Passer au contenu
Début du contenu

AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 056 
l
1re SESSION 
l
42e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 9 mai 2017

[Enregistrement électronique]

  (1140)  

[Traduction]

    Bonjour. Je déclare la séance ouverte.
    Je vous prie de prendre place. Nous commencerons sans plus tarder. Nous n'avons vraiment pas beaucoup de temps.

[Français]

    J'aimerais souhaiter la bienvenue au premier groupe de témoins. M. Marcel Groleau est le président de l'Union des producteurs agricoles du Québec. Il est accompagné de Mme Florence Bouchard-Santerre. Nous recevons également Mme Peggy Baillie, qui est directrice exécutive de l'organisme Local Food and Farm Co-ops.
    Bienvenue à vous tous.
    Vous disposerez d'une période écourtée de quatre minutes chacun pour faire votre allocution. Cela donnera plus de temps pour poser des questions.
    Monsieur Groleau, je vous donne d'abord la parole pour quatre minutes. Vous pouvez partager votre temps de parole, si vous voulez.
    Bonjour à tous. Merci de nous recevoir.
    Pardonnez-moi, vous disposez de 10 minutes chacun. C'est la période pour les questions qui sera de quatre minutes. Vous pouvez prendre jusqu'à 10 minutes pour faire votre présentation.
    D'accord, merci.
    Pendant que je vous remerciais, je réfléchissais à la façon dont nous allions nous y prendre.
    Alors bonjour à tous, et sans perdre de temps, je vous remercie de nous recevoir et de nous permettre de nous prononcer sur l'enjeu de l'endettement.
    Je vais demander à Mme Bouchard, qui m'accompagne, de vous résumer le mémoire que nous avons déposé à ce sujet.
    Lorsque l'Union des producteurs agricoles a été invitée à participer à cette consultation, notre réflexion s'est rapidement orientée vers les raisons qui poussent les producteurs agricoles à s'endetter. En m'attardant plus spécifiquement à la relève agricole et aux cédants, je vous présenterai donc le fruit de notre réflexion, mais aussi les avenues de solution que nous avons ciblées.
    Tout d'abord, notre secteur économique est doté de caractéristiques qui lui sont propres et que nous pouvons regrouper sous le concept du « problème agricole », le farm problem. Il consiste en des conditions d'inélasticité de la demande, une offre par de multiples vendeurs à quelques acheteurs. Dans le secteur agricole, nous travaillons avec du vivant, nous fonctionnons avec des actifs fixes et spécifiques à la production. Le climat est aussi un facteur important. De nouveaux risques sont apparus ces dernières années, que ce soit du côté des marchés, des changements climatiques et de la biosécurité.
    Parmi ces caractéristiques, il y a une forte capitalisation du secteur agricole par rapport aux revenus tirés de la production. Au Canada, 8 $ d'actifs sont nécessaires pour générer 1 $ de revenus agricoles. Au Québec, nos travaux évaluent jusqu'à 15 $ la valeur des actifs requis pour générer 1 $ de revenus dans certaines productions.
    De plus, une caractéristique du secteur est que 67 % des jeunes agriculteurs québécois ont pris la relève d'une entreprise existante alors que, dans tous secteurs économiques confondus, cette proportion n'est que de 10 %.
    Les entreprises agricoles canadiennes sont actuellement en bonne posture financière. Le ratio d'endettement demeure faible depuis plusieurs années. Il s'établissait à 15,4 % en 2015. Comme ses représentants ont pu vous l'exposer lors d'une rencontre précédente, Financement agricole Canada évalue que les faibles taux d'intérêt, les perspectives de revenus et la marge de manoeuvre qu'ont actuellement les entreprises permettent de gérer les risques financiers.
    L'analyse de la situation des dernières années permet aussi de déterminer que l'actif total a crû au même rythme que le revenu net moyen par entreprise quand on compare les années 2001 et 2011. Par contre, le nombre d'entreprises ayant diminué, l'actif moyen a plus que doublé, principalement à cause de la valeur des terres. Pour illustrer cette situation, cela signifie un coût d'acquisition moyen supérieur d'environ 1 million de dollars comparativement à 2001, pour la relève s'étant établi en 2011, et ce, dans un contexte où les revenus n'ont pas le suivi la croissance de la valeur totale des actifs.
    Au Québec, 43 % des jeunes établis entre 2006 et 2011 ont démarré une entreprise agricole, soit presque autant que ceux qui prennent la relève de leurs parents. Cette relève ne peut pas nécessairement compter sur des actifs déjà adaptés à la production visée. L'investissement initial est donc important même si l'entreprise est de petite taille.
    Nous avons aussi tenu à regarder ce qui se passe chez nos concurrents. À titre d'exemple, l'endettement est historiquement plus bas aux États-Unis qu'au Canada. Cependant, contrairement à notre situation, la valeur des actifs et le revenu net américains sont en déclin, tandis que les dettes augmentent. En France, l'endettement correspond actuellement à près de trois fois le taux du Canada. La crise de l'élevage et les prix sur les marchés ne permettent pas aux producteurs de couvrir leurs coûts de production.
    Nous pouvons donc constater que la situation financière des fermes canadiennes est généralement bonne, et que les revenus sont tout de même intéressants. Toutefois, il faut rester vigilant. Pour la relève agricole, l'accès aux actifs de production est de plus en plus difficile. C'est plutôt ce dernier élément que nous considérons comme préoccupant.
    Afin de pousser la réflexion plus loin, nous nous sommes posés d'autres questions. Nous nous sommes demandé, entre autres, pourquoi les agriculteurs s'endettent.
    En réponse à cette question, plusieurs signes nous orientent vers les terres agricoles. Quand nous analysons les données disponibles, nous remarquons que la valeur des terres et du passif à long terme augmente beaucoup plus rapidement que celle des autres actifs. Les terres agricoles représentaient 81,5 % des actifs du secteur agricole canadien en 2015, soit 12 % de plus que 15 ans auparavant. Il s'agit là d'un poids considérable.
    Concernant les motivations derrière l'endettement des agriculteurs canadiens, il existe selon nous plusieurs raisons. Assurer la pérennité et la relève des entreprises sont évoqués comme motifs principaux d'achat d'une terre, respectivement par 50 % et 27 % des agriculteurs québécois.
    Dans le même ordre d'idée, plus d'une entreprise québécoise sur quatre en situation de transfert s'est diversifiée en ajoutant une nouvelle production, une activité de transformation ou une activité agrotouristique. L'endettement est un passage obligé pour la relève. Pire encore, dans la quasi-totalité des simulations réalisées par l'Union des producteurs agricoles et la Fédération de la relève agricole du Québec, la capacité d'emprunt, fondée sur les revenus de l'entreprise, et les mesures d'aide en place ne suffisaient pas. La mise de fonds ou le don requis sont disproportionnés. Par ailleurs, je vous invite à consulter le mémoire que nous avions présenté au ministre québécois de l'Agriculture, en octobre 2015.
    Les producteurs agricoles investissent pour améliorer leur productivité et leur compétitivité. En effet, plusieurs facteurs ont une incidence sur la réussite des entreprises: l'adaptation au changements climatiques; l'amélioration des techniques de production; la gestion des risques; l'amélioration des terres; l'amélioration de la génétique animale et plusieurs autres.
    La conformité aux normes et aux règlements établis par l'industrie et les gouvernements et les attentes des consommateurs nécessitent elles aussi des acquisitions ou des modifications des actifs par les producteurs. Toutes ces règles et ces mesures, en plus de créer une charge de travail supplémentaire, représentent souvent un accroissement des coûts de production non rétribués par le marché ou non valorisés par la distribution. Cette situation nécessite des investissements continuels pour répondre aux demandes du marché et de l'État.
    À titre d'exemple, un sondage de la firme Nielsen, mené en 2016, révèle que 43 % des citoyens de partout sur la planète tiennent pour très importante l'absence d'OGM dans leur alimentation, mais que seulement 33 % d'entre eux sont prêts à payer davantage pour des aliments sans OGM. Bref, les agriculteurs canadiens évoluent dans un environnement extrêmement changeant où ils doivent investir significativement pour s'adapter.
    À la suite de ces constatations, nous en sommes rapidement venus à nous interroger sur les actions à poser pour limiter l'endettement ou pour en amplifier l'effet de levier. La première action déterminante est un soutien accru à la gestion des risques de l'entreprise. Actuellement, pour certains, le contexte n'est pas optimal. La gestion de l'offre subit des assauts quotidiens tandis que les programmes de gestion des risques ne répondent pas adéquatement aux besoins du secteur.
    Afin de soutenir les producteurs agricoles dans les défis qu'ils doivent relever, il est essentiel de protéger la gestion de l'offre ainsi que de revoir et de bonifier les programmes de gestion des risques. L'accès aux actifs de production, particulièrement pour la relève agricole, est un autre front sur lequel il est urgent d'agir. En ce sens, l'accaparement des terres par des fonds d'investissement nuit significativement à la pérennité de notre agriculture, car la capacité financière d'un jeune n'est pas la même que celle d'un investisseur. Plusieurs exemples au Canada ont été transmis par les médias relativement aux activités de spéculation sur la valeur des terres et à leurs conséquences néfastes.
    Au Québec, les transactions des dernières années sont telles qu'il ne faudrait que 560 investisseurs comme Pangea, le plus important d'entre eux, pour remplacer les 28 000 fermes de la province.
    Il faut impérativement dresser un portrait détaillé et instaurer un mécanisme de suivi des transactions, assurer une cohérence entre les provinces pour ce qui est de la protection des terres agricoles, notamment en les incitant à utiliser des outils réglementaires, et mettre à la disposition des jeunes du capital patient.
    D'autres mesures doivent être envisagées afin d'aider la relève à acquérir des actifs de production, dans un contexte où leur valeur est de plus en plus déconnectée du revenu qu'il est possible d'en tirer. Par exemple, des coûts minimaux de participation au programme de gestion des risques augmenteraient les liquidités et la capacité d'emprunt en supprimant des dépenses, tandis que la bonification des programmes contribuerait à hausser et à stabiliser le revenu des jeunes producteurs.
    Pour l'Union des producteurs agricoles, il est aussi primordial d'accompagner les agriculteurs pour qu'ils soient en mesure de répondre aux modifications de leur environnement d'affaires. On observe actuellement une migration de l'aide apportée par des subventions pour l'acquisition d'actifs vers une aide axée sur des prêts à taux préférentiel. Il importe que le secteur agricole soit adéquatement soutenu dans sa démarche d'adaptation et d'innovation par des programmes d'appui à l'aide à l'investissement.

