Nous adorons le programme d'innovation. Nous nous adaptons aux nouvelles technologies. Nous allons utiliser tous les programmes auxquels nous avons accès.
    Toutefois, nous faisons toujours face à un problème, puisque 75 % de l'actif matériel grâce auquel nous pouvons contribuer à l'économie de notre pays devra être remplacé d'ici 8 à 10 ans. C'est pour le moment notre principal défi.
    Merci de ces éclaircissements; je me demandais justement en quoi l'industrie porcine était différente des autres secteurs de l'agriculture.
    Vous avez aussi parlé, quoique brièvement, des gens. Il est difficile d'attirer les gens dans un secteur endetté. Pourriez-vous nous parler de quelques-uns des défis relatifs à la main-d'oeuvre et de leurs répercussions sur vos possibilités de croissance?
    Encore une fois, tout tient à la confiance que notre secteur peut inspirer. Il est difficile d'attirer de nouveaux joueurs dans notre secteur, étant donné son instabilité chronique, quoique, récemment, les choses allaient très bien. Il est difficile d'attirer de nouveaux joueurs dans notre secteur puisque, je le répète, les institutions financières sont un peu plus nerveuses à notre égard qu'elles le sont à l'égard, disons, de l'industrie laitière. Cela a toujours été difficile.
    Nous devons attirer de jeunes producteurs. Je ne suis pas moi-même un vieux producteur porcin; je le devrais, mais ce n'est pas le cas. Je me situe probablement tout juste sous la moyenne, même si c'est difficile à croire. Tout ce qu'il est possible de faire — réinvestir le capital, renforcer nos marchés d'exportation, maintenir les marchés rentables, rétablir la confiance des institutions prêteuses à l'égard de notre industrie —, voilà ce que nous devons faire pour attirer de nouveaux joueurs et des jeunes. Nous devons en faire un choix de carrière intéressant.
    Nous considérons souvent que l'agriculture, c'est un mode de vie; c'est bien le cas, mais il faut aussi que ce mode de vie soit sain sur le plan économique. Je sais très bien que chaque dollar que le gouvernement fédéral verse dans notre secteur représente un investissement, et que le gouvernement fédéral dépense l'argent des contribuables. Je m'efforce toujours de faire en sorte que chaque dollar consacré à notre secteur rapporte deux ou trois dollars à l'économie de la province, et c'est aussi l'objectif de tous les jeunes qui investissent dans notre secteur. Ils doivent être certains que c'est un bon investissement pour les 10, 20 ou 30 années suivantes, avant de choisir cette carrière.
    Pendant que vous y êtes, puisque vous venez vous aussi du Nouveau-Brunswick, pourriez-vous nous parler des installations de transformation? Pourriez-vous en parler en nous disant quels sont les besoins au chapitre de l'infrastructure?
    Pour le Canada atlantique ou pour l'ensemble du pays?

  (1250)  