  (1145)  

    Finalement, dans la majorité des cas, l'agriculteur qui quitte la production compte sur la vente de ses actifs pour financer sa retraite. Force est de constater que cette situation peut facilement être compromise. En plus d'un accompagnement accru des cédants et de l'application des mesures présentées précédemment, qui réduiraient l'endettement et en faciliterait donc le transfert, d'autre actions pourraient être réalisées.
    Par exemple, il pourrait y avoir un crédit d'impôt fédéral remboursable sur les intérêts versés par la relève au cédant, dans le cadre d'une entente vendeur-prêteur, ou une modification de la Loi de l'impôt sur le revenu. En effet, l'article 84.1 de cette dernière pénalise autant les cédants que la relève, et compromet la survie de certaines entreprises familiales.
    En conclusion, pour l'Union des producteurs agricoles, la réduction de l'endettement des entreprises agricoles doit s'effectuer selon une approche proactive et non réactive. Le secteur agricole et, incidemment, l'économie doivent être soutenus par un meilleur filet de sécurité du revenu, soit par la protection de la gestion de l'offre et à l'aide de solides programmes de gestion des risques; des mesures contre l'accaparement des terres et en appui à la relève pour l'acquisition des actifs nécessaires; des investissements en recherche, en transfert de connaissances, en services-conseils et sous la forme de subventions pour accompagner les entreprises dans leur adaptation; et des mesures pour préparer le retrait des cédants de la production.
    Ce sont de telles mesures qui permettront à l'agriculture de s'adapter aux modifications de son environnement et de se développer de manière pérenne, notamment par sa relève. Ainsi soutenus, plutôt que d'être freinés par leur passif, les producteurs agricoles pourront continuer d'utiliser l'endettement comme un effet de levier pour accroître leur rentabilité.
    Nous espérons que les conseils et propositions formulés bonifieront votre réflexion en ce qui a trait à l'endettement et aux interventions nécessaires, notamment afin d'assurer un transfert des actifs à une prochaine génération.
    Merci.
    Merci, madame Bouchard-Santerre.
    Nous passons maintenant à Mme Peggy Baillie, de l'organisme Local Food and Farm Co-ops.
    Vous avez 10 minutes.

[Traduction]

    Hello, bonjour, aaniin. Je vous remercie de m'avoir invitée à venir vous parler aujourd'hui au nom du secteur des coopératives alimentaires. C'est la première fois que j'ai l'occasion de m'exprimer devant un comité fédéral, donc c'est vraiment un honneur pour moi.
    Pendant ma comparution, aujourd'hui, j'aimerais vous expliquer l'état de l'agriculture, du point de vue des coopératives alimentaires et de l'agriculture, ainsi que les incidences qui en découlent pour les coopératives dans leur ensemble. Parallèlement, j'aimerais vous expliquer comment les coopératives relèvent le défi de la dette agricole grâce à la coopération.

  (1150)  

    Local Food and Farm Co-ops est une coopérative de deuxième niveau qui favorise l'établissement et la croissance de coopératives dans un but commun de production, de vente et de mise en marché accrues des aliments locaux. Nous travaillons avec plus de 90 entreprises, qui comprennent des fermes, des épiceries, des distributeurs et des transformateurs. Toutes sont uniques, mais nous partageons tous l'objectif commun d'appuyer les producteurs d'aliments locaux.
    Par conséquent, mon travail dans le secteur agroalimentaire se situe principalement dans le sous-secteur des cultures destinées à la consommation humaine. C'est de ce point de vue que je vous parle aujourd'hui.
    Comme vous le savez bien, il y a une hausse de la demande pour les aliments de production régionale partout en Amérique du Nord depuis 10 ans. Cette hausse se confirme non seulement par la tendance des dépenses des consommateurs, mais également par un changement dans les habitudes de consommation, puisque les gens prennent de plus en plus conscience de l'effet des aliments sur leur santé, celle de leur famille et la planète.
    Pour répondre à la demande grandissante des consommateurs, on voit naître de nouvelles entreprises agricoles et s'amorcer une transition vers la mise en marché directe des aliments destinés à la consommation humaine, ce qui reflète bien la croissance du secteur agricole. Cependant, quelques grands défis mettent ces nouvelles entreprises en péril.
    Bon nombre des nouveaux entrepreneurs agricoles ne viennent pas du milieu agricole. Beaucoup ont grandi en milieu urbain, ont obtenu un diplôme postsecondaire non lié à l'agriculture et arrivent déjà avec des dettes. Bien que nous accueillions favorablement le sens de l'entreprise de ces nouveaux agriculteurs, ils arrivent désavantagés dans le secteur, faute de connaissances en gestion d'entreprise et d'un financement de démarrage adéquat lorsqu'ils achètent des terres et y établissent leur entreprise agricole.
    Le deuxième grand défi, c'est l'accès aux capitaux et à du financement pour ces nouveaux entrepreneurs. Il peut être très difficile, voire impossible pour eux d'obtenir du financement en raison de l'évaluation du risque associée aux entreprises agroalimentaires produisant autre chose que des produits de base. Les nouveaux modèles agricoles ne sont pas évalués de la même façon que ceux des produits de base, si bien qu'on y voit un risque élevé. Par conséquent, ces nouveaux entrepreneurs sont contraints de faire de grosses mises de fonds sur des terres évaluées au prix fort et d'utiliser des leviers financiers à intérêt élevé, comme les cartes de crédit et les prêteurs, pour financer toute expansion. Cette inaccessibilité se conjugue à la présence de dettes préexistantes. Dans un secteur où les marges de profit sont minces, cela génère des conditions difficiles pour la croissance et l'établissement d'entreprises durables.
    Je crois qu'il faut également souligner que ces nouveaux entrepreneurs n'accèdent pas toujours aux ressources à leur disposition pour le démarrage d'entreprises. Je veux parler ici de conseils sur la gestion d'entreprise, de formation en gestion, de mentorat et de programmes en gestion des affaires. Comme l'agriculture est un domaine unique qui présente des risques et contraintes particuliers, la méconnaissance des meilleures pratiques de gestion met ces nouvelles entreprises en péril.
    À moins que ces nouveaux entrepreneurs n'arrivent dans le secteur avec des connaissances en gestion d'entreprise, il est très probable qu'ils adoptent des méthodes de gestion financière qui ne seront peut-être pas dans le meilleur intérêt à long terme de la ferme, notamment l'endettement.
    Le troisième grand défi, c'est que l'infrastructure intermédiaire qui venait en aide aux producteurs alimentaires ces dernières décennies s'est dégradée en raison de l'accent mis sur l'importation et l'exportation d'aliments. Cette infrastructure comprenait des canaux de distribution, des marchés de gros et des installations de transformation à valeur ajoutée. Comme cette infrastructure intermédiaire n'est pas là, les entreprises agricoles sont contraintes de développer elles-mêmes ces canaux, en plus de produire des aliments, ce qui peut amener les agriculteurs à se disperser puisqu'ils doivent chercher des canaux de distribution appropriés pour le volume d'aliments qu'ils doivent vendre pour assurer leur viabilité financière.
    Bref, l'endettement préalable, conjugué à l'inaccessibilité à des capitaux et à une infrastructure intermédiaire de marché crée en environnement de risque pour les nouveaux agriculteurs et les entrepreneurs en expansion dans le secteur agroalimentaire à valeur ajoutée.
    Quel est le lien avec les coopératives?
    Des coopératives apparaissent un peu partout au pays pour renforcer ces entreprises agricoles en répondant à ces trois besoins: le manque de connaissances, le manque d'argent et le manque d'infrastructures. Les coopératives agroalimentaires se développent si rapidement que c'est le sous-secteur qui connaît la croissance la plus rapide de toutes les coopératives au pays.
    Les coopératives jouent un rôle important, puisqu'elles permettent à leurs membres de mettre en commun les capitaux accumulés, sociaux comme financiers, pour en tirer une valeur commune. Cela se traduit par la création d'infrastructures partagées, notamment pour l'entreposage et la transformation, par la copropriété des terres, comme on le voit dans les coopératives de travailleurs agricoles, et par la création de coopératives de distribution et de détail pour faciliter l'accès aux marchés. Ces nouvelles coops répondent aux besoins communs des agriculteurs, selon une structure qui fait diminuer les risques et augmenter la viabilité à long terme des modèles d'affaires, puisque les coops ont un taux de succès plus élevé que tout autre modèle d'entreprise.

  (1155)  

    La formation de coopératives permet aux agriculteurs d'éviter l'endettement tout en répondant à leurs besoins d'expansion grâce à la mise en commun des ressources. L'établissement d'une nouvelle coopérative d'entreposage et de manutention des grains dans la région d'Algoma, en Ontario, en est un bon exemple. Des agriculteurs y investissent conjointement dans une infrastructure d'entreposage qui répondra à tous leurs besoins en leur permettant de réaliser des économies d'échelle plutôt que de tous investir individuellement et à fort prix dans une petite infrastructure pour leur propre ferme. Grâce à cet investissement conjoint, ils auront une infrastructure qui permettra la croissance du secteur régional, alors que s'ils avaient chacun travaillé de manière indépendante, l'incidence économique régionale n'aurait peut-être pas été aussi grande, simplement parce que chaque ferme aurait dû s'endetter pour financer son expansion et que le retour sur l'investissement aurait pris plus de temps.
    Le secteur agroalimentaire du Canada est également en train de se doter de coopératives financières afin de constituer des fonds communs d'emprunt spécialement conçus pour répondre aux besoins des entreprises agroalimentaires pour qui l'accès aux capitaux est difficile. Ainsi, la FarmWorks Investment Co-op, en Nouvelle-Écosse, permet à des Néo-Écossais d'investir dans des entreprises alimentaires régionales grâce aux prêts qu'elle consent. En cinq ans, FarmWorks a versé 1,4 million de dollars à plus de 60 entreprises à des taux d'intérêt favorables.
    La valeur des coopératives financières dans les collectivités rurales est très grande, puisqu'elles servent non seulement de moteur économique, mais également de mécanisme de prêt à prix modéré. Comme les coopératives financières ne visent pas à réaliser des profits comme les banques et les grands investisseurs, elles peuvent offrir des taux d'intérêt inférieurs à ceux des autres institutions. Pour les entreprises agroalimentaires, c'est important.
    Un autre avantage des coopératives pour aider les nouvelles entreprises, c'est leur philosophie de base, qui consiste à éduquer leurs membres. Grâce à leur travail au sein d'une coopérative, les agriculteurs peuvent apprendre les uns des autres au moyen de diverses initiatives d'apprentissage sur la gestion d'entreprise. Cela leur permet d'apprendre entre entrepreneurs, ce qui réduit l'isolement et améliore le potentiel régional.
    Comme ces coopératives sont créées pour répondre aux besoins de leur communauté, leurs membres doivent faire preuve de ténacité pour surmonter les obstacles à leur établissement. Les coopératives sont toujours confrontées à de nombreux obstacles pendant leur cycle de vie en raison de la méconnaissance du modèle coopératif. Elles se heurtent donc à toutes sortes d'obstacles au chapitre de la constitution en société, de l'élaboration de rapports, de relations avec le gouvernement et d'accès à des capitaux de contrepartie.
    On peut voir, compte tenu de toutes les coopératives qui naissent depuis une dizaine d'années, de même que de toutes celles qui continuent de servir le secteur depuis plus de 50 ans, comme Federated, FS, Arctic Co-ops et bien d'autres, que les coopératives peuvent jouer un rôle important pour aider les entreprises agricoles à entreposer, à transformer, à mettre en marché et à financer leurs produits. Sans soutien adéquat, les coopératives sont moins susceptibles de se développer. Au Québec, on assiste à une forte croissance des coopératives agroalimentaires en raison de toutes les mesures prises par le gouvernement provincial pour stimuler la croissance de ce secteur économique. Ainsi, les gouvernements et les agences de développement régional ont tout intérêt à se doter de programmes de soutien appropriés pour favoriser la croissance de coopératives et répondre aux besoins des communautés et des agriculteurs.
    Dans une perspective à long terme, pour favoriser le démarrage et l'expansion d'entreprises agricoles financièrement viables, les coopératives peuvent jouer un rôle important grâce à une mise en commun des actifs qui enrichit la communauté, atténue le risque et stimule l'économie. Si nous nous efforcions de faire mieux connaître le modèle coopératif dans les agences de développement économique régional et de favoriser l'établissement de coopératives grâce à divers programmes, mécanismes et fonds, ce genre d'initiatives pourrait se multiplier pour améliorer le bien-être des collectivités partout au Canada.
    Je suis toute disposée à répondre aux questions du Comité. Merci. Thank you.Meegwetch.
    Merci, madame Baillie.
    Je souhaite la bienvenue à deux membres du Comité, M. Eyking, ancien président du Comité, et M. Casey, qui vient de l'Île-du-Prince-Édouard.
    Nous commencerons tout de suite la période de questions.

[Français]

    Monsieur Gourde, vous disposez de quatre minutes.

[Traduction]

    Vous aurez quatre minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Allons droit au but. Quels facteurs pourraient influencer l'endettement agricole? Par exemple, au Québec, on parle souvent du prix des terres qui augmente beaucoup, mais y a-t-il d'autres facteurs qui pourraient aussi avoir une influence à cet égard?
    Les équipements coûtent beaucoup plus cher qu'avant. Il y a le perfectionnement des équipements, la robotisation et les semences ont aussi connu des augmentations importantes. Il y a une réduction de la concurrence entre les principaux semenciers. Je dirais que depuis près de 10 ans, le prix des semences a plus que doublé. Le prix des engrais varie. Les prix de la potasse avaient beaucoup augmenté, mais ces prix sont revenus à des niveaux un peu plus normaux. Ce sont les principaux facteurs.
    Comme cela a été mentionné à plusieurs reprises dans notre mémoire, la valeur actuelle des terres a un impact important sur le taux d'endettement des entreprises qui vivent une période de consolidation ou qui, tout simplement, démarrent. Cela a été expliqué aussi par notre collègue. La valeur des terres a un impact, c'est le facteur le plus important.

  (1200)  

    Je pense aussi que dans le cas d'un transfert de ferme, la fiscalité joue un rôle majeur.
    Oui.
    Le cédant doit souvent céder une partie de ses terres, que la relève soit apparentée ou non. Dans le cas d'un démantèlement, la famille de l'agriculteur choisit souvent de tirer le maximum de la vente de ses terres. Cependant, quand il s'agit d'un transfert à un membre de la famille qui veut garder la terre pour l'exploiter, on doit céder une partie. Là aussi, il y a de l'impôt à payer sur la partie cédée.
    Pourrait-on faire quelque chose?
    Un projet de loi avait été déposé par le NPD, je crois. Il avait pour but que les mesures appliquées à des cédants qui ont des liens familiaux ne soient pas désavantageuses pour la famille comparativement à un étranger à qui l'on cède la ferme. Actuellement, on considère que lorsqu'on fait un don à quelqu'un de la famille, ce don a pour but — peut-être, je ne sais pas — d'avantager l'acheteur, alors que si on fait un don à un étranger, on estime que ce n'est certainement pas pour avantager cette personne puisqu'elle n'est pas de la famille.
    On pourrait corriger ces mesures fiscales et améliorer les chances des transferts intergénérationnels.
    Vous abordez la question des dividendes et des gains en capital. Quand la terre est cédée à la famille, il s'agit d'un dividende, mais une réduction des gains en capital serait-elle avantageuse? Éliminerait-on la première partie du problème?
    En ce qui a trait à une réduction des gains en capital, non. Les exemptions pour les gains en capital sont importantes dans le cas du transfert parce que, comme vous l'avez vu, il faut 8 $ d'actifs au Canada pour 1 $ de revenus. Dans certains cas, au Québec, c'est même 15 $ d'actifs pour 1 $ de revenus. Si vous éliminez les exemptions pour les gains en capital, vous compliquez beaucoup ces transactions intergénérationnelles ou même entre parties non apparentées.
    Il vous reste une seconde.
    Passons donc au prochain intervenant.
    Monsieur Breton, vous disposez de quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins d'être ici aujourd'hui. Leurs témoignages sont extrêmement appréciés.
    Si on considère la dette moyenne par ferme entre 2011 et 2015, on voit qu'il y a une augmentation significative tant au Québec qu'au Canada.
    Toutefois, la valeur de l'actif a augmenté aussi de façon significative. Vous parliez un peu plus tôt de la valeur des terres. Les représentants de Financement agricole Canada qui ont témoigné devant nous ont aussi parlé d'une augmentation intéressante des revenus par ferme. On entend donc dire que tout semble plutôt bien aller dans le milieu agricole et qu'il y a beaucoup d'avenir. Ce sera d'ailleurs un des cinq piliers de l'économie au cours des prochaines années.
    Évidemment, il y a toujours des risques inhérents à l'endettement. Les taux d'intérêt sont présentement bas, ce qui favorise l'investissement. C'est tant mieux, parce qu'on en a besoin. On sait que les fermes souhaitent être plus productives, il y a beaucoup d'occasions.
    Avez-vous déjà fait une analyse des taux d'intérêt? Qu'est-ce qui pourrait protéger les producteurs agricoles à risque? Avoir de tels taux d'intérêt est un bel avantage, mais il ne faudrait pas grand-chose pour que cela bascule.
    Monsieur Groleau, j'aimerais entendre ce que vous avez à dire là-dessus. Madame Baillie, j'aimerais aussi vous entendre par la suite.
    Cela ne prendrait pas une hausse importante des taux d'intérêt pour que plusieurs entreprises agricoles se retrouvent dans une situation difficile. Ce serait particulièrement les entreprises ayant démarré dans les dernières années qui seraient en difficulté, car leur taux d'endettement est habituellement plus élevé que celui des entreprises qui ont commencé leurs activités il y a 20 ou 25 ans.
    Nous n'avons pas fait d'étude pour savoir à partir de quelle hausse du taux d'intérêt — un, deux ou trois points de pourcentage — le point d'équilibre serait franchi. Chaque entreprise est dans une situation différente. Il est intéressant de noter que la valeur des actifs des entreprises agricoles a augmenté, tout comme leur taille. Les actifs sont un levier pour pouvoir emprunter, mais la capacité de remboursement demeure toujours l'élément fondamental de la rentabilité d'une entreprise.
    Souvent, les jeunes qui démarrent une entreprise agricole n'ont pas d'actifs sur lesquels appuyer leur crédit et c'est difficile pour eux. Une entreprise en production qui a accumulé des actifs a un levier pour avoir accès à du crédit, mais cet accès est plus difficile pour quelqu'un qui n'a pas d'actifs. C'est pour cela qu'on parle de « capital patient ». Si on veut que les entrepreneurs agricoles de la nouvelle génération prennent la relève, il faudra trouver une façon de leur offrir du capital patient pour qu'ils puissent se constituer des actifs agricoles.
    C'est une situation cyclique. En 1969, mon père a construit une vacherie. Il avait le choix d'arrêter ou de continuer. Il avait alors obtenu un prêt sur 39 ans de l'Office du crédit agricole du Québec, à un taux d'intérêt garanti de 2 %. C'était du capital patient. C'est ce qui a fait en sorte que l'agriculture du Québec a pris son envol dans les années 1970. Les mécanismes d'alors ont fonctionné.

  (1205)  

    Est-ce une suggestion que vous faites, monsieur Groleau?
    Je dis souvent que pour les jeunes, le fait d'avoir du capital patient est vraiment la clé pour démarrer une entreprise agricole.
    Merci, monsieur Groleau.
    Merci, monsieur Breton.
    Madame Brosseau, vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les témoins de leur participation à cette importante étude.
    Encore une fois, on parle du projet de loi qu'avait présenté mon collègue Guy Caron. Ce projet de loi était important et aurait facilité le transfert des fermes familiales. Je souligne que les députés libéraux qui siègent au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire avaient appuyé ce projet de loi, mais il est très triste de constater qu'il ne s'est même pas rendu à l'étape d'une étude approfondie en comité.
    Je veux maintenant aborder un sujet d'actualité. On parle beaucoup ces temps-ci de l'entreprise Pangea, dont le modèle d'affaires consiste à acheter des terres agricoles et à s'associer à des producteurs pour partager les actifs et le développement de la production. Pangea prévoit la création de coentreprises, dont 51 % des parts seraient cédées aux producteurs et 49 % à Pangea.
    Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez du modèle d'affaires de Pangea? Ce modèle est-il positif ou nuit-il au transfert des fermes agricoles?
    En fait, ce n'est pas un modèle de développement agricole; c'est plutôt un modèle de développement d'affaires. Les franchisés, c'est-à-dire les producteurs qui obtiennent une franchise de Pangea, obtiennent 51 % des parts d'une entreprise dont ils ne contrôlent pas la destinée. Au Québec, il est très important que les producteurs détiennent 51 % des parts, parce que cela permet à leurs entreprises de se qualifier individuellement aux programmes de La Financière agricole du Québec. Si l'entreprise ne détenait que 49 % des parts et que Pangea en détenait 51 %, Pangea serait considérée comme une entreprise agrégée, c'est-à-dire formée d'un ensemble d'entreprises, et les programmes offerts par La Financière agricole seraient moins avantageux.
    Ce modèle d'affaires est construit pour qu'on puisse bénéficier d'un maximum d'avantages. Cependant, selon ce modèle, le producteur n'a vraiment aucun contrôle sur les choix et la destinée de son entreprise. C'est pourquoi je parle d'une forme de « franchisation » de l'entreprise agricole. C'est sûr que ce n'est pas le modèle que nous souhaitons voir se développer. De plus, ce modèle est axé uniquement sur la production de céréales et il n'y a pas d'élevage, parce qu'on veut avoir le moins d'actifs possible. On ne veut donc pas d'étables. Ce n'est pas un modèle qui favorisera le développement de nos régions rurales.