    Si vous le pouvez, parlez du Canada atlantique.
    Je crois que le Canada atlantique se prêterait bien à, j'allais dire, des installations de transformation à petite échelle, destinées aux marchés locaux. On va probablement me trucider d'avoir dit cela, quand je serai de retour, mais je ne crois pas qu'il soit réaliste de penser qu'un établissement commercial de transformation, soumis aux inspections du gouvernement fédéral, soit viable, étant donné la taille de notre cheptel. Le secteur a très bien réussi à s'adapter, au Canada atlantique. Les affaires vont bien. Nous offrons des produits de spécialité, dans la plupart des cas, en partenariat avec des transformateurs du Québec. Nous élevons des porcs sans antibiotique, sans cruauté et sans pathogènes; cela fonctionne très bien. Je crois que les provinces de l'Atlantique se sont trouvé un créneau très innovateur et bien adapté, dans le marché, et tout se passe vraiment bien; nous commençons tout juste à réaliser ce potentiel. Nous n'arrivons pas à répondre aux demandes de tous les marchés.
    Je comprends. Merci.
    Maintenant, à l'échelle du Canada, est-ce que la transformation présente aussi des défis? Est-ce un aspect dans lequel nous devrions également investir?
    Tout à fait. Dans certaines de nos installations de transformation, les responsables ont décidé de leur propre chef de faire des investissements. Habituellement, c'est pour acheter des équipements de production mieux adaptés aux travailleurs, qui soulèvent constamment des préoccupations à ce sujet. Mais, dans la plupart des cas, les installations de transformation ne fonctionnent pas à plein régime, et il s'en faut parfois de beaucoup, parce que l'approvisionnement en porcs est insuffisant. Cela veut dire qu'il faut créer un environnement dans lequel un nouveau producteur, un jeune, un adulte, voire un aîné, n'hésitera pas à se lancer dans l'élevage de porcs. C'est une partie du problème. Notre secteur est très moderne. Nous parlons du mode d'élevage des animaux, des équipements que cela exige, de certains équipements qui nous permettent de composer avec le manque de main-d'oeuvre dans les porcheries, par exemple les mangeoires automatiques. C'est une chose. Et, peu importe la taille des installations, les coûts initiaux sont importants. Que les installations soient petites ou grandes, il y aura toujours ce coût initial, et cela représente parfois un obstacle pour les gens qui voudraient se lancer.
    Merci, monsieur Stordy. Notre temps est épuisé.
    Nous allons passer à M. Peschisolido. Je crois que nous pourrons entendre deux interventions de quatre minutes, et je vais laisser M. Shipley intervenir. Si nous nous en tenons dans les deux cas à quatre minutes, je crois que cela ira.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Je vais poursuivre à propos d'un point soulevé par Mme Lockhart concernant l'industrie porcine. En Colombie-Britannique, il n'y a pas de problème lié à l'endettement, parce qu'il n'y a pas d'éleveurs de porc. Toutefois, dans les années 1950 et 1960, l'industrie était, je dirais, plus importante qu'au Manitoba. Cela a changé.
    Je vais m'adresser à M. Kristensen ou à M. Stordy. Serait-il possible de créer à nouveau une industrie porcine visant non pas le marché local, parce qu'il existe des transformateurs, mais principalement l'exportation? Je crois que M. Kristensen a mentionné la possibilité d'étendre les marchés au Japon et à la Chine. Le porc soulève un grand intérêt en Colombie-Britannique, en particulier de la part de la communauté chinoise et de la communauté asiatique. Serait-il possible de redémarrer l'industrie porcine en Colombie-Britannique?
    Tout à fait. Je tiens à souligner que la disponibilité des terres et leur prix constituent certains des obstacles.
    Au moment de construire une porcherie, ou d'en planifier la construction, il faut tenir compte de plusieurs étapes de traitement, pour être plus précis. En résumé, vous avez la terre; vous décidez de l'emplacement de la porcherie. Qu'allez-vous faire avec certains des sous-produits naturels de l'animal? Il faut prévoir des installations de traitement du lisier, donc il faut une certaine superficie pour permettre cela, pour être respectueux de l'environnement en ce qui concerne ce produit. Voilà un des aspects.
    Je dirais que c'est possible faire renaître l'industrie. Des politiques ont ralenti dans une certaine mesure le développement de l'industrie porcine au Manitoba. Les acteurs de cette industrie au Manitoba tentent de faire avancer le dossier de la construction de nouvelles porcheries. La même chose pourrait se produire ailleurs au Canada, même en Colombie-Britannique, en toute franchise, parce qu'il existe une installation de transformation enregistrée auprès du gouvernement fédéral qui fournit un certain nombre de produits novateurs destinés à l'exportation vers la Chine et le Japon.
    Le potentiel existe, mais il s'agit de soulever une vague d'intérêt pour cette industrie, et ensuite de créer l'atmosphère et l'environnement permettant de la développer.
    Aussi, parfois, il s'agit seulement de réunir les bons acteurs. Il y a des investisseurs dans le secteur des installations de production et d'exportation en Colombie-Britannique qui pourraient tirer avantage d'un partenariat avec des producteurs de porc des Prairies qui souhaitent accroître leurs activités. D'autres fois, il s'agit de créer des partenariats novateurs. Quoi qu'il en soit, je suis convaincu que la Colombie-Britannique peut de nouveau faire partie de cette industrie, parce que beaucoup de nos exportations sont destinées à des pays situés sur la côte du Pacifique. Nous avons de bons investisseurs et des installations de transformation en Colombie-Britannique. Rien, sauf la volonté et le réseautage, ne pourrait nous empêcher d'y arriver.

  (1255)  