  (1210)  

    Y a-t-il possibilité de faire des modifications aux règles pour mieux encadrer les transactions et l'allocation des terres?
    L'allocation des terres devrait être encadrée, notamment pour assurer des prêts et des locations à long terme. Il s'agit là d'un élément important.
    Actuellement, comme la valeur des terres augmente rapidement, les propriétaires de terres agricoles qui ne sont pas des agriculteurs n'ont pas intérêt à louer leurs terres à long terme. Ils peuvent avoir une occasion de les vendre ou de les louer plus cher.
    Les petits et les grands producteurs qui exploitent des terres louées ne peuvent donc pas construire ou développer à long terme leur entreprise; il ne leur est pas possible d'investir à long terme sur ces terres.
    Madame Baillie, nous avons du travail à faire pour promouvoir les coopératives au Canada. Pouvez-vous nous parler de votre programme de mentorat?

[Traduction]

    Répondez brièvement, si vous le pouvez.
    Dans les coopératives, vous voulez dire?
    Dans le secteur des coopératives, nous faisons beaucoup de mentorat. Des coopératives d'expérience, bien établies, accompagnent des coopératives en démarrage. Dans le secteur agricole, en particulier, nous trouvons cette formule très utile, parce que les nouveaux entrepreneurs ont vraiment besoin de ce genre de conseils sur la gestion d'entreprise dans le secteur coopératif, surtout que...
    Merci, madame Baillie. Je vais devoir vous interrompre ici. Vous aurez peut-être la chance de continuer un peu plus tard.
    Monsieur Peschisolido, vous avez quatre minutes.
    Voulez-vous continuer, madame Baillie?
    Merci.
    J'allais seulement dire qu'il n'existe pas nécessairement de programmes d'éducation sur la gouvernance pour les coopératives, donc le mentorat est vraiment la seule façon pour les nouveaux entrepreneurs de comprendre l'importance d'enseigner la gouvernance des coopératives.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier les témoins d'être ici avec nous.
    Madame Bouchard-Santerre, monsieur Groleau, je voudrais d'abord vous présenter mes excuses car je ne connais pas en profondeur le secteur agricole du Québec comme je connais celui de la Colombie-Britannique. Pour cette raison, je ne voudrais pas poser une question générale.
    Y a-t-il des enjeux dont vous voudriez parler un peu plus?
    D'accord.
    Le secteur agricole comporte beaucoup de risques. Comme cela a été mentionné, nous travaillons avec le vivant et le climat. Actuellement, nous subissons des inondations importantes; nous ne contrôlons pas les éléments de la nature.
    La clé de l'investissement en agriculture, c'est la gestion des risques. Pour les producteurs agricoles, l'enjeu est donc d'avoir accès à des programmes de gestion des risques qui leur permettent d'investir.
    Au Canada, notamment en 2013, il y a eu des coupes importantes effectuées dans les programmes de gestion des risques. Les producteurs canadiens se sont désabonnés du programme Agri-stabilité. Les producteurs assument donc une plus grande partie des risques.
    Toutefois, depuis 2008, nous avons eu de bons prix sur les marchés pour les céréales et les viandes. La situation des marchés a été bonne, ce qui fait en sorte que nous avons quand même traversé cette période relativement bien. Financement agricole Canada l'a d'ailleurs mentionné.
    Or, s'il y avait une chute des prix, comme cela est arrivé dans le passé et qui peut l'être encore dans l'avenir, les producteurs ne pourraient pas faire face à la situation avec les programmes canadiens actuels. C'est pour cela que, dans la renégociation du cadre stratégique agricole, nous demandons qu'on investisse davantage dans la gestion des risques. Des mesures pourraient être mises en place pour intervenir uniquement si les marchés s'effondrent et non pas annuellement, peu importe la situation des marchés. La création d'un programme de gestion des risques permettrait de faire face à la volatilité des prix des marchés qui ont augmenté avec la mondialisation.
    Voilà.
    Merci, monsieur Groleau.

[Traduction]

    Madame Baillie, comme vous le savez, les bureaux administratifs d'Ocean Spray se trouvent à Richmond-Est, dans mon coin de pays. J'ai eu l'occasion de discuter avec ses dirigeants pour savoir si ou comment nous pourrions utiliser le modèle des coopératives et l'appliquer, dans le contexte que vous nous avez présenté, aux produits alimentaires d'origine. Je suppose que les « produits alimentaires d'origine » sont des aliments cultivés localement, bons pour la santé et tout et tout.
    Est-ce possible? Pourrait-on prendre le modèle coopératif, tel qu'il existe à l'heure actuelle, et l'appliquer à d'autres pans de l'industrie agricole, comme la production porcine ou bovine?

  (1215)  

    Absolument.
    Si oui, comment?
    On voit clairement naître de plus en plus de coopératives, particulièrement du côté de la production, pour cette raison en particulier et pour quelques autres. Il y a d'abord le transfert des actifs, notamment pour l'acquisition de terres, pour qu'un grand nombre de producteurs aient accès aux actifs dont ils ont besoin. La mise en commun des ressources peut être bénéfique. De même, quand un groupe de producteurs se dote de pratiques communes de production, cela peut les aider à accéder à des marchés auxquels ils ne pourraient pas accéder individuellement.
    Je peux dire que le modèle coopératif a beaucoup d'applications dans le secteur agricole et qu'il rend bien souvent le producteur plus fort que s'il travaille isolément. Il comporte assurément beaucoup d'avantages.
    Merci.
    Malheureusement, c'est tout le temps que nous avions.

[Français]

    Je remercie les témoins, soit Mme Bouchard-Santerre, M. Groleau et Mme Baillie, de leur participation.

[Traduction]

    Nous allons nous arrêter deux minutes, puis reprendre avec un nouveau groupe de témoins.

  (1215)  


  (1220)  

    Nous devons reprendre. Nous commencerons par entendre nos témoins.
    Je souhaite la bienvenue à Mme Heather Watson, qui représente Gestion agricole du Canada. Vous serez jumelée avec M. Mervin Wiseman, que je connais très bien et qui est présent à l'autre bout du fil. D'après ce que je comprends, il restera à notre disposition par téléphone, donc si vous souhaitez lui poser des questions, nous pouvons les lui adresser. M. Wiseman est directeur de Gestion agricole du Canada. De même, nous recevons Christie Young, directrice générale de FarmStart. Nous vous souhaitons la bienvenue à toutes les deux.
    Nous commencerons par un exposé de 10 minutes. Madame Watson, vous pouvez partager votre temps avec M. Wiseman, si vous le souhaitez.
    C'est super. Je vous préviens que je parle très vite, donc n'hésitez pas à m'interrompre. Je m'excuse à l'avance à Merv, au téléphone, et je le salue.
    Monsieur le président, honorables membres du Comité, merci d’avoir invité Gestion agricole du Canada à s’exprimer devant vous aujourd’hui au sujet de l’endettement du secteur agricole.
    Je me présente, je m’appelle Heather Watson et je suis directrice générale de Gestion agricole du Canada depuis sept ans. Je suis accompagnée de mon collègue et administrateur Merv Wiseman, qui se présentera lui-même et vous parlera un peu plus tard.
    Nous sommes très heureux de parler du sujet d’aujourd’hui, car nous savons que la viabilité économique est la condition sine qua non non seulement de la survie du secteur agricole canadien dans son ensemble, mais aussi de son essor et de sa place qui doit rester celle d’un leader dans le monde. La crise financière agricole qui définit les années 1980 a incité les gouvernements et les groupes d’intervenants de l’industrie à réfléchir à la meilleure façon de préparer le secteur agricole à mieux gérer les risques et l’incertitude. C’est ainsi qu’ils se sont tournés vers la gestion d’entreprise agricole. En 1992, les gouvernements et l’industrie ont créé Gestion agricole du Canada (GAC), qui s'appelait alors le Conseil canadien de la gestion d'entreprise agricole, un organisme national en mesure de coordonner les programmes de gestion d’entreprise agricole et la formation, et de donner aux agriculteurs les ressources, les outils et l’information nécessaires pour éviter de revivre les années 1980.
    La gestion d’entreprise agricole est la clé de la mise en place d’un mécanisme en vertu duquel la prévoyance et la proactivité font partie du processus décisionnel quotidien. C’est ainsi que les agriculteurs savent où ils en sont, où ils veulent aller, comment s’y rendre, quand ils y arriveront et ce qui se passera ensuite. Cette planification est étroitement liée à la planification de la transition et de la continuité de l’entreprise.
    L’endettement agricole est un facteur clé de l’utilisation de techniques de gestion d’entreprise pour gérer les risques et saisir les possibilités qui se présentent. On peut certes recourir à l’endettement pour stimuler l’innovation, la croissance et la compétitivité d’entreprises agricoles, mais il peut devenir problématique pour les agriculteurs qui ne disposent pas des fonds de roulement ou des liquidités nécessaires pour rester flexibles et résilients dans notre industrie en constante évolution.
    En général, nos agriculteurs se portent bien et, selon nos établissements de prêt, la situation financière de notre industrie est bonne – le revenu agricole, les dettes et les actifs présentent des perspectives favorables. Les principales variables, y compris les taux d’intérêt, les taux de change et le prix des produits de base, sont toutes relativement favorables.
    Tant mieux pour le secteur, mais il n’en reste pas moins que deux problèmes se posent. Premièrement, il faut se demander si cette situation est par défaut ou par dessein. Est-ce que nous avons tout simplement eu de la chance et qu’arrivera-t-il si le vent tourne? C’est l’ABC de la gestion – nous efforçons-nous d’obtenir des résultats positifs et d’atténuer les risques?
    Deuxièmement, est-ce que nous profitons de cette « conjoncture favorable » pour mettre de l’ordre dans nos affaires? Pour faire en sorte que l’exploitation agricole ait la meilleure chance de succès lorsque la situation changera? Est-ce que nous prenons le temps, maintenant, d’investir dans des pratiques de gestion d’entreprise? Dans la majorité des cas, la réponse est négative. Nous continuons d’utiliser l’argent pour investir dans plus d’actifs.
    Une chose est certaine en agriculture: le changement, et l’incertitude qui l’accompagne. Au cours des 10 prochaines années, trois exploitations agricoles canadiennes sur quatre devraient changer de mains. L’agriculture connaîtra ce que la spécialiste réputée et conseillère en exploitations familiales, Elaine Froese, appelle « le tsunami de l’agriculture ». Les agriculteurs d’aujourd’hui transmettront à la génération suivante non seulement leurs actifs, mais leurs compétences en gestion et direction.
    Nos décisions en matière de gestion agricole et le processus que nous suivons pour prendre des décisions éclairées sont plus importants que jamais à présent. Ce qui nous a menés où nous sommes aujourd’hui ne nous mènera pas où nous devons aller, et nos jeunes agriculteurs le savent. Ils prennent les choses en main et appliquent à l’exploitation agricole leur propre savoir-faire en gestion d’entreprise. Pendant des années, les enthousiastes de la gestion d’entreprise agricole ont cru que le succès de toute exploitation était directement lié aux compétences et aux pratiques en gestion d’entreprise du gestionnaire de l’exploitation. Cependant, les preuves convaincantes manquent, d’où la difficulté à en communiquer l’intérêt et à faire en sorte que les agriculteurs canadiens soient plus nombreux à adopter des pratiques de gestion des entreprises. Jusqu’à maintenant.
    Une nouvelle étude novatrice, qui va au-delà de la recherche existante, est la première à établir un lien mesurable entre les pratiques de gestion des entreprises et la réussite financière des agriculteurs. Cette étude, intitulée « La Culture des affaires: Retombées concrètes d’une gestion avisée dans les exploitations agricoles canadiennes » est mentionnée dans le rapport que je vous ai remis à l'avance. Elle révèle que l’adoption de pratiques de gestion des entreprises dans les exploitations agricoles et, plus particulièrement, d’activités de planification reste assez faible. Seuls 26 % des agriculteurs ont un plan d’entreprise formel, 33 % ont un plan financier, 27 % ont un plan de relève ou de transition, et 18 % un plan de gestion des ressources humaines. On peut faire mieux, et les agriculteurs ont besoin de notre soutien pour cela.
    En comparant les pratiques de gestion des exploitations agricoles canadiennes les plus performantes et les moins performantes, l’étude révèle une recette du succès: les sept pratiques de gestion des entreprises qui sont le moteur de la réussite financière des agriculteurs. Cette recette comprend la formation continue, la littératie financière, le recours à des conseillers en affaires et la planification. Les agriculteurs qui adoptent ces pratiques enregistrent un rendement annuel moyen des actifs de 10 %, soit 525 % de plus que les 25 % d’agriculteurs qui s’en sortent le moins bien.

  (1225)  

    Les 25 % d’agriculteurs qui s’en sortent le mieux affichent également des résultats nettement supérieurs à ceux des 25 % qui s’en sortent le moins bien en ce qui concerne la rotation des actifs (qui est 100 % plus élevée) et les ratios de marge bénéficiaire brute (qui sont de 155 % de plus).
    Dans une industrie en constante évolution, le processus de gestion d’entreprise agricole fournit aux agriculteurs des bases solides pour affronter le changement avec confiance, gérer les risques, saisir les occasions qui se présentent et prendre des décisions éclairées.
    J’invite maintenant mon collègue Merv Wiseman à présenter ses observations et son point de vue en tant que membre du conseil d’administration de Gestion agricole Canada, président de la Fédération agricole de Terre-Neuve-et-Labrador, ancien président du Conseil canadien pour les ressources humaines en agriculture et propriétaire-exploitant du plus grand élevage de renards argentés au monde, à North Labour, à Terre-Neuve.
    Merv, à vous la parole.
    Je vais essayer de présenter le point de vue d'un agriculteur. Je peux vous dire, à 60 ans, que tout ce que Heather vient de dire revêt pour moi beaucoup plus de sens que quand j'avais 20 ans, croyez-moi. De même, si l'on veut transmettre sa ferme à ses successeurs, mieux vaut être bien préparé sur le plan administratif, c'est certain.
    On a toujours mis l’accent sur la production dans le secteur agricole. Nous savons que, de manière générale, on ne devient pas agriculteur par amour de la gestion d’entreprise, mais telle est la réalité des activités agricoles aujourd’hui et des activités des futures générations d’agriculteurs.
    Nous nous rendons compte, dans le cadre du travail de Gestion agricole Canada (GAC), qu’on peut encore améliorer les connaissances financières des agriculteurs. Beaucoup d’agriculteurs s’en remettent à leur comptable pour produire des états financiers à des fins fiscales ou bancaires. Il est essentiel que les agriculteurs connaissent et comprennent leurs chiffres, et sachent quel effet leurs décisions auront non seulement sur leurs résultats, mais sur toute l’entreprise, aujourd'hui comme demain.
    Les statistiques nous disent que les agriculteurs canadiens sont en assez bonne situation financière, mais est-ce par défaut ou par dessein? Il est certain que les taux d'intérêt en vigueur depuis quelques années sont tels que l'argent est relativement facile d'accès, malgré bien d'autres facteurs en présence dans le secteur.
    Par ailleurs, est-ce qu’un produit ou une région se porte mieux financièrement que d’autres? Pourquoi? Qu’est-ce que cela veut dire pour les autres et pour la vraie situation financière?
    Dans quelle mesure le revenu extra-agricole soutient-il les activités agricoles? Je me rappelle une statistique très parlante qui ressortait du dernier recensement agricole, si je ne me trompe pas. Soit dit en passant, nous recevrons bientôt les résultats du dernier recensement agricole, qui fera état de tendances très importantes pour nous permettre de nous situer. L'une de ces statistiques nous apprenait que plus de 40 % (presque 48 % en fait) des exploitants de ferme familiale avaient dû générer des revenus extra-agricoles pour soutenir leurs activités agricoles, ce qui était directement lié à l'endettement. C'est la conséquence directe d'une mauvaise gestion d'entreprise.
    Les connaissances financières deviennent essentielles pour assurer la viabilité des exploitations pour les générations futures. L’accent ne doit pas être mis uniquement sur nos jeunes agriculteurs. Nous devons continuer de soutenir les agriculteurs actuels afin qu’ils transmettent à la prochaine génération des entreprises agricoles saines pour que le secteur agricole canadien reste parmi les chefs de file mondiaux.
    Pour ce qui est des prêts agricoles, nous entendons parler de beaucoup de cas où les prêts reposent sur la valeur nette. Or, cela pose un problème aux jeunes agriculteurs et aux nouveaux arrivants qui essaient de se constituer un avoir, tout en étant préoccupant aussi pour les exploitations établies. Les capitaux propres deviennent le principal levier pour obtenir de l'argent, et nous devons nous assurer de maintenir des ratios équilibrés. Il faut revoir notre façon d'aborder l'endettement agricole et la valeur nette. Ce n’est pas parce qu’il a des capitaux propres que l’agriculteur est forcément un bon gestionnaire. Nous aimerions voir plus d’établissements de prêt examiner les pratiques de gestion et en tenir compte lorsqu’elles prennent les décisions concernant les prêts, afin de récompenser la gestion d’entreprise agricole et d’aider à en faire connaître tout l’intérêt.
    Enfin, nous savons que le Canada a tout ce qu’il faut pour réussir, et nous comptons être là pour aider les agriculteurs à chaque étape, afin qu'ils continuent de diriger des entreprises agricoles saines.
    Si je peux me le permettre, je m'éloignerai encore une fois de mon texte pour conclure. GAC existe depuis de nombreuses années déjà. Elle fait beaucoup de sensibilisation, comprend bien l'importance de bonne pratiques de gestion, favorise un excellent réseautage et offre de la formation importante, sous toutes les formes. Cependant, elle dépend beaucoup des ententes de financement conclues sous le régime de l'accord-cadre, et comme un nouvel accord-cadre entrera en vigueur en 2018, il faudra voir si la nouvelle formule sera adaptée à nos besoins. Je vais m'arrêter là.
    Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité et les témoins.

  (1230)  