    Peut-être pourrions-nous poursuivre cette conversation en privé.
    D'accord.
    Nous avons parlé de la main-d'oeuvre. C'est lié à la dette, parce que si vous n'avez pas de travailleurs, vous avez des problèmes.
    Mon meilleur ami et moi avons grandi ensemble, et son père a élevé une famille de quatre enfants. Il travaillait pour l'entreprise Canada Packers à Toronto. Il n'abattait pas les animaux, parce qu'il n'en était pas capable, mais il les débitait.
    Est-il difficile d'attirer des travailleurs en raison du salaire offert ou parce que ce travail n'est pas attrayant? Il demeure que nous avons besoin de main-d'oeuvre dans les abattoirs pour avoir une industrie du bétail très viable.
    Assurément, qu'il s'agisse d'installations de transformation ou de fermes, l'environnement doit être intéressant pour que des gens de la collectivité rurale ou des villes veuillent venir travailler dans cette atmosphère. C'est un des défis. Ce n'est pas facile d'attirer des gens, qu'il s'agisse d'un voisin ou de quelqu'un d'autre, pour qu'ils viennent travailler dans une installation de transformation ou dans une ferme porcine. Les gens doivent avoir un certain lien...
    Merci, monsieur Stordy. Nous devons poursuivre.
    Monsieur Shipley, vous avez quatre minutes.
    Merci.
    Je suis heureux de vous revoir, monsieur Kennes. Ma première question est: que pouvez-vous faire comme institution financière? Je sais que vous essayez d'inciter les gens à planifier la relève. Il semble que ce soit un énorme problème. C'est l'un des problèmes les plus importants à nous avoir été présentés, avec celui de l'endettement.
    Que peuvent faire les responsables des institutions financières pour inciter les gens à commencer à planifier leur relève?
    Nous rencontrons tous nos clients agriculteurs pour effectuer un examen annuel de leur dossier. La relève agricole fait toujours partie des sujets abordés. Nous essayons de l'amener assez tôt, d'aborder le fait de réfléchir à la planification. J'ai mentionné plus tôt l'assurance-vie que certains agriculteurs utilisent comme outil pour financer cette transmission. Afin de présenter des idées concernant la planification de la relève, nous tenons des conférences animées par des intervenants de l'industrie, en particulier des comptables et des avocats qui sont spécialisés dans ce domaine. Comme je l'ai mentionné, un des plus gros défis tient au fait que les agriculteurs sont réticents à discuter de leur propre succession, mais nous soulevons toujours cette question. Je sais que d'autres prêteurs, comme Financement agricole Canada et d'autres banques, soulèvent tous cette question, parce qu'il s'agit d'un sujet important à nos yeux. Nous allons continuer à le faire.
    Monsieur Kristensen, merci d'être venu.
    Vous avez mentionné deux ou trois fois la capacité d'attirer de nouveaux venus dans l'industrie, et les défis que cela pose. Je crois que M. Stordy et vous avez expliqué certaines des raisons.
    Pourquoi est-ce plus difficile dans cette industrie, alors qu'il s'agit d'un marché ouvert, que ce l'est dans le cas des cultures, par exemple, dont les produits sont aussi négociés sur un marché ouvert... Est-ce à cause des exigences élevées liées à l'innovation, aux technologies de pointe ou à l'investissement en capital? Je souhaite seulement savoir pourquoi il est si difficile d'attirer de nouveaux agriculteurs dans l'industrie porcine par rapport aux autres industries agricoles liées à un marché ouvert?
    Il y a deux aspects. Tout d'abord, notre secteur est perçu comme instable sur le plan économique, en particulier si vous l'examinez du point de vue historique. Cela a posé un défi. Il est difficile de faire accepter ce que nous appelons la nouvelle réalité des marchés d'exportation et la croissance mondiale de la consommation de protéines qui avantagera notre industrie à l'avenir. Cela nous a toujours posé un défi.
    Ensuite, l'autre problème auquel nous sommes confrontés quand il s'agit d'attirer de nouveaux venus dans le secteur de l'élevage tient au fait que notre industrie subit de plus en plus de pression de groupes d'intérêt particulier qui s'opposent à l'élevage. Il existe une pression venant du public qui peut décourager de nouveaux agriculteurs.
    Vous avez formulé une... et je me demande s'il s'agit d'une recommandation, parce que cela rejoint ma première question concernant le programme Agri-protection, auquel votre secteur n'a pas accès. S'agit-il d'une recommandation que vous souhaiteriez voir présentée, en ce qui a trait à votre commentaire selon lequel le secteur de l'élevage n'est pas admissible à cette assurance?

  (1300)  

    Actuellement, le programme Agri-protection s'applique aux cultures. S'il survient un événement catastrophique dans ce domaine, l'agriculteur a une assurance pour couvrir les pertes de production. Nous n'avons pas de programme semblable pour le secteur de l'élevage. Si nous avions un programme d'assurance similaire pour notre production, cela donnerait de la stabilité à notre industrie. Dans le cas d'une éclosion de maladie, comme la DEP par exemple, un tel programme aiderait une entreprise agricole à compenser les pertes. Un programme d'assurance de la production serait très bienvenu.
    Vous avez mentionné la santé à court terme. Vous avez évoqué le programme Agri-stabilité, à titre d'exemple, et nous y reviendrons. Dans le cadre du programme Agri-investissement, les contributions de contrepartie du gouvernement sont fixées à 1,5 %, jusqu'à concurrence de 15 000 $. Avez-vous des recommandations ou des commentaires à ce sujet?
    Nous en avons quelque peu discuté. Certains de nos producteurs, en fait, un grand nombre d'entre eux, vous diraient qu'il ne vaut pas la peine d'y participer. Essentiellement, ils obtiendraient l'équivalent d'une livraison d'aliments pour le bétail. Toutefois, peut-être que certains producteurs, petits ou moyens, tirent avantage du programme Agri-investissement.
    Merci, monsieur Stordy.
    Je vous remercie tous, messieurs Martin, Kennes, Kristensen et Stordy, de votre présence aujourd'hui. Je vous souhaite un bon retour.
    Merci aux membres du Comité.
    La séance est levée.
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