    Merci, monsieur Wiseman. Nous sommes heureux d'avoir pu vous entendre à nouveau.
    C'est maintenant au tour de Mme Christie Young, qui représente FarmStart. Vous avez 10 minutes. Merci.
    Bonjour. Merci de m'avoir invitée à venir vous parler aujourd'hui. Je m'appelle Christie Young, et je suis la fondatrice et directrice générale de FarmStart.
    Depuis 10 ans, FarmStart, un organisme de bienfaisance établi en Ontario, appuie et encourage une nouvelle génération d'agriculteurs aux pratiques durables. Pendant cette période, FarmStart a travaillé avec plus de 60 nouveaux agriculteurs dans le cadre de ses programmes d'incubation d'exploitations agricoles, en plus d'avoir appuyé plus de 30 nouveaux agriculteurs canadiens par l'entremise de ses subventions de démarrage. Plus de 6 000 personnes ont suivi nos cours et ateliers, et 3 500 personnes se sont inscrites à notre site Web, farmlink.net, qui vise à jumeler les propriétaires de terres agricoles et les gens à la recherche d'une ferme.
    Entre 2012 et 2015, FarmStart a piloté une initiative nationale pour les nouveaux agriculteurs en collaboration avec Sécurité alimentaire Canada. Dans le cadre de l'initiative, nous avons entrepris une gamme de consultations provinciales et nationales auprès de plus de 150 organisations et particuliers.
    En 2014, j'ai mené un projet de recherche pour la Fondation de la famille McConnell, dans le cadre duquel j'ai interrogé plus de 50 nouveaux entrepreneurs du secteur agroalimentaire partout au pays afin de comprendre le rôle des dettes et des investissements dans le développement de leurs activités. Vous pouvez consulter le rapport sur le Web. Ces consultations nous ont révélé que les nouveaux agriculteurs font face à deux défis importants et interreliés: premièrement, le capital, en particulier l'accès à des fonds de capital de risque appropriés et axés sur la croissance; deuxièmement, le régime foncier, surtout l'acquisition d'actifs abordables et productifs.
    Selon Financement agricole Canada, de 1981 à 2014, les dettes agricoles ont grimpé de 362 %, et le prix des terres a augmenté de 300 %. La pratique adoptée par les agriculteurs au cours des 30 dernières années, celle qui consiste à emprunter sur la valeur spéculative des terres et des quotas, a créé des difficultés de taille en matière de relève agricole, difficultés qui ont probablement été abordées, ou qui le seront, par d'autres témoins.
    Statistique Canada a également cerné deux tendances significatives qui ont des répercussions sur les nouveaux agriculteurs: d'abord, le coefficient de capitalisation des bénéfices pour les terres agricoles augmente de plus en plus; ensuite, un plus grand nombre d'agriculteurs louent des terres. Nous avons observé que les nouveaux agriculteurs ont un accès limité aux capitaux, car presque tous les prêteurs exigent que les prêts d'exploitation soient totalement garantis. C'était souvent directement lié à l'abordabilité des terres agricoles.
    Dans un sondage auprès de 250 nouveaux agriculteurs, sondage que FarmStart a réalisé en 2013 en collaboration avec la Junior Farmers' Association of Ontario, la Fédération de l'agriculture de l'Ontario et Gestion agricole du Canada, nous avons découvert que, selon 77,5 % des répondants, les coûts de démarrage étaient le plus grand défi, alors que 57,2 % ont dit que c'était l'accès aux terres. Parmi les agriculteurs interrogés, seulement 31 % avaient fait des démarches auprès d'une institution financière; une grande partie du financement provenait des économies personnelles, des amis et de la famille ou, encore, des marges de crédit acquises avant de se lancer en agriculture. La plupart de ces agriculteurs, soit 90 % d'entre eux, étaient âgés de moins de 55 ans. Il s'agissait donc surtout de jeunes agriculteurs.
    Les mises de fonds exigées, qui représentent parfois 50 % du prix d'achat, peuvent s'avérer insurmontables pour les nouveaux entrepreneurs agricoles. S'ils parviennent à accéder aux fonds nécessaires pour acheter une ferme, c'est habituellement parce qu'ils ont puisé dans tous les capitaux propres accessibles auprès de leurs amis et de leurs proches en vue de l'achat des terres. Par conséquent, ils ont peu de capitaux propres à offrir comme garantie pour le financement intermédiaire auprès de prêteurs conventionnels. Cela correspond à bon nombre des messages que l'on a entendus aujourd'hui.
    Les investisseurs en capital de risque s'intéressent peu à ce domaine, car les marges bénéficiaires sont trop faibles et l'adaptabilité est limitée. Les entrepreneurs qui réussissent à obtenir des capitaux d'exploitation continuent souvent d'être en proie à des conditions très difficiles et à un sous-financement chronique. Ils ont du mal à générer assez de liquidités pour les frais d'exploitation et les revenus, comme les coûts des stocks, les coûts initiaux saisonniers, les investissements dans l'équipement requis et le financement permettant d'embaucher des travailleurs dotés des capacités et des compétences nécessaires pour les aider à gérer les étapes de croissance. Ils ont généralement accès à des produits de crédit à coût élevé, ce qui a pour effet d'augmenter davantage leurs dettes et de réduire leur viabilité.
    Dans le rapport que je vous ai remis, je donne trois exemples de nouveaux agriculteurs qui ont pu avoir accès à des capitaux que je qualifie de « coup de chance », grâce à leur famille agricole ou grâce à l'achat de terres ou de quotas à un prix inférieur à celui du marché. Je n'entrerai pas dans les détails pour l'instant, mais je tiens à signaler que ce ne sont pas tous les agriculteurs qui ont accès à de tels actifs familiaux ou à de tels capitaux propres. Les terres agricoles au Canada atlantique demeurent abordables comparativement à la flambée des prix en Ontario, en Colombie-Britannique ou dans certaines régions du Québec.
    Nous avons observé que certaines stratégies d'intervention peuvent réellement améliorer le sort des nouveaux agriculteurs. Par exemple, Jim Thompson, de Notre petite ferme, au Québec, a lancé sa ferme maraîchère de 4,5 acres à La Plate-forme agricole de L'Ange-Gardien, un incubateur en Outaouais. Après avoir géré deux fermes biologiques pendant six ans, il s'est mis à la recherche de terres dans les environs de Montréal, mais en vain. Il a donc décidé de recourir à l'incubateur pour lancer son exploitation agricole, un choix qui a rapporté gros puisque Jim a bouclé sa cinquième saison en réalisant des profits, et ce, sans aucune dette.

  (1235)  

    Lorsque l'infrastructure de la Plate-forme n'a plus suffi à leur capacité grandissante, Jim et sa femme, Geneviève, ont trouvé une propriété de 168 acres dans la même région. Ils ont pu obtenir du financement dans le cadre du Fonds d'investissement pour la relève agricole du Québec, ou FIRA, qui leur a accordé un bail de 15 ans avec option d'achat.
    Par ailleurs, il existe diverses nouvelles stratégies non traditionnelles qui permettent de séparer l'entreprise agricole de la valeur des terres, comme les coopératives, les fiducies foncières et les baux à long terme visant des terres publiques. De plus, les copropriétés agricoles ou les petites parcelles de terre peuvent permettre aux agriculteurs d'acheter la bonne superficie de terres cultivables pour leur exploitation, au lieu de devoir financer plus que ce dont ils ont besoin comme superficie exploitable. Ils peuvent aussi acheter la ferme principale et louer des superficies supplémentaires. Cela peut réduire les coûts initiaux et les dettes accumulées, tout en offrant des avantages importants, à savoir les capitaux propres, la sécurité et l'accession à la propriété dont les agriculteurs ont besoin pour investir dans leurs terrers et leur infrastructure et pour emprunter des fonds d'exploitation.
    Certains agriculteurs ont pu accéder à de petits lots de terre. Par exemple, Maude-Hélène Desroches, une maraîchère du Québec, dirige une exploitation intensive de légumes sur une superficie de deux acres. Son entreprise enregistre une marge bénéficiaire brute de 40 % et des revenus supérieurs à 250 000 $, ce qui fournit des salaires décents à sa famille et à ses employés. Pour qu'un tel bilan devienne réalité, il faut des produits de grande qualité, une commercialisation directe, une dette minimale et de faibles coûts d'intrants. Maude-Hélène et son mari, Jean-Martin, possèdent des terres d'une superficie totale de 15 acres; cette propriété comprend leur maison, leur cabane de travail, leurs serres, leurs jardins ainsi qu'un boisé. Ils exploitent cette ferme depuis maintenant 10 ans, et ils n'ont presque aucune dette.
    Bien entendu, ce ne sont pas tous les agriculteurs qui exploiteront une ferme d'une telle envergure, mais beaucoup de nouveaux agriculteurs s'intéressent à une gamme de cultures intensives et de plus grande valeur. Cela comprend la culture de légumes de spécialité et de nouvelles variétés de céréales et de légumineuses, la prolongation de la saison de croissance et le pâturage intensif du bétail.
    Paul Slomp, de Grazing Days, a lancé son exploitation d'élevage de bovins en Ontario, sur des terres louées près d'Ottawa. Il a récemment acheté 250 acres de terres de l'autre côté de la rivière, au Québec, parce qu'il s'est rendu compte que le prix des terres était inférieur de 10 % à la valeur des terres du côté ontarien. Même si de nombreux facteurs entrent en ligne de compte, Paul estime que les politiques provinciales du Québec, en vertu desquelles il est difficile de vendre des terres agricoles pour toute activité autre que l'agriculture, font en sorte que les terres demeurent abordables pour les nouveaux entrepreneurs agricoles. Ce serait là un bon sujet d'étude.
    En résumé, voici nos recommandations à l'intention du Comité.
    Les politiques agricoles doivent appuyer les petites fermes, parce que les jeunes agriculteurs et les nouveaux agriculteurs commencent souvent par de petites exploitations. Ils pourraient chercher à agrandir leur ferme, mais ils investiront de façon stratégique au fil des années, ce qui leur permettra de minimiser leurs dettes et de trouver le juste équilibre entre leur revenu et leurs coûts d'exploitation.
    La hausse des prix fonciers, la spéculation et la consolidation créent des obstacles importants à l'entrée, si bien que l'intervention du gouvernement s'impose. Il faut prendre des mesures pour empêcher l'achat de terres agricoles à des fins non agricoles, surtout lorsque le retour à la production agricole s'avère impossible. Il est également important d'examiner les politiques de zonage agricole pour permettre la création de petites parcelles et de nouvelles formes de grappes agricoles afin de faciliter l'accès aux terres pour les nouveaux entrepreneurs agricoles et les nouveaux modèles d'affaires.
    Grâce aux fiducies agricoles et à la propriété publique, les agriculteurs peuvent assurer l'intendance des terres, sans nécessairement en être propriétaires. En effet, les programmes innovateurs de propriété publique pourraient aider les jeunes agriculteurs à se lancer en agriculture. Ainsi, les terres à valeur élevée près des grandes villes peuvent continuer de servir à la production alimentaire.
    En outre, les nouvelles formes de transfert de terres, axées sur la minimisation des dettes, permettront et encourageront la relève agricole. Il pourrait s'agir d'investissements institutionnels et à retombées sociales en vue de favoriser la transition et de protéger les terres agricoles pour les générations futures d'agriculteurs ou, encore, d'un programme d'épargne agricole partagée, financé par le gouvernement, afin d'aider les agriculteurs de la relève à épargner en prévision de leur mise de fonds.
    Parmi les autres stratégies possibles, mentionnons la création d'un programme de dons agricoles — un peu l'équivalent du Programme des dons écologiques —, dans le cadre duquel on remet des reçus pour activités de bienfaisance aux fins de l'impôt en tenant compte de la différence de la valeur des terres cultivables à la suite d'une servitude agricole.
    Par ailleurs, il faut des capitaux de démarrage et de risque, de même que des capitaux patients. Cela pourrait se traduire par des mécanismes de crédit fondés sur le profil de l'emprunteur, des subventions de démarrage et d'établissement, ainsi que des fonds d'investissement à retombées sociales.
    Les nouveaux agriculteurs ont besoin de programmes de formation et de mesures accessibles et à faible risque pour pouvoir entrer dans le secteur, faute de quoi nous perdrons les agriculteurs éventuels dès le départ. Nous pourrions notamment offrir des programmes de stage et d'apprentissage, des incubateurs d'entreprises agricoles, des programmes de formation locale et adaptée, ainsi qu'un encadrement pour le développement d'entreprises agricoles et un accès à des conseillers techniques, au besoin.

  (1240)  

    Nous pouvons permettre l'entrée de nouveaux agriculteurs grâce à la mise en oeuvre d'un régime de retraite à leur intention de sorte que les agriculteurs déjà en activité puissent céder leur ferme à un nouveau joueur ou à leurs enfants. La garantie d'une pension suffisante pour les agriculteurs signifie que ces familles n'auront pas à vendre ou à refinancer leurs terres, d'une génération à l'autre.
    Il faut accroître la souplesse des initiatives relatives au soutien agricole, au revenu agricole et à la gestion de l'offre. Dans l'état actuel des choses, les programmes et les systèmes de gestion de l'offre sont inaccessibles, inutiles et souvent prohibitifs pour les nouveaux agriculteurs.
    Madame Young, je vous demanderai de conclure. Nous avons dépassé les 10 minutes.
    D'accord.
    On compte aujourd'hui moins de 30 000 jeunes agriculteurs au Canada et, en raison du taux de déclin le plus rapide de notre histoire, de moins en moins d'agriculteurs produiront des denrées alimentaires à l'avenir. Nous devons donc encourager et appuyer, dès aujourd'hui, une nouvelle génération d'agriculteurs qui seront prêts à remplacer ceux qui prendront bientôt leur retraite. Nous devons intervenir afin de soutenir ce qui pourrait être une transition générationnelle transformatrice et dynamique. Ne laissons pas ces nouveaux agriculteurs crouler sous les dettes, car ce n'est pas ainsi qu'ils réussiront.
    Merci.
    Merci, madame Young.
    Nous passons maintenant à la période des questions, en commençant par M. Shipley. Vous avez quatre minutes.
    Madame Young, vous venez de dire quelque chose au sujet des industries qui entravent l'entrée de nouveaux agriculteurs. Vous avez parlé notamment de la gestion de l'offre. Nous venons de rencontrer ce matin des groupes qui appuient, par exemple, des familles et des personnes qui se lancent dans le domaine, et ils ont chacun un programme destiné aux jeunes débutants, que ce soit dans l'industrie de la volaille ou des produits laitiers. Je sais qu'il est facile de dire qu'ils ne peuvent pas se lancer dans le secteur agricole, mais, en réalité, c'est tout le contraire. Il y a beaucoup de nouveaux agriculteurs. Il peut s'agir de membres de la famille et, parfois, de personnes hors du cercle familial.
    Je dis toujours qu'il est difficile de se lancer en agriculture et d'acheter un terrain de 10 000 $ l'acre dans l'espoir d'obtenir un bon rendement.
    Que recommanderiez-vous comme degré de souplesse afin d'améliorer la gestion de l'offre pour les nouveaux agriculteurs?
    Nous avons écrit un article à ce sujet, et je pourrais le mettre à la disposition du Comité.
    La relève agricole existe au sein des familles agricoles, mais pour qu'un nouvel entrepreneur se lance dans l'industrie laitière, par exemple — nous avons fait une étude là-dessus —, il en coûte environ 8 millions de dollars et, en Ontario, le démarrage d'une exploitation de taille considérable nécessite des quotas de 5 millions de dollars. Il est possible de trouver des ententes de participation à la production de récoltes ou d'accéder à des quotas inférieurs à ceux du marché. Par exemple, un des agriculteurs que nous avions interrogés avait pu acheter ses quotas en Saskatchewan lors d'une enchère. C'était la première vente aux enchères de toute sa vie — et il avait 50 ans au moment de l'entrevue. Il avait pu acheter les quotas à un taux inférieur à celui du marché et il s'en était ensuite servi comme garantie d'emprunt.
    Si les agriculteurs commencent à acheter leurs quotas au plein tarif du marché et qu'ils doivent ensuite accéder à d'autres capitaux pour démarrer leur entreprise agricole, voilà qui devient prohibitif. Nous avons proposé...
    Il y a des exemples de gens qui y sont arrivés.

  (1245)  

    Absolument.
    Comme je n'ai que quatre minutes, j'aimerais passer à Heather un instant.
    Heather, vous avez soulevé plusieurs points. Nous ne profitons pas de la conjoncture favorable pour nous préparer aux jours difficiles en mettant de côté les profits réalisés. Vous avez ensuite parlé d'une étude sur la gestion des risques et les plans d'entreprise, mais la plupart des agriculteurs n'ont pas...
    Comment faire pour promouvoir une telle pratique? L'idée, c'est que nous encourageons l'inclusion d'un plan de gestion des risques. Comment vous y prenez-vous pour préparer ou appuyer les familles d'agriculteurs dont vous parlez afin qu'elles élaborent un plan d'entreprise? Nous savons que certains agriculteurs sont au fait de leurs coûts de production au jour le jour, mais, évidemment, il en a beaucoup d'autres qui ne sont pas au courant.
    Je vous remercie de cette question, qui est bien judicieuse et que nous nous posons d'ailleurs très souvent. Nous cherchons à savoir quel est le secret de la réussite.
    Ce qui nous vient à l'esprit, c'est, comme dans toute chose, la question suivante: comment faire pour changer les pratiques? En agriculture, comme dans tous les autres secteurs, on songe en quelque sorte à la méthode du bâton et de la carotte. L'étude La culture des affaires met en évidence sept pratiques: voilà votre recette du succès et voilà ce que vous pouvez obtenir comme gain financier — à vous de jouer. Tout ira pour le mieux; nous avons les statistiques pour le prouver.
    Dans le cadre de nos études, lorsque nous parlons à des agriculteurs, nous constatons qu'il y a... J'ai sous les yeux une étude menée en collaboration avec l’Institut de gestion agroalimentaire, et elle révèle que le changement de comportement est surtout attribuable aux règlements, aux prêteurs et à d'autres personnes ou, encore, aux programmes d'encouragement. Dans le cas de certains agriculteurs, disons ceux qui font partie de la tranche supérieure de 25 %, c'est parce qu'ils croient fondamentalement à l'amélioration et aux pratiques exemplaires et parce qu'ils tiennent à adopter de telles pratiques.
    Quant aux autres agriculteurs, nous devons les amener à en faire de même. La gestion d'entreprise agricole n'a pas vraiment la cote dans la rhétorique de l'industrie. Par ailleurs, le gouvernement et les établissements de prêt doivent, eux aussi, appuyer cette idée.
    Histoire d'aider notre comité, dites-nous ce que nous pourrions faire pour encourager ce genre de...
    Vous pourrez peut-être y revenir au prochain tour, monsieur Shipley.
    Serait-il possible de nous faire parvenir ce document afin que nous puissions en prendre connaissance?
    Volontiers.
    Monsieur Mark Eyking, vous avez quatre minutes.
    Merci, monsieur le président. Je suis heureux de réintégrer votre comité.
    Au cours de mes 20 ans à faire pousser des légumes au Cap Breton, j'en ai appris beaucoup sur les problèmes des agriculteurs, que ce soit au sujet des marchés ou des conditions de culture. Comme j'ai déjà fait partie de ce comité, je sais que chaque agriculteur est un cas particulier et que chacun a sa propre façon de faire de l'argent. Nous avons vu des exploitations où l'on produit des énergies de remplacement, d'autres qui ont un volet touristique. Tout cela est très complexe. Aucune n'est un modèle, mais en fin de compte, l'agriculture est une activité qui coûte cher et qui est risquée.
    J'ai deux questions. L'une d'elles concerne les coopératives. Même lorsque notre ferme est devenue plus grosse, nous avons continué d'avoir besoin des coopératives pour acheter nos produits. Nous avions notre propre magasin coopératif et nous vendions aussi nos produits à une coopérative, ce qui était très bien. Les personnes que nous fournissions étaient contentes du fait que l'approvisionnement ne tarissait pas. Pour ma première question, j'aimerais savoir comment le gouvernement fédéral peut aider à favoriser ces coopératives, surtout lorsqu'elles commencent et qu'elles ne peuvent pas se permettre tout l'équipement qu'il leur faudrait.
    Ma deuxième question concerne l'accès aux terres. Nous avions l'habitude de louer une bonne partie de nos terres. Ce qui me frustrait, c'est qu'il y avait beaucoup de gens qui possédaient de bonnes terres agricoles, mais qui n'étaient pas des agriculteurs et qui ne laissaient personne cultiver ces terres. Je sais que cela relève probablement plus des municipalités, mais y aurait-il un moyen d'encourager ces municipalités à ne pas taxer ces terres comme des terres agricoles lorsqu'elles ne sont pas utilisées pour l'agriculture?
    Ce sont mes deux questions. Comment le gouvernement fédéral peut-il encourager ces coopératives? Non seulement elles aident les agriculteurs à démarrer, mais elles aident aussi à maintenir l'endettement à un bas niveau.
    La deuxième question concerne l'utilisation des terres et la façon dont nous pourrions faire en sorte que les bonnes terres agricoles soient exploitées, que ce soit par l'intermédiaire d'une action fédérale ou d'une action municipale. Mes questions s'adressent à n'importe lequel d'entre vous.
    Si vous le permettez, je pourrais répondre à la question sur les terres, et quelqu'un d'autre pourrait répondre à celle sur les coopératives.
    Les choses varient d'une administration à l'autre. Ici, à Terre-Neuve-et-Labrador, il y a eu un moment décisif, en 1978, en ce qui concerne la propriété des terres. À cette époque, une loi a été promulguée par le gouvernement pour faire en sorte que toutes les terres de la province utilisées à des fins agricoles ne pouvaient être assujettie qu'à un bail, et que ce bail était conditionnel à ce que le locateur fasse tout ce qu'il conviendrait de faire pour exploiter la denrée pour laquelle les terres seraient utilisées.
    Nous n'avons pas constaté la moindre augmentation de la valeur des terres agricoles qui pourrait se comparer à ce qui s'est produit dans d'autres régions du pays. Nous n'aimons pas ouvrir la porte à une intervention gouvernementale d'une telle envergure, mais je crois que cet exemple illustre parfaitement comment il est possible d'exercer un contrôle, de garder tout le monde heureux et d'être en mesure d'utiliser les terres agricoles pour ce qu'elles devraient être sans en augmenter la valeur de façon immodérée.
    C'est ce que je peux vous dire du point de vue de l'endroit où je me trouve.

  (1250)  

    Vous parlez d'une situation particulière à Terre-Neuve. La plupart des terres sont des terres publiques qui sont louées aux agriculteurs, n'est-ce pas?
    Oui, c'est exact.
    Avant 1978, année où cette loi est entrée en vigueur, ces terres étaient en tenure franche. Oui, il y a beaucoup de terres dans la province, mais elles ont toutes été zonées pour l'agriculture, et ce, quelle que soit la région. Il est donc interdit à quiconque de prendre une bonne terre agricole pour construire quelque chose — des logements, etc. —, puisque les règlements de zonage n'y permettent qu'une activité agricole. C'est une autre façon d'envisager les choses, n'est-ce pas?
    Merci.

[Français]

    Madame Brosseau, vous avez quatre minutes.

[Traduction]

    Je remercie les témoins d'aujourd'hui de leurs exposés.
    Comme cela a été dit plus tôt, au cours des 10 prochaines années, il est prévu que 75 % des exploitations agricoles du Canada changeront de mains. Dans ma circonscription, il y a beaucoup de fermes laitières et beaucoup de poulet. Un grand nombre d'agriculteurs songent à la retraite et se demandent ce que l'avenir leur réserve. Beaucoup d'entre eux espéraient que la loi soit modifiée pour faciliter le transfert de leur ferme familiale à leurs enfants.
    J'aimerais vous entendre sur l'importance de faciliter ces transferts et de faire en sorte que les exploitations agricoles restent dans les familles. Lors d'une autre séance, certaines personnes ont même proposé que l'on élargisse la définition de ce qu'est une famille. Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus sur l'importance de faciliter les choses pour ces familles et pour corriger cette injustice au niveau fédéral.
    C'est une bonne question. Je connais un peu ce projet de loi. Le travail que nous faisons en ce qui concerne le transfert des exploitations agricoles est une composante essentielle de la poursuite des activités. Le procédé s'accompagne donc aussi d'une certaine planification opérationnelle.
    Nous constatons assurément la nécessité d'élargir notre façon de percevoir le transfert des exploitations agricoles pour qui soient inclus les frères et soeurs ou tous ceux que notre définition de la famille concernera. Ces transferts ne sauraient être limités aux enfants. Ils pourraient donc aussi concerner les cousins, la belle-famille et les petits-enfants. En fait, je suis contente de savoir que vos agriculteurs songent à la retraite et qu'ils en parlent, car très souvent, c'est un sujet que les agriculteurs ne souhaitent même pas aborder. J'estime donc que c'est une bonne chose.
    Lorsque quelqu'un envisage de transférer son exploitation agricole, il y a beaucoup de modèles distincts qui peuvent être suivis et de nombreuses options possibles. Selon moi, plus il y a d'options, meilleur c'est pour les agriculteurs. Pour ce qui est de savoir si l'exploitation restera dans la famille ou pas, c'est aux agriculteurs et à leur famille de décider. Cela dépendra aussi de qui est le mieux en mesure de prendre la relève et d'honorer un tel héritage.
    Il n'est pas rare que la famille souhaite reprendre les choses en main. Toutefois, certains agriculteurs n'ont pas cette option, alors il est important pour nous d'éviter de mettre tous nos oeufs dans le même panier. Je crois néanmoins que nous avons fait un travail considérable en ce qui concerne les transferts intergénérationnels au sein des familles. Nous avons travaillé énormément sur la planification des successions et nous avons constaté que ces transferts sautent souvent une génération. Ce sont les petits-enfants qui prennent la relève, car les parents se font parfois trop attendre. J'appuie sans réserve tout ce qui viserait un élargissement de la définition de la famille et qui pourrait faciliter la poursuite de l'héritage familial. J'appuie tout ce qui pourrait s'avérer judicieux pour le maintien de l'entreprise agricole.
    Madame Young, avez-vous des observations à formuler?
    J'aimerais simplement réitérer le fait que beaucoup d'exploitations agricoles vont être transférées à l'extérieur de la famille. Dans certains cas, c'est parce que les agriculteurs continuent à travailler tellement tard dans leur vie qu'au moment de prendre leur retraite, leurs enfants sont déjà grands et ils ont déjà leur propre carrière. À ce moment-là, l'agriculteur serait prêt à laisser aller sa ferme, mais il s'y accroche. Un certain nombre de personnes évoquent aussi l'impossibilité de travailler avec leurs parents, une dynamique qui peut prendre l'allure d'une lutte. Je crois que ces choses ne sont pas mauvaises en soi. Elles font tout simplement partie de la réalité. Toutefois, il est important pour ces enfants d'avoir d'autres occasions de faire de l'agriculture dans leur localité. Il faut aussi des stratégies de transfert pour le moment où cette exploitation agricole passera à d'autres mains.
    Nous avons créé une plateforme, farmlink.net, pour créer un pont entre les propriétaires de terres agricoles et les gens qui se cherchent une ferme. Nous avons en fait beaucoup travaillé avec les municipalités afin de cerner ce qu'elles pourraient faire, car elles voient ce qui est en train de se produire, notamment avec les consolidations agricoles, et elles constatent que les gens quittent la collectivité. Cela signifie que le tissu de ces collectivités rurales est en train de se désagréger.
    Elles veulent savoir comment attirer de nouveaux habitants. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de transferts d'exploitations agricoles au sein des familles, mais bien qu'il y aura d'autres personnes dans le portrait, et il existe bien des façons d'encourager cela. Je ne peux probablement pas vous en parler en détail aujourd'hui, mais disons qu'il y a des choses à faire d'un point de vue financier. Des allègements fiscaux sur les gains en capital pourraient être créés. Il faudrait aussi des mesures incitatives pour soutenir la planification de la relève. En effet, nous recevons des appels de personnes qui nous demandent de vendre leur ferme avant la fin de semaine suivante. « C'est 5 millions de dollars; trouvez-moi un nouvel agriculteur. » Ce ne sont pas des blagues. Voilà les gens qui nous appellent. En fait, ils auraient dû commencer à planifier cela il y a 10 ans, car c'est une chose qui doit se faire progressivement.

  (1255)  

    Merci, madame Young.

[Français]

    Merci, madame Brosseau.
    Madame Lockhart, vous avez quatre minutes.

[Traduction]

    Merci à tous de vos points de vue sur cette question.
    L'une des choses dont nous avons beaucoup parlé au Comité, c'est cet objectif ambitieux d'augmenter les exportations agricoles au cours des prochaines années.
    Si je vous ai bien compris, et reprenez-moi si je me trompe, nous devons mettre l'accent autant sur la gestion des exploitations agricoles que sur l'endettement. Est-ce une bonne synthèse de votre témoignage?
    Oui. De manière simplifiée, c'est ce que je soutiens.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus long à ce sujet?
    Je crois que je vais vous faire part d'une autre anecdote que j'ai entendue. C'est un fournisseur dans le domaine de la robotique qui me l'a racontée. Il m'a dit que lorsqu'il se rend dans une exploitation agricole, il est en mesure d'évaluer si la robotisation va être une réussite ou un échec juste en regardant comment l'installation est gérée.
    Diriez-vous la même chose au sujet de la croissance?
    Je crois que la gestion est une donnée fondamentale. Je suis contente que vous abordiez le sujet des exportations et de l'accès aux marchés, car lorsque l'on examine le prochain cadre stratégique — et je sais que vous avez déjà fait une étude à ce sujet —, on constate que l'accent est mis sur l'accès aux marchés, l'innovation et toutes ces autres choses, alors qu'il faut un système de base pour veiller à ce que les exploitations agricoles soient en mesure d'accéder à ces marchés ou de tirer partie des innovations afin de survivre, de durer et de croître.
    En l'absence de cette pierre d'assise qu'est une planification appropriée et compte tenu du fait que seulement 25 % des agriculteurs ont un plan de gestion d'entreprise — qui est un élément essentiel de réussite, ce qui me porte à croire que nous avons peut-être été chanceux jusqu'ici —, il est vraiment difficile d'évaluer si nous avons ce qu'il faut pour réussir. Pour nous, c'est une situation qui suscite des craintes.
    Les débouchés s'offrent aux agriculteurs qui adoptent ces pratiques, mais les choses restent difficiles, car nous ne constatons pas de soutien dans le reste de l'industrie à l'égard de la gestion d'entreprise, alors que c'est quelque chose d'aussi important que tout le reste. C'est une dichotomie remarquable, et il importe de raccorder les programmes de gestion du risque de l'entreprise à la gestion des entreprises agricoles.
    Alors, pourrait-il y avoir une disposition qui garantirait certains incitatifs aux agriculteurs qui ont recours aux programmes de gestion du risque de l'entreprise et qui peuvent démontrer qu'ils mettent en pratique cette gestion de l'entreprise agricole? Nous saurons alors qu'ils font tout ce qu'ils peuvent pour gérer les risques qui sont sous leur contrôle. De son côté, le gouvernement sera là pour les aider durant tout le temps que les risques seront présents.
    Nous aimerions que ce modèle soit mis de l'avant, et que la gestion d'entreprise soit promue en tant qu'élément essentiel du succès, de la réussite à long terme, tant pour la poursuite des activités qu'en ce qui concerne la relève.
    J'aime bien poser cette question, car nous parlons souvent de ce que nous devrions faire et de ce que nous pourrions faire.
    Qu'est-ce qui fonctionne maintenant? Quelles sont les politiques en place qui favorisent la croissance, et que devrions-nous éviter de jeter avec l'eau du bain?
    Je crois que je vais trahir mon parti pris en affirmant que l'une des choses qui, selon nous, fonctionnent très bien, c'est ceci.
    Il y a un certain processus en place pour encourager les agriculteurs à faire l'évaluation dont j'ai parlé afin d'avoir accès à... et c'est différent dans certaines provinces.
    Certaines provinces jouent d'incitatifs. Certaines sont volontaires et d'autres non, mais nous voyons un processus pour évaluer l'entreprise, établir où elle souhaite aller, prévoir où s'en va le marché et pour cerner les différentes structures comme les coopératives qui pourraient prêter main-forte à l'entreprise.
    Puis, il y a le financement pour le développement des compétences et les services consultatifs offerts aux agriculteurs. À vrai dire, les agriculteurs ne sont pas habitués à payer pour ces services, et nous nous faisons encore souvent dire des choses comme: « Pourquoi devrais-je payer pour ça? C'est à ça que servent mes impôts. »
    Je crois que là où nous faisons les choses comme il faut, c'est sur le plan de l'éducation et des mesures que nous prenons pour encourager le recours aux services consultatifs, ces services qui, je le répète, sont les pratiques exemplaires des agriculteurs. Nous reconnaissons la valeur de l'apprentissage en continu — cet apprentissage qui dure toute la vie — et de la notion selon laquelle il est normal pour un agriculteur de demander de l'aide et d'obtenir un coup de main de l'extérieur pour l'aider avec son entreprise, parce que c'est ce qui se fait dans toutes les autres industries.
    Merci.
    C'est à peu près tout le temps que nous avions aujourd'hui. Je veux remercier M. Wiseman, à Terre-Neuve. J'espère que tout ira bien pour vous là-bas, monsieur Wiseman, et merci de vous être joint à nous.
    Merci, monsieur le président.
    Madame Watson et madame Young, merci d'être venues nous voir. Je suis certain que nous aurions pu continuer à discuter un bon moment, mais notre temps est limité.
    Merci à tous.
    Nous nous reverrons jeudi prochain. La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU